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La commission examine la proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique (n° 4571) (M. Hubert Wulfranc, rapporteur)

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Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a inscrit à l'ordre du jour de la journée de séance qui lui est réservée, ce jeudi 2 décembre, une proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique.

Cette proposition de résolution a été examinée mercredi dernier, 24 novembre, par la commission des affaires européennes, qui l'a rejetée ; nous sommes donc saisis de sa rédaction initiale.

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Ainsi, j'ai le plaisir de présenter aux membres de la commission des finances la proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique que le groupe GDR a souhaité inscrire à l'ordre du jour de sa niche parlementaire. Cette question nous semble en effet devoir être discutée dans le cadre du débat public européen, au moment où s'ouvre une fenêtre d'opportunité, notamment avec la présidence française de l'Union européenne.

Au cours des auditions que nous avons menées avec mon collègue André Chassaigne, nous sommes parvenus à un certain nombre de constats.

D'abord, le contexte. La crise sanitaire a rebattu les cartes du débat européen, et l'Union européenne se trouve à un moment charnière de son histoire. En effet, en mars 2020, pour permettre aux États de faire face à la crise, la Commission européenne a suspendu l'application des règles du pacte de stabilité et de croissance. Aujourd'hui, le constat est simple : dépassées depuis la crise économique et financière, ces règles sont devenues obsolètes, en raison non seulement de la crise sanitaire mais aussi du défi écologique. De fait, comment peut-on ne serait-ce qu'envisager de rétablir les critères de Maastricht, à savoir un déficit public annuel inférieur à 3 % du PIB et une dette publique limitée à 60 % du PIB ? Un tel objectif nous paraît irréaliste, et son coût économique et social serait terrible.

Je veux insister sur les défis qui nous attendent. La crise sanitaire et ses conséquences sont loin d'être derrière nous ; or l'action de l'État reste centrale en la matière. Surtout, la menace que représente le réchauffement climatique se fait de plus en plus pressante. J'ai relevé que, lors des débats en commission des affaires européennes, la légitimité de la proposition de résolution avait été discutée, au motif que les actions engagées tant au niveau national qu'au niveau européen étaient susceptibles de contenir la trajectoire du réchauffement climatique. Tout en reconnaissant les efforts consentis, nous nous en tenons, quant à nous, aux évaluations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) : la trajectoire actuellement suivie en Europe ne permettra pas d'atteindre les objectifs fixés en matière de neutralité carbone.

D'ailleurs, la COP26 n'a pu que constater l'ambition plus que limitée de la communauté internationale en la matière. Elle a également renvoyé les pays développés à leurs responsabilités : non seulement ils ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis des pays les moins développés, mais ils ne jouent pas suffisamment un rôle moteur pour entraîner, à l'échelle internationale, l'ensemble des acteurs sur la voie de la transition écologique.

La question du changement climatique est donc toujours aussi prégnante, et les réponses ne sont pas à la hauteur, notamment en matière de financement.

De fait, la transition écologique exige des investissements massifs, privés et publics. S'il est encore difficile d'en évaluer précisément l'ampleur, la Cour des comptes européenne estime que, pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, leur montant devrait être, à l'échelle de l'Union européenne, de l'ordre de 1 000 milliards d'euros supplémentaires par an au cours de la période 2021-2050, soit, pour ce qui concerne la France, un montant d'investissements d'au moins 100 milliards supplémentaires chaque année. Les quelques 30 milliards du plan de relance français et les 625 milliards du volet écologique du plan européen pour la période 2021-2027 sont donc largement insuffisants.

Vous me répondrez que le secteur privé investit également dans la lutte contre le changement climatique et qu'il peut même jouer un rôle moteur en la matière. Certes, et c'est heureux, mais l'investissement public n'en demeure pas moins absolument crucial et urgent. D'abord, parce que les investissements publics produisent un effet levier sur les investissements privés, de l'ordre de un pour quatre, voire un pour cinq – sans être un expert, il me reste, c'est ma tendance sociale-démocrate, quelques références keynésiennes, notamment l'effet multiplicateur de la dépense publique… Ensuite, parce que, selon la Cour des comptes européenne, le marché ne peut pas assumer les risques et les coûts élevés liés à certains investissements, d'autant que le secteur privé ne tient pas compte de l'intégralité des coûts sociaux et environnementaux induits par la mutation des activités économiques, coûts qui devront être pris en considération par le secteur public – je pense, par exemple, à la filière automobile. Au demeurant, le privé ne se risque pas toujours à investir dans la recherche et le développement lorsque le secteur considéré ne lui garantit pas une rentabilité immédiate des capitaux investis.

La conclusion de nos travaux est donc évidente, et elle semble de plus en plus partagée : il existe une incompatibilité fondamentale entre les besoins en investissements publics immédiats et de grande ampleur que nous impose la transition écologique et les règles budgétaires européennes, qui apparaissent dépassées. Selon certains, les deux objectifs, c'est-à-dire la réduction de la dette et les investissements nécessaires à la transition écologique, pourraient être visés conjointement, mais il faudrait pour cela recourir à l'impôt, ce qui présente certains aléas.

Notre groupe propose donc d'instaurer une règle d'or concernant les investissements verts. Il s'agirait d'exclure du calcul du déficit public tous les investissements réalisés en faveur de la transition écologique, notamment – la liste n'est pas exhaustive – dans les infrastructures de transport, la rénovation énergétique du parc immobilier, l'accompagnement de la transition agro-écologique, la formation et la recherche dans les métiers et technologies d'avenir, et la protection de la biodiversité.

D'aucuns pourraient nous dire que cette proposition – que j'ai qualifiée tout à l'heure de sociale-démocrate – manque d'ambition. Nous en sommes conscients. Mais elle est pragmatique, car ce que nous proposons est réalisable rapidement. En effet, l'instauration d'une telle règle d'or est dans l'air du temps. Une réflexion, d'ailleurs impulsée par la France, est en cours au niveau européen. Beaucoup d'économistes s'y sont déclarés favorables et, au niveau des différents exécutifs nationaux, que ce soit en Allemagne ou en Finlande, les choses bougent également. Surtout, cette proposition n'implique pas la révision des traités européens : une modification de la législation secondaire de l'Union européenne, voire une simple communication interprétative de la Commission européenne, pourraient suffire.

Bref : les critères de Maastricht sont remis en question. L'adoption de cette proposition de résolution européenne permettrait, au moment où la Commission elle-même a lancé une consultation publique sur la réforme du pacte de stabilité et de croissance, d'affirmer une position française et de provoquer un débat sain en vue de lutter contre un immobilisme regrettable, compte tenu des défis que nous devons relever.

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La lutte contre le changement climatique doit être une priorité. Cependant, nous ne sommes d'accord ni avec vos constats ni avec vos propositions.

Vous dites que la mise en œuvre des critères de convergence budgétaire européens contribue depuis quarante ans à l'affaiblissement de l'État social, à la détérioration des services publics et à la dégradation des conditions de vie dans de nombreux pays européens. Nous ne pouvons souscrire à cette vision de l'Europe. Les critères de convergence ont justement été fixés dans le but de rapprocher les économies des États membres, ce qui constitue l'essence même de la construction de l'Union. Néanmoins, je vous donne raison sur un point : il faut réviser les cadres budgétaires européens – le ministre de l'économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, l'a d'ailleurs évoqué.

Vous dites aussi qu'il n'est plus possible de donner la priorité à la réduction de la dette et à l'équilibre budgétaire plutôt qu'aux objectifs sociaux, économiques et environnementaux. Or l'Europe, et a fortiori la France, mène de front les combats consistant à rembourser la dette, opérer la transition écologique et assurer la justice sociale. Notre commission a ainsi voté 130 milliards d'euros d'investissements pour les programmes France relance et France 2030, afin de parvenir à la neutralité carbone d'ici à 2050.

Vous dites qu'à ce jour les investissements nécessaires à la réussite de la transition écologique sont insuffisants et que, en ce qui concerne l'objectif consistant à limiter le changement climatique, nous sommes en échec. Or, depuis trente ans, l'Union européenne a réduit de 31 % ses émissions de gaz à effet de serre, et elle vise la neutralité carbone en 2050, notamment grâce au paquet Fit for 55 – car nous devons aller plus vite, en effet.

Tout cela vous prouve, monsieur le rapporteur, que la prise en compte de la cause environnementale suppose non pas de s'affranchir des règles budgétaires mais de les transformer. C'est la raison pour laquelle le groupe La République en marche s'opposera à l'adoption de cette proposition de résolution européenne ainsi qu'à l'amendement que vous avez déposé.

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Monsieur le rapporteur, vous proposez de modifier en profondeur le cadre commun de la politique économique et budgétaire de l'Union européenne, au motif qu'il faut relever les défis qui nous attendent, notamment dans les domaines social et écologique. Vous dénoncez les politiques d'austérité, qui sont pour vous synonymes d'inaction climatique, de recul des services publics, de détérioration de notre modèle social et de recrudescence des inégalités. Vous demandez la révision de tous les critères européens.

Mon groupe l'a souvent indiqué, notamment au cours de l'examen des textes budgétaires : notre priorité est de libérer la France du surendettement. Pour que notre pays soit reconnu, il doit être en mesure d'honorer ses engagements. C'est un enjeu de souveraineté. Emmanuel Macron a laissé filer les dépenses ordinaires – 100 milliards d'euros supplémentaires en trois ans –, et aucune réforme structurelle n'a été entreprise. Il faut agir sur ces deux points.

Nous devrions pouvoir nous rassembler autour de la règle suivante : il ne faut pas faire reposer sur les générations futures le coût de nos dépenses sociales. C'est pourquoi il importe d'engager des réformes structurelles. Nous ne sommes donc pas favorables à une modification des critères de Maastricht destinée à dépenser plus. Nous sommes favorables, en revanche, à une réorientation de la politique globale de la France. Cela permettrait de nourrir les investissements dans la transition écologique, laquelle représente effectivement un défi.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas en faveur de ce texte.

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Votre exposé, monsieur le rapporteur, diffère un peu, sur le fond comme sur la forme, de celui d'André Chassaigne, qui a défendu le texte devant la commission des affaires européennes. Quoi qu'il en soit, notre position sera la même : nous ne voterons pas cette proposition de résolution.

L'un de vos considérants est ainsi rédigé : « Considérant que les politiques d'austérité conduites depuis une décennie suite au choc financier de 2008 et à la crise des dettes souveraines ont prolongé la dépression économique et pénalisé l'investissement public et privé ». Cette analyse me semble très éloignée de la réalité : sans l'Union économique et monétaire, nous ne serions peut-être pas encore sortis de la crise en question. Ce considérant ne saurait donc servir de base de travail pour élaborer un nouveau pacte de stabilité et de croissance.

Vous proposez une solution intermédiaire consistant à déduire de la dette les dépenses liées à la transition écologique. Sur le plan technique, cette solution n'est pas la bonne. Nous sommes tous d'accord pour dire que les critères retenus pour le cadre financier posent problème, notamment celui du niveau de déficit mesuré au regard du PIB, que nous ne serons pas en mesure de respecter. Mais la fixation, pour chaque pays, d'un pourcentage de déficit en fonction de sa croissance potentielle me semble constituer une meilleure solution. Vous avez raison sur un point, en revanche : la dépense publique a un effet levier sur la dépense privée – mais tel n'est pas l'objet de votre proposition de résolution.

Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à ce texte.

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Cette proposition de résolution européenne ne devrait même pas exister, non parce qu'elle serait mauvaise, mais parce que ce qui y est écrit devrait tomber sous le sens.

Vous proposez de sortir du calcul du déficit les dépenses d'investissement dans les transports, la rénovation énergétique du parc immobilier, l'agro-écologie, la biodiversité, la formation et la recherche. De fait, lorsque l'on dépense un euro mais que l'on récupère davantage par la suite, c'est une aberration de considérer qu'il s'agit d'une dépense : c'est un investissement, une avance pour l'avenir, qui permettra, en outre, de financer, demain, d'autres dépenses, qui rapportent moins qu'elles ne coûtent mais qui n'en sont pas moins nécessaires.

Pas un seul économiste ne recommande une dette à 0 % du PIB. D'ailleurs, il n'existe pas non plus un seul pays ayant une dette à ce niveau, et ce n'est pas un hasard : un pays qui n'investit pas se prépare au déphasage. Le lien entre les investissements et la croissance a été clairement établi. La croissance permet ensuite mécaniquement de minorer l'endettement. La majorité le sait, et fait exactement ce pari ; or considérer l'investissement de la même manière que les autres dépenses, c'est mettre cette démarche en péril. Ce choix n'est pas anodin : les Économistes atterrés ont montré que, depuis 1978, le solde budgétaire hors dépenses d'investissement public a été positif en permanence, à l'exception des récessions de 1992, de 2008 et de 2020. Plus encore, le déficit a toujours été en dessous de 3 % du PIB, sauf en 2020.

Plus personne ne doute qu'il soit inévitable à l'avenir de mettre en œuvre la proposition formulée dans le texte – mais, visiblement, l'avenir n'est pas encore pour aujourd'hui… Pourtant, imaginez où en serait l'Europe si une telle capacité d'investissement avait été libérée plus tôt, pour nous et pour nos partenaires.

Enfin, il convient de rappeler qu'une proposition de résolution n'a pas d'effet législatif concret. Celle-ci, en particulier, ne fait qu'inviter le Gouvernement à discuter avec nos partenaires européens, en particulier la nouvelle coalition allemande « feu tricolore », qui s'est déclarée prête à engager les nécessaires discussions sur ce point. Dans ces conditions, il serait regrettable de rejeter ce texte.

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Cette proposition de résolution européenne permet d'aborder deux questions centrales : la nécessité d'investir massivement dans la transition écologique, d'une part, et la volonté de faire évoluer les règles budgétaires européennes, d'autre part. Il est ainsi proposé d'exclure les investissements réalisés en faveur de la transition écologique des dépenses comptabilisées dans l'évaluation du respect par les États membres des critères du pacte de stabilité et de croissance. Nous ne pensons pas que cette solution soit à même de répondre aux deux grands défis auxquels nous sommes confrontés.

Pour ce qui est de la transition écologique, il faut rappeler les engagements déjà pris par l'Union européenne – je pense notamment au Pacte vert pour l'Europe et au paquet climat, qui fixent un objectif extrêmement ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Un tiers des 1 800 milliards d'euros du plan de relance européen et du budget septennal de l'Union européenne y seront consacrés. On ne peut donc pas dire que la politique européenne en la matière manque d'ambition.

Les règles budgétaires européennes, suspendues depuis le début de la crise, doivent quant à elles évoluer. S'il nous paraît évident qu'il sera impossible de revenir aux règles de Maastricht telles qu'elles existaient avant la crise, il ne nous semble pas opportun d'opter pour la solution que vous préconisez. Quel que soit l'usage de la dépense, celle-ci doit être financée par des recettes fiscales ou de l'endettement. Dès lors, exclure certaines dépenses du cadre budgétaire constituerait un outil déresponsabilisant, qui conduirait à une vision tronquée de l'état des finances publiques et pourrait, à terme, mettre en danger la soutenabilité de l'endettement public. Si nous pouvons convenir avec vous que toutes les dépenses liées à la transition écologique sont un investissement pour l'avenir, il nous semble nécessaire de garder une vision globale de la gestion des États de l'Union européenne. Dès lors, le groupe Agir ensemble votera contre cette proposition de résolution.

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Nous partageons certains constats du groupe GDR, en particulier s'agissant de l'obsolescence des critères budgétaires européens et de l'insuffisance des investissements verts, même si nous considérons que sa vision de l'Europe est quelque peu pessimiste.

La proposition de résolution a le mérite de poser une question qui doit être tranchée : qu'adviendra-t-il des critères de Maastricht à la sortie de la crise ? Personne ne saurait prétendre que ces critères, fixés dans les années 1990, sont encore d'actualité, alors que la dette explose un peu partout. Notre groupe est donc favorable à un débat sur la règle fixant à 60 % du PIB le niveau maximal de l'endettement public. Faut-il maintenir ce plafond, le supprimer ou bien le relever ? Si nous n'ignorons pas les vertus des politiques de relance, nous n'oublions pas non plus que ce sont les générations suivantes qui paieront les conséquences de ce qui n'aura pas été fait pour préparer l'avenir.

L'autre débat concerne les dépenses dites vertes. Au niveau européen, les appels se multiplient pour différencier la bonne dépense publique, c'est-à-dire les investissements dans l'avenir, de la mauvaise dépense. Ainsi, la proposition de résolution européenne appelle à faire sortir les dépenses vertes du calcul du déficit. Si l'intention nous paraît louable, le dispositif est discutable. D'une part, on peut penser que ce n'est pas la règle des 3 % de déficit qui freine les investissements pour le climat, mais plutôt un manque de volonté politique. D'autre part, ce mécanisme conduit à ouvrir une boîte de Pandore : qu'adviendrait-il si chaque État demandait la déduction d'autres catégories de dépenses – santé, éducation, ou défense ?

Une réforme globale apparaît donc utile. À cet égard, la présidence française de l'Union européenne constitue une chance à saisir.

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Les députés communistes soutiendront cette proposition de résolution défendue avec conviction par nos collègues André Chassaigne et surtout Hubert Wulfranc.

L'urgence écologique nous oblige à une action rapide et d'envergure. Cette proposition de résolution y participe. Le dernier rapport du GIEC nous alerte quant à la nécessité d'agir vite, alors que les premiers effets irrémédiables du réchauffement climatique apparaissent déjà. L'ambition du texte peut sembler limitée. De fait, il ne remet pas en cause les traités européens, que nous dénonçons pourtant régulièrement – qu'il s'agisse des critères budgétaires, du statut de la Banque centrale européenne (BCE) ou encore de la concurrence outrancière. Cette proposition de résolution a cependant le mérite de chercher un consensus et de permettre d'agir vite, en évitant des négociations longues qui s'avéreraient coûteuses pour l'environnement. Elle permet également une action d'envergure pour enclencher enfin la transition écologique – car, depuis de nombreuses années, les carcans budgétaires européens n'ont pas permis de déployer les investissements nécessaires. D'ailleurs, le seul moment où un léger effort budgétaire a été consenti, c'est à l'occasion du plan de relance, alors que les critères étaient levés.

L'exclusion des investissements écologiques, tels que nous les avons définis, permettra de déployer des moyens et des dispositifs de manière durable, en appréhendant le temps long, grâce à une réelle planification. La soutenabilité écologique doit primer. La soutenabilité budgétaire, même si elle est très secondaire à nos yeux, n'est pas pour autant affaiblie par la proposition de résolution. Les taux d'intérêt restent extrêmement faibles. L'action de la BCE depuis sept ans ainsi que la forte demande de titres de dette française ont annihilé tout risque d'insoutenabilité de notre dette. Il faut donc en profiter, agir vite et fort pour la transition écologique.

À la veille de la présidence française de l'Union européenne, l'adoption de ce texte serait un message fort pour nos partenaires lors de la nécessaire renégociation des règles budgétaires. Si l'on n'allège pas les règles budgétaires, la transition écologique n'aura jamais lieu.

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Le groupe GDR souhaite assouplir le pacte de stabilité. Cela aurait du sens si la France était exemplaire en matière de déficits publics et de dette. Or, nous faisons face à un mur de dette colossal… Ce n'est jamais le mauvais élève de la classe qui doit demander que les règles changent : par définition, il est moins crédible que le bon élève !

Je suis intimement convaincue que seules des réformes structurelles seront à même de conforter le modèle social que nous voulons conserver tout en nous permettant de retrouver l'équilibre financier. Il vaut donc mieux travailler au redressement des finances publiques. Car ce que nous transmettrons aux générations futures, ce sont non seulement des dettes, mais aussi la somme de nos renoncements et de nos égarements.

Je propose que la présidence française de l'Union européenne, qui commencera le 1er janvier 2022, se mette sérieusement à la tâche, avec l'ensemble des États membres, pour trouver un équilibre entre les mesures environnementales à mettre en œuvre, adaptables à chaque pays, et les moyens à y consacrer.

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Vous sous-entendez, monsieur le rapporteur, qu'il existe une corrélation entre l'endettement d'un pays et sa capacité à financer la transition écologique. Or, en tant qu'élu des Français d'Europe du Nord, j'observe que les cinq pays dans le monde qui financent le mieux leur transition écologique, à savoir la Suède, le Danemark, la Norvège, la Suisse et l'Autriche, sont également des pays ayant un endettement beaucoup moins important que le nôtre. Pourquoi selon vous y arrivent-ils sans déroger au pacte de stabilité ?

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J'aurais aimé entendre nos collègues de La République en marche, qui ont tenu des propos très durs, se montrer aussi sévères sur d'autres sujets, comme l'austérité. La simple honnêteté intellectuelle empêche d'affirmer qu'on est sur une trajectoire de réussite en matière de changement climatique lorsqu'on n'atteint pas ses objectifs ou qu'on les reporte – situation qui soulève la question de l'effort supplémentaire qu'il conviendrait d'accomplir, notamment en matière d'investissements.

Pour répondre à nos collègues du Modem sur les politiques d'austérité et de maîtrise des dépenses publiques, je voudrais souligner que celles-ci ont eu pour conséquence, après la crise financière de 2008, de réduire les investissements publics. C'est factuel, et cela a eu un effet procyclique sur la récession, empêchant une reprise consolidée.

Je suis conscient de nos divergences avec nos collègues LR sur la façon d'engager un pays sur la voie du désendettement. J'entends bien les réformes structurelles et les modifications en profondeur qu'ils évoquent, mais l'objet de notre proposition de résolution est, de façon limitée, de tirer parti des potentialités de négociation qui existent dans le cadre des règles de Maastricht. Cela pourrait prendre la forme de modifications secondaires, voire d'adaptations flexibles, que la Commission pourrait parfaitement inscrire à son ordre du jour.

J'entends mes collègues libéraux dire qu'il faut libérer la France et faire de son désendettement une priorité, seule ou en articulation avec d'autres, par exemple dans le domaine social ou environnemental. Néanmoins, la question du surendettement, telle qu'elle est posée, nous apparaît infondée : la France est un pays sûr et attractif, qui possède des actifs solides. Même si notre dette s'élève à environ 2 700 milliards d'euros, soit plus de deux fois le niveau de 2007, la charge de la dette n'a jamais été aussi faible depuis quarante ans. Cela soulève la question du niveau des intérêts et des opportunités pour emprunter et investir : nous aurons quelques contre-feux à opposer à vos arguments si nous parvenons à faire inscrire cette proposition de résolution à l'ordre du jour de la séance.

Une telle proposition revient-elle à ouvrir la boîte de Pandore et à déresponsabiliser l'État dans la gestion des dépenses publiques ? Il est vrai que nous devons traiter ce sujet de façon globale, en prenant en considération l'ensemble des priorités, même si elles ne relèvent pas de l'écologie, comme la santé – qui représente des enjeux financiers considérables – ou l'éducation et la formation. Tel est l'objet de l'amendement que nous présenterons.

Enfin, Alexandre Holroyd m'a demandé pourquoi les pays du Nord, qui conduisent une politique de transition écologique parmi les plus performantes, sont aussi les moins endettés. D'une part, les pays du Nord me semblent être les grands bénéficiaires de l'Union européenne d'un point de vue financier – et cela ne date pas d'hier. On sait que les arbitrages européens en matière de financement donnent lieu, encore aujourd'hui, à des débats agités entre les pays du Nord et les pays du Sud. D'autre part, tout comme vous, je suis dans l'incapacité d'expertiser la contribution de ces pays, qu'il s'agisse de la Norvège, de la Suède, de la Finlande et même de l'Allemagne, au réchauffement climatique. Il y a quand même quelques questions à se poser sur la politique allemande en matière de transition écologique, notamment sur l'abandon total du nucléaire et sur le recours au gaz, qui sera indispensable avec le déploiement des énergies non pilotables.

Je ne prétends pas, avec cette réponse, avoir couvert l'ensemble des sujets que vous avez abordés, mais c'est ma réponse, comme aurait pu le dire Georges Marchais.

La commission en vient à l'examen de l'article unique.

Article unique

Amendement CF1 de M. Hubert Wulfranc.

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Une telle proposition de résolution peut faire craindre une éviction des investissements qui ne seraient pas directement liés à la transition écologique. Certes, le fait d'exclure les investissements verts du calcul du déficit budgétaire des États ouvre à ces derniers des marges de manœuvre pour consolider d'autres politiques publiques. Mais ces marges doivent justement profiter à ces dernières, et non être récupérées à des fins budgétaires. C'est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement, qui « Invite, dans le même temps, la Commission européenne à se saisir de toutes les flexibilités offertes par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance pour ne pas pénaliser les dépenses et investissements qui ne sont pas directement liés à la transition écologique », afin de tenir compte des préoccupations dans le domaine sanitaire et éducatif notamment.

La commission rejette l'amendement CF1.

Elle rejette l'article unique.

L'ensemble de la proposition de résolution est ainsi rejeté.

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 30 novembre à 17 heures 15

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Jean-Louis Bricout, M. Michel Castellani, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Paul Dufrègne, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Catherine Osson, Mme Zivka Park, M. Hervé Pellois, M. Damien Pichereau, Mme Christine Pires Beaune, Mme Claudia Rouaux, M. Hubert Wulfranc

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Émilie Bonnivard, Mme Aude Bono-Vandorme, M. François Cornut-Gentille, M. Brahim Hammouche, M. Daniel Labaronne, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Laurent Saint-Martin, M. Éric Woerth