Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mardi 2 février 2021 à 17h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ARCEP
  • CSA
  • audiovisuel
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  • régulation

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mardi 2 février 2021

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze

(Présidence M. Bruno Studer, président)

La Commission procède à l'audition de M. Benoît Loutrel, pressenti par M. le Président de l'Assemblée nationale pour siéger au sein du collège du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, nous sommes réunis pour auditionner M. Benoît Loutrel, inspecteur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), et émettre un avis sur sa désignation par M. le président de l'Assemblée nationale pour siéger au sein du collège du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

En application de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les six membres du CSA autres que son président sont désignés par les présidents des assemblées parlementaires (trois par le président de l'Assemblée nationale et trois par le président du Sénat) et renouvelés par tiers tous les deux ans. La procédure de désignation soumet le choix du président de chacune des assemblées à « un avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant à bulletins secrets à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ».

Certains critères de compétences sont pris en compte pour ces désignations. Les membres du CSA doivent être choisis « en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel ou des communications électroniques ». En outre, ces nominations doivent respecter un principe de parité : les présidents des assemblées doivent alterner des nominations d'hommes et de femmes, afin de préserver l'équilibre du collège. Après la nomination de Mme Michèle Léridon en 2019, le président Richard Ferrand souhaite ainsi nommer M. Benoît Loutrel aux fonctions de membre du CSA.

Monsieur Loutrel, je vous souhaite la bienvenue. Ancien élève de l'École polytechnique, diplômé de l'École nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE), vous avez commencé votre carrière à la Banque mondiale, à Washington puis à Paris. Nommé administrateur de l'INSEE au début de l'année 2004, vous avez rapidement rejoint l'Autorité de régulation des télécommunications, devenue l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en 2005. Vous en êtes devenu le directeur général adjoint en 2007. Nommé directeur du programme « Économie numérique » au Commissariat général à l'investissement en 2010, vous êtes revenu à l'ARCEP en 2013, pour en prendre la direction générale jusqu'au mois de janvier 2017. Vous avez alors rejoint Google France pour une petite année, avant de réintégrer l'INSEE en tant qu'inspecteur général. En 2019, M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique, vous a confié une mission sur la régulation des réseaux sociaux.

La présente audition vous permettra de vous présenter et d'indiquer les compétences dont vous pourriez faire bénéficier le CSA, ainsi que les domaines qui, en tant que conseiller, vous tiendraient particulièrement à cœur.

Pour ma part, j'aimerais tout d'abord interroger l'ancien directeur général de l'ARCEP que vous êtes. Le CSA et l'ARCEP ont des compétences croisées, notamment en matière d'allocation des fréquences, et des relations régulières, que nous avons longuement évoquées lors de l'examen, il y a un peu moins d'un an, du projet de loi sur la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l'ère numérique. Si le Parlement parvient, comme je l'espère, à examiner la version resserrée de ce projet de loi annoncée par Mme la ministre de la culture, vous semble-t-il nécessaire d'institutionnaliser – par le biais d'un membre commun, par exemple – les relations entre l'ARCEP et l'autorité publique indépendante qui naîtra de la fusion du CSA et de la HADOPI ? À défaut, les modalités souples de coopération qui prévalent à l'heure actuelle vous semblent-elles suffisantes ?

L'ancien président de l'ARCEP, M. Sébastien Soriano, a plusieurs fois promis la télévision numérique terrestre (TNT) à une disparition prochaine. Qu'en pensez-vous, tant du point de vue technique de l'allocation des bandes de fréquences, qui ne dépend pas uniquement de la France, que du point de vue des contenus ainsi que de l'intérêt démocratique de ce mode de diffusion ?

Sur un tout autre sujet, j'aimerais connaître votre sentiment sur la fermeture, par plusieurs réseaux sociaux, des comptes de l'ancien président américain Donald Trump. Ne constitue-t-elle pas une nouvelle démonstration des limites du modèle d'autorégulation dont ils se prévalent ?

Au cours des dernières années, dans le cadre de la directive européenne « e‑commerce », le législateur a confié de plus en plus de responsabilités au CSA en matière de régulation des plateformes numériques, notamment pour lutter contre la haine en ligne, la manipulation d'informations et l'exploitation commerciale de l'image des mineurs. Le règlement européen sur les services numériques en cours d'élaboration, le Digital Services Act, résulte de l'ambition d'améliorer la régulation des géants du numérique. Quelles sont, à vos yeux, les mesures les plus nécessaires pour lutter efficacement contre la diffusion de contenus illicites et contre la construction, par le biais d'algorithmes de recommandation, de bulles cognitives entretenant la diffusion des infox et portant atteinte au pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion, principe fondamental de notre droit ?

Je vous cède la parole pour une intervention liminaire d'une vingtaine de minutes. Vous serez ensuite interrogé par les membres de la commission, en commençant par Mme Brigitte Kuster, chargée du suivi du CSA au sein de notre commission et rapporteure sur votre désignation pour siéger au sein du collège du CSA. Nous procéderons au vote à l'issue de votre audition.

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Benoît Loutrel

Je vous propose de vous exposer en quoi mon parcours professionnel m'a permis d'acquérir des compétences, des expériences, des expertises et, sur certains sujets, des convictions qui me semblent pertinentes pour siéger au sein du collège du CSA.

Je suis ingénieur économiste de formation. J'ai étudié à l'École polytechnique, où j'ai dû faire un choix difficile entre ce que l'on appelait alors l'informatique et l'économie. L'enseignement portait sur les réseaux de neurones, une curiosité théorique dépourvue d'application pratique dans les années 1980, mais aujourd'hui au cœur des programmes d'intelligence artificielle utilisés par les grands acteurs de la technologie.

Comme on l'est toujours par ses enseignants, j'ai été particulièrement influencé par deux d'entre eux. Le premier, Pierre-Alain Muet, économiste très reconnu qui fut également député, m'a convaincu que l'étude de l'économie mène au service de l'État, où on l'utilise au mieux pour atteindre des objectifs d'intérêt collectif. Le second, Claude Henry, m'a enseigné l'économie publique et m'a révélé la capacité d'atteindre des objectifs non économiques en utilisant des instruments économiques. Tous deux m'ont convaincu de poursuivre dans cette voie, au service de l'État. J'ai donc rejoint le corps de l'INSEE, après avoir choisi l'ENSAE comme école d'application, où j'ai découvert l'économie industrielle. J'ai eu la chance de suivre ma dernière année d'études au sein de ce qui ne s'appelait pas encore l'École d'économie de Toulouse, où Jean-Jacques Laffont enseignait inlassablement l'économie de la régulation, identifiant tous les modèles économiques disponibles et les pièges de la régulation, démontrant comment un régulateur peut échouer à atteindre ses objectifs en étant capturé par son industrie. Ces trois enseignants m'ont marqué à vie. Ils m'ont donné des lunettes théoriques à travers lesquelles j'analyse toujours les problèmes que l'on me soumet, cherchant comment concevoir une intervention publique, qu'elle soit à finalité économique, sociale ou culturelle, et comment en anticiper les conséquences.

Fort de ce bagage, après un premier poste d'économiste à l'INSEE, j'ai eu la chance de rejoindre la Banque mondiale. Cette première expérience professionnelle à l'étranger, au service du représentant français au conseil d'administration de la Banque mondiale, fut très particulière et passionnante : j'ai vu passer tous les projets de développement à l'échelle mondiale, et les vingt-quatre administrateurs représentants divers pays en débattre. Ce poste m'a donné une ouverture sur les cultures de gouvernement du monde entier, et sur leurs approches totalement différentes de la politique publique. J'y ai développé des compétences en matière de négociation internationale, qui pourront s'avérer très utiles, voire cruciales, dans la régulation des plateformes qui doit se déployer en France et au sein de l'Union européenne, d'autant plus qu'il s'agit d'acteurs globaux. J'y ai aussi découvert, à ma grande surprise, que, arrivé français à Washington, j'étais en réalité français et européen. Au contact d'autres cultures, notamment de la culture américaine, le fait européen s'impose, et l'on prend conscience que ce qui nous sépare de nos voisins européens est minime. Nous avons, depuis le XIXe siècle, une histoire commune qui nous rassemble – même si nous n'étions pas tous du même côté pendant les guerres napoléoniennes – et constitue un corpus commun qui s'impose comme une évidence. Sa force se mesure à l'aune des débats sur les politiques européennes et de la culture européenne.

Par la suite, j'ai rejoint les services de la Banque mondiale à proprement parler, où je me suis spécialisé dans le financement des infrastructures, notamment d'adduction d'eau potable, d'assainissement des eaux usées et de transport, qui ont toutes en commun d'être soumises à une très forte régulation. La distribution d'eau potable, service public local, est soumise à la régulation par la puissance publique ; les transports publics, application de la liberté d'aller et venir, le sont également. La complexité de ce poste résidait dans le fait qu'il fallait imaginer des modalités de financement, dans des pays présentant un risque politique assez élevé, en tenant compte de ces régulations.

C'est donc assez naturellement que, de retour en France, le spécialiste du financement des secteurs régulés que j'étais devenu a rejoint l'ARCEP. J'ai pris un grand plaisir à y travailler, comme en témoigne le nombre d'années que j'y ai passées : j'y suis resté de 2004 à 2010, puis de 2013 à 2017, après avoir exercé de 2010 à 2013 les fonctions de directeur du programme « Économie numérique » au Commissariat général à l'investissement. J'y ai mis en pratique les techniques de régulation et d'analyse pour comprendre cette industrie et déterminer comment y établir un jeu concurrentiel, le stabiliser et, le cas échéant, l'intensifier. Dans cette période, l'ARCEP a pris conscience du caractère crucial de l'accès à la téléphonie mobile, qu'il fallait garantir à chacun. Nous nous heurtions à un problème d'accessibilité économique, dû au fait que cette industrie n'était pas assez concurrentielle. L'Autorité de la concurrence et l'ARCEP ont travaillé conjointement pendant près de six ans pour créer des conditions de concurrence et travailler à réduire cette première fracture numérique, qui était une fracture sociale, pour garantir à chacun, en France, l'accès à des offres de téléphonie mobile à des tarifs abordables.

Au cours de mes dernières années à l'ARCEP, nous avons travaillé sur d'autres fractures, notamment les fractures territoriales, qu'il est plus complexe de réduire. Il s'agissait de garantir, par la régulation, que les demandes de couverture dans tous les territoires, en zone urbaine comme en zone rurale, en métropole comme en outre-mer, soient satisfaites. Ce travail se poursuit aujourd'hui, grâce à l'engagement des collectivités locales.

De cette très riche expérience, je tire un enseignement qui me semble pertinent, dans la période qui s'ouvre, pour le CSA et les secteurs soumis à sa régulation. Les télécommunications de l'époque étaient caractérisées par un changement technologique accéléré. Lorsque j'ai rejoint l'ARCEP, nous procédions timidement au déploiement de la 3G ; à présent, nous en sommes à la 5G. Le modèle économique des opérateurs de télécommunication était dominé par le téléphone ; aujourd'hui, il repose sur l'accès à internet. Tout cela soulève des questions fondamentales sur la façon de réguler ce secteur, celle-ci devant s'adapter en permanence à de fortes évolutions. À l'heure actuelle, le secteur des médias audiovisuels traditionnels traverse une phase de profonde transformation numérique, qui exige d'adapter en permanence sa régulation, et de l'ajuster pour accompagner des acteurs bousculés par cette transformation. Cette exigence est encore plus forte lorsque l'on s'adresse à de nouveaux acteurs tels que les réseaux sociaux, qui mutent en permanence.

De 2010 à 2013, j'ai travaillé au lancement du programme « Économie numérique » au Commissariat général à l'investissement. Ce programme comportait un volet relatif aux télécommunications – il s'agissait de lancer le déploiement de la fibre, notamment dans les zones peu denses, en plaçant l'initiative publique au centre de la démarche –, et un volet d'accompagnement de la transformation numérique, notamment dans les secteurs culturels. J'ai ainsi été amené à travailler avec certains établissements publics de l'État, tels que la Bibliothèque nationale de France (BNF), l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), pour initier les premiers programmes de numérisation des contenus et adapter les chaînes de valeur à la transition numérique. De cette expérience, j'ai tiré plusieurs enseignements pertinents pour l'avenir.

En 2017, après treize années passées à travailler sur le secteur des télécommunications, dont trois en qualité de directeur général des services de l'ARCEP, j'ai voulu voir autre chose et en apprendre davantage sur cette économie numérique qu'il était difficile d'appréhender depuis l'intérieur de la machine de l'État, qui n'est pas l'acteur le plus en avance en matière de transformation numérique. J'ai donc rejoint Google France, en qualité de directeur des relations institutionnelles et des politiques publiques. J'avais la conviction que les plateformes devaient être régulées, qu'elles devaient s'y préparer et qu'un acteur comme Google devait jouer un rôle proactif dans son rapport aux pouvoirs publics. C'est ce pourquoi j'avais été recruté. J'y suis resté neuf mois, ce qui est bref, car j'ai assez vite pris conscience que Google ne voulait pas être un acteur proactif d'une telle régulation. Par ailleurs, j'ai découvert que le modèle d'autorégulation de l'entreprise manquait de crédibilité, ce que ses responsables refusaient de voir.

Il n'en reste pas moins que je n'ai jamais autant appris en neuf mois. Connaître cette entreprise de l'intérieur est particulièrement intéressant. Cela permet de comprendre ses modèles économiques, sa culture d'entreprise et son rapport à la puissance publique, auprès de laquelle elle était alors incapable de s'engager. Hier, un dirigeant de Google a publié une tribune à ce sujet, qu'il faut lire comme la timide expression du souhait que le législateur dise à Google quoi faire. À défaut d'un engagement clair à mener un dialogue actif avec la puissance publique, il s'agit d'un premier pas en avant.

J'ai donc rejoint l'administration, en qualité d'inspecteur général de l'INSEE. Dans ce cadre dédié à l'émission de conseils, j'ai régulièrement participé à des missions interministérielles consacrées à la transformation numérique, notamment pour la préparation du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) en 2018. J'ai aussi pris part, en 2019, à une mission très atypique consistant à mener une expérience de régulation de Facebook, Mark Zuckerberg ayant accédé à la demande du Président de la République de faire jouer les cobayes à son entreprise. Pendant quelques mois, une équipe constituée d'experts de très haut niveau issus de plusieurs administrations a donc joué le rôle d'un régulateur : une juriste du ministère de l'intérieur affectée à la plateforme PHAROS, un commandant de gendarmerie et un juge spécialisés dans la lutte contre la cybercriminalité, le directeur général des médias et des industries culturelles, Jean-Baptiste Gourdin, le préfet délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) et un membre du collège de l'ARCEP spécialisé dans l'intelligence artificielle. Les travaux de la mission étaient organisés par trois rapporteurs, deux experts respectivement issus du CSA et de l'ARCEP, et moi-même. L'expérience consistait à jouer le rôle d'un régulateur de Facebook pour lutter contre la haine en ligne. Facebook a joué le jeu, alimentant le dialogue, détaillant ses actions en la matière et répondant à nos questions. Nous en avons tiré, dans un bref rapport, plusieurs conclusions édifiantes.

Tout d'abord, nous avons pris conscience de la puissance de cette entreprise au sein de nos écosystèmes informationnels, de cet endroit où l'on discute et où l'opinion publique se forme, tel un avatar du forum des Romains. Cette puissance ne tient pas uniquement à sa fonction de modérateur des débats, à la façon dont elle y intervient en choisissant de supprimer ou de ne pas supprimer certains contenus. Elle est bien plus vaste, car l'entreprise exerce en sus trois fonctions stratégiques. Les comptes que vous créez, sur Twitter, Facebook ou YouTube, vous proposent chaque soir des centaines de contenus préalablement ordonnés, parmi lesquels vous ne lirez que les premiers, et presque jamais les derniers. Leurs algorithmes ont déterminé l'ordonnancement de ces contenus, ce qui permet d'enterrer certaines idées et d'en mettre d'autres en valeur, selon la façon dont on les élabore. Outre cette fonction de sélection des contenus, ces plateformes ont une fonction de ciblage : elles mettent en avant des contenus que vous n'avez pas choisis, mais pour lesquels vous avez été ciblés, pour leur propre compte ou pour le compte de tiers. La publicité ciblée constitue un pouvoir puissant, d'autant plus qu'il s'exerce à l'échelle de l'individu, ce qui emporte de nombreuses conséquences. La troisième fonction des plateformes est de vous suggérer des liens de sociabilité, par exemple sous forme de groupes, ce qui leur offre une capacité inégalée d'influencer nos dynamiques sociales.

Ces trois fonctions tout à fait importantes ne sont pourtant pas observables. C'est ce qui est ressorti de notre mission. Nous en avons conclu que malgré les longs échanges que nous avions eus avec les responsables de Facebook, nous ne pouvions répondre à la question qui nous était posée qu'en disant si nous les croyions ou non, ce qui est une façon contestable d'initier une politique publique en France. Tout ce que nous savions, nous le tenions de Facebook. De fait, on ne peut pas observer la réalité de son comportement. J'observe mon Facebook et vous observez le vôtre, que je ne vois pas. Chaque compte Facebook a été individualisé en fonction de son utilisateur, par le biais de traitements de données de masse. L'individualisation des contenus rend inobservable l'effet global de l'action de Facebook.

Nous avons donc conclu notre mission sur ce paradoxe : ces gens détiennent une puissance phénoménale sur nos démocraties, mais nous ne sommes pas en mesure de les observer par-delà leurs déclarations unilatérales. Nous vivons donc dans un système d'autorégulation reposant sur une transparence autoproclamée, qui n'est soumise à aucun contrôle. Certes, si je consomme un produit bio, je me fie à une déclaration qui le proclame tel, mais cette déclaration obéit à un cahier des charges public et est soumise le plus souvent à l'audit d'un tiers. Lorsque les grandes plateformes publient un rapport attestant de leur transparence, nul ne sait à quel cahier des charges elles se sont conformées pour le rédiger, et celui-ci n'a pas été soumis à l'audit d'un tiers. Nous dépendons d'elles pour connaître la réalité de ce qu'elles font.

Pour répondre à l'une de vos questions, monsieur le président, il me semble que la première mesure à prendre pour la régulation des réseaux sociaux serait de les enfermer dans le carcan d'une obligation de transparence juridiquement opposable. Le premier ingrédient d'une telle évolution est sans doute la création d'un régulateur, non pas des réseaux sociaux mais de leur transparence, doté de la capacité de vérifier et d'attester la réalité des déclarations des opérateurs, et de sanctionner ceux-ci s'il s'avérait qu'ils ont menti. À l'heure actuelle, le dialogue avec ces entreprises – les auditions de leurs responsables par les parlements nationaux le démontrent – repose sur une base assez malsaine : elles font des déclarations, et chacun se demande si elles mentent partiellement ou par omission.

Notre deuxième conclusion s'est également imposée comme une évidence : l'enjeu est d'amener ces entreprises à devenir des partenaires de nos sociétés, dont elles sont pour l'heure des passagers clandestins qui réussissent économiquement. Il ne s'agit pas uniquement de fiscalité ; il s'agit de faire en sorte qu'elles s'engagent au profit de l'intérêt général. La lutte contre les contenus haineux, qui ne sont pas apparus avec les réseaux sociaux, est ancienne. La question est de savoir comment responsabiliser les plateformes et comment les engager dans un dialogue politique avec la société civile, les parlements et les gouvernements. Cela suppose d'instaurer un acteur tiers, le régulateur, auquel son expertise confère la capacité de certifier que ces entreprises font ce qu'elles disent et disent ce qu'elles font. Il s'agit sans doute du point principal. Il faut aussi obtenir d'elles qu'elles se conforment à un devoir de diligence, à une obligation de participer à la vie publique. Nous avons présenté notre rapport dans de nombreux pays européens. Partout, le discours était le même : les plateformes donnent l'impression de s'asseoir à la table des négociations par politesse. Tel était notamment le cas en Allemagne, dont le législateur a franchi le Rubicon en adoptant la loi NetzDG.

Notre troisième conclusion portait sur le problème de l'échelle géographique. Les troubles informationnels tels que la manipulation de l'information, la désinformation, la diffusion d'un discours de haine et l'apologie du terrorisme causent des dommages à nos écosystèmes informationnels et à la cohésion de nos sociétés. En Europe, ces dommages sont appréhendés sur une base nationale, en raison des différences linguistiques et culturelles entre les pays. L'espace médiatique français est cantonné à la France. S'il se mélange parfois un peu avec les espaces médiatiques belge et suisse, il est bien plus étanche vis-à-vis de l'espace médiatique allemand. Il faut donc disposer des capacités d'agir à l'échelle de chaque État. Or le rapport de forces dans lequel nous sommes avec les plateformes impose de travailler à l'échelle européenne. Il faut donc concevoir un modèle de régulation à l'échelle européenne, dont la mise en œuvre serait assurée par un réseau de régulateurs nationaux. Chaque pays européen doit disposer d'un régulateur capable de décrypter le comportement des plateformes au profit de la société civile et des autorités, tout en s'insérant dans un réseau permettant de peser sur elles et d'éviter la fragmentation de leur régulation.

L'autre problème posé par une régulation exclusivement nationale est économique. La France a ouvert la voie en adoptant la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information ; l'Allemagne l'a suivie en adoptant la loi NetzDG. Depuis lors, la France a repris l'initiative. Or l'édification de régulations exclusivement nationales élève la barrière à l'entrée sur le marché pour ces entreprises. Certaines d'entre elles sont prêtes à l'admettre, considérant que 100 millions d'euros par an, ce n'est pas cher payé pour éradiquer toute concurrence et empêcher l'émergence de nouveaux acteurs, notamment européens, des réseaux sociaux. Si nous ne voulons pas renoncer à nos ambitions européennes, nous devons concevoir la régulation des plateformes à l'échelle européenne, afin de ne pas élever les barrières à l'entrée, tout en assurant sa mise en œuvre par des régulateurs nationaux proches des populations et agissant de façon concertée.

Telles sont les diverses expériences qui me laissent penser que j'ai des compétences à apporter au CSA, dont le champ est de plus en plus vaste. Outre l'audiovisuel, le Parlement est en train d'étendre ses compétences au nouveau secteur des plateformes numériques et des réseaux sociaux. Médias audiovisuels et réseaux sociaux forment, finalement, un même espace informationnel et toute politique de lutte contre la désinformation doit agir sur l'ensemble du spectre. Les missions traditionnelles du CSA, liées au pluralisme d'expression, restent pertinentes sur ces nouveaux vecteurs d'accélération des contenus dans nos espaces informationnels. J'espère apprendre des trente années d'expérience du CSA, et décliner cette expérience auprès de nouveaux acteurs, qui n'ont pas de fonction éditoriale, mais une fonction nouvelle, algorithmique. Elle impose de définir « sur mesure » un nouveau mode pour les responsabiliser, comme le CSA a su le faire pour responsabiliser les médias audiovisuels.

Un autre aspect à prendre en compte est que les acteurs de l'audiovisuel traditionnel évoluent, et doivent continuer à le faire. Nous devons les accompagner : eux aussi sont soumis à cette transformation numérique.

La coopération entre l'ARCEP et le CSA est nécessaire et naturelle. Je doute de la possibilité de nommer des membres communs, car siéger dans ces collèges est un travail à plein temps. Il faudrait trouver le surhomme ou la surfemme capable de participer activement dans les deux collèges. D'autres mécanismes existent : avec les saisines croisées, le CSA demande l'avis de l'ARCEP quand il intervient sur un secteur lié aux télécommunications – et réciproquement. Depuis un an, un programme de travail commun a été créé, car les deux autorités s'interrogent sur le rôle joué par les terminaux, tant dans les services de médias audiovisuels que sur les réseaux de communication électronique.

Pour l'ARCEP, la transformation numérique est une évidence. Elle constate à quel point les réseaux transforment, montent en puissance et deviennent toujours plus accessibles. Lorsque les autres régulateurs font ce constat dans leur domaine, ils cherchent des compétences et s'adressent à l'ARCEP. Le CSA a souhaité se rapprocher de l'ARCEP, mais c'est aussi le cas de l'autorité de régulation des transports. Il est évident que le véhicule du futur sera autonome et connecté, il faut donc rapprocher le régulateur des transports du régulateur des télécommunications. En poussant cette logique, à terme, tous les régulateurs seraient ainsi regroupés, ce qui poserait un problème démocratique. Ce régulateur serait une « Commission européenne à la française », et je ne pense pas que ce soit pertinent. Il y a parfois des désaccords entre régulateurs, il faut faire des choix politiques entre les télécommunications et l'audiovisuel, comme ce fut le cas pour les attributions de fréquences. Je trouve très sain que chaque régulateur instruise le sujet du point de vue de son industrie, fournisse ce travail au Parlement et au Gouvernement, qui peuvent prendre les décisions de nature politique. J'aurais trouvé surprenant que cette décision soit laissée à un régulateur, qui n'a pas la légitimité suffisante pour le faire.

S'agissant de la TNT, il doit être possible de retrouver des déclarations de ma part lorsque j'étais directeur général de l'ARCEP. Il est de bonne guerre, en tant que régulateur des télécoms, d'expliquer que ce secteur ferait un meilleur usage des fréquences. D'un autre point de vue, la crise que nous traversons a montré à quel point il n'est pas imaginable de ne pas avoir de médias nationaux diffusés par voie hertzienne et accessibles à tous. Aujourd'hui, 20 % de la population n'accède pas à la télévision autrement que par la TNT. Un jour, je n'en doute pas, la TNT devra cesser de diffuser, mais ce jour n'est pas arrivé et n'arrivera pas au cours des six années du mandat pour lequel je candidate.

La décision des réseaux sociaux américains de suspendre les comptes de Donald Trump a interpellé le monde entier. Comme tout le monde, nous nous sommes demandé comment on a pu arriver à une situation dans laquelle des acteurs privés, sans cadre juridique, décident seuls que le président des États-Unis ne peut plus intervenir sur les réseaux sociaux. D'autant que nous ne savions pas pour combien de temps cette décision avait été prise. Cela a achevé de convaincre les derniers réticents qu'il était urgent d'encadrer juridiquement le pouvoir que les réseaux sociaux peuvent détenir, pour que leurs décisions soient contestables, objectives et transparentes.

Mais il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg. Les réseaux sociaux peuvent choisir d'influencer l'ordre de présentation des contenus, d'enterrer la parole d'un homme politique ou de la mettre en exergue. Les médias traditionnels ont ce même pouvoir, mais on le voit. Sur les réseaux sociaux, on ne le voit pas. Tout le monde a réagi à la suspension des comptes de Donald Trump car on a vu que les réseaux sociaux ont fait usage du pouvoir extrême consistant à couper l'accès de Donald Trump. Toutefois, ils conservent une palette d'interventions tout aussi puissantes, mais invisibles. J'en conclus qu'il est urgent d'avancer.

Nous avons largement présenté les résultats de l'expérimentation Facebook en Europe, et nous avons reçu un accueil passionné de la part des pays rencontrés et de la Commission européenne. Dans son projet de règlement des services numériques, on retrouve d'ailleurs nos idées, notamment sur l'importance de la transparence. Ce projet de règlement, connu sous son acronyme anglais « DSA », comporte, selon moi, deux éléments saillants.

L'un est l'obligation de transparence, qui va permettre à tout le monde de monter en compétence. La transparence est due non pas uniquement au régulateur, qui est simplement garant de sa bonne mise en œuvre, mais à toutes nos sociétés. Tout le monde a besoin de voir ce que font les réseaux sociaux et d'en analyser les conséquences. C'est un rôle essentiel pour les chercheurs dans le monde universitaire, dans les instituts d'études politiques et les départements de sciences de l'information. Or ils ne peuvent pas travailler aujourd'hui, car ils n'ont pas accès à suffisamment d'informations. Le régulateur doit se mettre à leur service et au service de la société civile. C'est l'intérêt de la transparence : permettre à tout le monde de participer à l'exercice démocratique afin de maîtriser la puissance des réseaux sociaux.

L'autre élément essentiel du DSA est la mise en place d'un réseau de régulateurs et de son board. Comment ces régulateurs vont-ils travailler ensemble ? Cette régulation européenne devra s'ancrer sur les régulateurs nationaux pour concevoir au niveau européen, mais agir au niveau des États membres, au service des sociétés de ces États.

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La loi de 1986 attribue au CSA de nombreuses compétences, dont certaines en lien avec les télécommunications, votre domaine de prédilection. Le CSA est chargé de l'attribution des fréquences et peut être saisi en cas de différend entre plusieurs éditeurs. Il se prononce sur toute modification des normes de diffusion électronique. En conséquence, il est de coutume que le CSA compte parmi ses membres des spécialistes des réseaux capables d'apporter leur expertise à ce sujet. Votre parcours et la présentation particulièrement complète que vous venez de faire, monsieur Loutrel, ne laissent planer aucun doute sur vos compétences. Votre formation d'ingénieur et votre carrière à l'ARCEP, jusqu'au poste de directeur général, sont un gage de sérieux et de qualité. Vous êtes également membre du comité scientifique du CSA, ce qui vous permet de connaître cette institution de l'intérieur.

Le CSA occupe une place à part dans le paysage audiovisuel et institutionnel français et ses pouvoirs en font une institution politique au sens large du terme, et non un simple comité technique d'experts. Quelle est votre vision sur cette institution, et quel pourrait être son rôle en ces temps agités ?

Vous avez évoqué votre bref passage chez Google, qui ne peut que nous interpeller. Vous avez donné les raisons pour lesquelles vous aviez souhaité rejoindre une structure privée, mais en vous écoutant, j'ai pensé qu'avec une telle connaissance des deux côtés de la barrière, il aurait été bon que Google vous garde !

Vous avez longuement détaillé le rapport que vous avez produit sur la régulation des réseaux sociaux, et c'était passionnant. Un des piliers de la régulation que vous proposez est « une autorité administrative indépendante partenaire des autres branches de l'État et ouverte sur la société civile », j'imagine que vous faisiez référence au CSA. La création d'un régulateur de la transparence des réseaux sociaux est un sujet sur lequel nous devrons revenir.

Par ailleurs, à l'heure où les Français s'équipent de plus en plus de téléviseurs connectés qui privilégient dès l'allumage les offres de streaming, comment pourrait-on modifier ces usages et ces équipements au profit des programmes audiovisuels en linéaire, qui restent gratuits et universels ?

Quelles orientations souhaitez-vous donner à votre mandat, et quel doit être le rôle du CSA dans les années à venir, compte tenu de sa fusion avec la HADOPI ?

De manière plus concrète, comment imaginez-vous la mise en place tant attendue de la régulation des plateformes ? Quels rôles auront le législateur et le CSA ?

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Vous avez abordé par une approche simple des enjeux éminemment complexes et systémiques. Pour ma part, je préfère que vos qualités soient au service de l'intérêt général ! Je vous remercie de votre détermination à défendre une régulation de l'audiovisuel et des réseaux qui soit économique mais aussi technologique ; respectueuse de la liberté d'expression, mais aussi de la protection des droits et des libertés individuelles. Et merci d'en considérer la dimension européenne.

Le CSA s'est transformé depuis sa création, il y a trente ans. Sa mission générale – garantir la liberté de communication audiovisuelle – a été élargie. Il a su s'adapter aux évolutions du paysage audiovisuel, aux mutations technologiques, économiques et sociales, aux évolutions de format et des usages, notamment grâce à l'extension de la régulation à de nouveaux services.

Pour mener à bien cette nouvelle mission, de nouvelles méthodes de régulation ont été déployées. Dans le rapport de la mission « Régulation des réseaux sociaux » que vous avait confiée Cédric O en 2019, vous indiquez qu'il est indispensable d'élaborer de nouveaux outils car la régulation des nouveaux acteurs doit être plus collaborative et ne peut se fonder sur les outils qui régissent la régulation des acteurs traditionnels. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les outils collaboratifs que vous souhaiteriez voir se développer ?

L'attente du public à l'égard du CSA est forte ; son interpellation est régulière lorsque des incidents se produisent à la télévision et la radio. Si cette mission de gardien de la déontologie et de la fiabilité des contenus est bien identifiée, comment améliorer la réactivité du CSA pour répondre à la demande du public et lutter contre la diffusion de fausses informations ou des messages haineux, particulièrement en période de crise ?

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Les prérogatives du CSA se sont étendues avec le développement du numérique, et les défis qu'il implique pour nos libertés et le respect de la vie privée.

En 2019, vous avez été l'un des rapporteurs de la mission « Régulation des réseaux sociaux – Expérimentation Facebook ». S'agissant de la lutte contre les contenus haineux, la loi Avia a été vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel, qui a censuré sa disposition phare : l'obligation faite aux réseaux sociaux de supprimer sous vingt-quatre heures les contenus haineux qui leur sont signalés, sous peine de lourdes amendes. Comment envisagez‑vous le contrôle du CSA dans ce contexte ?

Il y a dix ans, grâce à Nicolas Sarkozy, la publicité était supprimée sur les chaînes publiques après 20 heures. Cela devait permettre de faire démarrer les programmes de soirée plus tôt et de diffuser plus de programmes culturels. Ayant perdu des parts de marché, le service public a choisi de retarder le démarrage de sa soirée et ses concurrents ont emboîté le pas. Nous aboutissons à une situation absurde : les programmes de soirée commencent entre 21 h 15 et 21 h 20, trente minutes plus tard qu'il y a dix ans. De nombreuses plaintes de téléspectateurs sont adressées chaque semaine au CSA à ce sujet. Comment lutter contre ce phénomène ?

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J'ai particulièrement apprécié vos propos sur le pluralisme et la réflexion à mener sur le pouvoir cathodique.

Alors que la campagne de vaccination en cours est d'un enjeu capital, l'équilibre des informations données par les spécialistes est essentiel. Le CSA joue pleinement son rôle pour relever les déclarations d'intervenants qui ne font pas l'objet d'une contradiction suffisante. Le CSA vous semble-t-il avoir les moyens requis pour exercer une surveillance forcément accrue et sensible dans l'état de crise que nous connaissons ?

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Le CSA devrait connaître sous peu une transformation majeure : suite à sa fusion avec la HADOPI, il deviendra l'ARCOM. Il obtiendra ainsi de nouvelles compétences, notamment la régulation des plateformes en ligne. La qualification des contenus et leur modération sont des questions centrales qui ne peuvent être entièrement dévolues aux algorithmes. Il faut s'assurer que l'ARCOM aura les moyens de remplir ces nouvelles missions, sans se substituer au pouvoir judiciaire.

Comme sur les plateformes en ligne, on assiste à la télévision à une banalisation et une recrudescence inquiétante des propos incitant à la haine raciale, au sexisme et à l'homophobie. Je rappelle que ce ne sont pas des opinions, mais des délits.

Par ailleurs, l'impact de la télévision sur la formation de l'opinion publique rend indispensable de veiller aux représentations qu'elle véhicule. L'observatoire des diversités montre qu'il existe une différence considérable entre la société française et sa représentation à l'écran. Le taux de représentation des femmes à la télévision stagne à 39,1 % alors qu'elles représentent 52 % de la population. Les catégories socioprofessionnelles dites « inférieures » sont représentées seulement à 12 %, contre 72 % pour les catégories socioprofessionnelles dites « supérieures ». Les personnes en situation de handicap sont représentés à hauteur de 0,7 % et les personnes dites non blanches sont représentées à 15 %.

Que préconisez-vous pour lutter plus efficacement contre ces stéréotypes et les propos incitant à la haine ? Quelle est votre vision des missions de l'audiovisuel public ? Selon vous, le CSA a-t-il les moyens d'assumer sa mission de régulation, et si ce n'est pas le cas, que préconisez-vous ?

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Lors de l'opération « Sport Féminin Toujours » qui s'est déroulée du 17 au 24 janvier, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a reconnu que le sport féminin est encore trop rare dans les médias, même si du chemin a été parcouru ces dernières années. Le sport féminin représentait seulement 7 % des retransmissions sportives en 2012. Cette part est passée à 18 %, mais le plafond de verre de 20 % des retransmissions sportives que le CSA souhaitait voir dépassé en 2020 subsiste.

Quelles actions envisagez-vous au sein du CSA pour augmenter ce chiffre et donner davantage de visibilité au sport féminin, qui est de surcroît touché de plein fouet par la crise sanitaire ?

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Quel est votre avis sur une éventuelle fusion entre l'ARCEP et le CSA, dont l'évocation revient très souvent ? En 2019, le ministre de la culture Franck Riester plaidait pour ce rapprochement avant que cette fusion ne soit définitivement écartée par le Gouvernement au profit d'une collaboration renforcée entre les deux instances.

Fort de votre expérience de directeur des relations institutionnelles et des affaires publiques de Google France, puis de chargé d'une mission sur la régulation des réseaux sociaux, quels changements ou engagements souhaitez-vous promouvoir au sein du CSA afin d'améliorer la régulation des réseaux sociaux, dont l'importance est grandissante ?

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La fusion entre le CSA et la HADOPI n'est pas abandonnée ; elle est reportée au projet de loi que la ministre de la culture s'est engagée à présenter rapidement, au cours de l'année 2021. Considérez-vous que cette fusion est toujours d'actualité ? Quel serait son intérêt au bénéfice des publics ?

J'espère que les propos que vous avez tenus lorsque vous étiez à l'ARCEP ne reflètent pas vos avis futurs sur la TNT au sein du CSA. Une meilleure coopération entre l'ARCEP et la future ARCOM permettrait-elle d'éviter le sentiment d'une concurrence entre les autorités de régulation, au profit d'une meilleure collaboration dans l'intérêt des publics ?

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Les dérapages à caractère raciste, violent ou haineux sont en triste augmentation sur tous types d'écrans, même s'ils ne sont pas nouveaux. Nous avons déjà saisi le CSA de propos d'Éric Zemmour, par exemple, et les émissions de téléréalité présentent des stéréotypes sexistes graves. La recherche permanente du « buzz » et l'absence de prise en compte, par certains programmes, de l'image qui peut être renvoyée concernant le droit des femmes, sont inquiétantes. Le CSA dispose d'un pouvoir de sanction auprès des éditeurs et des distributeurs de services de communication audiovisuelle, ainsi que des opérateurs. Ce pouvoir s'exerce après mise en demeure, et ces dernières sont nombreuses.

Quelle est votre vision du dialogue entre l'institution et les chaînes sur ces questions, notamment concernant la place des femmes, des personnes issues de la diversité ou en situation de handicap ? Comment l'institution pourrait rassurer les citoyens et les citoyennes sur sa capacité à agir rapidement contre les discours de haine ?

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La loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information et la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet ont étendu les compétences du CSA dans le domaine du numérique. L'article introduit au sein du projet de loi confortant le respect des principes de la République vient prolonger cette tendance. Ces compétences ont pour objet de veiller à ce que les plateformes en ligne et les contenus sur internet ne soient pas sources de troubles et fassent l'objet d'une meilleure régulation.

Comment concevez-vous ces nouvelles activités du régulateur, et quels autres champs de la régulation souhaitez-vous que le CSA investisse ?

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Monsieur Loutrel, êtes-vous utilisateur des réseaux sociaux à titre personnel ? Si c'est le cas, dans l'attente de la transparence sur les algorithmes et de la régulation dont nous avons tous besoin, quel est votre comportement à leur égard ? Comment essayez-vous de vous protéger des manipulations éventuelles ?

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes et aux moins jeunes pour se protéger ? Ne pensez-vous pas qu'une formation soit nécessaire, voire indispensable, en attendant de mieux réguler le secteur ?

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C'est une excellente question, car le premier régulateur, lorsque nous utilisons un téléphone connecté, c'est nous‑même ! Et s'agissant des enfants, ce sont les parents. On pourrait d'ailleurs s'interroger sur l'opportunité de rendre obligatoire l'installation d'un contrôle parental. Sans cela, donner un téléphone à un enfant revient à lui donner accès à un magazine pornographique, à Mein Kampf avec le son et l'image ou encore à une recette de cocktail Molotov. Je profite de cette dernière intervention pour appeler chacun à la plus grande vigilance avec ces outils, qui offrent à la fois le pire et le meilleur.

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Benoît Loutrel

Lorsque l'expérience de régulation de Facebook a été lancée, l'une des questions brûlantes qui se posait était : qui, de l'ARCEP ou du CSA, doit réguler ? Nous avons officieusement demandé à ne pas être saisis de cette question ; ancien directeur général de l'ARCEP, j'étais flanqué d'un rapporteur issu de l'ARCEP et d'un autre issu du CSA afin de garantir la neutralité de notre approche à cet égard. Mais, en cours d'expérience, nous avons tous pris conscience du fait que l'enjeu était l'intégrité de nos espaces informationnels – là où les idées s'échangent, où l'opinion publique se forme, c'est-à-dire le cœur du fonctionnement démocratique de nos sociétés. Or l'action du CSA – qui n'est en effet pas n'importe quelle autorité administrative indépendante, madame Kuster – possède une dimension politique dont celle de l'ARCEP est dépourvue, et il est apparu évident à la lecture de notre rapport, sans que nous ayons eu besoin d'en parler, que c'est à lui que la régulation devait être confiée, et non à l'ARCEP. Sébastien Soriano, alors président de l'ARCEP, l'avait d'ailleurs reconnu.

La transformation numérique de nos sociétés modifie considérablement la manière dont nous nous informons, donc la façon dont nous formons notre opinion. C'était le cas avant même l'apparition des réseaux sociaux, du seul fait de l'existence de moteurs de recherche et de la possibilité d'accéder aux sites web des entreprises. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai grandi dans un monde où les communiqués de presse étaient destinés aux seuls journalistes, le public n'ayant accès qu'aux articles que ceux-ci en tiraient. Internet a totalement modifié cette dynamique. Dans un contexte où la quantité d'informations brouille l'information, il incombe au CSA, pour permettre la confiance, d'être le garant de l'intégrité de l'écosystème informationnel et des conditions du débat public. C'est la seule institution à pouvoir veiller à ce que les gens comprennent comment l'information se forme et circule, et puissent la juger. L'ARCEP, elle, est un régulateur d'infrastructures ; c'est un autre registre.

Aurais-je été plus utile chez Google ? C'est ce que je pensais quand je suis allé trouver l'entreprise… Lors de mon recrutement, nous avons discuté de la difficulté d'un échange fructueux entre la puissance publique et des acteurs privés, qui plus est étrangers dans un contexte européen, mais la personne qui m'a recruté a conclu en m'avertissant que les combats internes étaient beaucoup plus violents que les combats externes. De fait – comme, sans doute, chez Facebook –, si une partie de l'entreprise est convaincue qu'il faut œuvrer avec les pouvoirs publics, une autre, très cynique, ne se préoccupe que des profits du trimestre à venir. À défaut de savoir où je serais le plus utile, je sais donc pourquoi j'ai quitté Google. Mon éventuelle valeur est due au fait d'y avoir travaillé quelques mois ; ce type d'expérience devrait être encouragé.

L'un des sujets auxquels il va falloir réfléchir est celui des équipements – téléviseurs connectés, enceintes connectées – par l'intermédiaire desquels il est possible d'orienter l'utilisateur vers tel ou tel média. Cette question, tous les pays européens se la posent ; c'est donc à l'échelle européenne qu'il va falloir agir, en définissant pour l'ensemble du grand marché unique européen de nouveaux standards d'ouverture et de neutralité des équipements, au nom de l'exigence de pluralisme dans l'expression des opinions.

Je n'avais pas mentionné la HADOPI dans mon propos liminaire et vous prie de m'en excuser, mais j'ai bien conscience du fait que, dans le cadre du projet de loi relatif à l'audiovisuel, et dans l'hypothèse où il retrouverait une place dans l'ordre du jour parlementaire malgré la crise sanitaire, votre commission a manifesté à maintes reprises son soutien à la fusion entre le CSA et la HADOPI. Celle-ci me semble une évidence dans la mesure où les deux instances travaillent sur le même écosystème, celui de l'audiovisuel et de la création de contenus. Pour qu'un régulateur soit efficace, il faut lui fixer des objectifs globaux très clairs et lui attribuer une palette d'outils. De ce point de vue, l'outillage et le savoir-faire de la HADOPI compléteraient très bien ceux du CSA. Le CSA s'occupe du financement de la production et de la création, la HADOPI lutte contre le piratage ; dans les deux cas, il s'agit du modèle économique de nos industries culturelles. Leur réunion permettrait un gain énorme. Cela a été souligné par leurs présidents respectifs devant votre commission en décembre ; je suis totalement d'accord avec tout ce qu'ils en ont dit.

En ce qui concerne la réactivité, toute politique publique comprend un volet répressif et un volet préventif ; c'est ce dernier rôle que le CSA doit jouer. Paradoxalement, on trouve toujours que les régulateurs sectoriels sanctionnent peu. C'est que beaucoup de modèles de régulation appliqués en Europe nous viennent des Anglais, qui se sont saisis les premiers du sujet, dès le début des années 1980. Après avoir créé l'Ofwat, le régulateur des distributeurs d'eau, qui avaient été privatisés avant toute vague européenne en ce sens, ils ont dressé un bilan de son action, fidèles à leur culture pragmatique de l'évaluation. Constatant que l'Ofwat avait mis des amendes à tout le monde mais que la qualité de l'eau n'en avait pas été améliorée et que son prix n'avait pas baissé, ils en ont tiré un modèle qui a été repris partout en Europe et selon lequel l'objectif des régulateurs doit être d'obtenir un comportement vertueux, non de sanctionner. C'est ainsi qu'a été conçu le CSA qui, comme l'ARCEP, procède d'abord à des mises en demeure, ne sanctionnant qu'en cas de récidive.

De son côté, la justice est chargée de la répression ; face à ce qui n'est pas une opinion mais un délit, c'est à elle d'intervenir. Le juge judiciaire est le meilleur garant du bon équilibre entre la liberté d'expression et la nécessité de la limiter.

La force que donne aux régulateurs cette absence de sanction systématique est la relation que cela induit avec ceux qu'ils régulent – et qui peut être mobilisée très rapidement – et l'autorité morale que cela leur confère. Fort de ses trente ans d'histoire, le CSA a su établir une telle relation avec les médias traditionnels et saura, s'il devient compétent s'agissant des réseaux sociaux, faire de même avec ces derniers pour susciter une réaction rapide et faire modifier les comportements dérangeants : il agira comme le font les services de l'État, en asseyant les acteurs autour d'une table au nom de l'intérêt général, dans un cadre non juridique, pour traiter une situation d'urgence. Il dialogue d'ores et déjà avec les médias pour traiter les difficultés qui s'y posent en cette période de crise sanitaire et a annoncé un futur retour d'expérience associant tous les médias afin de permettre un progrès collectif, comme après les attentats à propos du traitement délicat de l'information dans les jours qui avaient suivi ces derniers.

De même, après un accident aérien, deux processus s'enclenchent : au niveau judiciaire, la recherche des responsabilités civiles et pénales ; au niveau du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), l'enquête destinée à déterminer s'il faut modifier la conception des avions, la formation des pilotes, et à tirer les conséquences de l'accident sans attendre la fin de la procédure judiciaire.

S'agissant du rôle du CSA en matière de contenus haineux, quand une masse de tels contenus apparaît, plusieurs questions se posent : sont-ils retirés, si oui, dans quel délai, et est‑ce à bon escient ? L'enjeu est d'abord la fonction de modération : est-elle mise en œuvre réellement, de façon non discriminatoire ; est-elle parfois excessive ? Tout un travail peut alors être entrepris sous l'égide des régulateurs pour forcer les réseaux sociaux à mieux structurer leurs politiques, à les expliquer, à en rendre compte de manière crédible et à permettre qu'elles fassent l'objet d'un débat public afin de parvenir à un équilibre. Car il n'appartient pas au seul régulateur de décider : il doit organiser ce débat, mais y associer la société civile, pour garantir l'acceptation de la solution qui sera trouvée.

Cela suppose la transparence : les acteurs doivent être poussés à rendre des comptes pour que l'on sache ce qu'ils font, avec quels moyens, à quelle fréquence. Il s'agit de demander aux entreprises à la fois de révéler des informations qu'elles détiennent – c'est la « transparence sortante » – et de laisser des tiers révéler des informations dont elles ne disposent pas elles-mêmes – c'est la « transparence entrante ». En effet, les algorithmes sur lesquelles elles s'appuient peuvent être biaisés – de même que nous sommes nous-mêmes victimes de biais cognitifs, comme les préjugés – et un informaticien pourtant neutre peut concevoir un tel algorithme au détriment d'une catégorie socioprofessionnelle ou au profit des hommes, par exemple. Il faut pouvoir les révéler. Cela implique un énorme travail destiné à permettre aux chercheurs d'accéder aux informations et de mettre en évidence ces biais souvent non intentionnels, le tout dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) – on ne peut pas se permettre un deuxième Cambridge Analytica, d'où la nécessité d'un autre travail, d'interrégulation, entre la CNIL et le CSA, qui n'implique pas, lui, de fusion.

En ce qui concerne les moyens, il faudrait déjà – j'enfonce une porte ouverte – bien utiliser ceux dont nous disposons. De ce point de vue, nous aurions intérêt à mener à son terme dès que possible l'évolution, actuellement suspendue, vers la fusion entre la HADOPI et le CSA : celle-ci nous fera gagner en moyens sans hausse du coût budgétaire, alors que son absence coûterait cher aux deux instances. Par ailleurs, je n'ai jamais vu un régulateur refuser qu'on lui donne un peu plus de moyens pour assumer les missions que le Parlement lui confie, surtout quand il est chargé des secteurs de notre société où l'activité est la plus bouillonnante.

Je suis convaincu que le pluralisme et la manière dont les médias reflètent notre société sont des enjeux stratégiques. Y veiller est une mission ancienne du CSA, dans laquelle il parvient à des résultats, comme on le voit chaque année. Il travaille avec l'ensemble des médias à améliorer la représentation équilibrée des femmes et des hommes – la sous‑représentation des femmes expertes est l'un de ses nouveaux chantiers ; les médias en ont pris conscience, la prochaine étape consistera à obtenir d'eux qu'ils s'engagent à y remédier –, la représentation de la diversité des Français, la visibilité des outre-mer. J'aspire à participer à cette démarche.

Monsieur le président, vous m'avez demandé d'emblée de quels sujets je souhaiterais m'occuper au CSA. Tout le monde s'y occupe de tous les domaines : des portefeuilles sont attribués, mais ils sont redistribués tous les deux ans. Je suis un esprit curieux, je me sens ouvert et j'aspire à travailler avec mes futurs collègues, conscient de demander à rejoindre une instance où la collégialité est particulièrement poussée et réputée plus fructueuse que dans toute autre autorité publique indépendante. Si votre commission veut bien confirmer ma nomination, le collège devra d'ailleurs choisir comment réallouer les portefeuilles en conséquence du renouvellement de deux de ses membres.

S'agissant du sport féminin, permettez-moi de mentionner le travail de Nathalie Sonnac, qui a abouti à de premiers résultats. Mais il y a encore beaucoup à faire et j'aurai plaisir à m'engager dans ce domaine également.

À propos de la publicité et le recul des premières parties de soirée, m'autorisez-vous un joker ? Pour vous répondre, j'aurai besoin de l'expertise de mes futurs collègues… En la matière, nous marchons sur des œufs : la publicité est aussi le nerf de la guerre dans une industrie qui est, notamment du fait de la crise sanitaire, sous tension. Il y a un équilibre à trouver en la matière.

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Benoît Loutrel

Merci !

En ce qui concerne mon usage personnel des réseaux, je suis un utilisateur de Facebook, où je me suis imposé de m'inscrire par curiosité, pour comprendre un phénomène qui prenait beaucoup d'importance. J'ai donc choisi d'en avoir un usage strictement cantonné, de n'y avoir pour amis que des amis proches et des membres de ma famille et de ne pas en faire un lieu de ma sociabilité en général. Au moins une fois par an, je me contrains à revoir le paramétrage et à tenter de comprendre quelles informations sont partagées et comment afin d'en maîtriser les effets. J'essaie de pousser mes enfants à faire de même, à se demander où va l'information, ce qu'il faut rendre public, quelles sont les limites. J'utilise davantage Twitter, où j'ai choisi d'ouvrir un compte non anonyme et où j'ai appris à prendre de la distance, car, en rejoignant Google, j'ai bénéficié d'une expérience de première main concernant la haine en ligne à laquelle je n'étais pas du tout préparé et j'ai réalisé à quel point cela pouvait être dérangeant.

De cette expérience sur les réseaux sociaux, comme d'ailleurs de mon passage à la Banque mondiale, j'ai retenu que l'investissement le plus rentable à long terme est toujours l'éducation. Le problème est le temps : il faut attendre le renouvellement des générations, car nous ne savons pas réinvestir suffisamment dans l'éducation des adultes. Mais nous ne résoudrons pas les troubles informationnels et l'ensemble des problèmes résultant de la transformation numérique sans un effort relayé par le système éducatif. En la matière, il reste à inventer des démarches d'inclusion numérique : celle-ci ne désigne pas seulement l'accès aux réseaux ni le savoir-faire, mais bien la compréhension du fonctionnement du système.

Ainsi, en matière de transparence, Facebook possède des fonctionnalités intéressantes, dont celle qui permet à l'utilisateur, d'un clic droit, de savoir pourquoi l'application lui a présenté un contenu, en lien avec ses précédentes manifestations d'intérêt, ce qui est l'occasion d'apprendre tout ce qu'elle sait sur lui.

Il faut encourager la curiosité en la matière, le désir de comprendre comment fonctionnent nos sociétés dans ce monde numérique. C'est la clé, mais on n'en a pas encore pris suffisamment la mesure. Je l'ai dit en commençant, nous sommes nombreux ici à avoir grandi dans un monde où l'accès à l'information n'était pas possible sans une médiation : pas de savoir sans enseignement, pas d'accès à la culture sans livre dont le contenu avait été contrôlé par un éditeur. C'est terminé : internet permet à toute personne d'accéder à n'importe quel savoir, ce qui modifie fortement les dynamiques propres à nos sociétés et transformera celles-ci aussi profondément que la révolution industrielle. De grands équilibres seront revus en conséquence. De fait, en modifiant les lois de 1881 ou de 1986, nous créons actuellement un nouveau corpus juridique adapté aux nouveaux acteurs, et l'exercice va se poursuivre un certain temps – le temps que tous aient pris la pleine mesure du changement et appris à comprendre les nouveaux mécanismes et les nouvelles dynamiques de l'échange d'informations.

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Merci, monsieur Loutrel. Je vais maintenant suspendre la séance pour vous reconduire. Nous procéderons ensuite au vote sur votre nomination.

La commission procède au vote à bulletins secrets sur cette désignation en application de l'article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

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Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin :

– nombre de votants : 33

– nombre de suffrages exprimés : 33

– pour : 31

– contre : 2

La commission donne en conséquence un avis favorable à la désignation de M. Benoît Loutrel aux fonctions de membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.