Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
La séance est ouverte à 17 heures 40.
Nous avons aujourd'hui le grand plaisir de recevoir Jean-Baptiste Lemoyne qui, fidèle à cette commission, se présente devant nous avant le Conseil des affaires étrangères sur les questions commerciales du 21 novembre. L'ordre du jour en sera probablement chargé en raison du contexte de tensions commerciales actuel.
Nous souhaitons aborder plusieurs questions. La réforme de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est aujourd'hui bloquée par les États-Unis alors que l'organe d'appel pour le règlement des différends ne pourra bientôt plus fonctionner. L'affrontement entre les États-Unis et la Chine se joue dans un climat général de guerre commerciale, dont le Président de la République, en déplacement à Shanghai, a estimé qu'il ne faisait que des perdants. Un rééquilibrage des relations commerciales entre la France et la Chine est néanmoins en cours, notamment sur les indications géographiques protégées (IGP) et l'exportation de quelques produits.
Le climat de tension commerciale touche également les relations entre les États-Unis et l'Union européenne. Après l'imposition de taxes américaines sur nos avions, nos vins et nos fromages se pose la question des mesures à prendre par l'Union européenne. Les représentants de la filière viticole étant particulièrement inquiets, nous devons leur apporter des réponses concrètes. Une menace identique pèse sur les exportations européennes de voitures, avec un impact direct assez faible pour la France, mais plus lourd pour l'Allemagne. À titre personnel, je m'étonne qu'au sujet d'Airbus, l'OMC ait déjà rendu son arbitrage, alors que dans quelques semaines ou dans quelques mois Boeing sera frappé de mesures identiques. Il eût été plus judicieux de traiter conjointement ces deux affaires.
D'autres questions portent sur les négociations commerciales en cours. Je pense à l'accord avec le Mercosur, qui a été conclu in extremis par la Commission européenne sortante dans des conditions discutables. Le Président de la République a pris des positions fermes sur ce sujet, et nous souhaiterions savoir comment le Gouvernement, d'une part, et la Commission européenne, d'autre part, envisagent de traiter cette question. Une commission d'experts indépendants, présidée par l'économiste toulousain Stefan Ambec, a été mise en place sur le modèle de celle qui avait été présidée par Katheline Schubert sur l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, dit CETA. Avez-vous eu des premiers retours sur ces travaux et quel en serait selon vous le calendrier ? Les négociations en cours avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande suscitent également des interrogations.
Nous sommes, par ailleurs, soucieux du suivi des accords en vigueur. Je pense notamment au CETA, sur lequel notre commission s'est particulièrement impliquée. Nous avions souhaité un suivi permanent des filières agricoles sensibles ; le comité ad hoc a-t-il été installé ? Comment ce suivi sera-t-il effectué ? Nous voulons aussi que les accords commerciaux servent de levier pour la promotion de nos priorités en matière de développement durable et soient plus contraignants dans ce domaine, en faisant, par exemple, du respect de l'Accord de Paris une de leurs clauses dites « essentielles ». Se pose aussi la question fondamentale de la taxe carbone aux frontières.
Sur toutes ces questions, nous attendons une position ferme et déterminée de la France, une position qui inspire à la Commission européenne une nouvelle politique commerciale. Car si le commerce est une compétence exclusive de la Commission, c'est par délégation des États, lesquels ne doivent pas renoncer à ce qu'ils tiennent pour essentiel. La France doit être à l'initiative d'un cahier des charges nouveau sur la question du commerce mondial, avec pour visée, non seulement de préserver nos normes, mais aussi de créer un équilibre du monde plus proche des valeurs que nous défendons.
Mesdames, messieurs les députés, je suis heureux de vous retrouver pour cette audition préalable au Conseil des affaires étrangères sur les questions commerciales qui se tiendra à Bruxelles le 21 novembre prochain. Le contexte, vous l'avez rappelé, est celui de tensions commerciales accrues avec les États-Unis ; l'installation de la nouvelle Commission européenne implique, par ailleurs, une actualisation de la feuille de route.
Madame la présidente, vous avez mentionné les tensions entre les États-Unis et la Chine, la recrudescence des menaces américaines à l'encontre de l'Union européenne, l'enlisement de l'OMC, susceptible d'être aggravé par la paralysie de son organe d'appel à partir de mi-décembre si rien n'est fait. Ces éléments doivent nous porter à nous interroger sur les orientations de notre politique commerciale. Nous avons des choix cruciaux à arrêter quant à nos principaux partenaires commerciaux que sont la Chine et les États-Unis.
Pour ma part, je me réjouis que la réforme de l'OMC figure comme un objectif prioritaire dans la lettre de mission adressée par la présidente de la nouvelle Commission, Mme von der Leyen, au nouveau commissaire au commerce Phil Hogan. D'autres objectifs défendus par la France ont été entendus et repris, notamment le renforcement des instruments à la disposition de l'Union pour promouvoir des conditions de concurrence équitables. En effet, c'est une chose de négocier, c'en est une autre de s'assurer que ce qui a été négocié est véritablement mis en oeuvre. À ce titre, la nomination auprès du commissaire au commerce d'un chief trade enforcement officer ou, en bon français, d'un directeur général adjoint responsable du respect des accords commerciaux…
… est une bonne nouvelle, et nous permettra d'être plus crédibles vis-à-vis des partenaires avec lesquels nous contractons dans le monde entier. Cette concrétisation de la proposition formulée par le président Macron dans son discours de la Sorbonne donnera un nouvel élan à l'utilisation par l'Union européenne des instruments de défense commerciale en matière d'antidumping et d'antisubventions. Il s'agit véritablement d'un progrès, car l'idée, bien que régulièrement avancée et poussée, n'avait pu être mise en pratique sous le mandat de la Commission sortante.
Nous avons tous une conscience aiguë de la nécessité de mieux concilier les agendas commerciaux et climatiques, un aspect sur lequel le Président de la République nous a demandé de travailler d'arrache-pied. La France a d'ailleurs un rôle moteur dans ce domaine. Notre réussite dépendra du degré d'infusion de nos propositions chez nos partenaires et de notre capacité à bâtir des coalitions, à convaincre et à entraîner, car dire qu'on est à l'avant-garde est une façon pudique de reconnaître qu'on est isolé. Il y a néanmoins des raisons d'espérer : la présidente von der Leyen a repris la proposition de mettre en place un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières bien dimensionné et compatible avec le droit de l'OMC. Cet outil sera indispensable pour lutter efficacement contre les fuites de carbone dans des pays non soumis à une contrainte sur le CO2, un enjeu clairement mis en avant par la nouvelle Commission.
J'articulerai mon propos liminaire à partir des quatre points à l'ordre du jour du Conseil affaires étrangères en formation commerce, qui comprend un état des lieux des relations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis, la réforme de l'OMC, la mise en oeuvre des accords de libre-échange, la dernière partie du conseil étant dédiée aux relations entre l'Union européenne et la Chine ainsi qu'à un tour d'horizon des négociations bilatérales. Je m'attacherai ici à vous présenter les positions que les autorités françaises défendront et à me mettre à l'écoute des suggestions de votre commission.
Les discussions commerciales entre l'Europe et les États-Unis se sont crispées ces dernières semaines en raison de l'adoption par ces derniers d'un ensemble de mesures contraires aux intérêts européens et assez inattendues de la part d'un allié. Aux sanctions tarifaires prises dans le cadre du contentieux Airbus risquent de s'ajouter des droits de douane additionnels sur les importations d'automobiles européennes au motif que celles-ci menaceraient la sécurité nationale américaine – cherchez le lien ! Quant à la taxe sur le numérique votée par le Parlement français, elle est jugée discriminatoire par l'administration américaine.
Après l'arbitrage rendu sur le contentieux impliquant les aides versées par les États européens à Airbus, qui a duré plusieurs années, des droits de douane supplémentaires s'appliquent, depuis le 18 octobre, sur de nombreux produits français et européens. La France se trouve particulièrement touchée, les secteurs les plus concernés étant l'aéronautique et les vins. Bruno Le Maire et moi-même nous sommes mobilisés dès le début de la crise et avons reçu les représentants des filières. Nous travaillons désormais avec les commissaires sectoriels pour inciter l'Union européenne à adopter une réponse appropriée, c'est-à-dire à faire usage de tous les moyens dont nous disposons, à commencer par la négociation. Nous étions, en effet, ouverts, avant même la mise en place des sanctions, à travailler sur un règlement en matière d'aides aéronautiques. Un communiqué de Robert Lighthizer, représentant américain au commerce, prônait une même ouverture ; il n'a toutefois mené à rien de concret.
Nous gardons cependant une main tendue afin d'éviter une escalade qui serait encore plus dommageable pour nos intérêts économiques et que les filières sont, elles aussi, attachées à voir enrayée. La Commission cherche ainsi à négocier avec les Américains un accord amiable sur les modalités de financement du secteur aéronautique. Cecilia Malmström, la commissaire au commerce sortante, s'est entretenue jeudi dernier avec Robert Lighthizer, et Bruno Le Maire lui avait transmis ce message à la mi-octobre à l'occasion des assemblées générales du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Si l'Union européenne a été condamnée pour les aides versées à Airbus, les États-Unis le seront aussi pour les aides accordées à Boeing et, d'ici à 2020, l'Union européenne sera autorisée à prendre des sanctions contre les États-Unis. Ces sanctions mutuelles sont absurdes et nuisent aux intérêts des deux parties, car un droit de douane additionnel pèse sur le consommateur final. Nous devons donc trouver une solution qui soit bénéfique aux deux parties et qui prévoie le retrait des sanctions et la mise en place d'un cadre agréé sur les modalités de financement du secteur aéronautique des deux côtés de l'Atlantique. Nous y travaillons sans relâche mais, reconnaissons-le, avec peu de répondant de l'autre côté.
Les autres outils dont nous disposons sont les mesures d'accompagnement pour soutenir les filières ; la filière viticole, en particulier, est durement affectée par les sanctions. Avec nos partenaires italiens et espagnols, nous avons fait des propositions au niveau européen qui ont été formalisées au Conseil des ministres de l'agriculture du 14 octobre dernier. Elles portent notamment sur la mise en oeuvre rapide d'opérations de promotion dans les pays tiers. Il faut savoir que pour certaines catégories de vins, le marché américain représentait jusqu'à 50 % des débouchés. Les droits de douane additionnels vont induire une préférence pour des vins issus d'autres territoires, d'autres terroirs, d'autres pays. Il est donc urgent d'accélérer la promotion auprès d'autres destinations, notamment le Japon et le Canada, avec lesquels des accords ont été signés, et où les ventes des vins et spiritueux français connaissent une bonne progression.
Nous avons également demandé à la Commission européenne de garantir une sécurité juridique pour activer nos outils nationaux de promotion – le ministère de l'agriculture en a fait la demande – et la possibilité de recourir aux mesures exceptionnelles de l'organisation commune de marché pour compenser les éventuelles pertes. Nous devrions connaître les suites réservées à nos demandes lors du prochain Conseil des ministres de l'agriculture, qui se tiendra en décembre.
Nous nous sommes également adressés, à titre national, à l'agence Business France, qui accompagne déjà 1 600 entreprises du secteur, afin qu'elle intensifie ses actions pour aider les entreprises de la filière viticole à développer leur potentiel, notamment au Japon et au Canada. Il est très important d'être au rendez-vous, car les conséquences de cette décision américaine pourraient s'avérer désastreuses pour un certain nombre d'entreprises.
Le deuxième contentieux éventuel réside dans la menace agitée par les États-Unis d'appliquer des droits de douane additionnels sur les importations de voitures en provenance de l'Union européenne, pour des raisons de sécurité nationale. Cette décision serait prise sur le fondement de la section 232 du Trade Expansion Act de 1962 et pourrait être mise à exécution dès le 13 novembre, date à laquelle le délai de six mois prévu par la procédure aura expiré. Le président américain aura alors trois choix possibles. La première option serait d'imposer des droits de douane additionnels à un niveau encore inconnu mais qui pourrait tout de même atteindre 25 %. Cela étant, plusieurs constructeurs européens ont localisé une partie de leur outil de production aux États-Unis. C'est d'ailleurs un des arguments utilisés pour faire comprendre aux Américains que ces taxes viseront aussi des constructeurs qui emploient et qui créent de la valeur sur leur territoire national. La deuxième option serait de reporter la décision, ce qui a déjà été fait en mai dernier. La troisième serait de renoncer à taxer les importations d'automobiles, ce qui est peu probable. Les parties prenantes rencontrées – le Congrès, les constructeurs automobiles – nous ont indiqué que l'exécutif américain devrait – le conditionnel est de rigueur, l'imprévisibilité étant la marque des dernières décisions – privilégier un report de la décision afin de conserver un moyen de pression sur les Européens. La France rappellera, lors du prochain Conseil commerce, que les menaces américaines au titre de la section 232 ne doivent pas conduire la Commission à accepter des concessions sur d'autres secteurs que celui de l'automobile ; je pense notamment au secteur agricole. J'avais évoqué, lors d'une précédente audition, le communiqué commun des présidents Trump et Juncker du 25 juillet 2018 sur le cadre de discussion entre les États-Unis et l'Union européenne, dont l'agriculture était exclue. Les Américains cherchent, depuis lors, à faire revenir par la fenêtre ce qui avait été évacué par la porte. Même si la Commission a toujours été ferme sur le sujet, nous réitérerons le message à toutes fins utiles.
Le troisième contentieux qui envenime la relation entre l'Union européenne et les États-Unis porte sur la taxe numérique française : l'administration Trump enquête pour déterminer si celle-ci constitue une pratique commerciale « déraisonnable, discriminatoire ou qui restreint le commerce américain ». Nous avions obtenu, lors du G7 de Biarritz, un compromis bilatéral avec un sursis temporaire, lequel arrivera à échéance le 25 novembre. Les États-Unis sont donc susceptibles d'adopter, d'ici à la fin de l'année, de nouvelles sanctions tarifaires à l'encontre de produits européens. Nous rappelons que des travaux sont en cours au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour instaurer une taxation internationale qui prenne en compte la digitalisation des entreprises ; nous avons bon espoir qu'ils débouchent début 2020. Nous maintenons le contact de façon très étroite avec les équipes du représentant au commerce et du Trésor américains ; une délégation française de la direction de la législation fiscale (DLF) et du Trésor se rendra d'ailleurs sur place la semaine prochaine à cette fin. Nous expliquerons à nos amis européens, lors du Conseil des ministres du commerce, quelle démarche a présidé à l'élaboration du texte portant création d'une taxe sur les services numériques déposé par le Gouvernement et adopté au Parlement afin de rétablir la vérité face à la position américaine, car ce sujet est fondamental dans l'économie du XXIe siècle. Nous ferons part de notre optimisme concernant l'avancée des travaux à l'OCDE et demanderons aux États membres de faire front commun avec la France si les États-Unis se décidaient à imposer des droits supplémentaires.
L'examen de ces trois cas montre que les États-Unis ont pour objectif constant de créer un rapport de force en leur faveur au moyen de l'imposition, agitée comme une menace ou effective, de droits de douane. Nous pensons que cela ne doit pas conduire l'Union européenne à accepter des concessions en dehors de celles agréées dans les mandats relatifs à un accord tarifaire sur les biens industriels ou à un accord de coopération réglementaire. Bien que la France n'y ait pas souscrit, les négociations sur ces accords ont commencé, compte tenu du système de majorité en vigueur. Elles sont totalement bloquées sur l'accord tarifaire, puisque les États-Unis cherchent à y intégrer l'agriculture, ce que l'Union européenne refuse. Quant à la coopération réglementaire, elle avance à un rythme modéré. On constate que l'appétence des Américains pour ces négociations est assez faible étant donné que l'agriculture n'y figure pas. En outre, ces derniers sont assez obnubilés par leurs négociations avec la Chine, qui mobilisent du temps et de la bande passante, si je puis dire. Face au refus des États-Unis d'infléchir leur position sur le volet tarifaire, nous appellerons le Conseil à s'en tenir au mandat adopté en avril dernier. Remettre à l'agenda la question agricole n'est clairement pas envisageable pour la France. J'y insiste car je vous sais très attachés, les uns et les autres, aux terroirs, à nos agriculteurs et à nos filières.
Le deuxième point à l'ordre du jour de ce conseil sera la réforme de l'OMC, dont le succès dépendra également de notre capacité à restaurer un dialogue constructif avec les États-Unis, mais aussi à poursuivre le travail entamé avec la Chine, car pour que nous puissions traiter le problème à la racine, nos amis chinois ont encore du chemin à parcourir. L'OMC est aujourd'hui dans une situation critique et risque clairement l'extinction, ce qui aurait pour conséquence un retour au commerce administré et à des conflits commerciaux de grande ampleur. Si l'organe d'appel de l'Organe de règlement des différends (ORD) est bloqué, les États seront potentiellement amenés à se faire justice eux-mêmes. C'est pourquoi la France s'est engagée très vigoureusement en faveur d'une réforme de l'OMC, dont le cadre doit être adapté à la réalité commerciale mondiale du XXIe siècle. Compte tenu des tensions actuelles entre les deux grandes puissances que sont la Chine et les États-Unis, il est assez difficile d'avancer sur ce sujet. Nous devons veiller à ce que l'accord sur lequel ces deux pays travaillent n'ait pas de conséquences dommageables pour le système multilatéral. Un certain nombre de règles préférentielles pourraient, en effet, être consenties aux États-Unis par les Chinois, notamment sur l'investissement ou les joint ventures (JV), les opérations conjointes entre entreprises de nationalités différentes.
Notre travail avec l'Union européenne se déploie à travers plusieurs formats. Un premier groupe de travail associe l'Union européenne, les États-Unis et le Japon pour tenter de définir de nouvelles règles visant à renforcer l'équité des conditions de concurrence et à encadrer les subventions à l'industrie. Un deuxième groupe de travail associe l'Union et les Chinois, car nous devons faire prendre conscience à ce partenaire qu'il ne peut maintenir un capitalisme d'État subventionnant abondamment certaines industries et créant des distorsions défavorables à nos propres producteurs. À défaut, aucune solution multilatérale ne pourra être envisagée, et la guerre commerciale prendra de l'ampleur par contagion. La prochaine réunion de ce groupe aura lieu le 7 novembre, soit après-demain. Vous le constatez, notre ambition est vraiment de traiter les causes profondes de la fragilisation du système, les pratiques distorsives de concurrence des pays tiers.
À cet égard, nous pouvons partager l'analyse des Américains sur certains points. Le cadre de l'OMC est, en effet, bien moins précis que le cadre européen. Il ne permet pas de tenir compte, par exemple, de la mise à disposition de terrains ou du versement de subventions par les États à certaines industries. Il est donc perfectible et doit être parachevé, peaufiné pour répondre aux enjeux actuels. Il faut reconnaître que certains griefs formulés par les États-Unis contre le système de règlement des différends de l'Organisation sont justifiés. En bloquant le renouvellement des membres de l'organe d'appel, ils menacent toutefois de faire ployer tout l'édifice, car plus aucun appel ne sera possible à partir du 11 décembre s'ils restent sur leur position. Certes, les délais de traitement des litiges sont souvent trop longs. Lors de la création de l'OMC, les règles établissaient que les procédures devaient durer quatre-vingt-dix jours. En raison notamment de la complexité du droit et du volume des dossiers et annexes établis par les avocats, les délais d'instruction ont dérapé et, conséquemment, la durée d'exercice du mandat des membres de l'organe d'appel puisque ces derniers pouvaient continuer à statuer après la fin de leur mandat sur les affaires dont ils avaient été saisis auparavant. Les États-Unis reprochent, en outre, à l'organe d'appel d'avoir outrepassé son pouvoir en créant un droit jurisprudentiel, par exemple en resserrant les conditions de déclenchement des clauses de sauvegarde. Les critiques formulées sont donc bien recevables.
Je tiens à saluer le travail effectué par l'ambassadeur David Walker, représentant permanent de la Nouvelle-Zélande auprès de l'OMC, qui a été chargé de mettre à plat les critiques américaines pour y apporter des réponses. Sur ce fondement solide, nous devrions pouvoir avancer, mais, là encore, nous n'avons pas de retour de la part des Américains, qui entendent peut-être stratégiquement conserver un levier jusqu'au dernier moment. En tout cas, s'il y a une volonté de sauver l'organe d'appel et de réformer l'Organisation, les moyens d'y parvenir sont là.
Que se passera-t-il le 12 décembre, échéance qui pourrait sceller l'impossibilité de fonctionnement de l'organe d'appel de l'ORD lorsque ses membres titulaires ne seront plus que deux, soit un nombre insuffisant pour que leurs délibérations puissent être validées ? La première option serait que plusieurs membres de l'OMC s'accordent pour mettre en place, au sujet des affaires qui les opposent, un appel de substitution avec des arbitres désignés. Certains membres pourraient toutefois décider de ne pas souscrire à ce mécanisme, de sortir du cadre de l'OMC et de se faire justice eux-mêmes en imposant leurs propres sanctions. Ce contexte nous impose de réfléchir aux mesures que pourrait prendre l'Union européenne si le pire devait advenir.
La prochaine conférence ministérielle de l'OMC, qui se tiendra en juin 2020 à Noursoultan, le nouveau nom de la capitale du Kazakhstan, marquera un tournant important. La précédente, qui avait eu lieu à Buenos Aires en décembre 2017, n'avait guère donné de résultat. Nous espérons progresser sur plusieurs dossiers. L'encadrement des subventions à la pêche pour éliminer les aides illégales n'avait pas abouti en 2017 ; nous espérons cette fois arriver à la conclusion d'un accord qui répondrait à la nécessaire prise en compte des objectifs de développement durable dans le commerce. Plusieurs négociations plurilatérales, impliquant seulement une partie des membres de l'OMC et ayant vocation à s'étendre à tous, porteront sur le commerce électronique et sur la facilitation de l'investissement.
En conclusion sur l'OMC, la France insistera lors du prochain Conseil des ministres à Bruxelles sur la nécessité de redoubler les efforts et d'envisager de nouvelles pistes pour faire avancer la réforme. Nous avons le travail de David Walker, il faut maintenant un élan politique qu'il appartient aux dirigeants d'imposer. Il faut également donner un nouveau souffle à la trilatérale Union européenne, États-Unis, Japon et essayer d'engager un dialogue politique au plus haut niveau avec les Américains pour sortir de l'impasse.
Le troisième point à l'ordre du jour concerne la mise en oeuvre des accords commerciaux. La Commission européenne a rendu son troisième rapport sur le sujet – j'ai demandé que ce document vous soit transmis numériquement, car il permet de voir si nos filières en ont tiré profit. Il dresse un état des lieux sur les trente-cinq accords passés avec soixante-deux partenaires et constitue une base de travail solide et étayée, avec pour visée une meilleure transparence de l'information dans les relations de la Commission avec le Conseil, avec le Parlement européen et avec les parlements nationaux. On constate que les accords commerciaux continuent de produire des effets positifs en termes de facilitation des échanges. C'est le cas, en particulier, de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Canada, qui nous a occupés de longues heures il y a quelques mois : les exportations agricoles européennes vers le Canada ont augmenté de 4 %, et celles de la France de 8 à 9 % en moyenne. Voilà qui plaide pour la poursuite du processus. Le projet de loi autorisant la ratification de l'accord a été adopté par l'Assemblée nationale puis transmis au Sénat. Notre intention est qu'il y soit débattu au printemps prochain, ce qui laissera à la Haute assemblée le loisir de l'examiner sous toutes les coutures. D'ici là, nous continuerons de suivre sa mise en oeuvre et la façon dont le gouvernement canadien observe la feuille de route bilatérale ambitieuse en matière environnementale.
Pour en revenir aux accords commerciaux, la façon dont les entreprises se les sont appropriés est inégale selon les zones géographiques. En Turquie, en Suisse, en Corée, en Jordanie et en Ukraine, les entreprises utilisent trois fois sur quatre ou quatre fois sur cinq les préférences octroyées à l'Union européenne. En Amérique centrale, en revanche, les accords ne sont utilisés qu'à hauteur de 30 % de leur potentiel. Des marges d'amélioration existent donc et un travail reste à faire par les représentants des entreprises et par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), qui sensibilise régulièrement les entreprises à toutes ces opportunités.
Enfin, nous pensons que l'Union européenne doit, sans hésiter, enclencher les procédures contentieuses prévues par les accords lorsque ceux-ci sont violés par nos partenaires, comme elle l'a fait récemment à l'encontre de la Corée du Sud, qui n'a toujours pas ratifié quatre conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT). Lors du prochain Conseil commerce, nous demanderons, comme à chaque fois, un point d'information sur les actions menées, les contentieux en cours et l'activation des procédures de règlement des différends, car nous devons tout simplement nous faire respecter.
Le quatrième et dernier point de l'ordre du jour a trait aux relations commerciales de l'Union européenne avec la Chine et aux autres négociations bilatérales. Sur le premier sujet, la semaine est particulièrement importante, puisque le Président de la République est en visite d'État à Pékin et que ce déplacement coïncide avec la tenue à Shanghai de la Foire internationale des importations en Chine. Une réunion informelle des ministres du commerce de l'OMC se tient également aujourd'hui même et, comme je l'ai déjà indiqué, le groupe de travail entre l'Union européenne et la Chine sur la réforme de l'OMC doit se réunir jeudi. C'est donc un moment clé, dont nous espérons beaucoup.
Nous pouvons nous réjouir de l'évolution doctrinale qu'illustre l'adoption, en mars dernier, d'une communication conjointe de la Commission et du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) sur les relations entre l'Union européenne et la Chine. Cette dernière y est présentée à la fois comme un partenaire – ce qu'elle est, par exemple, sur le climat et sur d'autres défis mondiaux – et comme un concurrent économique, « un rival systémique ». C'est une révolution, car, sur beaucoup de dossiers, le filtrage des investissements directs étrangers notamment, les pays du sud de l'Europe ou d'Europe centrale et orientale, qui ont accueilli de nombreux investissements chinois ces dernières années, étaient très réticents à envisager la relation avec la Chine de façon plus équitable et à promouvoir la réciprocité. Cette communication marque donc un changement de mentalité au sein de l'Union européenne qui est particulièrement bienvenu. Nous souhaitons, pour notre part, une relation économique plus équilibrée, qui permette la révision de certaines règles afin de garantir des conditions de concurrence équitables. Nous avons, en effet, tout intérêt à conserver des règles plutôt qu'à évoluer dans une zone de non-droit en matière commerciale ; c'est le message, la méthode prônés par le Président de la République en Chine. Les guerres commerciales ne présentent d'avantages pour personne et ne sont pas faciles à gagner.
Lors du prochain Conseil des affaires étrangères sur le commerce, je plaiderai au nom de la France pour qu'on avance dans la formation d'outils européens de nature à promouvoir la réciprocité en matière de marchés publics. Dès lors que nos amis chinois ont pu gagner des marchés publics en Europe centrale, il importe que nous ayons la possibilité de répondre à certains marchés publics en Chine.
Il est temps également d'arriver à conclure l'accord global en matière d'investissement, sur lequel les négociations sont en cours depuis 2013. L'objectif fixé lors du dernier sommet Union européenne-Chine en avril dernier était d'y parvenir en 2020, mais cela dépendra de l'offre révisée attendue de la part de la Chine pour la fin de l'année, car ce qui importe, c'est le contenu. Nous devons maintenir un niveau d'ambition élevé, car nos entreprises sont contraintes de s'associer en joint venture avec des entreprises chinoises pour pénétrer ce marché. Une ouverture effective du marché, des conditions de concurrence équitables, sans transferts de technologie forcés ni subventions étatiques, voilà les éléments sur lesquels nous serons très vigilants. Nous serons également attentifs à la protection du droit à réguler et au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. Sur ce point, le niveau d'exigence est supérieur à celui qui prévalait il y a dix ou quinze ans. Le nouveau modèle de règlement des différends adopté pour le CETA est, d'ailleurs, en quelque sorte la préfiguration de la cour permanente des investissements que nous appelons de nos voeux.
Avant d'arriver à la conclusion d'accords sur ces sujets, nous pouvons d'ores et déjà nous réjouir que les négociations sur les indications géographiques protégées aient abouti. Pour la France, ce sont vingt-six IGP, notamment des vins comme le Beaujolais, le Bordeaux, le Chablis ou des fromages comme le Roquefort ou le Comté, qui sont reconnues. Sur le marché chinois, cette reconnaissance vaut protection contre les contrefaçons et les falsifications, dont plusieurs producteurs de vin ont été victimes. Cet accord est, en outre, vivant, c'est-à-dire qu'à la première liste de cent IGP européennes pourrait s'en ajouter rapidement une autre. Au moment où le marché chinois s'oriente de plus en plus vers les produits de qualité, ce travail sur les IGP donne un avantage compétitif à nos producteurs.
Je vous propose maintenant un petit tour d'horizon des accords commerciaux qui ont abouti ou qui sont en cours de négociation dans d'autres zones géographiques.
Mme la présidente a évoqué l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur. Il est certain qu'au-delà de son texte, l'accord sera jugé sur les actes et les résultats concrets qu'il donnera. Ainsi, malgré les engagements pris par le président Bolsonaro lors du G20 d'Osaka, le gouvernement brésilien a mené des actions clairement en contradiction avec les engagements de l'Accord de Paris. On a vu le peu de cas qu'il faisait de la lutte contre le réchauffement climatique, alors que, dans le cadre de la COP21, le Brésil a consenti en particulier à replanter 12 millions d'hectares de forêt d'ici à 2030. Le Président de la République a tiré les conclusions de tout cela et annoncé que la France ne pouvait pas soutenir le texte en l'état. Je redis ici la position française.
Reprenant la méthodologie mise au point lors du précédent du CETA, grâce au travail conjoint que nous avions conduit avec la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, nous avons mandaté une commission d'experts indépendants, afin de procéder à une évaluation rigoureuse de cet accord. Vous m'avez interrogé sur son travail, mais le Gouvernement n'a pas de droit de regard dessus. À peine savons-nous qu'elle envisage de rendre un rapport intermédiaire au mois de décembre, le rapport final devant intervenir dans le courant du premier trimestre de l'année prochaine. Parallèlement, une étude d'impact prospective également indépendante est menée sur les conséquences de l'accord sur nos filières agricoles sensibles.
Du côté de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, les négociations progressent convenablement. La France est particulièrement attentive aux filières agricoles sensibles et communique régulièrement ses préoccupations aux autorités ministérielles australiennes et néo-zélandaises. Je pense que le message est bien reçu de leur côté.
La Nouvelle-Zélande est particulièrement volontariste en matière de développement durable. Elle constitue même un allié pour convaincre certains collègues européens puisque la Première ministre, Jacinda Ardern, a souhaité que l'Accord de Paris soit « clause essentielle » de l'accord à venir. Ce serait un précédent formidable que d'arriver à inciter les Européens à y souscrire également. En marge de l'Assemblée générale des Nations unies, Jacinda Ardern a annoncé une politique commerciale beaucoup plus verte. Nous nous pencherons sur son plan, car nous portons la même ambition.
Un peu plus au nord, la zone de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) fait l'objet d'un agenda de négociation ambitieux. Un accord de libre-échange et de protection des investissements a été signé avec Singapour à la fin de l'année 2018 et approuvé par le Parlement européen au début de cette année. Il doit désormais être adopté par le Comité des représentants permanents (COREPER) puis par le Conseil. Cet accord reflète pleinement la nouvelle approche européenne, qui inclut notamment la protection du droit à réguler et le système des cours d'investissement. Il devrait être ratifié par l'ensemble des parlements des États pour entrer en vigueur. Vous serez donc amenés à vous prononcer.
Un autre accord de libre-échange et de protection des investissements est en cours de négociation avec le Vietnam. Le Parlement européen sera conduit à se prononcer début 2020 sur cet accord, qui comprend des enjeux importants pour l'économie française puisqu'un certain nombre de filières pourront en bénéficier.
Les négociations entre l'Union européenne et l'Indonésie se poursuivent de façon assez lente.
Pour conclure, nous devons articuler toujours plus et mieux commerce et développement, en posant certaines conditions, telles que la priorité à la mise en oeuvre du mécanisme de réduction des émissions de carbone, l'approbation de l'Accord de Paris comme clause essentielle, et la prise en compte du chapitre relatif au développement durable de nos accords commerciaux dans le mécanisme de règlement des différends. La feuille de route est dense ; nous espérons la remplir avec votre soutien.
Sans vouloir doucher votre bel optimisme sur la réciprocité, que l'on invoque depuis quinze ans, je rappelle que le taux d'ouverture des marchés publics de l'Union européenne est de 95 %. Il est de 0 % en Chine et de 32 % aux États-Unis. On peut continuer de prétendre aller vers la réciprocité, mais, depuis quinze ans, nous n'avons pas progressé d'un iota. Selon moi, ce joli mot de réciprocité est une fable, nous ne l'obtiendrons jamais. Il serait plus pertinent pour la croissance et le développement économique et social de l'Union européenne de faire comme les autres pays qui protègent leurs marchés publics, et de réserver, par exemple, 30 à 40 % des nôtres à des petites et moyennes entreprises (PME) européennes. Voilà qui est dit !
Au nom du groupe La République en marche, je vous remercie, madame la présidente, pour votre remarque. Je remercie également le secrétaire d'État, qui nous a montré par la durée de son intervention l'énormité de l'agenda commercial.
Il existe un décalage entre la perception qu'a l'opinion française de la douleur d'accoucher d'un accord et la dynamique européenne, extrêmement forte, dans laquelle vous avez bien montré votre rôle d'accompagnement et de contrepoids. Nous avons vécu cette douleur pendant quelques semaines, cet été ; nous la voyons poindre à nouveau dans les mois qui viennent, pour les débats de ratification qui s'annoncent peut-être, l'éventuelle deuxième lecture du CETA et les autres négociations en cours.
S'agissant de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, je m'interroge sur la cohérence, du moins sur le message politique qui est délivré lorsqu'on affirme que le compte n'y est pas, mais qu'on étudie quand même le dispositif, avec une commission et une étude d'impact. Un travail de pédagogie s'impose. Au sein de cette commission et ailleurs, pendant deux ans, nous avons accompli une performance en accompagnant le travail et en maintenant la pression. Vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez reconnu que, sans la pression du Parlement, l'exécutif n'aurait pas été aussi loin dans ses demandes. Il faut tirer les leçons des difficultés qui ont marqué les débats passés, en particulier le défaut de travail politique d'accompagnement, de pédagogie et d'inscription dans le débat démocratique national et local. Il faut expliquer ce qui se passe.
Vous avez beaucoup insisté sur les États-Unis. En octobre, l'OMC a revu ses prévisions de croissance des échanges commerciaux, de 2,9 % à 1,6 %. Les nuages s'accumulent. Si l'on considère les contre-mesures qui seront mises en oeuvre, telles que la prospection de notre diplomatie économique ou les actions de nos opérateurs comme Business France, n'y a-t-il pas un décalage entre la violence de l'irruption de cette tempête et la longueur d'horizon des négociations commerciales et des outils dont nous disposons ? Outre s'occuper des enjeux de régulation, l'Union européenne ne pourrait-elle pas, parallèlement à ce que font nos opérateurs, conduire un travail plus opérationnel de promotion et de présence à l'export ? Ce travail a déjà été imaginé au travers du Green deal et de la transition pour la recherche industrielle ; il pourrait l'être également en matière commerciale.
Le groupe Les Républicains souscrit à votre remarque concernant les marchés publics européens, madame la présidente. Sur ce point, aucun gouvernement, de gauche comme de droite, pas plus que l'actuel, n'ont progressé d'un iota. Il le faut pourtant.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai relevé dans vos propos de nombreux « il faudrait », « y a qu'à », « ce serait mieux » ou « ce serait bien », mais vous êtes aux affaires ! Ces questions se posent depuis de nombreuses années. En arrivant, vous avez promis une sorte de révolution, un nouveau monde, de nouvelles méthodes. La population française en attend et attend de vous des résultats concrets.
Le CETA, même s'il a pu apporter des éléments positifs à la France pour certains produits, inquiète toujours les éleveurs, qui n'ont pas encore pu en apprécier les modalités. Sans revenir sur une question dont nous avons énormément parlé dans cette commission, les exploitations canadiennes n'ont rien à voir avec les nôtres. Nous avons eu l'impression, dans l'opposition, qu'en refusant de signer l'accord avec le Mercosur, vous cherchiez à vous rattraper, à compenser les craintes que nourrissent notamment les éleveurs vis-à-vis des importations de viande en provenance d'Amérique du Nord. Il ne faut pas nous prendre pour des lapins de six semaines ! Certains d'entre nous font de la politique depuis longtemps… Je souhaiterais donc que vous puissiez rassurer le monde agricole.
Par ailleurs, nous savons que le Président de la République a emmené avec lui des chefs d'entreprise en visite en Chine. Qui sont-ils ? Parmi tous les produits de qualité qui font la richesse de la France, quels sont ceux qui font l'objet de négociations de sorte que notre balance commerciale avec ce pays soit moins déficitaire ?
Ma circonscription englobant Varsovie, siège de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), je parlerai de frontières et d'opinion publique. Dans les rencontres bilatérales que j'organise souvent avec des élus locaux, la notion de frontière extérieure de l'Europe est abordée sous l'angle, non seulement des réfugiés, mais également de notre responsabilité commune. Je ne suis pas certain que les opinions publiques de toute l'Europe soient prêtes à ce front commun que vous avez évoqué.
Quand il y a des visites chinoises en Europe, elles sont rarement présentées comme des visites à l'Europe ; ce sont des visites à Prague, à Varsovie ou à Sofia. Or l'Europe a en partage la question de la « route de la soie », le problème de l'ouverture des marchés publics – que madame la présidente a très bien repris – et les questions de financements européens de qualité. Ce n'est donc pas une pédagogie qu'il faut faire, mais vingt-sept, pour vérifier que nos opinions sont bien prêtes à ce front commun. À l'approche de cette réunion interministérielle, comment ressentez-vous, en fonction des aléas et des élections qui y ont eu lieu, l'état de ces pays qui ne sont pas clairs aujourd'hui sur ce front commun et cette frontière commune, en particulier par rapport à la Chine ? Sentez-vous que la conscience européenne avance, et avec elle la volonté de se défendre ensemble, de ne pas laisser rentrer les non-Européens sans contrôle ?
Vous le savez, certaines visites chinoises ou américaines sont des prétextes pour faire passer des messages de détricotage de l'Europe parmi les populations. Non seulement on ne fait pas vingt-sept pédagogies, mais ces visites favorisent une pédagogie inverse, évidemment encouragée par les Chinois ou les Américains qui passent.
Lors du dernier sommet européen, qui s'est tenu à Bruxelles les 17 et 18 octobre derniers, la France, associée aux Pays-Bas et au Danemark, a mis son veto à l'ouverture en 2020 du processus de négociation en vue de l'adhésion de la Macédoine du Nord et de l'Albanie à l'Union européenne. Le Premier ministre de Macédoine du Nord, qui avait pourtant engagé une réforme constitutionnelle périlleuse, organisé un référendum et même changé le nom de son pays pour satisfaire aux exigences européennes, a convoqué des élections anticipées. En Albanie, ce refus a évidemment été perçu comme un camouflet aux efforts de démocratisation et de lutte contre la corruption, notamment. Alors que la Russie, la Turquie et la Chine sont à l'affût pour augmenter leur influence dans ces deux pays et que le président du Conseil, le Polonais Donald Tusk, a déploré ce veto, pourriez-vous revenir sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement et le Président de la République à prendre cette décision ?
Plus globalement, quelle sera la ligne de conduite de la France au sommet Union européenne-Balkans du printemps prochain, la Croatie, qui présidera l'Union européenne à cette date, ayant d'ores et déjà annoncé vouloir faire de l'élargissement l'une de ses priorités ?
Monsieur le secrétaire d'État, vous l'avez dit avec raison, une guerre commerciale n'est jamais bonne : on sait quand elle commence, on ne sait pas où elle finit, et on n'est jamais sûr de la gagner. À cet égard, êtes-vous inquiet des menaces américaines ? La France exporte trente et une fois plus de vins et spiritueux vers les États-Unis qu'elle n'en importe, et ce sont surtout des vins chers. Une possible décision intempestive du président américain vous inquiète-t-elle ?
Quel est, par ailleurs, l'état des relations avec la Russie ? Les tensions sont-elles apaisées ? La France reprend-elle des volumes d'échanges plus conformes à ce qu'ils doivent être ?
Nous venons de recevoir le rapport de la Commission européenne sur l'évaluation des accords commerciaux. Ce document indique que l'Union européenne a signé trente-cinq accords avec soixante-cinq partenaires, dans différentes zones. L'évaluation semble assez fine, mais en existe-t-il une qui concerne la France elle-même, qui lui permette de déterminer dans quels accords elle est gagnante ou perdante ? Pour faire suite aux propos, applaudis, de madame la présidente, dans quels domaines y a-t-il ou non réciprocité ? Quels accords doit-on modifier ?
Une mission pourrait être menée pour réaliser une telle évaluation, car nous avons l'impression désagréable d'être les dindons de la farce, le concept de réciprocité se révélant pour le moins élastique.
À propos des récentes sanctions commerciales américaines qui risquent d'affecter lourdement plusieurs produits européens, une étude récente du cabinet Euler Hermes estime que les pertes annuelles de la France avoisineraient un milliard de dollars. Lors du dernier Conseil agriculture et pêche, le ministre Didier Guillaume a demandé à la Commission européenne d'examiner les secteurs touchés, afin de prendre des mesures d'accompagnement pour faire face à cette situation exceptionnelle. Cette question sera-t-elle abordée lors du prochain Conseil commerce de l'Union européenne ? Quels mécanismes d'indemnisation seront mis en place, au nom du devoir de protection de ces secteurs, comme madame de Montchalin l'a également demandé à la Commission européenne ?
S'agissant, par ailleurs, des relations commerciales avec la Chine, quels arguments éthiques l'Union européenne et la France peuvent-elles mettre en avant pour faciliter l'accès des produits européens aux marchés chinois ? Je pense en particulier au porc breton, dont les exportations sont en hausse du fait de l'épidémie de fièvre porcine que connaît la Chine.
Outre le premier accord commercial sur la protection des IGP ainsi que la réciprocité d'ouverture des marchés, de quels leviers pourrions-nous disposer pour améliorer nos exportations ?
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour ce rendez-vous, maintenant traditionnel, qui constitue une marque du respect de l'activité du Parlement, qu'il faut apprécier à sa juste valeur.
La semaine dernière, j'ai pu échanger de manière informelle avec l'ambassadeur de France en Australie sur l'accord de libre-échange en cours de négociation. La visite du Président de la République, en mai 2018, a instauré une dynamique puisque s'en est suivie une série de visites ministérielles. Celle de madame Vidal, notamment, a contribué au développement d'accords de partenariat entre les universités et les établissements d'enseignement supérieur. M. Le Drian sera également présent cette semaine en Australie. Compte tenu de cette forte dynamique et de notre balance commerciale en excédent, quelles perspectives peuvent être envisagées pour le développement de nos relations avec ce pays ?
Par ailleurs, je n'ai pas compris comment se traduira dans les faits la position du Président de la République sur l'accord avec le Mercosur. Il ne faudrait pas, s'agissant d'un accord pas comme les autres, que nos partenaires européens puissent nous « corneriser » pour finalement l'accepter comme une évidence. Quelle sera la prochaine étape pour marquer clairement, dans les faits, la position française ? La décision sera-t-elle annoncée de ne pas donner l'accord de la France ?
L'accent mis par l'Union européenne sur les négociations bilatérales est une stratégie pertinente pour renforcer la promotion de nos priorités en matière de commerce international. Ainsi, en matière d'environnement, les derniers accords bilatéraux, notamment celui entre l'Union européenne et le Japon, comprennent des dispositions permettant la mise en oeuvre effective de l'Accord de Paris.
Aujourd'hui, un nouvel objectif, dont le principe était déjà inscrit dans l'Accord de Paris, a renforcé cette priorité : atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. Comment intégrer un tel objectif dans un accord commercial ? Dans quelle mesure l'empreinte carbone des exportations et des importations peut-elle être prise en compte ?
Monsieur le secrétaire d'État, je vous prie par avance de m'excuser pour le décalage de ma question par rapport au thème d'aujourd'hui, mais je n'aurai peut-être pas d'autre occasion de la poser. En effet, c'est en 2020 que les Français de l'étranger seront appelés aux urnes pour élire celles et ceux que l'on nomme aujourd'hui les conseillers délégués consulaires. Cet engagement de proximité, essentiel pour que les préoccupations des Français de l'étranger soient entendues à l'échelle locale, doit être reconnu à sa juste valeur. Au nom de nos concitoyens établis à l'étranger, je souhaite que les compétences de ces délégués soient élargies et qu'ils et elles puissent accéder à des formations pour remplir encore mieux leur rôle.
En outre, leur existence doit être mieux connue, et les prochaines élections constituent une occasion idéale pour cela. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour informer les Français établis hors de France de l'importance de ces élections ?
Enfin, il a été annoncé que le vote par internet, qui répond à un besoin des électeurs éloignés des centres de vote, serait mis en oeuvre pour cette échéance électorale. Les conditions de sécurité sont-elles cependant remplies ?
Pour rebondir sur la remarque de madame la présidente, je dirai que la réciprocité vaut dans les deux sens : si les Chinois ne souhaitent pas venir à notre niveau d'ouverture, rien ne nous empêche de nous mettre au leur. Sur ce point, nous devons être dynamiques et avancer.
Le déficit commercial français s'améliore : alors qu'il était, en 2018, de 41,8 milliards d'euros pour la même période, il s'établit à 36,5 milliards d'euros pour les huit premiers mois de cette année. Tout jeune politique que je suis – mais, comme le dit Corneille, « aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années » –, je répondrai en quelques chiffres aux propos du politique expérimenté qu'est Pierre Cordier. Notre excédent commercial avec le Canada s'élevait à 50 millions d'euros avant le CETA ; il est passé à 450 millions d'euros, soit neuf fois plus. On voit que l'accord apporte des bénéfices à notre économie.
Pour expliquer l'amélioration de notre déficit, je mettrai en avant nos entreprises, qui sont aujourd'hui très dynamiques – les grands groupes comme les entreprises de taille intermédiaire (ETI), les PME et les très petites entreprises –, mais aussi les actions que le Gouvernement et les députés ont engagées, telles que le guichet unique Team France Export en région. Ce sont là les premiers résultats de nos travaux et nous pouvons nous en féliciter.
Alliant la fougue de ma jeunesse avec l'expérience de Pierre Cordier, nous avons fait plusieurs propositions, notamment celle d'une expérimentation pour permettre aux retraités d'apporter leur expertise aux petites et très petites entreprises, afin de les aider à organiser une stratégie d'export et à élargir leur carnet d'adresses. J'aimerais connaître votre position sur cette proposition.
Vous avez raison de rappeler que de nombreuses propositions de votre rapport, corédigé avec Pierre Cordier, ont été prises en compte. Nous l'avions noté lors d'une évaluation du commerce extérieur. C'est une très bonne chose, dont je remercie le ministère et le secrétaire d'État.
Je voudrais appeler l'attention sur certains points de vigilance.
Madame la présidente l'a dit, la réciprocité est très attendue. La difficulté que les Français ont éprouvée à adhérer au CETA est due aux déficits commerciaux que nous connaissons depuis plus de quinze ans. Personne ne comprend que, le déficit atteignant chaque année plusieurs dizaines de milliards d'euros, l'on ne parvienne pas, alors que le commerce doit être un rapport gagnant-gagnant, à rééquilibrer plus rapidement la balance dans nos négociations avec les autres pays. Nous devons être vigilants sur ce point, car, comme le rappelait mon collègue, bien que le CETA porte aujourd'hui ses fruits et qu'il soit plutôt en faveur de la France, il continue de susciter l'opposition des Français. Dans ces conditions, leur faire comprendre l'accord avec le Mercosur relève de la gageure.
Dans les quinze jours qui viennent de s'écouler, deux annonces fortes ont touché ma circonscription. La première concerne les scooters : Peugeot Motocycles, seule entreprise du secteur restant en France, est passée à cent pour cent sous pavillon indien. Je ne suis pas contre ce transfert qui portera certainement des fruits intéressants, mais il faut avoir conscience des inquiétudes qu'il peut susciter. L'autre annonce a trait au rapprochement entre Peugeot, Fiat et Chrysler, dont tout le monde se réjouit pour relever les défis liés à l'environnement, à l'automobile de demain, aux nouvelles mobilités et à la connectivité. Ces opérations doivent toutefois être suivies. Sans appeler de mes voeux une économie administrée – il ne s'agit pas d'empêcher les industriels de travailler à l'avenir –, il me semble que la commission des affaires étrangères pourrait se saisir de ces deux dossiers, qui sont d'importance.
Ma circonscription étant frontalière avec la Suisse, un pays appartenant à l'Europe sans participer à l'Union européenne, il nous faut peut-être, dans la lignée de l'accord en matière de santé, travailler à d'autres accords et fluidifier aussi les questions liées au commerce, à l'économie, à l'industrie et au développement. La question concernant d'autres ministres, je m'adresserai à eux par écrit sur ce sujet.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué de nombreux accords mais pas l'accord d'association signé entre l'Union européenne et l'Ukraine en 2014, dont le volet commercial s'applique depuis janvier 2016, sur fond de révolution de Maïdan et d'embargos réciproques entre l'Union européenne et la Russie.
L'abaissement des droits de douane a entraîné une explosion des exportations de produits agroalimentaires de l'Ukraine vers l'Europe – plus 32 % en 2017 et plus 30 % chaque année. La moitié des produits agricoles importés dans l'Union européenne sont des céréales, or la France est la première exportatrice de blé et de semences de maïs. Elle se trouve donc directement concurrencée. De plus, ces secteurs étant soumis à des cours fixés par les marchés, ils sont déstabilisés. De surcroît, j'ai appris récemment – mais est-ce vrai ? – que le maïs provenant d'Ukraine contient de l'atrazine et des néonicotinoïdes.
Pour des raisons géostratégiques, la France a intérêt à développer les échanges avec l'Ukraine. Que pouvez-vous en dire ?
Je reviens sur l'état des négociations entre l'Union européenne et le Mercosur. Lors du dernier sommet du G20 à Osaka, le président de la Commission européenne avait annoncé qu'il était parvenu à obtenir des avancées sur les garanties demandées par la France, suivie et soutenue par d'autres pays européens comme l'Irlande, la Belgique ou la Pologne.
Depuis, le président Bolsonaro est revenu sur son engagement de respecter les termes de l'Accord de Paris. Ce revirement a été accompagné de l'attitude déplorable que l'on sait durant la crise des feux de forêt massifs, qui ont réduit en cendres des milliers d'hectares du couvert amazonien. Hier après-midi, je présentais en séance publique mon rapport consacré aux actions de la France en faveur de la protection des forêts mondiales. À ce titre, dire que les prévisions à moyen terme sont mauvaises revient à faire preuve de modération. Les conséquences de la déforestation sont non seulement économiques et écologiques, mais également humaines et politiques. Nous l'avons vu vendredi dernier, avec l'assassinat d'un jeune militant brésilien, membre d'une tribu amazonienne, dans une embuscade tendue par des trafiquants de bois.
Comment évoluent les négociations entre l'Union européenne et le Mercosur sur ce point précis ? Notre pays peut-il aujourd'hui compter sur le soutien d'autres États d'Amérique du Sud ? Le levier commercial peut-il permettre une inflexion de la politique de déforestation massive du Brésil ?
Monsieur le député, merci pour vos combats, desquels cette commission est parfaitement solidaire.
Ma question porte sur l'accord post-Cotonou. Je suis déçu par la nouvelle Commission européenne en ce qu'elle ne présente pas de chef de file politique en matière de partenariat entre l'Union européenne et l'Afrique.
Ce sujet me tient à coeur, car je considère, avec de nombreux collègues, que l'Afrique est une priorité géoéconomique, géostratégique, géopolitique. Nous devrions avoir ce que Michel Barnier avait réussi à incarner pour le Brexit, un chef de file politique qui rassemble tous les éléments et instruments de cette coopération, qui intègre l'aide au développement, l'investissement, le commerce et les questions climatiques, entre autres.
Sur ce sujet, où en sont les négociations, notamment la volonté de dissocier le Pacifique de l'Afrique ? Dans une phase de transformation de l'aide publique au développement (APD), ou du moins d'intégration de cette question dans un domaine plus large, comment envisagez-vous l'articulation entre le Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la commissaire à l'aide au développement, qui sera placée sous tutelle du Haut représentant, et le commissaire pour le commerce ? Comment ce mandat sera mis en oeuvre concrètement ?
Une des priorités du Président de la République, dans la lettre qu'il a adressée aux Français à l'occasion des élections européennes, était de construire un partenariat global entre l'Union européenne et l'Afrique. Pour cela, il faut des instruments.
Je fais partie de ceux qui estiment que les ennuis de Boeing ne sont pas très positifs pour Airbus. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué un cadre agréé des deux côtés de l'Atlantique ; je souhaiterais savoir si cette idée avance bien et si tous les pays européens sont d'accord entre eux pour construire ces accords de manière identique, parce qu'Airbus est avant tout un modèle européen exemplaire. Avoir des volontés identiques aide toujours les pays à trouver des solutions avantageuses.
Quant à la réciprocité, je partage la vision de madame la présidente. Entre 0 % et 95 %, il y a en effet une ouverture qui peut laisser passer un courant d'air ou une véritable tempête.
Madame la présidente, il y a quinze ou vingt ans, la réciprocité était certainement un gros mot. L'acclimatation progressive de cette notion n'a pas encore permis d'aboutir à des actions concrètes. L'objectif de la négociation sur l'instrument international sur les marchés publics (IPI) est de pouvoir exclure des offres venant d'entreprises de pays fermés. Cela demande un changement de logiciel de la part de certains États membres. S'agissant du filtrage des investissements, un important travail de maïeutique a dû être fait pour faire venir sur nos bases des États qui n'y étaient pas spontanément.
Une dynamique a été enclenchée. Le Conseil européen du mois de mars dernier a relancé les travaux sur ce texte, qui se poursuivent de façon assez intensive du point de vue technique. Le Président de la République et la Chancelière veillent à ce qu'on puisse avancer au niveau franco-allemand, nos amis allemands ayant une différence d'appréciation quant à l'opportunité d'un tel outil. Si l'on y arrive, ce sera un changement appréciable. Puisque l'objet de ces auditions devant votre commission est de prendre en compte les messages que vous envoyez, je veillerai à relayer votre préoccupation sur la réciprocité. J'aurai plus de poids si je peux dire que le Parlement est particulièrement attentif sur ce point.
S'agissant du Mercosur, Jacques Maire et Sylvain Waserman se demandent pourquoi, alors que nous considérons que le compte n'y est pas, on travaille sur l'accord en lançant des études d'impact et une évaluation indépendante. C'est que nous pensons que ces études et évaluations vont nous aider à plaider la cause auprès des autres partenaires européens. L'accord avec le Mercosur est un accord d'association qui requiert l'unanimité, ce qui signifie que chaque État membre a un poids significatif. Tous les parlements nationaux seront amenés à se prononcer, ce qu'ils ne feront pas avant l'automne prochain, un travail technique et d'écriture de finalisation de l'accord devant être réalisé au préalable. De notre côté, nous espérons pouvoir disposer des études et évaluations de la commission indépendante au cours du premier trimestre prochain. Ainsi, nous aurons des éléments pour évoquer le sujet avec les autres pays européens.
Rappelons que le mandat de négociation date de vingt ans. Depuis, le monde a changé, la prise de conscience et les interrogations ne sont plus les mêmes, en particulier s'agissant des normes. Cela pose la question de fond de la non-réactualisation du mandat.
Tout à fait. C'est la raison pour laquelle la France plaide en faveur désormais d'un encadrement des mandats dans le temps.
Je répondrai à Pierre Cordier que le registre n'est ni celui de l'incantatoire ni celui du « yakafokon ». Je l'incite à comparer la lettre de mission envoyée par Ursula von der Leyen à Phil Hogan et la partie du discours de la Sorbonne du Président de la République traitant du commerce : sans être un copiercoller, il y a une certaine inspiration, et je m'en félicite. Cela signifie que cette feuille de route prend en compte des objectifs et des priorités que la France avait mis en avant.
S'agissant du Mercosur, nous nous dotons de tous les outils qui nous permettront d'engager nos partenaires européens.
Les entreprises présentes dans la délégation en Chine appartiennent surtout au secteur agroalimentaire, notamment aux filières de la viande, et en particulier la filière bovine, parce que nous avons obtenu la levée de l'embargo. Jusqu'à présent, la France a exporté peu de boeuf vers la Chine – moins de 50 tonnes sur une année glissante. Nous devons maintenant faire agréer nos abattoirs, car il faut vraiment que nous nous emparions de ce marché, qui est considérable pour le boeuf mais également pour la viande porcine. Le secteur de l'aéronautique est aussi très représenté parce que nous espérons accélérer la certification d'appareils, de moteurs, de même que les industries culturelles et créatives, ainsi que les industries de santé. Nous espérons capitaliser sur de nombreux aspects.
Monsieur Petit, j'ai vu des évolutions se dessiner en dix-huit mois. Le 9 novembre prochain sera marqué par l'anniversaire de la chute du mur de Berlin, il y a trente ans. Le message est bien sûr celui de la réunification allemande mais aussi de la réunification européenne. Nous avons connu, pendant cinquante ans, une Europe pour partie sous le parapluie américain et pour l'autre partie sous le joug soviétique. Il s'agit de faire en sorte que l'Europe devienne à nouveau sujet et non plus objet des relations internationales, et que sa souveraineté s'exerce aussi en matière commerciale. C'est vraiment l'enjeu des prochains mois, des prochaines années. La défense se construit petit à petit et, en matière commerciale, les lignes bougent, même si le besoin de pédagogie se fait encore sentir. J'en veux pour preuve qu'un gouvernement a récemment inauguré un tramway préparé et livré par la Chine.
Alain David demande pourquoi la France est réticente à l'élargissement et à l'ouverture du processus de négociation avec la Macédoine du Nord et l'Albanie. Sur ce dossier, le Président de la République a été très clair. À vingt-sept, l'Europe est déjà un engin complexe à manier – certains lui reprochent de ne rien parvenir à concrétiser – ; il faut la refonder avant de l'élargir. Après les événements de 1989, on a voulu accueillir de nombreux États d'Europe centrale et orientale dans la famille européenne, mais nous sommes à un moment où les peuples ont besoin de cette refondation. J'entends les efforts qui ont été faits en Macédoine du Nord, et il faut saluer le compromis qui a été trouvé sur son changement de nom. Mais il convient d'être réaliste, raisonnable et de tenir un discours de vérité, c'est-à-dire de refonder avant d'élargir.
C'est une question sur laquelle notre commission s'est prononcée. À titre personnel, j'estime qu'il faut faire une pause dans l'élargissement de l'Union européenne, mais tout en donnant à ces deux pays des perspectives d'avenir, car nous avons un destin commun. Ces perspectives d'avenir ne passent pas nécessairement par l'adhésion à l'Union européenne en tant que telle. Il peut y avoir des coopérations importantes en matière sociale, économique, de sécurité ou de défense entre pays. Il est de notre responsabilité d'offrir ce type de perspective de coopération à la Macédoine du Nord et à l'Albanie, car ces deux pays font partie de l'Europe.
Je souscris tout à fait à vos propos. D'ailleurs, c'est sur le territoire de l'actuelle Macédoine du Nord qu'un coup d'arrêt important a été porté au premier conflit mondial, au cours de la bataille d'Uskub, dans laquelle les Français se sont illustrés. C'est l'un des derniers raids qui a conduit, avec l'aide des partenaires locaux, à la signature de l'Armistice quelques jours plus tard. Ce rôle important que les Macédoniens ont joué, ils le jouent encore et il ne faut pas les rejeter. Il faut donc continuer à travailler sur des solidarités, sur des liens, mais de façon un peu différente.
Monsieur Habib, les relations entre la France et la Russie ont changé de braquet après la rencontre entre le président Poutine et le président Macron à Brégançon. Jean-Yves Le Drian et Florence Parly se sont rendus à Moscou, au mois de septembre, pour un dialogue stratégique, ce qui n'était pas arrivé depuis 2013. En matière économique et commerciale, nous avons accueilli, avec Business France, il y a quelques semaines, un séminaire passionnant auquel ont participé de nombreux entrepreneurs russes et français et, au début du mois de décembre, se tiendra le Conseil économique, financier, industriel et commercial (CEFIC), qui est une sorte de commission mixte économique entre la France et la Russie. Par ailleurs, nous avons adapté notre outil, puisque Business France a contractualisé avec des prestataires particulièrement bien implantés sur le marché russe pour accompagner nos entreprises. Je pense que tous ces éléments produiront leurs effets.
Monsieur El Guerrab s'interroge sur la transcription au niveau national du rapport d'évaluation européen sur la mise en oeuvre des accords, souhaitant savoir où la France est gagnante et où elle est perdante. Les chiffres permettent de constater que, par exemple, l'accord avec la Corée est particulièrement bénéfique pour la France : le déficit commercial que nous avions avec ce pays avant 2012 est devenu, depuis la signature de l'accord, un excédent parmi les principaux de la France. Avec le Canada, l'excédent commercial est passé de 40 millions à 800 millions. Avec ces pays, la France est donc clairement gagnante. Je ne vois que des avantages à ce qu'on puisse éventuellement poursuivre cet exercice sur l'ensemble des accords.
Liliana Tanguy a demandé ce qu'il en serait des mécanismes de protection et d'indemnisation des secteurs agricoles, à la suite des sanctions commerciales décidées par les États-Unis. Notre action s'accomplit « en stéréo » : le ministre de l'agriculture a soulevé la question lors du conseil des ministres de l'Union européenne chargée de l'agriculture et je le ferai également lors du prochain Conseil commerce. Nous attendons une réponse pour le mois de décembre dans l'enceinte agricole. J'ai dit clairement que cela ferait partie de nos éléments de langage vis-à-vis de la Commission.
S'agissant du marché du porc avec la Chine, compte tenu de la pandémie qui frappe ce pays, les exportations françaises y sont très dynamiques. Guillaume Roué, le président de l'interprofession nationale porcine, fait d'ailleurs partie de la délégation française en Chine. Notre objectif est d'obtenir des Chinois des avancées sur le principe du zonage pour la peste porcine africaine, ce qui permettra de protéger nos exportations en cas d'épidémie localisée en France. Nous veillons aussi à ce que les exportateurs obtiennent leurs agréments pour se développer sur le marché chinois.
La négociation de l'accord de libre-échange avec l'Australie, évoqué par Sylvain Waserman, a effectivement insufflé une dynamique réelle. Lors de son déplacement à La Réunion il y a quelques jours, le Président de la République a affirmé que la France était, avec Mayotte, La Réunion ainsi qu'une présence militaire navale, pleinement un territoire de l'Indo-Pacifique, et qu'elle avait à coeur d'assurer la liberté de circulation dans ces eaux qui font parfois l'objet de frictions. C'est aussi dans le cadre de cette déclinaison de l'Indo-Pacifique que nous avons intérêt à avoir des accords, y compris commerciaux, avec les États riverains dont l'Australie. J'ajoute que ce pays est un partenaire stratégique dans le domaine des sous-marins, et que tout cela est assez structurant pour plusieurs décennies.
Nicole Le Peih demande comment prendre en compte la neutralité carbone dans les accords. La réponse la plus ambitieuse consiste à instaurer un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, qui est d'ailleurs dans la feuille de route de la Commission. C'est donc une grande avancée vers un travail concret et tout à fait compatible avec les règles de l'OMC. Pour les accords proprement dits, il faut faire en sorte que l'Accord de Paris y figure comme une clause essentielle – mais, pour le moment, nous ne sommes pas très nombreux à plaider cette cause. Si nous arrivions à créer un précédent avec l'accord avec la Nouvelle-Zélande, cela nous aiderait. Et puis il y a également des stratégies nationales. Par exemple, la France a adopté, à l'initiative de François de Rugy, une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Ce sont des éléments très concrets qui peuvent parfois conduire à des tensions avec nos amis de l'ASEAN – je pense à l'Indonésie, s'agissant de l'huile de palme.
Madame Cazebonne, les élections consulaires se tiendront au mois de mai prochain, et l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) sera renouvelée au mois de juin. Les conseillers consulaires élus agissent sous le signe de l'engagement et de la proximité, pour reprendre le titre d'un projet de loi bien connu dans cette assemblée. Ce texte doit être l'occasion d'acter plusieurs avancées. Pour sa part, le Gouvernement déposera un amendement rappelant que, selon l'article 1er de la loi 2014 sur les instances représentatives des Français de l'étranger, ce sont avant tout les élus qui représentent les Français de l'étranger. Jusqu'à présent, on ne citait que les instances – conseils consulaires et AFE – ; désormais, on citera les élus. Surtout, le Gouvernement souhaite, par cet amendement, confier la présidence des conseils consulaires aux élus, ce qui constitue une véritable révolution copernicienne. L'idée est de constituer un binôme avec les chefs de poste, ceux-ci ayant un rôle de rapporteur général. C'est là la reconnaissance de l'engagement des élus consulaires auprès des communautés.
En outre, le Gouvernement est ouvert à l'inscription du principe d'un accès à la formation. Il va missionner la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire pour élaborer des formations, soit en présentiel à l'occasion des sessions de l'AFE, soit à distance, grâce aux nouvelles technologies.
S'agissant du vote par internet, un dernier test grandeur nature sera effectué du 22 au 26 novembre, qui nous permettra de nous prononcer de façon définitive sur notre capacité à le faire. Mais, comme l'a dit le Président de la République, la France ne serait pas la France si elle n'était pas capable de faire du vote par internet. Je touche du bois pour que les tests soient conformes aux attentes.
Denis Masséglia a évoqué l'amélioration du déficit commercial – le recul du recul commercial, si je puis dire. On voit là l'importance de faire de la pédagogie. Depuis maintenant deux ans que je suis ces sujets-là, j'observe que les observateurs sont tentés de faire de grandes manchettes sur le déficit qui s'enfonce. C'est une quasi-incitation à nous mettre sous Prozac collectivement ! En réalité, la moitié du déficit commercial est due à la facture énergétique. Dès lors que nous aurons fait notre transition écologique, nous regarderons peut-être les choses différemment. Par ailleurs, les chiffres du premier semestre ont livré des signaux d'amélioration : davantage d'entreprises exportatrices, le meilleur niveau d'entreprises exportatrices depuis 2003, l'amélioration de plusieurs soldes, etc. Mais je concède qu'il reste encore beaucoup à faire.
Dans cette pédagogie, il faut aussi signaler que notre présence dans le monde s'exerce différemment de celle d'autres États, tels que l'Allemagne ou l'Italie qui sont avant tout exportateurs. Nous sommes aussi – peut-être est-ce le fruit de l'histoire – très présents sur les marchés eux-mêmes en tant que producteurs locaux, ce qui génère de l'ordre de 70 milliards de revenus qui remontent vers le territoire national et qui servent à investir dans l'outil national. Je ne dis pas que l'un équivaut à l'autre, mais cette dimension est à prendre en compte pour relativiser ou en tout cas avoir une vision complète de la façon dont nous sommes présents à l'international.
S'agissant de la possibilité pour des retraités d'apporter une expertise aux PME et TPE en matière d'exportations, il me semble que l'association ECTI est déjà particulièrement engagée en la matière et qu'elle propose de mettre au service des TPE et PME le savoir-faire d'anciens d'entrepreneurs ou cadres commerciaux.
J'ai bien entendu les éléments de vigilance mentionnés par Frédéric Barbier. En matière de réciprocité, il rejoint assez largement le consensus de votre commission. Les sujets industriels sont davantage de la compétence de Bruno Le Maire et d'Agnès Pannier-Runacher, mais j'entends bien que le passage sous drapeau indien des scooters Peugeot mérite une attention de tous les instants. Les exemples d'actionnaires indiens qui ont pris des positions fortes dans l'automobile – je pense à l'Angleterre avec Range Rover – montrent qu'ils ont trouvé les moyens de se développer. Il faut donc veiller à ce que ces nouveaux actionnaires donnent à cette filière les moyens de se développer. Le dossier du rapprochement entre Peugeot et Fiat-Chrysler est sur la table à Bercy, et votre message sera transmis.
Madame Clapot, si l'Ukraine exporte des céréales vers l'Union européenne, la France, elle, exporte des céréales à travers le monde, notamment dans le bassin méditerranéen, et ma préoccupation est que nous restions compétitifs et à notre place sur ces marchés avec l'Algérie, l'Égypte et le Maghreb, en particulier. Pour l'instant, la qualité de nos approvisionnements fait de nous les meilleurs, et il faut veiller à le rester.
Quant à la présence d'atrazine et de néonicotinoïdes dans le maïs ukrainien, j'avoue ne pas avoir d'éléments. Nous allons vérifier ce point pour vous donner une réponse.
Jean François Mbaye a parlé de la préservation de la forêt mondiale. Le Président de la République a pris une initiative forte, lors de l'Assemblée générale des Nations unies, avec le lancement d'une alliance pour l'Amazonie et les forêts tropicales. Il ne faut pas oublier que l'Afrique centrale est aussi très concernée, en particulier le Gabon et la République démocratique du Congo. Certains de ces États sont, d'ailleurs, déjà très engagés. Nous sommes en train de travailler à cette charte et les réunions vont bon train. Parmi les alliés que nous pouvons compter en Amérique du Sud, les présidents du Chili, de la Bolivie et de la Colombie étaient présents lors de cet événement. On voit donc que plusieurs États de la région sont déterminés à s'engager.
S'agissant des leviers dont nous disposons vis-à-vis du Brésil, à un moment, il faut hausser le ton. La position sur le Mercosur a été entendue clairement, ce qui permettra peut-être d'obtenir un infléchissement ou le respect des objectifs auxquels le Brésil a souscrit. Sinon, comme avec les États-Unis qui ont notifié leur retrait de l'Accord de Paris, il faut continuer à travailler avec les entités subfédérales, les États, les entreprises et les ONG, parce qu'un certain nombre d'entre eux souhaitent avancer sur ces sujets-là.
En matière de relations avec l'Afrique, je crois, monsieur Berville, que l'Union européenne est consciente de la nécessité d'un partenariat avec ce continent. La feuille de route de Phil Hogan inscrit d'ailleurs, noir sur blanc, parmi les priorités le partenariat en matière de commerce et d'investissements avec l'Afrique, notamment parce que celle-ci s'est structurée avec la nouvelle zone de libre-échange continentale (ZLEC). L'objectif à long terme est d'aboutir à un accord de zone à zone qui soit bénéfique à tous les peuples.
S'agissant de la négociation de l'accord post-Cotonou, l'idée est d'avoir un socle commun aux trois piliers Afrique, Caraïbes, Pacifique, avec un pilier Afrique particulièrement fort. Nous insistons régulièrement sur la priorité qui doit être donnée, dans tous nos outils d'aide au développement, aux pays les moins avancés, qui sont souvent en Afrique subsaharienne. Le commerce est une dimension, mais ce n'est pas la seule. En tout cas, nous sommes très mobilisés pour partager cette vision avec les États membres, sachant qu'un certain nombre de pays d'Europe centrale et orientale ont plutôt une appétence pour la politique de voisinage que pour celle du développement. Les crises de réfugiés les ont cependant amenés petit à petit sur ces sujets-là, et il convient maintenant de les ancrer sur l'importance du partenariat avec l'Afrique.
En ce qui concerne l'aéronautique, évoqué par Pierre Cabaré, nous appelons de nos voeux un cadre agréé qui éviterait d'avoir à agir par contentieux interposé entre les États-Unis et l'Europe. Nous avons mis des éléments sur la table ; jusqu'à présent, ils y ont peu fait écho du côté américain. Mais nous ne renonçons pas, pour le bien de tous. Pendant ce temps, en effet, d'autres acteurs, d'autres puissances – vous aurez reconnu lesquelles – sont en train de se structurer et seront sur le marché mondial d'ici à dix ans. Il faut donc être très lucide et en tirer toutes les conclusions.
Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez parlé tout à l'heure d'un point d'histoire, je voudrais revenir sur les déclarations que vous avez faites le 15 octobre dernier en réponse au sénateur Gilbert Roger à propos d'un sujet passionnant : le Tombeau des rois à Jérusalem. Vous avez dit en substance que le Tombeau des rois est propriété exclusive de la France et que le site est un joyau archéologique, mais jamais vous n'avez mentionné son importance symbolique et spirituelle dans l'histoire et la tradition juives. Je crains que votre réponse un peu brutale n'ait heurté les personnes de toutes confessions attachées à la vérité historique. J'en veux pour preuve que j'ai reçu de nombreux courriers.
Le Tombeau des rois est un prodigieux ensemble funéraire où sont inhumés des personnages illustres de l'histoire d'Israël, en particulier la reine Hélène d'Adiabène, souveraine kurde convertie au judaïsme au Ier siècle avant Jésus-Christ, dont les ossements ont été transférés au Louvre.
Depuis des siècles, les juifs prient devant le Tombeau des rois. Dans les années 1860, sous domination ottomane, le site fait l'objet de fouilles archéologiques. Le grand rabbin de France de l'époque, Lazare Isidor, convainc Berthe Amélie Bertrand, une très riche héritière et cousine germaine des frères Pereire, de l'acquérir, parce que la loi ottomane interdisait à un juif d'acquérir des terres. Elle le fait par l'intermédiaire du consul général de France à Jérusalem. En 1874, elle en fait don au consistoire local, le Hekdesh, en exprimant clairement ses dernières volontés : « C'est en souvenir de mes ancêtres que je veux préserver de toute profanation le Tombeau des rois. » Après son décès, ses légataires, les frères Pereire et en particulier son petit-fils Henri Pereire, auraient offert le Tombeau des rois à la France en 1886. À l'entrée du Tombeau, on peut voir une magnifique plaque sur laquelle on peut lire : « À la science et à la vénération des fidèles enfants d'Israël. »
Monsieur le secrétaire d'État, je suis sûr, parce que je vous connais, que votre propos n'était aucunement de raviver des tensions qui sont en train de s'apaiser. À cet égard, je voudrais rendre hommage à notre consul général. Une action en justice a été engagée par Me Gilles-William Goldnadel pour le compte de l'association. L'affaire est en cours. J'aurais aimé que vous reconnaissiez, à tout le moins, que le Tombeau des rois fait partie du patrimoine juif, et qu'il appartient à la France d'en tenir compte dans la gestion du site.
Le point est ainsi fait devant la commission des affaires étrangères et le secrétaire d'État.
Monsieur le secrétaire d'État, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier pour le vrai dialogue que nous avons depuis deux ans. Vous écoutez notre commission, nous vous écoutons aussi – quelquefois –, et nous accomplissons un travail utile.
Merci à vous de vous intéresser nombreux à des sujets quelque peu arides mais ô combien importants pour nos entreprises et notre pays.
La séance est levée à 19 heures 30.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 5 novembre 2019 à 17 h 35
Présents. - M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Jean-Claude Bouchet, M. Pierre Cabaré, Mme Samantha Cazebonne, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Meyer Habib, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, M. Hugues Renson, Mme Marielle de Sarnez, Mme Liliana Tanguy, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman
Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Ramlati Ali, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Moetai Brotherson, M. Christophe Di Pompeo, Mme Frédérique Dumas, M. Nicolas Dupont-Aignan, Mme Anne Genetet, M. Philippe Gomès, M. Christian Hutin, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Bérengère Poletti, Mme Isabelle Rauch, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Michèle Tabarot
Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri