Présidence
La commission entend M. Gérard Terrien, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d'enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les dépenses fiscales en matière de logement.
Je voudrais d'abord remercier la Cour des comptes d'être présente. Comme à l'habitude, nous travaillons très étroitement avec elle. Nous examinons cet après-midi la première des cinq enquêtes que j'ai demandées à la Cour, au nom de la commission, en vertu du 2° de l'article 58 de la LOLF. Je vous rappelle les autres sujets retenus qui ont fait l'objet d'une discussion et d'un choix au sein du bureau de notre commission : les sociétés d'économie mixte, rapport qui nous sera présenté le mercredi 22 mai au matin ; le bilan du transfert aux régions de la responsabilité de la gestion des fonds de cohésion en France, qui nous sera présenté le mercredi 22 mai après-midi ; les investissements informatiques de la direction générale des finances publiques et de la direction générale des douanes et des droits indirects ; la réserve opérationnelle de la gendarmerie et de la police.
Venons-en immédiatement aux dépenses fiscales en matière de logement. Il y a déjà eu des articles de journaux qui sont parus. C'est pourquoi je vous rappelle la procédure, qui a évolué avec le temps et avec un certain pragmatisme. Après des échanges avec le président Migaud, nous sommes convenus, une fois le rapport reçu, d'examiner s'il n'y a pas d'éléments qui pourraient prêter à une difficulté particulière ou qui, en tout cas, nous interrogent. Si ce n'est pas le cas, nous le diffusons.
Auparavant, le rapport de la Cour des comptes était diffusé très tardivement, quasiment la veille de l'audition, ce qui ne permettait pas aux commissaires d'en prendre connaissance. Nous le diffusons donc aujourd'hui quelques jours après l'avoir reçu, après en avoir informé la Cour des comptes. Elle le met alors en ligne à ce moment-là. Car, à partir du moment où le rapport est diffusé à toute la commission, c'est comme s'il était déjà tombé dans le domaine public…
Qu'il y ait aujourd'hui des articles de presse à peu près à chaque fois qu'un rapport est mis en ligne veut bien dire, d'ailleurs, que les sujets arrêtés par nous-mêmes et discutés avec la Cour sont des sujets qui intéressent, en ce qu'ils sont suffisamment précis et couvrent suffisamment de matière pour donner lieu à des débats et discussions. C'est bien le cas pour ce sujet sur les dépenses fiscales en matière de logement.
Je veux d'abord remercier mes collègues, qui ont fait ce travail, ainsi que les administrations avec lesquelles nous avons beaucoup échangé dans le cadre de la procédure contradictoire. Je remercie aussi, évidemment, les députés qui ont porté cette demande d'enquête.
Nous avons effectué ce travail dans le cadre d'une commande initiale qui visait à examiner le poids financier des dépenses fiscales au regard des dépenses budgétaires dans le secteur du logement. Il s'agissait de voir dans quelle mesure ces mesures contribuent ou non aux politiques qu'elles sont censées accompagner ou promouvoir, d'évaluer la capacité de l'État à les piloter et à les préparer, à les chiffrer et à les évaluer, à les contrôler et à mesurer leurs effets, en les comparant à d'autres moyens d'actions. Nous sommes livrés à cet exercice dans le cadre des éléments de cadrage, soit la période courant de 2012 à 2018.
Il y avait des travaux antérieurs, particulièrement ceux de la commission Guillaume, auxquels nous avons fait référence. Nous avons essayé d'actualiser les travaux que nous avions pu produire sur toute cette période. Des investigations nouvelles ont été conduites, s'agissant particulièrement du contrôle.
Les dépenses fiscales concernées sont seulement celles liées à l'habitation principale. Nous avons par ailleurs exclu l'outre-mer, car nous avons une enquête en cours en ce moment sur toute la question du logement outre-mer. Par ailleurs, il est vrai que la défiscalisation outre-mer remplit d'autres fonctions qu'en métropole.
Pour présenter une première synthèse, je ferai le constat d'une accumulation de mesures sur la période. Non moins de 66 dépenses fiscales ont joué sur ce secteur du logement, qui représente à peu près 20 % de l'ensemble des dépenses fiscales supportées annuellement par le budget de l'État, pour un coût estimé l'an dernier à 18 milliards d'euros environ. Ces dépenses fiscales sont principalement concentrées sur le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat, mais on en trouve aussi dans sept autres programmes budgétaires. Dans le programme 135, on recense 50 dépenses fiscales. D'autres s'inscrivent dans les programmes d'aide à l'accès au logement, d'impulsion et de coordination de la politique d'aménagement du territoire, de la politique de la ville…
Ces dépenses touchent un grand nombre d'impôts : non moins de six catégories. Les deux principaux sont la TVA et l'impôt sur le revenu, mais elles concernent également l'impôt sur les sociétés, les impôts locaux et les droits d'enregistrement et de timbre.
La place du logement dans les dépenses fiscales est un sujet d'intérêt régulier pour la Cour des comptes. Ces dernières années, nous y avons travaillé à l'occasion d'un rapport sur la politique du logement en Île-de-France, ou encore de publications sur le développement des aides à la personne ou sur le crédit d'impôt en faveur du développement durable. C'est un sujet que nous revoyons chaque année, à l'occasion des notes d'analyse de l'exécution budgétaire. La Cour y avait consacré des développements dans son rapport sur l'exécution et les perspectives des finances publiques de 2017, ainsi que dans le rapport sur le budget de l'État de 2018.
Si ce sujet revient régulièrement, c'est parce que 20 % de l'ensemble des dépenses fiscales représentent une somme colossale et que, sur la longue durée, on constate une sorte de renonciation progressive à la maîtrise de cette catégorie de dépenses fiscales. Nous avons essayé d'analyser les difficultés inhérentes à ces mécanismes en les répartissant en sept rubriques, qui reprennent autant d'enjeux ou d'exigences de gestion.
Un élément de synthèse ressort : le Parlement l'a déjà écrit plusieurs fois, et cela a été souligné régulièrement : on n'arrive pas à démontrer que ces dépenses jouent un rôle moteur, et surtout un rôle maîtrisé, dans la politique du logement. Leur impact n'est en tout cas pas à la hauteur des pertes de recettes fiscales qu'elles engendrent.
Parmi les sept points-clefs qui vont dicter le déroulement de ma présentation, le premier est celui de la conception. Il paraît impératif de l'améliorer : on s'aperçoit en effet que ce dispositif résulte d'une sédimentation, qui s'est produite et étalée sur des dizaines d'années, et qu'il manque une vision d'ensemble. Certaines dépenses sont anciennes : un tiers ont été conçues il y a plus de vingt ans, pour la plupart sans limitation de durée. Ce sont donc des dépenses fiscales « éternelles ».
Elles ont en général deux origines : les deux tiers sont d'origine gouvernementale et le troisième tiers est d'origine parlementaire, par voie d'amendements. Or, cette sédimentation et cette fragmentation nuisent à la cohérence des objectifs.
Nous en avons donné une illustration. L'une des cibles visées était les propriétaires occupants. Or on s'aperçoit que, si l'on additionne l'ensemble des mesures de 2012 à 2018, les aides fiscales dont ils bénéficient ont diminué de 29 %, tandis que les propriétaires bailleurs ont vu les leurs augmenter de 65 %. Il apparaît donc bien que ce n'est pas la traduction d'un choix de politique publique, mais plutôt la résultante de mécanismes qui s'additionnent, s'accumulent et manquent désormais de vision d'ensemble.
Il faut être conscient du fait que la création d'une dépense fiscale est rarement précédée d'une réflexion sérieuse sur la moins-value de recettes qui en résulte, ou sur des mesures alternatives qui permettraient de satisfaire les objectifs visés. En matière de logement, toute dépense fiscale devrait répondre à un objectif précis, être précédée d'une étude d'impact et d'une estimation chiffrée, et avoir une durée limitée, afin que le Parlement puisse régulièrement réexaminer son intérêt et sa pérennité.
Telle est notre première recommandation : borner dans le temps les dépenses fiscales en faveur du logement. Cela nous paraît important si l'on veut que le Parlement en ait vraiment la maîtrise. Nous recommandons ainsi de soumettre leur renouvellement à évaluation. Pour toutes celles qui, aujourd'hui, ne sont pas bornées, nous recommandons de fixer progressivement une échéance, de loi de finances en loi de finances.
Le deuxième point important est celui du chiffrage. Il nous paraît nécessaire qu'il progresse en qualité. Actuellement, en projet de loi de finances, un grand nombre de dépenses ne sont pas chiffrées, ou sont chiffrées sans que le Parlement ne dispose d'informations relatives à l'assiette, à la collecte des données ou à la méthodologie de compilation. On s'aperçoit en effet que le montant global affiché en loi de finances sous-estime le volume réel des dépenses fiscales en faveur du logement.
Ainsi, la loi de finances pour 2019 fait ressortir les écarts avec les données chiffrées du projet de loi de finances pour 2017. On s'aperçoit que les conditions de chiffrage ne sont pas remplies, de sorte qu'elles compromettent la pertinence de la contrainte de plafonnement adoptée dans la dernière loi de programmation des finances publiques (LPFP). Cette contrainte ne joue donc qu'assez faiblement.
Il y a donc des difficultés réelles d'estimation. C'est pourquoi il devrait être logique d'estimer le coût d'une dépense ex ante, plutôt qu'ex post. C'est la préconisation que nous avons avancée auprès des administrations concernées. Il nous paraît aussi cohérent et important que, lorsqu'une dépense n'est pas chiffrable et que son effet n'est pas évalué, ou bien lorsqu'elle n'est pas significative, le Parlement se saisisse du problème. Il serait en effet cohérent de réfléchir alors à la suppression éventuelle de la dépense concernée, l'objectif étant de ne conserver que celles qui ont des effets économiques et sociaux avérés.
Tel est l'objet de notre deuxième recommandation : programmer la suppression des dépenses fiscales en matière de logement quand leur efficacité ou leur efficience n'est pas démontrée et quand il n'y a pas d'évaluation. Même si une comparaison avec les pays étrangers est toujours difficile, force est de constater que nous sommes le pays du monde qui compte le plus grand nombre de dépenses fiscales. Les États-Unis, par exemple, ont assez peu de dépenses fiscales en matière de logement, même si elles sont massives. C'est le cas aussi aux Pays-Bas : cela n'empêche pas que la part des dépenses fiscales dans le PIB y soit aussi élevée qu'en France, voire plus élevée.
J'en viens à mon troisième point : la présentation des dépenses fiscales dans le projet de loi de finances. Certes, il nous paraît qu'il y a eu des progrès en termes de présentation des dépenses fiscales. Nous les avons soulignés. Les documents de présentation progressent en qualité, qu'il s'agisse du tome II des Voies et moyens du projet de loi de finances, des projets annuels de performances ou du « jaune » budgétaire spécifique. La difficulté réside dans le fait qu'ils ne sont pas toujours très intelligibles ni très cohérents entre eux, et qu'ils ne constituent pas des évaluations. On y mentionne, par exemple, que l'exonération d'impôt sur les sociétés des organismes de logement social, dont la mesure présente, selon l'administration, une fiabilité plutôt bonne, bénéficie à un nombre de contribuables durablement inconnu, même s'il est cernable. Il en va de même de l'imputation sur le revenu global des déficits commerciaux supportée par des loueurs en meublé : le nombre de bénéficiaires n'en est pas connu, non plus que son montant chiffré, du moins pour plusieurs années.
Il nous paraît donc nécessaire que les documents budgétaires présentent des informations complètes et actualisées, non seulement sur le chiffrage et sur la méthode employée, mais aussi sur les objectifs, sur les données constitutives et sur les méthodes utilisées pour évaluer les impacts.
Nous formulons de nouveau une recommandation afin d'améliorer la présentation des documents budgétaires annexés au projet de loi de finances, de les rendre plus lisibles, plus complets et plus à jour, en expliquant les méthodes de chiffrage qui ont été utilisées et qui servent aux travaux de la direction de la législation fiscale (DLF), de la direction du budget, ou encore de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP).
J'en viens à mon quatrième point : le pilotage des dépenses fiscales. Il nous paraît pouvoir être largement amélioré. Il y a eu pourtant un progrès sensible au début de la décennie, à savoir l'institution des conférences fiscales. Ce point nous paraît positif, comme nous le soulignons clairement dans le rapport. Malgré tout, les résultats restent perfectibles, car ils ne sont pas encore totalement probants. Souvent, ces conférences fiscales n'aboutissent pas à des solutions très conclusives, aussi bien en termes de maîtrise des coûts, qu'en termes de cohérence entre dépenses budgétaires et dépenses fiscales ou qu'en termes de fusion de dépenses fiscales. Un point majeur est que le responsable du programme n'a pas de prise sur ces dispositifs. C'est particulièrement vrai en matière de logement, qu'il s'agisse de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature ou de la DHUP.
Comme vous le soulignez chaque année dans les rapports budgétaires, ces dépenses fiscales représentent parfois jusqu'à deux tiers des crédits des programmes, et s'apparentent de plus en plus à des dépenses de guichet. Il n'y a donc pas de moyens, pour le responsable du programme, en cours d'année, d'en infléchir les modalités de mise en oeuvre. Je rappelle qu'il s'agit aussi de dispositifs extrêmement instables dans le temps ; c'est particulièrement vrai de toutes les aides fiscales à l'investissement locatif, qui ne sont pas stables dans la durée : c'est évidemment un point de fragilité.
C'est pourquoi il nous paraît très important que les conférences fiscales évoluent encore, pour devenir un instrument non pas de rationalisation, mais de préparation de la rationalisation. Il faut qu'elles puissent préparer les arbitrages en matière de dépenses fiscales sur la base de l'évaluation de leur efficience.
Notre cinquième point d'attention a trait à la mesure des effets des dépenses fiscales. C'est un élément essentiel, bien sûr, pour en justifier l'utilité. Or la mesure des effets économiques et budgétaires des dépenses fiscales est très souvent le fruit d'une démarche empirique. On a retrouvé très peu d'analyses de la mesure qui soient faites de façon solide, consolidée et, surtout, un peu scientifique.
Il est vrai que peu d'objectifs quantitatifs – voire aucun – sont fixés au moment de la création de la mesure. On dispose rarement d'indications sur le nombre et la localisation des logements construits, ou sur les prix des loyers sur un territoire qu'il serait nécessaire d'atteindre. En outre, on observe des effets indésirables qui sont parfois supérieurs aux avantages des dépenses fiscales : absence d'impact sur la modération des loyers ou sur les coûts de construction, des risques inflationnistes, inefficacité du ciblage, captation par des tiers… À ce propos, d'ailleurs, on souligne que l'article 68 de la loi de finances pour 2018 avait prévu un encadrement des commissions des professionnels dans le cas du dispositif « Pinel ». Or le projet de décret qui a été testé l'an dernier n'a toujours pas été adopté. Enfin, il y a également des effets d'aubaine.
Par ailleurs, on s'aperçoit que les données qui devraient être disponibles n'existent pas toujours, ou qu'elles ne sont pas partagées. Il n'y a parfois pas d'informations collectées, parce que les déclarations fiscales ne sont pas élaborées pour pouvoir être remplies de manière utile. Et, quand il y a des données collectées, on s'aperçoit qu'il est assez compliqué pour l'administration fiscale de transmettre de façon satisfaisante les données aux administrations concernées. Sur ce point, il y a eu quelques avancées et quelques progrès récents, mais il faut continuer, d'où notre recommandation suivante : améliorer la collecte, le partage et l'exploitation des informations utiles. Ce dossier a reçu un accueil plutôt positif, aussi bien de la direction du budget que de la direction générale des finances publiques (DGFiP), de la DLF ou encore de la DHUP. Seul l'attachement de l'Institut national de la statistique et des études économiques au secret statistique peut poser problème, mais cela ne devrait pas trop soulever de difficulté.
Notre sixième point d'attention porte sur le contrôle des contreparties, puisque ces dépenses en sont souvent assorties : des dossiers sont à remplir pour vérifier que les conditions sont réunies. Or ce contrôle des contreparties est très compliqué. Sans accabler l'administration fiscale, il faut constater qu'il lui est difficile, pour ne pas dire impossible, de vérifier si la localisation du logement est respectée, si les plafonds de loyer sont respectés sur des durées longues, si les plafonds de ressources sont respectés. À quoi cela est-il dû ? D'abord, il y a un très grand nombre de dépenses fiscales ; elles sont complexes ; elles sont dispersées, elles sont d'une durée très longue. Souvent, les données ne sont disponibles qu'en début de dossier, au moment de l'attribution initiale ; ensuite, elles sont beaucoup plus difficiles à vérifier. Nous comprenons donc bien que l'administration fiscale n'a pas pour but d'aller examiner chacune de ces mesures pour chercher tous les éléments qui pourraient manquer.
Dans un encadré du rapport, nous mentionnons que l'administration fiscale pratique souvent des contrôles qui sont assez efficaces, mais qui restent des contrôles assez formels. Ainsi, la Cour a pu constater que la réalité des contreparties ne donne actuellement pas encore lieu à de simples tests de cohérence. Il est vrai aussi que, souvent, les dossiers ne sont pas établis pour que ces tests puissent avoir lieu. D'où la recommandation que nous formulons : renoncer éventuellement aux mécanismes et aux dépenses fiscales en faveur du logement dont l'administration n'a pas les moyens de contrôler effectivement les contreparties. Il faut préférer un système beaucoup plus simple, moins compliqué à gérer, et qui ne laisse pas supposer qu'on contrôlera les contreparties. Nous relevons également, à cet égard, des effets négatifs en termes de perception du système fiscal par les contribuables.
Notre dernier point d'attention porte sur l'évaluation. Elle est prévue par la loi organique, mais reste la grande absente. On dispose tout au plus de quelques évaluations ponctuelles, réalisées, de manière vraiment marginale, au niveau de la direction régionale d'Île-de-France ou, en Occitanie, sur le dispositif « Censi-Bouvard ». Mais les travaux d'ensemble sont très peu nombreux. On s'aperçoit ainsi que les évaluations restent insatisfaisantes. Les administrations centrales mettent en avant l'absence de moyens humains et l'absence de méthode. Point positif, le Trésor s'est porté volontaire pour aider à bâtir une méthode d'évaluation plus fiable, ce qui nous paraît une bonne idée.
On s'aperçoit également qu'on a souvent recours à des évaluations conduites par des fédérations professionnelles, souvent intéressées à la pérennisation de la mesure concernée. La direction du budget et d'autres directions ont évoqué la possibilité de mobiliser les corps d'inspection, voire d'associer des experts indépendants, comme cela se fait sur certains dossiers.
Quoi qu'il en soit, il nous paraît très important que ces évaluations approfondies, rigoureuses et objectives des principales dépenses fiscales en faveur du logement, qui font toujours défaut, soient programmées d'ici la fin de la législature. Nous défendons l'idée que, sur la période de la LPFP, se développe progressivement une évaluation des principales dépenses fiscales les plus significatives en faveur du logement. Ce schéma de progrès pourrait être assez facile à atteindre.
En conclusion, il nous paraît important d'essayer de réfléchir à la sorte d'accoutumance à ce système de dépenses fiscales qui s'est installée, et qui est excessive, particulièrement en matière de logement. Ces dépenses fiscales dépassent en effet les dépenses budgétaires, sans que leurs effets économiques et sociaux soient démontrés, et au prix d'une perte de recettes significative pour l'État. S'il fallait combler cette perte de recettes par des recettes nouvelles équivalentes, cela créerait une pression fiscale nouvelle.
Nous sommes certes conscients de ce que ces dépenses ont une dimension centrale dans la politique du logement. Dans la plupart des montages actuels d'opérations de logement importantes, il n'y en a pas qui n'associe pas tous ces dispositifs. Mais ce qui est quelque peu gênant, c'est le manque de maîtrise de ces instruments, et notamment le manque de maîtrise de leur caractère efficient.
Il nous paraît donc essentiel, face aux difficultés auxquelles sont objectivement confrontées les administrations concernées, de procéder à une rationalisation assez profonde du dispositif. Il faut qu'il soit possible, sur la base de données objectives, d'évaluer l'efficience des mesures, avant de se prononcer sur leur maintien, leur aménagement ou leur suppression, sur la base de critères publics et transparents.
Je veux seulement préciser que les modalités et les sujets qui ont été abordés ont été retenus à l'issue d'un travail mené en commun entre la Cour, d'une part, et Véronique Louwagie et François Jolivet, d'autre part.
Avant de leur donner la parole, je ne poserai que deux questions, sans doute assez simplistes. La conférence fiscale dont vous avez parlé constitue-t-elle, à votre avis, une réalité ? Elle couvre en effet un bloc de dépenses assez homogène, même si l'on retrouve parfois, à l'intérieur des choses de nature très différente. Mais pensez-vous qu'elle a, au fond, atteint son objectif ? Ces conférences fiscales ont été instituées il y a six ou sept ans. Est-ce que cette conférence en particulier joue son rôle, ou bien ne s'agit-il que d'une procédure supplémentaire ?
Le bloc de dépenses fiscales en cause est cohérent dans ses objectifs, mais il ne l'est pas du tout dans sa déclinaison, puisqu'il comporte quelque 66 mesures. On dit souvent que la suppression d'une niche fiscale représente une augmentation d'impôts, et on a souvent raison ; pensez-vous pouvoir chiffrer les conséquences qu'aurait une suppression assez massive de ces niches fiscales ? Il s'agit tout de même de 18 milliards d'euros ! Vous soulignez le manque d'évaluation, mais on a le sentiment que, si il n'y avait pas de dépenses fiscales, cela ne changerait pas grand-chose à la politique du logement.
S'il y avait des niches à supprimer, lesquelles, selon vous, faudrait-il supprimer ? Quelles conséquences aurait cette suppression sur l'économie générale du logement ? Elle pourrait conduire à une augmentation de la fiscalité, mais ce pourrait être une question de volume plus que de taux ; cela pourrait avoir des effets bénéfiques, à terme, sur le marché du logement, en le rendant plus fluide et moins artificiel. Alors que tant de gens sont mécontents de la politique du logement et que c'est un secteur qui coûte très cher, il y a probablement un travail à mener.
Dans ce contexte, la simple idée que la suppression d'un certain nombre de niches aboutirait seulement à une augmentation d'impôt est une idée qui se heurte peut-être à une réalité plus complexe qu'il n'y paraît.
Monsieur le président de chambre, monsieur le conseiller maître, madame la rapporteure, je vous remercie pour cette présentation. Je présente chaque année le rapport sur l'application des mesures fiscales et je vois que nos constats sont convergents. Je remercie également nos collègues François Jolivet et Véronique Louwagie d'avoir participé à ce travail et mis ce débat à l'ordre du jour.
Vous l'indiquez dans votre rapport, les constats sont connus. Pourtant, rien ne change… Les difficultés que vous soulignez sont tout à fait conformes à celles que nous éprouvons presque quotidiennement, surtout à l'automne, non pas en raison du rougeoiement des feuilles, mais quand il s'agit d'aménager, de manière plus ou moins substantielle, des dispositifs fiscaux en faveur du logement, sans disposer des éléments permettant d'apprécier les conséquences, budgétaires et économiques, de ce que nous votons, voire, pire, en sachant parfois que nous étoffons ou prolongeons des dispositifs coûteux, dont l'efficacité n'est pas démontrée et dont certains ne sont absolument pas pilotés !
Lors de contrôles sur pièces et sur place, lorsque nous demandons certains documents, soit les administrations mettent du temps à nous les fournir, soit nous sommes obligés d'aller les chercher, soit ils n'existent pas puisqu'aucun instrument d'évaluation n'a été mis en place ! Le troisième cas de figure est le pire, et le plus frustrant.
Je constate avec satisfaction que vos recommandations rejoignent nos préoccupations, s'agissant notamment du chiffrage des dépenses fiscales et de l'identification des bénéficiaires. Lors du dernier projet de loi de finances, nous avons lancé une première démarche d'identification de certaines dépenses fiscales non évaluées ou représentant une dépense dite « epsilonesque » en vue de leur suppression – sans ciblage sur le logement. Rappelons que certaines dépenses individuellement epsilonesques – 2 euros par ménage par exemple – peuvent, additionnées, être très coûteuses pour le budget de la Nation…
Nous avons donc demandé au Gouvernement d'évaluer ou de préciser les documents qui sont à la disposition des parlementaires d'ici le prochain budget, faute de quoi rien ne s'opposerait à la suppression de ces dépenses fiscales. Cette démarche rejoint votre recommandation n° 2.
En tant que parlementaires, nous n'avons que peu de prise sur la mise en oeuvre de vos recommandations, mais nous pouvons toutefois décider ou soutenir la réalisation de trois d'entre elles. La première, dont je viens de parler, est la recommandation n° 2 : la suppression des dépenses non efficientes ou non évaluées. Pour autant, actuellement, quand nous tentons de les supprimer en première lecture du projet de loi de finances, nous nous rendons parfois compte en nouvelle lecture qu'elles touchent en réalité beaucoup de bénéficiaires – mais l'étude d'impact était mal ou non renseignée…
La deuxième est la recommandation n° 5 : le bornage dans le temps de toutes les dépenses fiscales dont la durée n'est actuellement pas limitée et le conditionnement du renouvellement de celles qui sont bornées à une évaluation. J'ai tenté de la mettre en oeuvre cette année pour certaines dépenses relatives à la culture, avec un succès extrêmement limité. Cela fait rire certains de mes collègues car les joutes se sont tenues après 4 heures du matin. Je suis très heureux de constater que nous partageons le même objectif et je pense récidiver l'année prochaine !
La troisième est la recommandation n° 6 : la renonciation aux dispositifs dont l'administration n'est pas en mesure de contrôler effectivement les contreparties imposées aux bénéficiaires.
Dans ce contexte, l'identification des bénéficiaires dans les tomes II des Évaluations des voies et moyens est-elle fiable ? J'ai le sentiment que ce n'est pas le cas…
Avez-vous recueilli des éléments indiquant quelle est la méthodologie utilisée pour déterminer le nombre de bénéficiaires, en particulier quand la collecte des informations par déclaration n'est pas possible ? S'agit-il de bénéficiaires théoriques ou de bénéficiaires effectifs ?
Enfin, comment pallier les lacunes qui existent aujourd'hui en matière d'analyses économiques permettant d'évaluer précisément les effets des dispositifs fiscaux sur le prix ou le volume des logements des logements, par exemple ?
Je remercie les membres de la Cour pour leur contribution à notre réflexion. Je fais partie de ceux qui craignent le gouvernement des juges ; mais j'apprécie le travail d'analyse qui challenge les esprits – et notamment celui des parlementaires ! – et surtout qui ose balayer les habitudes de gestion publique parfois destinées à préserver la zone de confort de quelques agents publics et ministères.
Normalement, une dépense fiscale, c'est d'abord un renoncement à l'impôt pour l'État. Si les débats parlementaires peuvent expliquer pourquoi ces dépenses fiscales ont été créées, ce n'est pas toujours le cas. En outre, il s'agit parfois d'amendements du Gouvernement, déposés en séance sans étude d'impact préalable… Or toute dépense devrait obéir à un triptyque : concevoir, évaluer, mais avant tout exposer l'objectif recherché. Quel processus – y compris parlementaire – faudrait-il imaginer pour que le Parlement puisse légiférer en toute connaissance de cause ?
Comme l'a dit notre excellent rapporteur général, l'accès aux données est une vraie difficulté. S'agissant du logement, le Trésor – donc le ministère du budget –, le ministère en charge du logement et celui en charge de l'environnement sont compétents. Quand nous interrogeons les ministères compétents au fond, nous n'avons aucune réponse. Nous ne savons pas où sont construits les logements « Pinel » ou ceux financés par des prêts locatifs intermédiaires. Nous ne savons pas non plus où les contribuables ont fait le plus de travaux d'isolation ou d'amélioration de la performance du chauffage de leur logement.
Grâce au dispositif « Pinel » – je rends hommage à sa créatrice sur ce point – nous disposons enfin d'un début de doctrine sur la notion de dépense fiscale, avec un plafond de ressources, des plafonds de loyers et donc une mission d'intérêt général. Malheureusement, c'est actuellement très peu contrôlé. La doctrine ne se traduit donc pas dans les faits… Or je crois beaucoup à la politique par la preuve. Comment faire en sorte que la coordination interministérielle soit renforcée, afin de ne plus avoir, d'un côté, les ministères compétents au fond affirmant que l'annexe Voies et moyens leur attribue 18 milliards d'euros quand le Trésor, de l'autre côté, réaffirme régulièrement « les budgets, c'est ma chasse gardée » ? Comment accentuer l'arbitrage interministériel et l'animation ? Est-ce d'ailleurs une bonne chose que les niches fiscales soient gérées par le ministère en charge des fonctions supports qu'est le ministère de budget ?
Vous proposez de borner les niches fiscales qui ne le sont pas. Je rappelle aux commissaires qu'à l'unanimité, nous avions proposé en commission la suppression d'une niche fiscale, que l'Assemblée nationale l'avait également votée à l'unanimité et, finalement, quand le texte est revenu du Sénat, les petits chiens étaient sortis en alertant sur une possible remise en cause de la politique de l'accueil. Finalement, nous sommes revenus sur cette décision. Nous devons donc avoir quelques certitudes avant de borner une niche fiscale. Sinon cette anecdote se répétera et les niches perdureront… Comment fait-on pour borner ? Que faut-il inventer dans le bloc normatif français pour que l'État évalue véritablement ces niches ?
Quand je confronte les annexes Voies et moyens des projets de loi de finances pour 2019 et 2018, les montants des niches fiscales sont identiques au centime près. Est-ce de la chance ou une absence d'évaluation ? Parfois, ils sont même « non connus » ! Que pensez-vous de cette présentation des niches fiscales au Parlement ? On ne les évalue manifestement pas ; on ne dit pas la vérité aux parlementaires, peut-être par manque de moyens. Cela ne va pas dans le sens démocratique que nous souhaitons tous et qu'attendent nos concitoyens.
Je vous remercie pour ce travail. Le constat est sévère et le rapport à charge. Cela m'amène à quelques remarques concernant notre travail : nous devons être plus précis, plus pointus, plus attentifs et plus exigeants envers les informations qui doivent nous être fournies.
Certains points du rapport sont édifiants, notamment l'absence de chiffrage de six dépenses fiscales dans la loi de finances pour 2019 pour un montant exécuté de 2,3 milliards d'euros en 2017. Ce n'est pas anodin… En outre, les montants exécutés de nombreuses mesures, réparties sur huit programmes, dépassent largement les montants estimés.
Vous avez raison, il est inadmissible que le Parlement ne dispose que d'une information parcellaire sur les dépenses fiscales. Les annexes au projet de loi de finances sont abusivement intitulées « rapport d'évaluation ». Vous donnez un exemple : les évaluations de l'impact du taux réduit de TVA sur les travaux d'entretien datent de 2004, et il est consternant de se rendre compte qu'elles ont été réalisées par deux fédérations professionnelles directement intéressées par la pérennisation de l'avantage fiscal.
Au-delà de l'évaluation, c'est toute la chaîne qui doit être revue. On ne peut évaluer que si les études d'impact présentent des objectifs clairs et précis.
S'agissant de la recommandation n° 5 – le bornage dans le temps des dépenses fiscales, qu'on pourrait d'ailleurs étendre à d'autres dispositifs –, avez-vous une idée approximative de la durée qui pourrait être retenue ?
Votre recommandation n° 2 propose la suppression des dépenses fiscales dont l'efficacité n'aurait pas été démontrée et de celles non chiffrées et non évaluées. Mais ne court-on pas le risque que le Gouvernement refuse de nous communiquer une évaluation pour supprimer une dépense fiscale ? Enfin, comment améliorer le pilotage, notamment en associant mieux les services déconcentrés de l'État ?
Je salue la qualité du travail présenté. Je reviendrai sur deux points. D'une part, l'évaluation et le chiffrage des dépenses sont considérés comme déficients puisqu'il existe un écart entre ce qui est voté en projet de loi de finances et l'exécution, ce qui entraîne une très mauvaise information des parlementaires. Comment améliorer cette information ?
D'autre part, par rapport à la France, l'Allemagne a un secteur immobilier accessible et bon marché. Or, des prix de l'immobilier bas permettent de libérer du capital pour financer l'économie productive. Nos dépenses fiscales ne poussent-elles pas à la hausse les prix de l'immobilier, tout en orientant l'épargne vers ce secteur au détriment de l'investissement productif dont nos entreprises ont tant besoin ? À votre connaissance, existe-t-il une corrélation entre la fluctuation des prix du marché immobilier et l'investissement productif des Français ?
Monsieur le président de la cinquième chambre, monsieur le conseiller maître, madame la rapporteure, je vous remercie pour ce rapport pertinent. Ma collègue a employé le terme « sévère », je dirai plutôt « intéressant » car le rapport met en lumière un problème que nous avions tous identifié, mais il nous manquait certaines clefs de lecture. Mme Louwagie a raison, une estimation fiscale erronée de 2,3 milliards sur une année n'est pas anodine, notamment dans un contexte de restrictions budgétaires. Cela manque de crédibilité et de sérieux !
Vous évoquez la notion d'objectifs quantitatifs – j'ajouterai qualitatifs. Effectivement, quand l'État investit un euro, quel est l'effet de levier, comment fonctionne-t-il et sur quel territoire ? Il est essentiel que nous disposions de ces données. Mais les administrations françaises, l'administration fiscale notamment, ne savent pas fixer des objectifs. Je le dénonce chaque année : nous avons le plus grand mal à mesurer l'effet des politiques publiques.
Ainsi, dans le logement, plus on dépense d'argent, moins c'est efficace ! Il manque toujours des données, mais surtout énormément de logements sociaux. Après votre présentation, on se demande s'il n'est pas urgent de faire marche arrière. Ne faut-il pas laisser faire le marché – je n'y crois pas trop – ou peut-être trouver un système équilibré avec un véritable effet de levier ? Selon vous, quels seraient les bons critères qualitatifs et quantitatifs d'évaluation ?
Je vous remercie pour ce rapport éclairant – comme toujours – qui porte un regard sévère sur les dispositifs et dépenses publiques en matière de logement mais, au-delà, un regard encore plus sévère sur le rôle du législateur et sa mission d'évaluation des politiques publiques : dispositifs non évalués – ni avant ni après – dépenses non chiffrées et effets indésirables non mesurés. C'est inquiétant, mais ce n'est pas nouveau ! Dans le cadre de nos rapports spéciaux, nous avons tous déjà été confrontés à des difficultés d'évaluation et de chiffrage précis des dispositifs publics.
Rappelons que, pour la seule année 2018, ces dépenses fiscales représenteraient 18 milliards d'euros – environ 20 % du budget alloué par l'État à l'ensemble des dispositifs fiscaux. Pour quoi, pour qui ? Impossible de le dire précisément. Pire encore, ces dépenses sont sources d'iniquité puisqu'elles profitent de manière croissante aux propriétaires bailleurs publics ou privés – + 5 % entre 2012 et 2018 –, alors que celles au bénéfice des propriétaires occupants, notamment les plus modestes, ont diminué de 29 % sur la même période.
Le tableau dressé dans ce rapport remet en cause l'efficience et l'utilité même de la plupart des dépenses fiscales puisque, selon vous, l'État doit renoncer aux mécanismes et aux dépenses fiscales en faveur du logement, dont l'administration n'est pas en mesure de contrôler effectivement les contreparties attendues des bénéficiaires. Vous préconisez de « programmer la suppression des dépenses fiscales en matière de logement dont l'efficacité et l'efficience n'ont pas été démontrées et, en l'absence d'évaluation, de proposer la suppression des mesures non chiffrées ».
Même si ce n'est pas politiquement correct, je partage en tous points ces recommandations. Toutefois, ne craignez-vous pas – justement parce que nous manquons de moyens d'évaluation – que nous supprimions des dispositifs qui sont ou pourraient être efficaces mais dont nous sommes incapables de démontrer l'efficacité ?
Par quels moyens concrets et combien de temps faudrait-il, selon vous, pour analyser précisément ces aides avant de décider de leur suppression ?
Je remercie la Cour et nos collègues pour le travail réalisé. La Cour des comptes a dénombré soixante-six dépenses fiscales en faveur du logement rattachées à huit programmes budgétaires différents et affectant six des neuf grandes catégories d'impôts. Ces dépenses représentent près de 20 % de l'ensemble des dépenses fiscales supportées annuellement par le budget de l'État entre 2002 et 2018, pour atteindre 18 milliards d'euros l'année dernière.
Évidemment, ce n'est pas rien. Si le coût est important, c'est surtout l'efficacité de ces mesures qui m'interroge. Pour ne prendre qu'un exemple, celui de la lutte contre la précarité énergétique, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on n'avance pas assez vite dans ce domaine, compte tenu des dégâts sociaux et des conséquences en matière de santé ou d'éducation pour les familles mal logées et mal chauffées. De même, d'un point de vue écologique, le logement représente plus de 40 % des consommations d'énergie et 20 % de la production de gaz à effet de serre. Les enjeux économiques ne sont pas non plus négligeables pour l'économie de proximité et les métiers du bâtiment.
Cette lutte contre les logements énergivores est pourtant freinée par deux réalités : nos concitoyens n'enclenchent pas les travaux car le reste à charge est trop élevé pour les propriétaires occupants et le retour sur investissement insuffisant pour les bailleurs publics – ils ne paient pas les factures énergétiques.
Cet exemple illustre bien comment nos concitoyens confrontés au mal-logement se perdent dans la jungle de dispositifs à l'efficacité douteuse et des différents guichets. Il me semble urgent d'agir autrement : j'en ferai la proposition au Président de la République lors de sa rencontre avec les élus des Hauts-de-France vendredi.
En outre, certains dispositifs fiscaux lourds, comme le dispositif « Pinel » pour les logements neufs, ont d'importantes conséquences territoriales. Les particuliers investisseurs habitant dans les zones détendues n'investissent plus sur leur territoire, mais dans les territoires tendus proches pour des raisons fiscales. Nous souhaiterions que la Cour mesure cet impact territorial.
Enfin, le rapport indique aussi que les dépenses fiscales imputées sur les recettes des impôts locaux et remboursées partiellement aux collectivités territoriales ont augmenté de 16 % entre 2012 et 2018. Ce constat interroge : ainsi, le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties de longue durée est supporté à 97 % par les collectivités d'implantation des habitations à loyer modéré (HLM), pour environ 413 millions d'euros en 2017. Le montant global de cette exonération pèse sur les collectivités à forte concentration de logements sociaux – notamment de logements récemment construits.
Ce rapport est pertinent, mais il nous invite surtout à agir vite, au regard des impacts sociaux et territoriaux de cette politique.
Merci pour votre étude, qui présente tous les dysfonctionnements des politiques fiscales en matière de logement, et surtout cet éparpillement dont on a du mal à évaluer l'impact et, partant, l'intérêt. Je me demande quelle est l'efficacité de ce type de politique sur la politique du logement, dans la mesure où elle ne résout visiblement pas le problème du mal-logement, ni n'allège le poids du logement dans le budget des ménages, sans parler de ceux qui n'ont pas de logement du tout. Pour un ménage, la part du logement est passée de 10 % à 15 % de son budget à 30 % à 35 % parfois dans les zones tendues. L'investissement privé, qui est privilégié par ces mesures fiscales, répond-il vraiment à ces problèmes ? Je ne le crois pas. Par ailleurs, de telles mesures bénéficient souvent aux foyers les plus aisés : 25 % des foyers disposant du dispositif « Pinel » ont des revenus compris entre 71 000 et 151 000 euros, ce qui ne représente que 2,6 % des ménages. Ces mesures permettent un investissement privé, certes, sans que cela ne règle en rien les problèmes du mal-logement ou des passoires énergétiques. Quelle est la proportion de ces dépenses fiscales par rapport aux aides directes de l'État ? Comment a-t-elle évolué ?
Tout le monde est d'accord pour améliorer la collecte des données, afin de mieux évaluer. Rappelons que ces administrations ont subi une baisse considérable de leurs effectifs avant 2012. Certaines directions manquent considérablement de moyens humains pour faire ce travail. Il me semble qu'il faudrait commencer par améliorer le système d'évaluation avant de supprimer des dépenses fiscales, ce qui ne serait pas sans risques pour l'économie et l'emploi.
Si les dépenses fiscales liées au logement sont évoquées, comme à chaque fois, on oublie de regarder et d'évaluer les recettes qu'elles induisent – TVA, impôt sur les sociétés, taxes foncières ou cotisations sociales. La politique du logement rapporte de l'argent.
Plus que le nombre des dispositifs, que vous évaluez, c'est la diversité du secteur du logement qu'il faut prendre en compte, et bien voir que, selon les segments auxquels on s'adresse – accession à la propriété, bailleurs sociaux, investissement privé ou institutionnel – l'accompagnement n'est pas le même. Je m'accorde, en revanche, avec vous sur la nécessité de revoir le pilotage de la politique du logement pour la décentraliser et la territorialiser.
La Cour des comptes interprète mal, à mon sens, le dispositif d'investissement locatif. Elle critique le manque de données tout en se montrant, non sans paradoxe, très péremptoire sur le zonage, les loyers et le volume de production. Or on a constaté une augmentation du nombre de mises en chantier ces dernières années, notamment dans les zones tendues, ce qui prouve l'efficacité de cette politique.
La Cour oublie que l'investissement locatif est beaucoup plus encadré que les précédents dispositifs – plafond de ressources du locataire, plafond du loyer et zonage répondant à une tension dans la production de logement intermédiaire. Ce zonage pourrait sans doute être revu, compte tenu de l'évolution démographique et de certains services, des zones qui n'étaient pas tendues le devenant et inversement.
Enfin, je note un biais dans l'analyse de coût pour les finances publiques de l'investissement locatif et du logement social, coût rapporté à la durée de l'engagement de location alors que la comparaison ne tient pas entre un logement HLM et un logement privé. C'est oublier que l'augmentation de la production facilite les parcours résidentiels et, partant, les fluidifie, ce qui était l'un des objectifs de ces dispositifs.
Merci pour cet excellent rapport. L'évaluation des dispositifs fiscaux est d'autant plus incertaine qu'ils s'accumulent depuis quarante ans. Leur pertinence conjoncturelle, dans un contexte de pénurie persistante d'offre de logements accessibles, se perd dans les méandres de réponses souvent faites au coup par coup. Que la Cour des comptes insiste pour rendre plus lisible leur efficacité est légitime. Reste une question : que substituer aux dispositifs fiscaux abandonnés pour maintenir des financements à la hauteur de besoins croissants ? En trente ans, le poids des mesures fiscales dans l'ensemble des aides est passé de 18 % à 40 %, alors que les aides aux producteurs de logements ont baissé, en passant de 54 % à 16 %, et que les dépenses fiscales ont augmenté de 5 % pour les propriétaires bailleurs et baissé de près de 30 % pour les propriétaires occupants. Cela signifie que les aides fiscales se sont substituées aux subventions, en particulier dans le logement locatif social.
Ne pensez-vous pas que le moment d'un rééquilibrage des aides qui concourent au financement des investissements est venu, afin de concentrer les dépenses fiscales sur des objectifs bien ciblés, comme la transition énergétique, le coeur des villes déclinant, l'accession sociale ou les territoires ultramarins ? Par ailleurs, le rapport n'aborde pas la question de l'impact des dépenses fiscales concernant les collectivités territoriales – je pense aux exonérations de taxes sur le foncier bâti ou au remboursement partiel pour les collectivités. Quelles recommandations pourriez-vous formuler à ce sujet ?
Ma question sera toute simple. À la page 11 du rapport, la Cour recommande de « renoncer aux dépenses fiscales dont l'administration n'est pas en mesure de contrôler effectivement les contreparties attendues des bénéficiaires » (recommandation n° 6). Un peu plus loin, à la page 12, elle « recommande d'élaborer un programme pluriannuel d'évaluation. Sous réserve que les objectifs recherchés aient été clairement définis et quantifiés et que la capacité de les mesurer soit garantie, ces évaluations permettraient de chiffrer les effets obtenus ; en attendant, elle préconise de réduire le nombre des dépenses fiscales en supprimant celles qui ne sont pas chiffrées etou dont l'efficience paraît insuffisante ou non démontrée. » Quelles sont ces dépenses fiscales et que représentent-elles en volume ?
Merci pour ce rapport riche, sévère et, par certains côtés, prudent. Je ne crois pas que l'on puisse déduire de l'augmentation de la production de logement dans des zones tendues l'efficacité de la dépense fiscale. La vraie question, c'est de savoir si cette production aurait augmenté sans elle. Prenons garde à ne pas inverser les choses. Sur les 18 milliards d'euros, 7 milliards relèvent de l'impôt sur le revenu ; 40 % de ces 7 milliards sont fléchés vers les propriétaires occupants et 60 % vers les propriétaires bailleurs. Vous constatez qu'il se produit un désengagement fort au détriment des propriétaires occupants, notamment les plus modestes. Comment cette proportion, qui semble s'être inversée au cours du temps, s'explique-t-elle ? Jugez-vous que certaines dépenses fiscales sont moins inefficaces que les autres ?
Mes questions, qui concernaient la nécessité de réaliser une évaluation et l'estimation du risque inflationniste que représentent ces mesures fiscales, ont été posées par mes collègues.
Le nombre de vos questions témoigne de l'intérêt de notre rapport. La Cour des comptes ne se prononce pas pour ou contre les aides fiscales en matière d'investissement privé locatif. Depuis 1984, neuf mesures ont été prises dans ce domaine. Ce qu'il faudrait, par exemple, c'est réexaminer à l'aune de la situation actuelle du logement chacune des dispositions fiscales sur ce sujet.
Les conférences fiscales représentent un progrès. Elles permettent d'améliorer la qualité du débat, lors de l'examen des projets de loi de finances. Il serait peut-être utile de communiquer leur rapport au Parlement, qui pourrait ainsi être informé des sujets abordés et des positions de chacun.
En aucun cas, nous n'évoquons une suppression massive des dépenses fiscales. Nous imaginons plutôt un toilettage. Certaines mesures ont été prises il y a soixante ans ! À la page 48, nous évoquons un certain nombre de dépenses, de même qu'à la fin du rapport, en annexe. Il faudrait, au cours d'un travail de longue haleine, reprendre chacune d'entre elles.
S'agissant de l'identification des bénéficiaires dans le tome II des Voies et moyens, les données que vous avez sont celles dont l'administration dispose. Malheureusement, je ne pourrai pas vous en dire plus. La méthodologie est pour le moins sommaire : souvent, les données de l'année précédente sont reconduites, sans que personne ne se pose la question.
Pour ce qui est des lacunes de l'analyse économique, il est certain que l'on n'analyse pas l'impact d'une dépense fiscale concernant le développement durable de la même façon qu'une dépense fiscale générale d'exonération de l'impôt sur les sociétés. La direction générale du Trésor est prête à aider le Parlement à travailler sur ce sujet.
Supprimer les dépenses fiscales contribuerait à faire augmenter l'impôt. Pour créer des dépenses fiscales qui répondent à leur objectif, nous en revenons à l'étude d'impact. Une bonne étude d'impact permet, en général, d'analyser ce à quoi on va renoncer. Nous évoquons ce point à un moment du rapport, en matière d'amélioration de l'habitat. À la demande du Parlement, nous avons fait un rapport sur le programme « Habiter mieux », piloté par l'Agence nationale de l'habitat, qui repose sur un système de guichet ciblé et efficace pour certains publics qui en ont particulièrement besoin. Parfois, revenir vers des dépenses budgétaires de guichet avec des montants moins importants peut être très efficace.
La coopération interministérielle pour l'accès aux données s'améliore. Quant à savoir pourquoi ce sont la DLF et la direction du budget qui ont la haute main sur l'ensemble du dispositif, c'est au ministère des finances de vous répondre. La logique de l'arbitrage budgétaire et de l'arbitrage fiscal est globale.
Pour ce qui est de l'amélioration du bornage, vous y contribuez régulièrement et en débattez à chaque loi de finances. Il faut repartir de l'ensemble du dispositif et repeigner les mesures fiscales une à une, en se demandant si elles sont bornables. La bonne limite est néanmoins difficile à cerner : parfois elle sera de deux ans, parfois de trois ou de cinq. Le rapport intègre une liste de dispositions relatives à des opérations précises limitées à un temps très précis dans des zones très précises.
S'agissant des dépenses fiscales non efficientes et non chiffrées, il nous paraît logique de nous poser la question de leur maintien.
Il nous paraît également évident de mieux associer les services extérieurs de l'État. Quelques directions régionales ont fait des travaux : celle d'Île-de-France, en matière de dépenses fiscales en faveur du développement durable ; celle de Languedoc-Roussillon, qui avait, à l'époque, fait des travaux sur le financement de l'investissement privé locatif, avant le dispositif « Pinel ». Elles révèlent une connaissance fine des territoires et de l'impact des dépenses fiscales. Tous ces éléments précis disparaissent au niveau central et ne peuvent plus être repérés.
Madame la présidente, pour cerner les meilleurs critères de définition des objectifs quantitatifs, il faut peut-être approfondir les études d'impact et anticiper ces critères dans la loi qui sera soumise à votre vote.
Nous n'avons, en effet, pas préconisé la suppression unilatérale des dépenses fiscales, loin de là. Leur premier avantage est leur facilité et leur rapidité de mise en oeuvre, à un coût nul pour le budget des administrations. Nous avons constaté, en matière de logement, qu'un dispositif de dépense fiscale n'est pas un outil de pilotage, à moins d'entrer dans un niveau de détail et de complexité qui risque de remettre en cause son efficacité même. Il suffit de voir toutes les difficultés que vous avez rencontrées pour obtenir les rapports sur le sujet, quand vous avez voulu sectoriser le zonage. C'est qu'ils ne sont pas si simples à faire.
Concernant le rythme et la manière de mener la revue de dépenses, le dernier rapport massif réalisé par l'administration est le rapport Guillaume, datant de 2011. Il a été fait sur environ une année, en mobilisant l'Inspection générale des finances et d'autres inspections. Ce qui manquait à ce rapport, c'était la mobilisation des directions de métiers et de leurs inspections. En les mobilisant, il serait possible de passer en revue, sur une période courte, l'ensemble des dépenses et de vous proposer les critères selon lesquels elles pourraient être évaluées.
Le bornage figure dans la loi pour toutes les nouvelles dépenses. En revanche, le stock n'est pas borné. Il faut introduire de l'équité entre ces mesures fiscales et toutes les doter d'un bornage adapté.
Il nous paraît indispensable que vous exigiez des évaluations, comme vous le faites déjà. Malheureusement, vous en avez exigé certaines qui ne vous ont pas été transmises : en conséquence, le dispositif a été prorogé. Comme vous le disiez, à supprimer une dépense sur laquelle on n'aurait pas d'information, on risque de faire pis que mieux. Ces évaluations sont indispensables. Je ne vais pas vous apprendre à faire respecter la loi. Dans la mesure où c'est vous qui les avez demandées, il faut bien qu'elles vous soient transmises, d'une façon ou d'une autre.
En poussant les administrations à évaluer, vous les inciterez à travailler ensemble. Nous avons obtenu de la part du Premier ministre que des fichiers soient échangés entre la DGFiP et la DHUP. Pour autant, nous n'avons pas encore cette culture du travail en commun. Collecter des chiffres pour vérifier que l'impôt est bien payé, ce n'est pas la même chose qu'en collecter pour vérifier qu'une politique correspond aux objectifs fixés. Il est nécessaire de travailler ensemble. Nous sommes sur le bon chemin ; mais il faut accélérer.
Enfin, nous avons l'intime conviction que les dépenses fiscales ne sont pas un outil de pilotage. Une dépense fiscale peut permettre d'injecter des crédits dans un secteur économique ou d'alléger les impôts d'une catégorie de contribuables ; mais, en matière de logement, nous avons constaté qu'elles n'étaient pas un outil de pilotage.
Je voudrais apporter un complément au sujet du bornage et de l'évaluation, et de l'ordre dans lequel on procède – M. Jolivet a dit qu'il faut des certitudes pour borner. S'agissant des évaluations, le véritable enjeu porte sur les moyens et les priorités que l'on donne à l'administration. Elle est occupée à traiter d'autres priorités, et on ne se met donc pas autour de la table pour évaluer. On ne fait pas non plus de collecte des données. Or c'est important : il faut savoir analyser les données, certes, mais on doit commencer par les collecter d'une manière extrêmement fiable.
Une éclairante enquête sur place a été réalisée pendant plusieurs jours au sein d'un centre d'impôt pour les particuliers, dans une banlieue parisienne où l'on trouve plutôt des contribuables à hauts revenus. Nous avons demandé au service des impôts concerné de nous fournir un échantillonnage de dossiers – une trentaine – que nous avons examinés dans le détail, sur plusieurs années. Pour ce qui est des profils sociologiques, il ne s'agissait ni des plus hauts revenus, ni des bas revenus – quel serait l'intérêt, en effet, d'un crédit d'impôt si l'on ne paie rien au titre de l'impôt sur le revenu ?
Nous avons échangé avec toutes les strates de ce service des impôts. Les plus « cash » ont été les contrôleurs. Ils nous ont dit que ces dispositifs sont du pain bénit parce qu'ils sont compliqués. On sait où chercher, et il est évident que l'on va trouver quelque chose. Il faut préciser que les dossiers étudiés ne correspondaient pas à des situations de redressement fiscal – ou alors dans une infime minorité de cas – mais plutôt à des rectifications, sans remise en cause de la bonne foi du contribuable. Ce que nous avons constaté, c'est qu'il y a une très grande complexité de ces dispositifs, même s'ils améliorent au fil du temps – ils sont de plus en plus simples à utiliser.
En ce qui concerne la déclaration complémentaire de revenus n° 2042, il faut savoir que le dispositif « Scellier » représente 47 lignes différentes et 108 cases où l'on peut donner une information. Ce sont autant de possibilités de se tromper. Tout est parfaitement formulé, quand on lit avec attention ; pour un contribuable lambda, néanmoins, avoir à reporter tantôt un neuvième d'une réduction d'impôt et tantôt un neuvième de l'investissement est une source potentielle d'erreurs.
Parmi les vingt-neuf dossiers que nous avons examinés dans le détail – nous avons éliminé certains d'entre eux, qui nous paraissaient un peu hors normes –, neuf ne comportaient pas d'erreurs de report. Les autres ont donné lieu à des rectifications – ce n'était pas des erreurs graves. Quand les contrôleurs nous disent que c'est du pain bénit pour eux, on comprend pourquoi.
Dans 10 % des cas, on a constaté une utilisation de ce que l'on appelle la « mention expresse » : on remplit sa déclaration d'impôt, mais on joint une question écrite sur les renseignements à apporter. Il y a donc un véritable enjeu sur le plan de la complexité. Et je ne parle même pas des trois dossiers pour lesquels les contribuables avaient fait appel à des conseils rémunérés, mais se sont quand même fait prendre par l'administration fiscale.
Il existe une très forte probabilité de trouver des erreurs de report, qui ne font pas l'objet d'un contrôle automatisé. L'administration fiscale ne peut pas le mettre en place, en raison du principe de la déclaration.
On observe que cette question devient l'axe unique du contrôle de l'administration dans ce type de dossiers. Dans ces conditions, quid du locataire ? Regarde-t-on ce sujet ? Non, il est le grand absent du contrôle. Sur la trentaine de dossiers que nous avons examinés, plus de la moitié ne contenait aucune information sur le locataire. On ne connaît pas ses revenus, ni le loyer qu'il paie. Quant à l'autre moitié des dossiers, seule la situation du premier locataire était indiquée, alors que ce sont des dispositifs pouvant durer neuf ans. Si le locataire part au bout d'un an, on n'a donc plus aucune information.
Ce contrôle sur place nous a paru assez éclairant : on se rend compte que des contribuables se trompent de bonne foi et que l'on ne sait pas s'il y a tricherie ou respect des contreparties prévues. Il y a un gouffre, un trou noir.
Je voudrais relayer des questions de notre collègue Jean-Paul Mattei, qui n'a pas pu être parmi nous.
Le Gouvernement a évoqué une réforme du dispositif de zonage. Ne pensez-vous pas qu'il pourrait y avoir des effets pervers liés aux modifications fiscales visant à corriger les carences que vous avez évoquées dans votre rapport ? Il ne faudrait pas que le recentrage du « Pinel » dans le périmètre couvert par le dispositif « Denormandie » pour les territoires « Action coeur de ville », ou par des opérations de revitalisation de territoire, conduise à rediriger les flux d'épargne vers des réhabilitations au détriment des programmes neufs. Nos territoires ont besoin des deux.
Avez-vous pris en compte le fait que ces aides contribuent à dynamiser le secteur immobilier, qui est porteur d'emplois dans les territoires ?
Enfin, la Cour recommande de renforcer la place des investisseurs institutionnels dans la construction et la location de logements privés. Selon nous, cela ne peut remplacer l'incitation fiscale visant à faire en sorte que des particuliers investissent dans la pierre.
Je ne vais pas surenchérir après ce qu'a dit Sylvia Pinel, qui en sait beaucoup plus que moi sur cette question. Je rappellerai simplement que le dispositif portant son nom a relancé efficacement le secteur du bâtiment.
Votre rapport est un jeu de massacre – il n'y a pas d'autre terme. Je retiens deux recommandations : réaliser une évaluation des dépenses fiscales et programmer la suppression de celles qui paraissent inutiles. Excusez-moi, mais c'est le moins que l'on puisse faire.
Le marché du logement est complexe, non uniforme, et il est donc un peu normal qu'il y ait cette construction sédimentaire dont vous parlez.
Je ne voudrais pas que ce soit un énième rapport qui reste sans suite. Nous attendons du Gouvernement qu'il réalise un bilan précis de tous ces dispositifs, qu'il nous fasse des propositions claires, avec des objectifs simples : relancer la construction, peut-être ; aller dans le sens du développement durable en matière de logement, sans doute ; accentuer la cohérence territoriale, peut-être aussi.
Je le répète : il ne faudrait pas que ce rapport ne serve à rien.
Je suis un peu étonné d'entendre dire que l'on n'arrive à savoir combien de logements ont été construits grâce au dispositif « Pinel ». Nous en parlerons en off, s'il le faut. On sait qui en a bénéficié, en tout cas on doit pouvoir le savoir avec un peu de bonne volonté. Je ne dis pas que c'est votre faute, mais l'administration sait.
S'il y a un bug dans le dispositif, il suffit de demander au contribuable d'indiquer l'adresse du logement. Quand on ne veut pas trouver la solution, on ne la propose pas ! Il suffit de dire : si vous voulez bénéficier du dispositif « Pinel », vous devez indiquer l'adresse. Sinon, c'est que l'on ne veut pas savoir. Je précise que je viens de l'administration fiscale...
J'aimerais que la Cour des comptes fasse, un jour, un rapport expliquant combien la politique du logement coûte et combien elle rapporte. C'est le chiffre important. Elle coûte peut-être 40 milliards d'euros, mais si elle rapporte, comme on le dit, 80 milliards, c'est assez différent. Si l'on peut obtenir 80 milliards d'euros en dépensant 40 milliards, on doit le faire. Il faudrait avoir un rapport présentant l'équilibre des dépenses et des recettes afin de consolider les chiffres qui circulent.
En ce qui concerne la réforme des dispositifs de zonage, je ne peux évidemment pas répondre à la place du Gouvernement. Ce que nous mettons en lumière est qu'il est important de réfléchir à la cohérence des dispositifs de zonage et surtout à une certaine pérennité. La question des changements est importante. L'instabilité des dispositifs, qui est souvent dénoncée, joue en matière de dépenses fiscales. On le voit bien : en début d'année, les cabinets de conseil refont des formations pour leurs clients et leur demandent à nouveau des honoraires, en leur expliquant que les dispositifs dont ils bénéficient ont évolué.
Nous n'avons pas dit que cette politique n'ait pas dynamisé le secteur immobilier. Seulement, nous n'arrivons pas à le mesurer. Permettez-moi de vous renvoyer à des travaux réalisés en Occitanie : on voit bien qu'il y a une redynamisation dans certains secteurs, mais on n'arrive pas à faire une évaluation fine sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi il nous paraît important que des études soient menées.
Quant à savoir si la politique en faveur du logement rapporte plus qu'elle ne coûte, je n'ai pas d'éléments, mais c'est vrai pour à peu près toutes les politiques publiques. Nous ne le contestons pas. La vraie difficulté est d'arriver à un chiffrage précis.
La simplification est aussi un message que nous essayons de faire passer dans le rapport. Une dépense fiscale configurée comme une dépense de guichet, avec 47 colonnes à remplir, est génératrice d'incertitudes pour le contribuable. Cela occasionne une certaine insécurité pour lui et cela n'aide pas le dispositif à être efficace. Dans la plupart des autres pays, les dépenses fiscales sont simples et assez automatiques. Ce ne sont pas des dépenses fiscales de guichet.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 26 mars à 17 heures
Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Francis Chouat, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Nadia Hai, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Cendra Motin, Mme Sylvia Pinel, M. François Pupponi, Mme Sabine Rubin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. M'jid El Guerrab, M. Alexandre Holroyd, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Philippe Vigier
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Marie Sermier
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