Publié le 2 décembre 2021 par : M. Acquaviva, M. Questel, M. Castellani, M. Colombani, M. Molac, M. Mattei, M. Pupponi, M. Millienne, M. Clément, M. Charles de Courson, Mme De Temmerman, Mme Dubié, Mme Frédérique Dumas, Mme Kerbarh, M. François-Michel Lambert, M. Lassalle, M. Nadot, M. Pancher, Mme Pinel, M. Simian.
Substituer aux alinéas 16 à 18 les onze alinéas suivants :
« 4° L’article L. 4422‑16 est ainsi modifié :
« a) Le I est ainsi modifié :
« – au premier alinéa, après les deux occurrences du mot : « dispositions », sont insérés les mots : « législatives ou » ;
« – à la fin du second alinéa, les mots : « et au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse » sont remplacés par les mots : « , et au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse et, lorsqu’elles portent sur des dispositions législatives, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat » ;
« b) Le II est ainsi modifié :
« – au deuxième alinéa, les mots : « , dans le respect de l’article 21 de la Constitution, » sont supprimés ;
« – à la fin du troisième alinéa, les mots : « et au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse » sont remplacés par les mots : « , et au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat » ;
« c) Le III est ainsi rédigé :
« « III. – Lorsque l’Assemblée de Corse estime que les dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration présentent, pour l’exercice des compétences de la collectivité de Corse, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île, elle peut demander au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant le cas échéant des dérogations aux règles en vigueur, en vue de l’adoption ultérieure par le Parlement de dispositions législatives appropriées.
« « La demande prévue au premier alinéa du présent III est faite par délibération motivée de l’Assemblée de Corse, prise à l’initiative du conseil exécutif ou des membres de l’Assemblée de Corse après rapport de ce conseil. Elle est transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre, au représentant de l’État en Corse et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
« « La loi fixe la nature et la portée de ces expérimentations, ainsi que les cas, conditions et délais dans lesquels la collectivité de Corse peut faire application de ces dispositions. Elle fixe également les modalités d’information du Parlement sur leur mise en œuvre.
« « Les mesures prises à titre expérimental par la collectivité de Corse cessent de produire leur effet au terme du délai fixé si le Parlement, au vu du rapport d’évaluation qui lui est fourni, n’a pas procédé à leur adoption ou modification. » ;
« d) Après le V, il est inséré un V bis ainsi rédigé :
« V bis. – Le Premier ministre accuse réception des propositions qui lui sont transmises sur le fondement du présent article. Chaque année, avant l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée de Corse, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui indique les suites qui ont été données à ces propositions. Ce rapport est rendu public. »
Le présent amendement introduit, à l’article L. 4422‑16 du code général des collectivités territoriales, une procédure permettant à la collectivité de Corse de demander d’expérimenter des mesures relevant de dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration lorsqu’elles présentent, pour l’exercice de ses compétences, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île.
D'une part, ce dispositif vise à accroître l’effectivité de la procédure du II de l’article L. 4422‑16 en vigueur afin, in fine, de renforcer le pouvoir réglementaire de la collectivité de Corse. Cet objectif est donc pleinement cohérent avec ce projet de loi 3DS puisque la ministre Jacqueline Gourault a déclaré souhaiter amplifier la dévolution du pouvoir réglementaire aux collectivités (allocution du 1er octobre 2019 devant le congrès des régions de France).
D'autre part, cet amendement réintroduit la disposition de la loi du 22 janvier 2002, censurée par le Conseil Constitutionnel, autorisant l’Assemblée de Corse, lorsque les dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration présentent, pour l’exercice des compétences de la collectivité territoriale, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île, de demander au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant le cas échéant des dérogations aux règles en vigueur.
Dix-neuf ans après la censure prononcée par le Conseil constitutionnel, il est permis de considérer que sa décision serait aujourd’hui différente dans la mesure où le constituant a clairement exprimé son souhait de surmonter cette inconstitutionnalité. La loi constitutionnelle n° 2003‑276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République a en effet introduit un quatrième alinéa à l’article 72 de la Constitution qui prévoit que « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ».
Les travaux préparatoires de cette révision constitutionnelle sont éclairants. M. Pascal Clément, rapporteur pour la commission des Lois de l’Assemblée nationale, constatant que « le Conseil constitutionnel a censuré, dans la même disposition, la possibilité d’habiliter la collectivité territoriale de Corse à procéder à des expérimentations comportant des dérogations aux dispositions législatives en vigueur, considérant que, en autorisant la collectivité à prendre des mesures relevant du domaine de la loi, le législateur était intervenu dans un domaine qui ne relève que de la Constitution » affirme que « c’est précisément afin d’autoriser l’expérimentation dans les domaines relevant de la compétence législative que le projet de révision constitutionnelle introduit ce quatrième alinéa à l’article 72 ». Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, M. René Garrec, a quant à lui écrit que cette « procédure pourrait s’apparenter à celle prévue au profit de la collectivité territoriale de Corse : demande d’habilitation par la collectivité territoriale, adoption d’un décret ou d’une loi d’habilitation autorisant l’expérimentation dans un domaine et pour une durée limités, évaluation du dispositif conduisant soit à la poursuite de l’expérimentation, soit à son abandon, soit à sa généralisation ».
De plus, le dispositif proposé s’inscrit dans la lignée du projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, adopté par le Parlement le 16 mars dernier. Ce texte ouvre, à l’article L.O 1113‑6 du code général des collectivités territoriales, la voie à une pérennisation différenciée, selon les territoires, d’adaptations expérimentales d’ordre législatif.
Comme en 2002, le présent amendement prévoit que la demande soit formulée par délibération motivée de l’Assemblée de Corse, prise à l’initiative du conseil exécutif ou de l’Assemblée de Corse.
Il appartiendra au législateur de fixer la nature et la portée de ces expérimentations, ainsi que les cas, conditions et délais dans lesquels la collectivité de Corse peut faire application de ces dispositions. Il est prévu que soient également fixées les modalités d’information du Parlement sur leur mise en œuvre.
Enfin, les mesures prises à titre expérimental par la collectivité de Corse cesseront de produire leur effet au terme du délai fixé si le Parlement, au vu du rapport d’évaluation qui lui est fourni, n’a pas procédé à leur adoption ou modification.
A noter que les présentes dispositions, proposées à droit constitutionnel constant, sont bien en-deça de l'avènement d'un véritable statut d'autonomie pour la Corse que réclament les auteurs de l'amendement et la majorité territoriale qui a largement remporté les dernières élections territoriales en juin 2021.
Le présent amendement tient compte des dispositions adoptées par la commission des Lois, à l’initiative du rapporteur, pour mieux encadrer les réponses apportées par le Gouvernement aux demandes qui lui sont transmises. Celles-ci seront également adressées aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, conformément au dispositif adopté par le Sénat.
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