Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 17 février 2021 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ANC
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La réunion

Source

La commission examine, en application de l'article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation : protéger les classes moyennes et populaires, et mieux redistribuer les richesses (n° 3409 rect.) (Mme Christine Pires Beaune, rapporteure).

La commission a accepté l'amendement figurant dans le tableau ci-après :

Numéro

Place

Auteur

Groupe

47

Après l'article 6

Mme Christine Pires Beaune

Socialistes et apparentés

La commission entend, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Patrick de Cambourg, dont la nomination à la présidence de l'Autorité des normes comptables est proposée par le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination.

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Nous sommes heureux d'accueillir M. Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables (ANC) depuis maintenant six ans, dont la reconduction à ses fonctions a été proposée par le Président de la République.

La procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution est applicable à cette nomination, les commissions permanentes compétentes des deux assemblées devant donner un avis avant qu'elle n'intervienne.

Je précise que nous nous réunissons dans la salle Victor Hugo et non dans celle de la commission des finances puisqu'elle permet à tous les députés de la commission qui le souhaitent d'être présents afin de pouvoir exprimer personnellement leur avis.

Enfin, sur cette proposition de nomination, la commission a nommé rapporteure Mme Marie-Christine Dalloz qui, en amont de cette audition, a transmis à M. de Cambourg un questionnaire écrit. Vous avez eu connaissance de ses réponses écrites dès vendredi dernier.

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Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables

Le Président de la République a en effet bien voulu m'accorder sa confiance et me proposer pour exercer un second mandat à la tête de l'Autorité des normes comptables. J'ai fait parvenir à madame la rapporteure les réponses écrites à ses questions, accompagnées d'un certain nombre de documents.

Voilà un an, quasiment jour pour jour, vous m'aviez invité pour évoquer les développements relatifs à l'information extra-financière, à la suite du rapport que j'avais rédigé à la demande de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Je me permettrai d'actualiser mon propos sur ce sujet vivant.

Il y a six ans, j'avais insisté devant cette commission sur le caractère stratégique de la normalisation comptable. Les six années écoulées m'ont confirmé dans cette conviction. L'ANC n'est pas forte de gros bataillons mais, contrairement à ce que l'on pourrait croire, en l'occurrence, le nombre ne fait rien à l'affaire – affirmation qui pourrait prêter à sourire de la part d'un comptable −, puisque l'essentiel repose sur la manière de conduire l'action.

Par sa construction même, en 2009, et par tradition, l'ANC est avant tout un organe fédérateur de la communauté comptable française, point de rencontres et d'échanges, plateforme d'élaboration des positions et des normes, lieu d'arbitrage selon des processus collégiaux bien connus et respectés de tous. Les équipes permanentes de l'ANC jouent un rôle clef que celle-ci ne pourrait pas assumer sans la communauté comptable dont elle est le pivot.

Au delà de la vingtaine de collaborateurs, à qui je rends hommage, ce sont plus de cent professionnels de haut niveau qui, régulièrement et rigoureusement, prêtent leur concours à ses travaux. Ce modèle original démontre son efficacité dans la durée et permet à l'ANC de se situer en bonne place en Europe et dans le monde.

Dans le domaine de la normalisation internationale, l'ANC a su affirmer sa position de façon constructive mais sans concession. L'Europe dispose désormais d'une voix affirmée. Nous avons su tirer parti de la réforme de l'European financial reporting advisory group (EFRAG), qui conseille la Commission européenne pour l'homologation des normes IFRS ( International financial reporting standards ). Les normalisateurs nationaux qui, jusque-là, n'en étaient pas partie prenante, ont désormais une véritable place au sein de cet organisme où je crois pouvoir dire que l'ANC joue pleinement son rôle.

Ma politique a été favorable au conseil et à l'homologation, mais sous bénéfice d'inventaire. Nous avons largement contribué à faire comprendre que certaines normes étaient techniquement perfectibles ou qu'elles n'étaient pas en harmonie avec l'intérêt général européen. J'en donnerai trois exemples.

Tout d'abord, la norme IFRS sur les instruments financiers. Nous avons exprimé de sérieuses réserves sur le traitement comptable des investissements en actions, pourtant essentiels au développement des investissements au sein de l'Union européenne et ailleurs. La Commission est ainsi amenée à interroger de façon insistante le normalisateur international pour trouver une solution.

Il nous a également paru nécessaire de différer l'application de cette même norme pour les assurances, où actifs et passifs sont congruents – il nous a semblé ridicule de traiter la gauche du bilan et pas la droite.

Enfin, nous avons obtenu du normalisateur international une réouverture de cette même norme concernant les assurances compte tenu de nos nombreuses interrogations quant au processus européen. La norme a ainsi pu être améliorée, quoiqu'une réserve importante demeure sur le traitement des contrats à mutualisation intergénérationnelle, très spécifiques de l'Europe continentale : les droits des assurés y sont en effet fondés sur une multitude de générations gérant un seul groupe d'actifs mais, de façon très artificielle, le normalisateur international demande une segmentation en cohortes annuelles, lesquelles n'ont pas de sens. Nous avons bon espoir que la Commission propose une solution appropriée.

Sur ces trois sujets, l'ANC a joué un rôle technique de premier plan, dans la ligne de ce que je viens de dire : pas de blanc-seing, des propositions techniques étayées, partagées et expliquées avec constance.

L'ANC s'efforce aussi, avec force s'il le faut, de faire valoir directement ses positions et suggestions auprès du normalisateur international, l' International accounting standards board (IASB), qui élabore les normes IFRS que l'Europe a choisies en 2002. Là encore, notre politique vise à être actifs, en travaillant le plus en amont possible.

Dès mon arrivée, je me suis efforcé d'établir une communication renouvelée, la plus efficace possible, alors qu'elle était historiquement difficile, voire tendue. Nous avons continué de faire valoir des positions fermes sur le fond – en matière d'assurance, par exemple – mais en prenant soin d'utiliser des voies techniques qui, selon moi, sont les mieux adaptées sur la durée.

Trois observations sur la normalisation internationale qui nous conduisent à une grande vigilance et, donc, à une grande proactivité.

Tout d'abord, la convergence internationale est fragile. L'Union européenne est le principal utilisateur des normes IFRS – la France en est quant à elle un utilisateur rigoureux – mais les États-Unis ont cessé de converger il y a plus de dix ans, la Chine, comme l'Inde, se positionnent sur une politique de convergence « en substance » − et il n'échappera pas aux fins juristes dans cette salle que cela n'est pas la même chose − et le Japon a choisi la voie de l'optionalité. La situation est certes stabilisée mais fragile : il conviendrait donc de faire attention aux dérapages possibles si une de ces zones choisissait une option politique fondamentalement différente.

Ensuite, la gouvernance de la normalisation IFRS nous paraît perfectible. L'Union européenne y est insuffisamment représentée. Nous militons pour que la situation change mais il n'est pas toujours facile de promouvoir une diversité culturelle comptable alors qu'elle nous semble essentielle et bénéfique – nous espérons être écoutés.

Enfin, j'avais indiqué il y a six ans que nous étions en voie de stabiliser la plateforme normative. Je crois que tel est aujourd'hui le cas après l'adoption des dernières grandes normes, dont celle sur les contrats d'assurance que je viens d'évoquer. Je suis donc personnellement très réservé à l'idée de réaliser des réformes majeures maintenant et très peu tenté à l'idée de déstabiliser une plateforme qui, pour ne pas être parfaite, a été assimilée et constitue un langage commun en Europe.

Je suis notamment réservé à l'idée de revenir sur le traitement des goodwill, ces actifs figurant dans les bilans à la suite des regroupements d'entreprises, en passant à un amortissement systématique, techniquement problématique et qui ferait progressivement disparaître des bilans plus de 1 500 milliards d'euros d'actifs en Europe continentale, alors même que l'écart entre les valeurs comptables et la valeur de marché est très significatif et continue de s'accroître.

J'ajoute que, dans le domaine international, l'ANC, durant mon mandat, a créé le Forum d'application des normes IFRS (FANCI), extrêmement actif sur ce point très sensible qu'est l'application pratique des normes en France. Elles sont principielles, mais confrontées à beaucoup de circonstances particulières.

Les relations bilatérales avec nos homologues japonais, chinois, coréen, américain, australien et canadien en particulier, sont très cordiales et régulières.

S'agissant de la normalisation française, notre objectif a été et sera de faire vivre la dynamique des normes nationales correspondant à un modèle choisi par la France, qui a une longue tradition dans ce domaine et bénéficie d'une dynamique bien établie que nous nous efforçons de maintenir et d'amplifier. Elle bénéficie aussi du rôle à certains égards central que la comptabilité joue au quotidien sur quatre plans distincts mais complémentaires : instrument de transparence et de gestion, référence juridique et fiscale.

Il ne faut pas se cacher que la prégnance des normes internationales, avec leur primauté intellectuelle, pourrait, si l'on n'y prend pas garde, conduire à un affaiblissement progressif du dispositif réglementaire français. Telle n'est pas notre politique : la France a en effet choisi de garder la maîtrise des normes qui s'appliquent à la plus grande partie des entreprises et à tous les comptes sociaux, ce qui permet d'assurer une grande cohérence d'ensemble entre informations des tiers, gestion, droit des affaires, fiscalité, droit pénal et droit social.

C'est un travail de tous les instants que d'appliquer un tel modèle avec pertinence. Nous veillons à utiliser notre responsabilité en matière d'élaboration des règlements comptables à la fois pour effectuer le travail de longue haleine nécessaire afin de maintenir la pertinence de ce dispositif et pour répondre aux nouveaux enjeux ainsi qu'à l'actualité. Ce faisant, lorsque cela est possible, nous nous efforçons de faire œuvre de simplification, même si des transactions économiques, juridiques et financières de plus en plus complexes ne nous facilitent pas la tâche.

Nous travaillons à un projet de modernisation progressive des règles existantes. Après la codification à droit constant achevée au début de mon mandat – regroupement de l'intégralité des normes existantes dans un recueil, le plan comptable général, et dans des recueils sectoriels –, nous avons amorcé un programme de modernisation à moyen et à long termes fondé sur un travail approfondi de toutes les grandes thématiques.

Par exemple, le chiffre d'affaires, qui mesure l'activité des entreprises, ne faisait historiquement l'objet que de quelques lignes dans le plan comptable général alors que la doctrine fiscale était abondante et que, dans le même temps, les normes internationales se densifiaient, avec l'IFRS 15. Les parties prenantes nous ont demandé un temps de réflexion, interruption prolongée par la pandémie, et nous avons inscrit dans notre plan stratégique 2020-2022 la finalisation de ce projet.

Nous travaillons également à la modernisation des états financiers, notamment, à la classification des comptes et aux états de synthèse, qui n'avaient pas fait l'objet d'une attention particulière depuis un nombre certain d'années. Ils méritaient une présentation rénovée et nécessitaient d'être numérisés.

À ma grande satisfaction, nous avons mené à bien une réforme complète des règles comptables applicables au secteur non lucratif. Bien des points méritaient d'être précisés depuis le précédent règlement, qui date d'une vingtaine d'années. Grâce au travail réalisé avec l'ensemble des parties prenantes, dans la droite ligne de nos modes opératoires, nous sommes parvenus à un dispositif favorisant la transparence, la gestion et le contrôle, notamment, dans le domaine de l'appel public à la générosité. Les premiers comptes sont actuellement présentés dans ce nouveau format.

Des travaux autour de certains secteurs sont encore en cours car la modernisation d'un dispositif est aussi une œuvre de patience et de conviction. Je songe par exemple au traitement du risque de crédit dans les établissements bancaires, où les normes internationales mettent en avant la notion fondamentale de risque attendu, idée à laquelle j'adhère. Nous avons bien avancé sur le plan technique mais le projet auquel nous sommes parvenus ne fait pas encore l'unanimité auprès des établissements. Il n'a pas été possible, notamment, de parvenir à une déductibilité fiscale de ce complément de provision, qui n'est pas négligeable. Dans les faits, les provisions sont passées mais de manière un peu différenciée, ce qui n'est pas bon. Nous souhaiterions dénouer cette situation car les règles existantes sont anciennes et sujettes à interprétation.

Il en est de même dans le domaine de l'assurance. Une mise à jour des tables de mortalité, qui seront bientôt inadaptées, s'impose. En liaison avec les professionnels et les opérateurs, nous devons parvenir à définir les bonnes tables afin de comptabiliser tous les engagements à long terme.

La réponse comptable aux nouveaux enjeux et à l'actualité, notamment législative et réglementaire, représente une part importante mais variable de notre activité. Quelques exemples : le règlement sur les jetons électroniques et la blockchain, novateur sur le plan international, celui sur les partis politiques – dont j'avais placé l'élaboration sous la présidence du conseiller d'État qui siège au collège de l'ANC −, le statut des plans comptables professionnels et, d'une façon générale, la prise en compte de tous les textes comptables résultant de changements législatifs ou réglementaires : la réforme d'Action logement, les habitations à loyer modéré (HLM), le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, la création de nouveaux véhicules dans le secteur de la gestion d'actifs.

Je tiens à faire une mention spéciale de l'important travail que nous avons réalisé dès le printemps dernier en ce qui concerne les conséquences comptables de la covid-19. Face à leur ampleur, l'ANC a souhaité aider les entreprises françaises à prendre en compte cet événement important pour qu'elles s'inscrivent de façon opérationnelle et pragmatique dans une perspective de rebond. Nos recommandations, malheureusement, s'avèrent utiles dans la durée.

Nos travaux ont permis d'apporter des réponses aux questions soulevées par les entreprises françaises sous la forme de recommandations pour les normes comptables françaises et d'observations pour les normes comptables internationales. En effet, il n'a pas été jugé utile de modifier les règles, en elles-mêmes pertinentes et robustes même en période de crise : nous avons donc procédé par voie de recommandations de niveau infra-réglementaire. Les documents d'une centaine de pages que nous avons élaborés au printemps sont dynamiques et, le cas échéant, peuvent intégrer de nouvelles précisions. Nous traitons à la fois les questions de présentation – il fallait identifier les conséquences de la crise sur la performance et la situation financière pour les communiquer aux tiers et pour qu'elles soient isolément prises en compte par les responsables de l'entreprise – et de précisions sur la manière de comptabiliser toutes les transactions affectées positivement ou négativement par la crise.

S'agissant de la recherche comptable, le bilan est contrasté : très positif pour les États généraux, plus mitigé pour la recherche. Notre rendez-vous annuel est aujourd'hui international et regroupe plusieurs centaines de professionnels autour de sujets d'actualité soutenus par des projets de recherche. Cette année, malgré la pandémie, notre webinaire a permis de réunir presque 900 participants, chiffre en hausse par rapport aux années précédentes. C'est pour nous une occasion de mettre en avant la recherche française mais, aussi, de débattre et d'entendre nos homologues étrangers sur la situation de leurs marchés.

Nous rencontrons parfois quelques difficultés avec les appels à projets auprès des chercheurs car nous voulons que les sujets soient liés à la normalisation. Nous essayons donc d'associer théorie et pratique. La communauté française, très vivante, manque peut-être d'ouverture internationale et il est parfois difficile de faire le lien entre ce que les entreprises doivent prendre en compte et la recherche académique.

Enfin, lorsque je me suis présenté devant cette commission, il y a six ans, je n'imaginais pas l'importance potentielle de cette activité dans mon emploi du temps : cela illustre la contribution de la comptabilité à d'autres problématiques. Ès-qualités, je siège au collège de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et au collège de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dont je préside la commission chargée du climat et de la finance durable ; je suis par ailleurs membre du collège du Conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP) et du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF). Je me suis efforcé et je m'efforcerai d'apporter une contribution utile à raison de mon rôle de normalisateur comptable mais, aussi, des acquis de mon expérience antérieure à l'ANC et des missions que j'effectue à la demande du Gouvernement ou de la Commission européenne.

J'ai ainsi conduit trois missions qui m'ont demandé un investissement personnel significatif : en 2018, j'ai travaillé sur l'avenir de la profession de commissaire aux comptes dans le cadre de la préparation de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite PACTE, qui a décidé d'un relèvement des seuils de désignation obligatoire de commissaires aux comptes ; en 2019, j'ai travaillé sur les perspectives de l'information extra-financière et formulé un certain nombre de propositions ; enfin, en septembre dernier, j'ai présidé un groupe de travail créé à la demande de la Commission européenne pour envisager la normalisation sur le plan européen.

Dans la continuité de ce que je vous avais dit l'année dernière, je considère que l'information extra-financière devient la « deuxième jambe » de l'information des entreprises. La « jambe » financière est très structurée, assez mûre, mais l'information extra-financière émerge et a besoin d'être normalisée tant elle est confuse, diverse, fragmentée, insuffisamment fiable.

Selon moi, c'est là une opportunité pour l'Europe d'affirmer un rôle de leader dans ce domaine, où la France est d'ailleurs pionnière. Nous devons prendre l'initiative, à la différence de ce qui s'est passé dans le domaine financier où, d'une certaine façon, une délégation s'est opérée sur le plan international. Sans hostilité à l'endroit des multiples initiatives internationales existantes, une logique de co-construction est possible, dans laquelle l'Europe peut probablement jouer un rôle moteur.

À titre personnel – et c'est peut-être aussi pourquoi je sollicite un second mandat – je suis très motivé à l'idée de contribuer à donner une chance à l'Europe d'affirmer son identité dans ce domaine stratégique qu'est l'élaboration des normes.

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Nous avons le plaisir de vous entendre ce matin, ainsi qu'il vient d'être rappelé, aux fins d'autoriser la reconduction de votre mandat à la présidence du collège de l'Autorité des normes comptables envisagée par le Président de la République.

Votre audition et le scrutin qui la suivra sont donc placés sous le régime de l'article 13 de la Constitution et des deux lois − organique et ordinaire − du 23 juillet 2010.

Je vous remercie d'avoir répondu promptement, par écrit, aux questions que je vous avais adressées il y a une dizaine de jours.

De ce premier retour et de votre propos liminaire, je retiens que malgré des moyens limités à 19 équivalents temps plein et une dotation d'environ 60 000 euros, l'ANC est une structure crédible, reconnue tant par ses partenaires étrangers que par les entreprises françaises. Ces dernières ont pu bénéficier de votre appui au cours de l'année écoulée, marquée par la crise sanitaire et économique.

Toutefois, l'ANC rencontre aussi des difficultés pratiques, qui ont pu dernièrement conduire au ralentissement de certains chantiers de normalisation et à un bilan mitigé quant à la recherche – vous aurez à cœur d'y remédier dans les mois à venir, comme vous venez de le dire.

L'ANC a deux forces : une collaboration active avec l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et le Haut Conseil de stabilité financière ; la possibilité de mobiliser, gracieusement, près de deux cents experts issus de l'entreprise et de l'administration.

J'avoue avoir été plus surprise de lire dans votre contribution préalable que l'ANC entretient peu de relations avec les représentants des commissaires aux comptes et des experts-comptables : Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables (CSOEC).

En complément à votre exposé et à la documentation que vous m'avez transmise, je souhaiterais donc vous interroger sur sept points.

L'ANC a publié en 2018 un règlement sur les partis politiques. Vous comprendrez que nous sommes intéressés à prendre connaissance de ses grandes lignes !

Votre plan stratégique pour 2020-2022 prévoit que l'ANC travaille sur les modalités de comptabilisation des actifs incorporels – brevets, logiciels, etc. – et des éventuelles redevances afférentes. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur cet axe de réflexion ?

L'ANC a-t-elle identifié des dispositions des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2021 emportant des conséquences en termes de comptabilité privée ? Votre retour d'expert est très important pour nous, législateurs.

Vous avez présenté en mai 2019 un rapport sur l'information extra-financière, à l'issue d'une mission que vous avait confiée M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Que pensez-vous de l'article 244 de la loi de finances pour 2021 qui impose, contre sanction, aux personnes morales de droit privé bénéficiant des crédits de la mission Plan de relance de publier un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre et des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et de consulter leur comité social et économique sur l'emploi des aides ?

S'agissant de l'harmonisation européenne, pourquoi la contribution française à l'EFRAG, qui est de 350 000 euros, est-elle plus importante que celle de l'Allemagne, dont le PIB et le nombre d'entreprises sont pourtant plus élevés ? Pourquoi estimez-vous que le poids de l'EFRAG est trop faible au sein de la Fondation IFRS et de son organe directeur ?

Vous participez aux réunions du Conseil de normalisation des comptes publics. Quels commentaires vous inspirent l'abandon par l'État de la comptabilité d'analyse des coûts, il y a deux ans, et le fait que la comptabilité nationale s'appuie plus sur la comptabilité budgétaire, de caisse, que sur la comptabilité générale, en droits constatés ?

Enfin, vous avez fait part de votre volonté de réactualiser les tables de mortalité, ce que je peux comprendre, mais n'est-ce pas plutôt le rôle de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ?

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Derrière cette audition apparemment technique, la question de la connexion fiscalo-comptable n'en est pas moins éminemment politique compte tenu des conséquences économiques et sociales des décisions relatives aux normes comptables. Il était donc essentiel que la commission des finances l'examine de près.

Nous pouvons en être tous d'accord : il est dangereux d'épouser des normes pro-cycliques dans le cadre de crises conjoncturelles comme celles de 2008 et d'aujourd'hui. Pouvez-vous nous expliquer la position de l'ANC sur les normes IFRS ? Seules les sociétés consolidées et cotées y sont soumises mais, demain, une évolution sera-t-elle possible ?

S'agissant des actifs incorporels, l'ANC a-t-elle participé aux travaux récents de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), notamment sur les prix de transfert dans le cadre de l'érosion de la base d'imposition et du transfert de bénéfices (BEPS) ? Comment l'ANC, qui a produit des guides dans le contexte de la crise, enrichira-t-elle ses recommandations dans les instances internationales ?

Vous avez raison de souligner que la France est pionnière en matière d'information extra-financière. Où en est le plan d'action que vous aviez proposé ? Quel est votre avis sur l'avancée de la méthodologie du rapport intégré ? Un nombre suffisant de sociétés l'ont-elles adopté ? Faudrait-il l'encadrer de façon différente ?

La commission des finances a voté, en 2020, en faveur de la création d'un certain nombre d'outils pour faire face à la crise – je pense notamment à la neutralisation fiscale des réévaluations d'actifs. Avez-vous fait une première évaluation des conséquences de cette mesure et formulé des recommandations ?

Le 8 janvier dernier, l'ANC avait admis, à titre exceptionnel, la possibilité de réviser les plans d'amortissement en cas de sous-utilisation des biens immobiliers, ce qui fait écho aux débats que nous avions eus lors de l'examen des projets de loi de finances rectificative. La proposition de l'ANC présente l'intérêt, à mes yeux, de ne pas avoir de conséquence fiscale et de se concentrer sur les sous-utilisations d'actifs. Bien que ce soit probablement un peu tôt, avez-vous commencé à évaluer, par une étude chiffrée, l'ampleur des sous-utilisations d'actifs en 2020 ?

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Madame la rapporteure, merci de votre question sur la compatibilité de l'amendement déposé par la majorité avec le reporting extra-financier.

Monsieur le président, quel rôle jouerez-vous dans le cadre de la révision de la directive européenne sur la publication d'informations extra-financières (NFRD) ? Comment promouvrez-vous les propositions de normalisation que vous établirez ?

Vous avez fait des remarques positives concernant le reporting climatique effectué par les entreprises. Êtes-vous impliqué dans les travaux européens visant à créer une taxonomie dans le domaine de la biodiversité ? Comment mesure-t-on l'effet des données fournies par les entreprises ? Comment progresser en la matière ? Dans le domaine de la recherche, vous avez confirmé que le constat était mitigé. Je n'ai pas vu, dans les appels à projets, de mention des normes comptables liées à l'impact social et environnemental des entreprises. Quel rôle comptez-vous jouer en la matière ? L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a créé récemment, avec, entre autres, les universités de Reims et de Paris-Dauphine, une chaire de comptabilité écologique.

Enfin, quel rôle assumez-vous et comptez-vous jouer dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ? Beaucoup d'évolutions ont eu lieu au cours des dernières années, parmi lesquelles on peut citer le fichier des écritures comptables, très utile dans le cadre des contrôles fiscaux, et la norme européenne concernant l'incertitude relative aux traitements fiscaux (IFRIC 23).

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Monsieur le président, votre exposé illustre l'importance du rôle de l'ANC. Je constate que vos équipes comptent – sans surprise – de nombreux spécialistes de la finance, de l'audit et de la comptabilité, mais assez peu de juristes, notamment en droit privé. Or, les éléments comptables sont souvent issus d'actes juridiques.

Comment intégrerez-vous les prêts participatifs dans les capitaux propres, compte tenu de la différence de doctrine juridique et comptable ? Qu'en est-il des avances en compte courant d'associés, considérées comme des quasi-fonds propres ? Avez-vous réfléchi aux contraintes que cela pourrait faire peser sur les apporteurs en compte courant ?

L'Allemagne, contrairement à la France, a réfléchi aux mesures qu'il convient de prendre en cas d'état de cessation de paiements d'une entreprise. Comment traitez-vous ces situations, notamment dans le cadre des procédures d'alerte pouvant être déclenchées par les commissaires aux comptes ?

Il semblerait que les nouvelles normes de comptabilisation du bénévolat associatif reposent sur le critère de la participation gratuite au fonctionnement ou à l'animation de l'association, le plus souvent par des adhérents. Vous avez indiqué que cette comptabilisation revêtait désormais un caractère obligatoire. Le traitement comptable, en tant que tel, ne pose pas de problème, mais l'association doit appréhender correctement les contributions volontaires en nature, les recenser et les valoriser, ce qui exige un travail lourd. Ne pourrait-on définir un seuil à partir duquel ces normes seraient obligatoires ?

Enfin, des travaux sont-ils engagés au niveau européen sur la notion de résultat fiscal ? On parle beaucoup d'uniformisation fiscale européenne, mais encore faut-il que l'on s'accorde sur cette notion, du point de vue des normes comptables.

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La comptabilité est censée refléter la réalité d'une entreprise, de ses actions et de ses investissements. Or, en 2020, beaucoup d'équipements ont été inutilisés ou largement sous-utilisés. Lors de l'examen du quatrième projet de loi de finances rectificative, j'avais déposé un amendement pour décaler les amortissements des entreprises liés, notamment, aux prêts – le crédit-bail, pour sa part, n'affecte pas de la même façon les biens des entreprises. Soutiendrez-vous cette proposition ? Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a annoncé il y a quelque temps que le Gouvernement y réfléchissait.

L'INSEE a publié en octobre une étude très intéressante sur les indicateurs qui pourraient être employés dans la comptabilité publique pour tenir compte des coûts du carbone. À l'heure actuelle, le coût écologique n'est pas pris en considération. L'ANC formulera-t-elle des propositions pour que l'on puisse le faire apparaître dans les bilans comptables ? Si on ne le fait pas, on aura du mal à avancer.

Enfin, il semblerait que, s'agissant des normes comptables, on ait un peu perdu la bataille sur le plan européen. Les normes anglo-saxonnes sont extrêmement présentes dans tous les documents comptables des entreprises européennes. Comment envisagez-vous que l'Europe fasse entendre sa voix ? Que souhaiteriez-vous corriger ?

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Êtes-vous favorable au rapprochement – ce dont beaucoup rêvent dans le cadre de la simplification administrative – entre les normes comptables et fiscales ? Dans la réponse écrite que vous nous avez adressée, on lit qu'elles divergent sur 240 points. Pourrait-on, autant que faire se peut, essayer de réduire l'écart, au moins pour les entreprises qui n'établissent pas de comptes consolidés ?

Ne pensez-vous pas que le système de comptabilisation des plus et moins-values – éternel problème – devrait être au moins complété, comme on l'a fait pour la comptabilité des assurances, par des états extra-comptables évaluant au prix de marché tous les actifs ?

Notre système comptabilise avant tout le capital ; le facteur travail n'est quasiment pas évalué. On mène des recherches à ce sujet depuis cinquante ans. Ne pensez-vous pas que les frais de formation devraient être traités différemment ? Ils pourraient être immobilisés dans des états et amortis, par exemple, en fonction du taux de rotation du personnel par catégorie. La valeur de certaines entreprises n'est pas reflétée par l'actif et le passif mais par le niveau de formation des personnels, en particulier dans les domaines de pointe.

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J'irai dans le sens de mes collègues sur le traitement comptable des mesures d'urgence. Vous avez certainement rendu des avis sur des sujets tels que le report des échéances, le fonds de garantie, les prêts participatifs, etc.

Pourquoi les entreprises ne paient-elles pas, ou mal, la cotisation qui alimente le fonds de concours permettant à l'ANC d'apporter la quote-part française au financement de deux organismes internationaux de normalisation comptable ? Est-il exact que le taux de collecte se limite à 70 % ? Le cas échéant, comment l'expliquer et comment augmenter ce taux ?

Le rôle des normes comptables est peu connu mais fondamental. Je ne sais si l'on a perdu une bataille, mais il est vrai que les normes IFRS portent plutôt l'empreinte du droit anglo-saxon, à l'instar des règles prudentielles. Lorsque des anglo-saxons décident d'y échapper – quand ils le peuvent –, ce n'est pas toujours au bénéfice de nos modèles économiques. Vous avez raison d'insister sur les normes extra-financières, qui vont devenir de plus en plus prégnantes – nous vous avions auditionné, l'année dernière, sur ce sujet. Vous avez indiqué qu'il ne fallait pas rater le coche : quelles solutions concrètes proposez-vous ?

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Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables

La question du règlement sur les partis politiques était en balance depuis un certain temps. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique nous avait adressé des requêtes en ce sens. Nous avons mis autour de la table tous les partis, en leur demandant de contribuer à ce processus. Ce règlement vise à ce que les partis politiques aient une pratique transparente dans l'établissement des comptes qu'ils soumettent. Nous avons aussi souhaité qu'un lien puisse être établi dans le cadre des contrôles particuliers qui sont requis. À ma connaissance, ce règlement, qui est d'ores et déjà appliqué, n'a pas suscité de réactions particulières.

La comptabilité ne reconnaît pas tous les actifs incorporels. Comme vous l'avez dit, madame la rapporteure, notre plan stratégique pour 2020-2022 prévoit une révision de ces règles – un peu anciennes –, s'agissant, du moins, des incorporels reconnus. C'est l'un des domaines dans lesquels il est nécessaire de dépoussiérer la réglementation. Je rappelle que nous avons effectué la codification à droit constant, ce qui a constitué un effort très utile, mais qui ne nous a pas permis d'aborder l'ensemble des questions, tant s'en faut. Nous avons mis ce sujet important à l'ordre du jour, à côté de nos travaux sur le chiffre d'affaires et la présentation des états financiers, que nous devons terminer.

La plupart des incorporels ne sont et ne seront pas comptabilisés dans le bilan. C'est à mes yeux un élément clef du développement de l'information extra-financière. Je remettrai vendredi un rapport à Mme Mairead McGuinness, membre de la Commission européenne, lequel sera publié la semaine prochaine. C'est le fruit du travail mené pendant cinq mois par un groupe de trente-cinq personnes issues de tous les horizons géographiques et intellectuels, de toutes sensibilités, qui a tenu treize réunions plénières. J'invite les membres du Parlement à prendre connaissance de ce rapport, qui s'inscrit dans le prolongement de celui que j'avais remis à M. Le Maire et que je vous avais présenté. Il ouvre la voie à une démarche européenne, dans la lignée de ce que fait la France.

Il est incontestable que, dans ce domaine, l'Europe agit en pionnière et en leader. M. Valdis Dombrovskis, membre de la Commission européenne, a affirmé clairement, il y a un an, qu'il fallait réviser la directive NFRD dans le sens de l'obligation de la publication d'informations pour toutes les entreprises en Europe. Il a également estimé qu'il fallait procéder à des vérifications par la réalisation d'audits. Seuls la France et deux autres pays avaient suivi cette option lors de la transposition de la précédente directive NFRD ; le système n'était donc pas suffisamment fiable. M. Dombrovskis a appelé à adopter des dispositions de niveau législatif très fortes, tout en indiquant que ce ne serait pas suffisant : il a souligné la nécessité, en parallèle, de fixer des normes, car l'information extra-financière, comme l'information financière, a besoin d'un levier réglementaire puissant. Le groupe de travail que j'ai présidé s'est attaché à accomplir le travail préparatoire à cette normalisation. M. Dombrovskis a enfin affirmé qu'il fallait un normalisateur, ajoutant que l'EFRAG pourrait être doté d'une compétence en ce domaine très spécifique. Dans le champ financier, il s'agit de faire du conseil au sujet de normes d'homologation de règles élaborées par d'autres. Dans le domaine extra-financier, c'est l'inverse : il faut élaborer des normes prises en vertu d'un acte délégué au niveau européen, qui s'appliqueront de manière uniforme dans l'Union.

Ces trois annonces sont en cours de réalisation. Le projet de directive NFRD sera présenté aux membres de la Commission européenne dans quelques semaines. Une information devrait être communiquée le 21 avril. Par ailleurs, notre rapport sera remis cette semaine et devrait être rendu public la semaine prochaine. Enfin, M. Jean-Paul Gauzès, président de l'EFRAG – et ancien député européen – remettra son rapport sur l'évolution de la gouvernance dans les mêmes délais. D'après les intentions manifestées sur le plan européen, dont les États membres sont informés, je comprends que nous pourrions passer immédiatement à une phase d'élaboration des normes, afin que celles-ci soient prêtes lorsque le texte législatif sera adopté. C'est un projet complexe, mais la volonté d'avancer est bien réelle. Les actifs incorporels relèvent largement du champ extra-financier. C'est par la complémentarité du travail comptable et extra-comptable que l'on pourra les appréhender globalement.

L'article 244 de la loi de finances pour 2021, qui impose la publication des trois informations que vous avez mentionnées, va dans le bon sens. C'est une des composantes d'un dispositif qui doit toutefois être complété. L'ambition du projet que je défends sur le plan européen, et qui est, je crois, soutenu par les autorités françaises, est d'avoir un reporting assez large, comportant des indicateurs pertinents, parmi les lesquels des éléments de cette nature. Nous ne serions pas du tout en décalage mais, au contraire, dans le prolongement de cette démarche.

La contribution différenciée de la France et de l'Allemagne concerne l'IASB et non l'EFRAG. Alors que les contributions étaient, à l'origine, identiques, nous avons découvert, un jour, qu'elles avaient évolué, notre grand voisin ayant un peu réduit la voilure. Cela soulève des questions en termes de coordination.

On nous a transmis la responsabilité de la réglementation comptable, qui comprend, historiquement, les tables de mortalité. Nous ne pourrons pas les actualiser nous-mêmes ; nous travaillerons donc avec des acteurs comme l'INSEE, les grandes compagnies d'assurance, etc.

Plusieurs questions concernent des domaines sur lesquels l'Autorité des normes comptables n'a pas de compétence directe et peut, tout au plus, être appelée à apporter sa contribution. Je pense, par exemple, aux travaux de l'OCDE sur les prix de transfert ou à la base comptable européenne. Nous suivons ces questions sous l'angle de leurs conséquences comptables éventuelles, mais, par exemple, nous n'avons pas de rôle moteur dans le rapprochement des bases fiscales entre pays européens. Nous dressons des constats quant aux dispositions législatives ou réglementaires qui pourraient être prises.

Le rapprochement des normes comptables et fiscales est un axe de travail de l'ANC. La tâche est malaisée, car les logiques diffèrent. Il arrive fréquemment que les retraites soient comptabilisées, mais cela demeure optionnel dans notre pays. Nous avons souhaité, depuis déjà un certain temps, que cela soit obligatoire et donne lieu à une déductibilité fiscale. Dans le cadre des arbitrages budgétaires, il a été considéré que l'effort était trop coûteux. Nous militons en faveur de la transparence comptable. Nous appelons de nos vœux la comptabilisation d'une économie d'impôt différée, mais nous ne pouvons rien imposer ; nous n'avons pas compétence pour contrôler la règle fiscale.

Cela étant, il serait possible de toiletter un grand nombre de règles, qui n'ont plus de justification fondamentale. Le système français est moniste : la fiscalité doit en principe partir de la comptabilité. Ce n'est que s'il existe des dispositions fiscales spéciales qu'une distinction apparaît. Si je me permettais, je renverrais, de temps en temps, la balle au législateur, qui, d'une certaine manière, crée des différences entre les règles fiscales et comptables. C'est le cas, en particulier, lorsqu'il adopte – de manière parfois justifiée – une mesure fiscale qui n'est pas complètement en adéquation avec la règle comptable. Un travail commun doit être mené. J'ai rencontré à plusieurs reprises des représentants du Conseil d'État qui souhaitaient obtenir des éclaircissements. Nous avons institué une procédure d' amicus curiae qui, quoique n'étant pas utilisée très fréquemment, fonctionne bien.

Le système des normes IFRS n'est pas idéal, comme je l'avais dit il y a six ans. Nous avons toutefois réussi à faire entendre la voix de l'Europe et de la France. Je me réjouis que nous soyons parvenus à ce que les normes soient rouvertes, même si elles ne sont pas parfaites. L'Europe peut agir, par exemple sur les contrats de mutualisation intergénérationnelle, et je pense qu'elle va le faire. Il faut trouver un équilibre entre une certaine unicité et la prise en compte de spécificités européennes. On en a pris la mesure.

D'une manière plus fondamentale, le risque d'aller vers la fair value est, à mon avis, cantonné. Le modèle conceptuel sur lequel on travaille, dans le champ des normes IFRS, est de nature mixte. Les valeurs historiques sont retenues pour toutes les activités industrielles, commerciales et de service. En revanche, c'est plutôt la valeur de marché qui est prise en compte s'agissant des activités financières, comme le demandaient les acteurs. Avoir une action ou une obligation et être libre de la céder demain crée une forme d'arbitraire dans l'apparition de la plus-value. Cela renvoie à la nécessité d'avoir une information extra-comptable.

S'agissant des effets de la covid-19 sur les amortissements, l'ANC est tributaire des mesures législatives et réglementaires. Si une somme d'argent garde la nature d'une dette, nous avons du mal à la qualifier de fonds propres. Nous admettons qu'il existe des différences entre les fonds propres ; l'échéance des dettes varie. Pour autant, nous ne pouvons pas, par un coup de baguette magique, transformer des dettes en capitaux propres.

En revanche, nous avons œuvré en ce sens s'agissant des amortissements. Fin 2020, nous avons émis une recommandation tendant à ce que l'on puisse calibrer les amortissements sur l'utilisation effective. Nous nous sommes heurtés à la règle fiscale qui oblige à constater au moins l'amortissement linéaire. Nous sommes donc passés par les amortissements dérogatoires. Cela ne touche pas les fonds propres, ce qui est l'essentiel, et reporte l'amortissement, en cas de sous-utilisation, à la fin de l'échéance, en prolongeant la période de remboursement. Nous avons pu le faire en interprétant les règles. C'est un résultat qui me paraît satisfaisant, car nous ne pouvons pas décréter qu'une immobilisation conserve la même valeur. Il faut toujours vérifier la valeur de marché ; si, demain, l'entreprise devait s'arrêter, et que l'on s'apercevait que la valeur amortie était inférieure à la valeur vénale, cela ne serait pas sans créer une difficulté – ce raisonnement est valable, d'ailleurs, en toutes circonstances.

S'agissant des effets de la covid-19, nous avons donc apporté beaucoup d'éclaircissements, mais nous nous heurtons à des limites. Nous sommes tributaires des caractéristiques et des modalités de sortie des prêts garantis par l'État (PGE). Il en va de même pour les prêts participatifs. Nous nous livrons à une interprétation juridique des dispositions adoptées par le législateur ou l'exécutif concernant les conditions de ces concours.

J'en viens à la question sur le nombre de juristes qui composent notre équipe. Je suis un peu juriste moi-même. Par ailleurs, nous avons des collaborateurs qui ont une formation juridique. Ils sont certes passés par la direction générale des finances publiques (DGFiP) et le service de la législation fiscale (SLF), mais ils ont une sensibilité juridique. Comme l'a souligné madame la rapporteure, nous nous entourons, dans notre groupe de travail, de juristes, de personnes hautement qualifiées. La Cour de cassation, le Conseil d'État et la Cour des comptes sont représentés au sein de notre collège.

J'ai une conviction profonde, qui est le fruit d'une longue expérience : dès lors que la comptabilité financière est parvenue à un équilibre stable entre fair value et valeur historique, il ne faut pas trop la déstabiliser. Elle présente le mérite de travailler sur les flux financiers – et moins on introduit d'estimations complexes, plus elle est fiable. En contrepartie, elle a le gros défaut de ne pas traduire de façon holistique la performance et l'état de l'entreprise – je pense par exemple au risque de cessation de paiements.

C'est pourquoi, sans baisser les bras sur la dimension internationale, et alors que nous connaissons une phase de stabilisation, je suis très partisan d'éviter de déstabiliser cette plateforme, qui est assez généralement admise, tout en travaillant d'arrache-pied, sous un leadership européen, sur toute la partie extra-financière.

Cela m'amène à la comptabilisation du capital et du travail. Le rapport intégré est une très bonne idée, qui présente toutefois un caractère général et n'a donné lieu à aucune traduction. Le rapport que je soumettrai à Mme McGuinness vendredi propose que l'on essaie de normaliser cette information, qui a trait non pas seulement au capital financier mais aussi au capital humain, naturel, organisationnel et relationnel. Ce sont les fondements habituels de ce qui est qualifié de « multicapital » dans les rapports intégrés. C'est une vision assez ambitieuse, de long terme, qui impliquera des étapes. Cela pourrait commencer à évoluer rapidement, puisque l'Europe envisage de publier une information en 2024 sur les comptes de 2023 – dans le domaine de la normalisation, on n'a quasiment jamais vu un délai aussi court. Il faut une mobilisation forte.

Du fait de sa structure, l'ANC ne travaille pas, en principe, dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), de l'extra-financier, mais j'ai reçu une mission en ce sens. Nous réfléchissons avec le commissaire du Gouvernement et le cabinet du ministre à un élargissement des compétences de l'ANC, le moment venu, en harmonie avec l'évolution européenne.

Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée de M. Patrick de Cambourg aux fonctions de président de l'Autorité des normes comptables.

La commission procède au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opéré par la commission des finances du Sénat.

Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :

Nombre de votants : 27

Bulletins blancs ou nuls : 1

Suffrages exprimés : 26

Avis favorables : 25

Avis défavorables : 1

La commission a émis un avis favorable à la nomination de M. Patrick de Cambourg aux fonctions de président de l'Autorité des normes comptables.

Informations relatives à la commission

La commission a arrêté le programme de ses travaux d'évaluation des politiques publiques :

RS

Rapports spéciaux

Rapporteurs

Thèmes d'évaluation

01

Action extérieure de l'État

Vincent Ledoux

La « priorité africaine » de la diplomatie Française et la réforme des réseaux de l'État à l'étranger : objectifs, instruments, résultats.

02

Action extérieure de l'État : Tourisme

Émilie Bonnivard

L'efficacité de l'accompagnement des stations de sports d'hiver par l'État en réponse à la crise.

03

Administration générale et territoriale de l'État

Jennifer De Temmerman

Les moyens des centres d'expertise et de ressource des titres (CERT).

04

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Politiques de l'agriculture, Pêche et aquaculture ; Développement agricole et rural

Anne-Laure Cattelot

Hervé Pellois

L'efficacité des soutiens publics aux filières de la pêche et de l'aquaculture.

05

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Sécurité alimentaire

Michel Lauzzana

Les contrôles sanitaires et phytosanitaires aux frontières à l'heure du Brexit.

06

Aide publique au développement ; Prêts à des États étrangers

Marc Le Fur

La politique d'aide publique au développement dans les pays en situation de surendettement : l'exemple de l'Éthiopie et de Djibouti.

07

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Jean-Paul Dufrègne

Les politiques de reconnaissance et de réparation en faveur des combattants des OPEX.

08

Cohésion des territoires : logement et hébergement d'urgence

François Jolivet

L'impact des dépenses fiscales sur les coûts de construction de logements.

09

Cohésion des territoires : politique des territoires

Mohamed Laqhila

L'exécution financière des CPER/CPIER 2014-2020.

10

Conseil et contrôle de l'État

Daniel Labaronne

L'adéquation des moyens du Haut Conseil des finances publiques à ses missions.

11

Culture : Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Dominique David

Le soutien aux opérateurs de la création en temps de crise.

12

Culture : Patrimoines

Gilles Carrez

Les aides à l'entretien et la restauration des propriétés privées - monuments historiques.

13

Défense : Préparation de l'avenir

François Cornut-Gentille

Le contrôle financier, juridique et technique des externalisations du ministère des armées.

14

Défense : Budget opérationnel de la défense

Aude Bono-Vandorme

La préparation opérationnelle.

15

Direction de l'action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative, Investissements d'avenir

Marie-Christine Dalloz

Les actions du programme d'investissements d'avenir (PIA) consacrées à la recherche en matière de santé.

16

Écologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques

Éric Coquerel

Les moyens de la politique de prévention des risques naturels et technologiques.

17

Écologie, développement et mobilité durables : Affaires maritimes

Saïd Ahamada

Les dispositifs d'exonération et d'aide au paiement des cotisations et de contributions sociales au bénéfice des armateurs.

18

Écologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après-mines ; Service public de l'énergie ; Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Julien Aubert

L'élimination des équipements au fioul.

19

Écologie, développement et mobilité durables : Infrastructures et services de transports ; Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ; Contrôle et exploitation aériens

Marie Lebec

Zivka Park

Le volet « Mobilité multimodale » des contrats de plan État-région 2015‑2020.

20

Économie : Développement des entreprises et régulations ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Valéria Faure-Muntian Xavier Roseren

Le financement de la « garantie BPI » : évaluation et enjeux.

21

Économie : Commerce extérieur

Fabrice Brun

Les procédures financières de soutien au commerce extérieur.

22

Économie : Statistiques et études économiques ; Stratégie économique et fiscale ; Accords monétaires internationaux

Philippe Chassaing

Évaluation des dépenses allouées à l'économie sociale et solidaire.

23

Engagements financiers de l'État

Bénédicte Peyrol

L'évaluation de l'éco prêt à taux zéro.

24

Enseignement scolaire

Catherine Osson

La gestion des personnels en difficulté de l'enseignement scolaire.

25

Gestion des finances publiques : Transformation et fonction publiques

Alexandre Holroyd

L'évaluation de la direction des impôts des non-résidents (DINR).

26

Gestion des finances publiques : Fonction publique ; Crédits non répartis

Éric Alauzet

Les moyens affectés à l'action sociale interministérielle.

27

Gestion du patrimoine immobilier de l'État

Jean-Paul Mattei

Le contrôle de la sélection des projets et de l'efficience de la dépense dans la mise en œuvre du volet « Rénovation thermique des bâtiments publics » du plan de relance.

28

Immigration, asile et intégration

Stella Dupont Jean-Noël Barrot

Les moyens consacrés par les préfectures à l'instruction des demandes de titre de séjour.

29

Justice

Patrick Hetzel

Les moyens affectés au ministère public.

30

Médias, livre et industries culturelles ; Avances à l'audiovisuel public

Marie-Ange Magne

Le soutien aux radios associatives.

31

Outre‑mer

Olivier Serva

La politique contractuelle État-collectivités.

32

Pouvoirs publics

Christophe Naegelen

Les passations de marché par les pouvoirs publics.

33

Recherche et enseignement supérieur : Recherche

Francis Chouat

Le financement de la recherche dans le domaine de la lutte contre les crises sanitaires.

34

Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante

Fabrice Le Vigoureux

Le CNOUS et les CROUS : actions et financements.

35

Régimes sociaux et de retraite ; Pensions

Olivier Damaisin

Les pensions de réversion dans les régimes spéciaux de retraite et le régime de la fonction publique d'État : quels effets sur les inégalités et la pauvreté des retraités ?

36

Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales

Jean-René Cazeneuve Christophe Jerretie

L'évaluation des mesures de soutien en faveur des collectivités territoriales prises dans les quatre lois de finances rectificatives en 2020.

37

Remboursements et dégrèvements

Christine Pires Beaune

Le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile.

38

Santé

Véronique Louwagie

L'évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière.

39

Sécurités ; Police, gendarmerie, sécurité routière, Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Romain Grau

Évaluation de la politique d'achat mutualisée pour les forces de sécurité intérieure : quelle efficacité de la dépense publique en termes stratégiques, opérationnels et économiques ?

40

Sécurité civile

Bruno Duvergé

L'entretien et le renouvellement des flottes aériennes de la sécurité civile.

41

Solidarité, insertion et égalité des chances

Stella Dupont

Le revenu de solidarité active (RSA) jeune actif.

42

Sport, jeunesse et vie associative

Benjamin Dirx

Le financement des équipements sportifs.

43

Travail et emploi

Marie-Christine Verdier-Jouclas

La politique d'inclusion par les compétences (Fonds d'inclusion dans l'emploi et Plan d'investissement dans les compétences).

44

Participations financières de l'État ; participation de la France au désendettement de la Grèce ; avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

Valérie Rabault

La gestion des participations de l'État dans le secteur de l'énergie.

45

Affaires européennes

Xavier Paluszkiewicz

Bilan de la politique agricole commune sur le CFP 2014-2020.

46

Plan de relance ; Plan d'urgence face à la crise sanitaire

Laurent Saint-Martin Éric Woerth

Le rythme d'engagement des crédits, les éventuelles difficultés rencontrées dans leur décaissement et la pertinence des outils choisis du plan d'urgence.