Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du jeudi 15 avril 2021 à 18h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Jeudi 15 avril 2021

La séance est ouverte à dix-huit heures.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à la table ronde sur la gestion de l'eau à Mayotte réunissant les représentants de l'État et les gestionnaires publics avec Mme Maxime Ahrweiller Adousso, sous-préfète à la relance auprès du préfet de Mayotte, M. Alby Schmitt, ancien coordinateur du Plan Eau-DOM, M. Olivier Kremer, directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Mayotte, M. Pierre Tremblé, responsable du service Santé - environnement de l'Agence régionale de santé de Mayotte, Mme Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte, et M. Madi Madi Souf, maire de Pamandzi, président de l'association des maires de Mayotte.

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Mesdames, messieurs, je vous remercie de nous déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Les personnes auditionnées prêtent serment.

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Maxime Ahrweiller Adousso, sous-préfète à la relance auprès du préfet de Mayotte

L'État considère le dossier de l'eau à Mayotte comme prioritaire. Le préfet y accorde une attention particulière. La chambre régionale des comptes a dressé les constats qui s'imposaient.

L'État souhaite établir avec le Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte (SIEAM) et sa nouvelle équipe une relation de confiance, qu'entérinera la signature du pacte sur l'eau, le 28 avril, par le préfet, le SIEAM et le conseil départemental, en présence du ministre des Outre-mer et de la secrétaire d'État à la biodiversité.

Une crise de l'eau à Mayotte a éclaté en 2020, trois ans à peine après la précédente. Leur rapide succession atteste l'insuffisance de la ressource en eau à Mayotte, d'où l'urgente nécessité d'une relance des investissements.

Grâce au plan de relance, Mayotte bénéficiera d'une enveloppe deux fois supérieure à celle initialement prévue pour ses dépenses en eau.

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Olivier Kremer, directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Mayotte

Les difficultés de Mayotte viennent de ce que la ressource en eau mobilisable n'évolue pas aussi rapidement que les besoins, lesquels augmentent d'année en année, au rythme de la croissance de la population et du développement économique.

De nombreuses interventions de l'État ont porté sur le financement et l'accompagnement du SIEAM, en plus des mesures d'urgences prises pour remédier à la crise de l'eau, ces deux dernières années.

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Alby Schmitt, ancien coordinateur du Plan Eau-DOM

Mon expérience de la situation à Mayotte date d'une mission lors de la première sécheresse, en 2017. J'ai ensuite coordonné le plan Eau-DOM jusqu'en juin dernier.

Mayotte souffre d'une pénurie d'eau récurrente, même les années sans sécheresse. La superficie de l'île, de 380 kilomètres carrés, correspond à quatre fois celle de Paris intramuros et y vivent 300 000 habitants. La ressource en eau y est inférieure au seuil de pénurie fixé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à 500 mètres cubes annuels par habitant. À titre de comparaison, la métropole dispose de 3 000 mètres cubes annuels par habitant et la Réunion, de 5 000 à 6 000 mètres cubes.

La ressource en eau est déjà largement mobilisée à travers les eaux de surface et les eaux souterraines, qui couvrent environ 92 % des besoins. De nouveaux prélèvements en rivière, forages ou barrages permettraient de l'accroître encore un peu. La contrainte de la ressource en eau propre oblige toutefois à travailler à la marge, ce qui préfigure des difficultés supplémentaires.

Voilà pourquoi je préconise le dessalement de l'eau de mer, qui revient à environ un dollar le mètre cube en recourant à des dispositifs classiques, mais à moitié moins en privilégiant des technologies plus performantes.

J'insisterai en outre sur le mur d'investissements qui se dresse devant les collectivités de Mayotte, de petite taille, aux moyens financiers et humains limités. La mise en conformité de l'assainissement implique une dépense de 100 millions d'euros par an, soit le budget d'investissement d'une agglomération de 200 000 habitants en métropole. Mayotte requiert un soutien technique et financier pour réaliser ces investissements considérables.

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Pierre Tremblé, responsable du service santé – environnement de l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte

L'ARS a pour principales missions de protéger les captages d'eau potable et de garantir la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, par le biais de contrôles sanitaires. L'ARS effectue ainsi plus de 600 prélèvements par an, analysant plus de 28 000 paramètres de qualité d'eau.

Nous assurons aussi, dans la mesure du possible, l'accès à l'eau potable de la population, sachant que 29 % des foyers mahorais ne disposent pas d'eau potable courante à domicile, et ce afin de réduire la prévalence des maladies hydriques. Le taux d'incidence de la leptospirose est à Mayotte 70 fois supérieur à celui de la métropole, celui des hépatites A, 30 fois supérieur et celui de la fièvre typhoïde, 13 fois plus important.

Notre mission de gestion des alertes et d'appui à la gestion de crise en lien avec les services de l'État devient de plus en plus prégnante depuis quelque temps.

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

La nouvelle équipe du SIEAM a été confrontée, dès son entrée en fonction le 31 juillet 2020, à plusieurs dossiers urgents, dont celui de la crise de l'eau, qu'il a fallu traiter avec le concours, entre autres, de la préfecture et de l'ARS, afin de limiter son impact sur la population.

Nous avons en outre découvert avec stupéfaction l'ampleur du déficit laissé par nos prédécesseurs, annoncé à 21 millions d'euros mais qui dépasse en réalité les 35 millions d'euros. Mener à bien les projets pour lesquels nous avions été élus au SIEAM ne s'annonçait pas évident dans ces conditions.

L'État nous a heureusement prêté son concours. Rappelons que le SIEAM ne dispose pas, aujourd'hui, de capacité d'investissement propre. Plusieurs mois de discussions vont aboutir à la signature du pacte de l'eau déjà évoqué.

Beaucoup d'investissements dans des infrastructures à même de garantir la disponibilité de la ressource en eau restaient à réaliser. Le SIEAM doit à présent rattraper le temps perdu tout en anticipant des besoins destinés à s'accroître en même temps que la population.

En somme, la nouvelle équipe du SIEAM doit à la fois traiter l'urgence et mener des politiques de long terme.

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Madi Souf, président de l'association des maires de Mayotte, maire de Pamandzi

La surpopulation de Mayotte s'explique par une forte croissance démographique, de l'ordre de 9 000 naissances par an, couplée à une forte immigration clandestine, qui fausse les prévisions de consommation. La production d'eau, de 37 000 mètres cubes par jour, ne permet pas de satisfaire les besoins évalués entre 39 000 et 40 000 mètres cubes par jour.

La population actuelle, très jeune puisqu'un habitant sur deux a moins de 17 ans, consomme plus d'eau, de par son mode de vie, que les générations précédentes.

Une usine de dessalement devait produire 5 300 mètres cubes d'eau par jour, or elle ne fonctionne encore qu'au tiers de ses capacités.

Au problème historique du défaut d'investissements publics dans le domaine de l'eau s'ajoute un manque de retenues collinaires et d'usines de dessalement. La signature du plan eau est intervenue tardivement. Le SIEAM est déficitaire, le réseau, vétuste et les coupures d'eau, fréquentes. Il ne pleut à Mayotte que trois mois par an, de janvier à mars.

Sans une troisième retenue collinaire, sans l'achèvement de l'usine de dessalement, Mayotte ne tiendra pas à ce rythme.

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30 % des Mahorais n'ont pas accès à l'eau potable, pourtant l'eau de mer ne manque pas. Madame la sous-préfète, monsieur le directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement, quand pensez-vous fournir de l'eau à l'ensemble des Mahorais ?

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Maxime Ahrweiller Adousso, sous-préfète à la relance auprès du préfet de Mayotte

La piste de l'eau de mer est à l'étude. M. le maire a souligné les problèmes de l'usine de dessalement de Petite-Terre. Sans doute conviendrait-il de procéder à des adaptations. L'État finance avec l'Office français pour la biodiversité (OFB) une étude de faisabilité, en cours, en vue d'identifier des sites où implanter d'autres usines de dessalement.

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Olivier Kremer, directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Mayotte

Nous travaillons étroitement avec le SIEAM à la recherche de sources d'approvisionnement complémentaires, et nous étudions d'autres techniques de dessalement. Un travail reste à mener sur la finalisation de l'usine de Petite-Terre et l'optimisation de sa production.

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Envisagez-vous d'autres hypothèses pour remédier à la pénurie d'eau ? Vous êtes-vous fixé un calendrier pour étendre l'accès de l'eau aux Mahorais qui n'en disposent pas encore chez eux ?

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Maxime Ahrweiller Adousso, sous-préfète à la relance auprès du préfet de Mayotte

Des fonds européens vont financer une troisième retenue collinaire, dans le cadre d'un plan qui court jusqu'en 2027. Les usines de dessalement prennent moins de temps à construire. Nous songeons aussi à des captages en rivière ainsi qu'à des forages, même si cette dernière solution n'apparaît pas la plus productive. Un projet, mené en urgence, d'unité de traitement mobile, devrait aboutir d'ici à la fin de l'année, de même que de nouveaux forages.

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Olivier Kremer, directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Mayotte

Le SIEAM a travaillé au lancement, dès 2024, d'opérations d'extension et de réfection du réseau. Des travaux restent à terminer sur certains forages. Un travail collectif sur les unités de comptabilisation devrait aboutir dès cette année. Le plan de relance a mis à notre disposition des investissements qui financeront des forages supplémentaires ainsi que la réhabilitation de forages existants de manière à augmenter leur production. Une deuxième retenue collinaire opérationnelle depuis l'an dernier a augmenté les capacités de stockage.

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Vous n'avez pas indiqué d'échéancier pour fournir de l'eau potable aux Mahorais qui n'en disposent pas encore.

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Olivier Kremer, directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Mayotte

Nous pourrions vous fournir un tableau détaillé. Certaines opérations aboutiront fin 2021, d'autres en 2022, 2023, 2024. Les unités de dessalement dont j'ai parlé fourniraient 6 000 à 10 000 mètres cubes d'eau journaliers supplémentaires en 2024.

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Quel pourcentage de la population mahoraise disposerait d'eau potable en 2024 ?

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Olivier Kremer, directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Mayotte

La réponse dépend de l'évolution de la population et des raccordements au réseau. Je ne suis pas en mesure de vous fournir un chiffre précis.

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Monsieur Schmitt, qu'est-ce qui, selon vous, s'oppose aujourd'hui au recours au dessalement ? Les coûts que vous évoquez ne me semblent pourtant pas exorbitants.

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Alby Schmitt, ancien coordinateur du Plan Eau-DOM

L'île ne dispose que d'une ressource en eau naturelle limitée, qui plus est de qualité dégradée pour ce qui est des eaux de surface, y compris dans les retenues où des cyanobactéries la rendent parfois impropre à la consommation. La dégradation des milieux naturels par l'érosion amène de nombreuses rivières à se transformer en oueds. L'assèchement de leur lit affaiblit leur débit.

Un premier frein au dessalement relève d'un fantasme lié à son coût, que l'on croit souvent exorbitant, d'un point de vue financier comme énergétique. Un besoin d'électricité supplémentaire entraînerait des difficultés d'approvisionnement, le réseau de Mayotte n'étant pas interconnecté.

En réalité, des techniques existent aujourd'hui de production d'eau dessalée, c'est-à-dire traitée, mais potable. S'ajoute à son coût de production celui de son transport et de sa distribution jusqu'à l'usager, ce qui explique les chiffres que j'ai cités tout à l'heure, plus élevés que le prix de revient de l'eau de barrage, par exemple. Il faut convaincre chacun que le recours à l'eau de mer constitue une solution durable.

Des difficultés techniques sont apparues à l'usine de Petite-Terre, comme il arrive souvent aux unités pilotes dans n'importe quelle industrie. Une phase d'apprentissage me semble nécessaire pour apprivoiser la technologie. Espérons que les unités de dessalement de Grande-Terre se mettent en place plus rapidement et efficacement. Il ne faut en principe que douze à dix-huit mois au plus pour mettre sur pied des unités ne produisant que quelques milliers de mètres cubes journaliers.

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Monsieur Tremblé, comment qualifieriez-vous l'état de salubrité des captages d'eau potable dont l'ARS doit s'assurer ?

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Pierre Tremblé, responsable du service santé – environnement de l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte

Un important travail de protection de la ressource en eau, et en particulier des captages, a été réalisé depuis 2016, à travers la rédaction d'arrêtés de protection de 37 des 43 captages. Toutefois, des formalités administratives liées à leur publicité retardent aujourd'hui encore leur application. La durée de validité de ces arrêtés de déclaration d'utilité publique arrive à échéance cette année. La dégradation des conditions de salubrité aux abords des captages nous inquiète, au même titre que la lourdeur de la procédure d'enquête publique préalable à la rédaction de ces arrêtés bientôt caducs. Nous espérons que le syndicat usera de sa possibilité de prolonger de cinq ans leur validité.

L'enjeu réside dans le maintien de la bonne, voire de l'excellente qualité de l'eau (conforme à 98 %) distribuée à la population. Des travaux en amont des rivières sont prévus aux abords de certains captages. Des habitations illégales surgissent à proximité d'autres. Des déchets échouent dans quelques périmètres de protection. Nous nous en inquiétons. Le combat pour l'eau s'annonçant difficile à remporter sur le plan quantitatif, nous devons au moins garantir la qualité de la ressource.

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L'ARS est garante de la sécurité sanitaire à Mayotte. Quelles actions mène-t-elle pour réduire la prévalence des maladies comme la leptospirose, l'hépatite A et la fièvre typhoïde ?

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Pierre Tremblé, responsable du service santé – environnement de l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte

Avec le SIEAM, son délégataire et l'ensemble des communes de Mayotte, nous favorisons l'accès à l'eau de la population, par le développement d'un programme de bornes fontaines monétiques (BFM). Ces dispositifs fixes, au nombre de 70 aujourd'hui, permettent, moyennant une carte prépayée, d'accéder à une eau potable contrôlée, au tarif social ; 28 autres devraient être installées en 2021, en priorité dans les quartiers où ont été signalées des pathologies hydriques, sous réserve de la possibilité technique de les raccorder au réseau.

Ce programme phare assure l'accès à l'eau potable des usagers non raccordés au réseau, même s'il ne constitue qu'un pis-aller.

Nous menons enfin des actions de prévention des mauvais usages de l'eau, en appui avec un réseau d'associations. Nous véhiculons des messages sanitaires incitant la population à utiliser les bornes plutôt que de consommer de l'eau de pluie ou des rivières.

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Quel pourcentage de la population mahoraise non raccordée au réseau utilise ces bornes ?

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Pierre Tremblé, responsable du service santé – environnement de l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte

Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), en 2017, 16 % des 30 % de Mahorais ne disposant pas d'eau courante à domicile recouraient à ces bornes, soit 5 % de la population de l'île. Nous espérons une augmentation significative de ces chiffres en 2021.

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Envisagez-vous d'étendre l'accès aux bornes fontaines à toute la population mahoraise non raccordée au réseau d'eau ?

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Pierre Tremblé, responsable du service santé – environnement de l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte

La plupart de ceux qui ne disposent pas d'accès chez eux à l'eau potable vivent dans des quartiers eux-mêmes non raccordés au réseau, où il est techniquement impossible d'installer des bornes. Je ne peux pas vous garantir que nous couvrirons un jour l'ensemble du territoire, d'autant que dans certaines zones, comme dans le Sud de Mayotte, la quasi-totalité des habitations sont reliées au réseau. Nous ciblons les quartiers prioritaires, notamment dans le Nord et le Nord-Est de l'île.

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Que prévoyez-vous pour les habitants des quartiers où l'installation de bornes relève de l'impossibilité technique ?

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Pierre Tremblé, responsable du service santé – environnement de l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte

L'ARS ne peut promouvoir et favoriser l'accès qu'à une eau potable contrôlée. Malgré tout conscients des pratiques de certains habitants, nous conseillons, faute de mieux, de faire bouillir l'eau des rivières pendant cinq à dix minutes, le temps de la désinfecter. Nous espérons développer d'autres actions comme le transport d'eau potable, peut-être avec des associations ou des collectifs d'usagers.

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Madame Hariti, d'où vient le déficit de 35 millions d'euros du SIEAM ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

Il résulte de nombreuses factures impayées par nos prédécesseurs, d'où notre préoccupation quant au règlement des entreprises avec lesquelles nous travaillons, sans lesquelles nous ne pourrons mener à bien les projets que nous souhaitons durant notre mandat.

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Le représentant de l'ARS s'est dit inquiet de l'arrivée à échéance prochaine des arrêtés de protection des captages, qu'il vous incombe de prolonger.

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

Le SIEAM réunit 34 délégués, soit 2 par commune. Nous souhaitons toutes les impliquer dans nos projets relatifs au bon usage de l'eau par la population. Nous travaillons à une plus grande fluidité et une meilleure réactivité en termes de communication et de gestion des problématiques. Nous souhaitons, avec l'association des maires, faciliter une telle approche en organisant des rencontres régulières avec les maires et en développant des partenariats avec le département.

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Souhaitez-vous promouvoir le dessalement en lien avec les services de l'État ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

L'insuffisance à Mayotte de la ressource, en eau de surface comme en eau souterraine, ajoutée à l'insularité du territoire, amène forcément à envisager un recours à l'eau de mer. Trois sites devraient être identifiés en Grande-Terre pour y implanter des unités de dessalement. Il faut du temps pour mener à bien de tels projets, or nous venons de prendre nos fonctions. Nous souhaitons avant tout éviter la survenue d'une nouvelle crise de l'eau, ou du moins minimiser son impact.

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La compétence de distribution de l'eau potable revient au SIEAM. Qui pilote les projets d'unité de dessalement ? L'État ? Votre syndicat ? Vous en occupez-vous ensemble ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

L'essentiel de notre financement vient de l'État, ou de l'Europe pour les gros ouvrages. La mise en œuvre de la plupart de nos projets dépend donc du concours de l'État.

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L'État vous semble-t-il résolu à lancer rapidement ces projets ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

L'État nous a aidés, via l'Office français de la biodiversité (OFB), à débloquer rapidement certains fonds. Grâce au plan de relance, nous donnerons le coup d'envoi à certains projets, dont ceux liés à la recherche de fuites, essentielle pour économiser la ressource.

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Vous avez établi une délégation de service public (DSP) avec une filiale de Vinci, la société mahoraise des eaux (SMAE). Vous apporte-t-elle satisfaction ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

Cette délégation conclue en 2008, qui portait sur une durée initiale de quinze ans, a été renouvelée l'an dernier pour quatre ans. Son échéance est ainsi passée de 2022 à 2026, année de fin de notre mandat. Il ne nous reste plus qu'à honorer le contrat.

Des tensions se font toutefois jour au fur et à mesure de l'exercice de notre mandat. Certaines habitudes héritées du passé s'avèrent préjudiciables au fonctionnement du réseau. Notre président et son équipe cherchent à nouer une relation plus saine, équilibrée et transparente avec le délégataire. Nous lui demandons des comptes afin d'en rendre à notre tour à la population, qui s'interroge notamment sur la récurrence des coupures d'eau malgré la levée des tours d'eau à la mi-janvier.

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La loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes prévoit qu'en cas de coupure d'eau, le responsable du service propose des solutions de remplacement pour acheminer de l'eau potable aux usagers. Comment l'appliquez-vous ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

Les équipes se mettent à pied d'œuvre afin de rétablir la distribution d'eau au plus vite. Certains secteurs ont toutefois été récemment privés d'eau, plusieurs jours durant. Il a fallu dépêcher sur place des citernes d'eau potable, mises à disposition par le délégataire, pour pourvoir aux besoins essentiels immédiats de la population.

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Le vice-président de l'association Les Assoiffés de Mayotte, M. Chanfi, a déclaré que la filiale de Vinci « s'en met plein les poches », évoquant de possibles collusions avec les élus.

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

Je ne m'engagerai pas dans cette voie, faute de disposer d'informations suffisantes. Néanmoins, de nombreux bruits nous sont parvenus en ce sens. Beaucoup souhaitent remettre en question cette DSP. Nous cherchons quant à nous en priorité à répondre aux besoins de la population de manière à lui donner satisfaction, tant en ce qui concerne la distribution de l'eau que sa facturation.

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M. Chanfi estime que le contrat de fermage conclu avec Vinci s'apparente plus, en pratique, à un contrat de concession. Pourriez-vous nous en dire plus sur la répartition des responsabilités ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

Début 2020, l'équipe que nous remplaçons a signé un septième avenant au contrat. Souvent pointé du doigt depuis, cet avenant prouve que certains aspects du contrat mériteraient d'être reconsidérés afin de parvenir à une situation d'équilibre plus favorable aux Mahorais.

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Monsieur le président, monsieur le maire, vous préconisez d'accélérer les projets de retenue collinaire et de dessalement d'eau de mer. Pourriez-vous développer ?

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Madi Souf, président de l'association des maires de Mayotte, maire de Pamandzi

Un plus grand nombre d'unités de dessalement permettrait de disposer de plus d'eau. Des unités mobiles pallieraient aux pénuries d'août à décembre. Trois à six mois devraient suffire à leur installation.

L'entreprise Vinci est essentiellement présente dans le secteur du bâtiment. Il me paraîtrait préférable de confier la gestion de l'eau à des sociétés spécialisées.

Aurions-nous les moyens financiers de résilier le contrat de DSP ? Je ne sais pas. En tout cas, le problème de l'usine de dessalement de Petite-Terre, qui ne fonctionne qu'au tiers de sa capacité, atteste les défaillances de Vinci par rapport à ses missions.

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Je m'interroge sur le financement de l'usine de dessalement de Petite-Terre, sous la délégation de la SMAE. Madame la sous-préfète, des informations sur l'origine de ses dysfonctionnements ont-elles été transmises à l'État qui l'a cofinancée ?

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Maxime Ahrweiller Adousso, sous-préfète à la relance auprès du préfet de Mayotte

Ce projet a surtout bénéficié du soutien du Fonds européen de développement régional (FEDER). Une expertise indépendante en cours doit déterminer l'origine de ses dysfonctionnements, en vue d'y remédier. De premières pistes pointent la nécessité de nouveaux investissements en vue d'augmenter sa capacité de production.

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Monsieur Schmitt, le plan Eau-DOM devait notamment se pencher sur la qualité des réseaux afin d'en améliorer le rendement par la recherche de fuites. Cet objectif ne semble pas atteint, à en juger par les propos de Mme la vice-présidente. Comment l'expliquez-vous ? Le problème des branchements et raccordements sauvages a-t-il été traité ?

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Alby Schmitt, ancien coordinateur du Plan Eau-DOM

Rappelons les objectifs du plan Eau-DOM : améliorer les capacités des maîtres d'ouvrage, en l'occurrence du SIEAM ; autrement dit, étendre ses compétences en vue d'une meilleure gestion des investissements à venir et du réseau lui-même, dont l'entretien inclut la réparation des fuites. Le SIEAM doit réussir à gérer ses projets, connaître ses besoins, trouver les appuis, conseils et maîtres d'œuvre qu'il lui faut, et enfin contrôler ses prestataires et ses délégataires, ce qui suppose l'identification des fuites et l'amélioration de la facturation.

Le plan Eau-DOM insiste aussi sur la définition des investissements à long terme, auxquels il convient d'attribuer un ordre de priorité. Telle est la fonction des schémas directeurs, dont nous préconisons l'adoption, et qui portent également sur la recherche des fuites. La plupart des réseaux de distribution d'eau les négligent, surtout en outre-mer. Or un bon capitaine doit se fixer un cap.

Les schémas directeurs à Mayotte n'envisageaient malheureusement que des années moyennes, or il arrive que les pluies ne viennent pas, comme en 2017 et en 2020. Il faut tenir compte de situations extrêmes afin de réaliser des investissements en conséquence, pour que le réseau demeure fonctionnel y compris en période de sécheresse.

Les fuites dans une île ne disposant que d'une ressource en eau limitée font figure de fléau à bannir. À l'époque de ma mission à Mayotte, le département pouvait se targuer du meilleur rendement en outre-mer.

Les moyens de lutter contre les branchements sauvages s'avèrent limités. Seuls les responsables locaux peuvent les contrôler. Il incombe au délégataire de s'assurer qu'ils ne se multiplient pas.

Le réseau d'eau potable de Mayotte est d'une qualité dans l'ensemble supérieure aux autres réseaux ultra-marins. Comme l'a dit l'ARS, il délivre une eau d'une qualité bien meilleure qu'ailleurs en outre-mer.

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Mayotte n'a pas souhaité expérimenter le chèque eau. Le SIEAM et la SMAE ont toutefois décidé d'un commun accord, début 2020, d'apporter une aide financière à la consommation d'eau, d'un montant de 50 euros maximum. Les centres communaux d'action sociale (CCAS) ont été chargés de définir les conditions d'attribution et de cibler les ménages bénéficiaires. Environ 2 000 foyers dans les 17 communes de l'île sont concernés, sur les 270 000 habitants, dont 38 000 abonnés au réseau d'eau.

Quand on connaît les chiffres de la pauvreté à Mayotte, on ne peut que s'interroger sur les critères d'attribution. Pourriez-vous nous fournir plus d'éléments à ce sujet, madame la vice-présidente ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

Nous travaillons sur ce dossier en ce moment même. Le délégataire s'est réuni hier avec le président de l'Union départementale des CCAS dans le cadre des relations que nous souhaitons développer avec les associations des familles, en charge de personnes vulnérables ou en précarité sociale. De telles réunions se succèdent depuis décembre dernier à un rythme trimestriel.

La péremption de certains de ces chèques d'aide nous a été rapportée, faute que leurs bénéficiaires fassent la démarche de les porter au délégataire. Une réunion avec les présidents de nos associations partenaires la semaine prochaine se penchera sur la possibilité de procurer ces chèques à leurs membres, dans l'espoir d'aboutir à des résultats plus concluants qu'en recourant au seul intermédiaire des CCAS.

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L'eau coûte apparemment plus cher encore en Martinique, en Guadeloupe ou à la Réunion qu'à Mayotte. Comment expliquer la relative maîtrise du coût de l'eau sur notre île ? Doit-on en conclure à la sous-évaluation de la redevance en eau ? Qu'est-ce qui compense son faible son coût ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

Le tarif de l'eau est fixé par des délibérations. La dernière date de juin 2020, la précédente, de juin 2010, me semble-t-il. La redevance perçue par le SIEAM a été minimisée pour éviter qu'elle se répercute sur les abonnés. Les tranches tarifaires ont toutefois légèrement augmenté depuis 2020.

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Au vu des enjeux sanitaires liés à l'utilisation des bornes fontaines, estimez-vous pertinent que la police aux frontières (PAF) continue d'opérer des contrôles à leurs abords, comme d'aucuns l'ont affirmé lors d'une précédente audition ?

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Maxime Ahrweiller Adousso, sous-préfète à la relance auprès du préfet de Mayotte

Ces propos me surprennent. Ni l'État ni le préfet ne mènent une politique de contrôle aux abords des bornes. Il arrive à la PAF de patrouiller aux alentours lors d'opérations dans certains quartiers sans que cela relève d'une volonté délibérée. De même, la police ne mène pas de contrôles aux abords des hôpitaux. La préfecture n'entend pas conduire ainsi la lutte contre l'immigration clandestine.

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Madame la vice-présidente, j'ai eu vent de factures excessives de plusieurs milliers d'euros, ne correspondant pas à l'affichage des compteurs. En avez-vous discuté avec le délégataire ? Quelles mesures envisagez-vous pour y remédier ?

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Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l'exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte

Des usagers ont commencé, l'an dernier, à nous solliciter à propos de factures d'eau anormalement élevées. Nous nous sommes interrogés sur la cause de ce phénomène et sur une éventuelle augmentation subite du prix de l'eau, que certains dénonçaient, en réalité à tort. De nombreuses personnes continuaient en effet à recevoir des factures conformes aux précédentes.

En fait, certains usagers avaient laissé des impayés s'accumuler durant des années. Dans d'autres cas, nous avons identifié le moment d'apparition de l'anomalie afin d'en discuter avec le délégataire, en profitant de l'arrivée à la SMAE d'une nouvelle directrice, apparemment résolue à régler ces problèmes. Nous avons également invité, par voie de presse, les abonnés ayant reçu des factures inhabituelles à se manifester auprès du SIEAM ou de la SMAE. Nous étudions les règlements au cas par cas.

Beaucoup d'augmentations subites s'expliquent par des fuites. Nous cherchons à rétablir l'équilibre des comptes, en sollicitant un écrêtement, ou un règlement par échéances. Sur les 8 factures étudiées la semaine dernière, une ou deux révélait des anomalies dues à la SMAE, qui va les corriger.

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Monsieur Schmitt, les usines de dessalement de Petite-Terre pompent l'eau directement dans l'océan. La situation géographique de Grande-Terre oppose-t-elle à l'implantation d'unités de ce type une difficulté technique, due au lagon qui la borde et que ces unités menaceraient sur le plan écologique ?

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Alby Schmitt, ancien coordinateur du Plan Eau-DOM

Je ne suis pas certain qu'il soit plus simple d'installer une usine de dessalement sur une île comme Petite-Terre, cernée par un océan parfois survolé de cyclones.

Nous préconisons à Mayotte des technologies à faible rendement d'eau douce par rapport à la quantité d'eau de mer prélevée, opérant à des pressions inférieures à celles d'un système classique. Elles permettent de rejeter une eau saumâtre moins concentrée, évitant ainsi la désertification des lagons observée dans d'autres pays. De tels dispositifs alternatifs innovants présentent en outre l'avantage d'un raccord possible à des systèmes de production d'énergies renouvelables.

J'ai conscience de la vulnérabilité des lagons. J'en avais d'ailleurs discuté avec la directrice du parc naturel marin de Mayotte. L'expérience prouve qu'aucune difficulté d'ordre écologique ne s'oppose à l'implantation d'unités de dessalement à Mayotte.

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Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre à nos questions et je vous invite à compléter par écrit les réponses aux questions.

La réunion s'achève à dix-neuf heures quinze.