La réunion

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Mardi 4 février 2020

La séance est ouverte à vingt-et-une heures.

La commission poursuit l'examen du projet de loi instituant un système universel de retraite (n° 2623 rectifié) (M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général, MM. Nicolas Turquois, Jacques Maire, Mmes Corinne Vignon, Carole Grandjean et M. Paul Christophe, rapporteurs).

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Mes chers collègues, nous avons examiné 311 amendements ; il nous en reste donc 20 135 à examiner.

Conformément à ce qui a été décidé lors de notre séance de l'après-midi, j'ai réuni le bureau de notre commission. Le bureau a constaté qu'en l'état des travaux de la commission spéciale, il ne peut être exclu que la discussion du projet de loi ordinaire se poursuive jusqu'au mardi 11 février inclus, y compris les samedi 8 et dimanche 9 février, et que la discussion du projet de loi organique se tienne le mardi 12 février.

Le bureau a décidé que dans les séries d'amendements identiques déposés par un même groupe, chaque amendement pourra être défendu par son auteur, pour une durée ne pouvant excéder une minute.

Enfin, le bureau a convenu de faire à nouveau le point vendredi 7 février sur les modalités d'organisation et le calendrier des travaux de la commission spéciale.

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Madame la présidente, j'entends protester contre cette décision au nom du groupe La France insoumise. Elle est contraire à ce que vous avez annoncé il y a une journée à peine : nous n'en sommes qu'au deuxième jour de discussion, et vous voilà déjà conduits à raccourcir le temps de parole de l'opposition.

En toute hypothèse, aucune discussion d'aucune sorte ne tiendra dans le délai prévu, nous le savons depuis la première heure du premier jour. Nous avions adapté nos arguments en conséquence afin de vous présenter, à chaque amendement défendu, un aspect particulier de notre raisonnement.

À quoi bon réduire le temps de parole ? Cela ne raccourcira pas la procédure et n'aura aucun résultat. Parler en une minute est un défi, contraire au bon sens, qui réserve la parole à ceux capables de développer un argument dans un délai si court. J'ai été parlementaire européen, je suis à votre disposition pour parler 30 secondes s'il le faut, mais ce ne sont pas de bonnes conditions pour échanger.

Il me semblait que nous menions un vrai échange intellectuel sur le fond du dossier. Comment allons-nous faire avec un temps de parole d'une minute, quel est le sens d'une telle décision, madame la présidente ? C'est incompréhensible.

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Depuis le début de nos travaux, les parlementaires de la majorité nous assènent régulièrement des leçons de démocratie. Je rappelle que nous discutons d'un texte contesté par une majorité de Français, qui ne correspond pas aux engagements de la campagne présidentielle, et qu'une étude d'impact truquée nous a été remise.

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À croire qu'elle vous embête, cette étude d'impact !

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Et après 24 heures de débats au cours desquels nous avons peu entendu la majorité parlementaire, vous prétendez octroyer le droit de continuer à défendre les amendements, mais vous réduisez de moitié le temps de parole pour le faire.

Vous disiez cet après-midi que cette façon de faire serait plus respectueuse pour nos concitoyens qui suivent nos débats. Il se trouve qu'à l'instant où le bureau de la commission prenait cette décision, nous nous sommes chargés de la faire connaître, car il n'est pas question que les conditions de ce débat ne soient pas connues hors de ces couloirs. À l'heure qu'il est, votre décision de diviser par deux le temps de parole des parlementaires circule sur les réseaux sociaux...

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Chacun pourra juger du niveau de mépris manifesté à l'égard du Parlement dans ce débat essentiel sur les retraites.

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Et vos 20 000 amendements, ce n'est pas du mépris ?

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Madame la présidente, les services de l'Assemblée ont-ils réalisé une simulation, en prenant en compte ces nouvelles règles de temps de parole et les séances ouvertes samedi et dimanche, afin de déterminer si nous serons en mesure d'examiner le projet de loi, avec le sérieux requis, d'ici à lundi soir ?

Si ce n'est pas le cas, tous les amendements adoptés d'ici là tomberaient et nous en reviendrions à la version initiale du texte du Gouvernement : notre travail n'aurait servi à rien. Pourquoi cette date butoir ? Si nous avons besoin de deux ou trois jours de plus, pourquoi ne pas nous donner le temps nécessaire pour faire une réforme sérieuse et sincère ?

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Le Gouvernement a décidé de recourir à la procédure accélérée. Il a décidé de renvoyer à vingt-neuf ordonnances, privant ainsi le Parlement de sa capacité à modifier et enrichir la loi dans le champ de ces ordonnances. Une étude d'impact, tronquée et pipée, nous a été livrée, mais dans des conditions qui ne permettent pas son analyse.

Vous créez les conditions pour alimenter un recours devant le Conseil constitutionnel, et nous ferons aisément la démonstration que les débats n'ont pas été éclairés, que les droits fondamentaux attachés individuellement à chacun des députés – droits d'amendement et droit de défendre ses amendements – n'ont pas été respectés. Après l'avis du Conseil d'État, vous nous donnez des arguments supplémentaires. C'est tant mieux pour nous, car ils nous permettront de nous opposer à votre texte, mais je tiens à vous mettre en garde.

Je m'oppose à la décision du bureau de cette commission spéciale, mais j'aimerais que vous nous la précisiez : vous prévoyez un temps de parole d'une minute pour les amendements identiques présentés par un même groupe ; est-ce à dire que pour les autres amendements, nous aurons toujours droit à 2 minutes ?

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C'est moins pire que si c'était mieux, comme disait ma grand-mère... Reste que le scénario est écrit, au bout du compte : vous allez tenter de faire passer en force un projet rejeté par l'opinion publique. Nous ne savons pas encore si vous allez recourir au vote bloqué, ou à l'article 49, alinéa 3, sans doute cherchez-vous encore le meilleur moyen. Mais que vous soyez dans la confidence ou non, vous êtes l'instrument de cette manoeuvre. Nous allons débattre pendant plusieurs jours pour, in fine, revenir au texte dans sa version originale, c'est-à-dire celle issue du rapport Delevoye, qui n'a tenu aucun compte des discussions avec les organisations syndicales, ni de la concertation en cours sur les financements.

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Le chronomètre n'est pas déclenché, vous n'avez aucun repère pour estimer mon temps de parole.

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Mon repère, ce sont les demandes de parole des autres députés, et je les respecte.

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Je termine mon argumentation. Je respecte profondément mes collègues, et je souhaite qu'ils bénéficient du même temps de parole que moi, voire plus s'ils ont des choses à dire – ce qui n'est pas évident vu le voeu de silence, d'obéissance et d'allégeance des membres de la majorité.

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Nous aimerions bien en tout cas ne plus nous faire insulter à longueur de temps.

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Repassez l'enregistrement vidéo, comme on le fait lors des matchs de football...

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Allégeance, ce n'est pas une insulte, pas plus qu'obéissance !

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C'est une insulte, tout comme les « Playmobil sans coeur » hier. J'ai dû vous reprendre à de multiples reprises.

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Playmobil, ce n'est pas un gros mot, c'est un jouet !

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Arrêtons de jouer, justement. Si vous demandez le respect, faites-en preuve à l'égard des autres.

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J'ai le plus grand respect pour vous, madame la présidente, mais je m'oppose fortement.

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Chacun d'entre nous est censé maîtriser en deux ou trois jours les mille pages de l'étude d'impact, ce qui est rigoureusement impossible et traduit les conditions terribles dans lesquelles nous sommes placés. Nous avons commencé nos travaux depuis à peine une journée et vous réduisez déjà le temps de parole des parlementaires de moitié. Peut-être allez-vous le ramener demain à quelques secondes ? Malgré cela, les délais qui nous sont imposés ne pourront pas être tenus.

Soyons raisonnables : tout cela ne rime à rien, ce n'est pas de notre fait ; c'est par la volonté du Gouvernement que nous sommes placés dans des conditions impossibles. Le Gouvernement a mis le pays sens dessus dessous et veut passer en force. Nous sommes dix-sept parlementaires...

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Je parle au nom du groupe La France insoumise. Suite à cette décision du bureau, nous viendrons encore plus nombreux au sein de cette commission afin de défendre l'ensemble de nos amendements. Rien ne nous affaiblira.

Et malgré cette réduction du temps de parole, les délais qui nous sont imposés ne permettront pas d'étudier l'ensemble des amendements. Il n'est pas possible que ce texte soit étudié dans les quinze jours qui viennent, quelles que soient les brimades faites à l'ensemble des députés, et particulièrement à ceux de l'opposition. Ces conditions de travail ne sont pas raisonnables, elles sont méprisantes, madame la présidente, je vous invite à en tirer les conséquences : cessez de réduire le temps de parole des députés et de brimer le travail parlementaire.

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Monsieur Corbière, c'est une décision du bureau qu'il me revient de respecter. Et vous ne serez brimés d'aucune façon puisque vous vous êtes organisés autrement : dont acte.

Je respecte toutes les nuances au sein de cette commission spéciale, vous n'y êtes pas seuls. Certains souhaitent défendre d'autres amendements que les vôtres, ils ont aussi travaillé sur ce texte. Vous n'empêcherez pas les autres députés de cette commission spéciale de défendre leurs propres amendements, même si cela vous fait mal aux oreilles !

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Madame la présidente, cette décision n'a pas été prise à l'unanimité du bureau. Je me suis opposé à cette restriction au droit d'amendement.

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Monsieur Vallaud, vous avez voté pour limiter à une minute le temps de parole en défense des amendements identiques.

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Non, j'ai voté contre ! Consultez donc le compte rendu, il y a des témoins ! Respectez au moins le vote du vice-président de votre bureau, sinon je démissionne. Je ne serai pas votre pantin !

Le problème de fond, c'est le temps programmé et la procédure accélérée qui nous est imposée. La Conférence des présidents pouvait faire d'autres choix, cela n'a pas été le cas, il faut le déplorer. Il est loisible à chaque député de prendre la parole sur chaque amendement, y compris ceux dont il n'est pas signataire.

Nos débats au cours de l'après-midi étaient de qualité ; nous avons pu aller au fond des choses en suivant les règles habituelles. Il n'y avait pas de motif impérieux pour réduire le temps de parole.

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Compte tenu des premières heures d'examen du texte par notre commission spéciale, cette réunion de bureau s'imposait pour trouver une façon d'avancer. Nous nous sommes portés candidats à cette commission spéciale pour faire en sorte que nos travaux aient du sens, et des conséquences. Si nous n'avons pas le temps d'achever nos travaux, nous craignons que tout cela ne serve à rien. Le calendrier est court, les délais restreints, et nous pouvons nous interroger sur ce qu'il adviendra des amendements adoptés et de ceux qui n'ont pas été examinés.

Le groupe Les Républicains souhaite présenter un contre-projet à cette réforme du système de retraite, et nous espérons que nous aurons les moyens de nous exprimer au cours des travaux de cette commission spéciale. À défaut, ce ne serait qu'un marché de dupes, une pure théâtralisation, et nous ne tiendrions pas notre rang. Nous avons des choses à dire sur cette réforme et nous espérons pouvoir le faire dans les heures qui viendront.

Ajoutons que si nous prolongions nos travaux jusqu'au mercredi 12, le délai de dépôt des amendements pour la séance, fixé au jeudi 13, serait excessivement court.

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Dans cette hypothèse, le délai de dépôt des amendements devrait être décalé.

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Nous sommes pour une réforme des retraites, mais pas la même que la vôtre. Nous avons fait part de nos propositions, qui sont pour l'instant restées lettre morte.

Pourquoi prolonger nos débats jusqu'à la semaine prochaine alors que la conférence sur le financement engagé avant-hier ne donnera ses réponses que le 6 avril, lors de la prochaine assemblée plénière ? Nous débattons d'un projet non financé, totalement insincère. À quoi bon débattre de ces 20 000 amendements de blocage ?

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Chacun d'entre nous a intérêt à ce que la commission mène ses travaux de la manière la plus complète possible, et les dispositions prises par le bureau sont de nature à favoriser l'examen le plus complet du texte.

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J'arrive au sein de cette commission, j'apprends que le temps de parole y est réduit... Je n'y vois pas de lien causal, mais je suis néanmoins surpris.

Mes chers collègues de La République en Marche, vous venez de connaître un accident avec le rejet du congé parental en cas de décès d'un enfant ; voilà que vous vous apprêtez, sur une réforme structurelle qui constitue un des piliers du patrimoine social français, à passer en procédure accélérée, faisant fi de l'opposition au sein de cette assemblée.

Vous prétendez que les dizaines de milliers d'amendements brouillent le calendrier prévu. Pour mémoire, 136 000 amendements avaient été déposés pour l'examen du projet de loi de privatisation de Gaz de France en 2006 : nous sommes très loin du compte.

Faire passer une réforme des retraites en procédure accélérée est déjà largement critiquable. Vous nous demandez d'assimiler une étude d'impact immense en quelques jours, vous prévoyez le recours à des ordonnances pour définir de grandes parties de la réforme une fois cette loi adoptée et, dès le début, vous réduisez le temps de parole des députés !

Je peux vous dire la suite : en dépit des assurances que vous avez données et du souhait de certains députés, vous aller recourir à l'article 49, alinéa 3, pour tenir votre calendrier. C'est écrit ! Mais cela ne fonctionnera pas, car beaucoup de gens s'intéressent aux travaux de cette commission et constatent qu'une fois de plus, vous faites en sorte de raccourcir les débats et de faire taire l'opposition, qu'elle s'exprime à l'Assemblée ou dans la rue. À votre place, je réunirais à nouveau le bureau pour réfléchir aux conséquences de cette division par deux du temps de parole. Pour débattre d'un projet de loi exceptionnel, vous ne pouvez pas prendre de mesures d'exception.

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Nous avons un problème pour examiner ce texte dans de bonnes conditions. Une solution assez simple consisterait à suggérer habilement au Gouvernement de renoncer à faire commencer les travaux dans l'hémicycle le 17 février et d'abandonner la procédure accélérée afin de laisser le temps nécessaire au débat sur une réforme qui nous engage pour les décennies à venir. Si le Gouvernement décidait de desserrer le calendrier, tout le monde y gagnerait.

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Je regrette la manière dont nos travaux ont commencé, par des propos irrespectueux envers notre présidente et irrespectueux des décisions du bureau de cette commission. N'en déplaise à certains, en démocratie, des règles définissent notre mode de fonctionnement, nous ne sommes pas en anarchie.

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Vous êtes sûrs que nous ne sommes pas dans une ZAD ?

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La ZAD, c'est ce que vous proposez, nous proposons autre chose. Vous prétendez que le débat n'aura pas lieu, mais nous avons 20 135 amendements à discuter, et nous discuterons article par article, jusqu'au bout. Peut-être que certains répéteront en boucle les mêmes arguments, mais le groupe La République en Marche prend aussi la parole pour défendre ce projet, de manière certes moins répétitive.

J'espère que nous allons réussir à avancer, car comme le disait Stéphane Viry, il faut débattre sur le fond, projet contre projet. Tous les groupes d'opposition n'ont pas la même stratégie ; l'un d'entre eux a choisi de déposer 19 000 amendements pour dégrader la qualité de nos travaux et empêcher le débat légitime entre la majorité et l'opposition. J'espère que nous en reviendrons le plus rapidement possible à un débat de fond, et non de slogans.

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Si nous faisons un peu de mathématiques, 18 000 amendements présentés par La France insoumise, à raison d'une minute de temps de parole pour chacun, cela fait 18 000 minutes uniquement pour la présentation des amendements de LFI, autrement dit 300 heures de débat. En comptant 10 heures de débat par jour, et en admettant que nous siégions tous les week-ends, le groupe LFI a un temps de parole de 30 jours !

Je ne voudrais pas que les Français considèrent que nous sommes en train de vous priver de parole. L'un d'entre vous parlait de ZAD, nous ne sommes pas en train de Zigouiller Allégrement les Débats ! En revanche, je pense qu'un certain zèle peut abîmer la démocratie.

Les députés du groupe La France insoumise ont 300 heures de temps de parole, uniquement pour présenter leurs amendements : il est évident que nous ne sommes pas en train de les priver de temps de parole.

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Nous allons maintenant reprendre nos travaux, et poursuivre l'examen des articles du projet de loi.

Article 1er (suite) : Création d'un système universel de retraite par répartition

La commission se saisit de l'amendement n° 14661 de M. Sébastien Jumel.

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C'est avec un profond respect, comme depuis le début des débats, que je vais défendre cet amendement, qui tend à supprimer la fin de l'alinéa 8.

Avec ce mauvais projet, vous tentez de convaincre qu'il va falloir travailler plus, plus longtemps, pour finalement gagner moins. Nous condamnons la mécanique qui nous fera travailler plus longtemps sans aucune garantie sur le taux de remplacement, le niveau des pensions et la prise en compte des critères de pénibilité.

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Contrairement à ce qu'indique votre exposé sommaire, la rédaction du projet de loi ne correspond pas à une manoeuvre, mais à la simple possibilité pour les assurés de décider librement de leur date de départ.

La méthode par points, plus lisible et compréhensible, permet d'estimer assez longtemps à l'avance le montant de la retraite dont on pourra bénéficier, dans la mesure où, à salaire égal, le nombre de points sera égal chaque année. Allez demander à un Français de 50 ans quel sera l'ordre de grandeur de sa retraite : il n'en a aucune idée. C'est en comprenant le système que l'on peut choisir la décision optimale pour soi en fonction de son projet de vie personnel. Avis défavorable.

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Je trouve assez dingue cette manière de concevoir l'âge du départ à la retraite en fonction du montant de la pension ! Dans cet alinéa, vous expliquez assez crûment qu'on aura le choix : ou bien partir dans des conditions parfois difficiles, avec des pensions plus faibles, ou continuer à bosser pour toucher une retraite plus élevée.

Qu'en penserait l'ancien directeur général de la police nationale, M. Éric Morvan ? Il vient de prendre sa retraite anticipée car il en avait plein le dos d'assumer la politique de votre Gouvernement, ce maintien de l'ordre chaotique, le préfet Lallement qui vient marcher sur ses plates-bandes... Il ne savait plus à quoi il servait, et il a finalement liquidé sa retraite alors qu'il aurait pu travailler plus longtemps. Selon vous, il a fait une croix sur une retraite plus élevée en toute liberté de choix, c'est librement qu'il est parti plus tôt pour gagner moins... Est-ce votre conception de la liberté ? Si M. Morvan avait eu de bonnes conditions de travail, si tout se passait bien dans le pays, serait-il parti dans ces conditions ? Évidemment non. Il est totalement hypocrite de parler dans la même phrase de liberté de choix et de date de départ à la retraite en fonction du montant de la retraite. Les camarades communistes ont donc raison de supprimer le dernier élément de la phrase : si le montant de la retraite est le seul critère pour s'en aller, c'est dire l'idée que vous avez de ce que devrait être la retraite...

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Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué que cette liberté de choix est une liberté sous contrainte : on aura le choix entre amputer son niveau de pension par l'application d'une décote si l'on veut partir avec des conditions d'espérance de vie raisonnables, ou bien travailler plus longtemps pour partir avec un niveau de retraite satisfaisant, mais en prenant le risque d'aggraver sa situation de santé... Preuve est faite que ce libre choix n'existe pas. Votre projet a bien été résumé par le MEDEF : il s'agit de faire porter aux salariés tout l'effort de la contribution.

La commission rejette l'amendement.

Elle est saisie de huit amendements identiques n° 1459 de M. Ugo Bernalicis, n° 1460 de M. Éric Coquerel, n° 1461 de M. Alexis Corbière, n° 1462 de Mme Caroline Fiat, n° 1464 de M. Michel Larive, n° 1465 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 1468 de M. Loïc Prud'homme et n° 1469 de M. Adrien Quatennens.

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Dans l'hypothèse malheureuse où ce projet de loi serait promulgué, nous souhaitons que le Gouvernement remette un rapport visant à instaurer l'âge minimal légal de départ à taux plein à 60 ans.

Est-il possible de partir à taux plein à 60 ans, avec les paramètres que nous avons sous les yeux ? Avons-nous les moyens de le faire ? C'est la question que nous creusons dans le contre-projet de La France insoumise, que vous pouvez retrouver en ligne.

Vous avez parlé de l'inflation et du produit intérieur brut (PIB), qui augmentent tous les ans d'à peine 2 %. Mais il y a des revenus qui augmentent bien plus vite tous les ans, ce sont les dividendes des entreprises du CAC40 : ça crache du 12 % ! De l'argent, il y en a, pour financer la retraite à 60 ans par exemple.

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Ces amendements soulèvent la question civilisationnelle derrière cette réforme. Depuis des décennies, voire un siècle, la productivité par travailleur, matérielle et intellectuelle ne cesse de croître, et la richesse de même.

Parallèlement à la hausse des profits, on s'échine à ce que chacun travaille plus : on remet en question la durée hebdomadaire du travail est remise en cause, et maintenant ce fléchissement séculaire de l'âge du départ à la retraite : on peut donc parler d'un recul civilisationnel.

Une fois les richesses produites, va-t-on demander aux gens de travailler plus longtemps, ou au contraire de permettre à tout le monde d'en profiter en diminuant le temps de travail ? C'est toute une question de civilisation, qui nous oppose fondamentalement et qui illustre votre réforme et votre loi.

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Je ne doute pas que la commission adoptera cet amendement qui va dans la logique des choses. C'est presque un amendement de repli : si par malheur votre projet de loi était adopté, le débat doit continuer.

La marche de l'histoire, depuis toujours, voit l'être humain chercher à se libérer des contraintes du travail, à réduire le temps de travail et à créer les conditions pour jouir d'une période de vie digne, sans être trop abîmé au sortir de sa vie professionnelle. Vous en êtes tellement conscients qu'Emmanuel Macron s'était engagé lors de la campagne présidentielle à ne pas modifier l'âge de départ à la retraite : je vous renvoie à la page 13 de son programme. Aucun Président de la République n'a été élu en déclarant qu'il ferait travailler les Français plus longtemps, et vous vous étiez engagés à ne pas le faire. Les conditions d'un retour à la retraite à 60 ans à taux plein existent ; il vous faudrait beaucoup de mauvaise foi pour repousser cette demande de rapport.

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Comme l'ont dit mes collègues, ces amendements demandent un rapport au Gouvernement ; peut-être y trouverai-je la réponse à ma question récurrente ? Et peut-être sera-t-il possible d'y expliquer à Marie, infirmière, née en 2002, qui aura commencé à travailler à 23 ans en 2025 et pris sa retraite en 2068, à 66 ans, comment on pourrait faire pour qu'elle n'ait pas à travailler jusqu'à 66 ans. Et ça, ce n'était pas prévu dans votre programme aux législatives !

Je repose ma question en 30 secondes car je ne désespère pas d'obtenir une réponse : Est-ce que : a) vous vous êtes trompés dans le simulateur et Marie ne peut pas gagner 2 500 euros ; b) Mme Buzyn va augmenter les salaires des infirmières à 2 500 euros ; c) vous misez sur le fait que nous soyons au pouvoir en 2025 pour qu'elle gagne alors 2 500 euros ?

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Ce projet de loi est contesté parce que contestable, dans cette assemblée, dans la rue, et même au Conseil d'État ; il est réactionnaire et inabouti. Il faut donc revenir à la raison et le retirer au profit d'une alternative plus réaliste.

Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport visant à instaurer l'âge minimal de départ à la retraite à taux plein à 60 ans.

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Ce pays a connu la retraite à 60 ans et les gens en étaient extraordinairement heureux. Le rapporteur en convient, le système des retraites a permis d'éradiquer un fléau qui sévissait depuis longtemps : la vieillesse dans la misère. Ce régime aura permis de diviser la misère par quatre.

Je ne voudrais pas manquer de rappeler que tout cela a été obtenu grâce, et exclusivement grâce aux luttes ouvrières et syndicales et aux gouvernements de la gauche : 1910 et les premières lois sur les retraites ouvrières et paysannes, prises après l'immense catastrophe de la mine de Courrières ; 1945 et le Conseil national de la Résistance ; 1981. Rien n'est jamais venu à nous, sinon par la lutte et le combat, et il est bien triste de constater qu'il nous faut en 2020 recommencer la lutte de 1910 !

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Nous pensons que c'est bien à 60 ans qu'il faut quitter son travail, d'autant que le taux d'activité des seniors est en deçà de ce que vous voulez nous faire croire : la moitié sont déjà sans emploi, virés de leur boîte parce que trop âgés ou payés trop cher. Allonger sans fin la durée du travail n'a aucun sens puisque cela revient à allonger la durée du chômage. Ce n'est pas cohérent non plus avec ce que nous savons de l'espérance de vie en bonne santé : ce que vous proposez, c'est de partir les pieds devant. Enfin, alors que vous prétendez lutter contre le chômage, allonger à l'envi et sans limite la durée du travail, c'est reculer d'autant le moment où les demandeurs d'emploi pourront accéder au marché.

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J'espère que le débat sur le financement des retraites, qui se tient ce soir dans l'hémicycle, sera plus interactif que celui que nous avons en commission. Il m'a donné l'occasion de faire, devant Mme Buzyn, la démonstration qu'il était tout à fait possible de financer la retraite à 60 ans sans se faire trop violence, tout simplement en partageant mieux la richesse produite. Cela passe à court terme par l'égalité salariale entre les femmes et les hommes – grande cause du quinquennat, nous disait-on –, à moyen et long termes par l'augmentation des salaires et des cotisations. Faire travailler les gens plus longtemps ne peut être l'unique recours ; le Conseil d'État confirme d'ailleurs que cela contribuera à aggraver le chômage des seniors – on compte 300 000 chômeurs de plus de 60 ans, et un actif sur deux n'a plus d'emploi arrivé à l'âge de la retraite.

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C'est mon premier mandat de député. Jusque-là conseiller municipal, j'avais l'habitude de participer à des discussions où l'on livrait argument contre argument, avant de prendre une décision. Je pensais que l'Assemblée était le lieu de débats de même nature, mais à une échelle différente, sur les enjeux de société. Mais pour se faire entendre, des députés répètent comme une antienne les mêmes arguments, privant notre assemblée de la possibilité d'échanger. D'autres projets, différents du nôtre, existent pourtant ; il serait intéressant de les écouter et de les analyser.

Je me limiterai désormais à indiquer le sens de mon avis sur les amendements du groupe La France insoumise. N'est-il pas surprenant, lorsque l'on ne dispose pas de temps suffisant pour lire une étude d'impact, de trouver le moyen de déposer 19 000 amendements – ou plutôt dix-sept fois 1 200 amendements – ? Cette attitude est contraire au fonctionnement de la démocratie et n'est pas du tout à la hauteur de la réflexion collective que nous devons avoir sur les retraites.

Avis défavorable.

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Je m'en voudrais de troubler ce dialogue entre La France insoumise et la majorité, aussi ne m'autoriserai-je que deux ou trois mots. Pour commencer, contrairement à ce que l'on nous soutient, la productivité du travail ne progresse plus dans la plupart des grands pays, et depuis pas mal de temps. Ensuite, la répartition entre le travail et le capital est à peu près stable, quoi que vous en pensiez. Enfin, le nombre d'heures de travail par habitant est chez nous est un des plus bas du monde. Et cependant, les Français partent à la retraite à un âge raisonnable et bénéficient d'un des systèmes les plus redistributifs du monde. Et le peuple français serait à vous croire le plus malheureux de la terre ! N'y a-t-il pas là quelque paradoxe ?

Les solutions que vous proposez, monsieur Mélenchon, sont des voies sans issue et vos amendements, 19 000 chimères. Vous nous parlez de Marie, de Pierre ou de Jean, qui travailleront beaucoup et partiront sans doute beaucoup trop tard ; mais Marie, Pierre ou Jean, comme nous-mêmes, travaillent 35 heures par semaine et ont droit à cinq semaines de congés payés, ce qui n'est pas le cas dans bien des pays. Cessons donc de noircir le tableau !

Nous parlons juste de l'âge de départ à la retraite ; nous pourrions nous réjouir en consacrant que nous vivons tous plus longtemps, parce que nous vieillissons tous plus longtemps, et en bonne santé pour la plupart. Et pour ceux dont ce n'est pas le cas, il existe des dispositifs pour les carrières longues, pour la pénibilité, etc. La France est un des pays où les écarts sont les plus faibles, avant et après redistribution, et c'est tant mieux. Je ne nie pas qu'il faille faire progresser davantage la justice sociale, je dis qu'elle existe et qu'en aucun cas cela justifie que l'on s'exonère d'un financement raisonnable et durable.

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Puisque M. Mélenchon a convoqué l'histoire, peut-être nous faut-il rappeler que le système universel par points est directement inspiré des travaux de Michel Rocard, et torpillé par François Mitterrand ? Et puisqu'il faut contextualiser, rappelons que, lorsque l'âge légal de départ à la retraite fut fixé à 60 ans, l'espérance de vie en bonne santé n'était pas aussi élevée, la durée hebdomadaire du temps de travail était plus longue, et la productivité des salariés n'était pas moindre.

Conformément aux engagements présidentiels, l'âge légal de départ à 60 ans est conservé, tout comme le dispositif de retraite anticipée, dès lors que la personne aura commencé à travailler et cotisé cinq trimestres avant l'âge de 20 ans. Nous proposerons de modifier certains critères, sur la majorité notamment. Ces amendements n'ont aucun sens.

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Monsieur Woerth, que votre groupe, qui dispose de bien plus de moyens que le nôtre, n'ait pas souhaité déposer davantage d'amendements est une chose, mais dire que les 19 000 amendements de La France insoumise sont autant de chimères en est une autre. Avec une tout aussi mauvaise foi, je pourrais vous rétorquer que l'idée selon laquelle une mesure d'âge est la seule solution est une chimère. Vous vous êtes personnellement illustré dans une réforme des retraites qui visait justement à faire travailler davantage les Français, tolérez que d'autres défendent des solutions différentes ! Oui, il est techniquement possible, à condition de partager les richesses, de financer un système de retraite à 60 ans. Je concède que vous le contestiez, mais faites-le dans le détail !

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Monsieur Houlié, ce que vous venez de dire est inexact. Dans le système que vous proposez, la pension est égale au nombre de points, multiplié par la valeur du point, moins le malus ; or, pour la première fois de notre histoire, le malus n'est plus indexé sur la durée de cotisation mais sur l'âge réel de départ à la retraite. De ce fait, un ouvrier ayant commencé à travailler à 20 ans et cotisé quarante-trois annuités subira deux années de malus s'il part à 63 ans, soit une minoration de 10 %, tandis qu'un salarié ayant commencé à travailler à 24 ans et cotisé quarante-trois annuités partira à 67 ans avec deux années de bonus, soit une majoration de 10 %. Vous mentez sur les mots : tout en prétendant maintenir l'âge légal de départ à la retraite, vous utilisez l'âge réel comme âge pivot.

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Depuis le début de nos respectueux débats, quelque chose me taraude. J'ai donc recherché la profession de foi des Marcheurs, où figuraient dix engagements nationaux. Permettez-moi de donner lecture du sixième : « Conforter notre système de protection sociale en uniformisant à terme les régimes de retraites, en préservant l'âge de départ à la retraite et en revalorisant la prime d'activité de 100 euros par mois. »

Vous prétendiez préserver l'âge de départ à la retraite, mais avec l'âge d'équilibre, l'âge pivot et la minoration, vous vous trouvez en flagrant délit de mensonge ! Vous n'avez pas fait campagne en disant aux électeurs : « On va vous taper sur la carafe, on va aggraver votre précarité, on va dégrader vos pensions et allonger la durée de cotisation, on va vous permettre de partir à 65 ans. » Vous n'avez pas été élus sur ce programme, rien de ce que vous proposez ne figurait dans vos professions de foi. Je dépasse mon temps de parole, madame la présidente, mais il faut bien plus d'une minute pour dénoncer autant de mensonges ! Nous ferons tout pour empêcher cette réforme !

La commission rejette les amendements identiques.

Elle en vient à l'examen des amendements identiques n° 1816 de M. Ugo Bernalicis, n° 1818 de M. Alexis Corbière, n° 1819 de Mme Caroline Fiat, n° 1821 de M. Michel Larive, n° 1822 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 1825 de M. Loïc Prud'homme, n° 1826 de M. Adrien Quatennens et n° 21164 de Mme Valérie Rabault.

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À l'alinéa 9, que nous proposons de supprimer, il est indiqué que le système doit répondre à un objectif de soutenabilité économique et d'équilibre financier. Il a été dit, dans le débat public, qu'il fallait limiter la dépense à 14 % du PIB. On a vu que le PIB n'était pas aussi dynamique que ce que l'on pourrait escompter et qu'il ne compenserait pas l'augmentation, dynamique pour le coup, du nombre de retraités. Cette insoutenabilité économique sera bien celle supportée par les gens, qui vont juste devenir pauvres. Mais peut-être que, par un heureux hasard, ils ne pourront même pas faire valoir leurs droits à la retraite ? Avec une espérance de vie en bonne santé en recul, ils bosseront jusqu'à 65, 66 ou 68 ans pour ne pas se voir appliquer le fameux malus et mourront en poste. C'est parfaitement cynique.

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Tout compte fait, cet alinéa fait éclater la vérité : votre seul objectif est la soutenabilité économique et l'équilibre financier, vous n'avez aucunement pour dessein de construire une société où temps de travail et temps de retraite seraient justement répartis. Les seules contraintes que vous posez s'appliquent aux dépenses, qui ne devront pas dépasser une certaine part de PIB : cela entraînera mécaniquement une dégradation des pensions actuelles. Nous voulons une réflexion sur la place donnée au temps de travail : il est économiquement possible de faire bénéficier les Français d'un troisième temps de vie, à 60 ans.

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Marie, infirmière, aurait bien besoin d'une « soutenabilité » physique et psychologique et de moyens pour s'occuper dignement de ses patients. Surtout, elle voudrait savoir si elle gagnera 2 500 euros par mois et si elle devra attendre 66 ans pour partir à la retraite. Pour le moment, Marie est en classe de première, elle n'a pas pu passer les épreuves communes de contrôle continu – c'était compliqué, les gendarmes étaient mobilisés –, elle s'est connectée à nos débats et aimerait bien une réponse à ses questions.

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Madame la présidente, vous vous demandez pourquoi nous manifestons notre opposition en défendant 19 000 amendements : c'est parce que c'est possible, et légal. Le Gouvernement use de la même rhétorique pour justifier la destruction massive de notre modèle social tant envié. Il le fait parce que c'est possible. Vous divisez notre temps de parole par deux, parce que c'est possible. Nous nous opposons, parce que c'est encore possible. Cela s'appelle la démocratie. Nous souhaitons la suppression de cet alinéa, et de tous les autres.

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La soutenabilité économique et l'équilibre financier sont des vues idéologiques. Ne nous dites pas le contraire, vous n'avez strictement rien inventé, vous êtes les exécutants de décisions prises ailleurs. C'est la Commission européenne qui demande que les systèmes de retraite par capitalisation européens deviennent des systèmes de retraite à points. La réforme de 2014 est issue d'une recommandation de 2013, tout comme celle de 2010 s'inspirait d'un texte européen. C'est vous, monsieur Woerth, qui avez amené les gens à travailler jusqu'à 62 ans. Je m'étonne que vous n'en ayez pas de remords : vous êtes un homme sensible et vous savez bien que si l'espérance de vie, pour la première fois, stagne et que l'espérance de vie en bonne santé recule, c'est parce que l'on use encore davantage les gens au travail ! Avec votre ami M. Balladur en 1993, M. Juppé en 1995, M. Fillon en 2003 et Mme Touraine en 2014, vous avez précédé le destructeur final, M. Macron. Ce que vous êtes en train de faire, c'est de l'idéologie !

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Je voudrais revenir sur l'évolution du rapport entre nombre d'actifs et nombre de retraités, dont l'alinéa 9 prévoit qu'elle doit être prise en compte par le pilotage du système. Vous répétez à l'envi qu'il y avait quatre actifs pour un retraité il y a cinquante ans et que nous ne sommes plus que 1,7 actif pour un retraité, ce qui justifie les contraintes. Mais c'est un mensonge, du moins par omission, car vous ne dites pas que, dans le même temps, la productivité a été multipliée par trois : du coup, le ratio est passé de quatre à 5,1 pour un, soit une augmentation de 25 %.

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Pour justifier ce projet de loi, la majorité convoque souvent l'idée selon laquelle il pourrait y avoir un déficit de 8 à 17 milliards d'euros d'ici à 2025. Pour commencer, il convient d'en relativiser le poids, en le rapportant aux 330 milliards de budget. J'aimerais vous rassurer en rappelant aussi que les différents fonds de réserve s'élèvent à 127 milliards, ce qui laisse de quoi voir venir. Et cela ne suffisait pas pour apaiser vos craintes, je pourrais vous parler du régime spécial des très riches, les retraites chapeaux, dont les encours bancaires atteignent 42 milliards. Et s'il en fallait encore, j'évoquerais les 60 milliards de dividendes versés aux actionnaires en 2019.

Une meilleure répartition de la richesse devrait nous permettre de financer convenablement les retraites. Les gens, habitués qu'ils sont à voir la richesse aussi mal partagée dans ce pays, ne se laissent pas impressionner par quelques milliards de déficit !

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À l'heure actuelle, les pensions versées sont financées à 80 % par les cotisations retraites versées par les actifs, à 20 % par l'État et la branche famille. Dans cet alinéa, le Gouvernement ne précise pas s'il entend ou non maintenir cette partie du financement, qui s'élevait tout de même à 65 milliards d'euros en 2018. Cela fait partie des multiples données absentes de ce texte ; il est important que l'on nous réponde sur cette question majeure.

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Madame Battistel, l'équilibre financier et la soutenabilité économique ne sont ni une obsession comptable ni une option. Il ne s'agit pas davantage de l'alpha et de l'oméga de cette réforme, c'est pourquoi nous avons rejeté l'amendement du groupe Les Républicains qui visait à placer cet objectif dans les premiers alinéas.

En revanche, nous estimons que l'équilibre financier est la condition de la préservation d'un système par répartition. Les enquêtes montrent que ce sont les jeunes qui croient le moins en l'avenir de ce système, car ils ont l'impression qu'ils devront régler non seulement les pensions actuelles, mais aussi assumer les dettes des générations précédentes. Nous avons décidé que l'objectif d'équilibre financier devait être atteint sur un temps relativement court – cinq ans – car c'est la condition sine qua non de la viabilité du système.

Avis défavorable.

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Je ne suis pas d'accord avec le rapporteur : l'équilibre financier constitue bien l'alpha et l'oméga du système. Sans équilibre, les pensions risquent de baisser et les mesures nouvelles de justice sociale – elles sont nombreuses ici – ne seront plus crédibles. Certes, on attribuera des points, mais leur valeur étant susceptible de diminuer, ce sera profondément hypocrite. L'inconnue sur le volet financement biaise le débat et le rend quasiment impossible. Afficher un objectif ne suffit pas : en toute responsabilité, il faut préciser le financement. Pour le groupe Les Républicains, l'équilibre financier et la justice sociale sont étroitement liés et nous devons pouvoir débattre sereinement des deux.

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Notre vision de l'Europe et celle de M. Mélenchon sont opposées ; je ne peux le laisser dire que c'est l'Union européenne qui nous impose cette réforme et voir ce discours anti-européen infuser nos débats. Bien que les membres de La République en Marche soient attachés à l'Union européenne, à sa construction, à son approfondissement et aux valeurs de progrès, d'humanité et de paix qui la fondent, nous affirmons que ce n'est pas la Commission qui nous pousse à cette réforme.

Comme l'a rappelé Sacha Houlié, l'idée de cette réforme est bien plus ancienne : elle est d'origine rocardienne, elle a été longtemps portée par la CFDT, travaillée par des économistes de renom, comme Thomas Piketty ou Antoine Bozio, et analysée par le Conseil d'orientation des retraites (COR). Ce n'est pas l'Union européenne qui a demandé un rapport au COR en 2010. Cette réflexion était déjà à l'oeuvre dans les réformes de 2010 et de 2013. Le système universel nous permettra enfin de sortir des réformettes engagées tous les trois ou quatre ans sans jamais parvenir à restaurer l'équilibre.

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Jamais le Gouvernement et le haut-commissaire précédent n'ont répondu à la question essentielle de savoir si les 20 % apportés par l'État et la branche famille seront conservés. On parle quand même de 60 milliards d'euros ! Monsieur le secrétaire d'État, vous devez nous apporter une réponse sur ces 60 milliards d'euros, sans quoi nos débats seront vains !

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Je remercie le collègue qui nous fait l'amitié de discuter avec nous car nous allons finir par parler avec les murs ! Le secrétaire d'État, lui, ne s'exprime pas, il n'a rien à dire...

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Madame la présidente, je dis ce que je veux ! J'ai une vie parlementaire aussi longue que la vôtre...

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.. et j'ai l'habitude d'entendre les ministres défendre leurs projets de loi.

Le rapporteur a décidé qu'il ne nous répondrait pas, au motif que nous ferions de l'obstruction. Il nous faut donc faire les questions et les réponses. Aucune réponse sur l'augmentation des salaires proposée par M. Quatennens, aucune réponse sur la hausse des cotisations avancée par M. Bernalicis, pas davantage de réponse sur ma proposition de mieux partager les richesses. Que reste-t-il alors comme paramètre, messieurs, mesdames les grands amis de la soutenabilité financière ? Un seul : la durée au travail. Vous allez donc voter une mesure complètement à rebours de ce qui se passe depuis un siècle : le temps de travail au long de la vie augmentera, sans que l'on se soucie de ce que les gens endurent. Voilà la grande trouvaille de la Macronie !

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L'objectif de soutenabilité économique et d'équilibre financier est d'abord une question de responsabilité, c'est un gage de durabilité. Si nous ne l'adoptions pas, chers collègues, cela signifierait que nous acceptons de voir le déséquilibre se creuser progressivement. Vais-je demander à mes enfants de payer, en plus de la pension de leurs grands-parents et de leurs parents, la dette que nous aurons laissée ? L'équilibre financier est la condition du fonctionnement du système, c'est le gage de la confiance.

De plus, cette soutenabilité est tout à fait compatible avec la solidarité. Les 14 % du PIB que nous consacrons au système de retraite ont permis d'assurer, ces dix dernières années, la pension de deux millions de retraités supplémentaires et une hausse des pensions brutes de 30 %. Alors oui, en 2040, avec 13,3 % du PIB, nous pourrons à la fois financer le niveau de pension actuel et la solidarité.

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La soutenabilité économique et l'équilibre financier sont une clef de voûte idéologique, mais ils participent aussi d'une approche très pragmatique, dans la mesure où cette règle d'or permettra de toucher à l'ensemble des paramètres relatifs à l'indexation des pensions, à l'âge effectif de la retraite, à la valeur du point et donc au niveau des pensions. C'est l'arme dont vous dotez les gouvernements libéraux pour ajuster à la baisse les retraites, au prix d'une vision très court-termiste que vous déclinez à l'article 55. Cette référence à la soutenabilité économique et à l'équilibre financier est la marque flagrante d'une démarche libérale !

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites

La reprise des arguments, déjà utilisés la veille, m'oblige à apporter une réponse en partie semblable à celle que j'ai donnée hier.

Le débat sur la part de la richesse nationale consacrée aux retraites est toujours aussi stérile. Comme je l'ai déjà dit, et il suffit d'être de bonne volonté pour aller sur le site du COR vérifier mes dires, le nombre de retraités a crû de 2 millions ces dix dernières années, tandis que les pensions brutes augmentaient de 20 % et que la part du PIB consacrée aux retraites demeurait en dessous des 14 %, à 13,7 %. Il est vain de faire jouer en permanence cette mécanique intellectuelle et de remettre sur la table un débat dont il est prouvé qu'il est sans sujet.

La question de l'équilibre financier n'est pas taboue dans un système par répartition. Il ne fait pas de doute que tous ici, nous souhaitons voir perdurer le système de retraite par répartition. Alors que nous partageons tous cette idée, comment pourrions-nous refuser de regarder la vérité en face ? Pour que la solidarité soit durable, pour que les plus jeunes acceptent de cotiser pour leurs aînés, encore faut-il que le système soit garanti et stable dans le temps. Lorsque le COR donne une indication moyenne en prévoyant un déficit de 12 milliards d'euros en 2025, cela signifie qu'un déficit aura été aussi constaté en 2024, en 2023, en 2022, en 2021 et 2020.

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C'est pourquoi des réserves ont été constituées !

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites

Ceux qui se livrent un peu facilement à des calculs macroéconomiques en additionnant la performance des entreprises, les exonérations et d'autres sources éventuelles de financement oublient tout simplement d'additionner les déficits successifs... Il n'est nul besoin d'être un grand spécialiste des retraites mais de faire preuve de rigueur intellectuelle.

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Et publier une étude d'impact truquée, c'est aussi faire preuve de rigueur intellectuelle ? (Protestations sur les bancs du groupe La République en Marche.)

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites

Enfin, madame Rabault, vous m'avez interrogé à plusieurs reprises, et avec pertinence, sur le rôle et la contribution de l'État. Il ne vous a pas échappé que les taux de cotisation de l'État sont significativement plus élevés aujourd'hui ; il est important, pour l'équilibre du système de retraite, que la contribution de l'État reste, au moment de la bascule, équivalente à ce qu'elle est à l'heure actuelle. La normalisation de l'assiette et du taux de cotisation de l'État aurait un effet de 47,4 milliards d'euros, une somme qui correspond aux dispositifs de solidarité pris en charge directement, comme les avantages familiaux ; s'y ajouteront les dotations d'équilibre ou leurs recettes fiscales qui seront affectées aux régimes spéciaux, pour 8,5 milliards. Soyez rassurée, il ne s'agit pas d'une entreprise de désengagement de l'État ; celui-ci qui maintient son concours pour assurer les équilibres.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine ensuite l'amendement n° 14663 de M. Sébastien Jumel.

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La seule pérennité financière d'un système de retraite par répartition n'est pas un objectif suffisant en soi. Nous jugeons plus pertinent de reprendre la formulation du code de la sécurité sociale, qui prévoit que « la pérennité financière est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital ». Nous en revenons au débat de tout à l'heure : il existait d'autres leviers pour financer les retraites, l'assiette de la cotisation et le taux, mais vous avez choisi de ne jouer que sur la durée et de ne viser que les salariés dans votre mauvais projet..

Je profite de cette intervention pour demander aux collègues qui auraient retrouvé leur profession de foi de me la faire parvenir, afin que je puisse la relire attentivement...

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Monsieur Bazin, nous considérons qu'il faut avoir des ambitions, sociales en l'occurrence, mais aussi les moyens de les financer. C'est un « en même temps » que nous revendiquons volontiers. Notre projet est de préserver le modèle par répartition, grâce à la mutualisation de l'ensemble des carrières et des cotisations des Français et au financement.

Madame Rabault, l'État apporte des contributions d'équilibre qui, demain, avec la participation au système de retraite universel seront différentes, puisque le taux de cotisation sera similaire à celui en vigueur dans le privé. L'État s'est engagé à contribuer à la même hauteur que ses engagements initiaux. Aujourd'hui, l'État ne cotise pas à un système de retraite mais paye en direct les pensions des fonctionnaires retraités. Ramené à l'équivalent des salariés actifs, c'est comme si l'État cotisait parfois à hauteur de 30 ou 70 % selon les catégories. La somme totale ira abonder le budget de la Caisse nationale de retraite universelle, nous y reviendrons dans la partie financement.

Nous défendons l'idée d'un équilibre financier au service d'un projet social : c'est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.

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Monsieur le ministre, votre argumentaire était assez laborieux. Comme vous êtes assez silencieux, nous buvons vos paroles lorsque vous vous exprimez, mais supportez que, dans cette affaire, personne n'ait raison ou tort. Pour ma part, je ne remets pas en cause vos propos, sauf lorsque vous truquez les études d'impact. C'est vous qui assénez des arguments stériles : vous parlez d'universalité, mais cela n'existe pas ; vous parlez d'une réforme juste et simple, cela n'existe pas. Vous êtes soucieux, je l'entends, de la soutenabilité financière ; mais il n'est pas un député dans cette salle qui ne l'est pas.

Je vous ai remis notre contre-projet ; il ne repose pas sur les mêmes options, mais il est financièrement soutenable. Nous souhaitons financer le départ à la retraite des Français à un âge décent et avec un bon niveau de pension ; il n'est pas nécessaire pour cela qu'ils travaillent plus longtemps. Nos vues s'opposent, mais ne nous taxez pas de faire un travail qui serait faussé.

Par ailleurs, vous ne m'avez pas répondu monsieur le ministre : avez-vous oui ou non gelé l'âge d'équilibre dans l'étude d'impact, ce qui revient à la truquer ?

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Ambroise Croizat a été beaucoup cité hier soir. J'ignore quelles consignes circulent au sein du groupe La République en Marche, mais il semblerait que ce soit le tour de Michel Rocard ce soir. Établir une filiation entre la contre-réforme que vous engagez sur les retraites et Michel Rocard... Je l'ai un peu côtoyé, Jean-Luc Mélenchon le connaissait très bien et le seul député de La République en Marche qui l'ait un peu connu est Jacques Maire.

Jamais Michel Rocard n'a fait allusion au système que vous allez instaurer, pas même dans son Livre blanc en 1991. Jamais il n'aurait engagé une réforme telle que celle-ci : c'était un farouche défenseur du dialogue et du compromis social. Jamais il n'aurait lancé une contre-réforme provoquant dix semaines de mobilisation syndicale. Lors de leur audition la semaine dernière, les syndicats de salariés nous ont tous dit qu'ils n'étaient en aucun cas demandeurs de cette réforme. Enfin, Michel Rocard respectait profondément le Parlement : jamais il ne l'aurait ainsi court-circuité ni produit une étude d'impact aussi indigente.

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Le rapporteur et la majorité ne peuvent pour l'instant se prévaloir d'une quelconque vision sociale, puisqu'ils sont incapables de nous expliquer comment les réformes qu'ils envisagent seront financées et équilibrées. La seule réforme qui avait le mérite d'équilibrer les pensions sans augmenter les cotisations, les taxes ou les impôts – je dis cela à l'intention des Insoumis –, c'était le projet des Républicains. La seule générosité sociale qui ne renvoie pas le fardeau sur la dette ou les générations futures est pour l'instant du côté des Républicains, comme l'avait démontré Thibault Bazin. Le projet des Républicains sera le seul valable jusqu'à ce que vous soyez capables de nous expliquer précisément le financement de la réforme et d'en assumer certaines mesures.

Par ailleurs, il ne faut pas entendre en valeur absolue l'allongement du temps de travail : on vit de plus en plus longtemps, le temps de travail doit être considéré à l'aune de cette durée, en temps relatif.

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Je suis content de constater que la stabilité financière des régimes fait consensus. Je suis aussi ravi de voir que tout le monde est d'accord pour que le dispositif soit financé par des contributions équitablement réparties entre les générations. Vous serez donc d'accord avec nous pour supprimer les régimes spéciaux des députés, des sénateurs, de la SNCF ou des industries électriques et gazières. Vous serez également d'accord pour faire en sorte que les revenus du capital soient aussi soumis à contribution, puisque les cotisations patronales et syndicales représentent 75 % du financement, alors que les financements directs publics de l'État en représentent 25 %.

Je vois se dessiner un immense enjeu de convergence ; cela me réjouit d'autant que des personnalités importantes – notamment MM. Thomas Piketty et Thomas Cazenave – se sont déclarées favorables à ce projet. À la fin de votre réflexion, je suis certain que vous vous accorderez avec nous sur l'alinéa 9 tel qu'il est rédigé initialement.

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Si je vous ai bien compris, monsieur Juanico, lors de leurs auditions, les organisations syndicales se seraient prononcées unanimement contre le système universel. Manifestement, nous n'avons pas assisté aux mêmes auditions. Il y avait en effet des divergences entre les organisations syndicales : je vous invite à regarder l'enregistrement. Certaines d'entre elles réfléchissent depuis un certain temps à un système universel – il est vrai que certains membres du Parti socialiste s'y opposaient depuis longtemps.

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Le rapporteur général lance un intéressant débat. J'avais suggéré que nous puissions échanger, avant de démarrer l'examen des amendements, sur ce que nous retenions des auditions de la semaine dernière, afin qu'elles n'aient pas été une simple formalité. Visiblement, nous n'en avons pas retenu la même chose. Aucune des organisations syndicales n'a exprimé de franc soutien à ce projet. Sans aucun doute, il y a des désaccords entre elles ; ils sont d'ailleurs publics. J'ai néanmoins entendu beaucoup de critiques et aucune louange. Nous lirons en effet les comptes rendus de ces auditions, mais je ne crois pas que vous puissiez vous prévaloir, en la matière, de quelque soutien que ce soit à ce stade.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement n° 22453 de M. Pierre Dharréville.

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Le précédent amendement avait pour but de rédiger correctement les objectifs relatifs au budget. Celui-ci est un amendement de repli qui a pour objectif de préciser votre pensée : faire croire à l'urgente nécessité d'une réforme et préparer les esprits à la montée en charge de la capitalisation.

Lors de son audition, le président du COR a expliqué qu'aucun péril ne pesait sur le système actuel et qu'il n'y avait pas de justification financière à la réforme proposée.

Le texte propose un verrouillage total conforme à la règle d'or. Le coeur de votre projet se trouve dans l'alinéa 9 ; la soutenabilité financière en représente l'alpha et l'oméga, d'où le verrouillage à un an, le verrouillage à cinq ans et le verrouillage à quarante ans. L'adaptation se fait avec les variables d'ajustement que vous connaissez – principalement l'âge de départ à la retraite et le niveau des pensions. Nous contestons fondamentalement le coeur de votre projet.

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Cet amendement appartient à la série de ceux qui font sourire : vous nous proposez d'intégrer un « objectif de maquillage des conditions d'équilibre financier »... Nous y sommes évidemment défavorables.

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S'agissant des compensations, pourriez-vous nous dire ce qu'il adviendra des 2,6 milliards d'euros qui manqueront à l'assurance maladie suite à la modification des assiettes de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) des indépendants ?

Vous avez répondu au sujet des contributions de l'État : la situation sera-t-elle la même pour les employeurs que sont les collectivités locales et les hôpitaux ? Si je comprends bien le tableau 20 de l'étude d'impact, il manquera 5,5 milliards en année pleine ; ce gain sera-t-il laissé à la disposition des collectivités ou des hôpitaux ? Dans l'affirmative, qui supportera la charge de compenser cette perte pour le système de retraite ? Est-ce l'État ?

Enfin, la suppression de la cotisation pour les salaires situés entre trois et huit plafonds annuels de la sécurité sociale (PASS) créera un vide durable, de l'ordre de 3,7 milliards par an, pour financer les pensions de ceux qui avaient déjà contribué jusqu'à 8 PASS.

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Le discours du Gouvernement sur l'équilibre des finances a beaucoup évolué. Il y a peu, M. Laurent Pietraszewski expliquait sur les ondes de France Info, que la question n'était pas celle d'un équilibre comptable, mais celle d'une plus grande égalité entre les Français. En réalité, vous vous trompez sur ces deux points : nous reparlerons de l'égalité. S'agissant de l'équilibre, vous êtes incapables d'estimer le coût des périodes de transition. La fameuse exonération pour les salaires supérieurs à 10 000 euros coûtera plus de 3 milliards par an entre 2025 et 2040 ; je ne parle pas de ceux qui ne bénéficieront pas des cotisations, mais de ceux qui demanderont leur dû en fonction des cotisations passées, alors même que les cotisations ne seront plus perçues. Cela représente au total 72 milliards. Vous avez raison de ne plus insister sur ce point. Non seulement votre système est inégalitaire, mais il coûtera beaucoup d'argent.

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Je voudrais citer l'amendement suggéré par la CFDT concernant la déclinaison opérationnelle de la règle d'or : « [...] le respect d'un équilibre financier par le solde cumulé supérieur ou égal à zéro sur une période de cinq années. Ce mécanisme porte sur un court terme et tend à être pro-cyclique. En cas de conjoncture défavorable, cela revient à constater une baisse des ressources du système universel de retraite (SUR) et à observer potentiellement un déficit conjoncturel. Le mécanisme de la règle d'or sur cinq ans peut donc impliquer de réduire les dépenses de retraites et d'ajuster les paramètres impliqués à l'article 55 […] en période de ralentissement économique au détriment du mécanisme d'amortisseur social ». Comment cela se traduira-t-il dans la déclinaison opérationnelle de votre projet de loi ?

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L'article 55 qu'Hubert Wulfranc vient d'évoquer prévoit un cycle de cinq ans ; la CFDT a observé que ce cycle pourrait être de dix ans afin d'être anticyclique plutôt que pro-cyclique. L'article 55 n'a donc rien à voir avec le présent alinéa.

Monsieur Coquerel, vous avez exprimé une très vive critique du plafonnement des cotisations pour les salaires supérieurs à 3 PASS. Cette mesure correspond au plafonnement des montants des revenus de substitution versés. Vous appelez de vos voeux le plafonnement des salaires : nous le réalisons concernant les pensions de retraite puisque nous ne verserons pas de pensions supérieures à 10 000 euros dans le nouveau système. Nous concrétisons une mesure qui figurait dans votre programme : vous pourriez vous en satisfaire.

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À l'alinéa 9, il est question de la constitution de réserves pour accompagner les évolutions démographiques et économiques. Vous avez rencontré les caisses autonomes à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d'État, et vous avez évoqué la possibilité de conserver leurs caisses de réserve. Or lundi 3 février 2020 sur France 2, Sibeth Ndiaye a indiqué que les réserves des avocats seraient utilisées pour compenser en partie la hausse de leurs cotisations. Pouvez-vous confirmer les propos de votre collègue ? Maintenez-vous vos positions au sujet des caisses autonomes ?

La commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'examen de l'amendement n° 21918 de M. Emmanuel Maquet.

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Cet amendement peut paraître cosmétique, mais il est plein de bon sens et de perspectives. La soutenabilité financière telle qu'elle est prévue dans l'alinéa 9 de l'article 1er représente le minimum syndical ; le financement est bien l'alpha et l'oméga du projet. Cet amendement vise à garantir l'équilibre financier du régime à long terme et selon la variation des agrégats économiques, en l'associant à un objectif de performance, qui fait sens avec la logique de croissance économique, d'inflation et d'évaluation à la hausse ou à la baisse du pouvoir d'achat de nos compatriotes.

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La soutenabilité financière est une condition absolument nécessaire à notre projet, mais elle n'est pas suffisante. Nous défendons avant tout un projet de société ; nous souhaitons le financer afin d'en assurer la pérennité. Par conséquent, je suis défavorable à cet amendement.

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Jean-Pierre Door vous a posé une question précise. Il est important pour la représentation nationale qu'une réponse précise y soit apportée.

Monsieur le rapporteur, la réforme présente des éléments intéressants, tels que le minimum contributif et le cumul emploi-retraite. Mais afficher sans cesse vos ambitions sans dire comment vous les financerez ne les rend pas crédibles. Le déficit à venir est estimé à plus de 12 milliards d'euros d'ici à 2025, sans même comptabiliser les nouvelles mesures. Il y a un risque de déséquilibre entre les conditions de financement de ces mesures et ce qui est demandé pour en bénéficier. De plus, le système produira des perdants, et ce, de façon injuste ; je pense notamment aux caisses autonomes. Il me semble donc pertinent d'apporter des garanties, comme vous l'a demandé Jean-Pierre Door.

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Grâce aux Républicains, nous avons le traducteur des véritables objectifs de La République en Marche... Selon eux, la soutenabilité demande une performance économique et une croissance infinie. Or nous savons très bien que le changement climatique nous impose de considérer un peu différemment les objectifs économiques ; le partage de la richesse peut être une option, tout aussi soutenable ou performante que ce qu'ils décrivent.

Quant aux réserves des caisses autonomes, cher collègue Door, elles ne seront pas touchées : on se contentera de leur appliquer violemment la réforme, sans phase de transition. Et comme aux avocats, on expliquera que la réserve servira à lisser l'augmentation du montant des cotisations : ce faisant, on ne vole pas le pognon, mais finalement, cela revient à peu près au même.

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Monsieur le secrétaire d'État, nous avons tous besoin d'un éclairage sur le régime de transition et sur le régime final que vous voulez atteindre. Sinon, pour reprendre ce terme qui convient assez bien, vous maquillez des choses, ce qui est insupportable lorsqu'il s'agit d'éclairer la représentation nationale.

Boris Vallaud vous a posé une question sur la compensation de la modification de l'assiette de CSG. Vous dites aux avocats de ne pas s'inquiéter, car la baisse de la CSG compensera le doublement du montant de leurs cotisations ; vous avouerez qu'il y a plus simple. Vous ne nous dites pas combien représente cette compensation ni si la CSG qui manquera dans les caisses de la sécurité sociale sera elle-même compensée par autre chose.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement n° 14662 de M. Pierre Dharréville.

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Cet amendement a pour but de tempérer l'objectif affiché de soutenabilité économique. Nous examinons un chapitre qui définit les objectifs assignés par la Nation au système universel, parmi lesquels se trouve la soutenabilité économique, au même titre que la garantie des niveaux de vie. Nous proposons d'inclure l'idée que la soutenabilité économique respecte la justice sociale : cela mange d'autant moins de pain que les objectifs affichés en sont déjà très éloignés.

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L'objectif de justice sociale irrigue l'ensemble de ce projet. Nous nous fixons des objectifs d'équité, de solidarité, de garantie de niveau de vie et de liberté dans le choix de départ à la retraite ; vous pourrez discuter des outils à disposition. Nous nous fixons également des objectifs dans les articles suivants.

Si l'organisation des amendements permettait d'en discuter, nous pourrions progresser utilement dans la compréhension de la réforme et de la maîtrise des enjeux. Des contre-vérités ont été formulées à plusieurs reprises, mais sans rapport direct avec l'article examiné. Essayons d'étudier ces enjeux et ces outils au moment où ils seront abordés dans le texte de loi.

Défavorable.

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Nos questions sont précises et devraient appeler des réponses un tant soit peu précises. Sans réponse, on ne peut pas considérer que la représentation nationale est suffisamment éclairée pour prendre une décision en conscience. Je vais poursuivre mes questions ; vous y répondrez quand vous le jugerez bon.

Nous parlons d'équilibre financier : comment les évolutions des cotisations s'articuleront avec les exonérations de cotisations employeurs actuellement en vigueur ? Quels seront demain les taux de cotisation effectifs selon le niveau de rémunération ? Dans le régime universel, les salariés du secteur privé bénéficient d'exonérations : certains employeurs publics pourraient-ils revendiquer ce bénéfice ? Des exonérations de cotisation vieillesse ne sont actuellement pas compensées : qu'en sera-t-il dans le futur régime ?

Compte tenu de votre temps de préparation – deux ans et demi tout de même – je ne comprendrais pas que vous ne soyez pas capables de me répondre.

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Il va de soi que cette réforme doit faire preuve de justice ; c'est l'occasion de remettre sur la table des inégalités et des situations anormales.

La question des retraites est somme toute simple : il s'agit de répondre à des besoins qui iront croissant. Pour ce faire, il faut s'interroger sur les ressources. Sans nécessairement crier au maquillage, force est d'admettre que la soutenabilité financière et la pérennité de l'équilibre du système sont essentielles : tout le reste n'est que littérature. On peut se payer de grands mots en parlant de justice : il faut avant tout s'assurer de ce qu'il en est.

Nous vous avons interrogé sur les réserves, monsieur le ministre, notamment sur celles des régimes autonomes. Nous avons besoin de vous entendre ; les Français sont dans la rue et attendent des éléments précis.

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Nous avons les moyens aujourd'hui d'instaurer un système équilibré avec pour objectif la justice sociale. Celle-ci ne peut être sacrifiée au profit de la soutenabilité financière ; l'amendement que je défends ne dit rien d'autre.

Nous avons émis une réserve concernant l'alinéa 4 : un objectif de liberté de choix pour les assurés sous réserve d'un âge minimum, etc. Il me semble donc tout à fait acceptable de procéder de la même façon et de pondérer cet alinéa.

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Monsieur le rapporteur, votre seule réponse à l'opposition consiste à répéter que nos arguments sont faux, mais c'est vous qui assénez de faux arguments et qui truquez les cas-types en gelant l'âge d'équilibre. Le Conseil d'État l'a dit : l'universalité, c'est faux, le fait qu'un euro de cotisation ouvrira les mêmes droits, c'est faux. C'est tout le verbiage auquel vous habituez les Français depuis des mois qui est faux ; je vous trouve bien mal placé pour contester les chiffres de l'opposition ! Est-ce qu'il y a 127 milliards d'euros dans les réserves de différents régimes ? Oui. Est-ce qu'il y a 42 milliards d'encours bancaires pour les régimes des retraites chapeaux ? Oui. Est-ce que 60 milliards de dividendes ont été versés aux actionnaires ? Oui. Est-ce qu'on peut financer la retraite à 60 ans en assurant l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ? Oui. Est-ce qu'on peut financer une retraite à un âge digne avec un bon niveau de pension, en augmentant les salaires et les cotisations ? Oui. Tout cela est vrai.

Dites que vous n'êtes pas d'accord, dites la vérité aux Français, expliquez-leur que vous ne voulez pas consacrer plus de richesse à leurs retraites et qu'ils devront bosser toujours plus longtemps, mais cessez de répéter que ce que nous disons est faux !

La commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'examen de l'amendement n° 20536 de M. Matthieu Orphelin.

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Cet amendement vise à inscrire dans les objectifs généraux relatifs à l'équilibre financier du système universel de retraite la dimension solidaire des cotisations et des contributions des assurés et des employeurs. Cette solidarité peut se traduire notamment par la création de mécanismes redistributifs comme l'instauration d'une progressivité sur le taux de cotisation de solidarité ou encore par une modulation de la valeur d'achat du point en fonction des tranches de revenu.

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Une fois n'est pas coutume, je suis favorable à cet amendement. Il est bon de réaffirmer cette dimension solidaire.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites

Je ne suis pas persuadé qu'il est juridiquement indispensable d'intégrer cette modification, mais je pense qu'elle a du sens. Je serai donc favorable à cet amendement.

S'agissant des réserves, le Premier ministre s'est exprimé à de nombreuses reprises. Je vous renvoie simplement au titre IV, qui précise que le Fonds de réserve universel se compose uniquement du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Je le répète, les réserves constituées par les caisses autonomes leur appartiennent, tout comme la décision concernant leur utilisation.

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Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous expliquer, avant le vote de l'article, la différence entre les cotisations et les contributions ? Votre texte parle de cotisations et contributions équitablement réparties entre les assurés comme entre les assurés et les employeurs. Quelles assiettes pourraient avoir des contributions ainsi définies ? En droit constitutionnel il n'y a que deux catégories : les impositions de toute nature et les cotisations sociales. Je ne comprends pas très bien votre rédaction.

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La question de Charles de Courson est extrêmement intéressante ; je vous ai moi-même demandé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, si l'État procéderait à de nouvelles compensations, mais sans prononcer le mot de contribution, qui n'existe pas en droit constitutionnel. Le Conseil constitutionnel pourrait être tenté de dire qu'une telle compensation, au statut totalement hybride, n'a pas de réalité en droit.

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Si l'on s'en tient à une lecture grammaticale, on peut imaginer à quoi correspond la contribution à caractère solidaire. Mais en droit comme en fiscalité, une telle contribution n'a ni définition ni fondement. Il est intéressant de faire de la communication, mais un texte de loi exige de la précision.

L'exposé sommaire de l'amendement précise : « Cette solidarité peut se traduire notamment par la mise en place de mécanismes redistributifs comme l'instauration d'une progressivité sur le taux de cotisation de solidarité, ou encore par une modulation de la valeur d'achat du point en fonction des tranches de revenu. » C'est inquiétant, alors même que l'on n'a aucune vision de l'équilibre financier du texte et qu'on ne sait pas à quoi s'attendre. Il est question d'une « contribution à caractère solidaire » qui crée un déséquilibre. C'est comme si l'on ne votait que les recettes – ou les dépenses – d'un budget, sans savoir si l'on est à l'équilibre : on est à l'aveugle !

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites

La CSG, comme toutes les contributions, fait partie des impositions de toute nature ; c'est ce qui la distingue des cotisations, telles que les cotisations vieillesse. Il n'y a là aucune nouveauté.

La commission adopte l'amendement.

La commission examine l'amendement n° 22554 de Mme Martine Wonner.

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Cet amendement a pour but de moduler l'âge du départ à la retraite en fonction de l'espérance de vie en bonne santé. Cela permettrait de créer un système universel dynamique et non statique en déterminant un âge pivot pour tous. L'espérance de vie en bonne santé doit être répartie entre la retraite et l'activité professionnelle, comme le prévoit l'article 10.

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Je comprends la philosophie de la démarche, qui a fait l'objet d'un débat cet après-midi. La notion d'espérance de vie en bonne santé est très subjective et notamment corrélée à des habitudes de vie ; de nombreuses enquêtes à ce sujet ont été publiées. L'intention est bonne et il faut approfondir au maximum les notions démographiques pour mieux piloter le système. Cependant, cette notion est difficile à appliquer de façon juste entre les uns et les autres. Je suis défavorable à cet amendement, même si j'en partage la philosophie.

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L'article 10 traite de la répartition de l'espérance de vie en bonne santé : deux tiers pour l'activité professionnelle et un tiers pour la retraite. On sait calculer l'espérance de vie et l'espérance de vie en bonne santé. La vraie injustice, c'est lorsque l'on constate que, selon les métiers, l'espérance de vie en bonne santé peut varier de dix ans, et le fait de partir au même âge est injuste, avec la même pension, n'y change rien. Il faut pouvoir moduler en fonction des catégories socioprofessionnelles, et l'espérance de vie en bonne santé me semble être le bon baromètre.

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Signifier que vous modulerez le système en fonction de l'espérance de vie d'une génération éclaire vos intentions : avec le système par points, il faudra espérer que les concitoyens de sa génération meurent tôt pour avoir une meilleure part du gâteau. L'espérance de vie tout court stagne désormais ; quant à l'espérance de vie en bonne santé, elle est de 63 ans. Il sera bien inspiré celui qui pourra démontrer que les pesticides, la pollution, voire la 5G n'auront pas d'impact sur l'espérance de vie en bonne santé. Enfin, faire partir tout le monde de la même ligne de départ n'apporte pas de solution aux écarts d'espérance de vie qui existent au sein d'une génération. Entre un cadre et un ouvrier, il y a six ans d'écart d'espérance de vie ; entre les 10 % les plus riches et les 10 % les moins riches, cet écart peut atteindre treize ans.

Moduler le système en fonction de l'espérance de vie revient à faire un pari très hasardeux, et surtout un pari dangereux.

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L'espérance de vie en bonne santé présente un travers : elle ne concerne pas une génération, mais un groupe de personnes, et se fonde sur une base déclarative. Nous prenons des décisions qui changent la situation en la matière : ainsi, nous avons voté le 30 janvier 2020 une belle proposition de loi qui changera la vie de milliers de personnes souffrant d'affections de longue durée. Celles-ci répondront désormais différemment à la question suivante : est-ce qu'un problème de santé est à l'origine d'un accès limité à des activités courantes ? Elles pourront maintenant travailler normalement et ce faisant, leur espérance de vie en bonne santé augmentera. Nous pouvons nous en féliciter.

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Parler de l'espérance de vie amène effectivement à s'intéresser à des groupes de personnes. L'espérance de vie en France varie en fonction des métiers, mais aussi selon les régions. Il y aura donc différents régimes au sein du régime universel : c'est un vrai paradoxe.

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Plus on avance dans la législature, plus la jambe gauche d'En Marche ! raccourcit et plus la majorité boite... Cet amendement issu de ses rangs nous en offre une nouvelle illustration. De fait, il vise à prendre en compte une réalité que vous refusez de voir : selon qu'on a été ouvrier ou qu'on a baigné dans le luxe, le calme et la volupté, l'espérance de vie en bonne santé n'est pas la même.

Si, parfois, nous nous énervons, madame la présidente, ce n'est pas parce que nous vous manquons de respect – nous vous respectons beaucoup –, c'est parce que nous avons dans la tronche les gens qui vivent à nos côtés. Je pense à Bob, ce cheminot mort prématurément, ou à ce chaudronnier-soudeur du chantier naval flingué par le cancer de l'amiante. On m'explique que l'espérance de vie en bonne santé étant déclarative, elle est difficile à appréhender. Mais les mecs flingués par le boulot, la mort leur est tombée dessus sans prévenir ! L'espérance de vie en bonne santé mérite d'être prise en compte. Pensez à votre jambe gauche !

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Monsieur Jumel, je n'ai aucune leçon à recevoir : mon père était chaudronnier et il est mort à 64 ans.

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Le mien aussi. Je ne vous donne pas de leçon, madame la présidente : ne le prenez pas pour vous !

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Vous nous faites part de votre expérience, je vous fais part de la mienne. Nous ne sommes pas hors-sol !

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement n° 21529 de M. Sébastien Jumel.

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La majorité est déterminée à rappeler les enjeux de cette réforme. En effet, je veux bien admettre que le changement soit complexe ; c'est pourquoi nous envisageons d'étaler sa mise en oeuvre sur quinze à vingt ans. Mais n'oublions pas qu'actuellement, certains agriculteurs perçoivent une pension de 800 euros, que la maternité donne droit à huit trimestres supplémentaires dans le privé et à deux trimestres dans le public, que le montant de la pension est calculé sur vingt-cinq années d'un côté et sur six mois de l'autre, que le taux de conversion est de 50 % dans le régime général et de 75 % dans la fonction publique et que le chômage est décompté ou non comme une période d'activité, selon les régimes.

Ces différences témoignent de l'iniquité profonde du système actuel, iniquité à laquelle nous vous proposons de remédier grâce à des outils que vous pouvez éventuellement améliorer et dont nous pouvons en tout cas discuter. Or, cet enjeu est – hélas ! – noyé dans des débats qui tournent en rond, à cause d'amendements tels que celui-là, qui vise à remplacer un mot par un autre. Substituer « inéquitable » à « universel » n'a aucun sens ; cela ne grandit pas le débat parlementaire ni ne résout les problèmes de nos concitoyens.

Avis défavorable, bien entendu.

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Il est vrai que remplacer un mot par un autre n'a pas grande importance, dès lors que l'étude d'impact elle-même est truquée. À quoi bon discuter ? Faisons plutôt confiance aux ordonnances... Reconnaissez, monsieur le rapporteur, que vous êtes à court d'arguments.

L'amendement de nos collègues est, certes, un peu provocateur, mais il dit la vérité : le système de retraite que vous nous proposez est inéquitable. Du reste, vous le savez, puisque vous passez votre temps à promettre des points gratuits à telle ou telle profession ! De fait, l'espérance de vie en bonne santé n'est pas la même selon que l'on est éboueur, égoutier ou policier.

Quant à la soutenabilité économique, c'est le fond de l'affaire : est-ce à dire que les retraités sont un poids mort ?

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Madame la présidente, vous avez indiqué que le temps de parole était limité à une minute uniquement pour les orateurs d'un même groupe défendant des amendements identiques. Tel n'est pas le cas, en l'espèce.

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Ce n'est pas sérieux. M. Quatennens respecte les règles, lui.

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Je veux bien les respecter ; encore faut-il qu'elles ne changent pas.

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Elles ne changent pas : depuis tout à l'heure, chacun s'exprime une minute.

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Monsieur le rapporteur, je constate, non sans malice, que j'ai obtenu de vous une réponse plus longue que celles que vous m'avez faites lorsque j'ai défendu mes amendements. Quoi qu'il en soit, votre démonstration ne tient pas. Les problèmes que vous avez mentionnés – et que personne ne conteste, surtout pas nous – seront résolus, non pas par un système par points, mais par d'autres mécanismes qui peuvent parfaitement être instaurés dans le cadre du système actuel. Je vous renvoie, sur ce point, à la proposition de loi que nous avons déposée il y a quelques jours.

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En 2018, l'espérance de vie sans incapacité était de 64,5 ans pour les femmes et de 63,4 pour les hommes, soit un écart de neuf mois. Par ailleurs, les enseignants, par exemple, ont une longue espérance de vie en bonne santé. Faut-il en conclure que les femmes ou les profs doivent travailler plus longtemps ? Je ne le crois pas. Les inégalités d'espérance de vie selon les métiers doivent être traitées dans le cadre de la pénibilité, dont la prise en compte offrira la possibilité de partir à la retraite avant 62 ans. En effet, l'espérance de vie ou l'espérance de vie en bonne santé liée aux catégories professionnelles ne prend pas en compte la multiplicité des statuts au cours d'une carrière : on peut commencer ouvrier et finir cadre.

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Je souhaite revenir sur la question des équilibres financiers. Il est indiqué, à la page 179 de l'étude d'impact que, « dans le futur système, la contribution de l'État au système de retraite serait maintenue en 2025 ». Ce serait une réponse à la première partie de la question. Mais il est précisé : « Elle évoluera ensuite selon la nature et la dynamique des dépenses qu'elle vise à couvrir (droits assimilables au droit commun [...]). Elle intégrera donc progressivement les conséquences financières pour l'État de la suppression des régimes spéciaux et de certaines catégories actives. » En clair, cela signifie que la contribution de l'État diminuera.

Monsieur le secrétaire d'État, vous devez nous dire quel sera, selon vos projections, le montant de cette diminution, année par année. Vous ne pouvez pas évoquer l'âge d'équilibre en 2037 et ne nous donner aucun chiffre. Pour l'instant, nous ne savons pas ce qui se passera après 2025 : c'est le saut dans l'inconnu !

La commission rejette l'amendement.

Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 538 de M. Pierre Dharréville.

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Par cet amendement, nous proposons d'inscrire les gains de productivité à l'alinéa 9. Depuis 1950, d'importants gains de productivité ont été réalisés, qui se traduisent par une augmentation de la richesse produite par rapport au nombre d'heures travaillées. Un actif produit actuellement plus de richesses, et les produit plus rapidement, qu'en 1950. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, le PIB par habitant a ainsi été multiplié par 3,4 hors inflation entre 1960 et 2017. Au cours de la même période, le temps de travail s'est nettement réduit.

Ces constats démontrent que les retraites ont été financées tout en réduisant le temps de travail. Or, elles pourront continuer à l'être à l'avenir, puisque la richesse par habitant va continuer à croître. Le pilotage du système de retraite doit donc tenir compte non seulement de l'évolution à long terme du rapport entre le nombre des actifs et celui des retraités, mais aussi des gains de productivité.

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Monsieur Jumel, vous devriez être inquiet : après avoir souscrit aux propos de M. Woerth, voilà que votre collègue M. Dharréville évoque les gains de productivité. L'emploi de cette sémantique serait-il le signe d'une dérive politique ? (Sourires.)

Plus sérieusement, il est évident que les gains de productivité peuvent être, au même titre que la progression des salaires, le taux d'inflation ou le taux de croissance, un élément du pilotage et du financement du système. Mais nous ne pouvons pas pour autant apporter à Mme Rabault une réponse précise sur ce que sera ce financement dans quinze ans. Il s'agit, ici, de définir un cadre dans lequel le Gouvernement et les majorités qui lui succéderont s'inscriront pour piloter le plus finement possible un système de retraite le plus équitable possible.

Même si nous ne souhaitions pas retenir cette notion dans le texte, les gains de productivité sont évidemment un des éléments du pilotage du système. C'est pourquoi j'émets finalement un avis favorable à cet amendement.

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La question des gains de productivité est centrale dans le débat sur le financement des retraites. En effet, au fur et à mesure que la productivité a augmenté, s'est développée la revendication d'une diminution du temps de travail ; c'est le sens du progrès. En effet, dès lors que la quantité de travail humain nécessaire pour produire la même quantité de richesse baisse, la véritable question est celle de la répartition de celle-ci. Sinon, pourquoi travailler plus ? Pour enrichir qui ?

Par ailleurs, nous sommes soumis à l'impératif écologique. La majorité en appelle à une croissance économique exponentielle. Or, elle sait non seulement qu'une telle croissance n'est pas économiquement possible mais, surtout, qu'elle n'est pas souhaitable. Je pose donc à nouveau la question, qui est peut-être d'ordre philosophique mais qui est centrale dans notre débat : à quoi bon travailler plus longtemps que le temps nécessaire pour produire ce dont nous avons besoin ?

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Monsieur le rapporteur, pour un « coco », le fait de parler de gains de productivité n'est pas un blasphème ; c'est une réalité objective, liée à l'apparition de nouvelles méthodes, aux efforts des salariés, à la robotique, etc. Mais la question pour le « coco » est de savoir si ces gains de productivité profitent au capital ou, dans le cadre d'une répartition juste et équitable de l'effort, à la valeur travail. Je vous rassure donc : il n'y a pas de dérive politique de mon camarade Dharréville. Même si elle n'a rien de révolutionnaire, nous sommes sensibles à la prise en compte des gains de productivité dans le pilotage du système.

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Pour la troisième fois depuis le début de l'examen du texte, le rapporteur se déclare favorable à un amendement. Mais à quoi cela servira-t-il puisque, de toute façon, la commission n'achèvera sans doute pas l'examen du projet de loi, de sorte que nous examinerons, en séance publique, le texte du Gouvernement ? C'est à se demander quel est le sens de nos travaux !

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites

Il est vrai que les gains de productivité sont une des variables prises en compte dans les hypothèses du COR. Ainsi, je le reconnais, monsieur Dharréville, votre amendement peut compléter utilement le texte. Avis favorable, donc.

Madame Rabault, vous avez bien lu l'étude d'impact – je me réjouis de pouvoir discuter avec des députés qui en ont fait une lecture attentive. Je vous confirme que l'État compensera à l'euro près toutes les dépenses induites notamment par les retraites des fonctionnaires. Évidemment, compte tenu de l'extinction progressive de ces engagements, la dotation diminuera à due proportion. Tel est le sens de la phrase que vous avez citée.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 553, n° 555, n° 554, n° 556 et n° 557 de M. Jean-François Cesarini.

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Si nous voulons éviter de devoir proposer tous les dix ans une nouvelle réforme afin de reporter l'âge du départ à taux plein, il faut que le système soit dynamique et évolue dans le temps en fonction de l'espérance de vie en bonne santé à partir de 65 ans. En effet, après cet âge, les écarts sont beaucoup plus resserrés entre les hommes et les femmes mais demeurent très importants entre les différentes catégories socioprofessionnelles. En intégrant dans le régime universel une pondération selon le métier exercé, nous élaborerons une véritable réforme systémique pour les soixante à cent ans à venir. Si l'espérance de vie en bonne santé stagne, l'âge de départ à la retraite reste le même ; en revanche, s'il augmente, l'âge de départ est reporté.

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Je vous confirme que la prise en compte de l'espérance de vie sera bien au coeur du pilotage du futur système – je vous renvoie, sur ce point, à la rédaction de l'article 10. Cependant, les différents dispositifs que vous proposez me semblent préciser ce pilotage de manière excessive. J'ajoute qu'en matière d'espérance de vie, s'il est évident que les différences entre catégories socioprofessionnelles peuvent être marquées, votre analyse présente une limite : la consommation de tabac est également un facteur important qui mériterait d'être pris en compte par notre assemblée.

Je partage votre préoccupation, mais il faudrait que nous disposions de données plus précises et indiscutables. Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements.

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S'agissant des données chiffrées, le ministère des solidarités et de la santé produit, chaque année, des statistiques sur l'espérance de vie en bonne santé à 65 ans. Par ailleurs, croyez-vous sincèrement, monsieur le rapporteur, que les ouvriers meurent plus tôt parce qu'ils fument davantage ?

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Les amendements de M. Cesarini sont intéressants.

Les ouvriers fument beaucoup moins qu'auparavant car ils n'ont plus les moyens de s'acheter un paquet de clopes. De là à en déduire que la baisse de l'espérance de vie en bonne santé liée au tabac devienne un jour l'apanage des plus hauts revenus...

Quoi qu'il en soit, si nous voulons que les gens puissent vivre leur vie de retraité de manière digne et décente et contribuer à l'intérêt général – un membre du Gouvernement lui-même reconnaissait que les associations et les retraités permettent à l'État de réaliser des économies en faisant le travail qu'il ne peut pas faire –, permettons-leur de partir à la retraite tôt et en bonne santé.

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L'Observatoire des inégalités confirme – hélas ! – les propos de notre rapporteur : plus de 38 % des ouvriers sont des fumeurs habituels. Par ailleurs, les partenaires sociaux disposeront de tous les leviers nécessaires pour rendre l'âge de départ à la retraite dynamique et prendre en compte la pénibilité des métiers, sans s'arrêter aux seules catégories socioprofessionnelles : peut-on dire, par exemple, que tous les cadres ont une vie calme et tranquille ? Non, certains d'entre eux sont soumis à de fortes pressions et exercent un métier pénible. Raisonnons donc par métier plutôt que par catégorie socioprofessionnelle et, surtout, laissons faire les partenaires sociaux, qui connaissent bien les sujétions liées aux différents métiers, mais également la façon dont ceux-ci peuvent évoluer.

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Par précaution, j'indique d'emblée que mon propos ne vise à mettre en cause ni la présidente ni qui que ce soit d'autre. Je parle simplement avec mes tripes et mon coeur. Connaissez-vous la chanson intitulée Du gris ?

« Tu n'fumes pas ! Oh ben, t'en a de la chance

« C'est que la vie, pour toi, c'est du velours

« Le tabac, c'est le baume de la souffrance

« Quand on fume, le fardeau est moins lourd. »

Ces paroles renvoient à une réalité objective, celle des personnes qui ont une vie de galères, des revenus faibles, un logement indigne... Les observatoires régionaux de la santé le montrent : dans ch'Nord sans doute, comme chez moi, les facteurs de mauvaise santé se cumulent : taux de morbidité, maladies professionnelles, tabac, alcool... C'est cela, la réalité économique et sociale de nos territoires ! Sur quelle planète vit-on pour ne pas la voir ? L'espérance de vie en bonne santé dépend des moyens financiers dont on dispose : en fonction des thunes qu'on a, on ne mange pas la même chose, on n'habite pas au même endroit, on n'a pas le même niveau d'éducation. Et si l'on ajoute à ces paramètres un boulot pénible qui n'est pas aussi épanouissant que celui d'une personne qui a grandi à Neuilly ou chez Rothschild, on conçoit aisément que l'espérance de vie de ces personnes soit moindre. Ce n'est tout de même pas difficile à comprendre !

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Il eût été opportun, me semble-t-il, de réfléchir, dans le cadre de ce projet de loi, à un régime universel de pénibilité qui prenne en charge tous les Français, quel que soit leur statut, les salariés comme les travailleurs indépendants, plutôt que d'en rester à un dispositif tronçonné qui apporte une réponse métier par métier en fonction de critères dont on sait qu'ils suscitent la controverse.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites

J'entends ce que vous dites, monsieur Viry. Mais, au fond, c'est bien ce que nous proposons dans ce projet de loi : un régime universel de la pénibilité. En effet, l'accès au compte professionnel de prévention sera ouvert à l'ensemble des actifs, qu'ils soient fonctionnaires, salariés des régimes spéciaux ou du privé. Quant aux travailleurs indépendants, il faudrait qu'ils évaluent eux-mêmes la pénibilité de leur métier, ce qui complique la situation. Néanmoins, ce projet d'universalité de la pénibilité correspond à l'esprit du texte.

La commission rejette successivement les amendements.

La séance est levée à zéro heure.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 4 février 2020 à 21h 30

Présents. – M. Thibault Bazin, M. Thierry Benoit, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marine Brenier, M. Jean-Jacques Bridey, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Lionel Causse, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Yves Daniel, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, M. Julien Dive, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Éric Girardin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Brahim Hammouche, Mme Danièle Hérin, M. Sacha Houlié, M. Régis Juanico, M. Sébastien Jumel, Mme Fadila Khattabi, Mme Célia de Lavergne, M. Didier Le Gac, Mme Constance Le Grip, Mme Monique Limon, M. Jacques Maire, M. Emmanuel Maquet, M. Jean-Paul Mattei, M. Jean François Mbaye, M. Thierry Michels, M. Patrick Mignola, Mme Cendra Motin, Mme Zivka Park, M. Adrien Quatennens, Mme Valérie Rabault, M. Hervé Saulignac, M. Nicolas Turquois, M. Boris Vallaud, M. Olivier Véran, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry, M. Éric Woerth

Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Ugo Bernalicis, M. Philippe Berta, Mme Danielle Brulebois, M. Jean-René Cazeneuve, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Charles de Courson, M. Fabien Di Filippo, Mme Caroline Fiat, M. Guillaume Garot, M. David Habib, M. Michel Larive, M. Sébastien Leclerc, M. Marc Le Fur, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Maxime Minot, M. Dominique Potier, M. Loïc Prud'homme, M. Bruno Studer, M. Arnaud Viala, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi