Commission des affaires sociales

Réunion du jeudi 11 février 2021 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • covid
  • critique
  • déprogrammation
  • réanimation
  • vaccination

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Jeudi 11 février 2021

La séance est ouverte à seize heures.

La commission procède à l'audition, en visioconférence, de Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins, sur la crise sanitaire.

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Notre commission des affaires sociales poursuit ses travaux de suivi de toutes les dimensions de la crise sanitaire. Après le directeur général de la santé ce matin, nous recevons cet après-midi Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins. Je précise que nous avons, depuis le mois de janvier, réalisé un nombre important d'auditions, notamment sur la question de la vaccination, et que nous prévoyons d'en organiser sur l'ensemble des aspects sanitaires et sociaux de la crise.

L'objet de cette audition n'est pas de revenir sur l'année écoulée, mais plutôt de faire un point d'actualité sur la crise sanitaire et de tenter de tracer des perspectives.

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Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins

En guise d'introduction, je propose de vous dire quelques mots sur les derniers travaux que nous avons réalisés et sur les sujets sur lesquels nous travaillons encore aujourd'hui.

Je voudrais commencer par souligner les évolutions relativement importantes que nous avons conduites au cours des mois d'octobre et de novembre, comparativement à la première vague. Nous avons beaucoup travaillé avec les sociétés savantes, les conseils nationaux professionnels (CNP) et la Haute Autorité de santé (HAS), pour permettre à notre système de santé de s'adapter à l'évolution de la crise sanitaire. Nous avons notamment cherché à identifier les leviers de dilatation de notre système de santé, puisque nous avons été confrontés à un afflux de patients dans les services de soins critiques, notamment les services de réanimation adultes, mais également en hospitalisation conventionnelle et en médecine de ville. Deux outils ont été développés à cette fin par les professionnels, auxquels nous avons adjoint des recommandations d'organisation sanitaire : les Usicovid, qui permettent d'accroître les capacités de prise en charge en soins critiques, et l'oxygénothérapie à domicile, qui s'est révélée extrêmement utile lors de la deuxième vague pour prendre en charge des patients, notamment en aval des hospitalisations. Il s'agit de travaux très importants. Je souhaite d'ailleurs remercier publiquement les CNP pour leur contribution et nous avoir ainsi aidés à armer notre système de santé. Ces leviers restent pertinents aujourd'hui. Nous y recourrons et nous pourrons y recourir davantage à l'avenir.

Parmi les sujets d'actualité, je souhaite vous faire part des travaux que nous menons actuellement, de nouveau avec les CNP, en particulier de chirurgie, sur l'impact des déprogrammations de la première et de la deuxième vagues. Nous travaillons d'une part sur la mesure de ces évolutions d'activité, qui ne sont pas homogènes selon les segments d'activité. Nous disposons des premiers chiffres globaux depuis la semaine dernière. Nous cherchons d'autre part à identifier les actes les plus pratiqués, ou les actes « traceurs » – cette information nous sera communiquée par les CNP, pour que nous puissions analyser l'impact des déprogrammations et reprogrammations sur la prise en charge des patients. Il s'agit d'un volet important et il paraît tout à fait important que nous nous livrions collectivement à cet exercice. En effet, la déprogrammation reste un levier permettant d'accroître les capacités de prise en charge, qui emporte néanmoins des conséquences. Toutefois, comme vous avez pu le constater, dans les régions fortement sous tension qui font face à des déprogrammations, celles-ci restent souvent partielles et augmentent par palier, de façon hétérogène et de façon beaucoup plus modulée que lors de la première vague.

Deuxièmement, les sociétés savantes, et en particulier la HAS, travaillent sur l'organisation de la prise en charge des patients ayant contracté le covid et souffrant de séquelles. Les réponses de la HAS devraient être disponibles dans les prochains jours. Mais nous travaillons d'ores et déjà avec les CNP à l'organisation de la prise en charge de ces patients. De fortes attentes sont exprimées à cet égard et il s'agit pour nous d'un sujet de préoccupation actuel et de long terme.

Notre troisième sujet de préoccupation tient aux ressources humaines. Les professionnels de santé sont soumis à de fortes pressions. Face à cette situation, nous avons actionné différents leviers, en particulier celui des formations professionnelles aux soins critiques, pour permettre l'organisation de renforts dans ces services. Près de 7 000 professionnels ont été formés au cours de l'année 2020. Nous avons développé, avec les CNP, des modules de formation rapide en octobre et novembre. Nous recensons à ce stade près de 1 000 inscrits, médecins et infirmiers. Un quart d'entre eux sont arrivés au terme de la formation ; les trois quarts restants sont en cours de formation. Il nous semble important de poursuivre cette action. D'autres outils seront par ailleurs mis à la disposition des agences régionales de santé (ARS) dans les jours qui viennent, telle que la majoration des heures supplémentaires et l'indemnisation des congés non pris. Ces outils avaient déjà été utilisés lors de la deuxième vague ; ils seront réactivés très prochainement.

Je conclurai mon intervention par un point sur la situation actuelle. Nous restons très attentifs et très préoccupés par la situation actuelle. 3 300 patients covid sont aujourd'hui en réanimation, sur un total de 5 800 patients en réanimation, soit un nombre supérieur à nos capacités initiales il y a un an ; de nombreux patients covid sont également soignés dans les services d'hospitalisation conventionnelle. Nous suivons l'évolution de la situation quotidiennement. Nous échangeons très régulièrement avec les ARS sous tension, dans les quatre à cinq régions concernées par un afflux de patients important. Nous avons procédé à quelques évacuations sanitaires dans le sud de la France ainsi qu'à Mayotte ; celles-ci restent très inférieures aux volumes que nous avons pu connaître, mais ce sujet fait l'objet d'un suivi attentif, en lien avec les ARS, à un rythme au moins hebdomadaire.

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J'ai bien entendu les axes sur lesquels vous travaillez, en particulier la formation des professionnels – qui permet de gagner en réactivité et participe de la reconnaissance –, l'indemnisation et le suivi au long cours des patients souffrant de séquelles liées à la covid. Je reconnais le travail mené par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) sur ce point.

Face au virus, l'équation est difficile à résoudre à mesure de l'évolution des connaissances et nécessite une adaptation constante. Au regard de la situation de nos voisins européens, les décisions prises au sein du Conseil de défense sous l'autorité du Président de la République semblent être les bonnes, l'enjeu consistant, dans le même temps, à pouvoir assurer la continuité de l'ensemble des soins. Une course de vitesse est engagée, avec l'objectif d'atteindre 4 millions de personnes vaccinées à la fin du mois de février et 15 millions au printemps. Nous sommes en passe de la gagner ; nous avons même dépassé l'Allemagne et l'Italie. Il ne s'agit toutefois pas d'une compétition ; je rappelle d'ailleurs que la stratégie vaccinale est européenne.

La DGOS occupe une place centrale dans la coordination des acteurs et des moyens. Elle s'appuie sur les soignants, dont il faut, une fois de plus, souligner l'engagement. Malgré cela, la course contre la montre est engagée, face notamment à la haute contagiosité du variant anglais. Si aucune action n'était mise en œuvre, les épidémiologistes considèrent, sur la base d'une contagiosité plus élevée à hauteur de 50 %, que le pic d'hospitalisations de la deuxième vague serait atteint fin mars, avec un risque de submersion des services hospitaliers.

En période de pandémie et de crise, l'enjeu consiste à mener à la fois une course contre la montre et une course de fond, en tenant compte des risques de dysrythmie sociale et de désocialisation, et avec la nécessité de soutenir la population dans une démarche positive de responsabilité collective.

Prévoir « le coup d'après » signifie peut-être apprendre à vivre avec le virus et ses variants, éventuellement sur une période longue. Quelle stratégie envisageriez-vous si nous assistions à la chronicisation du virus, au regard de la nécessité de pérenniser notre système de santé ?

Comment améliorer par ailleurs l'efficacité de la logistique, au plus près des lieux de vie de nos concitoyens en vue de l'immunité collective ?

Je tiens, pour finir, à attirer votre attention quant au fait que certains établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) étaient heureusement équipés d'oxygène, ce qui a permis de sauver la vie de nombreux résidents. Peut-être faudrait-il revoir la logistique de cet établissements au regard de l'oxygénothérapie ? Je souhaite également souligner qu'outre les déprogrammations d'actes de chirurgie, nombre de patients annulent leur opération par crainte de contracter la covid, ce qui constitue une problématique, sans compter les pertes de chance dans le cadre de la stratégie de prévention des cancers.

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Le 7 février, près de 20 000 nouveaux cas de covid étaient confirmés en France en une seule journée. Plus de 80 000 décès sont par ailleurs recensés dans notre pays depuis le début de la pandémie. La France est le vingt-deuxième pays au monde le plus touché par le covid, avec une mortalité de 1 171 décès par million d'habitants.

Ce matin, le directeur général de santé, Jérôme Salomon, nous a fait part d'une nette accélération de la vaccination. Le nombre de 2,5 millions de personnes vaccinées reste néanmoins très éloigné des objectifs fixés. À ce rythme, la France n'aura vacciné l'ensemble de sa population adulte qu'en 2026 – constat aussi édifiant que consternant.

Après le manque de masques au début de la pandémie, le manque de matériel dans les services, le manque de places en réanimation et le manque de personnels soignants, je serais tenté de vous interroger sur l'approvisionnement des vaccins. Mais le directeur général de la santé a évoqué ces sujets ce matin.

J'aurais par ailleurs souhaité avoir une vision plus générale. Au regard du manque de matériel, des problèmes de formation ou encore du manque d'équipes, et de l'expérience malheureuse que nous faisons dans le cadre de cette crise sanitaire, le Gouvernement et ses services ont-ils déjà réfléchi à une stratégie nationale, notamment sur la question des masques, des vaccins et de la formation du personnel, de façon que nous soyons immédiatement en mesure de réagir si nous devions, demain, faire face à une nouvelle épidémie ?

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Je souhaite commencer par la question des soins déprogrammés. Vous avez indiqué que des études étaient en cours. Quel est, au regard de l'ensemble des actes déprogrammés depuis un an, le pourcentage d'individus ayant bénéficié des soins ou des interventions prévus, au sein des établissements publics comme des établissements privés ?

S'agissant des systèmes d'information, les données de santé sont importantes pour suivre la vaccination, les patients et les éventuelles séquelles. Utilisez-vous le dossier médical partagé (DMP) pour le suivi de ces séquelles ? Les hôpitaux sont-ils équipés pour ce faire ?

Nous savons que de nombreux centres de vaccination se situent dans des établissements hospitaliers. Le choix s'est porté sur un système d'information autonome et extérieur au DMP et au carnet de vaccination électronique. Sur quels critères cette décision a‑t‑elle été prise ? Pourquoi ne pas avoir fait le choix d'utiliser le DMP et le carnet de vaccination électronique ?

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La gestion de la crise a été critiquée, parfois même de manière très violente. Nous souhaitons aujourd'hui vous entendre sur ce qui n'a pas, ou mal, fonctionné, ainsi que sur les voies d'amélioration en termes d'offre de soins.

Depuis le début de la crise sanitaire, de nombreux acteurs ont salué l'assouplissement de certaines procédures par la DGOS. Les ARS ont pu prendre des décisions dans des délais plus courts qu'habituellement, notamment concernant les autorisations relatives aux lits de réanimation. Quel est désormais le délai habituel par rapport au délai appliqué durant la période la plus critique de la crise ?

Par ailleurs, ne regrettez-vous pas d'avoir peu sollicité la médecine de ville, qui a eu le sentiment d'une mise à l'écart, ainsi que les établissements sanitaires privés, y compris à but non lucratif, qui étaient pourtant prêts à accueillir des patients ?

Enfin, alors que de nombreux services hospitaliers sont accaparés par la prise en charge des malades atteints de la covid, les patients souffrant d'autres pathologies ont pu voir leur rendez-vous ou leur intervention déprogrammés. Or la télémédecine ne peut pas remplacer toutes les consultations. Avez-vous pu anticiper cette dimension de la crise sanitaire ? Le cas échéant, de quelle manière ? Quels sont les aménagements ayant été mis en place suite aux enseignements tirés de la première, puis de la deuxième vagues ? Pouvez-vous dresser un état des lieux de la situation sanitaire au regard de ce non-recours ?

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Nous vivons une période surréaliste. Le Gouvernement ne cesse de prolonger l'état d'urgence sanitaire, alors qu'il ferait mieux, à mon sens, de décréter l'état d'urgence de l'offre de soins. En effet, si vous étiez parvenus à réaliser l'une de vos missions, à savoir assurer la qualité des soins, leur continuité et leur proximité, nous aurions peut-être pu ralentir la propagation de ce virus.

En parlant de qualité des soins, l'on peut s'interroger sur la qualité qui a été offerte concernant les masques, les tests et les vaccins. Rien n'a été anticipé. Pire, Sanofi engrange 10 milliards d'euros de bénéfices supplémentaires en 2020, que le groupe entend redistribuer à ses actionnaires tout en supprimant, dans le même temps, des centaines d'emplois et en fermant des centres de recherche.

Les notions de continuité et de proximité des soins sont quant à elles vides de sens dès lors que le Gouvernement supprime des crédits à l'hôpital public dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale. Ce faisant, il opte pour la voie la plus facile : imposer des restrictions à la population pour, peut-être, se donner bonne conscience, mais sans accompagner cette population.

Je ne prendrai qu'un exemple, celui du surcoût dans le budget des familles lié à l'achat des masques. Où trouver l'argent ? Quelle aide le Gouvernement apporte-t-il ?

Dans le département de La Réunion, la rectrice a rendu le port du masque obligatoire depuis le lundi 8 février pour les enfants de 6 à 10 ans dans les écoles primaires. Imposer de porter le masque huit heures durant en classe, alors que la température y atteint 35 °C en moyenne, voire même, dans certains cas et en l'absence de ventilation, 40 °C, me semble inacceptable. « Laissez nos enfants respirer ! », tel est le slogan des parents qui se sont regroupés dans un collectif et qui ont manifesté hier devant la préfecture de Saint-Denis. Cette manifestation a rencontré un vif succès.

L'Organisation mondiale de la santé dit elle-même que le port du masque a des conséquences néfastes sur les enfants. À cet égard, pourquoi ne pas mettre en place de roulements facilitant le respect de la distanciation ? Pourquoi ne pas octroyer des moyens financiers pour agrandir les lieux de restauration sachant que, selon les experts, le virus se propage essentiellement et plus facilement dans les cantines et les réfectoires ? Pourquoi ne pas embaucher des surveillants supplémentaires pour permettre le bon respect de la distanciation ? Avez-vous évalué les conséquences du port du masque sur les enfants, tant sur le plan de la santé que sur le plan social ?

Enfin, les secteurs de la culture, du sport et de l'événementiel vivent un tsunami économique. Quels protocoles sanitaires pourraient y être rapidement mis en place afin d'éviter une désocialisation de notre société ?

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Compte tenu du fait que la crise sanitaire se prolonge, n'y a‑t-il pas un risque à déprogrammer durablement des interventions ? Le retard constaté en particulier en oncologie n'a pas été rattrapé. Des hôpitaux périphériques et les cliniques privées ont consenti à ces déprogrammations alors que leurs services n'étaient pas toujours saturés par la gestion de la crise sanitaire. N'y a-t-il pas un meilleur équilibre à retrouver rapidement ?

Vous nous avez confié, lors de votre intervention, que vous réfléchissiez à l'impact de la déprogrammation et que la situation n'était pas homogène. Il serait intéressant que vous puissiez nous livrer de premiers enseignements, notamment sur l'hétérogénéité constatée. Est-elle territoriale ? Est-elle liée aux spécialités ? Quelles mesures pourriez-vous rapidement préconiser pour limiter les dégâts malgré la durée de cette crise et pour que nos concitoyens retrouvent une meilleure santé ?

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Ma question porte également sur les déprogrammations. Des actions sont-elles mises en place pour que le secteur public et le secteur privé travaillent de concert dans l'objectif de réduire les déprogrammations au maximum, sans charge supplémentaire pour les patients ?

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La crise sanitaire a révélé que notre système de santé n'était pas prêt à faire face à une telle crise et, tout au moins, n'en avait pas les moyens. Sur le terrain, nous avons pu constater combien la volonté, la réactivité, la souplesse et l'agilité dont ont fait preuve les directeurs d'hôpitaux et l'ensemble des professionnels de santé avaient permis de mettre en place des structures adaptées pour accueillir les malades et faire face à la situation. Je tiens d'ailleurs à leur rendre hommage.

Sur la base de ce constat, avez-vous pu évaluer le fonctionnement de notre système de santé, ses manquements et les évolutions à apporter ? Êtes-vous prête à le remettre à plat ? Quelle organisation nouvelle devons-nous inventer ? Quelle stratégie nationale devons-nous déployer en cas de crise ? Quelle gouvernance serait nécessaire pour mieux associer les élus ? Nous avons en effet pu constater sur le terrain que les élus s'investissaient dans leurs hôpitaux, s'investissaient en période de crise et qu'ils souhaitent également s'investir au niveau des agences régionales de santé.

Pour finir, les lits de réanimation, dont le manque vous a conduit à décider de mesures de confinement, sont un sujet central. Ne faudrait-il pas augmenter le nombre de spécialistes dans ce domaine et accroître le nombre de lits ? Comment justifier cette pénurie de lits de réanimation médicale, qui place la France dans les derniers rangs des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en équipements et en structures de réanimation ?

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Je souhaite vous poser une question concernant la formation des jeunes et l'apprentissage. Pour avoir interrogé plusieurs directrices et directeurs de centres de formation d'apprentis du secteur sanitaire et social, il semblerait qu'il y ait des freins. De nombreux EHPAD souhaiteraient recruter des jeunes, mais ne parviennent pas à le faire par le biais de l'apprentissage. Nous savons pourtant que ce mode de formation est vecteur d'emplois pour les jeunes. Pouvez-vous nous préciser quels sont ces freins et quelles mesures permettraient de les lever ?

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Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins

Concernant le soutien de la population, je me limiterai aux compétences de la DGOS. Il s'agit en effet d'un sujet important pour nous, notamment dans le champ de la santé mentale. Ce sujet fait partie de ceux sur lesquels nous travaillons avec la nouvelle commission nationale sur la psychiatrie et la santé mentale. Il fera sans doute également partie des sujets qui seront abordés dans le cadre de la préparation des Assises de la psychiatrie et de la santé mentale annoncées récemment par le Président de la République.

Au sujet de la chronicisation du virus, nous devons travailler, d'une part, à une adaptation rapide de notre système de santé nous permettant de prendre en charge un afflux de patients covid, quelles que soient les modalités de prise en charge – soins critiques, hospitalisation conventionnelle, médecine de ville. D'autre part, nous devons l'adapter pour qu'il puisse absorber des flux de patients supérieurs et faire ainsi face à une activité en accordéon. Pour répondre aux problématiques de court terme, nous formons des professionnels aux soins critiques, qui restent affectés en permanence à ces services. Dans une optique de plus long terme, nous devons préparer l'augmentation du nombre de personnes formées dans les instituts de formation en soins infirmiers, car nous avons besoin d'un plus grand nombre de professionnels. Cette mesure est d'ores et déjà prise pour la rentrée prochaine.

Nous réfléchissons également, avec les deux CNP de médecine intensive réanimation et de médecine anesthésie réanimation, au bon niveau de capacité en soins critiques, et singulièrement en réanimation. Sur ce point, je reste prudente quant aux comparaisons internationales, notamment avec les pays de l'OCDE, compte tenu des écarts de périmètre entre les soins critiques et la réanimation. Il n'en reste pas moins qu'il nous faut travailler sur la question des déterminants du bon niveau de capacité en soins critiques, incluant la réanimation, et de sa répartition sur le territoire. Plusieurs d'entre vous ont évoqué la situation de l'outre-mer. Ce sujet fait partie de ceux que nous devons examiner. Les travaux doivent démarrer prochainement, l'objectif étant de les finaliser à l'été 2020.

Concernant l'oxygénothérapie, vous avez évoqué le rôle des EHPAD. Je partage votre point de vue. Il est en effet très important que ces établissements disposent de matériel d'oxygénothérapie, tout comme les soins de suite et de réadaptation, qui ont joué un rôle fondamental dans plusieurs régions, et la médecine de ville.

Au sujet de la médecine de ville, il est vrai que l'activité a considérablement baissé lors de la première vague. En revanche, nous constatons un bon maintien d'activité de l'ensemble des professionnels en ville, auprès des patients covid et non‑covid, au second semestre 2020.

Vous m'avez interrogée à plusieurs reprises sur les données disponibles concernant la déprogrammation. Nous disposons, depuis quelques jours, de données globales sur la période allant de janvier à novembre 2020, pour le secteur public et le secteur privé. Ces chiffres permettent d'observer la forte chute intervenue au cours des mois de mars et d'avril 2020 et les évolutions par grande catégorie d'activité. Dans le domaine de la cancérologie, l'Institut national du cancer a diffusé les données dont il disposait. Nous devons désormais conduire un travail plus qualitatif et examiner, par catégorie de patients et par typologie d'activité, l'impact de ces déprogrammations en fonction de leur niveau dans le temps et dans l'espace. Ce travail doit être mené avec les professionnels de santé, afin que nous puissions aboutir à des recommandations. Il est en cours, sachant que nous ne disposons pas encore du détail des données pour toutes les activités.

Nous avons également examiné la part de la prise en charge des patients covid et des déprogrammations pour les secteurs publics et privés – lucratifs et non lucratifs. Nous disposons d'une photographie sur quatre jours, en avril, novembre, décembre 2020 et janvier 2021. Ces chiffres nous permettent de constater que le secteur privé a pris en charge des patients covid, à hauteur de sa part d'activité dans le domaine des soins critiques. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait jamais eu de difficulté, mais prouve néanmoins que le secteur privé a bien participé à la prise en charge de ces patients. Il nous appartient collectivement, au niveau national et des ARS, de veiller à ce que l'organisation de la prise en charge des patients covid et non‑covid soit équitable sur les territoires en tension. Les fédérations privées y sont très attentives. Nous le sommes également. Nous avons d'ailleurs recommandé que des instances d'organisation territoriale pilotées par les ARS soient mises en place à la fois avec les représentants des établissements publics et privés, mais également avec des représentants des médecins libéraux. Il est essentiel que les discussions sur l'organisation de la prise en charge soient transsectorielles.

Concernant la formation, il nous faut poursuivre la formation des professionnels. Je crois à l'augmentation des capacités. Je pense également que des mesures d'attractivité, notamment pour l'apprentissage, nous permettront d'attirer davantage vers les métiers de soignants, en établissement et dans le secteur médico-social. Notre système doit évoluer à l'aune des enseignements de la crise que nous avons vécue. Tel est déjà le cas s'agissant des EHPAD. Dans le cadre du Ségur de la santé, la décision a en effet été prise de pérenniser et de financer l'appui sanitaire mis en place auprès de ces établissements pour s'assurer d'une astreinte gériatrique, de l'intervention d'équipes mobiles de gériatrie et du renforcement des intervenants libéraux si nécessaire. Il s'agit d'un point extrêmement important.

Vous avez évoqué d'autres évolutions, comme la téléconsultation, dont je considère qu'elle ne se substitue pas à la consultation physique, mais qu'elle a néanmoins trouvé une place très importante qu'elle doit conserver dans la palette des modalités de prise en charge. Cette évolution prouve que notre système de santé doit s'inscrire dans une dynamique pour améliorer la prise en charge en période de crise et son fonctionnement de manière générale. Nous disposons de plusieurs leviers pour ce faire.

La mécanique des autorisations exceptionnelles octroyées aux établissements publics et privés dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire est en effet beaucoup plus rapide que le régime des autorisations de droit commun. Nous travaillons actuellement sur une ordonnance qui permettrait de simplifier et d'accélérer tous les renouvellements d'autorisation. Il s'agit d'un des enseignements importants de cette crise : nous devons assouplir nos cadres et le pilotage d'un certain nombre de dispositifs doit être confié aux ARS plutôt qu'aux directions centrales. À titre d'exemple, le dispositif de majoration des heures supplémentaires qui, il y a un an, était à la main de la DGOS, doit être transféré aux ARS. Nous devons tirer tous les enseignements de cette crise pour faire évoluer notre système avec un double objectif : continuer d'adapter ce système à la gestion de la crise actuelle pour améliorer la prise en charge des patients covid et non-covid et tirer des enseignements plus généraux sur le fonctionnement de notre système de santé en régime de droit commun, quel que soit le segment d'activité.

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Permettez-moi de revenir sur le sujet des systèmes d'information des établissements publics et privés, dont je me demande s'ils sont à la hauteur. J'ai eu l'occasion de visiter les centres de vaccination. Il est vrai que les hôpitaux publics sont très impliqués dans ce processus. Les systèmes d'information de ces établissements sont-ils au niveau pour que celui-ci soit géré par l'intermédiaire du DMP et du carnet de vaccination électronique ?

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Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins

Je n'ai effectivement pas répondu à cette question, car le sujet de la vaccination ne relève pas de ma direction. Je ne suis donc pas la mieux placée pour vous répondre. Je demanderai à Jérôme Salomon de le faire.

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Je l'ai interrogé ce matin sur point. Il m'a répondu que la décision d'opter pour un système d'information extérieur au DMP classique avait été prise collectivement par l'ensemble des directions.

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Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins

Je ferai en sorte qu'une réponse vous soit apportée.

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Au nom de l'ensemble des députés, je vous invite à faire savoir aux personnels des ministères et des administrations œuvrant pour notre système de santé que nous leur sommes reconnaissants. Nous savons que vous n'avez pas compté votre temps. Il est important de le souligner.

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Je partage ces propos, qui me serviront également de conclusion. Nous sommes toutes et tous reconnaissants de la forte mobilisation de l'ensemble des services.

Madame Julienne, je vous remercie pour les réponses claires et précises que vous nous avez apportées.

La séance s'achève à seize heures quarante-cinq.