La réunion débute à 9 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission examine le rapport d'information présenté en conclusion de la mission d'information sur le Défenseur des droits (Mme Coralie Dubost et M. Pierre Morel-A-L'Huissier, co-rapporteurs).
Cette réunion ne fait pas l'objet d'un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse :
À l'issue des débats, la publication du rapport d'information a été autorisée.
La Commission examine la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique (n° 3138) (M. Bruno Questel, rapporteur).
Nous abordons l'examen de la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique.
Le groupe Socialistes et apparentés a indiqué qu'il faisait usage, sur cette proposition de résolution, de son « droit de tirage ».
Nous allons à présent entendre M. Bruno Questel, que nous avons désigné rapporteur sur la recevabilité de cette proposition de résolution.
Nos collègues Olivier Faure, George Pau-Langevin et les membres du groupe Socialistes et apparentés ont déposé cette proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête . Lors de la conférence des Présidents du mardi 30 juin dernier, la présidente du groupe Socialistes et apparentés, Mme Valérie Rabault, a indiqué qu'elle ferait usage, sur cette proposition de résolution, du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l'article 141 du Règlement de l'Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d'opposition ou minoritaire une fois par session ordinaire. Par conséquent, et conformément au second alinéa de l'article 140 du même Règlement, il revient à notre Commission de vérifier que les conditions requises pour la création de cette commission d'enquête sont réunies ; il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l'opportunité d'une telle création.
Ces conditions sont au nombre de trois.
En premier lieu, les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête doivent déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à l'enquête, en application de l'article 137 du Règlement. En l'occurrence, les faits sur lesquels la commission d'enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l'article unique de la proposition de résolution, elle serait chargée d'« étudier l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre ».
En second lieu, les propositions de résolution sont recevables sauf si, dans l'année qui précède leur discussion, a eu lieu une commission d'enquête ayant le même objet. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Si une commission d'enquête a déjà porté sur ces questions, c'était sous la précédente législature, en 2015, sous la conduite de MM. Pascal Popelin et Noël Mamère.
Enfin, en application de l'article 139 du Règlement de notre assemblée, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de celle-ci. Le troisième alinéa du I de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 dispose, quant à lui, que la mission d'une commission d'enquête déjà créée prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter.
Interrogé par le président de l'Assemblée nationale, M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, lui a fait savoir dans un courrier du 9 juillet 2020 que le périmètre de la commission envisagée était « susceptible de recouvrir celui des enquêtes en cours mettant en cause les forces de l'ordre pour des atteintes à l'intégrité physique, notamment dans le cadre des manifestations des “gilets jaunes” ». La commission d'enquête devra donc, tout au long de ses travaux, veiller à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire.
Sous toutes ces réserves, il apparaît que la création d'une commission d'enquête sur l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre citoyens et forces publiques est recevable.
Je remercie M. le rapporteur. Nous avons pris soin de préciser qu'il s'agissait, non pas de dénoncer tels faits divers dans lesquels les forces de police seraient mises en cause, mais de traiter la question au fond et de dresser l'inventaire de la situation actuelle en examinant notamment les chaînes de commandement, les corps de contrôle, la formation suivie par les agents, notamment en matière de déontologie, et leur charge de travail, afin d'identifier les problèmes et de formuler des préconisations.
Notre objectif est bien de faire en sorte que les choses fonctionnent mieux et d'éviter le divorce que l'on constate souvent entre les forces de sécurité, dont la société a éminemment besoin, et une partie de la population, notamment les jeunes, en particulier ceux des quartiers populaires, qui ont parfois le sentiment que le comportement des agents à leur égard n'est pas équitable.
Il nous paraît important qu'au moment où des tensions surviennent, nous avancions dans la voie d'une meilleure compréhension du fonctionnement des forces de sécurité et nous cherchions les moyens de l'améliorer.
Je demande donc à la Commission de se prononcer sur la recevabilité de cette commission d'enquête.
La Commission, en application de l'article 140, alinéa 2, du Règlement, constate que sont réunies les conditions requises pour la création de la commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique, demandée par le groupe Socialistes et apparentés.
La Commission auditionne Mme Claire Hédon dont la nomination en qualité de Défenseure des droits est proposée par le Président de la République, et vote sur cette proposition de nomination dans les conditions prévues par l'article 29-1 du Règlement (M. Antoine Savignat, rapporteur).
Conformément à la procédure prévue par l'article 13 de la Constitution, nous sommes réunis pour entendre Mme Claire Hédon, dont la nomination est proposée par le Président de la République en qualité de Défenseure des droits. Ainsi que le prévoit l'article 29-1 du règlement de l'Assemblée nationale, nous avons nommé un rapporteur, M. Antoine Savignat. Il a adressé un questionnaire à Mme Hédon. Ses réponses ont été transmises aux commissaires et mises en ligne lundi sur le site internet de l'Assemblée nationale.
La nomination de Mme Hédon ne pourra avoir lieu si l'addition des votes négatifs des commissions des Lois de l'Assemblée nationale et du Sénat représente plus de trois cinquièmes de l'ensemble des suffrages exprimés. Je vous précise que Mme Hédon a été entendue au Sénat ce matin. Le dépouillement des bulletins sera simultané, à l'issue de cette audition.
.
(Mme Claire Hédon entre dans la salle)
Madame Hédon, le Président de la République envisage de vous nommer en qualité de Défenseure des droits. C'est une institution importante, de rang constitutionnel, issue de la fusion, en 2011, de quatre autorités administratives indépendantes. M. Pierre Morel-À-L'Huissier et Mme Coralie Dubost ont réalisé sur cette autorité une mission d'information, dont nous avons examiné le rapport ce matin. Nous avions noué des liens très étroits avec M. Jacques Toubon qui l'a présidée pendant six ans.
Nous avons longuement débattu des missions et des moyens du Défenseur des droits ce matin. Désormais, il faut mettre un visage sur cette autorité administrative. Nous sommes réunis pour nous prononcer sur la proposition de votre candidature, madame Hédon, par le Président de la République. Nous avons auditionné M. Jacques Toubon, il y a deux semaines, et l'importance de cette fonction, inscrite à l'article 71-1 de la Constitution, nous est apparue encore plus manifeste en ces temps de crise sanitaire qui est, par bien des aspects, également sociale et économique.
Prévue par l'alinéa 5 de l'article 13 de la Constitution, la procédure de nomination qui nous réunit ce matin soumet la proposition de candidature du Président de la République à l'avis des commissions parlementaires compétentes – en l'occurrence les commissions des Lois de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cet avis n'est réputé défavorable que si les votes négatifs représentent trois cinquièmes des suffrages exprimés, en application de la règle communément appelée des « trois cinquièmes négatifs ». Depuis le début de l'année, nous nous sommes ainsi prononcés sur les nominations de M. Didier Migaud à la présidence de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et de M. Jean-Philippe Vachia à celle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Comme vous, ces candidats ont été amenés à répondre à un questionnaire préalable et à se présenter devant notre commission.
Chaque groupe est attaché à cette procédure qui, tout en renforçant la mission de contrôle du Parlement, nous permet d'évaluer les qualités et compétences des candidats à l'exercice des plus hautes fonctions au sein de nos institutions. C'est également l'occasion pour vous de présenter devant la représentation nationale la manière dont vous envisagez vos fonctions et vos priorités. Enfin, et c'est essentiel, c'est un exercice de transparence vis-à-vis des citoyens puisque l'audition des candidats et les réponses au questionnaire envoyé au préalable par le rapporteur sont publiques.
Vous avez été journaliste, principalement à Radio France internationale (RFI), dont vous êtes actuellement directrice adjointe. Parallèlement, vous êtes, depuis longtemps, très impliquée dans la défense des droits des plus démunis au sein d'ATD Quart monde. Votre nomination en tant que présidente de cette association en 2015 témoigne, s'il le fallait, de votre engagement.
Cette expérience justifie votre nomination. Même si, demain, c'est aux droits de tous, petits et grands, forts et faibles, qu'il faudra vous attacher, vous disposez d'une connaissance des difficultés concrètes de certains de nos concitoyens et des dysfonctionnements dans l'accès aux droits, comme vous le mentionnez dans vos réponses. Je vous remercie d'ailleurs pour ces dernières, ainsi que pour celles que vous nous apporterez dans le cadre de cette audition.
Je souhaiterais saluer le travail de Jacques Toubon et de ses équipes. Il a renforcé la notoriété, l'identité et le rayonnement de l'institution en prenant des positions courageuses et indépendantes.
Le Président de la République m'a fait un grand honneur en proposant ma nomination au poste de Défenseur des droits, car les missions de ce dernier sont au cœur de mes engagements. J'évoquerai mon parcours, puis mes priorités.
Après des études de droit et de communication, parallèlement à ma vie professionnelle de journaliste, je me suis engagée dans le mouvement ATD Quart monde comme bénévole il y a vingt-huit ans ; j'en suis présidente depuis 2015. La vocation de ce mouvement est de mettre fin à l'extrême pauvreté en cherchant à construire une société plus juste, qui respecte les droits fondamentaux et l'égale dignité de chaque individu. Il s'agit de permettre l'accès de tous aux droits de tous – et non simplement des plus démunis. C'est important dans les domaines du logement, de l'emploi, de l'accès aux soins, de la culture, de l'éducation, de la justice, de la vie en famille.
Pour les plus démunis, la conquête de ces droits implique un véritable parcours du combattant. C'est à travers ce combat que j'ai pris conscience des conséquences très concrètes des inégalités d'accès aux droits sur les personnes. Les injustices qui en découlent fragilisent la cohésion sociale. Or nous avons besoin de cohésion sociale. Mme Geneviève de Gaulle‑Anthonioz, ancienne présidente d'ATD Quart monde, déclarait à l'Assemblée nationale lors des débats sur le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, « notre démocratie n'exist[e] pas pleinement puisqu'elle tolèr[e] des atteintes permanentes aux droits de l'homme, que ces droits [sont] indivisibles, qu'ils ne [peuvent] être attribués par morceaux ». Je me situe dans le droit-fil de cet héritage et reviendrai sur la notion d'indivisibilité des droits.
Au cours de ma carrière de journaliste, plus particulièrement à Radio France internationale, j'ai été confrontée aux problématiques d'accès au droit, qui sont aussi au cœur de mon combat associatif : j'ai d'abord présenté une émission sur les migrations puis, durant quatorze ans, une sur la santé. Au contact des auditeurs et du terrain lors de mes reportages, j'ai constaté et évoqué les discriminations liées aux origines, à l'orientation sexuelle, au handicap et les difficultés d'accès aux soins des populations marginalisées.
Ceux qui travaillent avec moi le savent, je suis déterminée et j'ai une conviction chevillée au corps : le droit est un levier fondamental pour venir à bout des inégalités, accentuées en ce moment par la covid et les effets du confinement.
Au cours de mon engagement associatif, face à des situations insupportables et inextricables, j'ai appris à fonctionner en équipe et en concertation, et à faire appel à l'intelligence collective. Cette expérience m'a été utile dans ma vie professionnelle et elle me sera précieuse dans mes fonctions de Défenseure des droits, si vous approuvez ma candidature.
Il faut se mettre à la place de ceux qui saisissent le Défenseur des droits et attendent une réponse, être capable d'aller vers ceux qui n'osent pas le saisir, conserver une forme de simplicité afin d'être proches des gens et de gagner leur confiance pour comprendre ce qui dysfonctionne.
Une de mes priorités est de mieux servir les citoyens en partant de leurs attentes, Jacques Toubon le disait très bien. Les services publics ont besoin de regagner la confiance des Français, car leurs dysfonctionnements et l'absence de réponse compromettent l'accès aux droits et entraînent un sentiment d'abandon, d'injustice, de découragement, d'incompréhension, qui mine la cohésion sociale. Cela aboutit parfois également à de la violence envers ceux qui sont chargés de faire appliquer le droit. À leur tour, ces derniers se sentent menacés, ont peur, deviennent suspicieux et un cercle infernal s'enclenche.
C'est très largement par le service public qu'est assurée l'effectivité des droits, en particulier sociaux. Mais le Défenseur des droits peut aussi y contribuer, par la façon dont il répond et organise la médiation et le dialogue. Il doit défendre tous les droits – économiques, sociaux, culturels, civils et politiques, sans hiérarchie. Ils sont non seulement indivisibles, mais interdépendants. Les personnes ne sont pas confrontées à une seule difficulté d'accès au droit, mais à plusieurs. Le confinement a constitué un révélateur, les difficultés de logement, d'éducation des enfants, financières et de paiement des loyers se cumulant.
Je souhaite également développer la qualité de la présence et l'accessibilité du Défenseur sur le territoire. Face à la non-réponse, il faut chercher des voies renouvelées de dialogue et de médiation avec l'administration.
J'aimerais aussi identifier des sujets sur lesquels le défenseur pourrait s'investir, notament en matière d'accès aux biens et services quotidiens – logement, éducation, urbanisme, biens essentiels comme l'eau, l'électricité et le réseau internet dont le confinement a révélé l'importance. Les priorités seront définies dans un esprit de concertation avec les équipes. Je ne tiens pas à annoncer d'emblée un programme figé – à peine l'aurai-je tracé qu'on me reprocherait d'avoir négligé telle ou telle priorité. Quelles autres priorités, d'ailleurs, que celles dont nous saisissent les citoyens après de longues démarches infructueuses ou parce qu'ils sont victimes de discrimination ou de violence ?
Pour dessiner des perspectives d'avenir, je privilégierai la concertation avec l'ensemble des interlocuteurs – les citoyens, les services publics, les administrations. J'ai conscience, par exemple, qu'en matière de discriminations, qui minent la société, existent de nombreux clivages et divisions entre citoyens qui, pourtant, défendent les mêmes causes, les mêmes principes, les mêmes valeurs. Cela rend nécessaire de construire les avis en travaillant certaines des préconisations avec les administrations et les organismes chargés d'un service public. Afin de lever les difficultés d'accès au droit, il faut comprendre quels sont les obstacles, ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. L'objectif est d'être efficace afin que les droits soient vraiment respectés. Certes, le Défenseur des droits est indépendant, mais cette indépendance n'empêche pas de collaborer en bonne entente sur des objectifs communs avec les administrations – la numérisation des démarches administratives en est un bon exemple.
Ceux qui ont travaillé avec moi le savent, je suis déterminée, mais également soucieuse d'établir le dialogue. Je souhaite m'entourer d'adjoints solides, qui travailleront dans le même esprit et en complémentarité, afin que nous rendions les meilleures décisions possible et soyons utiles à nos concitoyens.
Durant la crise sanitaire et le confinement, j'ai travaillé à la fois à la direction des programmes de RFI, où il a fallu s'adapter pour continuer à émettre, et à ATD Quart monde, où j'étais en lien quotidien avec le terrain et les personnes en situation de précarité. La situation sanitaire a accentué les difficultés liées à la suroccupation et à l'insalubrité des logements, mais également de certains quartiers. Contrairement à d'autres quartiers parisiens – je suis bien placée pour le savoir – dont la moitié des habitants étaient partis dans leur maison de campagne, dans les quartiers plus défavorisés, où l'on n'a pas de maison de campagne, il y avait plus de monde, et aussi plus d'amendes, dont certaines indues.
La poursuite de l'éducation a été particulièrement compliquée pour ces familles, dont les parents avaient eux-mêmes connu des difficultés scolaires. Comment faire du soutien scolaire à ses enfants quand on a très peur de ne pas être à la hauteur ? Il faut avoir conscience de ce facteur aggravant des inégalités. L'étonnement a été général de voir que ces enfants ne retournaient pas à l'école lorsqu'elle a rouvert. Certains y ont vu la peur des parents que leurs enfants ne tombent malades ; ils avaient surtout peur du jugement de l'enseignant : « Qu'avez-vous fait pendant deux mois ? Votre enfant n'a rien appris ». Le droit à une éducation de qualité est donc absolument capital.
Ces mêmes citoyens ont également éprouvé des difficultés de santé, déjà fragilisée par la précarité, et d'alimentation.
Tous ces éléments ont rendu l'accès aux droits de ces personnes encore plus difficile. Elles ont eu du mal à contacter l'administration, soit parce qu'elles ne disposaient pas d'internet, soit parce qu'elles n'avaient pas d'ordinateur.
Un autre point, capital, serait de renforcer le rayonnement et la diversité des délégués territoriaux, qui sont en première ligne et constituent un véritable observatoire des difficultés de notre société au quotidien. Ils traitent 80 % des demandes et l'augmentation du nombre de saisines a été considérable au cours des six dernières années. La création de chefs de pôles régionaux a contribué à améliorer la perception de l'institution sur le terrain.
Des moyens accrus devront être octroyés pour assurer l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte, notamment dans la perspective de la transposition à venir de la nouvelle directive européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union.
Pour conclure, j'insisterai sur l'importance du suivi des avis du Défenseur des droits : pourquoi sont-ils suivis ou ne le sont-ils pas ? Comment contribuer à ce qu'ils le soient ? Le Défenseur des droits est un formidable observatoire de la société, tourné vers l'action. Garantir l'accès aux droits est un des moyens de redonner confiance dans nos institutions.
Vous rappelez l'importance de l'indivisibilité des droits de l'homme, tout en soulignant la grande diversité des champs de compétence du Défenseur des droits et en plaidant pour la concertation. Mais quels seraient vos domaines d'intervention privilégiés ? Quels sujets vous semblent prioritaires ?
Le Défenseur des droits souffre d'un gros déficit de notoriété. Il est peu ou mal connu des citoyens. Quelles actions envisagez-vous pour améliorer son accessibilité et sa visibilité ?
Vous avez indiqué qu'il faut aller vers ceux qui n'osent pas venir vers le Défenseur des droits. Toute une frange de la population ne va effectivement pas vers les consultations gratuites d'avocats, vers les assistantes sociales, vers le Défenseur des droits. La présence d'un délégué du Défenseur des droits dans les maisons de services au public (MSAP) faciliterait-elle cet accès ?
Devant certaines juridictions où se posent des problèmes de discrimination, la présence d'avocats, si elle est possible, n'est pas systématique, et cela cause un grave préjudice aux victimes. En matière d'accidents du travail, si vous ne mettez pas en cause la sécurité sociale, votre affaire est irrecevable. En droit prud'homal, en cas de rupture discriminatoire d'un contrat de travail, par exemple, la présence du Défenseur des droits n'est pas obligatoire ; il faudrait qu'elle le devienne. Cela permettrait qu'un véritable débat juridique, mettant en présence vos spécialistes et des avocats spécialisés, puisse se tenir. Les juridictions – conseils de prud'hommes, cours d'appel, Cour de cassation – le demandent. Pour avoir moi-même plaidé des centaines d'affaires en droit prud'homal, je sais que l'apport du Défenseur des droits, quand il est sollicité, est inestimable dans ces affaires très difficiles.
J'avais interrogé Jacques Toubon, mais il n'a pas donné suite. Vous devriez vous pencher sur cette possibilité d'intervenir et développer des liens avec le nouveau garde des Sceaux – il ne demande que cela.
Je salue le fait qu'une femme soit pressentie pour cette fonction de premier plan. Si vous êtes nommée, j'espère que grâce à votre détermination, les avis du Défenseur des droits dépasseront la simple observation et trouveront, au cours des six prochaines années, un véritable écho au sein de la société.
La lutte contre les discriminations est au cœur du débat sociétal. Nous ne percevons pas tous de la même façon ce qu'est, ou non, un comportement discriminatoire ou un acte raciste. Disposez-vous des outils nécessaires pour mieux appréhender ces situations, les objectiver et donc mieux lutter contre elles ?
Dans vos réponses au questionnaire du rapporteur, vous mentionnez le relais de la puissance publique, mais je n'ai pas l'impression que vous fassiez référence à la justice. Est-ce un parti pris ? Considérez-vous que la justice n'est pas l'instance pour lutter contre les discriminations ?
Vous avez parlé, dans votre présentation, des problèmes d'accès à internet. Je crois que la crise sanitaire a surtout mis en exergue les inégalités sociales, notamment dans l'accès au matériel informatique. Dans une famille de quatre enfants, lorsqu'on ne dispose que de téléphones portables ou d'une tablette pour suivre les cours, forcément, c'est difficile. Avez-vous des pistes de réflexion à ce sujet ?
Je salue la proposition de votre nomination et votre engagement au sein de cette grande et importante association qu'est ATD Quart monde. Le Défenseur des droits est devenu plus visible, l'augmentation du nombre de saisines en témoigne. Toutefois, en contradiction avec l'importance de son travail, qui a permis d'objectiver certaines réalités et de porter des débats sur la place publique, il manque encore de notoriété. Vos futures équipes et vous-même avez donc du travail !
Dans une période où l'on constate le recul des droits et libertés pour différents motifs, comment analysez-vous les moyens humains et financiers dont dispose le Défenseur des droits ? A-t-il suffisamment de pouvoirs contraignants ?
Allez-vous poursuivre le travail sur les violences institutionnelles faites aux enfants, au regard à la fois des actes commis par les professionnels et des carences des institutions ? Je reprends une interrogation des associations : allez-vous faciliter les saisines par les travailleurs sociaux et traiter plus rapidement les alertes de ces derniers ?
Un des derniers rapports du Défenseur portait sur les discriminations systémiques : envisagez-vous d'approfondir cette réflexion ? Si oui, dans quelles directions ? Ce travail est extrêmement important pour objectiver la réalité des discriminations. Pour le mener, le Défenseur des droits doit disposer de plus de reconnaissance, mais aussi de moyens d'enquête et d'analyse de l'intersectionnalité des dénis de droits et des discriminations, y compris institutionnels.
Vous m'interrogez sur mes priorités et mes sujets de prédilection : je le répète, je crois à l'accès de tous aux droits de tous. Je ne me limiterai donc pas aux personnes en situation de précarité, car pour avoir une meilleure cohésion sociale, il faut travailler pour tous. Déjà, à la tête d'ATD Quart monde, j'en étais convaincue.
La notoriété du Défenseur des droits a bien progressé – plus de 50 % des Français le connaissent, et 87 % d'entre eux reconnaissent son utilité. Mais elle n'est pas encore suffisante. J'espère que ma formation de journaliste me permettra de la faire progresser. C'est capital.
Les délégués territoriaux assurent déjà des permanences dans certaines MSAP, où leur visibilité est importante, pour que les personnes souhaitant faire valoir leurs droits auprès de l'administration pensent à saisir le Défenseur des droits. Plus nous serons présents dans de tels lieux, plus les gens acquerront ce réflexe.
Contre les discriminations, le Défenseur des droits peut déjà intervenir dans les juridictions, à condition d'être saisi ou de s'autosaisir, et sa présence est importante. Concernant les discriminations systémiques, je suis sur la même ligne que M. Toubon : nous devons réfléchir à ce qui, dans le fonctionnement de notre société ou dans notre inconscient, induit de tels comportements. Ce qu'il faut dénoncer, ce sont non pas les personnes, mais le système. J'insiste à nouveau sur l'intersectionnalité : le cumul des handicaps et des difficultés d'accès aux droits est bien réel.
J'ai dit que l'institution était un observatoire, mais je suis également convaincue de la nécessité d'agir, à la fois pour permettre l'accès aux droits et lutter contre les discriminations, et c'est bien ce que fait le Défenseur des droits. Il importe donc d'assurer un suivi des avis : il faut savoir ce qui n'a pas été appliqué et pourquoi.
L'accès à internet et l'accès à l'ordinateur sont tout à fait liés, en effet, de même que le fait de savoir utiliser ces outils. Pour les personnes illettrées, se servir d'un ordinateur est très compliqué. Si le numérique est indispensable et nous facilite la vie au quotidien, il ne doit pas être source d'exclusion, et le Défenseur des droits a fait de nombreuses propositions très intéressantes sur le sujet. L'administration doit veiller à ce que l'absence d'accès à internet ne creuse pas les inégalités. Durant le confinement, avec le télétravail et l'école à la maison, la présence d'un seul ordinateur s'est révélée insuffisante. Certains ont eu de bonnes idées. Un enseignant d'un établissement d'éducation prioritaire a, par exemple, envoyé à ses élèves des devoirs lisibles sur smartphone pour pallier l'absence de matériel informatique au domicile des familles. En retour, les devoirs manuscrits étaient photographiés et envoyés par téléphone.
Les moyens financiers et humains du Défenseur des droits, qui sont aussi le gage de son indépendance, apparaissent insuffisants pour faire face à l'augmentation de son activité. Alors que le nombre de saisines s'élevait à 42 000 en 2011 pour les quatre autorités devenues une unique institution, le Défenseur des droits en reçoit aujourd'hui 102 000, soit plus du double, sans que ses ressources aient connu la même progression.
Le respect des droits de l'enfant est, à mes yeux, capital, et il faut bien reconnaître la réalité de la violence institutionnelle à cet égard. Une façon d'y remédier serait d'agir auprès des enfants de façon préventive pour mieux leur faire connaître leurs droits, à commencer par le droit au logement. Qui serait capable d'élever quatre enfants dans une chambre de bonne ? Pour défendre ces droits, il faut travailler sur l'ensemble des droits.
Jacques Toubon a été le premier à dénoncer ce qu'on appelle désormais la violence institutionnelle. Quelle est votre position sur le sujet ?
Au groupe Socialistes et apparentés, nous pensons que votre profil, original, est intéressant pour les fonctions auxquelles il est proposé de vous nommer.
Comment entendez-vous renforcer le réseau territorial qui, selon nos observations, est squelettique ou, à tout le moins, insuffisant ?
Dans les propos que vous avez tenus sur le Covid-19, vous avez insisté sur des préoccupations d'ordre social, que nous ne pouvons que partager. Je précise toutefois que, contrairement à ce que vous avez laissé entendre, l'opposition entre un Paris riche et le reste de la France met de côté les nombreux Parisiens qui, notamment dans l'est de la capitale, sont entassés dans des conditions difficiles et ont vécu le confinement de façon dramatique, leurs enfants enfermés dans des appartements très modestes. À Paris aussi, ces situations existent.
Que comptez-vous faire, précisément, puisque vous l'avez évoqué, pour vous assurer que les recommandations du Défenseur des droits soient suivies d'effet ?
Madame Hédon, vos propos sur l'accès aux droits, l'effectivité des droits, la médiation et le dialogue avec les administrations sont de bon augure.
J'ai pu constater dans le cadre du travail mené avec Coralie Dubost sur le Défenseur des droits que les délégués territoriaux, même s'ils n'osent pas l'exprimer publiquement, souffrent de n'être pas suffisamment connus et respectés, notamment des préfets.
En tant que parlementaire, je m'adresse très fréquemment aux institutions, et je déplore le délai de réponse de celles-ci. À Marseille, un nombre important de dossiers compliqués transmis aux délégués territoriaux et envoyés au siège restent sans réponse, ce qui suscite chez ces derniers un sentiment d'inutilité.
Peu de collectivités territoriales et d'EPCI connaissent le Défenseur des droits. Certains le confondent avec un lobby malgré l'en-tête des courriers aux couleurs de la République ; d'autres, tels des préfets, le jugent inutile, et ne donnent aucune suite à ses demandes.
Concernant le rôle d' amicus curiae du Défenseur des droits, il faut être vigilant sur le respect du principe du contradictoire : certains avocats estiment qu'une telle intervention peut poser problème et déséquilibrer un procès lorsqu'elle méconnaît ce principe.
Vous n'avez pas mentionné les adjoints, dont les domaines de compétence correspondent aux trois collèges, et qui officient au côté du Défenseur des droits, lequel incarne l'unicité de la fonction. Entendez-vous donner plus de lisibilité à leur action ? Pour les avoir entendues en audition, les personnes en poste étaient très demandeuses.
Les avis et recommandations publiés, qui ne sont pas des décisions, pourraient faire l'objet d'une publication permanente assortie des retours des administrations départementales, régionales et centrales sur leur prise en compte effective. Certains déplorent cette course à l'échalote des avis, qui se multiplient mais qui, sans réelle utilité, finissent par entamer le crédit de l'institution.
Un rapport régulier sur la société et ses fractures pourrait également être remis par le Défenseur des droits qui, du fait de son indépendance, serait en mesure d'exprimer ce que d'autres ne peuvent pas dire. Pour reprendre les termes du général de Gaulle, « on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant " L'Europe, l'Europe, l'Europe ! ", ça n'aboutit à rien ». Mieux vaut moins d'avis et plus d'efficacité.
Votre profil est assez séduisant, un peu différent de ceux auxquels nous sommes habitués, et par-là même susceptible de vivifier une institution au sujet de laquelle nos concitoyens sont parfois dubitatifs.
J'aimerais vous interroger sur la notoriété et l'implantation du Défenseur des droits sur le territoire, deux notions qui me paraissent intimement liées. Comment développer et renforcer son ancrage local ? Envisagez-vous de le faire au travers de liens institutionnels et informels plus étroits avec les élus locaux ? Je pense plus précisément, non pas à l'échelon de la commune, bien que le maire soit la sentinelle de la République, mais à celui de l'intercommunalité.
Comment envisagez-vous les rapports de travail du Défenseur des droits avec ses adjoints, qui ensemble forment un tout, et doivent se coordonner autour d'axes collectifs ?
Vous avez mentionné l'intersectionnalité ; quelle en est votre définition ? J'aimerais également connaître votre position sur les revendications identitaires, un phénomène très présent.
À l'instar de ma collègue Laetitia Avia, je me réjouis qu'une femme puisse occuper de si hautes fonctions en matière de garantie des droits fondamentaux.
Mon collègue Pierre Morel-À-L'Huissier et moi-même venons de terminer un rapport sur l'institution qui constitue une première évaluation de son action.
Comment déployer davantage la faculté d'autosaisine, bien trop peu employée ? Cette ambition requiert à la fois du courage et une capacité à dépasser les clivages politiques, à se placer en surplomb de la société pour mieux en pointer les dysfonctionnements intrinsèques et systémiques plus ou moins inconscients.
Nous sommes entrés dans le XXIe siècle et nous avons encore du chemin à faire, en particulier en matière de lutte contre les discriminations. Quand une seule et même administration est responsable des trois quarts des affaires portées devant le Défenseur des droits, que les recommandations en matière de déontologie de la sécurité ne sont ni entendues ni suivies d'effet, il est clair qu'il y a des dysfonctionnements systémiques. Sans en faire porter la responsabilité sur qui que ce soit, j'aimerais savoir comment vous entendez user de vos prérogatives pour vous attaquer à ces sujets.
Le Défenseur des droits a rendu, le 13 décembre 2019, un avis relatif à l'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, qui devrait être mise en débat au Parlement prochainement. Dans l'hypothèse où votre nomination serait entérinée, envisagez-vous de vous saisir de ce dossier à titre personnel et de rendre des conclusions différentes de celles de votre prédécesseur ?
Je tiens à saluer cette proposition de nomination, qui, vous concernant, vaut reconnaissance d'une action au service des autres, d'un parcours militant, terme noble qui a été trop entaché et qui mérite d'être réhabilité. Vous êtes une militante en raison des fonctions que vous exercez à la tête du mouvement ATD Quart monde France, et en tant que membre du Comité consultatif national d'éthique. Nous aurons d'ailleurs à nous prononcer prochainement sur la création de nouveaux droits. Votre militantisme a également apporté une contribution ludique sous la forme d'un manuel contre les idées reçues sur la pauvreté, distribué à tous les parlementaires, et qui donne peut-être un aperçu de la façon dont vous pourriez assurer la pédagogie et la publicité des travaux du Défenseur des droits.
En tant que présidente du mouvement ATD Quart monde France, vous avez suivi de près la stratégie de lutte contre la pauvreté. Or, après la crise du Covid-19, on constate que les plus démunis trouvent de l'aide quand ils en ont absolument besoin – 39 millions d'euros supplémentaires ont été débloqués pour l'aide alimentaire en avril, 55 millions en juin –, mais pas toujours quand elle n'est plus absolument vitale. La prime d'activité a, par exemple, été automatiquement maintenue pour garantir la continuité des droits. Quelles leçons tirez-vous de votre engagement associatif, qui pourraient, dans vos nouvelles fonctions, vous permettre de renforcer l'accès aux droits ?
Dans le cadre des travaux sur le supportérisme que j'ai menés avec Marie-George Buffet, et au sujet desquels le Défenseur des droits s'est résolument engagé, notamment en raison de la mise en cause de libertés fondamentales, j'ai constaté une progression de l'intervention de la police administrative. Les mesures de police individuelle, les restrictions d'accès et de libertés, les interdictions administratives de stade ou de manifestation, les interdictions d'aller et de venir sur le territoire se multiplient. Quelle est votre conviction profonde sur ces questions ? Quelle limite pensez-vous souhaitable de fixer au pouvoir de l'administration, dont il est demandé trop souvent aux parlementaires de l'accroître ?
J'entends accorder une attention particulière au réseau territorial, au lien avec les élus locaux, à l'ancrage local. Du fait de mon parcours au sein d'ATD Quart monde, je suis très sensible au rôle du bénévolat, que je considère comme noble et qui peut tout à fait se conjuguer avec le professionnalisme et l'engagement. Certes, il peut arriver, quand la charge de travail est trop lourde, qu'une certaine souffrance soit ressentie par les bénévoles, mais être délégué territorial a un sens, car le réseau est la porte d'entrée de l'accès aux droits. Je pense d'ailleurs que cette action peut intéresser les jeunes, et même des salariés d'entreprise, qui pourraient être détachés un jour par semaine pour remplir cette tâche. C'est en multipliant les échanges que les questions trouveront des réponses.
Si les délais de réponse restent trop longs, c'est certainement en raison du manque de moyens humains et financiers. Quant à savoir comment les recommandations peuvent être suivies d'effet, c'est la question de fond. Il faudra déterminer, surtout, pourquoi elles ne le sont pas, et agir en conséquence. C'est tout l'intérêt d'effectuer un suivi.
Le contradictoire est assuré dans les juridictions : lors des médiations, les arguments sont communiqués à l'avance à chacune des deux parties.
Concernant la violence institutionnelle, je ne me prononcerai pas sur la conception de Jacques Toubon. Je ne peux pas m'empêcher, en revanche, de vous parler d'une étude réalisée sur l'initiative d'ATD Quart monde en partenariat avec l'université d'Oxford. La recherche, menée pendant trois ans, a porté sur les dimensions de la pauvreté dans six pays, trois du Nord – France, Grande-Bretagne, États-Unis – et trois du Sud – Bolivie, Tanzanie, Bangladesh. Une des spécificités de ce travail réalisé a été d'associer à des chercheurs de haut niveau des personnes en situation de précarité comme cochercheurs. Ce qui est ressorti dans l'ensemble des pays étudiés, outre les constats connus tels que les difficultés d'accès aux droits, le manque de revenus financiers et l'empêchement à agir, c'est la question de la violence institutionnelle.
Ce ne sont pas les personnes qui veulent mal faire, mais leurs actes sont ressentis comme violents. La pédagogie est au centre : il faut comprendre comment est perçu ce qu'on dit et ce qu'on fait. Le système peut être violent pour les personnes les plus en difficulté, et quand je dis cela, je ne veux juger personne. Les pauvres ne sont pas violents ; ils sont victimes de violences.
Étant profondément respectueuse des institutions, je n'ai pour l'instant pris l'attache de personne, mais si ma nomination est effective, je nommerai mes adjoints en complémentarité avec mon propre profil. Je choisirai des personnes de haut niveau avec lesquelles j'entends travailler en collégialité. On est plus intelligent à plusieurs.
Concernant les publications, le rapport annuel me semble déjà suffisamment montrer les fractures de la société. Je suis toutefois favorable à l'idée défendue par Jacques Toubon de créer un observatoire des discriminations.
Si je suis interpellée par la montée des revendications identitaires, je ne pense pas que mon avis sur le sujet importe. En tant que pigiste puis journaliste à France Inter et à RFI, j'ai fait le tour de toutes les banlieues. Ce que j'ai vu m'a conduit à me demander : « qu'est-ce qu'on a raté ? ». Face à ce constat, il faut trouver le moyen de travailler ensemble. L'échange est capital pour éviter l'enfermement dans des convictions. Il me semble que les collèges, les comités d'entente et de liaison sont essentiels pour mener ce travail et entretenir le dialogue avec les acteurs associatifs et les entreprises.
Sur l'autosaisine, il faut trouver le moyen de faire remonter à l'institution les difficultés du terrain, et ne pas s'en tenir aux seules affaires publiées dans la presse. Je ferai en sorte que la porte soit toujours ouverte au plus grand nombre d'associations et de groupements.
Quant à dépasser les clivages politiques, vous pouvez me croire, j'y ai été formée au sein d'ATD Quart monde, et ce n'est pas un problème pour moi. C'est d'ailleurs ce qui m'a attirée au départ dans ce mouvement : la diversité des opinions politiques et des origines, et la possibilité de travailler ensemble au service d'un but commun.
Les atteintes aux libertés font partie des questions à approfondir. Il est, à cet égard, intéressant d'observer ce qui s'est passé durant le confinement : la restriction des libertés a été largement acceptée par les citoyens, mais combien de temps une telle atteinte est-elle admissible, et comment peut-elle être contrôlée ? Au demeurant, si nous avons eu l'impression que nos libertés étaient rognées, elles le sont depuis bien longtemps pour les personnes victimes de discrimination.
Délibérant à huis clos, la Commission procède au vote par scrutin secret, en application de l'article 29-1 du Règlement, sur la nomination de Mme Claire Hédon en qualité de Défenseure des droits.
Le résultat du scrutin est le suivant :
Nombre de votants : 24
Bulletins blancs, nuls ou abstentions : 0
Suffrages exprimés : 24
Avis favorables : 19
Avis défavorables : 5
La réunion se termine à 12 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Pacôme Rupin, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, M. Alain Tourret, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann
Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, M. Mansour Kamardine, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Maina Sage
Assistait également à la réunion. - M. Christophe Naegelen