COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences
Mercredi 12 mai 2021
La séance est ouverte à quatorze heures quarante
(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)
Mes chers collègues, nous entendons à présent les dirigeants du Syndicat des eaux d'Île-de-France (SEDIF), qui distribue l'eau potable pour 4,6 millions d'usagers en Ile-de-France.
Nous recevons donc :
– M. André Santini, maire d'Issy-les-Moulineaux, président du SEDIF ;
– M. Raymond Loiseleur, directeur général des services ;
– M. Christian Colin, directeur général adjoint en charge du programme 2023 ;
– Mme Véronique Heim, directrice des études et de la prospective.
Madame, messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.
Je vous donnerai la parole pour une intervention liminaire d'une dizaine de minutes, qui précédera notre échange sous forme de questions et réponses. Vous pourrez compléter vos déclarations par écrit.
Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
Je vous invite donc, madame, messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
M. Santini, M. Loiseleur, M. Colin et Mme Heim prêtent successivement serment.
Le SEDIF existe depuis 1923 et dessert plus de 4 millions d'usagers, en mutualisant installations, coûts et tarifs. C'est un syndicat mixte fermé, ainsi qu'un établissement public d'aménagement (EPA) gérant un service public industriel et commercial (SPIC). Cette question rejoint celles posées par la Cour des comptes, qui a dédié un chapitre de son rapport public annuel de 2018 à l'alimentation en eau potable de la métropole du Grand Paris.
À ce jour, le SEDIF reste attachée à sa réponse annexée à ce rapport et considère que la gestion de l'eau doit s'organiser à une échelle dépassant le périmètre géographique de la métropole du Grand Paris, afin de doter l'aire métropolitaine au sens large d'un service de l'eau organisé à sa mesure comme de nombreuses métropoles dans le monde. Cet objectif peut être atteint en commençant par des collaborations entre les grands services existants, respectueuses des choix de chacun. Les établissements publics territoriaux (EPT) en position de repli sur eux-mêmes sont à contresens de l'histoire.
Quelques extraits de cette réponse : les EPT ne sont pas le niveau pertinent pour l'attribution de la compétence « eau potable ». La consolidation du service public de l'eau potable du Grand Paris doit en effet être intensifiée. Le but est de construire un service à la hauteur des enjeux, ainsi que de structurer la solidarité entre Paris, la petite et la grande couronne.
Dans cette perspective, confier la compétence « eau potable » à la métropole du Grand Paris représente la meilleure option possible, tout en veillant à ne pas rompre les mutualisations déjà existantes avec la grande couronne. Depuis 2008, le SEDIF promeut, de manière constante, la nécessité d'une approche plus concertée et coordonnée pour la gestion des services d'eau potable de la région capitale, devant aboutir à des mutualisations industrielles intelligentes, dans le respect des choix de chacun, au bénéfice des usagers.
L'intérêt de la mutualisation de la production serait d'organiser l'accès à la ressource en tenant compte des impacts et évolutions anticipés liés au changement climatique. Elle permettrait également de renforcer la sécurité du service de l'eau, de faciliter la gestion des crises, d'optimiser les coûts d'exploitation, de rationaliser le parc actuel d'installations et surtout les investissements futurs, au moment où les filières de traitement vont devoir être adaptées et nécessiter de coûteux investissements hors aggravation des normes, ainsi que de coordonner les objectifs en matière de qualité de l'eau.
Actuellement, l'attribution de la compétence au niveau des EPT se traduit par des risques avérés de déconstruction, faisant abstraction des réalités techniques et économiques. À l'heure où plus aucune collectivité n'a les moyens de travailler seule, certaines envisagent pourtant de détruire de la valeur en quittant des structures collectives efficaces pour revenir à une posture de « village gaulois ». Ce faisant, elles refusent ainsi de prendre en considération les lourdes dépenses inutiles que la seule séparation des réseaux d'eau potable entraînerait, conséquences pourtant démontrées par les EPT eux-mêmes et la chambre régionale des comptes d'Île-de-France dans son enquête.
La Cour des comptes préconise d'affecter la compétence « eau potable » à la métropole du Grand Paris. Il convient toutefois de veiller à ne pas détruire les solidarités plus larges déjà existantes, à laquelle le Syndicat mixte pour la gestion des eaux de Versailles et de Saint-Cloud (SEVESC) comme le SEDIF comme participent depuis longtemps. Ce dernier syndicat propose en effet une gestion et un prix unique à toutes les communes de la petite et de la grande couronne. Or compte tenu de l'organisation institutionnelle de l'Île-de-France et sur la base du périmètre de la MGP, le périmètre pertinent pour cette mutualisation dépasse celui de la seule métropole, correspondant à une zone élargie comptant environ 9 millions d'habitants. Si le SEDIF partage l'objectif de la Cour des comptes de maîtrise publique de la production d'eau, notamment pour en contrôler le prix, il estime que la mutualisation de la production doit être renforcée à une échelle plus large, incluant la grande couronne. Il paraît souhaitable que les usagers de cette dernière continuent à en bénéficier, sans se retrouver de l'autre côté d'une frontière uniquement administrative.
Plusieurs élus des villes concernées ont évoqué des difficultés à sortir du SEDIF. Monsieur Oliva a par exemple affirmé qu'avant chaque décision importante du conseil de territoire concernant l'eau, les élus avaient reçu une lettre de la part de monsieur Santini les menaçant de hausses exorbitantes des tarifs de l'eau, de blocage des travaux de dévoiement pour les jeux Olympiques, ou encore d'interruption unilatérale de la convention provisoire signée avec le SEDIF. Un gel de tous les travaux de gros entretien et de renouvellement des canalisations a même eu lieu dans le territoire d'Est Ensemble en 2020. Qu'avez-vous à dire à ce sujet ?
Le SEDIF a appliqué le droit et notamment la loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Une convention de gestion provisoire avait en effet été négociée avec des EPT ayant repris la compétence « eau potable » : Plaine Commune, Est Ensemble, ainsi que certaines commues de Grand-Orly Seine Bièvre, avec un certain nombre de règles que nous pourrons mettre à votre disposition. Les modalités de desserte avaient ainsi été définies pour la période courant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.
Nous avons tenu plusieurs réunions avec l'EPT Est Ensemble et lui avons adressé un certain nombre de documents. J'en citerai quelques-uns : nous avons par exemple envoyé les fichiers des branchements, ainsi que ceux liés aux vannes et équipements en réseau de fonctionnement. Le dictionnaire des données a également été fourni. De plus, nous avons répondu à la lettre du préfet de région, qui nous avait demandé de collaborer davantage avec Est Ensemble. Nous avons par ailleurs adressé le contrat de délégation de service public (DSP), les rapports d'activité, les tarifs contractuels, les investissements programmés sur le 15ème plan, les fichiers de répartition des prix de l'eau, la situation par commune des impayés, etc. Nous pourrons vous transmettre la liste complète dans documents fournis à l'EPT en question.
Je vous en remercie.
Confirmez-vous que les lettres évoquées par monsieur Oliva ont bien été envoyées aux élus d'Est Ensemble ?
En mars et en avril, nous avons transmis une série d'une trentaine de documents, afin que l'EPT puisse exercer sa mission en matière d'organisation de l'eau.
Vous ne répondez pas à ma question, qui était : des lettres de menace ont-elles été envoyées ? Que pensez-vous du constat des élus, qui affirment que la sortie du SEDIF demeure barrée par de très nombreux obstacles ?
Durant cette période couverte par la convention de gestion provisoire, des échanges de courriers ont eu lieu en vue d'organisation de la reprise de la compétence d'organisation de la distribution d'eau. Le SEDIF pourra transmettre à la commission les courriers en question, qui rappelaient les principes de droit en vigueur. Vous pourrez alors juger du ton employé.
Je vous remercie de nous les transmettre.
Ces lettres annonçaient-elles des hausses exorbitantes des tarifs de l'eau en cas de sortie du SEDIF ? Confirmez-vous le gel des travaux de gros entretien et de renouvellement des canalisations sur le territoire d'Est Ensemble ?
Je n'ai plus les courriers en tête, mais nous vous les adresserons.
Par ailleurs, il n'y a eu aucun gel des travaux réalisés par le délégataire Veolia Eau d'Île-de-France au niveau des conduites d'eau, qui accompagne les opérations de voirie. Les travaux de maîtrise d'ouvrage publique réalisés par les services du SEDIF ont en revanche été gelés durant l'année 2020, en appliquant les règles de la commande publique. Est Ensemble n'avait en effet pas respecté les accords prévus par la convention, en n'autorisant pas les communes de Bobigny et de Noisy-le-Sec à rejoindre le syndicat.
Pourquoi demandez-vous aux communes souhaitant sortir du SEDIF une déconnexion physique des réseaux, plutôt qu'une déconnexion immatérielle ?
L'eau potable est soumise à une réglementation sanitaire extrêmement stricte. Afin de contrôler la quantité et la qualité de l'eau délivrée, il apparaît ainsi nécessaire de mener des travaux de déconnexion physique des réseaux, pour éviter des retours d'eau et des pollutions. Le but est de pouvoir clairement établir les responsabilités en cas de pollution ou de non-conformité sanitaire.
Nous mettons en place cette séparation physique car nous nous soucions de la traçabilité de l'eau. L'enjeu est de pouvoir immédiatement détecter les pollutions ou difficultés chimiques. Nous délivrons en effet un bien alimentaire très réglementé et surveillé, dont la santé des personnes dépend.
Pourquoi souhaitez-vous mettre en place le procédé d'osmose inverse basse pression (OIBP) ? Combien coûtera ce procédé et quels seront les impacts sur la facture des usagers ? L'agence régionale de santé (ARS) affirme pourtant que l'eau d'Île-de-France affiche déjà une « qualité parfaite ».
Le SEDIF mène des enquêtes et études visant à qualifier la satisfaction de ses consommateurs. Deux principaux motifs d'insatisfaction et de préoccupation en ressortent : la teneur en calcaire et la teneur en chlore. Par ailleurs, de plus en plus d'études font état de la présence de micropolluants dans l'eau. Selon ces études, ils jouent un rôle de perturbateurs endocriniens, avec des effets potentiellement cancérigènes ou mutagènes. Il nous a donc semblé important de réfléchir à des solutions. À ce propos, la mise en place de filières « haute performance » est apparu comme la plus à même de répondre à ces préoccupations.
De nouveaux micropolluants avec des effets rémanents ou sanitaires apparaissent chaque année. Dans le cadre du principe de précaution, nous avons donc réfléchi à la façon de les éliminer, en lançant le projet « Vers une eau pure, sans calcaire et sans chlore » en 2015. Dans le cadre de l'impact environnemental, le cabinet Deloitte a montré que la décarbonatation collective générait des économies estimées à 100 euros nets par foyer et par an par rapport au traitement du calcaire et à une durée augmentée des équipements et conduites. Ce procédé augmente certes la consommation électrique des usines, mais il génère également des économies atteignant 11 mégawatts par an et par foyer sur les chaudières des particuliers. C'est dans ce cadre que nous équipons les usines de Choisy-le-Roi et Neuilly-sur-Marne qui alimentent plus de 3 millions d'habitants en eau, pour un investissement total de 800 millions d'euros. La réalisation de ce projet est prévue jusqu'en 2030.
Le montant total de cet investissement est l'ordre de 800 millions sur une période de dix ans. Selon la projection financière qui en découle, après la livraison des équipements, une augmentation des tarifs de 20 centimes par mètre cube est prévue, soit environ 25 euros par foyer. Ce chiffre est à comparer aux 100 euros nets économisés grâce à l'OIBP.
Comment prévenez-vous le risque d'altération de l'eau au cours de son transport dans les réseaux sans recours à la chloration ?
L'objectif de distribuer une eau sans chlore n'est pas nouveau, le SEDIF avait déjà testé ce dispositif en 1993, en préalable à la mise en service de la deuxième tranche de son unité de nano-filtration à Méry-sur-Oise. Le chlore générant des sous-produits, dont les trihalométhanes (THM), l'objectif pour distribuer une eau avec moins de chlore est de maîtriser la matière organique. Dans certains réseaux comme à Grenoble, de l'eau très pure est distribuée sans chlore sauf en cas de contamination, en réactif de crise. Aux Pays-Bas, des villes comme Rotterdam ou Amsterdam distribuent également de l'eau sans chlore depuis une vingtaine d'années. En contrepartie, une mesure rigoureuse de la qualité de l'eau est pratiquée. De son côté, le SEDIF a pour ambition de s'orienter vers une eau sans chlore, lorsqu'elle sera moins chargée en matière organique et donc après la mise en service des filières « haute performance ».
L'OIBP produit une eau non potable, à laquelle doivent être ajoutés des sels minéraux. Or ces mélanges posent la question des micropolluants et des perturbateurs endocriniens. Qu'avez-vous à répondre sur ce point ?
Avec le recours à la reminéralisation, les micropolluants seront toujours présents, mais en quantité largement plus faible qu'actuellement. Ce procédé permet également de traiter des molécules qui n'ont pas encore été déclarées néfastes mais pourraient le devenir. Par ailleurs, une nouvelle directive européenne 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine sera transposée dans les deux ans à venir dans le droit français. Celle-ci prévoit de supprimer certains perturbateurs endocriniens, comme le bisphénol. Nous suivons cela de près : des traitements spécifiques pourraient devoir à être mis en place dans les dix ans à venir. Sur ce point, le SEDIF et ses 135 communes membres ambitionne de se maintenir à la pointe de la technologie. Les prélèvements effectués dans les fleuves pollués nécessitent des traitements poussés. Il est enfin favorable à la prévention des pollutions à la source et souhaite intensifier ses actions en la matière.
L'Europe a dénombré 110 000 molécules correspondant à des micropolluants. L'ambition du SEDIF n'est pas de tous les supprimer, mais de limiter leur nombre au maximum, grâce à l'OIBP et à son avance technologique.
Confirmez-vous qu'aucune augmentation du prix de l'eau n'est prévue ? Certains acteurs ont pourtant évoqué une hausse de 80 centimes par mètre cube.
Les projections financières du SEDIF ne font pas état d'un tel montant. Comme je vous l'ai indiqué, le chiffre atteindra plutôt 25 centimes, à l'horizon de la livraison l'OIBP dans les années 2030-2035.
Avez-vous établi des projections concernant le prélèvement d'eau supplémentaire impliqué par l'OIBP ?
Nous payons des redevances pour acquérir des droits de prélèvement. Il n'y aura donc aucun prélèvement supplémentaire. Des rejets supplémentaires sont toutefois prévus dans le milieu.
Qu'allez-vous faire de ce concentrat qui sera rejeté et augmentera la pollution du milieu ?
Nos droits de puisage sont importants. Nos usines ont des surcapacités et sont capables de se secourir les unes les autres. Notre capacité de production est le double de la production nominale, qui sera ainsi ajustée en fonction de la demande en eau.
S'agissant de l'unité d'Arvigny, de la pollution située dans les nappes d'eau souterraine sera rejetée vers la Seine. Toutes les études de sensibilité montrent que les rejets d'un tel projet sont totalement admissibles. D'autres études ont été menées au niveau de la Marne et de la Seine et les documents seront transmis et instruits par les services de l'État comme la direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports (DRIEAT).
À propos de l'OIBP, tous nos dossiers sont soumis à l'autorité environnementale. Le SEDIF respectera toutes les recommandations qui lui seront faites.
L'OIBP semble créer un marché captif pour Veolia, qui fournira la technologie et sera la seule à pouvoir l'entretenir. Hormis Veolia, qui bénéficiera de cet investissement ? Si l'OIBP est adopté, qu'en sera-t-il de la réversibilité du contrat de concession ?
Veolia n'est pas le seul candidat à potentiellement répondre à ce type de marché. Sous réserve d'obtenir les autorisations pour l'unité d'Arvigny, les travaux seront confiés au titulaire la société Stereau, qui appartient au groupe Saur, adossée à une société suédoise. D'autres sociétés étrangères sont également susceptibles de répondre, d'autant que l'OIBP est de plus en plus utilisée pour le dessalement à l'échelle mondiale.
Parmi les quatre scenarii d'évolution présentés par la Mission 2023, qui seront soumis au vote le 27 mai 2021, pourquoi la régie n'est-elle pas envisagée de manière sérieuse ?
La Mission 2023 a examiné l'ensemble des modes de gestion. Contrairement à ce qui a pu être affirmé, la régie n'a pas été écartée. Le SEDIF souhaite toutefois investir plus de 2,4 milliards d'euros. Or il est compliqué de faire le choix d'allouer l'ensemble de ces travaux à la seule régie, car le choix de la solution de la régie nécessiterait de passer pas moins de 300 marchés, ainsi que de réorganiser la logistique et de traiter des questions de ressources humaines. Une voie médiane pourrait donc être utilisée. Celle-ci consisterait à commencer par confier la distribution à la régie, avant de potentiellement basculer vers un autre mode de gestion à l'issue des opérations d'investissement lourdes en matière d'investissement.
En 2023, à l'issue du contrat, cela fera 100 ans que Veolia est délégataire du SEDIF. Comment le partenariat privilégié est-il envisagé et comment le partenaire est-il choisi ?
S'agissant du choix du mode de gestion, un examen de l'ensemble des scenarii possibles a été effectué, comprenant un mode de gestion et une organisation du service, afin de déterminer celui qui répondrait le mieux aux enjeux du SEDIF. Ce mode de gestion comprend un service qui pourrait être global ou alloti. Dans le cadre de cette évaluation, les quatre scénarii ont été évalués, pour estimer les enjeux, les risques d'exploitation et les risques de transition entre opérateurs, de même que l'égalité économique du service public de l'eau, pour permettre aux opérateurs de candidats.
Si vous faisiez le choix d'une société d'économie mixte à opération unique (SEMOP), pouvant comporter jusqu'à 66 % d'actionnariat privé, comment pourrez-vous garantir que les intérêts publics primeront sur les intérêts privés ?
La SEMOP est un dispositif ayant été créé en 2014 et le territoire national en compte actuellement 8. Au-delà de la part de capital privé, elle implique de créer un pacte d'actionnaires. Le but est de préserver l'autorité publique et de faire peser un maximum de risque sur l'actionnaire privé, en sa qualité d'exploitant. Ce pacte permet également de passer des sous-contrats comportant un certain nombre de garanties, comme c'est le cas pour l'OIBP, permettant de garantir les intérets des différentes parties.
Par le suffrage, Madame. Peu de femmes sont désignées par leurs conseils respectifs pour siéger au SEDIF. Il y a eu plusieurs femmes qui y ont siégés mais elles n'ont pas duré longtemps. Il est vrai que le milieu de l'eau et du bâtiment demeure plutôt technique et masculin. Nous espérons cependant que les nouveaux élus des communes apporteront davantage de femmes, mais au sein de cette organisme, tout se fait par élection. C'est ainsi que seront décidées toutes les grandes orientations du SEDIF.
Que répondez-vous aux élus pointant un manque de démocratie au sein du SEDIF au cours de nos auditions ?
D'abord qu'ils donnent leur nom. J'ai retrouvé en ligne des propos d'un certain monsieur Tcheng, par exemple. Je pense qu'à part vendre des vérandas, je ne sais pas qui est ce monsieur car son titre n'est pas indiqué. Toutes les personnes siégeant au SEDIF sont élues ; aussi si d'aucun ne sont pas élus et voudraient l'être, ils n'ont qu'à faire leur propre campagne.
. Je n'adhère pas à ces propos méprisants envers M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la régie des eaux de Grenoble, dont vous pourrez retrouver le compte rendu de l'audition en ligne.
Dans un livre, le journaliste Yvan Stefanovitch a rapporté que vous avez affirmé que c'était la Générale des eaux qui a créé le SEDIF. Pouvez-vous expliquer cette affirmation et nous préciser les liens entretenus entre le SEDIF et Veolia ?
Je ne me rappelle pas avoir dit cela. De toute façon, l'époque dont il est question remonte à il y a 100 ans, époque à laquelle je n'existais pas. D'autres peuvent avoir un avis sur la question, mais ils sont souvent incompétents, vous l'aurez compris.
Monsieur Santini, vous êtes élu depuis presque 40 ans et cumulez plusieurs mandats. Comment parvenez-vous à honorer ces mandats, ainsi qu'à éviter les conflits d'intérêts ?
Madame, il y a une institution, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vérifie notre action. À notre demande, le président Migaud s'est présenté devant les élus pour leur expliquer les risques de conflit d'intérêts, faisant une démonstration. Il avait déjà été, en tant que Premier président de la Cour des comptes, chargé d'expliquer aux élus qu'ils étaient astreints à une objectivité et une honnêteté réelle. Notre personnel comprend également un président de chambre régionale des comptes, qui a succédé à M. Terrien, également président de chambre régionale des comptes. Si vous trouvez d'autres institutions qui se renforcent avec des éléments de cette haute qualité, je serais heureux de les connaître, madame la présidente.
Je ne vois pas à quoi vous faites allusion.
Nous n'avons pas changé de maquette.
Le SEDIF est astreint à l'instruction budgétaire M49, qui s'applique à l'ensemble des services publics de l'eau et nous oblige à disposer de deux sections budgetaire, l'une pour le fonctionnement, l'autre pour l'investissement. A l'occasion de son débat d'orientation budgétaire et du vote de son budget, le SEDIF est obligé de l'appliquer.
Peut-être faites-vous allusion à la nouvelle instruction comptable M57 sera généralisée à l'ensemble des collectivités territoriales et modifiera le mode de d'élaboration de leur budget.
Quel est le taux de renouvellement des réseaux du SEDIF ? Des personnes précédemment auditionnées nous ont affirmé que certaines communes affichaient un taux inférieur à 1 %. Contestez-vous ce chiffre ? Vos infrastructures sont-elles en bon état ?
Depuis 2016, le SEDIF a amélioré et entretenu près de 400 kilomètres linéaires de canalisations. Il investit ainsi près de 90 millions d'euros par an, car nous sommes propriétaires des usines et des canalisations. Il assure également 70 % de la maîtrise d'ouvrage de ses investissements, les 30 % restants étant pris en charge par l'opérateur. Le taux de renouvellement s'élève quant à lui à 1,2 % en moyenne au cours des 5 dernières années. Il a en revanche chuté en 2020, en raison de la crise sanitaire.
Notre programme d'investissement est disponible et publié sur notre site internet. Il est adossé à un plan d'investissement quinquennal, révisé à mi-parcours. Nous travaillons actuellement sur le prochain plan, qui sera cette fois décennal.
Le SEDIF regroupe 135 communes depuis plus d'un siècle, qui ont mis en commun leurs moyens de production et de distribution, dans une logique de territoire et de mutualisation. À l'échelle globale de notre territoire, le taux de renouvellement s'élève en moyenne à 1,2 %, même si certaines communes peuvent présenter des conduites plus anciennes que d'autres nécessitant un renouvellement plus important. Ce taux dépasse en tout cas largement la moyenne nationale.
Les travaux de développement des transports en commun actuellement à l'œuvre dans le cadre du Grand Paris peuvent conduire à devoir dévier certains réseaux. Certains travaux sont ainsi remboursés par la Société du Grand Paris (SGP), alors que d'autres restent à notre charge, notamment en cas d'aménagement de la voirie ou de création des tramways. Quoi qu'il en soit, nous privilégions toujours l'intérêt collectif par rapport à l'intérêt individuel.
La Cour des comptes a estimé que la présentation incomplète des éléments patrimoniaux rendait difficile l'évolution des amortissements, qui représentent pourtant 70 % des charges du SEDIF. Cet élément expliquerait pourquoi le SEDIF doit baisser ses tarifs tous les trois ans, pour ne pas laisser se creuser l'écart avec les opérateurs publics franciliens. Qu'avez-vous à répondre sur ce point ?
Dans son dernier rapport, la Chambre des comptes a indiqué que depuis 2011, le SEDIF a entrepris une fiabilisation de son patrimoine, grâce à sa politique d'amortissement. Nous investissons en effet près de 90 millions d'euros par an, générant un amortissement et des charges venant constater l'usure en vue du renouvellement et de l'entretien du patrimoine. Cet amortissement n'est pas un acte anormal de gestion en soi, car il va de pair avec le volume d'investissement opéré.
Les investissements et les amortissements constituent un point fort dans le budget du SEDIF. De plus, dans le cadre de l'expérimentation de la certification des comptes locaux, le haut de bilan des collectivités territoriales est examiné avec beaucoup d'attention, conduisant à un travail de fiabilisation des comptes locaux, nécessitant une connaissance parfaite des investissements et des dotations aux amortissements auxquels ils sont associés.
Comment le SEDIF a-t-il pu renégocier des avenants avec le délégataire afin de pouvoir faire baisser le prix de l'eau ? Le prix de l'eau était-il donc surfacturé ?
Le contrat actuel comprend une clause de revoyure périodique avec le délégataire en cours d'exécution. Le prix a donc pu être minoré à deux reprises. C'est mentionné dans le dernier rapport de la Cour des comptes. La baisse de 10 centimes du prix de l'eau équivaut à injecter 4 millions d'euros au bénéfice des usagers.
Les recettes dépendent des volumes d'eau vendus. Or ces dernières années, les volumes d'eau consommés se sont avérés plus importants, en raison notamment de la canicule et des fortes chaleurs. Le contrôle annuel des comptes du délégataire a permis de le constater.
Il y a eu également des conditions favorables au niveau de la vente d'eau en gros. Notre usine de Méry-sur-Oise produit de l'eau adoucie et les autorités organisatrices voisines, notamment Cyo à Cergy-Pontoise et Seneo, nous ont demandé de les fournir. Le mécanisme de vente d'eau en gros prévu au contrat a ainsi été revu.
Vous avez rappelé vous-même que l'agence régionale de santé a constaté que notre eau présentait une « qualité parfaite ». Pour sa part, UFC-Que Choisir a constaté il y a quelques jours la très bonne qualité de l'eau que nous fournissons.
Aujourd'hui, je n'entends que des critiques, par exemple pourquoi se lancer contre l'osmose inverse ? Pourquoi lutter contre le chlore ou les perturbateurs endocriniens ? Il ne s'agit que d'améliorations. Il est paradoxal qu'après tous ces compliments, ces critiques soient formulées – alors que pendant la crise de la Covid-19, les départements ouvriers et populaires n'ont pas manqué d'eau, ce qui aurait été un scandale total. Nous avons fait face. Mais aujourd'hui j'entends des remarques de gens, qui ont montré, à Viry-Châtillon, que la régie n'était pas tout à fait une bonne formule et que cette opération, que l'on baptise « Titanic » dans les milieux municipaux, n'a pas été à la gloire du maire, qui a d'ailleurs été heureusement battu et qui était proche de monsieur Mélenchon, je crois. J'ai donc du mal à comprendre toutes les critiques dont nous faisons l'objet, alors même que la chambre régionale des comptes nous a décerné tous les brevets d'honorabilité. Nous comptons également deux responsables de la chambre régionale des comptes et de la Cour des comptes au sein de notre personnel. Aujourd'hui, nous rendons bien service. Au final, le service public de l'eau est assuré par un grand syndicat géré de manière démocratique.
Le 27 mai prochain, le comité du SEDIF se prononcera sur le choix du futur mode de gestion. Que préconisez-vous aujourd'hui, le passage à une régie, une Semop, une SPL, ou une nouvelle DSP ? Que préconisez-vous comme solution à terme ?
Un rapport de présentation sera transmis à l'ensemble des délégués des communes et des membres des différentes commissions consultées, notamment la commission consultative des services publics locaux et le comité technique. Au regard des enjeux que souhaite porter le SEDIF, le recours à une concession, selon des modalités totalement renouvelées, pourrait faire partie du mode de gestion.
Merci d'avoir pris le temps de répondre aux questions de notre commission. Je vous invite à répondre par écrit au questionnaire qui vous a été envoyé.
La réunion se termine à quinze heures quarante.