La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Nous poursuivons notre cycle d'auditions consacrées à l'Europe de la défense en recevant le général Laurent Marboeuf, chargé depuis 2020 des relations internationales militaires à l'état-major des armées.
Général, je vous remercie d'avoir accepté d'intervenir sur le bilan intermédiaire et les perspectives militaires de la Boussole stratégique.
Alors que la France préside le Conseil de l'Union européenne depuis le 1er janvier, l'une de ses priorités en matière de défense est la conclusion des travaux sur la Boussole stratégique, dans un sens bien entendu favorable à son ambition de renforcer l'autonomie stratégique européenne afin de passer, pour reprendre les mots du Président de la République, « à une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maître de son destin ».
Comme l'a souligné la ministre des armées lors de son audition par notre commission en décembre dernier, « la Boussole stratégique ne doit pas être un rapport de plus, mais un véritable plan d'action concret, voire le premier Livre blanc de défense pour l'Union européenne ».
Une première version de la Boussole stratégique a été examinée par le Conseil des affaires étrangères du 15 novembre 2021 et par le Conseil européen du 16 décembre dernier. Le débat devrait se poursuivre entre les États membres jusqu'au Conseil européen des 24 et 25 mars 2022, qui devrait adopter un document révisé.
La Boussole stratégique s'appuiera, en premier lieu, sur une analyse des menaces auxquelles est confrontée l'Union européenne. Cette analyse est un préalable indispensable car, sans consensus sur notre vision des menaces, il est impossible d'élaborer une quelconque stratégie commune.
Général, les États membres pourront-ils aller au-delà du plus petit dénominateur commun et faire de cette analyse des menaces autre chose qu'un catalogue ? Êtes-vous confiant quant à leur capacité commune de définir une véritable vision stratégique pour la prochaine décennie ? Le point de vue de la France sur les plus grandes menaces qu'affronte et affrontera l'Union européenne est-il partagé par une grande majorité des États membres ?
Sur le fondement de cette analyse des menaces, la Boussole stratégique comportera quatre chapitres : la gestion de crise, la résilience, le développement des capacités et les partenariats. Chacun de ces chapitres suscitera, je n'en doute pas, de nombreuses questions de mes collègues ; je me limiterai, pour ma part, à deux interrogations.
La proposition ambitieuse du haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, soutenue par de nombreux États membres, de créer une réelle capacité de réaction rapide vous semble-t-elle réaliste, compte tenu du précédent des groupements tactiques de l'Union européenne (GTUE), qui s'entraînent depuis 2005 sans jamais avoir été déployés sur le terrain ?
Comment la Boussole stratégique s'articulera-t-elle avec l'engagement dans l'OTAN, qui constitue la clé de voûte de la politique de défense de nombre d'États membres ? Quelle est l'implication et le positionnement de vos homologues européens membres de l'OTAN ?
C'est un grand honneur pour moi de m'exprimer devant vous sur la Boussole stratégique ; j'espère que cette audition complétera utilement celle de la ministre des armées sur les enjeux de défense et celle du directeur général de l'état-major de l'Union européenne.
Je commencerai mon propos en expliquant ce que recouvrent les relations internationales militaires et mes responsabilités en tant qu'officier général chargé de cette question à l'état-major des armées, afin que vous cerniez le prisme à travers lequel nous appréhendons la coopération militaire européenne. Puis, je vous ferai part de l'appréciation que je porte sur les évolutions récentes de l'Europe de la défense, afin de replacer dans leur contexte les axes de nos efforts au sein de l'Union européenne. Je dresserai ensuite un bilan provisoire de l'exercice de réflexion en cours sur la Boussole stratégique, avant de conclure en soulignant la nécessité d'inscrire cette dynamique dans la durée afin d'obtenir des avancées tangibles pour l'efficacité militaire de l'Union européenne.
Officier général chargé des relations internationales militaires depuis septembre 2020, je suis chargé, au nom du chef d'état-major des armées (CEMA) – qui se voit attribuer par le code de la défense de nombreuses responsabilités en matière de relations internationales militaires – de la coordination des relations militaires des armées françaises avec les armées étrangères, notamment au sein des structures militaires et des organisations internationales telles que l'OTAN, l'Union européenne ou l'ONU. Pour exercer ces attributions, je m'appuie sur deux divisions de l'état-major des armées, les divisions euratlantique et coopération bilatérale Sud, qui constituent, dans leurs périmètres de compétence respectifs, l'échelon de synthèse des actions entreprises en matière de relations internationales par les différentes divisions de l'état-major des armées et les armées, directions et services relevant de l'autorité du CEMA. Nous entretenons à cette fin d'étroites relations de coordination avec d'autres acteurs du ministère, comme la direction générale de l'armement ou la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS).
Nos missions s'exercent dans un environnement stratégique en mutation, marqué par l'exacerbation des logiques de puissance, le développement des stratégies hybrides et la désinhibition de nos grands compétiteurs. Comme l'indique le CEMA dans sa vision stratégique publiée en octobre 2021, le continuum paix-crise-guerre, au prisme duquel nous analysions les soubresauts internationaux depuis la fin de la guerre froide, est devenu partiellement caduc. Nous devons désormais envisager et préparer notre stratégie militaire à la lumière des notions, étroitement intriquées, de compétition, de contestation et d'affrontement.
Cette grille de lecture appelle deux remarques liminaires.
En premier lieu, le besoin de relations internationales militaires, de diplomatie et de partenariats militaires n'a jamais été aussi fort. De fait, si les armées françaises conservent leur capacité à agir seules, le cadre normal de notre engagement est celui de l'action collective. À cet égard, les relations internationales militaires jouent un rôle crucial d'impulsion et de rassemblement de nos partenaires en appui des opérations - pour disposer des bons alliés au bon moment ; pour favoriser le développement capacitaire - accroître l'interopérabilité de nos forces et ancrer le partenariat sur le long terme ; et, enfin, pour renforcer notre influence dans les organisations internationales et y garantir la bonne prise en compte de nos intérêts. Dans ses directives, le chef d'état-major des armées, que je suis souvent amené à représenter, promeut ainsi le développement d'un esprit de solidarité stratégique envers nos partenaires – dont l'attente est souvent forte vis-à-vis de la France –, dans un souci constant d'équilibre et de pédagogie, grâce à une grande capacité d'écoute dans chacun de nos échanges internationaux.
En second lieu, face au durcissement du contexte géopolitique, l'Union européenne doit, pour éviter tout déclassement et une dépendance accrue, s'assumer comme un pourvoyeur de sécurité autonome pour sa population et ses partenaires. Elle doit être capable de gérer mais aussi de prévenir des crises de différentes natures sur l'ensemble du spectre et dans son voisinage élargi. Comme l'indiquait récemment la ministre des armées dans ces murs, « il s'agit d'avoir une Europe qui agit pour elle-même et qui ne subit pas les appétits et les priorités des autres ».
La défense dispose pour ce faire d'une fenêtre d'opportunité offerte par la conjonction de différents facteurs : l'exercice d'une responsabilité institutionnelle et politique rare – la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE) ; une relative prise de conscience stratégique européenne – provoquée notamment par le retrait américain d'Afghanistan, l'engagement commun en Afrique et, dans une moindre mesure, l'affaire AUKUS ; la conduite des deux grandes réflexions stratégiques que sont la Boussole stratégique et la rénovation du concept stratégique de l'OTAN ; enfin, la densification de nos relations militaires bilatérales avec plusieurs de nos partenaires, tels que la Grèce, l'Italie, l'Espagne et la Croatie.
Il y a un moment européen que nous devons exploiter avec ambition et pragmatisme pour rehausser la stature et l'efficacité de l'Union européenne en tant qu'acteur militaire et, en conséquence, soutenir les efforts français.
Avant d'en venir à la Boussole stratégique proprement dite, je souhaiterais partager avec vous divers constats, que j'espère lucides, sur les imperfections et les mérites de l'action militaire européenne, qu'ils s'inscrivent dans le cadre de l'Union européenne stricto sensu, c'est-à-dire celui de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), ou dans des cadres ad hoc. Ce détour est utile pour comprendre la genèse et la logique des priorités que nous défendons depuis plus d'un an et demi dans le cadre de la préparation de la Boussole.
Qu'en est-il, tout d'abord, des imperfections de l'action militaire européenne ? L'Europe s'est longtemps construite sans la défense. Entreprise assez récente, la PSDC, issue en 2010 du traité de Lisbonne, a ainsi dû se faire une place dans un écosystème où les sujets de défense étaient et demeurent, dans une certaine mesure, des sujets de souveraineté et des sujets otaniens. Je citerai un seul chiffre pour illustrer mon propos : le Service européen pour l'action extérieure (SEAE), qui est le service diplomatique de l'Union européenne, structure qui rassemble plus de 4 000 personnes, ne compte que 250 militaires en uniforme. Ces derniers composent l'état-major de l'Union européenne, commandé par le vice-amiral d'escadre Bléjean, et sa capacité militaire de planification et de conduite, la MPCC.
À cette donnée historique s'ajoute le principe de l'unanimité, qui est la règle en matière de PSDC : autant cette règle confère une grande force politique lorsque les Vingt-Six – le Danemark ne participant pas à cette politique – se mettent d'accord, autant elle entrave l'ambition opérationnelle et la rapidité décisionnelle lorsqu'ils n'y parviennent pas. Les divergences de culture stratégique entre des pays à l'ADN expéditionnaire, comme le nôtre, et des États membres plus embarrassés par la chose militaire ralentissent aussi régulièrement les débats. Sur le plan capacitaire, les dix années, ou presque, qui se sont écoulées entre la signature du traité de Lisbonne et l'activation effective de la coopération structurée permanente (CSP) montrent bien que le réflexe de coopération entre Européens n'allait pas de soi.
Parallèlement, le contexte stratégique est devenu plus exigeant. Sur la plupart des théâtres de crise contemporains, se trouvent plusieurs organisations internationales mais aussi plusieurs pays, dont, de plus en plus souvent, certains de nos compétiteurs qui recourent de manière décomplexée aux actions hybrides. Le ticket d'entrée pour agir sur ces crises est devenu plus élevé. Il faut désormais être capable de déployer rapidement des capacités critiques de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR), de ravitaillement en vol, de transport stratégique ou tactique dans plusieurs milieux, dont les nouveaux champs opérationnels que sont le cyber ou l'espace, qui complexifient les champs traditionnels sans s'y substituer.
Pour ces raisons, l'Union européenne s'est parfois résignée à une certaine modestie en matière d'action militaire extérieure, un décalage évident se créant entre les objectifs politiques décidés en commun et leur traduction pratique. Après une première série d'opérations sous leadership français – Artémis, EUFOR RD Congo, EUFOR Tchad –, elle s'est ainsi cantonnée à des déploiements dans des environnements permissifs, ne comportant pas de risques humains ou matériels conséquents.
La plupart des États membres conçoivent la PSDC comme un instrument de gestion de crises lointaines et de basse intensité. Dans cette perspective, elle est pour eux un cadre utile, certes, mais auquel ils ne pensent que secondairement, lorsque leurs intérêts directs sont en jeu. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles la plupart des opérations et missions de la PSDC lancées au cours de la dernière décennie pâtissent d'une génération de force insuffisante. Ce constat vaut également pour l'architecture de commandement militaire de l'Union européenne, dont le vice-amiral d'escadre Bléjean vous a récemment fourni un aperçu, qui fait face, en matière de ressources humaines, d'infrastructures et de systèmes d'information et de communication, à des carences qui ne lui permettent pas de conduire ses missions dans des conditions techniques et de sécurité équivalentes à celles de la plupart des états-majors des États membres.
Toutefois, en dépit de ces imperfections, l'Union européenne de la défense a remporté des succès opérationnels reconnus et connaît des évolutions prometteuses. Je pense, par exemple, à l'opération navale Atalante, lancée lors de la dernière PFUE, en 2008, au large des côtes de la Somalie, qui est parvenue à mettre un coup d'arrêt aux actes de piraterie dans la zone.
Plus récemment, la montée en puissance de la facilité européenne pour la paix – nouvel instrument financier prenant en charge les coûts communs des opérations de l'Union européenne – permet, et c'est une grande nouveauté, de fournir des équipements, notamment létaux, aux partenaires que nous formons. De premières mesures d'assistance visant à équiper les compagnies de forces spéciales qui seront formées par la dernière-née des missions de la PSDC, EUTM Mozambique, à laquelle nous participons, sont ainsi en cours de mise en œuvre. Cette mission fait figure d'exemple, car elle cristallise deux des évolutions que nous souhaiterions imprimer aux missions de la PSDC dans les années à venir : d'une part, une plus grande efficacité vis-à-vis de nos compétiteurs grâce à la fourniture d'équipements, d'autre part une plus grande flexibilité dans les modes de participation des États membres. Les soldats français engagés dans l'EUTM Mozambique seront ainsi rejoints ponctuellement par des détachements d'instruction opérationnelle de nos forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI), basés à La Réunion. Le fait que cette mission ait été lancée sous l'impulsion politique et militaire du Portugal n'est pas anodin. Cela démontre l'appropriation, certes lente mais en progrès constant, des mécanismes de la PSDC par l'ensemble des États membres – au-delà des quatre pays majeurs que sont la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne.
Ces dernières années, le moteur capacitaire a tourné à plein régime, à la faveur du lancement de la coopération structurée permanente, de l'examen annuel coordonné en matière de défense (CARD) et du Fonds européen de la défense (FEDef), dont la décision concernant la première vague de projets financés devrait être connue à la fin du premier semestre 2022. Il s'agit d'une source d'opportunités importante, à condition toutefois de veiller à ce que ces projets correspondent aux besoins militaires prévisibles et à ce que la priorisation capacitaire reste bien dans les mains des États membres. Eux seuls, en effet, achètent les équipements développés, les emploient en opération et en assument les conséquences politiques.
Enfin, en dehors du cadre de l'Union européenne stricto sensu, on constate un mouvement d'approfondissement de l'Europe de la défense. Trois ans après son lancement, l'initiative européenne d'intervention (IEI), composée de treize États membres et destinée à favoriser le développement d'une culture stratégique commune, arrive à maturité. Je pense également au succès de la task force Takuba, qui suscite l'intérêt d'un nombre croissant de nos partenaires et dont nous devons assumer la bonne prise en compte dans la Boussole stratégique, sur laquelle je vais à présent revenir en détail.
Si elle anime depuis quelque temps maintenant la place bruxelloise, les ministères et les états-majors, la Boussole stratégique demeure relativement confidentielle hors de ces cénacles. Permettez-moi donc de vous en rappeler les principaux paramètres.
La Boussole stratégique a vocation à être l'équivalent d'un Livre blanc pour la défense européenne. C'est une entreprise importante mais rare, puisque c'est seulement la troisième fois, après la stratégie européenne de sécurité, en 2003, et la stratégie globale de 2016, que l'Union européenne se dote d'un document de portée stratégique sur les questions de défense.
La Boussole a franchi plusieurs étapes successives au cours des derniers mois : à la diffusion, en novembre 2020, de l'analyse des menaces, qui a mis à contribution les services de renseignement de l'ensemble des États membres, a succédé une phase dite de dialogue stratégique, alimentée par des contributions écrites des États membres, des ateliers de réflexion et des discussions de haut niveau en filière politique comme en filière militaire. Les CEMA ont abordé le sujet à plusieurs reprises au Comité militaire de l'Union européenne afin de faire émerger les premières orientations. Sur cette base, le SEAE, qui tient la plume, a présenté aux ministres, en novembre 2021, un premier projet de texte articulé autour des quatre fonctions stratégiques que vous mentionniez, Madame la présidente : agir et se préparer – la gestion de crise ; anticiper et se protéger – la résilience ; investir et innover – les capacités – ; coopérer avec les partenaires – le partenariat. Une version révisée a été récemment communiquée. L'objectif, tributaire des aléas de la négociation, est d'endosser ce document au plus haut niveau lors du Conseil européen de mars 2022.
Pour l'heure, le projet de document nous paraît prometteur : le niveau d'ambition est le bon, les objectifs concrets et les jalons proches, échelonnés entre 2022 et 2025. La Boussole, et c'est très positif, se veut à la fois une stratégie et un plan d'action. Il ne s'agit donc pas, comme nous avions pu le craindre aux prémices de l'exercice, d'un document creux se bornant à énumérer de grands principes.
Quant au contenu, si certaines propositions méritent encore d'être appréciées, force est de constater que les idées françaises, notamment celles des armées – réforme des EUTM, assouplissement du cadre politico-juridique des opérations, travail sur la non-permissivité – ont infusé et même façonné la réflexion menée à Bruxelles. Il est encore trop tôt pour s'en réjouir, mais c'est encourageant. Ce résultat intermédiaire est le fruit de l'intense travail de conviction réalisé auprès des États membres, travail pour lequel nos états-majors, attachés de défense et officiers de liaison, entre autres, ont été activement mis à contribution. Les bonnes relations de travail établies avec les autres services concernés du ministère des armées, la coordination avec le Quai d'Orsay et la mobilisation de nos relais dans les institutions européennes jouent également à plein.
Le principal enjeu de la phase de négociation qui s'ouvre est de maintenir ce niveau d'ambition et de verrouiller les avancées qui correspondent à nos attentes.
Quelles sont, précisément, les priorités du CEMA ?
Premièrement, nous souhaitons introduire plus de flexibilité dans le cadre politico-juridique des opérations européennes, en suivant deux axes. D'une part, il s'agit d'assouplir le cadre de décision de l'Union européenne en matière de gestion de crise afin de pouvoir engager une nation cadre au nom de l'Union européenne. Cela est possible sans affaiblir le consensus puisque l'article 44 du traité sur l'Union européenne, jamais utilisé, permet à un noyau d'États membres capables et volontaires de mettre en œuvre une mission au nom de l'Union européenne en gardant la main sur sa conduite opérationnelle. En résumé, il s'agit de permettre des initiatives ad hoc au sein de l'Union européenne. D'autre part, il convient de développer la complémentarité et la cohérence entre les engagements ad hoc et ceux de la PSDC par un soutien politique, opérationnel ou financier. Cela doit valoir en particulier pour EUTM Mali et Takuba ainsi que pour Atalante et Agénor, qui évoluent sur des théâtres identiques ou adjacents.
Deuxième axe d'effort : la réforme des EUTM. Nous considérons qu'il faut passer d'une offre d'entraînement dispensée à des partenaires souvent accaparés par l'engagement opérationnel de leurs unités à une coopération de défense plus structurelle, consistant en une offre élargie de conseil, de formation, d'équipement et, si nécessaire, d'accompagnement au combat. En d'autres termes, en complément de la nécessaire capacité à gérer les crises, il nous faut pouvoir les prévenir en aidant sur le long terme nos partenaires à restructurer leur appareil de défense. À cet égard, plusieurs pistes concrètes figurant dans la version actuelle de la Boussole peuvent être approfondies, telles que l'allongement de la durée de déploiement des conseillers spécialisés, l'élévation des prérequis culturels et linguistiques ou l'utilisation à plein de la facilité européenne pour la paix.
Le troisième axe d'effort est l'actualisation du niveau d'ambition opérationnelle de l'Union européenne. L'évolution du contexte stratégique nous impose, à nous et à l'Union européenne, de nous préparer à des engagements plus ambitieux. Aussi plaidons-nous en faveur de l'intégration de « l'entrée en premier » – à l'instar de l'opération Serval, en 2013 – dans les réflexions de l'Union européenne, afin de guider ses efforts de préparation opérationnelle et de développement capacitaire. La nécessité de se doter des enablers – capacités ISR, de ravitaillement en vol et de transport aérien – qui nous font défaut et nous rendent dépendants des Américains est fortement soulignée dans la Boussole. Notre travail dans le cadre de la quatrième vague de projets de la CSP, adoptée fin 2021, s'inscrivait dans cette logique, au travers du lancement des projets consacrés au transport aérien tactique (FMTC) ou à la protection des capacités spatiales.
Le dernier axe est la Capacité de déploiement rapide, que j'évoque en dernier lieu à dessein, car il me semble que les axes précédents y concourent en grande partie : il ne s'agit pas de créer une nouvelle force en alerte, mais de se rendre capable d'agir rapidement – flexibilité décisionnelle –, éventuellement dans un environnement non permissif – ambition opérationnelle, et ce au moyen de capacités critiques. Les formats ambitionnés permettraient de déployer jusqu'à 5 000 hommes sur la base des scénarios et des outils existants.
Je recense quatre principaux points de vigilance.
Premièrement, tous les acteurs pertinents de l'Union européenne doivent être à bord. Le rôle de la Commission notamment est fondamental pour étayer l'ambition capacitaire de la Boussole soutenue par le Conseil de l'Union européenne. La présentation de son « paquet défense », en février, sera donc suivie avec le plus grand intérêt.
Deuxièmement, la question des ressources additionnelles doit être mise sur la table. Au vu des ambitions promues par le texte, l'extension des coûts communs semble inévitable. Je crois pouvoir affirmer que la France n'y est pas opposée, mais cette extension doit être cadrée et obéir à une véritable finalité opérationnelle. Certains pays pourraient en effet être tentés de profiter de l'aubaine pour faire financer par les États membres contribuant au pot commun une partie de la préparation opérationnelle de leurs propres forces. En bref, on peut étendre le périmètre des coûts communs, à condition que cela se matérialise sur le terrain par des déploiements en opération et par une génération de force à la hauteur.
À propos du goût des grandes organisations pour la hausse des contributions nationales, je ne peux manquer de mentionner l'OTAN, dont les augmentations de budget et d'effectifs envisagées sont autrement plus importantes. La concomitance du processus de la Boussole et de la révision du concept stratégique otanien a créé une concurrence qui ne dit pas son nom entre les deux organisations. Il faut rester vigilant sur ce point, pour maintenir la cohérence entre les deux réflexions tout en préservant leurs natures distinctes.
Le dernier point sur lequel je souhaite appeler votre attention a trait au lawfare, que nous trouvons insuffisamment pris en compte dans le projet de texte de la Boussole. À l'heure actuelle, le constat d'un recours croissant au levier normatif par nos compétiteurs et nos alliés n'est pas assorti de propositions d'action. La question du désarmement par le droit européen n'est pas non plus abordée alors que la défense est de plus en plus concernée par les politiques transverses de l'Union européenne – Ciel unique européen, taxonomie – et par l'activisme de la Cour de justice de l'Union européenne. J'en reviens au constat du manque de culture militaire de l'Union européenne : il n'y a pas une volonté délibérée de nuire mais une méconnaissance de sa singularité qui peut nous lier les mains, au risque de nous faire perdre la guerre avant la guerre. Je sais votre commission sensible à ces questions ; je loue le rôle important d'ambassadeur que vous jouez à cet égard.
Vous l'aurez compris, les axes d'effort que nous promouvons sont des objectifs à moyen et long terme. En l'absence de solution miracle, ils ne seront pas atteignables durant la PFUE. Il est néanmoins intéressant d'observer comment ces différentes temporalités se renforcent mutuellement.
Je conclurai ainsi en évoquant les perspectives.
À court terme, au cours des six mois de la présidence française, les armées, directions et services organiseront un grand nombre d'événements – sur lesquels je pourrai revenir en détail – qui permettront, pour certains d'entre, de soutenir concrètement les orientations de la Boussole stratégique. Je pense à la seconde édition de l'exercice spatial AsterX, qui réunira nos partenaires européens et les institutions pour contribuer à faire émerger une culture stratégique européenne dans le spatial de défense. Je pense aussi à l'événement European wings, qui témoignera de l'importance du milieu aérien pour la politique extérieure de l'Union et valorisera les critical enablers dont j'ai parlé à plusieurs reprises.
La Boussole stratégique ne résoudra pas tout, mais elle enclenche une dynamique. Si le processus final aboutit, comme nous l'espérons, elle permettra d'inscrire nos objectifs prioritaires à l'horizon de cinq à dix ans dans le paysage bruxellois. Par ailleurs, le format du trio des présidences, que nous formons avec la République tchèque et la Suède, montre toute sa pertinence. Forts de nos échanges nourris dans ce format, notamment sur le plan militaire, nous construisons la nécessaire continuité avec nos successeurs ainsi qu'avec le trio suivant, emmené par l'Espagne, à partir de 2023. Cette entreprise de longue haleine nécessite un important travail d'accompagnement en aval. Dans ce contexte, les relations internationales militaires prennent tout leur sens et les relations de confiance que nous tâchons de tisser jour après jour avec nos partenaires prouvent leur utilité. Vous comprenez que l'état-major des armées est très investi dans cet effort commun des institutions françaises.
Au moment où débute la présidence française du Conseil de l'Union européenne, nous pouvons espérer obtenir des avancées en matière de politique européenne de défense, notamment grâce à l'adoption, d'ici au mois de mars, de la Boussole stratégique, qui a pour ambition de définir les intérêts communs aux États membres et les stratégies qu'ils peuvent partager.
Il ressort des auditions de la mission d'information sur les enjeux de défense dans la zone indo-pacifique, dont je suis co-rapporteure avec Laurence Trastour-Isnart, d'une part, que la France peine à amarrer les Européens à ces enjeux – de sorte qu'elle est contrainte de travailler dans cette zone, avec certains de ses partenaires européens, sans la bannière de l'Union européenne –, d'autre part, qu'il est difficile, au-delà d'exercices ponctuels, de les impliquer dans l'occupation de la zone tout au long de l'année.
Quels enseignements tirez-vous de ces constats quant à la vision stratégique et à la capacité opérationnelle commune de long terme ? Dans quel domaine vous semble-t-il possible d'obtenir des avancées significatives dans le cadre de la PFUE ? Enfin, pouvez-vous nous en dire davantage sur la manière dont l'alliance AUKUS doit être prise en compte dans l'approche stratégique européenne en matière de défense ?
Mon général, je souhaite quant à moi vous interroger sur les enjeux de défense en Méditerranée, puisque je suis, avec Philippe Michel-Kleisbauer, co-rapporteur d'une mission d'information consacrée à cette question.
La Boussole stratégique donne-t-elle la priorité à ces enjeux sur ceux de la zone indo-pacifique ? Si les États-Unis ont réinvesti, avec l'OTAN, le théâtre de la Méditerranée orientale en raison des points d'appui que la Russie occupe en Syrie et de l'ouverture de nouvelles routes de la soie par la Chine, la Méditerranée centrale et occidentale doit, quant à elle, rester le pré carré de l'Union européenne : non seulement nous risquons d'être les premiers à intervenir en cas de conflit entre deux pays du Maghreb, par exemple, mais l'Union européenne reste le premier acteur économique de cette zone. En outre, la Méditerranée est un passage vers l'Indo-Pacifique.
Par ailleurs, les Américains ne vont-ils pas faire pression sur leurs partenaires européens les plus proches pour qu'ils n'aillent pas à l'encontre de leurs intérêts et ménagent l'allié turc ? Celui-ci ne reste-t-il pas le principal obstacle à une coopération militaire accrue et plus opérationnelle de l'Union européenne ?
Enfin – pardonnez-moi ma franchise –, après votre expérience opérationnelle de la coopération militaire en matière de transport aérien, n'avez-vous pas eu le sentiment d'être descendu d'un cran en prenant vos nouvelles fonctions ?
Mon général, comment votre service et la direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des armées (DGRIS), qui sont deux entités très proches, s'articulent-elles l'une à l'autre ? La DGRIS, qui a connu une véritable montée en puissance ces dernières années, n'a-t-elle pas vocation à alimenter directement votre service ? Pourrait-elle être rattachée à l'état-major des armées ? La situation actuelle vous paraît-elle satisfaisante ? Si tel n'est pas le cas, quelles sont vos préconisations ?
Depuis plusieurs mois, l'évolution de la situation stratégique au Sahel est inquiétante en raison de la montée du sentiment antifrançais. Dans cette région, historiquement amie de la France, des acteurs nouveaux apparaissent, notamment les Russes et les Turcs, qui brillent par leur maîtrise de la désinformation : ont-ils une influence sur le développement de ce sentiment ? Celui-ci peut en effet étonner, tant la France semble avoir agi, ces dernières années, en faveur d'un rapprochement. On se souvient notamment des propos du Président de la République sur la colonisation et la responsabilité de la France ou sur la fin du franc CFA, considéré comme un instrument néocolonial.
Interrogé hier sur la situation au Mali, le ministre des affaires étrangères est revenu sur les mesures prises par notre pays pour apaiser la sous-région, en particulier sur les pressions exercées sur la junte au pouvoir sans pénaliser le peuple malien. Actuellement, 5 000 de nos compatriotes se trouvent au Mali. Combien sont-ils dans l'ensemble de la bande sahélo-saharienne ? Quel est le nombre des Européens qui s'y trouvent ?
Je rappelle que la représentation nationale est aux côtés des Maliens et que la France est l'amie du Mali. Il n'en demeure pas moins que la montée du sentiment antifrançais dans la région inquiète. Pourrait-elle remettre en cause nos coopérations militaires avec ces pays ? Les éléments de la force présents sur place sont-ils régulièrement empêchés dans leur action, comme ils l'ont été lorsqu'un convoi fut bloqué au Niger ? Peut-on imaginer une menace sur nos forces pré-positionnées, qui nous sont si précieuses ?
Enfin, comment prenez-vous en compte le sentiment antifrançais dans le contexte de la réarticulation de l'opération Barkhane et de la participation accrue de nos partenaires européens dans le cadre de la task force Takuba ? Peut-il se muer en un sentiment antieuropéen ?
La rédaction d'un Livre blanc européen de la défense, la Boussole stratégique, s'inscrit dans un contexte de dégradation de l'environnement international qui impose à l'Union européenne de montrer sa capacité à faire face à des menaces directes et indirectes et à tendre vers une véritable autonomie stratégique.
Ainsi, il est urgent qu'elle réaffirme sa présence dans des zones stratégiques, en particulier dans l'Indo-Pacifique après la conclusion du pacte stratégique entre l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. De nouvelles tensions apparaissent également à proximité de ses frontières, notamment dans les Balkans occidentaux.
Mais le conflit le plus inquiétant est celui qui oppose la Russie et l'Ukraine, sur lequel il nous est impossible de fermer les yeux. Si la Boussole stratégique européenne doit définir une doctrine sur le long terme, elle ne peut, j'y insiste, ignorer les conflits actuels : il serait périlleux pour l'Union européenne d'afficher des divisions sur cette question. Pourtant, les discussions se déroulent entre la Russie et les États-Unis. Comment l'Union européenne, actuellement présidée par la France, peut-elle rester en dehors de ces discussions ? En matière stratégique et géopolitique, une position commune est nécessaire, en dépit des nombreux obstacles à la prise de décision européenne.
La Boussole stratégique prendra-t-elle en considération les nouveaux conflits et enjeux, notamment ceux liés à la situation ukrainienne ? Comment concilier les enjeux immédiats et les enjeux à long terme ? L'architecture européenne de sécurité envisagée est-elle toujours adaptée à ces nouveaux enjeux ? En tant qu'entité collective, l'Union a-t-elle réellement une marge de manœuvre ?
Comment les théâtres d'opérations en Afrique et dans la zone indo-pacifique sont-ils appréhendés dans la Boussole stratégique ? Font-ils l'objet d'une véritable analyse ?
J'ai été étonné de constater les effets sur le long terme que peut produire l'intégration croisée de cadres militaires dans les armées. Un stagiaire étranger accueilli à l'École de guerre, par exemple, conservera toute sa vie un lien avec les intérêts français. Cette pratique contribue donc à la convergence des cultures stratégiques ; il en va de même du partenariat stratégique franco-belge CaMo, par exemple, qui se traduit par une imbrication des cadres des armées de terre belge et française. La Boussole stratégique prévoit-elle de favoriser la mobilité des militaires entre les armées des différents États de l'Union ?
Enfin, les efforts consentis respectivement en faveur du renforcement du pilier européen de l'OTAN et en faveur de la défense européenne se combinent-ils ou se concurrencent-ils ?
Mon général, je me souviens d'avoir été magnifiquement reçu dans vos bureaux, à Bruxelles, il y a quatre ou cinq ans, lorsque j'effectuais mon tour de France à pied. Vous avez beaucoup de mérite. Je loue votre stoïcisme et votre fidélité ; vous êtes à la croisée de toutes les contradictions, de toutes les incertitudes, des ordres et contre-ordres. Vous devez sans cesse prendre la mesure de l'engagement des principaux États européens, des alliances et des défiances à l'égard des Américains, des Russes, des Chinois, et même de l'OTAN. Vous évoluez sur un échiquier qui est peut-être l'un des plus complexes de l'histoire. Je souhaiterais donc savoir comment vous voyez l'avenir de l'armée européenne. N'auriez-vous pas intérêt à occuper des niches, comme la recherche, le renseignement, les drones ou l'humanitaire, en attendant mieux ?
Mon général, vous avez évoqué, avec beaucoup de prudence, le manque de culture militaire des institutions européennes et de certains États européens – n'étant pas soumis aux mêmes obligations que vous, je n'hésiterai pas à parler d'angélisme, certains donnant le sentiment d'évoluer dans le monde des Bisounours. Permettez-moi de vous pousser dans vos retranchements. Sans doute faisiez-vous allusion notamment à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à l'application de la directive sur le temps de travail. Pourriez-vous, si cela vous est possible, nous en dire davantage sur votre constat ?
Quel est votre avis sur l'amélioration de la capacité de déploiement rapide de l'Union, annoncée par Josep Borrell comme un objectif prioritaire de la Boussole stratégique ? En effet, d'ici à 2025, celle-ci doit permettre de déployer rapidement des forces modulaires pouvant compter jusqu'à 5 000 soldats. Les travaux ont-ils été lancés ? Cet objectif vous paraît-il raisonnable ?
Divers événements intervenus ces dernières années plaident en faveur d'une nouvelle autonomie stratégique européenne. Je pense à la présidence Trump, au désengagement américain en Afghanistan et aux menaces croissantes d'États jaloux de leur puissance, comme la Russie en Ukraine et dans le Caucase ou la Turquie en Méditerranée orientale.
L'élaboration de la Boussole stratégique marque un progrès sensible de l'Union européenne en matière de défense. Cependant, si, dans sa préface, le haut représentant de l'Union européenne, M. Borrell, met en garde contre le rétrécissement stratégique de l'Union européenne, il n'emploie jamais l'expression « autonomie stratégique européenne ». Sans doute souhaite-t-il ainsi ménager la susceptibilité de ceux des États membres qui n'approuvent pas ce concept.
La première version de la Boussole stratégique a déjà fait l'objet de certaines critiques. On lui reproche notamment son manque de crédibilité : les capacités proposées, notamment la force de 5 000 hommes, ne seraient pas à la hauteur des menaces identifiées. On déplore également l'absence de clarification des relations entre l'Europe, l'OTAN et les États-Unis ainsi que la faiblesse de l'analyse de l'engagement dans la zone indo-pacifique.
Au sein de l'état-major de l'Union européenne, comment vos homologues européens appréhendent-ils la question de l'autonomie stratégique européenne ? Quels sont, selon vous, les sujets qui devraient être abordés en priorité dans le cadre de l'élaboration de la Boussole stratégique ?
Ma question a trait au domaine spatial, qui est l'un des piliers de la Boussole stratégique. Cependant, elle porte moins sur les enjeux liés à l'espace que sur l'état des relations internationales et, surtout, sur les mesures censées réguler, donc contraindre, le plus rapidement possible les droits des États et des acteurs privés dans l'espace exo-atmosphérique, voire sur la Lune et, plus globalement, dans la conquête spatiale. Il serait en effet naïf de croire que les acteurs privés vont se borner à intervenir dans le secteur du tourisme spatial et dangereux de laisser les États pratiquer la politique du fait accompli.
Qui va contrôler l'espace ? Quelle réglementation adopter ? Comment impliquer tous les acteurs et à quelle échelle ? Quel est l'état des discussions et des réflexions militaires engagées en la matière ? Quel rôle peut jouer l'Europe pour tenter de faire sauter quelques verrous ?
En matière de défense, la résilience consiste à renforcer la capacité à se protéger des attaques situées au-dessous du seuil de conflictualité et des tentatives de déstabilisation. Il s'agit de préserver l'accès aux espaces stratégiques – cyber, mer, air – considérés comme autant de biens communs. La sécurisation de l'accès à ces biens est une des priorités du Président de la République dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne et de la finalisation de la Boussole stratégique.
En ce qui concerne le cyber, de nouveaux seuils de conflictualité ont été franchis lors des attaques de la Chine et de la Russie à l'encontre des États-Unis. L'Union européenne doit prévenir et décourager les cyberattaques mais aussi y répondre par un retour à la normale le plus rapide possible. Quelles sont les modalités de l'intensification de la coopération européenne dans le domaine du cyber ?
La Boussole stratégique traduit l'ambition française de renforcer le pilier européen de la défense. Je m'interroge sur le développement de capacités d'innovation et de souveraineté technologique par le Fonds européen de défense, mis en place au 1er janvier 2021 afin de soutenir l'investissement dans la recherche en matière de défense ainsi que le développement d'équipements communs. Si sa création marque une avancée notable, le montant alloué, qui est de 8 milliards d'euros pour la période 2021-2027, soit 1,1 milliard d'euros par an, paraît faible au regard des objectifs de souveraineté technologique visés, et bien en deçà des 13 milliards d'euros initialement prévus par la Commission européenne. La création d'une véritable base industrielle et technologique de défense européenne est-elle possible avec un budget si limité ?
Madame Michel, dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, la France a notamment pour objectif d'inciter cette dernière à adopter une stratégie réellement partagée concernant l'espace indo-pacifique, notamment vis-à-vis de la Chine. De fait, pour l'heure, les pays européens y développent des stratégies propres et y mènent des actions très nationales ; nous l'avons vu, par exemple, avec le déploiement de la frégate allemande Bayern, qui a accompli un tour complet de la zone sans concertation avec la France notamment, à l'exception d'une courte interaction qui n'était pas planifiée. Or la zone indo-pacifique présente sans conteste des enjeux communs aux pays européens. La sûreté maritime et la liberté de navigation, en particulier, méritent d'être traitées de manière collective, d'autant plus que la superficie de cette zone est telle qu'elle requiert, pour y être véritablement présent, des capacités dont les États européens ne disposent pas à titre individuel. La France est le pays le plus présent dans cet espace, et elle l'est de manière durable et permanente, parce qu'elle a des zones économiques exclusives à protéger et parce que s'y trouvent 7 000 de ses militaires et un grand nombre de ses ressortissants.
Dans ce cadre, soucieux de définir un objectif plus facilement atteignable, nous avons orienté les réflexions vers l'océan Indien, où plusieurs opérations européennes sont en cours ; je pense à la mission de surveillance maritime européenne dans le détroit d'Ormuz (EMASoH) et à Atalante, menée par l'Espagne. Il nous semble opportun de réfléchir avec les Européens, mais aussi avec les Américains et les Britanniques, à la manière dont nous pourrions coordonner nos efforts pour améliorer l'efficacité de notre action dans cette zone. Les Américains ont fait des propositions, nous avons entamé un dialogue avec l'Espagne dans le cadre de l'opération Atalante... En attendant de rallier davantage d'Européens, la France continuera à être très présente et à défendre sa stratégie dans l'Indo-Pacifique.
Monsieur Ferrara, j'ai eu, en effet, le grand honneur d'être à la tête du commandement européen de transport aérien (EATC). Cet organisme, qui compte sept membres, est un grand succès européen sur le plan de l'intégration opérationnelle durable ; il s'agit d'une très belle machine, exemplaire, qui mérite d'être davantage connue. Cependant, je vous rassure, le passage à l'état-major des armées n'est pas une descente aux enfers, même si le commandement autonome d'une entité comme l'EATC est le summum dans une carrière d'officier général.
La Méditerranée est un théâtre où se conjuguent de nombreux enjeux touchant directement l'Europe ; je pense aux migrations ou aux conflits liés à l'absence de reconnaissance partagée de frontières maritimes. S'y trouvent, par ailleurs, des acteurs qui évoluent dans différentes entités, comme l'OTAN et l'Union européenne. À cet égard, la rivalité entre la Grèce et la Turquie est une contrainte au regard du consensus souhaité.
Dans cette zone, la coordination des pays européens avec notre allié américain est organisée et contrôlée par l'OTAN. Par ailleurs, la France s'inscrit, en Méditerranée, dans une logique de partenariat bilatéral, de manière à avoir une action la plus synchronisée et la plus efficace possible. Ainsi, nous avons signé, en septembre dernier, un partenariat stratégique avec la Grèce et nos efforts portent actuellement sur l'Italie, qui joue évidemment un rôle essentiel dans cette zone. En Méditerranée, notre stratégie militaire consiste à entretenir le meilleur dialogue et la meilleure synchronisation possible avec les autres pays européens et à jouer un rôle moteur dans le cadre des opérations européennes qui y sont menées, telle l'opération Irini, déployée à proximité de la Libye. Quant à la Turquie, elle est en effet un facteur qui complique la recherche de consensus.
À l'évidence, la Méditerranée au sens large est une priorité forte pour l'Europe, car elle constitue son environnement immédiat et représente donc un enjeu pour sa sécurité. Les grandes problématiques de cette zone méritent donc un traitement particulier.
Monsieur Blanchet, vous êtes très au fait de l'organisation du ministère des armées. Nous partageons, en effet, avec la DGRIS le même périmètre au sein du ministère : les relations internationales au sens large. L'organisation actuelle a été définie il y a quelques années, en s'efforçant de bien délimiter le champ de compétence de chacun, mais des recouvrements sont inévitables. Les niveaux stratégique et militaire sont, de fait, très proches : un événement tactique peut avoir des effets politiques. Cependant, le dialogue est bien établi ; chacun a pris sa place. Tous les dossiers dans lesquels la DGRIS joue un rôle d'agrégation au profit du ministère sont traités en synergie avec mes services, lesquels font le lien avec les experts de l'état-major des armées ou les armées, directions et services, pour fournir l'information juste et aboutir à des conclusions cohérentes.
Comme tout chef de service, j'ai tendance à regretter la faiblesse de mes effectifs au regard de l'ensemble des missions qui me sont confiées. Dans l'environnement mondial actuel, que vous avez tous très bien décrit, l'accélération du tempo est inédite et les surprises nombreuses, puisque nos meilleurs alliés peuvent devenir des compétiteurs à l'occasion d'un contrat de fourniture de sous-marins et fragiliser notre partenariat stratégique. Il importe donc que nous travaillions en lien très étroit avec la DGRIS.
Cependant, nos points de vue sont forcément différents : elle est tournée vers le politique quand nous sommes orientés vers la réalité des moyens. Là réside l'enjeu pour concilier l'ambition d'être plus présent au sein de l'OTAN, dans les Balkans ou dans l'Indo-Pacifique avec la réalité de nos engagements au Sahel et au Levant, qui monopolisent une bonne partie de nos capacités.
Au Mali, il existe en effet une menace potentielle pour les citoyens. S'agissant de la réarticulation de l'opération Barkhane, la liberté de mouvement militaire est encore limitée par le blocage de la « voie sacrée ». Par ailleurs, vous avez raison de relever la montée du sentiment antifrançais et antieuropéen ; elle a pour cadre l'un des nouveaux espaces de conflictualité que j'évoquais, celui de la communication, dans lequel interviennent des compétiteurs désinhibés. L'action du groupe Wagner et, plus largement, des Russes en matière de communication vise en effet à susciter et à accroître ce sentiment, de manière à mettre les Européens en difficulté sur le théâtre africain. Ce phénomène est bien pris en considération par le CEMA ; nous nous mettons en ordre de bataille et utilisons, dans le respect de nos valeurs et des règles des conflits armés, des outils réactifs et pertinents pour limiter le champ d'action du groupe Wagner. Nous ne nous interdisons absolument pas d'être offensifs vis-à-vis de ces acteurs.
Quant à la réarticulation globale de notre action au Mali, la question est sur la table : le Président de la République devrait prendre, dans les prochaines semaines, une décision concernant notre engagement là-bas. La priorité des armées est de mettre en place le nouveau dispositif par lequel la France poursuivra sa lutte contre le terrorisme. Nous entretenons avec nos partenaires européens engagés en Afrique des relations plus proches que jamais, afin de les tenir informés de nos réflexions et de définir avec eux une stratégie partagée.
Madame Santiago, la Boussole stratégique prend-elle en considération la situation dans les Balkans occidentaux et en Ukraine ? Elle est à la fois générique et actuelle ; elle se situe entre les deux. Il s'agit, pour le dire de manière synthétique, de partir d'une analyse de la conflictualité et de ce qu'il est possible de faire au niveau européen, puis de déterminer la direction dans laquelle nous devons aller pour consolider la PSDC et répondre au mieux à cette conflictualité.
Nous devons faire preuve d'humilité : la PSDC est de création récente, et les avancées sont difficiles car les pays européens ont des visions stratégiques et une évaluation des conflits différentes, sans compter le poids de l'histoire. Néanmoins, nous avançons, résolument, étape par étape. La Boussole est une étape qui peut revêtir une importance particulière dans la mesure où elle traduit une approche globale et promeut une ambition partagée qui nous engagera. Agrégés, tous les éléments que j'ai évoqués nous permettent de nous projeter dans l'avenir : nous disposerons d'un outil d'évaluation, de décision et de planification qui nous rapproche de la souveraineté européenne, à savoir la capacité de gérer une crise de manière autonome sans être adossés aux Américains et de s'engager dès lors qu'existe une intention politique partagée. La Boussole peut donc permettre à la PSDC de changer d'ère. Elle prend en considération enjeux immédiats et enjeux lointains, mais il faut savoir raison garder.
Monsieur Gassilloud, à ma connaissance, la question des formations et les mobilités croisées ne figure pas dans la Boussole stratégique. Mais on mesure toute l'importance que revêt la présence de nos officiers dans les centres de formation ou écoles de guerre de pays partenaires, et réciproquement. C'est en effet un moyen efficace de renforcer l'intégration de nos différentes entités militaires par la création d'une culture commune. L'IEI joue également un rôle intéressant à cet égard. Ces différents échanges contribuent utilement au partage des cultures stratégiques.
Comment s'articulent les efforts en faveur, d'une part de la défense européenne, d'autre part, du pilier européen de l'OTAN ? Nous disons aux États-Unis, et mes homologues américains l'ont bien compris, que le développement d'une capacité autonome doit permettre aux Européens de réagir à des situations de crise en s'affranchissant, le cas échéant, de l'aide des États-Unis. Cette évolution permet, du reste, à ces derniers de se positionner dans l'Indo-Pacifique face à la Chine, sans pour autant ignorer la menace russe qui se dessine en Ukraine, à propos de laquelle nous avons de nombreux échanges. Mais ne soyons pas dupes : les pays européens disposent de moyens limités, lesquels seront employés aussi bien dans un cadre européen que dans un cadre otanien. Ainsi, plus ils développeront individuellement leurs capacités militaires, plus les capacités potentiellement utilisables par l'OTAN seront importantes ; les Américains l'ont bien compris.
Monsieur Lassalle, vous avez évoqué mon stoïcisme. Il est vrai qu'au cours de nos carrières, nous acquérons résistance et souplesse. Nous éprouvons, au sein des services chargés des relations internationales militaires, la même passion que celle qui anime la communauté des opérations ; c'est un engagement important, source d'un grand accomplissement.
Nous devons prendre la pleine mesure de la conflictualité actuelle, avec ses nouveaux acteurs et ses difficultés inédites, et accepter les remises en question. Ainsi, nous réfléchissons à la manière dont nous pouvons nous réorganiser, faire évoluer nos processus et être plus efficaces. De fait, l'entrée dans le champ informationnel nous impose de faire preuve de réactivité : une action dans le domaine cyber ne se planifie pas comme l'opération Serval, par exemple. Nous devons adopter des tempos courts ; c'est ce vers quoi tendent nos organisations, sous l'impulsion du chef d'état-major des armées.
Quel avenir pour l'armée européenne ? Il est vrai, Madame la présidente, que les GTUE n'ont jamais été employés depuis leur création. Pourtant, on perçoit bien la nécessité de disposer d'une capacité de réaction adaptée. Nous avançons, dans ce domaine ; nous avons fait inscrire dans la Boussole stratégique quelques grands principes : la réactivité, la modularité, l'amélioration des processus décisionnels ainsi que les modalités de l' ad hoc – je pense à l'utilisation de l'article 44, qui permettra d'améliorer la réactivité décisionnelle. Ainsi, on peut raisonnablement espérer faire évoluer le dispositif européen de réaction vers plus de réalisme et d'efficacité. C'est en tout cas l'espoir que les armées fondent sur ce volet de la Boussole stratégique.
Monsieur de la Verpillière, il existe, au sein de l'Europe, des cultures militaires différentes : elles n'ont pas toutes la même expérience opérationnelle, les mêmes capacités ou une histoire expéditionnaire. En outre, l'évaluation du risque est différente selon que l'on est au sud, à l'est ou au nord de l'Europe. Ce sont des réalités qu'il faut prendre en compte ; il est donc essentiel que chaque pays s'efforce de se mettre à la place des autres, pour les comprendre. C'est pourquoi le rapprochement partenarial commence par un partage de l'évaluation stratégique des situations. L'EATC est un forum utile, à cet égard : en vivant quotidiennement avec les autres, on finit par comprendre leurs qualités, leurs défauts et leurs perspectives de réflexion. C'est ainsi qu'il faut avancer, plutôt qu'en recherchant systématiquement le consensus ou une vision commune.
En ce qui concerne la Capacité de déploiement rapide, l'objectif de 5 000 hommes me paraît raisonnable. Cinq scénarios avaient été élaborés à la suite du Conseil européen d'Helsinki en 1999, dont l'un, de haute intensité, prévoyait une force de 60 000 hommes. Nous avons souhaité retenir un scénario médian, plus réaliste. Conçu comme un pivot structurant du développement capacitaire, c'est un modèle qui permet d'agir dans nombre de situations. En tout état de cause, cet outil est tout aussi nécessaire que la capacité de commandement autonome de l'Europe si nous voulons que celle-ci puisse agir de manière souveraine.
Il m'avait échappé que le haut représentant n'a pas explicitement mentionné l'autonomie stratégique européenne. Cependant, je le comprends : la définition de la notion d'autonomie stratégique ou de souveraineté européenne fait toujours débat – les problèmes de traduction compliquant encore les choses. Toutefois, nous nous rejoignons, grâce à la Boussole, sur la traduction concrète de ce concept : il s'agit de s'accorder sur l'analyse d'une situation, d'avoir une intention commune d'agir, puis de prendre la décision collective de planifier une opération et de la conduire grâce à des moyens partagés.
Certains pays européens raisonnent exclusivement en référence à l'OTAN, ses standards et ses engagements ; ils sont complètement intégrés dans cette organisation, ce qui n'est pas le cas de la France. C'est un point important, qui peut expliquer que nous ne nous accordions pas spontanément sur tous les sujets.
Madame Poueyto, il faut en effet éviter la conflictualité dans le domaine spatial, qui concerne notre quotidien et les capacités stratégiques de tous les pays. On ne peut aspirer qu'à la paix, en souhaitant que chacun fasse librement un bon usage de cet espace. Cependant, beaucoup reste à faire en matière de réglementation. L'Europe, la France en particulier, a un rôle essentiel à jouer. Dans le domaine de la défense, notre pays est l'un des trois premiers pays à considérer l'ensemble du spectre des actions possibles, dans une logique de surveillance et de protection.
Madame Morlighem, vous avez évoqué les attaques cyber chinoises et russes de ces dernières années. Nous devons réfléchir avec nos partenaires à une coopération dans ce domaine. Certains aspects peuvent être délicats pour des raisons liées à la souveraineté nationale, mais nous nous efforçons de partager doctrines et moyens. Le projet de Cyber and Information Domain Coordination Centre (CIDCC), dont la coordination est assurée par les Allemands, qui vise à établir un centre commun européen, me semble être une voie intéressante.
Enfin, les moyens du FEDef sont, de fait, insuffisants pour relever tous les défis auxquels nous devons faire face. Les technologies modernes sont coûteuses. Néanmoins, dans la conscience collective et par sa dynamique – je pense en particulier aux actions de l'Agence européenne de défense (AED) –, la base industrielle et technologique de défense européenne est dans la bonne voie et suit une tendance vertueuse.
Merci, général, pour cette approche macro et micro de la défense européenne. La présidence française de l'Union européenne nous conduit à examiner certaines questions à nouveaux frais. Nous sommes convaincus que, pour répondre aux enjeux actuels, l'Union européenne doit devenir puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maître de son destin.
Il ne s'agit pas de construire une armée européenne car nos modèles d'engagement sont trop différents. Toutefois, il est de notre responsabilité de faire converger les efforts de l'Union comme ceux de l'ensemble des États. Nous devons pouvoir surmonter ensemble les menaces qui nous guettent et pèsent sur l'avenir de nos valeurs démocratiques. À cet égard, la réussite de la Boussole stratégique est essentielle. La situation au Sahel et sur les frontières orientales de l'Europe le démontre : ce n'est qu'en étant unis dans la diversité que nous serons entendus et que nous subirons moins les priorités des autres et que nous éviterons le déclassement stratégique, qui est l'autre nom de la dépendance politique. Continuons donc à construire la souveraineté européenne, faute de quoi nous aurons à choisir de quelle autre puissance nous entendons dépendre.
Merci, général, pour votre travail acharné en faveur de la construction de la souveraineté européenne.
J'ajoute que le très fort engagement des armées dans le cadre de la PFUE se manifestera par l'organisation de quinze événements et par le soutien que nous apporterons à trois sommets européens. Vous y serez bien évidemment conviés ; nous serions très honorés de votre participation.
Nous avons nous-mêmes organisé plusieurs missions, en lien avec la commission des affaires européennes, pour préparer la présidence française et participer aux travaux des six mois à venir.
La séance est levée à onze heures quinze.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Françoise Ballet-Blu, M. Xavier Batut, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Christophe Blanchet, M. Bernard Bouley, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Catherine Daufès-Roux, M. Rémi Delatte, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Olivier Faure, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jean Lassalle, M. Christophe Leclercq, M. Didier Le Gac, M. Gilles Le Gendre, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Nicolas Meizonnet, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meyer, Mme Monica Michel-Brassart, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Florence Morlighem, Mme Josy Poueyto, Mme Catherine Pujol, M. Bernard Reynès, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Charles de la Verpillière, M. Stéphane Vojetta
Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Christophe Castaner, M. André Chassaigne, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. David Habib, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Thierry Solère, M. Joachim Son-Forget, M. Aurélien Taché
Assistait également à la réunion. - M. Alexis Corbière