Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 10h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires a entendu M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'Intérieur.

L'audition débute à dix heures trente.

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Acteur clé en matière de risques nucléaires, le ministère de l'intérieur intervient à plusieurs titres : au titre de la sécurité au sens strict, avec les forces de police et de gendarmerie, chargées de sécuriser les installations nucléaires de base ainsi que les transports de matières radioactives, mais aussi au titre de la sécurité civile, dont la mission est d'alerter et d'informer les populations ainsi que de les protéger.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires imposant aux personnes auditionnées de déposer sous serment, je vais vous demander, monsieur le ministre d'État, de jurer de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

M. Gérard Collomb prête serment.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation à m'exprimer dans le cadre de cette commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires ; il s'agit bien évidemment là d'un enjeu tout à fait fondamental.

Dans tous les pays, on dispose d'installations nucléaires avec des systèmes de sécurité qu'on essaie d'avoir les plus performants possible. Mais ce problème se pose avec une acuité particulière en France puisque, avec cinquante-huit réacteurs répartis sur dix-neuf sites, nous disposons du deuxième parc nucléaire au monde.

Je commencerai mon propos par une précision terminologique. Si le ministère de l'intérieur a des compétences importantes en matière de sécurité des installations nucléaires, la sûreté de celles-ci ne relève pas de son ressort ; il faut donc bien faire la distinction entre sécurité et sûreté. En d'autres termes, le rôle du ministère que j'ai l'honneur de diriger est de prévenir, de contrer et le cas échéant, de gérer les conséquences d'actes de malveillance ou d'actes terroristes. Mais nous n'intervenons pas directement, sauf pour ce qui concerne la protection civile, sur des sujets liés à la capacité des installations à faire face à des incidents techniques internes. Cette compétence revient à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et aux opérateurs exploitant les centrales, en lien avec le ministère de la transition écologique et solidaire.

C'est donc bien la manière dont nous agissons pour lutter contre les actes intentionnels de malveillance que j'évoquerai avec vous aujourd'hui, en veillant à vous donner le maximum d'informations – dans le respect évidemment du secret de la défense nationale, évidemment incontournable sur ces sujets sensibles.

Un point de contexte tout d'abord : nous vivons en cette matière un vrai changement de paradigme depuis les attentats que nous avons connus, dans la mesure où la menace est toujours présente sur notre sol. Si nous avons connu des attentats qui ont frappé un certain nombre de lieux publics, nous pouvons avoir demain un certain nombre d'attentats qui visent ce que l'on appelle les « opérateurs d'importance vitale », et en particulier une centrale nucléaire.

C'est à partir de ce constat que mes prédécesseurs ont engagé un mouvement de renforcement de nos capacités de protection. À l'été 2017 a ainsi été créé – le projet était en cours depuis de longues années – le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire, le COSSEN, qui est dirigé par le général Cormier, assis à mes côtés, et placé sous la double tutelle du ministère de l'intérieur et du ministère de la transition énergétique et solidaire.

Pourquoi le COSSEN ? Parce que si l'État a toujours pris en compte la menace pesant sur les sites nucléaires, il ne disposait pas jusqu'à présent d'un outil permettant de garantir une action coordonnée entre tous les acteurs.

Cette difficulté est aujourd'hui levée, puisque, dans ce centre de commandement, soixante-quatre gendarmes, policiers et personnels civils ont pour mission de garantir l'échange d'informations entre les différents services, de produire une analyse de l'état de la menace à partir des renseignements et des signaux faibles recueillis, et de définir ainsi une stratégie cohérente pour tous les acteurs impliqués dans la sécurité des installations nucléaires : services de renseignement, policiers et gendarmes amenés à intervenir en cas d'attaques ou d'actes de malveillance, préfets, opérateurs, tous sont mis en synergie. C'est donc avec un outil opérationnel performant que le ministère de l'intérieur intervient aux côtés de ses partenaires de la communauté interministérielle que sont le ministère de la transition écologique et solidaire, le ministère des armées, et le secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale. Nous le faisons autour de trois axes majeurs, que je voudrais détailler maintenant.

Premier axe d'action : anticiper et prévenir la menace.

Notre principal objectif est évidemment de détecter les actes de terrorisme ou les actes de malveillance le plus en amont possible. Pour cela, depuis 2006 et la mise en place du dispositif de sécurité des activités d'importance vitale, une révision de l'état de la menace est régulièrement menée sous l'autorité du secrétariat général de la défense nationale, qui concerne, entre autres sites, les sites nucléaires.

C'est dans ce cadre qu'au niveau du ministère de l'intérieur, nous travaillons à mobiliser l'ensemble de la communauté du renseignement, à laquelle nous demandons de prendre en compte cette menace spécifique, y compris en faisant remonter un certain nombre de signaux faibles. La DGSI, depuis de nombreuses années, et le Service central du renseignement territorial, depuis 2015, bénéficient en outre de sections spécialisées en renseignement nucléaire, qui nous permettent d'obtenir une haute qualité d'information.

La totalité des éléments qui nous remontent est traitée et analysée par le COSSEN, qui adresse ses notes aux services de l'État, mais aussi à certains opérateurs, afin de garantir un partage optimal de l'information.

Le dispositif du renseignement est donc pleinement mobilisé, et le renforcement à venir de ses moyens, tant humains – 2 000 postes supplémentaires – que technologiques, bénéficiera évidemment à la sécurité des installations nucléaires.

J'en viens à un point spécifique mais particulièrement crucial : la question du criblage pour les autorisations d'accès aux installations nucléaires.

Sur ce sujet, les derniers mois ont été marqués par de réels progrès. Avant la création du COSSEN en juillet 2017, il n'y avait pas de règle unique en matière d'enquêtes administratives préalables à la délivrance d'autorisations : certaines passaient par les préfectures, d'autres par le CEA, peu de fichiers étaient consultés et les résultats manquaient parfois de cohérence. Depuis huit mois, l'opérateur, quel qu'il soit – EDF, AREVA, CEA, etc. –, doit transmettre sa demande de criblage au COSSEN qui est en capacité de consulter neuf fichiers, parmi lesquels le TAJ (traitement d'antécédents judiciaires), le FPR (fichier des personnes recherchées), le FSPRT (fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation terroriste) et quelques autres fichiers encore plus confidentiels, pour émettre un avis administratif documenté en retour. L'opérateur prend ensuite une décision d'accès, positive ou négative.

En huit mois, 125 000 enquêtes ont déjà été traitées, qui ont donné lieu au final à 753 avis défavorables, soit 0,6 % du total. Ces avis défavorables sont motivés le plus souvent par des comportements liés à la consommation régulière de produits stupéfiants ; viennent ensuite les vols aggravés, les escroqueries ou les violences graves. Mais quinze avis défavorables sont liés à des phénomènes de radicalisation.

Deuxième axe d'action : assurer la protection en tant que telle des sites nucléaires et de leurs abords.

Cette responsabilité est, comme pour l'ensemble des opérateurs d'importance vitale (OIV), confiée au niveau local aux préfets qui doivent à la fois approuver le plan particulier de protection (PPP) rédigé par l'opérateur, ce qui leur donne une réelle latitude d'action, et élaborer le plan de protection externe (PPE) visant à protéger les abords du site, à planifier les capacités humaines et matérielles déployées à cet effet par l'État, mais aussi à mettre en place des mesures de surveillance sur les zones périphériques.

Pour l'un comme pour l'autre, les préfets bénéficient évidemment de l'appui du COSSEN. Mais leur connaissance intime des enjeux de sécurité sur leur territoire, nourrie des réunions avec les élus, les acteurs associatifs et les acteurs privés, est irremplaçable, et c'est pour cela que le système me semble tout à fait pertinent – sous réserve bien sûr que les PPP et PPE soient régulièrement révisés et évalués avec, le cas échéant, des exercices de simulation avec retours d'expérience.

Afin de renforcer la sécurité des sites nucléaires et de leurs abords, le ministère de l'intérieur a par ailleurs soutenu les évolutions législatives et réglementaires ayant conduit à la création des zones nucléaires à accès réglementé (ZNAR), associées à des sanctions applicables en cas d'intrusion – prévue par les articles L. 1333-13-12 et suivants du code de la défense ajoutés par la loi n° 2015-588 du 2 juin 2015 et l'article D. 1333-79 du même code ajouté par le décret d'application n° 2015-1255 du 8 octobre 2015 et complété par des arrêtés pris pour chacune des installations entre 2016 et 2017. Les peines encourues sont désormais d'un an à sept ans d'emprisonnement, et de 15 000 à 100 000 euros d'amende selon que ces intrusions ont été commises en réunion, accompagnées de dégradations ou réalisées avec des armes. Ces mêmes peines s'appliquent à ceux qui organisent ou encouragent ces actes illégaux.

Le ministère de l'intérieur est donc impliqué dans la sécurité physique des différents sites. Il l'est aussi dans la sécurité de leurs systèmes d'information.

La loi de programmation militaire de 2013 définit pour les opérateurs d'importance vitale un certain nombre d'obligations en la matière, dont le contrôle est assuré par l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Vous savez par ailleurs que la lutte contre la cybercriminalité est devenue un axe essentiel : le ministère de l'intérieur recrutera à cet effet 800 cyberpatrouilleurs durant le quinquennat. Il s'agit là d'un aspect essentiel : si demain des organisations malveillantes, voire terroristes, étaient en mesure de désactiver les systèmes anti-intrusion de nos centrales ou d'en obtenir les plans détaillés, ce serait évidemment une source de vulnérabilité majeure.

Je n'hésite donc pas à affirmer avec une certaine gravité que la sécurité de nos installations nucléaires passe aussi par leur cybersécurité. La menace cyber est de plus en plus réelle au fur à mesure que les attaques se multiplient, qu'elles soient le fait de groupes mafieux ou d'États décidés à menacer tel ou tel pays.

Troisième axe d'action : la réaction, c'est-à-dire la mise en place de dispositifs dans le cas où une attaque surviendrait. Comme vous l'avez constaté, nous faisons tout pour l'éviter, mais il faut toujours se préparer au pire.

Vous savez qu'en la matière, le temps est une denrée précieuse : plus on intervient rapidement, plus on peut espérer éviter une catastrophe. C'est dans ce but qu'ont été mis en place en 2009 les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG), vingt groupes spécialisés regroupant 1 024 militaires présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre à l'intérieur et aux abords des dix-neuf sites nucléaires de production d'électricité (CNPE) en activité et sur le site en cours de démantèlement de Creys-Malville.

L'originalité de ces unités tient au fait qu'elles constituent tout à la fois la dernière réponse de l'opérateur qui, vous le savez, est chargé de la sécurité à l'intérieur de la centrale, et la première réponse de l'État en matière de sécurité nucléaire. Chaque PSPG dispose en effet d'un détachement d'intervention sanctuarisé, présent en permanence dans chaque site, pour apporter une primo-intervention contre une éventuelle attaque terroriste.

En cas d'attaque, d'autres effectifs sont en capacité d'intervenir et de garantir une réponse rapide, à commencer par les groupements de gendarmerie départementale et des directions départementales de la sécurité publique, en coordination avec les PSPG et, si l'on passe au degré supérieur, les antennes du GIGN et du RAID les plus proches du lieu de l'attaque.

Les effectifs des PSPG ont été renforcés de plus de 25 % depuis 2013 afin de mieux prendre en compte la menace. Ce dispositif, pleinement intégré au Schéma national d'intervention adopté en 2016, s'adapte en permanence aux nouvelles menaces et réévalue au moins annuellement son efficacité. L'effectif des PSPG me semble ainsi, au regard des menaces connues à ce jour, cohérent.

Enfin, parce qu'il est chargé de la protection des populations, le ministère de l'intérieur a pour mission d'organiser le dispositif de sécurité civile en cas de catastrophe, qu'elle soit d'origine accidentelle ou criminelle.

Ainsi, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises – la DGSCGC, dont le directeur, Jacques Witkowski est ici présent – participe activement à la Mission nationale d'appui aux risques nucléaires, en contribuant notamment à la préparation à la gestion de crise dans les préfectures : élaboration des plans particuliers d'intervention, formation des acteurs à la gestion de crise et coordination des exercices nucléaires. En cas de crise grave, la DSCGC est en mesure de mobiliser en moins d'une heure 47 cellules mobiles d'intervention radiologique (CMIR), soit environ 300 personnels spécialisés, ainsi que 35 unités mobiles de décontamination (UMD).

Il est à noter également qu'à la suite de l'accident de Fukushima, l'organisation de la réponse de sécurité civile (plan ORSEC) a été complétée par un plan national de réponse à un accident nucléaire ou radiologique majeur. Élaboré sous l'autorité du SGDSN entre 2012 et 2013, ce plan a fait l'objet d'une phase de test au cours de l'exercice en 2013, avant d'être validé. Publié en 2014, il fait maintenant référence au niveau international en matière de planification stratégique de crise, et il est décliné sur l'ensemble des zones de défense et des départements. Il permet d'envisager une réponse adaptée sur l'ensemble du territoire national, tout en prenant en compte la nécessaire information du public et la dimension transfrontalière d'une crise de cette nature.

Parmi les mesures qui doivent être appliquées à la population, la mise à l'abri et l'écoute des recommandations et consignes de protection des pouvoirs publics sont les premières à devoir être mises en place. Dans un second temps, en fonction des événements, l'ingestion de comprimés d'iode stable, l'interdiction de consommation des produits contaminés ou l'évacuation de la population peuvent venir compléter les premiers dispositifs.

Le retour d'expérience de l'accident de Fukushima met principalement en exergue la nécessaire préparation des évacuations. C'est la raison pour laquelle les nouveaux plans particuliers d'intervention (PPI) autour des centrales nucléaires de production d'électricité prévoient une planification en profondeur de l'évacuation des populations situées dans un rayon de cinq kilomètres autour des installations, ainsi qu'une distribution préventive de comprimés d'iode stable sur un rayon de vingt kilomètres.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les premiers éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Je me tiens naturellement à votre disposition pour répondre à vos questions.

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Merci, monsieur le ministre d'État, pour cet exposé qui nous permet de voir comment s'articulent les différentes mesures de sécurité des installations nucléaires – et nous resterons effectivement sur la sécurité, la sûreté ne vous concernant pas directement.

Vous nous avez expliqué que la création du COSSEN avait permis de mutualiser non seulement les moyens, mais aussi les informations. Mais nous pourrons en parler la semaine prochaine, quand nous auditionnerons le COSSEN.

Cela étant dit, le ministère l'intérieur dispose-t-il, au-delà d'une structure spécifiquement consacrée aux sujets de sécurité nucléaire, d'un pouvoir de prescription en matière de sécurité des installations nucléaires vis-à-vis des producteurs ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Oui, bien évidemment. Comme je l'ai dit, le plan est décidé au niveau national, dans des comités interministériels de défense, de manière à pouvoir s'appliquer à tous les opérateurs. Un certain nombre de consignes sont données pour pouvoir organiser la sécurité. Et comme l'illustre le petit croquis que je vais vous faire passer, il existe, entre la zone qui dépend de l'opérateur et celle qui dépend du ministère de l'intérieur et des préfets chargés de faire appliquer la sécurité, une zone de contact, une interface où peuvent intervenir les PSPG.

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Nous sommes preneurs de ces petits croquis…

Au cours de nos auditions, on revient fréquemment sur le pouvoir de contrôle de l'ASN, qui porte uniquement sur les questions de sûreté. Mais si sécurité et sûreté sont bien différentes, elles se recoupent parfois : par exemple, la question de la solidité des installations face aux risques d'attaque se recoupe avec celle de la solidité des mêmes installations face aux risques d'accidents. L'ASN a estimé qu'elle devrait prendre également en charge ce qui relève de la sécurité passive, sur laquelle elle aimerait avoir un pouvoir de contrôle. Qu'en pensez-vous ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

La principale qualité de l'ASN est de garantir la transparence la plus complète possible sur les problèmes de sûreté de nos équipements nucléaires. Mais sur les problèmes de sécurité qui dépendent du ministère de l'intérieur, certains éléments ne peuvent être divulgués – par exemple, les renseignements provenant de la DGSI et des services secrets qui remontent au COSSEN, ou les vérifications dans les fichiers auxquelles procède le COSSEN pour effectuer le criblage. En revanche, nous n'avons aucun préjugé sur les coopérations que l'on pourrait mettre en place ou renforcer, sur certains points, entre l'ASN et les missions de sécurité publique, afin de mieux lier sûreté et sécurité.

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Vous nous avez parlé des différents niveaux de sécurité, à savoir l'anticipation, la protection des sites et les dispositifs en cas d'attaques. Le ministère de l'intérieur dispose-t-il aujourd'hui d'informations sur des tentatives de sabotage, d'attaques, physiques ou cybernétiques, qui auraient été menées à l'encontre d'installations nucléaires ? Les installations nucléaires au sens large…

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Transports compris.

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Je vise en effet toute la chaîne de sécurité. Est-ce que cela remonte au ministère ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Évidemment. Le ministère de l'intérieur travaille sur l'ensemble des sujets. Parfois, nous faisons quelques remarques en matière de transports, afin que ceux-ci ne soient pas trop prévisibles. Pour le moment, aucune attaque n'a été enregistrée, mais il faut sans doute renforcer la sécurité. Sur les centrales nucléaires, c'est assez bien assuré ; sur d'autres équipements, ce peut être plus complexe. Le directeur du COSSEN, lorsqu'il s'exprimera devant vous, vous fera part des remarques que nous émettons et des directions que nous devons emprunter pour renforcer encore la sécurité.

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Je précise, pour que tous ceux qui suivent nos auditions soient bien éclairés, que nous transmettons par avance aux personnes auditionnées les questions que nous souhaitons leur poser. Ainsi, elles peuvent nous adresser des réponses écrites un peu détaillées…

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Nous pourrons aussi vous faire passer par écrit des informations précises.

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Et nous vous en remercions.

Le criblage des personnels autorisés à rentrer sur les installations est un sujet très important. Vous venez d'expliquer comment la procédure a été améliorée depuis huit mois. Les sous-traitants sont-ils également concernés ? Où en est-on des échanges de fichiers au niveau international ? Il semblerait que ces échanges ne soient pas activés, si bien que des étrangers peuvent travailler sur des installations avec une habilitation délivrée par les autorités françaises, sans que celles-ci aient eu connaissance de tous les éléments. Le confirmez-vous ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Nous criblons toutes les personnes, y compris les sous-traitants, qui travaillent à l'intérieur des zones sensibles. Effectivement, un certain nombre de personnes venant de l'extérieur pourraient ne pas être connues de la DGSI : cela peut représenter un point de faiblesse. Nous n'avons pas accès aux fichiers du type FSPRT de l'ensemble de nos partenaires : le droit européen ne le permet pas.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Vous êtes en contact avec vos collègues parlementaires européens : si vous pouviez leur signaler ce point de faiblesse, nous en serions très satisfaits.

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C'est noté !

J'en reviens aux personnels des centrales. Vous intervenez au niveau de l'accès à la centrale. Mais vous préoccupez-vous aussi, ainsi que les opérateurs, des personnels qui y travaillent depuis un certain temps et de leur évolution ? Des exemples connus, comme celui de Germanwings, montrent que certains personnels peuvent mal tourner. Travaillez-vous avec les opérateurs à des systèmes de détection pour évaluer des risques internes de ce type ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Nous procédons non seulement à un criblage lors de l'embauche, mais nous assurons le suivi des personnels, et ce que l'on appelle le « rétro criblage » : un certain nombre d'individus peuvent faire l'objet de licenciements au vu des risques qu'ils nous semblent pouvoir faire courir aux équipements nucléaires.

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La cybercriminalité est devenue un sujet essentiel. Pensez-vous que l'on puisse vraiment croire en des systèmes complètement fermés, qui ne seraient pas accessibles de l'extérieur ? Le CEA nous a parlé d'ordinateurs dépourvus de ports USB, pour éviter qu'on ne les pirate en y introduisant une clé. Par ailleurs, avez-vous étudié la question des risques liés aux ondes ? Un système fermé n'est pas à l'abri d'un piratage par ondes radio.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Nous travaillons avec l'ANSSI sur les problèmes liés à la cybercriminalité. C'est une des problématiques dont le ministère de l'intérieur se soucie le plus aujourd'hui et sur laquelle nous avons fait les progrès les plus sensibles au cours des dernières années. Et sur le système d'ondes, le directeur du COSSEN vous apportera des explications quand il reviendra en audition.

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Je lie cette question à la question des drones. Certains drones ont survolé des centrales nucléaires, et ces survols ont été très médiatisés. Depuis, y en a-t-il eu d'autres ? Avez-vous pu mettre en place des moyens d'alerte et de neutralisation ? L'hypothèse avait même été avancée que ces drones auraient été destinés à évaluer la possibilité de percer les systèmes informatiques par le biais des ondes. Mais nous reviendrons sur ce sujet avec le directeur du COSSEN.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

D'abord, nous protégeons les centrales nucléaires par des systèmes de brouillage. Ensuite, à chaque fois que survient un incident lié à des drones, nous faisons un retour d'expérience et nous prenons les mesures propres à empêcher ce type d'intrusion aérienne – de fait, nous n'en avons plus eu depuis les faits qui ont été signalés.

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Cela m'amène à évoquer un sujet qui a été évoqué notamment par EDF et Orano : un certain nombre d'installations nucléaires sensibles ne sont pas floutées sur Google Earth et sur d'autres systèmes de localisation géographique. Cela dépend des centrales, certaines sont floutées, pas d'autres. Nous allons interroger Google sur ce point, mais nous aimerions savoir si cela vous a fait réagir.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Cette problématique est prise en charge par le SGDSN. Il existe une réglementation internationale sur ce point, mais sur ce point comme sur d'autres, nous voulons la faire évoluer. Nous agissons un peu de la même façon pour faire retirer certains contenus sur les grands sites internet. Nous travaillons donc au niveau international pour rendre un tant soit peu homogènes les législations sur les sites extrêmement sensibles.

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Vous surveillez bien évidemment les sites internet qui appellent au terrorisme. Vous a-t-on informés qu'ils pointaient des installations nucléaires comme cibles ? Donnent-ils aussi des informations particulières sur ces installations et sur les modes opératoires ? Quelle surveillance exercez-vous sur ces sites, comme sur les personnes qui les consultent ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

On n'a jamais rien vu pour le moment sur ces sites, qui aurait concerné des centrales ou d'autres équipements nucléaires. Évidemment, nous travaillons au niveau international avec l'ensemble des hébergeurs pour faire en sorte qu'ils repèrent et fassent disparaître le plus rapidement possible les messages à caractère terroriste ou incitant au terrorisme. Nous avons abordé le sujet lors d'une réunion du G7 sécurité en Italie avec l'ensemble des acteurs de l'internet. Nous avons abouti à une résolution commune, pour faire retirer ces contenus en moins de vingt-quatre heures, ce qui est déjà bien. Mais nous essayons de réduire ce délai à quelques heures.

Vous savez qu'un pays comme l'Allemagne a voté une loi sur le sujet. Aujourd'hui, la Commission européenne – notamment le commissaire à la sécurité, M. King – y réfléchit. Le délai de retrait des contenus est assez variable selon les opérateurs. Ces derniers sont tous en train d'y travailler en mettant au point notamment des algorithmes capables de repérer assez rapidement les contenus à caractère terroriste. C'est plutôt avec les petites plateformes que nous rencontrons aujourd'hui des difficultés. Mais nous travaillons aussi avec elles. Nous ne restons pas immobiles.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Il y en a beaucoup… Hier, la menace terroriste était téléguidée depuis les sites irako-syriens. Aujourd'hui, quelques contenus passent encore sur ces sites, mais vous avez toute une nébuleuse que nous suivons d'assez près. Le fichier FSPRT est assez actif : on y enlève et qu'on y rajoute très souvent des gens. Et très souvent, c'est parce que l'on a pu repérer leurs visites sur un certain nombre de réseaux sociaux qui ont trait au terrorisme.

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Greenpeace a fait un rapport qu'elle n'a pas souhaité publier, parce que son contenu était assez délicat : plusieurs scénarios d'attaques de centrales nucléaires y étaient envisagés. Les collègues ont pu y avoir accès. À la lecture en tout cas, ces scénarios semblent assez crédibles et documentés. Avez-vous eu accès à ce rapport ?

Il n'est pas question de divulguer des informations « secret défense », mais vous êtes-vous assurés de pouvoir répondre à ces risques ? Considérez-vous, au vu de ce rapport, qu'il faut prendre un certain nombre de mesures nouvelles ? On ne va pas entrer dans les détails, mais on a besoin de savoir si ce qu'écrit Greenpeace est fondé.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Bien sûr, nous avons eu le rapport de Greenpeace, et nous avons analysé les différents scénarios qui y étaient développés – et même d'autres, qui n'étaient pas évoqués. Et nous essayons évidemment d'apporter les réponses.

La réponse que l'on donne en termes de sécurité évolue sans cesse. Et dans les mesures que nous prenons, nous tenons compte de l'évolution des technologies et de la menace. La menace de demain n'est pas forcément la menace d'hier ; cela exige des adaptations continues.

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On essaiera d'approfondir un peu le sujet, qui est crucial. Mais c'est vrai que nous touchons à la limite de l'exercice, et que nous sommes souvent réduits à devoir faire confiance. En termes d'efficacité et d'enquête, cela pose question.

À la suite des attentats du 11 septembre, bien avant que notre commission d'enquête n'ait été mise en place, on s'était déjà interrogé sur la capacité des installations nucléaires à résister à une chute d'avions du type de ceux qui s'étaient écrasés ce jour-là.

Nous avons obtenu des réponses assez rassurantes concernant les bâtiments réacteurs, qui sont a priori assez bunkérisés pour le supporter. En revanche, une incertitude persiste concernant les piscines qui n'ont pas été construites en pensant à ce genre d'événement – qui ne s'était jamais produit auparavant.

Orano soutient qu'un avion du type de ceux du 11 septembre qui s'écraserait sur une piscine de La Hague ne produirait pas de dégâts suffisants pour dénoyer les combustibles – ce qui est le danger essentiel. Pouvez-vous nous assurer, avec les informations dont vous disposez, qu'effectivement une chute d'avion, et pas seulement à La Hague car je parle de tous les réacteurs aujourd'hui en fonctionnement en France, ne risquerait pas de dénoyer les piscines et donc de créer un accident nucléaire majeur ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Pour répondre à ce point précis, je m'efforcerai moi-même de l'être suffisamment… La projection d'un avion sur les installations nucléaires est prise en compte dans la Directive nationale de sécurité du secteur – directive classifiée, je n'entrerai donc pas dans les détails. Cela étant, l'ASN s'est exprimée plusieurs fois à ce propos. Elle a indiqué que, compte tenu des probabilités de chute d'avions sur les installations nucléaires, celles-ci ont été construites depuis les années soixante-dix pour résister sans dommage à l'impact de chute d'avions de la première famille des avions civils. En cas de chute d'un avion de grande taille, l'impact sur la sûreté d'une installation nucléaire dépendrait de multiples paramètres, et pas seulement de la masse de l'avion. Mais même si elles ne sont pas construites pour résister sans dommages à un tel choc, le coeur des centrales nucléaires offrirait une bonne capacité de résistance grâce, notamment, à leur enceinte de confinement en béton armé. L'impact d'une chute d'avion provoquée volontairement dépendrait évidemment de la taille de l'avion, mais aussi de sa capacité à atteindre dans sa chute le coeur même de la centrale, qui est aussi l'endroit le plus protégé.

En même temps, mais cela dépend moins de moi que de mes collègues de la défense, un plan a été élaboré pour que nos avions soient prêts à décoller de manière à empêcher ce genre d'accidents, que ce soit sur les centrales nucléaires, sur les grandes villes ou ailleurs. Car tout le monde a tiré un certain nombre de leçons de ce qui s'est passé le 11 septembre. La surveillance de l'espace aérien est évidemment pour nous une mission totalement prioritaire.

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Vous avez répondu pour les réacteurs, mais pas pour les piscines.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Les piscines font l'objet d'une protection. Il est de la responsabilité de l'opérateur de garantir leur intégrité. Orano s'est récemment exprimé sur le sujet, je ne souhaite pas en dire beaucoup plus. Ce scénario est pris en compte dans la directive sécurité.

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Vous mentionnez la sécurité aérienne. Il fut un temps où des missiles sol-air Crotale étaient installés à La Hague. Ils ont été retirés, car il a été considéré qu'ils étaient prioritaires ailleurs. Est-ce à dire qu'il n'y en a plus besoin sur les sites nucléaires ? S'agissant des possibilités d'interception, on nous a informés que les sites de la pointe de La Hague et de Flamanville se situent à l'intersection entre deux zones, ce qui ne permettrait pas aux avions d'arriver avant une dizaine de minutes. Sachant qu'une dizaine de minutes, c'est long…

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

C'est plus le ministère de la défense que celui de la sécurité qu'il faut interroger. Même si nous sommes sous le secret-défense, l'armée ne partage pas l'ensemble de ses plans avec la sécurité, ce qui est somme toute compréhensible.

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Nous avons abordé la question des transports. Aujourd'hui, les transports de matière radioactive, et notamment le plutonium qui part de La Hague vers le Sud-est, ont été repérés par les ONG qui ont relevé leur caractère routinier, et donc prévisible. C'est pour nous une source de vulnérabilité. Qu'allez-vous pouvoir faire pour éviter ce risque ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Il faut au maximum éviter la prédictibilité de ces transports. Dans le détail, chaque année, entre 1 000 et 1 500 transports de matières nucléaires (TMN) sont autorisés à circuler sur le territoire national. Les transports par voie routière ou par voie ferrée sont les plus courants. Ils sont divisés en trois catégories selon la vulnérabilité des matières transportées ainsi que leur quantité. Le ministère en charge de l'énergie est l'autorité de sécurité nucléaire qui délivre une autorisation d'exécution pour chacun de ces transports. Tous les transports de matière nucléaire sont agréés par l'autorité de sécurité ; toutes les demandes de transport sont individuellement analysées au titre de la sécurité. Une réglementation spécifique sur la sécurité s'ajoute aux exigences des transports de matières dangereuses. L'exécution de chaque transport est suivie en temps réel. Les préfectures et le COSSEN sont informés en amont pour chaque transport.

Depuis 1985, la gendarmerie nationale assure l'escorte des transports civils de matière nucléaire les plus sensibles effectués par voie routière : quatre escadrons de gendarmerie mobile sont fidélisés sur ces missions et se relèvent successivement chaque semestre. Enfin, depuis 2012, un exercice national annuel est conduit de manière à prévenir ce qui se passerait en cas d'attaque de ces transports particulièrement sensibles.

Certaines ONG tentent, de manière sporadique, de conduire un certain nombre d'actions médiatiques sur ces transports, mais les choses sont plus sécurisées qu'elles ne le pensent. C'est comme pour les derniers incidents qui se sont produits : Greenpeace en particulier, prend la précaution – ils font bien, d'ailleurs… –, quand ils veulent faire une démonstration, d'afficher « Greenpeace » de très loin, ce qui ne suscite le même type de réaction que si une personne inconnue venait à pénétrer.

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Certes, mais en ce cas, le terroriste va prendre une banderole Greenpeace…

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Oui, mais les gens de Greenpeace sont connus, je m'excuse de le dire. Et ils passent la première barrière, pas la seconde…

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Pour en revenir aux transports, vous avez parlé des actions médiatiques. Un reportage diffusé sur Arte, un peu inquiétant, montrait qu'il était facile d'anticiper qu'un convoi donné allait partir à telle date. Effectivement, cela prend un peu de temps, mais pour préparer un attentat comme celui du 11 septembre, les terroristes en avaient pris… Aujourd'hui, la seule incertitude porte sur l'heure exacte du passage, ce qui est ennuyeux car il suffit aux terroristes d'attendre un peu. Les parcours étant connus, car il n'y en a que trois ou quatre possibles, il n'y a qu'à placer des personnes en attente, c'est très facile.

Dans le reportage – je suis comme tout un chacun, je vois les reportages –, les militants repèrent le transport, se placent en amont, choisissent un endroit difficile d'accès aux véhicules d'accompagnement, se placent sur un pont, et il leur suffirait de viser avec leur lance-roquettes s'ils en avaient un pour transpercer les colis transportés dans le camion.

Ce qu'ils montrent est vraiment assez crédible : on voit passer les convois. Vous nous dites uniquement ce que vous pouvez nous dire, mais est-ce géré ? Nous avons l'impression que ce n'est pas le cas.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Je crois pouvoir dire que c'est géré. Tout d'abord, l'ensemble des services territoriaux sont informés de ce qui va se passer et prennent en charge la sécurisation possible. Ensuite, les convois de produits les plus sensibles sont aussi conçus pour être totalement protégés. Cela étant, comme dans chaque domaine, il n'est pas possible de dire qu'il existe un risque zéro. Il en va de même en matière de terrorisme : même si nous prenons toutes les précautions, je ne peux pas vous assurer qu'il n'y aura pas d'attentat terroriste demain. Dans ce domaine, le risque zéro n'existe jamais. L'esprit humain étant d'une inventivité rare, nous essayons de faire preuve la même inventivité, et même de précéder les autres. Il nous arrive d'être réactifs et de surprendre les gens identifiés, c'est arrivé récemment sur un certain nombre de sites liés au nucléaire, où nous avons anticipé les réactions de celles et ceux qui n'étaient pas forcément en empathie avec ce que nous voulions faire sur nos sites… Nous nous occupons quand même un peu des choses !

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Je préside une commission locale d'information, et l'élargissement du périmètre de 5 à 10 kilomètres, voire de 10 à 20 demain, va forcément nous affecter. Nous constatons combien il est difficile de transmettre l'information en matière de sécurité aux populations. Au titre des dispositifs existants, que pensez-vous de l'idée de mettre en place un système d'alerte par SMS, pour ceux qui voudraient s'inscrire auprès de ce dispositif sur la base du volontariat ? Ce système serait certainement piloté par la préfecture, pour transmettre l'information au plus près en cas d'incident ou d'accident ?

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Monsieur le ministre d'État, je suis ravie de vous revoir aujourd'hui. Pour moi, vous êtes le responsable de tout : la crise migratoire, le terrorisme, et la sécurité de nos installations nucléaires ! (Sourires.)

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Le ministère de l'intérieur a des attributions très larges, je vous le confirme !

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Ma question porte sur les CSDV, les conteneurs vitrifiés. Vous savez qu'aujourd'hui, ils garantissent une gestion sûre des éléments des combustibles usés après retraitement. Vous savez aussi que notre cadence de retraitement est inférieure à notre production, ce qui entraîne une accumulation dans les piscines. Sans revenir sur le risque représenté par les avions et l'exemple du vol de la Germanwings, mais sachant qu'il n'y a pas de règles uniques pour les enquêtes, y a-t-il un protocole de sécurité en cas d'intrusion externe ?

Ma deuxième question porte sur les agents de sécurité. J'ai travaillé trois ans dans l'usine de La Hague ; sur 5 000 personnes, il y avait 3 000 internes et 2 000 sous-traitants. Un seul agent de sécurité mène les enquêtes individuelles, qui durent en moyenne deux à trois semaines. A-t-on mis en place une collaboration pour former cette personne à ces enquêtes individuelles ?

Ma troisième question porte sur la discrétion des transports. À Cherbourg, lorsque l'on voit des unités de gendarmes arriver, on sait qu'un transport aura lieu le lendemain. Je comprends que le risque zéro n'existe pas et j'ai même assisté à des transports – quand vous êtes à La Hague, il n'y a qu'une seule route pour rejoindre la RN13 – et j'ai vu toutes les mesures de sécurité mises en place. Si le risque zéro n'existe pas, ne pourrait-on travailler sur la discrétion de ces transports ? Je sais qu'en interne, à La Hague, ce jour de transport est toujours gardé secret ; j'ai travaillé avec LMD, qui gère ce transport, et il est très difficile d'avoir l'information. Mais les Cherbourgeois en rigolent : on sait dès la veille qu'un transport aura lieu le lendemain.

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Je souhaite revenir sur la gestion des déchets. C'est un domaine dans lequel les questions de sûreté et de sécurité sont extrêmement liées.

Aujourd'hui, il existe deux options principales : la gestion en couche géologique profonde, ou le traitement sur site en subsurface. Pour cette seconde option, la question de la sécurité nous est souvent objectée, alors même que les déchets seraient gardés sur site – et nous espérons tous que ces sites sont sécurisés. Quels éléments vous laissent penser qu'un traitement sur site en subsurface poserait plus de problèmes de sûreté et de sécurité ?

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Je sens que ma question va frôler les limites de la confidentialité, mais je ne peux m'empêcher de la poser. Les intrusions récentes, même si elles n'ont franchi que la première barrière, laissent penser qu'il y a une faille dans le système.

Aviez-vous des informations concernant cette intrusion avant qu'elle n'advienne ? Vous nous avez confié que ces militants, notamment Greenpeace, n'étaient pas inconnus de vos services. Dans quelle mesure pouvez-vous éviter l'infiltration d'individus encore moins bien intentionnées au sein de Greenpeace ?

Deuxième question, passez-vous des consignes au personnel de sécurité des installations nucléaires, dont je me permets de souligner le sang-froid en cas d'intrusion, afin de pondérer leur réponse ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

S'agissant de l'alerte par SMS, nous sommes d'accord, c'est une bonne idée et nous sommes en train de réfléchir à cette possibilité.

Madame Krimi, concernant les conteneurs et la vitrification, nous avons besoin de traiter aujourd'hui les déchets. Même si les centrales s'arrêtaient demain, nous aurions encore des déchets à traiter. Tout le problème est de savoir quel est le meilleur type de traitement, mais ce n'est pas une question pour le ministère de l'intérieur.

Comme vous le savez, la réflexion sur Cigéo est menée depuis de longues années : les premiers colis ne devraient pas y être déposés avant 2030, nous avons donc encore le temps de réfléchir à ce problème, mais il ne faut pas se priver d'une possibilité. C'est pour cela que nous voulons garder le site de Bure, même s'il pourrait être tentant de voir venir, vogue la galère, et de laisser le problème à nos successeurs… Je pense que la recherche va encore beaucoup évoluer d'ici à 2030, mais si au bout du bout, nous nous apercevions que c'était vraiment la meilleure des solutions et que nous nous en sommes privés, ce serait tout à fait regrettable.

S'agissant de La Hague, nous pouvons toujours mieux assurer la sécurité, je passerai le message : si les dates de transport ne sont pas connues du personnel, mais des habitants, c'est que quelque chose défaille dans le système d'information. Nous ferons en sorte que les préparatifs soient plus discrets, et cela fera partie des recommandations que le COSSEN fera pour l'avenir.

Madame Abba, vous soulevez le problème de Cigéo, le débat continue. En Conseil des ministres, nous avons dit que le débat n'était pas clos. S'agissant de Bure, autant nous ne souhaitons pas laisser s'installer un certain nombre de gens, autant nous sommes encore ouverts au débat ; le secrétaire d'État est allé le dire sur place le jour même de l'intervention des forces de l'ordre. Même s'il a fait l'objet de nombreuses discussions à l'Assemblée nationale, le débat scientifique peut encore évoluer et les décisions peuvent changer. Mais nous ne pouvons rien nous interdire.

En ce qui concerne les intrusions, les PSPG pourraient réagir si, à un moment donné, ils pensent que c'est nécessaire. Mais les gens qui sont formés, comme toutes les troupes postées sur des sites sensibles, sont pleins de sang-froid et ne sont pas portés à tirer d'emblée. Vous savez que des réflexions sur la législation et la légitimité du tir sont en cours, nous agissons chaque fois avec pondération.

Quant aux conséquences, même si l'on est militant d'une association comme Greenpeace, à partir du moment où l'on a commis une intrusion, on s'expose aux sanctions judiciaires. Un certain nombre de personnes ont du reste été déférées au parquet et condamnées.

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Dans le Républicain Lorrain du 21 mars, un article relate que des plans de centrale nucléaire avaient été volés sur un parking à Amnéville. Quel est le fondement de cet article ? Si j'en crois les informations données, il y a de quoi s'inquiéter : des vols de plans, des clés USB et un ordinateur perdus dans la nature… Il s'agirait en l'occurrence d'un sous-traitant qui se serait fait fracturer sa voiture, ce qui soulève à nouveau la question du niveau de sécurité dans le cadre de la sous-traitance.

Je reviens sur les intrusions, car elles soulèvent des questions, et les auditions que nous avons déjà menées apportent des réponses qui vont toujours dans le même sens, mais parfois avec des argumentaires qui me laissent perplexe. J'entends notamment que le PSPG n'est pas là pour faire du maintien de l'ordre, mais clairement pour contrer des attaques terroristes. Comment peut-on faire la différence entre un terroriste et un militant d'une ONG, puisque la radicalisation peut toucher tout le monde ? Et si ce n'est pas le PSPG qui est chargé du maintien de l'ordre, qui doit le faire ?

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Dans plusieurs auditions, nous avons entendu que le PSPG n'aurait pas les moyens suffisants pour exercer ses missions. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je suis une ancienne salariée d'EDF, pourquoi ne pas adopter, comme aux États-Unis, une sécurisation par mirador, avec autorisation de tirer sans se poser de questions ? Comme l'a dit la rapporteure, il suffit d'avoir le panneau Greenpeace ou d'appeler avant pour ne pas être ennuyé… Il va falloir cesser de distinguer : puisque pénétrer dans une centrale nucléaire est un délit, les forces de sécurité doivent intervenir sans se poser de questions. Peut-être que cela aurait-il un effet dissuasif, comme aux États-Unis.

Plusieurs personnes nous ont indiqué qu'il serait peut-être utile de classer les installations nucléaires en sites défense, avec tout ce que cela entraîne. Quel est votre avis sur ce point ?

Nous avons parlé des attaques par avion, le rapport de Greenpeace mentionne les attaques par bateau. Comment les personnes sont-elles formées à ce type d'attaques ?

Enfin, je pense qu'il n'y a pas assez d'exercices d'évacuation avec la population. Puisque les préfets sont en charge des PPE et des PPP, il serait intéressant que l'on procède à ces exercices d'évacuation.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Madame Roche, les plans dérobés à Amnéville étaient partiels et ne concernaient pas la zone sensible. Ceux-ci sont classifiés et ne sont pas mis à la disposition des sous-traitants, il n'y a pas des dizaines de personnes qui se promènent dans les rues avec les plans de la centrale… Tout le monde est extrêmement sensibilisé au risque et au respect de la confidentialité.

S'agissant des PSPG, nous les renforçons à la mesure du risque que nous évaluons. Si nous pensions qu'il fallait encore les renforcer, nous le ferions.

Madame Goulet, je vous ai dit que nous sommes en train de réfléchir à une modification de la législation sur l'usage des armes. Le Gouvernement est en cours de réflexion, nous aurons des éléments dans les prochains temps.

En ce qui concerne les bateaux, chaque centrale a un plan de protection contre le risque mer, et ce sont les préfets maritimes qui sont chargés de le dresser.

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J'ai apprécié votre réponse sur le traitement en couche géologique profonde, mais je voudrais savoir si le stockage en subsurface pose des problèmes supplémentaires de sécurité, et si oui, lesquels.

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Vous ne m'avez pas répondu sur le classement des sites nucléaires en sites défense et sur les exercices d'évacuation.

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Nous faisons une vingtaine d'exercices d'évacuation par an…

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Avec la population, non, il n'y a pas vingt exercices par an, mais les préfets en organisent de manière régulière. En tant qu'ancien maire de Lyon, j'ai mené des opérations de ce genre et elles allaient assez en profondeur puisque nous avons une centrale pas très loin.

Le classement en site défense fait partie des éléments sur lesquels nous réfléchissons… Mais je dois dire que je n'arrive pas à lire les détails de la réponse que vient de me rédiger le directeur du COSSEN… Je veillerai à ce que ceux qui m'accompagnent écrivent de manière lisible et non comme des médecins !

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Nous avons en tout cas compris l'intérêt d'auditionner le général Cormier la semaine prochaine…

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

S'agissant du choix de conserver les déchets en surface ou en profondeur, ce n'est pas le ministère de l'intérieur qui mène cette réflexion : nous assurons simplement la sécurité des sites en fonction de la solution que les experts nous indiquent être la meilleure. Mais ce n'est pas la DGSI ni les forces de police qui ont le plus d'expertise pour savoir s'il vaut mieux stocker les déchets en surface ou en profondeur, d'autres ministères, en particulier celui de la transition énergétique, sont chargés de mener ce type de débat.

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EDF a annoncé il n'y a pas longtemps son intention de créer des « jumeaux numériques » de ses centrales nucléaires. C'est certainement une bonne chose sur le plan de la sûreté, pour anticiper de manière virtuelle les problèmes des installations nucléaires, mais cela poserait un problème de sécurité si ces documents numériques devaient être diffusés ou dérobés. Quel est votre avis sur cette question ?

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Ma question porte sur la communication autour de la sûreté des installations nucléaires. Depuis le début de l'audition, nous évoquons un certain nombre de sujets de nature à générer de l'anxiété auprès de l'ensemble des Français, qu'il s'agisse du transport, du survol par les drones, des avions qui pourraient chuter sur les centrales nucléaires, des plans perdus, etc. Tout cela peut entraîner une perception exagérée à propos de ces installations ; mais dans le même temps, les obligations de secret et de confidentialité en lien avec la sécurité, tout à fait compréhensibles, ne permettent pas de rassurer les Français. N'y a-t-il pas une limite en la matière, et à force de multiplier les éléments suscitant l'anxiété, ne risque-t-on pas d'arriver à des situations difficiles à gérer ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Je n'ai pas pour le moment de réponse à la question de M. Cellier, le directeur du COSSEN vous en fera part lors de la prochaine audition.

La communication est un exercice toujours difficile ; qui plus est, les centrales nucléaires ne sont pas les seules installations à présenter des risques. À Lyon, j'ai la vallée de la chimie, qui vaut bien une centrale nucléaire. Nous communiquons, mais il ne faut pas surcommuniquer, sinon tout le monde prend peur. Par exemple, sur le risque terroriste, j'essaie de communiquer de temps en temps, mais je ne vais pas faire une communication chaque jour, sinon cela deviendrait anxiogène pour tout le monde. Il faut essayer de doser la communication.

Il faudrait un sondage sur la perception qu'ont les Français, mais je ne crois pas que tout le monde pense qu'il y a beaucoup de problèmes de sécurité. Pour ce qui concerne la sûreté, ils ont l'impression que nous sommes plutôt bien protégés ; du reste, les failles sont assez vite repérées et l'Agence de sûreté nucléaire fait bien son travail : elle est assez transparente et fait assez vite connaître les défauts et les problèmes qui peuvent survenir.

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Pour en revenir aux évacuations, vous parlez de la vallée de la chimie, et il est évident que les sites Seveso posent des problèmes, mais ils ne sont pas du tout de même nature. Si un site Seveso explose, il y a beaucoup de morts sur le moment, mais on peut reconstruire ensuite. Avec une centrale nucléaire, il n'y a pas forcément beaucoup de morts tout de suite, mais la zone risque de ne plus être vivable pendant des années.

J'imagine bien qu'il y a des plans d'évacuation site par site. Au regard du nombre de personnes vivant à proximité de certaines centrales, dans la mesure où il n'y a pas d'exercices faits avec la population, pensez-vous franchement que les plans d'évacuation soient réalistes ?

Enfin, une question vient de nous être envoyée par ceux qui suivent ces débats en ce moment même : la principale alerte à la population en cas de catastrophe nucléaire serait la sirène, or on nous rapporte qu'elles ne fonctionnent pas dans de nombreux endroits. Pourriez-vous nous rassurer ou faire un état des lieux de cette question ?

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Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Pour les évacuations, nous avons dix-neuf plans finalisés ou en cours de finalisation. Nous pouvons évacuer environ 500 000 personnes ; au-delà, cela poserait des problèmes.

Pour ce qui est des sirènes, avant que j'arrive au ministère, nous avions mis en place des systèmes d'information – pour d'autres risques que les centrales nucléaires. Ils se sont révélés moins pertinents que mes prédécesseurs ne le pensaient, nous sommes donc en train de les revoir. Dans l'attente, il est vrai que la sirène reste un bon moyen d'alerte. Mais la protection civile travaille sur ces problématiques en relation avec les SDIS, et nous devrions disposer de moyens d'information et de communication totalement fiables dans les prochaines années. En tout cas, nous investissons un peu d'argent pour les développer.

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Monsieur le ministre d'État, nous vous remercions de votre disponibilité.

L'audition s'achève à onze heures cinquante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 10 h 15 :

Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Philippe Bolo, Mme Émilie Cariou, M. Anthony Cellier, M. Paul Christophe, Mme Perrine Goulet, Mme Sonia Krimi, M. Jimmy Pahun, M. Patrice Perrot, Mme Barbara Pompili, Mme Isabelle Rauch.

Excusés. – M. Xavier Batut, M. Grégory Galbadon, M. Claude de Ganay, M. Hervé Saulignac.