Jeudi 11 juillet 2019
La séance est ouverte à onze heures vingt.
Présidence de M. Serge Letchimy, président de la commission d'enquête
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La commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat, procède à l'audition de Mme Laurence Eslous, inspectrice générale des affaires sociales, et de M. Jean-Bernard Castet, inspecteur des finances, co-auteurs du rapport « La création d'un fonds d'aide aux victimes de produits phytopharmaceutiques » remis en janvier 2018 par une mission de l'inspection générale des finances (IGF), de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).
Mes chers collègues, avant de passer à l'audition suivante, je salue la présence parmi nous de Mme la ministre George Pau-Langevin.
Nous allons maintenant entendre Mme Laurence Eslous, inspectrice générale des affaires sociales, et M. Jean-Bernard Castet, inspecteur des finances, co-auteurs d'un rapport intitulé « La création d'un fonds d'aide aux victimes de produits phytosanitaires », qui est assez épais.
Madame, monsieur, je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle, pour votre information – et pour plus de transparence –, que l'audition est enregistrée et diffusée en direct sur le site de l'Assemblée nationale, avec la possibilité de consulter la vidéo en différé.
Les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires imposent aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».
Mme Laurence Eslous et M. Jean-Bernard Castet prêtent successivement serment.
Nous avons été missionnés le 25 avril 2017 par le directeur de cabinet de la ministre des affaires sociales et de la santé, par la directrice de cabinet du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et par le directeur de cabinet du secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics pour effectuer une mission relative à la préfiguration d'un dispositif d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Cette mission a été confiée à trois corps d'inspection : le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des finances. Quatre personnes membres de ces corps d'inspection ont été missionnées : Pierre Deprost, inspecteur général des finances, aujourd'hui empêché pour des raisons de santé, Mme Laurence Eslous, inspectrice générale des affaires sociales, M. Xavier Toussaint, du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, désormais à la retraite, et moi-même, au titre de l'inspection générale des finances.
Je tiens à préciser que la mission s'est déroulée entre les mois de juin et décembre 2017 et que j'ai été amené à quitter mes fonctions d'inspecteur des finances en août 2017. J'ai donc travaillé sur le cadrage initial de la mission, mais pas sur ses conclusions.
La mission s'inscrivait dans un contexte particulier : elle faisait suite au dépôt au Sénat, en juillet 2016, d'une proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques. Cette proposition de loi faisait elle-même suite à une mission d'information sénatoriale sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement, menée en 2012 et présidée par Nicole Bonnefoy.
Nous avons, pour effectuer la mission, utilisé plusieurs techniques d'investigation. Tout d'abord, la mission a réalisé de nombreux entretiens avec les services concernés des ministères signataires de la lettre de mission – que j'ai précédemment cités – et du ministère de la transition écologique et solidaire. La mission a également bénéficié de l'éclairage de nombreux juristes des ministères en charge de l'agriculture et de la santé. Par ailleurs, la mission s'est déplacée à Caen pour échanger avec les scientifiques en charge de l'étude de cohorte sur l'agriculture et le cancer (AGRICAN), qui est citée dans le rapport, afin de collecter des éléments concernant la prévalence des pathologies citées dans une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) portant sur les agriculteurs, qui a fait autorité. Le champ de notre mission était en effet centré sur les utilisateurs des pesticides et sur les expositions professionnelles à ces produits, comme le précisait la lettre de mission.
Par ailleurs, la mission a rencontré des associations de victimes des produits phytopharmaceutiques, des acteurs de l'Union des industries de la protection des plantes, ainsi que les représentants de syndicats agricoles. Elle s'est également déplacée à Bordeaux, où elle a rencontré les représentants de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et de l'agence régionale de santé. Elle a contacté la caisse régionale de la Mutualité sociale agricole (MSA) et examiné des dossiers administratifs de demandes de prise en charge de victimes dans le cadre du régime agricole d'accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP) et dans le ressort territorial des caisses de MSA de Bourgogne, Lorraine et Nord-Pas-de-Calais. La mission a également auditionné les principaux gestionnaires de fonds comparables, à savoir le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) et le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN). Par ailleurs, la mission a contacté les correspondants agriculture et santé de plusieurs pays européens, afin de réaliser un parangonnage sur le sujet à partir d'un questionnaire. Voilà quelques éléments concernant le cadrage de la mission.
Je vais prendre la suite en ce qui concerne les conclusions auxquelles la mission est arrivée : comme vient de vous l'indiquer Jean-Bernard Castet, il n'a participé qu'aux premières investigations, qui ont lieu jusqu'en juillet. Les trois autres membres de la mission ont poursuivi leurs recherches en septembre et en octobre, puis ont rédigé le rapport en novembre. En décembre, les différents processus de relecture qualité, interne aux inspections, ont eu lieu. Enfin, en janvier, le produit a été diffusé aux ministres commanditaires.
Après avoir investigué les dispositifs actuels d'indemnisation – soit, pour l'essentiel, les dispositifs de sécurité sociale de couverture des maladies professionnelles –, après avoir sollicité des scientifiques et avoir fait, comme l'a dit Jean-Bernard Castet, le tour des fonds d'indemnisation existants et en avoir tiré des principes susceptibles de servir de guides en cas de création d'un fonds d'indemnisation spécifique, la mission a proposé, dans la cinquième partie du rapport, différents scénarios possibles, comme l'y invitait la lettre de mission.
Le premier scénario envisagé, vu comme un scénario socle, porte sur l'amélioration de l'indemnisation dans le cadre des régimes accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP), en réponse aux constats effectués par la mission dans la deuxième partie du rapport. Ce scénario vise plusieurs objectifs. Le premier est d'améliorer l'évolutivité des tableaux des maladies professionnelles, pour qu'ils soient plus à jour au regard des expertises scientifiques. Pour porter son appréciation sur ce point, la mission s'est référée à l'expertise collective de l'INSERM de 2013, déjà citée par Jean-Bernard Castet. Comme vous l'aurez constaté, la mission ne comptait aucun expert scientifique, car notre rôle n'était pas de cet ordre. Nous nous sommes en revanche entretenus avec des experts scientifiques pour savoir quelle était la bonne source sur laquelle nous appuyer, en l'état des connaissances au moment de la mission. En l'occurrence, c'est l'expertise de l'INSERM qui a guidé les recommandations de la mission.
Le premier scénario vise également à améliorer l'égalité de traitement entre les victimes professionnelles. Il s'agit, d'abord, de garantir l'égalité entre les exploitants agricoles et les salariés agricoles. En effet, s'il existe des tableaux de maladies professionnelles en lien avec les pesticides pour ces deux catégories de population, les niveaux de réparation sont différents. L'égalité de traitement passe, ensuite, par une meilleure articulation entre les différents régimes de sécurité sociale. Ainsi, il a semblé à la mission que le fait de relever de différents régimes ne devait pas faire obstacle à l'existence d'une couverture des risques à ce titre. En particulier, un exemple a été souvent donné : celui du salarié d'une usine de production d'herbicides, qui relève du régime général et, de ce fait, n'a pas accès à l'indemnisation, puisque celle-ci découle des tableaux de maladies professionnelles du régime agricole.
Enfin, dans ce scénario, nous proposons de mener des campagnes d'information, qui sont nécessaires pour faire baisser le non-recours aux droits. En effet, les droits sont mal connus – non seulement par les victimes, mais également par les médecins amenés à intervenir dans le processus de reconnaissance de maladie professionnelle.
Les autres scénarios, numérotés de deux à sept, sont quant à eux présentés dans l'hypothèse où les pouvoirs publics souhaiteraient créer un fonds d'indemnisation. Ils se distinguent les uns des autres par trois variables. La première concerne les pathologies couvertes : il s'agirait d'étendre le champ des pathologies couvertes actuellement par les tableaux de maladies professionnelles des régimes agricoles, et ce en cohérence avec l'expertise délivrée par l'INSERM en 2013.
La deuxième variable est le champ des populations couvertes. L'idée est d'étendre la population cible à indemniser au-delà du périmètre du régime accidents du travail – maladies professionnelles. Cette extension vise notamment les proches et les enfants victimes du fait de l'exposition professionnelle de leurs parents, pour lesquels l'expertise collective de l'INSERM fait état d'une présomption forte de causalité en ce qui concerne certains cancers ou malformations. Les retraités, qui ne bénéficient plus du régime accidents du travail – maladies professionnelles, alors même que les pathologies peuvent mettre un certain temps à apparaître, seraient eux aussi visés par cette extension du champ.
La troisième variable qui guide les différents scénarios est le niveau de la réparation. Deux options ont été présentées par la mission, avec des chiffrages différents, dépendant de l'ampleur de la réparation, celle-ci étant soit forfaitaire, soit intégrale.
Pour finir, la mission a tenté, comme le lui demandait la lettre de mission, d'estimer les dépenses en fonction des différents scénarios. À cet égard, il est essentiel de noter, comme la mission l'a indiqué, que les chiffrages avancés sont des ordres de grandeur destinés à guider les pouvoirs publics, que des difficultés méthodologiques importantes ont été rencontrées et que le nombre de sources était réduit.
Vous venez de nous présenter sommairement les conclusions de votre rapport ; je souhaiterais que vous alliez plus avant. Dans l'introduction du rapport, vous indiquez : « Le cas particulier du projet de loi relatif aux conséquences de l'usage du chlordécone dans les Antilles françaises n'a pu être examiné. » En quoi le cas du chlordécone représente-t-il un problème fondamentalement différent de celui qui existe pour les autres produits phytopharmaceutiques ayant fait des victimes ? Les conclusions de votre rapport sont-elles transposables au chlordécone ? Peut-on séparer la prise en charge des victimes agricoles de celle des victimes environnementales ? Faut-il prévoir un dispositif d'indemnisation spécifique pour le chlordécone, ou peut-on imaginer un fonds chargé d'indemniser les victimes de tous les produits phytopharmaceutiques ?
S'agissant de ce que nous avons indiqué dans l'introduction du rapport au sujet du chlordécone, à savoir que le « projet de loi » n'avait pas pu être examiné par la mission, je commencerai par vous présenter nos excuses, car il s'agissait évidemment d'une coquille : nous faisions référence à la proposition de loi de Victorin Lurel et Olivier Faure déposée en 2017. Il se trouve que la lettre de mission était datée du 25 avril 2017, comme l'a rappelé Jean-Bernard Castet. Or la proposition de loi relative aux conséquences de l'usage du chlordécone et aux modalités d'indemnisation, qui entrait dans le champ de la mission, était postérieure à cette date, puisqu'elle avait été déposée le 10 mai. Elle n'avait donc pas été spécifiquement évoquée dans la lettre de mission. En revanche, bien évidemment, au fur à mesure de ses investigations, la mission a eu connaissance de la proposition de loi et, en dépit du décalage de calendrier initial, nous avons essayé d'examiner la proposition de loi. Malheureusement, étant donné le calendrier de nos travaux, cela n'a pas été possible, même si notre intention, au début, était bien de le faire.
Cela dit, nous n'avons en aucun cas exclu le chlordécone de nos travaux. Dans la mesure où ces derniers portent sur l'ensemble des produits phytopharmaceutiques pouvant être à l'origine de pathologies, le chlordécone en fait naturellement partie. Cela m'amène à répondre à votre question concernant la possibilité de transposer nos travaux au chlordécone. C'est tout à fait possible puisque, je le répète, celui-ci n'en a pas été exclu. Nous n'avons eu à aucun moment des indications nous poussant à exclure le chlordécone du sujet. Toutefois, nous étions limités par le champ de notre mission, lequel était centré sur les utilisateurs professionnels des produits phytopharmaceutiques. Nous n'avons donc pas traité de la question spécifique des victimes environnementales. D'une part, le point de départ de la mission était antérieur à la proposition de loi. D'autre part, comme vous le verrez, les considérations étaient plutôt d'ordre financier et se plaçaient dans la perspective des expositions professionnelles – c'est d'ailleurs, je pense, la raison pour laquelle le Conseil général de l'environnement et du développement durable n'était pas partie à la mission : la dimension environnementale n'était pas présente dans la lettre de mission qui nous avait été adressée, à l'exception de la question des familles et des riverains, à laquelle la mission s'est efforcée de répondre, dans la limite de ses moyens.
Je suis moi-même l'auteure d'une proposition de loi concernant l'indemnisation des victimes du chlordécone, déposée en janvier de cette année et soutenue par le groupe Socialistes et apparentés. J'ai étudié votre rapport, et vous félicite d'ailleurs pour sa qualité. Nous nous sommes penchés sur votre travail pour formuler nos propositions concernant un fonds d'indemnisation. Votre rapport préconise, pour les professionnels, de ne pas faire dépendre la prise en charge par le fonds d'une reconnaissance antérieure par le régime AT-MP. En effet, dans le cas contraire, les retraités ne seraient pas couverts. Il propose également, pour les autres personnes, de se limiter aux proches – les enfants, y compris ceux qui ont été exposés in utero, et les conjoints, notamment ceux qui ont participé au travail agricole –, mais de ne pas inclure les victimes environnementales. En outre, le rapport de la mission évoque les riverains, et non les victimes environnementales – les deux notions n'étant pas identiques, notamment s'agissant de la pollution au chlordécone –, estime que les études ne sont pas concluantes et prévoit plutôt un renforcement des mesures réglementaires de protection des riverains, au titre du principe de précaution.
Nous proposons pour notre part, dans notre texte, d'indemniser les personnes ayant fait l'objet d'une reconnaissance de maladie professionnelle, celles qui souffrent d'une pathologie résultant directement de l'exposition au chlordécone et les descendants des victimes qui ont eux-mêmes été victimes de la transmission transgénérationnelle des effets de l'exposition au chlordécone. Même si vous n'avez pas travaillé sur ce dispositif dans le cadre de la lettre de mission qui vous avait été adressée, je souhaiterais savoir ce que vous en pensez, car il sous-tend le fonds d'indemnisation que nous proposons de créer dans la proposition de loi.
Je considère que je suis incompétente au sujet du chlordécone, et le reconnais bien volontiers. Je me rattacherai donc à ce que nous avons fait dans le cadre de la mission. Nous avons élaboré des scénarios en proposant, au titre du principe d'égalité de traitement des victimes, et en nous référant à l'expertise de l'INSERM de 2013, d'inclure les proches – familles, enfants – et les retraités. Nous ne sommes pas allés au-delà. Étant obligée de m'en tenir à ce périmètre, je ne me sens pas en mesure de répondre à votre interrogation. En revanche, dans la quatrième partie du rapport, nous avons proposé des principes susceptibles de servir de guides pour la construction d'un éventuel fonds d'indemnisation. Il me semble que cette grille pourrait être utile à vos travaux, notamment pour l'analyse de la proposition de loi. Vous avez devant vous deux des quatre membres de la mission. En outre, je ne saurais m'engager au sujet de travaux qui n'ont pas été faits et qui mériteraient une expertise spécifique.
Madame, vous avez écrit dans votre rapport – je cite de mémoire, car je ne l'ai pas sous les yeux – que 100 000 personnes environ seraient potentiellement concernées par un processus de reconnaissance de ce type, que seules 10 000 pourraient prétendre à une indemnisation dans le cadre du dispositif accidents du travail-maladies professionnelles et que, lorsque l'on considère les décisions rendues au cours des dernières années, à peine 4 000 personnes auraient bénéficié d'une reconnaissance de maladie professionnelle et d'une prise en charge. Pourriez-vous me donner des précisions sur ce point ?
L'État choisirait d'améliorer le tableau des maladies professionnelles en ajoutant les maladies liées au chlordécone et en visant aussi bien les travailleurs agricoles que les exploitants agricoles. Pensez-vous que ce choix est adapté à la question du chlordécone ? Actuellement, les tableaux des maladies professionnelles prises en charge au titre du régime agricole valent pour les exploitants agricoles antillais, mais pas pour les salariés agricoles, et encore moins pour les travailleurs informels dans l'agriculture antillaise. Quelle est votre position sur cette question ? Est-ce qu'il faut, comme on nous l'a dit, pour obtenir un véritable résultat, compléter la mise en place d'un tableau par des dispositions législatives ? Enfin, a priori, selon les calculs et les hypothèses présentés, seul un très petit nombre de personnes, en Guadeloupe et en Martinique, seraient concernées par une modification du tableau des maladies professionnelles et bénéficieraient d'une indemnisation à travers le mécanisme d'accidents du travail – maladies professionnelles.
S'agissant des chiffres qui ont été avancés au terme de la mission, il est important de comprendre qu'il existe plusieurs paramètres. Le premier est le nombre de personnes exposées ; dans le cadre du travail de collecte des chiffres effectué par la mission, il a été difficile de l'étayer. Parmi toutes ces personnes exposées, il y a celles qui développent une pathologie en lien avec l'exposition : c'est un deuxième paramètre.
Nous sommes arrivés, effectivement, au chiffre de 100 000 personnes environ ayant été exposées – avec toutes les réserves qui s'imposent, dans la mesure où il s'agit de travaux administratifs, non validés par les scientifiques, mais que la mission a pris sur elle d'afficher. À partir de ce chiffre, nous avons fait une estimation en nous fondant sur les pathologies pour lesquelles l'INSERM indique qu'il existe une forte présomption de causalité. Le résultat en est cet autre chiffre : 10 000 personnes – là encore, il faut le prendre avec toutes les précautions qui s'imposent. En regard de cela, il y a le nombre de personnes ayant d'ores et déjà été indemnisées. Nous avons, une fois encore, collecté des données, et sommes parvenus à la conclusion que 1 000 personnes environ étaient prises en charge dans le cadre du régime accidents du travail-maladies professionnelles. Traditionnellement, le nombre réel de victimes est sous-reconnu par ce dispositif. Le nombre réel se situe donc quelque part entre 1 000 et 100 000. L'objet de la mission était d'essayer de préciser l'ordre de grandeur : était-ce deux fois 1 000, ou bien dix fois, ou bien encore cent fois ? C'est ce que nous avons fait, avec beaucoup de prudence.
Je me permets d'insister sur ce point. Je ne m'étais donc pas trompé sur les deux premiers chiffres – 100 000 et 10 000. Je m'étais trompé, en revanche, sur le dernier, qui est encore plus important : 1 000 personnes ont été indemnisées, soit 1 % du nombre de personnes potentiellement touchées. Est-ce bien cela ?
Bien. Cela veut dire, je le répète devant les élus que nous sommes, que 1 % de ceux qui sont potentiellement exposés bénéficient à terme d'une reconnaissance au titre des accidents du travail – maladies professionnelles. Ce chiffre est pour moi extrêmement important, dans la mesure où l'orientation qui a été prise par le Président de la République est précisément d'inscrire les maladies liées au chlordécone au nombre des maladies professionnelles. Or, au constat statistique que nous venons de faire, s'ajoute le problème – signalé par la Mutualité sociale agricole – de la complication d'éloaboration du tableau et de la difficulté de l'interpréter. Ainsi, la plupart des personnes qui devraient relever du régime se trouveraient rejetées vers une négociation dans le cadre d'un comité régional de recours préalable auprès duquel elles devront faire la preuve, non pas qu'elles ont travaillé dans une bananeraie, mais que la maladie qu'elles ont développée a un lien avec le chlordécone.
C'est un point très important, car un débat très politique a eu lieu ces derniers temps sur la question. J'ai dit, pour ma part, que je considérais qu'il ne fallait pas se concentrer uniquement sur les maladies professionnelles des travailleurs agricoles – même s'il faut le faire aussi, bien sûr –, en améliorant le système actuel pour que les salariés agricoles antillais soient concernés, ainsi que les travailleurs informels. En effet, cela ne représente que 12 000 personnes sur les 750 000 personnes, en Martinique et en Guadeloupe, qui se trouvent exposées à l'environnement de la pollution. Autrement dit, 738 000 personnes ne seraient pas prises en compte. Excusez-moi de vous avoir interrompue, madame, mais je tenais vraiment à souligner ce point. J'ai lu avec attention votre rapport et je trouve que ses conclusions sont tout à fait claires. Poursuivez, je vous prie.
Je ne souhaitais pas souligner une erreur de chiffre de votre part, monsieur le président : il s'agissait seulement, pour moi, de rappeler la démarche que nous avions suivie pour identifier les victimes, à savoir distinguer, d'une part, l'exposition aux risques, d'autre part, le fait que certaines personnes développent une pathologie en lien avec cette exposition et, pour finir, le niveau actuel d'indemnisation. C'était l'objet de la deuxième partie du rapport, dont le titre était le suivant : « Le nombre actuel de victimes indemnisées, très limité, n'est pas représentatif du nombre réel de victimes ». Les explications de ce phénomène, données par la mission, sont tout à fait classiques dans le cadre des tableaux de maladies professionnelles. C'est pour cela que le premier scénario proposé par la mission consiste à améliorer le mode de fonctionnement du régime accidents du travail – maladies professionnelles, de manière à remédier aux carences constatées.
Je souhaite souligner également, à l'inverse, que les tableaux de maladies professionnelles sont la seule voie de réparation identifiée par la mission dans ses travaux : il n'y a pas eu d'indemnisation de pathologies en lien avec des expositions professionnelles aux pesticides en dehors de ce mécanisme. Aucun préjudice n'a été reconnu et n'a obtenu réparation d'une autre manière. La mission a en effet constaté que, devant les juges, il est trop difficile d'établir le lien de causalité pour espérer obtenir réparation. Les tableaux de maladies professionnelles, en revanche, ne nécessitent pas l'établissement d'un tel lien de causalité. Ils ont ainsi permis une réparation pour les victimes de ces produits. C'est là un intérêt des tableaux de maladies professionnelles – même si, par ailleurs, les limitations qu'ils comportent, en termes de durée d'exposition aux produits comme de durée de prise en charge, de même que la connaissance insuffisante du dispositif par les victimes, peuvent minorer le nombre de personnes qui sont in fine indemnisées à ce titre.
Certes, mais votre conclusion découle d'un choix technique, en l'occurrence du périmètre de votre intervention, car il existe actuellement d'autres formes d'indemnisation. C'est le cas, notamment, pour l'amiante, parce que le lien avec le risque de cancer a été rapidement établi. Il y a aussi la Polynésie : j'ai participé au débat et – George Pau-Langevin, ici présente, peut en témoigner – nous avons bataillé pendant plusieurs années pour faire reconnaître le drame des essais nucléaires et leurs conséquences ; un fonds a été créé.
Nous demandons – ne soyez pas gênée, Madame Eslous : je ne dis pas cela pour vous – à la fois que l'on améliore la reconnaissance des accidents du travail-maladies professionnelles pour tous les travailleurs agricoles, y compris leurs descendants, et que l'on travaille sur un fonds d'indemnisation, car ce mécanisme se traduit par tout un ensemble de choses sur le plan de la santé, de l'accompagnement – y compris des pêcheurs –, des prélèvements, des mutations agricoles. Or, comme nous l'avons expliqué, cela est refusé par l'État.
Selon vous, quels préjudices serait-il justifié de prendre en charge ? Faudrait-il se limiter aux seuls travailleurs agricoles ?
Vous avez dit que vous aviez travaillé sur les deux options de la réparation forfaitaire d'une part et de la réparation intégrale, d'autre part. Mais chacun peut-il prouver l'étendue des préjudices subis ?
Faudrait-il indemniser le fait d'être exposé à la chlordécone en l'absence de toute pathologie ? On pourrait parler ici d'un préjudice d'anxiété.
Sur qui devrait reposer la charge d'apporter la preuve du lien entre exposition et préjudice ?
La mission n'a pas décliné les différents chefs de préjudice. Elle n'a fait que présenter deux options financières d'évaluation, afin d'estimer les dépenses qui pourraient être mises à la charge d'un fonds, s'il était créé. Dans ce cadre, elle a formulé deux hypothèses, celle d'une réparation dite forfaitaire et celle d'une réparation dite intégrale, qui correspondent à deux montants financiers. Dans la seconde hypothèse, elle n'a cependant pas prévu de montant détaillé chef de préjudice par chef de préjudice.
La mission a étudié les fonds existants, pour en connaître les pratiques. Sans aller au-delà de ces constats, elle a noté que ces fonds étaient fondés sur le principe de la réparation intégrale, et qu'ils disposaient d'un barème pour les mettre en oeuvre.
Quant au préjudice d'anxiété, si je sais par ma culture administrative qu'il existe dans le cadre du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, j'avoue que je suis encore moins qualifiée pour ce chef de préjudice.
Nous n'avons pas cherché à décliner le bon niveau d'indemnisation des victimes. Nous avons seulement émis des hypothèses financières pour guider les pouvoirs publics quant aux coûts associés à la création d'un fonds.
Pouvez-vous nous détailler ces montants, à la fois pour la réparation forfaitaire et pour la réparation intégrale ? Je précise que vos estimations concernent les victimes non pas du chlordécone mais de l'ensemble des produits phytopharmaceutiques. Combien de personnes sont concernées ?
Ces éléments figurent à la fin du rapport, en page 76. Comme l'indique le titre de la partie concernée, il s'agit d'une « tentative d'estimation » du coût moyen. Nous avons tenté d'estimer un nombre de victimes potentielles et un coût moyen, de façon à éclairer les pouvoirs publics sur les montants. La lettre de mission nous demandait en effet d'estimer ces coûts potentiels.
Pour le forfait, sachant que de nombreux paramètres l'influent, nous avons abouti à un montant moyen de 70 000 euros. Quant à la réparation intégrale, nous avons estimé un montant additionnel de 30 000 euros. Il s'agit de paramètres financiers, qui dépendront à chaque fois du barème qui sera adopté et de la nature de la victime – les montants diffèrent en effet selon que la victime est un enfant ou une personne âgée. Ce sont donc des coûts moyens, qui permettent d'étayer un chiffrage potentiel.
Nous nous sommes fondés sur 10 000 victimes, au plus. Nous avons présenté une palette d'hypothèses, à la fois sur le forfait – 70 000 euros ou 100 000 euros –, et sur le nombre de personnes prises en charge, selon les différentes hypothèses que choisiront les pouvoirs publics. Il pourra s'agir de 1 000 personnes présentant des pathologies étendues, ou 10 000. C'est ce qui explique la gamme des coûts que présente la mission dans son rapport.
Je voulais que les élus entendent ces chiffres. Votre estimation se fonde sur 10 000 victimes, tirées d'un potentiel global de 100 000 personnes exposées.
Il me semble essentiel de rappeler que, selon l'ANSES, 90 % des Martiniquais sont « imprégnés », ce qui est davantage qu'« exposés ». De plus, 20 à 25 % de cette population, soit 150 000 personnes, qui dépassent les valeurs toxicologiques de référence (VTR), sont « durement imprégnées ». Ce sont les chiffres de l'État.
La population martiniquaise qui devrait potentiellement être indemnisée s'élève donc à 750 000 personnes : elle serait sept fois supérieure aux personnes qui pourraient bénéficier du type d'indemnisation que votre mission a évoqué, pour un territoire de 1 100 kilomètres carrés, contre 650 000 kilomètres carrés et 67 millions d'habitants pour la métropole.
Je cite ces chiffres essentiels, pour donner une idée de la dureté de la pollution et de ses conséquences en matière de santé. Je comprends pour quelles raisons le raisonnement est devenu très comptable. Il faut que les élus l'entendent. Pour la nation, 10 000 personnes pourraient être concernées par l'indemnisation ; pour les seules Martinique et Guadeloupe, ce sont 150 000 personnes.
Pour moi, le débat est clair, et clos.
La commission créée par l'article 113 de la loi du 28 février 2017sur les mesures destinées à réserver l'indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires, à laquelle j'ai participé, a réalisé un travail comparatif sur les mesures prises pour les victimes dans d'autres pays. Pour les victimes britanniques, australiennes, et surtout américaines, l'indemnisation forfaitaire avait été choisie, ce qui a simplifié l'attribution des indemnisations. En Polynésie française, l'indemnisation intégrale a été préférée, car tout le monde n'était pas touché au même niveau.
Cette comparaison avec d'autres pays a été menée à partir d'un tableau des maladies induites propres aux essais nucléaires, qu'il faudrait peut-être mettre en place pour le chlordécone.
Bien que vous n'ayez pas travaillé sur ce sujet pour les autres produits phytopharmaceutiques, avez-vous réalisé des comparaisons avec les décisions prises par les États-Unis, notamment la Floride, où des produits similaires à ceux répandus dans les Antilles françaises ont été utilisés ? Il s'agit d'étudier comment les mécanismes d'indemnisation des victimes ont été mis en place dans les pays qui ont utilisé du chlordécone.
Je souhaiterais ajouter que les chiffres cités sont ceux qui entrent dans le cadre de la mission qui nous avait été confiée. Ils ne concernent, je le répète, que l'exposition professionnelle. La dimension liée à l'environnement n'est pas présente, ce qui peut expliquer les écarts signalés.
Madame, je comprends les précautions que vous prenez et ne mets pas en doute la qualité de votre rapport, qui est excellent. Je ne me suis pas exprimé en votre nom, en interprétant vos paroles, mais en mon nom propre, en tant que président de la commission d'enquête. Ce sont donc mes conclusions que j'ai développées.
J'attendais cette discussion car je voulais que vous confirmiez le chiffre des 1 000 victimes, soit 1 % des personnes exposées. Vous l'avez confirmé.
Je cherchais à « voir clair », comme on dit en créole. Nous avons à présent vu les proportions qui pourraient nous concerner, en Martinique et en Guadeloupe. Il est nécessaire que nous prenions conscience des réalités.
Nous avons essayé d'obtenir des comparaisons internationales, en interrogeant les conseillers à l'agriculture ou aux affaires sociales de différentes ambassades. Ne trouvant pas de dispositif spécifique, nous nous sommes tournés vers les données européennes. Nous avons ainsi relevé que des pesticides pouvaient être évoqués dans certains tableaux de maladies professionnelles similaires.
Nos travaux ne citent pas de substances particulières car ils se fondent sur des pathologies à indemniser. Dans la première partie du rapport et dans l'annexe I, qui porte sur les substances, nous avons évoqué l'ensemble des substances, sans en cibler de spécifiques.
Nous l'avons bien compris, votre rapport propose de ne pas inclure les victimes environnementales car, pour l'instant, les études scientifiques ne concluent pas à la nécessité de les indemniser.
S'agissant du chlordécone, vous ne pouvez pas répondre car vous n'avez pas travaillé sur ce sujet. Il est vrai que la notion de victime environnementale n'est pas la même, puisque nous sommes victimes à plus de 90 % de la population, et contaminés par voie orale du fait de l'ingestion de produits pollués. Il ne s'agit donc pas du même processus. Je comprends que nous ne puissions pas utiliser les conclusions de votre rapport pour les adapter au cas du chlordécone.
Le Gouvernement et la ministre des solidarités et de la santé ont annoncé leur volonté de créer, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, un fonds d'indemnisation, restreint aux seules victimes professionnelles, qui inclura les victimes du chlordécone.
Êtes-vous associée à l'élaboration de ce nouveau dispositif ? Dans ce cadre, comment prendre en compte les personnes qui, n'étant pas des professionnels, ne sont pas couvertes par le régime AT-MP, notamment les retraités, les riverains, et les enfants ?
Je suis désolée de ne pas pouvoir répondre sur la question large des victimes environnementales. Comme vous l'avez signalé, ce sujet ne figurait pas dans le périmètre de la mission qui nous a été confiée. Nous avons été limités par l'objet de celle-ci. Les inspections générales ont le devoir de répondre à la commande qui leur est passée. Nous n'avons donc pas répondu aux interrogations qui sont les vôtres aujourd'hui.
Vous souhaitez par ailleurs savoir si nous sommes associés à la création du fonds d'indemnisation annoncé dans le cadre de la préparation du PLFSS pour 2020. Il est important de souligner que le point de vue des inspections générales et des conseils généraux est extérieur à l'administration. Ceux-ci se caractérisent par une indépendance dans la production de leurs rapports, qui leur garantit un certain recul. La contrepartie de cette indépendance est que l'inspection ne se mêle pas des décisions que prend ensuite l'administration.
Les membres de l'inspection ne peuvent être indépendants dans le cadre de leurs missions que parce qu'ils ne participent pas aux décisions de l'administration. Ils y sont en effet extérieurs : ils travaillent sur un sujet, rendent un rapport et changent de mission. Il revient au ministre de décider, en toute liberté, de l'usage qu'il souhaite faire des conclusions du rapport. Les inspections n'ont pas à se mêler de ses décisions, sans quoi elles ne seraient pas en mesure de disposer de l'indépendance qu'elles ont, en étant extérieures.
Qui est responsable des pathologies liées aux produits phytopharmaceutiques, et au chlordécone en particulier ? Comment juger des responsabilités de la puissance publique, des industriels, des exploitants agricoles ? Qui devrait indemniser ?
S'agissant des responsabilités, la mission ne s'est pas substituée au juge. Bien qu'elle en ait cherché, elle n'a pas trouvé de jugements sur ce point.
Dans la partie 3. 2. du rapport, elle a présenté les différents régimes de responsabilités existant sur un tel sujet pour les fabricants, pour l'État, pour l'employeur et pour les utilisateurs.
Si nous n'avons pas à juger des responsabilités dans le cadre de ce rapport, nous avons indiqué quelles étaient les possibles responsabilités. Nous avons écrit non pas que la réparation dans le cadre de la création d'un fonds était liée aux responsabilités, puisque nous n'étions pas en mesure d'identifier celles-ci, mais que les responsabilités étaient « diffuses ». De ce fait, à notre sens, les sources de financement devaient être multiples. Nous avons alors fait une hypothèse de financement de la mécanique administrative, sans la lier à un quelconque partage des responsabilités entre les différents financeurs.
La mission a donc écrit dans son rapport que ces responsabilités diffuses conduisaient à mobiliser différentes sources de financement : le budget de l'État ; la population professionnelle agricole via le régime AT-MP ; et les industriels par le biais de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques.
Pour couvrir vos propositions d'indemnisation d'environ 70 000 euros, et de 100 000 euros dans le cas d'une réparation intégrale, vous avez donc identifié des sources de financement : le budget de l'État, pour une part, selon ses responsabilités ; et, pour une autre part, des prélèvements sur les recettes des produits phytopharmaceutiques, notamment ceux produits par les grands trusts.
Le financement peut donc être trouvé : il ne repose pas uniquement sur l'État. Il peut être partagé et pérenne. Est-ce bien cela ?
Oui, nous avons fait une hypothèse, pour tester la faisabilité des financements. Elle comprenait une prise en charge de l'indemnisation pour moitié par le monde agricole, via la taxe sur les fabricants de produits et les agriculteurs via le régime AT-MP et, pour l'autre moitié, par le budget de l'État.
Dans le rapport, vous invitiez le financement du fonds envisagé à refléter les responsabilités des acteurs de la manière suivante : pour un quart par « un accroissement de la taxe annuelle perçue sur le chiffre d'affaires (hors TVA) des ventes de produits phytopharmaceutiques » ; pour un second quart, par « une contribution plus élevée des régimes accidents du travail – maladies professionnelles du secteur agricole » ; pour moitié, par « une contribution de l'État, à travers deux mécanismes :
- La prise en charge dans le dispositif Écophyto d'une partie des coûts liés à la recherche, puisque celle-ci est indispensable à la connaissance de l'impact des produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine ;
- La prise en charge d'une partie de l'indemnisation sur le budget de l'État. »
Considérez-vous que la situation spécifique de la pollution par le chlordécone et le paraquat justifie une autre répartition de l'indemnisation ? Faut-il un fonds public pouvant mener des actions subrogatoires ? Le cas échéant, envers qui mener ces actions ?
Nous avons écrit dans un titre, qui est toujours plus court, que « le financement doit refléter les responsabilités des acteurs », mais la phrase complète est : « Enfin, même si les responsabilités sont diffuses, le financement du fonds doit refléter les probables responsabilités des acteurs de la filière ».
Nous avons donc identifié les différentes sources de financement, puis nous avons fait ce qui n'est qu'une hypothèse de financement, sans lien avec des responsabilités éventuelles, que nous n'avions de toute façon pas identifiées.
S'agissant des recours subrogatoires, le constat de la mission a été que cette possibilité existe pour l'ensemble des fonds et qu'il était sain de la prévoir également pour ce fonds, s'il était créé.
La proposition de loi de Mme Bonnefoy portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, adoptée par le Sénat, prévoit que le fonds d'indemnisation soit confié à la gestion de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole. Que pensez-vous de ce dispositif ?
La mission ayant pour origine cette proposition de loi sénatoriale de juillet 2016, nous avons émis un avis explicite à l'intention des ministres, dans la partie 5. 2. 5. du rapport. Nous y avons indiqué que ce texte déjà déposé pourrait servir de support législatif au scénario maximaliste (scénario 7) qu'a proposé la mission, avec quelques ajustements.
S'agissant de la gestion du fonds, le rapport conclut que « le choix de la CCMSA n'est pas celui retenu par la mission, car le périmètre du fonds va au-delà des seuls affiliés. De plus, en raison de la nature de l'activité, la préférence de la mission va à un organisme d'ores et déjà gestionnaire d'indemnisations de dommages corporels tel que le FIVA. Un conseil d'administration spécifique pour cette mission du FIVA devrait être créé. En parallèle, une articulation sera à développer avec la MSA (recours aux services santé-sécurité au travail, analyse conjointe des décisions des CRRMP et de la commission médicale du fonds,...) ».
Il n'y a apparemment pas d'autres questions. Je vous remercie donc d'être venue, madame Eslous. Veuillez nous excuser de vous avoir bombardée de questions, mais vous comprenez que nous souhaitons réaliser au mieux la mission qui nous a été confiée. J'ai apprécié votre rapport, que j'ai lu avec attention.
La réunion s'achève à douze heures quinze.
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Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 11 heures 20
Présents. – Mme Ramlati Ali, Mme Justine Benin, Mme Annie Chapelier, M. Serge Letchimy, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon
Assistaient également à la réunion. – Mme Josette Manin, Mme George Pau-Langevin