Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 17h00

Résumé de la réunion

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  • pharmacie

La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Présidence de M. Julien Borowczyk, président de la mission d'information

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Le ministère des solidarités et de la santé a conclu, à la fin du mois de mars, avec la société Geodis, un contrat pour l'organisation sur quatorze semaines du transport exceptionnel d'un milliard de masques en provenance de Chine pour le compte de l'État. Cette réunion portera sur deux sujets : d'une part, les opérations d'importation de masques dans un contexte très fortement détérioré en matière de transport aérien ; d'autre part, l'acheminement sur le territoire national de ces produits vers les pharmacies, qui a rencontré des difficultés logistiques certaines.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Stéphane Cassagne et M. Éric Martin dit Neuville prêtent serment.

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Stéphane Cassagne, directeur général du métier Distribution & Express de la société Geodis

Permettez-moi de vous présenter brièvement le groupe Geodis ce qui expliquera, en partie, le rôle que notre entreprise a joué dans le cadre de la crise sans précédent que nous traversons, et vous donnera un éclairage sur le monde du transport et de la logistique, qui reste parfois méconnu.

Il s'agit, pourtant, d'un secteur qui représente 10 % du PIB en France, 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires et près de 1,4 million d'emplois ; un secteur qui a été identifié comme stratégique et qualifié de « deuxième ligne » pendant le confinement. C'est un secteur stratégique car, sans logistique, il n'y a plus d'activité – il n'y aurait pas eu de masques ni de produits essentiels ; un secteur stratégique également parce qu'il est un support à la performance économique, privée comme publique. Enfin, c'est un secteur qui conforte la souveraineté nationale.

Geodis, filiale du groupe SNCF, est le numéro un français du transport et de la logistique, et le numéro cinq mondial. Notre chiffre d'affaires est de plus de 8 milliards d'euros et nous avons près de 41 000 collaborateurs dans le monde, dont environ 16 000 en France. Notre force est d'être présent dans tous les métiers de la logistique, le transport aérien et maritime, l'entreposage, la messagerie, avec la livraison le long du dernier kilomètre, et le transport routier longue distance, mais aussi d'être un groupe d'envergure internationale, ayant une présence forte sur le continent américain, en Europe, bien évidemment, et en Asie Pacifique. Nos équipes sont donc capables d'organiser la chaîne logistique, pour le compte d'un tiers, d'un point A à un point B dans le monde, en combinant tous les modes de transport et l'ensemble des services.

Si nous revenons aux masques, il importe de souligner que, dans la bataille mondiale à laquelle nous avons assisté, avoir pu compter sur un logisticien français a certainement été un avantage pour notre pays.

Lorsque nous avons été appelés, à la mi-mars 2020, pour organiser en toute urgence le transport de masques depuis la Chine, nous nous sommes sentis investis d'une mission au service de nos concitoyens. Les équipes de Geodis que nous avons dédiées à la mise en place du pont aérien ont travaillé jour et nuit et sont très fières d'avoir été présentes au quotidien pour nos soignants.

Au total, entre le 29 mars et le 31 août, nous avons acheminé plus de 1,7 milliard de masques. Pour être plus précis, près de 750 millions de masques ont été acheminés par voie aérienne – 48 vols ont été assurés par des Antonov 124, 50 vols par des Boeing 777 d'Air France et 15 autres vols par diverses compagnies cargos. Nous avons également acheminé un milliard de masques par voie maritime.

Je reviens quelques instants au contexte pour expliquer les raisons pour lesquelles Geodis a été appelé, en la personne de la présidente de son directoire, Marie-Christine Lombard, le 12 mars, tôt dans la matinée, par le ministère des transports. Il nous a été demandé de rejoindre la cellule de coordination interministérielle logistique (CCIL). Je vois quatre raisons principales au choix de l'État.

La première est que Geodis est une entreprise 100 % française. Même si nous avons une envergure internationale, notre berceau reste la France. Elle représente encore 35 % du chiffre d'affaires, et 16 000 de nos collaborateurs sont répartis entre 250 sites sur le territoire français.

La deuxième raison tient à la qualité de notre présence en Chine où nous sommes implantés depuis 1985 et où nous bénéficions d'équipes locales capables de soutenir de telles opérations.

La troisième raison, comme je l'ai déjà précisé, est notre capacité à combiner tous les modes de transport – l'aérien, le maritime et la distribution en France.

La quatrième raison, qui est également d'importance, est que Geodis était déjà prestataire de l'État dans le cadre de deux marchés : l'un passé avec la direction des achats de l'État (DAE), l'autre avec Santé Publique France (SPF).

Concernant le pont aérien, une première demande nous a été adressée le 19 mars. Elle a fait l'objet d'une proposition commerciale émise par Geodis le samedi 21 mars à zéro heure trente. Un accord nous a été donné, sur la base de cette proposition commerciale, le dimanche 22 mars à zéro heure vingt, pour la réalisation d'un premier vol au départ de Shenzhen le 29 mars. La solution proposée alors consistait à affréter deux Antonov 124 afin d'effectuer quatre vols par semaine entre deux points de sortie en Chine, à savoir Shanghai et Shenzhen, et l'aéroport français de Vatry. À compter du 4 avril, nous avons ajouté, avec le soutien du ministère des transports, deux vols Air France, ce qui a permis de bénéficier d'une capacité de six vols par semaine. Enfin, le 20 mai, nous avons fait partir le premier chargement par voie maritime.

La phase aval consistait à réceptionner la marchandise aux aéroports de Vatry ou de Charles-de-Gaulle, de la transporter jusqu'aux entrepôts centraux et zonaux de SPF où elle était stockée et contrôlée. Ensuite, depuis ces entrepôts, il s'agissait de livrer les 137 centres hospitaliers territoriaux de France avec l'appui des 120 agences de notre réseau de messagerie.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, Geodis a également été impliqué, en amont de cette opération et à la demande de la cellule de crise, dans la livraison en urgence des 21 000 pharmacies du territoire. Cette opération décidée le 16 mars a démarré le lendemain et s'est poursuivie jusqu'au 21 mars.

Pour conclure ce propos introductif, j'insisterai sur l'implication des équipes de Geodis, que ce soit au sein de la cellule de coordination interministérielle ou lors des opérations menées en France comme en Chine. Ces collaborateurs ont travaillé sans relâche, nuit et jour, pour que nos soignants soient ravitaillés en masques. Je profite de cette audition pour les en remercier à nouveau.

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Le professeur Stahl que nous avons auditionné récemment nous a expliqué la nécessité d'avoir un stock de masques, soit constitué, soit garanti par les fournisseurs et les fabricants, que ceux-ci soient français ou étrangers. Cela signifie qu'il fallait avoir la capacité d'être approvisionné en masques par un fournisseur éventuellement étranger en cas de pandémie – y compris en Chine puisque ce pays est l'un des principaux fournisseurs.

Ma première question est la suivante : dans le cadre de vos contrats avec l'État, et plus particulièrement avec Santé Publique France, aviez-vous déjà envisagé des difficultés d'approvisionnement ou d'acheminement en période de pandémie. Cela figurait‑il dans les contrats ? Existait‑il un accord, une réflexion avec Santé Publique France sur le fonctionnement de ces importations ?

Ma seconde question aura trait à la répartition intranationale des masques. Les pharmaciens ont été critiques sur les livraisons réalisées par Geodis. On nous a dit que tous les masques prévus n'étaient pas là et que les palettes étaient parfois incomplètes. Nous avons eu des témoignages faisant état de cartons ouverts et de livraisons hasardeuses. Quels retours avez-vous eus sur ce court laps de temps – puisque, par la suite, ce sont les grossistes-répartiteurs qui ont eu la charge de réaliser, comme ils le font habituellement pour les médicaments – l'approvisionnement des pharmacies ?

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Stéphane Cassagne, directeur général du métier Distribution & Express de la société Geodis

. Pour répondre à votre première question sur le contenu du contrat avec la DAE, il s'agit d'un marché public auquel nous avons soumissionné voilà quelques années et retenus par l'État. Ce marché porte sur l'acheminement de colis, de zéro à trente kilogrammes, en messagerie. Tel est l'objet du marché initial, qui est en vigueur jusqu'en juillet 2021.

Au titre de ce marché, nous réalisons le transport de copies d'examen pour l'éducation nationale ou de munitions pour le ministère de l'intérieur. Tous types de produits sont transportés de façon régulière. Lorsqu'il s'est agi de greffer sur ce marché des prestations de transport aérien, qui n'étaient bien évidemment pas prévues initialement, nous avons, une fois notre proposition de service acceptée, sollicité la DAE pour signer un avenant. Cela a été fait très rapidement : notre proposition est partie le 21 mars et l'avenant signé le 23 mars. Un nouvel avenant a été signé par la suite pour le transport maritime, qui n'était pas non plus prévu dans le cadre de ce marché.

Pour répondre à votre question, le marché que nous avions avec la DAE n'allait pas au-delà d'une prestation de messagerie, pour des colis.

Sur le second point, je voudrais repréciser un certain nombre de points concernant l'opération à destination des pharmacies, au sujet de laquelle nous avons lu et entendu nombre de critiques.

Cette opération est née le 16 mars, à la suite d'une demande de la cellule de crise, pour le compte de SPF. Il s'agissait d'exécuter 29 000 ordres de transport vers 21 000 pharmacies, en trois vagues. Une opération de cette taille fait partie de ce que Geodis est capable de réaliser, mais nous avons été confrontés à un préavis très court. Néanmoins, nous avons répondu favorablement.

Les lots de masques ont été chargés sur le site de SPF à Marolles, puis acheminés vers trois plateformes d'éclatement au sein de notre réseau, à savoir Bonneuil-en-France, Châlons-en-Champagne et Gennevilliers. La difficulté que nous avons rencontrée tient essentiellement au conditionnement : nous avions 21 000 pharmacies à livrer, mais pas 21 000 colis. Il nous a fallu dégrouper des lots et les reconditionner pour allotir par pharmacie. Je ne vous cache pas que ce travail n'avait pas été anticipé lors de la commande initiale. Nous l'avons effectué, et ce dans un laps de temps extrêmement court. Nous avons choisi d'allotir par ville puis, dans chacune de nos agences de destination, nous avons reconditionné des lots par pharmacie.

Tout cela, je le répète, s'est effectué dans un laps de temps extrêmement court, puisque l'opération s'est déroulée du 17 au 20 mars. Certaines pharmacies ont vu arriver des cartons qui n'étaient pas pleins ou simplement des sacs hermétiques. Elles n'ont donc pas reçu une commande pharmaceutique traditionnelle, c'est‑à‑dire un colis bien emballé. Mais comment faire autrement dans la mesure où nous étions confrontés à un exercice de dégroupage, de reconditionnement et d'allotissement par pharmacie à réaliser dans un laps de temps extrêmement réduit ? De plus, il a fallu réétiqueter tous les colis par pharmacie. Dans une opération de messagerie traditionnelle, le client étiquette en apposant un code-barres, sorte de carte d'identité du colis. Là, il n'y en avait pas ; il a fallu créer ces étiquettes et les coller de façon à assurer la traçabilité complète du flux.

C'est dans ce contexte que nous avons réalisé cette opération. Des pharmaciens ont effectivement été surpris et se sont exprimés sur les réseaux sociaux. Nous avons pris soin de rappeler chacun d'entre eux et d'expliquer la situation. Le monde de la pharmacie a, je crois, compris. Certains pharmaciens nous ont même adressé des félicitations. J'ai personnellement appelé le président de l'ordre pour expliquer ce que je viens de vous exposer ; cela a été compris.

Des critiques existent, mais nous pensons réellement, compte tenu du volume et de l'impréparation de l'opération par le donneur d'ordre, avoir réussi l'opération de livraison des 21 000 pharmacies dans le laps de temps dont nous avons disposé.

Les grossistes-répartiteurs, qui sont normalement ceux qui livrent les pharmacies, ont pu être surpris de ne pas avoir été interrogés par la cellule de crise ou par SPF pour réaliser cette prestation et ils l'ont probablement mal pris. Auraient-ils fait mieux ou moins bien, dans le même délai ? Je n'en sais rien.

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Lorsque les chargements arrivent de Marolles, à Vitry-le-François, les stocks n'étaient donc pas conditionnés ?

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Stéphane Cassagne, directeur général du métier Distribution & Express de la société Geodis

. Ils étaient conditionnés dans des cartons, mais l'allotissement par destinataire n'était pas fait. Il nous a donc fallu constituer des chantiers de dégroupage, de tri et d'étiquetage, dans la nuit, de manière à faire partir nos ensembles routiers vers nos plateformes et nos agences de livraison dans les meilleurs délais. Nous n'avions pas forcément anticipé la nécessité de réaliser ce travail de dégroupage, regroupage et étiquetage dans notre approche initiale du dossier.

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Au manque de masques avéré en début d'année se sont ajoutés des ratés dans la distribution. Vous nous avez expliqué combien la chaîne logistique était longue, complexe, et à quel point les délais étaient courts. Je ne vous jette pas la pierre. Je constate simplement que la distribution dans les pharmacies a connu de grosses difficultés.

Je suis originaire de la région Grand Est. Initialement, presque la moitié des pharmacies de la ville de Nancy n'ont pas été livrées. Elles l'ont été avec retard et il y a eu des écarts entre les quantités attendues et les quantités livrées.

En tant que professionnel de santé effectuant régulièrement des prélèvements au niveau du rhinopharynx, je n'ai jamais pu trouver de masques FFP2 dans les pharmacies. Ce sont de grandes entreprises qui m'en ont livré. Lors des distributions aux pharmacies, quelle proportion de masques FFP2 a pu être livrée ?

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La présidente de votre directoire, Mme Lombard, s'est exprimée dans la presse à propos de la réaction de Geodis au tout début de la crise. Elle a dit qu'elle avait été informée par le président pour la région Asie-Pacifique que Singapour – où se situe le siège de l'entreprise dans la région – avait décidé d'imposer une quatorzaine dès le mois de janvier, parce qu'il y avait une alerte sur la crise pandémique. Vous avez pris des dispositions rapides à l'égard de vos salariés de la région Pacifique. J'aimerais savoir si vous avez été destinataires d'informations de la part de l'État chinois ?

Par ailleurs, votre entreprise vit de flux passant d'une frontière à l'autre. Quelles ont été les conséquences pour vous, et plus largement pour votre secteur d'activité, les conséquences du confinement ?

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Stéphane Cassagne, directeur général du métier Distribution & Express de la société Geodis

. Lors de l'opération de livraison des pharmacies, la proportion était d'une boîte de masques FFP2 pour onze boîtes de masques chirurgicaux.

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Éric Martin dit Neuville, membre du Comex, en charge de l'activité freight forwarding

Ayant des unités en Chine, nous avons eu connaissance de différentes instructions de confinement. En particulier, notre bureau de Wuhan a été fermé très tôt, et le président de notre organisation en Asie, ayant rapidement pris conscience du risque, a alerté le siège parisien. Par ailleurs, nous avons très vite vu le nombre élevé de malades ainsi que la réaction de la population et du gouvernement chinois, mais je ne pense pas que l'on puisse dire que le gouvernement chinois nous ait spécifiquement informés.

En ce qui concerne la période de confinement, nous avons rencontré des difficultés. La première d'entre elles a été de mettre en place la protection sanitaire nécessaire pour nos employés et de nous assurer que nous avions autant de salariés que possible en télétravail tout en maintenant dans l'intégralité de nos sites des conditions de travail convenables et acceptables pour les employés présents physiquement.

La seconde difficulté, dont nous avons eu très peur au départ – mais cela s'est mieux passé que nous le pensions –, concernait la capacité d'une entreprise de notre taille, compte tenu de notre type d'activité, à fonctionner à 70 % en télétravail. Grâce à nos outils informatiques – ils ont pu le faire pendant toute la crise. Nos équipes, dispersées, ont cependant rencontré des difficultés à travailler, sachant qu'à cela s'ajoutaient des opérations, comme le transport des masques de Chine vers l'Europe et leur distribution en France, qui étaient assez délicates en termes de délais, d'intensité et de mise en place.

Dans l'ensemble, ce serait mentir que de dire que la période a été facile, mais nous avons très bien traversé la crise compte tenu du contexte. C'est, je pense, un sentiment partagé par la direction de l'entreprise et par l'ensemble de ses collaborateurs. Nous avons récemment réalisé une enquête auprès d'eux pour savoir comment ils avaient vécu la manière dont l'entreprise avait géré et préparé la crise. Le taux de satisfaction est très élevé.

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Je tiens tout d'abord à remercier le groupe Geodis et ses collaborateurs pour leur mobilisation. Nous avons été très sensibles à leur travail et c'est, évidemment, une grande chance d'avoir dans notre pays un tel opérateur.

Outre l'État, des acteurs comme les collectivités territoriales et les entreprises se sont mis à acheter des masques. Nombre d'entre eux nous ont indiqué avoir été confrontés à des lourdeurs administratives en France : des contrôles de qualité auraient été ajoutés aux normes existantes. La France semble avoir été la seule en Europe à ajouter des normes et de la complexité, notamment en matière d'étiquetage. Avez-vous été confrontés à ces problématiques ?

Par ailleurs, certains nous ont expliqué que des fabricants n'honoraient pas leurs engagements : au dernier moment, les fabricants revendaient leurs produits à d'autres clients, plus rapides. Avez-vous connu de telles situations ?

Enfin, vous aurait‑il été possible de transporter davantage de masques ou pensez-vous que le maximum a été atteint ? Il ne vous a pas échappé que nous avons souffert, au début de la crise, d'une insuffisance de masques sur notre territoire.

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Je souhaite vous interroger sur les livraisons aux pharmacies, qui ont été un sujet polémique.

La messagerie n'est pas un métier simple. Vous l'assurez très bien mais l'une des conditions de la réussite est souvent de connaître les clients. J'ai été assez surpris quand j'ai appris que cette mission était confiée à Geodis alors que nous avons des répartiteurs comme OCP ou CERP, qui livrent les pharmacies une à deux fois par jour. C'est d'ailleurs une obligation inscrite dans le code de la santé.

Lorsque cette mission vous a été confiée – cela a fait, si j'ai bien compris, l'objet d'un avenant –, ne vous êtes-vous pas dit que c'était une mission impossible ? Compte tenu des conditions et du climat très anxiogène qui régnait – les pharmaciens étaient inquiets, pas nécessairement quant aux quantités mais plutôt quant à la livraison en temps et en heure des commandes –, avez-vous prévenu le donneur d'ordre que l'opération serait plus que délicate ? Avez-vous pensé à la refuser ou à négocier avec les répartiteurs ?

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Éric Martin dit Neuville, membre du Comex, en charge de l'activité freight forwarding

S'agissant des lourdeurs administratives, deux périodes se sont succédé.

Dans un premier temps, ceux qui tentaient d'importer des masques en France, parce qu'elles en avaient besoin pour des sites industriels et pour en distribuer aux populations, n'étaient pas habitués à l'importation de ces matériels ni aux flux administratifs que peuvent générer les autorités douanières en France. Il y a eu des frustrations liées au fait que les masques en provenance de Chine n'étaient pas toujours accompagnés de la documentation nécessaire et que les douanes faisaient leur métier, sans plus ni moins de zèle qu'auparavant, mais pouvaient donner ainsi, de temps en temps, l'impression de ralentir certaines importations.

Pour être tout à fait honnête, je pense que les autorités douanières ont très vite réagi. Dès le 26 mars, me semble-t-il, il y a eu une plus grande ouverture en ce qui concerne les normes et le type de documentation – les normes CE, notamment, n'étaient plus exigées. Dès lors, cela devenait mécaniquement plus facile, d'autant que le zèle des douanes était beaucoup moins grand qu'auparavant. Je n'ai donc pas vraiment ressenti de lourdeurs administratives particulières de la part des autorités françaises.

En revanche, et cela répondra en grande partie à votre question, nous avons subi des difficultés plus importantes avec les douanes chinoises qui, au fur et à mesure de la montée en charge des productions de masques, ont mis en place des contrôles de plus en plus exigeants. Cela a commencé par un enregistrement auprès des autorités, puis on a abouti à un contrôle physique de toutes les expéditions par des inspecteurs que je qualifierai, par défaut, des douanes chinoises. Ces nouvelles réglementations, imposées du jour au lendemain, ont engendré des écarts importants entre les dates prévues pour la mise à disposition des masques et le moment où il était possible de les charger dans un avion pour les exporter. C'est ce qui a le plus donné l'impression de délai, bien davantage que l'incapacité des manufacturiers chinois à produire en temps et en heure – ils étaient, eux aussi, soumis à des réglementations qui changeaient régulièrement, et devaient modifier leur étiquetage ou refaire leur production. Les autorités chinoises ont été particulièrement difficiles durant cette période.

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Éric Martin dit Neuville, membre du Comex, en charge de l'activité freight forwarding

Était-ce du protectionnisme ou la crainte d'inonder le monde de masques de mauvaise qualité ? Je n'ai pas d'avis personnel.

S'agissant de la troisième question, je pense que nous aurions pu transporter plus de masques plus tôt. Les capacités aériennes ont toutes été mobilisées par les opérateurs – Geodis et les autres – fin mars – début avril. Si les opérations avaient démarré plus tôt, nous aurions pu transporter plus de masques. Pour ce qui est de la période allant d'avril à juin, tout ce qui pouvait voler et transporter du cargo volait , et tout ce qui pouvait être transporté l'a été. Il aurait été difficile de faire davantage par voie aérienne et les solutions ferroviaires ou maritimes impliquent des temps de transport qui, à l'époque, ne correspondaient pas aux besoins. Je répondrai donc : avant, oui ; pendant, non, ou marginalement.

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Stéphane Cassagne, directeur général du métier Distribution & Express de la société Geodis

Pour revenir sur la question concernant les pharmacies, précisons que celles-ci ne sont pas nos clients. Le donneur d'ordre était SPF, avec qui nous avions déjà passé un marché. La question de l'avenant s'est posée avec la DAE pour cadrer la partie aérienne et maritime, mais pas avec SPF puisqu'un marché existait déjà pour le transport de produits de santé en température ambiante vers des établissements de santé, des laboratoires et des pharmacies. Nous livrions déjà des pharmacies pour le compte de SPF.

La mission était-elle impossible ? Certainement pas, tout d'abord parce qu'elle a été réalisée. Elle aurait pu être rendue plus facile s'il n'y avait pas eu les contraintes que j'ai rappelées, notamment si les masques avaient été regroupés en lots individuels par pharmacie et étiquetés, comme cela se passe normalement lors de la remise du fret par un client à un réseau de messagerie. Nous ne pouvions pas supposer, lorsque nous l'avons acceptée, entre le 16 et le 17 mars – dans un laps de temps extrêmement court –, que ces contraintes allaient être les nôtres. Nous n'avons appréhendé cela que lorsque nous sommes allés chercher les lots de masques dans les entrepôts.

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Les professionnels du secteur du transport n'ont pas été prioritaires en ce qui concerne l'accès aux écoles. Cela a‑t‑il été un problème pour la reprise du travail par vos collaborateurs ? Avez‑vous demandé que ce frein soit levé ?

Avez-vous été affectés par l'explosion du transport de colis, notamment pour Amazon, pendant le confinement ?

Enfin, avez-vous accordé une prime covid à vos salariés pour la période de la crise ? Dans l'affirmative, quel est son montant ?

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Je suis pharmacienne. Nous avons vécu une véritable désorganisation et une frustration. Il était annoncé que les 21 000 officines devaient être approvisionnées en masques, et les professionnels de santé venaient donc s'en procurer, mais nous n'en avions pas… Nous avons donc subi le très vif mécontentement de leur part alors qu'ils étaient en première ligne et devaient œuvrer sans masque. Comment le marché a‑t‑il été attribué ? Est‑ce par le biais d'un appel d'offres ? Sur quels critères avez‑vous été retenus ?

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Stéphane Cassagne, directeur général du métier Distribution & Express de la société Geodis

S'agissant de la gêne occasionnée à Geodis du fait des collaborateurs bloqués chez eux en raison de la fermeture des écoles, je ne pense pas que cela ait eu un impact sur le déroulement de nos opérations. D'abord, le volume de fret que nous avons eu à transporter dans notre réseau a été très affecté par le confinement : nous avions moins de fret à transporter, et donc moins besoin de main‑d'œuvre. Nous avons donc assez facilement géré la situation dans le cadre des dispositifs mis en place par l'État.

S'agissant d'Amazon et, plus largement, du e‑commerce, il n'y a pas eu d'impact sur les livraisons aux pharmacies – si c'était le sens de votre question. L'impact a été ressenti un peu plus tard pendant le confinement, et il est allé croissant. Alors que le e‑commerce représente traditionnellement entre 20 et 25 % du volume des expéditions, on était plutôt à 35 % en plein cœur du confinement, voire à près de 40 %.

Nous avons versé une prime covid. Nous devions le faire compte tenu de l'implication des équipes pendant cette période. Je rappelle que nos manutentionnaires et nos chauffeurs ont travaillé sans masque pendant un temps long. Nous avions mis en place des mesures de distanciation et des protocoles de livraison distanciée, mais nous n'avions pas de masques dans un premier temps. Nous nous devions de reconnaître la très forte implication de nos chauffeurs et de nos manutentionnaires. Nous avons versé une prime de 300 euros par personne en moyenne – en fonction de la durée de travail durant cette période.

Le marché conclu avec SPF date de juin 2017 : il n'est donc pas récent. Il vaut pour une durée de quatre ans. Il a fait l'objet d'un appel d'offres public auquel nous avons répondu, et il y a eu une analyse des caractéristiques du service que nous avions la capacité d'offrir et, évidemment, du tarif associé à ce service.

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Je vais faire écho à une audition du début de l'après‑midi au cours de laquelle il a été question de la fameuse doctrine de 2013 portant obligation aux employeurs privés et publics de constituer un stock en cas de pandémie. Avez‑vous eu connaissance de cette doctrine, et disposiez‑vous un stock ?

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Stéphane Cassagne, directeur général du métier Distribution & Express de la société Geodis

Pour être tout à fait honnête, nous n'avions pas connaissance de la doctrine dans le détail. En revanche, nous avions un stock datant d'une précédente pandémie – de grippe H1N1 –, que nous avions conservé. Ce stock a été donné, dans le cadre des réquisitions, à l'agence régionale de santé Grand Est.

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Aviez‑vous été informé de cette doctrine par votre ministère de tutelle ou dans le cadre de la profession ? Cette doctrine, élaborée en 2013, est très claire : elle invite les employeurs à avoir des stocks de masques pour permettre aux travailleurs d'être équipés en cas de pandémie et de confinement. Vous dites bien que vous n'aviez pas connaissance de cette doctrine ?

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Stéphane Cassagne, directeur général du métier Distribution & Express de la société Geodis

Ce stock a été restitué à l'État, en particulier à l'agence régionale de santé Grand Est, dès l'appel lancé dans le cadre des réquisitions.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 17 heures

Présents. - M. Julien Borowczyk, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Sereine Mauborgne, M. Bertrand Pancher, M. Jean-Pierre Pont

Assistaient également à la réunion. – Mme Josiane Corneloup, M. Nicolas Démoulin, Mme Martine Wonner