COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 6 octobre 2021
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
La commission auditionne M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Nous entamons ce matin nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 dont la première lecture nous conduira jusqu'au vote solennel le mardi 26 octobre.
Monsieur le premier président, la présentation du rapport marque toujours l'ouverture de nos travaux sur le PLFSS et nous sommes très attachés à cette tradition. Ce n'est bien sûr pas seulement pour respecter une tradition que nous vous avons invité mais parce que, comme chaque année, les analyses et propositions de la Cour des comptes sont très attendues. Même si nous avons eu moins de vingt-quatre heures pour en prendre connaissance avant l'audition de ce matin, il ne fait aucun doute que le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS) nourrira nos débats en commission puis en séance dans les jours qui viennent.
Avec ce rapport, la Cour s'acquitte d'abord de la mission qui est la sienne en vertu des textes organiques, à savoir émettre un avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre et du tableau patrimonial de la sécurité sociale. Toutefois les collègues et, au-delà d'eux, nos concitoyens, se pencheront sans doute davantage sur les développements thématiques que vous avez consacrés, comme de coutume, à plusieurs sujets choisis dans le vaste champ de la sécurité sociale, tels le financement des établissements médicaux et médicosociaux, la dématérialisation des prescriptions médicales, les accidents du travail, les maladies professionnelles, l'allocation de rentrée scolaire ou encore le minimum vieillesse.
Je pense que chacun appréciera aussi la réactivité dont la Cour a fait preuve en étudiant plusieurs aspects plus spécifiquement liés à la crise sanitaire comme la manière dont les organismes de sécurité sociale se sont adaptés, la télésanté et les dépenses de biologie médicale.
Je suppose que vous aurez également à cœur de nous exposer votre vision de la trajectoire financière de la sécurité sociale et de nous inviter à une réflexion sur le cadre des lois de financement de la sécurité sociale et sur la régulation des dépenses de maladie.
Je vous remercie de m'avoir invité à vous présenter le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, le RALFSS. C'est avec grand plaisir que je retrouve votre commission pour cet exercice annuel important.
Le rapport que je vais vous présenter est établi, comme chaque année, dans le cadre de la mission d'assistance de la Cour au Parlement et au Gouvernement. Il accompagne le PLFSS 2022, déposé cette semaine.
J'ai présenté ce travail à la presse hier car ce rapport est – comme vous le savez – très attendu par nos concitoyens. J'irai tout à l'heure le présenter également devant la commission des affaires sociales du Sénat.
Je profite de cette occasion pour vous faire part, comme je le fais souvent, de mon attachement profond à cette mission d'assistance au Parlement que la Constitution a confiée à la Cour. J'ai eu l'honneur d'être élu dans notre Assemblée à plusieurs reprises et je sais l'importance que revêt le Parlement pour le contrôle démocratique et, plus généralement, pour l'équilibre des pouvoirs dans notre pays.
Cette mission est donc pour moi essentielle, non seulement parce que je conserve une sensibilité d'ancien parlementaire mais, aussi, parce que mon rôle et mon devoir, comme premier président de la Cour aujourd'hui, est de veiller à votre bonne information. J'attache donc à la relation privilégiée qui nous unit une attention toute particulière et sachez que je suis toujours à votre disposition.
Pour cet exercice, je suis accompagné de Denis Morin, le président de la sixième chambre, de Carine Camby, la rapporteure générale de la Cour, de Stéphane Seiller, conseiller maître et rapporteur général de ce rapport, et de Thibault Perrin, son adjoint. Ils pourraient être amenés, si vous l'acceptez, à intervenir pour répondre à vos questions car ce sont eux les auteurs de ce rapport. Je souhaite les remercier chaleureusement pour leur implication, ainsi que la vingtaine d'autres rapporteurs qui ont contribué à ce travail approfondi qui – je le crois – est une mine d'informations précieuses. Vous voyez qu'il s'agit d'un document volumineux mais il n'est pas seulement physiquement volumineux. Il est aussi très substantiel.
Face à la gravité de la situation, nos transferts sociaux – c'est d'ailleurs une caractéristique partagée de notre pays et de ceux de l'Union européenne en général – ont joué et continuent à jouer un rôle essentiel pour amortir les conséquences de cette crise pour nos concitoyens. Ce point est important car il nous rappelle la place qu'occupe la protection sociale dans notre pacte républicain auquel la Cour, elle-même institution de la République, est très attachée.
Toutefois, nous portons le même message depuis l'année dernière et nous le porterons aussi longtemps qu'il sera nécessaire : pour sauvegarder notre système de solidarité et de sécurité sociale, un maillon essentiel de cohésion dans notre pays, nous devons progressivement sortir de la situation exceptionnelle que nous connaissons et reconstruire une trajectoire de retour à l'équilibre des comptes sociaux. À court terme, il est évident que la situation appelait à des mesures exceptionnelles mais, à moyen terme, il ne faut jamais perdre de vue le sort des générations futures.
Pour la deuxième année consécutive, 2021 est un exercice hors norme pour nos comptes sociaux. Les comptes de la sécurité sociale devraient rester en 2021 sur un haut niveau de déséquilibre, à près de 35 milliards d'euros. Le déficit 2021 serait le deuxième plus fort de l'histoire de la sécurité sociale, après 2020.
Une telle situation est tout de même – c'est le rôle de la Cour de le rappeler – problématique. Elle ne peut pas durer. Rappelons que, si la branche maladie ou la branche retraite sont durablement déséquilibrées, cela signifie que les dépenses de soins ou les pensions versées aujourd'hui devront être financées par nos enfants et nos petits-enfants pendant très longtemps. Nous ne sommes pas – et je ne suis pas – obsédés par la dette en tant que telle mais ce sont ses conséquences sur le pacte intergénérationnel qui me préoccupent. Je crois profondément que la dette est ennemie de la solidarité.
Je constate que les conditions du redressement des finances sociales restent à définir, notamment dans les domaines de la retraite et de la santé. Ce rapport n'approfondit pas la question des réformes en matière de retraite. Nous en avons déjà esquissé les perspectives dans notre rapport au Premier ministre. Nous savons que le débat est ouvert et qu'il appellera nécessairement des décisions le moment venu. Nous avons déjà indiqué le sens dans lequel nous pensions qu'il fallait aller. Une réforme du système de retraite est incontournable ; encore faut-il réunir les conditions de sa réussite.
En revanche, nous soulignons la nécessité d'accélérer les réformes dans le domaine de la santé et, plus généralement, dans l'ensemble de la gestion de notre système de sécurité sociale. Il ne s'agit évidemment pas pour la Cour de méconnaître la situation exceptionnelle que le pays a traversée et connaît encore à certains égards, même si les signaux de ces derniers mois sont positifs. À travers ce rapport, la Cour souhaite remettre en perspective l'ampleur des déséquilibres, ouvrir des pistes pour contribuer progressivement à la maîtrise de l'évolution des dépenses d'assurance maladie et inviter à relancer les différents chantiers de modernisation qui ont évidemment, naturellement, été ralentis ou suspendus durant la crise sanitaire. Il faut que ce travail de réforme reprenne, dans des conditions d'ailleurs forcément modifiées par cette crise.
Je commence par rappeler rapidement la situation financière actuelle de la sécurité sociale, au vu des dernières données disponibles communiquées lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale, en m'arrêtant en particulier sur les dépenses de l'assurance maladie.
Nous sommes dans un contexte de reprise puissante de l'activité économique. Le Haut Conseil des finances publiques que je préside par ailleurs a dit voici quelques semaines que la prévision de croissance de 6 % du Gouvernement était plausible, voire prudente. Nous pouvons espérer un peu plus ; le consensus des prévisionnistes est plutôt autour de 6,3 % et le chiffre de 4 % prévu pour 2022 nous a également paru réaliste.
Les recettes sont en fort redressement, de 31 milliards d'euros par rapport à 2020. Les dépenses ont, elles aussi, continué à croître fortement en 2021 par rapport à 2020 avec une augmentation de 27 milliards d'euros. C'est la situation de la branche maladie qui est la plus suivie : en 2021, pour 1 000 euros dépensés, 130 euros sont financés par de nouvelles dettes à la charge des générations futures.
Comment l'expliquer ? Cela résulte certes des mesures exceptionnelles, par exemple les tests de dépistage pour le covid et la vaccination, ainsi que d'une croissance plus forte que prévu des dépenses de médicaments. Il faut aussi prendre en compte le poids des mesures de revalorisation sociale et d'investissement décidées lors du Ségur de la santé. Ces mesures pèseront en 2022, représentant près de 40 % des dépenses supplémentaires. Elles alourdiront durablement les charges de l'assurance maladie.
La crise sanitaire a entraîné, ne nous méprenons pas, une perte définitive de recettes sociales. Elle explique, mais seulement en partie, le surcroît de dépenses maladie, remettant ainsi en cause les conditions d'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Reprendre en main l'évolution des dépenses de l'assurance maladie et mettre en œuvre de nouveaux modes de régulation sont des enjeux forts pour l'avenir de la sécurité sociale. Dans le prolongement de multiples travaux antérieurs de la Cour, nous estimons que la régulation mise en œuvre ne s'est pas suffisamment accompagnée d'une réorganisation du système de soins. À l'avenir, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) doit être davantage inscrit dans une trajectoire pluriannuelle, documentée beaucoup plus rigoureusement que par le passé et, surtout, cette trajectoire doit à notre sens être directement liée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, aux orientations de la stratégie nationale de santé.
Les objectifs de cette stratégie apparaissent totalement justifiés à la Cour, comme elle a déjà eu l'occasion de l'indiquer dans le passé. Il s'agit de favoriser la pertinence et la qualité des prises en charge, notamment par des soins gradués en fonction des besoins des patients, de donner accès à tous à des soins de premier niveau et de faciliter le lien entre médecine de ville et hôpital.
En revanche, nous relevons à nouveau que cette stratégie n'a pas été accompagnée d'un cadrage financier approprié. Il faut mettre en œuvre une vraie stratégie de transformation en profondeur du système de santé, en lien avec la trajectoire de maîtrise des dépenses. Il ne s'agit pas de faire la maîtrise des dépenses pour le plaisir ou pour soi-même ; il ne s'agit pas non plus de transformer le système de santé sans avoir en tête la maîtrise des dépenses. Il faut lier les deux, en utilisant tous les leviers disponibles.
J'en citerai quelques-uns : pour les professionnels libéraux, des incitations renouvelées doivent être trouvées à travers la rémunération sur objectifs de santé publique ; pour les établissements de santé, une logique analogue devrait être poursuivie en s'appuyant sur le dispositif d'incitation financière à l'amélioration de la qualité ; de son côté, la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) devrait accélérer la rénovation de ses outils de gestion du risque ; l'actualisation de la nomenclature des actes de santé, qui conditionne leur niveau de prise en charge, devrait également aller plus vite, sous l'égide du Haut Conseil des nomenclatures ; enfin, dans nos régions, dans nos territoires, des marges de manœuvre et des leviers d'action plus grands doivent être confiés aux agences régionales de santé (ARS) afin de faciliter les réallocations de ressources inégalement réparties aujourd'hui entre offreurs de soins et de tenir davantage compte des réalités et de la diversité de nos territoires.
Il reste que l'effet de ces progrès indispensables dans le domaine de la santé, tout comme l'impact des mesures – attendues – de rétablissement de l'équilibre des comptes de l'assurance vieillesse ne seront que progressifs. Nous savons que, durant les prochaines années, la dette sociale continuera à croître.
L'ampleur des déficits en 2020 et 2021 des branches du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse est telle que le plafond de 92 milliards d'euros de reprise par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ne paraît pas en mesure de couvrir la totalité du déficit 2022 ni, a fortiori, un déficit 2023 dont nous savons qu'il devrait advenir. Au‑delà, une grande incertitude existe sur l'évolution des soldes de la sécurité sociale et, corrélativement, de la dette sociale.
Voilà pourquoi la Cour dit clairement qu'une grande vigilance doit être de mise. La réforme des modalités de discussion des lois de financement de la sécurité sociale, en cours d'examen par le Parlement, lui permettra et vous permettra – en tout cas je l'espère – de disposer de plus de temps pour débattre de la performance de notre système de sécurité sociale au regard des ressources qui lui sont affectées.
Cette réforme permettrait de distinguer la discussion sur les comptes de l'exercice clos du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année qui suit. La sécurité sociale participerait alors au Printemps de l'évaluation dont vous avez souhaité à juste titre la mise en place. La Cour, qui y participe également – c'est aussi une mission constitutionnelle –, ne peut qu'y être très favorable.
Toutefois, si cet objectif d'évaluation est indispensable, nous proposons d'aller plus loin pour mieux encadrer l'évolution de nos finances sociales. Le rapport propose ainsi de compléter par quatre leviers le cadre posé par les lois de financement de la sécurité sociale. D'abord l'obligation pour le Gouvernement de déposer une loi rectificative si les prévisions initiales sont bouleversées, comme pour le budget de l'État ; ensuite l'extension du champ des dépenses encadrées par la loi de financement à celles des retraites complémentaires et d'assurance chômage, non dans un but d'étatisation mais pour avoir une vue complète ; également l'explicitation des écarts entre l'exécution et les normes fixées par les lois de programmation des finances publiques et nous appelons de nos vœux, après les échéances électorales du printemps, la mise en place d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques qui soit une ancre crédible pour vos prévisions et notre action ; enfin, la définition impérative d'une trajectoire de retour à l'équilibre pour toute nouvelle reprise de dette sociale portant sur des prévisions de résultats futurs. Cela n'a pas été le cas l'an dernier, le Parlement s'étant vu proposer d'autoriser la reprise par la CADES des déficits prévisionnels sur la période 2020-2023 à hauteur de 92 milliards d'euros, sans visibilité sur les conditions de retour à l'équilibre.
J'en viens maintenant aux problématiques de la sortie de crise dans les domaines des affaires sociales et de la santé. Vous avez évoqué, madame la présidente, ces vues sectorielles et je ferai un focus sur trois exemples que notre rapport illustre.
Le premier concerne le fonctionnement des organismes de sécurité sociale, mis à l'épreuve par la crise sanitaire. Comme l'ensemble de notre système public, ils n'étaient pas préparés à faire face aux conséquences d'une telle crise. Pourtant, comme l'ensemble de notre système public, ils ont été réactifs et ont pu préserver l'essentiel pour nos concitoyens, c'est‑à‑dire éviter toute rupture dans le service des prestations. C'était encore plus nécessaire en période de crise.
Cependant, même s'il faut s'en féliciter, l'objectif plus que louable de continuité a été atteint en partie au prix d'une grande simplification des procédures de gestion, de dérogations et de la levée ou de l'allégement de contrôles. Dans le cadre de ses travaux sur la certification, la Cour a mesuré au printemps dernier l'impact de ces mesures exceptionnelles sur la fiabilité des comptes. Elle a exprimé vingt-deux réserves sur les comptes présentés par les branches du régime général, ce qui est un nombre sensiblement plus élevé que les années précédentes.
Ainsi, la Cour s'est vue dans l'impossibilité de certifier les comptes de l'activité de recouvrement. En effet, la priorité a été donnée à la survie économique des entreprises confrontées pour certaines, dans de nombreux secteurs, à l'arrêt ou à la chute brutale de leur activité ; cela a généré des niveaux de restes à recouvrer jamais observés par le passé. Les arriérés de cotisations ont été multipliés par cinq en un an, ce qui est très considérable. La normalisation des procédures de gestion des prestations et du recouvrement des prélèvements est désormais le principal enjeu des organismes de sécurité sociale.
Le deuxième exemple sur lequel nous mettons le projecteur est celui de la télésanté. Nous avons observé durant la crise une véritable explosion des téléconsultations. Leur nombre est passé de 140 000 en 2019 à 18,4 millions en 2020, soit une multiplication par plus de 100. Elles ont constitué un palliatif évidemment très utile durant les deux confinements. Nous y avons tous, à un moment ou un autre, peut-être recouru. La Cour estime toutefois qu'il est nécessaire de mettre fin à la prise en charge dérogatoire à 100 % qui perdure encore jusqu'au 1er janvier 2022, au détriment de la sécurité sociale et à l'avantage des organismes complémentaires d'assurance maladie.
Plus largement, nous considérons qu'il n'y a pas d'intérêt à favoriser la multiplication des téléconsultations. Elles se substituent surtout au mode de recours traditionnel à la médecine de ville qu'il faut préserver, alors qu'elles présentent un coût supérieur pour l'assurance maladie et qu'elles reposent encore assez largement sur des outils faiblement sécurisés à ce stade. Un bon usage de la télémédecine est possible ; il s'est produit quelque chose sur lequel nous ne reviendrons pas complètement en arrière mais rien ne doit encourager un mauvais usage de la télémédecine.
En revanche, nous considérons que la télémédecine peut contribuer à la transformation du système de santé de façon positive, pour faciliter l'accès aux soins dans des zones faiblement pourvues en médecins ou pour renforcer la coordination des professionnels de santé dans des logiques de parcours de soins.
La troisième illustration porte sur les dépenses de biologie médicale et la régulation de ce secteur. En raison de la crise, les mécanismes de régulation des dépenses de biologie ont de fait été suspendus. En temps ordinaire, il s'agit d'accords prix-volume qui consistent à fixer une norme d'évolution annuelle des dépenses et à diminuer le tarif de certains actes si les volumes sont trop dynamiques. Ce n'est qu'au printemps 2021 qu'ont été pratiquées des baisses de tarifs qui auraient dû être mises en œuvre début 2020 si ces accords avaient fonctionné. Le retard généré est donc tout à fait considérable.
Or, du fait du financement par l'assurance maladie des tests de dépistage de la covid‑19, pris en charge à 100 % sans prescription médicale même si nous savons que la situation changera dans quelques jours, les dépenses de biologie, c'est-à-dire le chiffre d'affaires des laboratoires d'analyses médicales pour parler clairement, ont considérablement augmenté en 2020 et 2021. Elles devraient, cette année, être deux fois supérieures à leur niveau de 2019.
L'analyse faite par la Cour est qu'en France, les tarifs de remboursement des tests RT‑PCR ont été fixés à un niveau plus élevé que dans les pays européens voisins. Ce n'est d'ailleurs pas une critique, c'est un constat mais cela a une implication financière. Si ces tarifs avaient d'emblée été fixés aux niveaux constatés en Allemagne ou en Belgique, une économie de l'ordre de 800 millions d'euros aurait pu être réalisée. À ce titre, la Cour souligne que la régulation administrative de ce secteur doit être améliorée, qu'il s'agisse de la connaissance de l'offre, de la rentabilité des laboratoires privés ou de la prise en charge de l'innovation.
Ainsi, alors que les impacts sur le système hospitalier des vagues épidémiques semblent désormais progressivement maîtrisés grâce à l'effort de vaccination, qui est une réussite, la Cour souligne à travers ces trois exemples qu'il n'est plus justifié de prolonger l'usage des dispositifs dérogatoires utilisés aux moments les plus critiques de la crise sanitaire, précisément en l'absence de la vaccination.
Pour autant, nous ne proposons pas de revenir à la normale et aux routines de gestion. C'est mon troisième et dernier point, celui sur lequel j'avais insisté au début : la sortie de crise doit être l'occasion de relancer ou d'intensifier et de renouveler les réformes dont notre système de sécurité sociale a besoin. Nous illustrons cette nécessité par quatre pistes.
La première piste porte sur les chantiers de réforme du financement des établissements de santé pour les soins de suite et de réadaptation, pour les soins psychiatriques ainsi que des établissements et services médico-sociaux en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes en situation de handicap.
La Cour constate que ces chantiers ont pris beaucoup de retard, sans que la crise ait d'ailleurs joué un rôle déterminant dans ces ralentissements. Le chantier de réforme du financement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) a été engagé voici plus de dix ans, celui du financement des soins psychiatriques et des soins de suite et de réadaptation voici plus de vingt ans. Cela ne date pas d'hier. Ces réformes doivent pourtant être menées à bien, au risque sinon de ne pas répondre aux besoins qu'a la population de soins aux personnes mieux coordonnés entre professionnels de santé.
L'objectif est de favoriser la gradation des soins en fonction des besoins individuels, de favoriser des soins plus inclusifs notamment pour les personnes âgées ou en situation de handicap. Nous savons combien le sujet de leur traitement a été critique et délicat durant la crise. Il faut aussi faciliter le maintien au domicile ou l'accès à l'emploi et au travail.
C'est urgent, parce que la France perd du terrain sur ce terrain par rapport au reste de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : nos dépenses de soins de longue durée en établissement augmentent de 2,6 % alors qu'elles baissent en moyenne de 4,6 % dans les pays de l'OCDE, où la prise en charge à domicile se développe. C'est donc une piste vraiment à suivre à tous égards, d'abord pour les personnes concernées mais aussi pour des raisons financières.
Une deuxième illustration concerne la dématérialisation des prescriptions médicales. Dématérialiser les prescriptions, c'est progresser sur la sécurité et la pertinence des soins, sur la réduction des coûts de gestion et sur la prévention des fraudes en supprimant les fausses prescriptions. Or, la France est en retard par rapport à de nombreux pays, notamment par rapport à l'Italie, à la Belgique et au Royaume-Uni. Dans notre pays, l'essentiel des prescriptions de médicaments ne sont pas dématérialisées aujourd'hui. Des textes ont été adoptés avec l'objectif ambitieux de parvenir à la dématérialisation complète des prescriptions de médicaments en 2024. Toutefois, notons par exemple que les arrêts de travail prescrits par un praticien hospitalier ne sont pas soumis à l'obligation de dématérialisation ou que les systèmes d'information hospitaliers ne sont pas non plus raccordés aux téléservices de prescriptions gérés par l'assurance maladie. Le mot « ambition » est donc à double tranchant ; l'objectif est ambitieux positivement mais il faut sérieusement accélérer pour l'atteindre.
Un troisième exemple se fonde sur une enquête sur la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il y aurait beaucoup à en dire, notamment sur la reconnaissance qui est faite en France des troubles musculo‑squelettiques, les fameux TMS, qui représentent plus de 80 % des maladies professionnelles reconnues dans notre pays. En raison du principe de présomption de reconnaissance, ces dernières sont d'ailleurs trois fois plus nombreuses en France qu'en Allemagne.
J'insisterai surtout sur un aspect, qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) et également la branche maladie. C'est la dynamique des arrêts de travail. En pratique, la progression des dépenses d'arrêt de travail nécessite d'agir sur les causes des arrêts longs en favorisant et en accompagnant le retour au travail. En effet, le salarié qui voit son arrêt de travail se prolonger court le risque, progressivement, d'éprouver de grandes difficultés à retrouver son emploi, voire un autre. Il est prioritaire d'engager à grande échelle des programmes d'action coordonnés pour détecter précocement les personnes en risque de désinsertion et pour les accompagner vers la reprise de travail grâce à des adaptations de poste le cas échéant, à l'aménagement des espaces de travail et à des formations voire à des reconversions professionnelles.
Enfin, je prends deux derniers exemples, choisis parmi les nombreux dispositifs de protection sociale existants. Il s'agit de l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA), communément appelée minimum vieillesse, qui représente 3,9 milliards d'euros en 2020 et de l'allocation de rentrée scolaire, soit 2,6 milliards d'euros en 2020 en raison d'une revalorisation exceptionnelle.
L'ASPA est une allocation efficace puisque le taux de pauvreté des personnes de plus de 65 ans est au plus bas comparé aux autres grands pays européens. C'est une force de notre système de protection sociale. Notre analyse nous porte à penser que la priorité pour l'ASPA serait de simplifier les règles d'attribution, très complexes, pour réduire les causes d'erreurs et de fraudes mais également de faciliter l'information du public sur cette allocation, caractérisée par un non-recours encore élevé, c'est-à-dire par une proportion importante de personnes qui ne font pas valoir leurs droits.
Pour sa part, l'allocation de rentrée scolaire est la deuxième prestation familiale en nombre de bénéficiaires. Alors que, comme chaque année, la question de sa transformation en bons d'achat a alimenté l'actualité, il nous semble que son bénéfice pourrait être recentré sur les familles aux revenus les moins élevés. Elle devrait surtout être modulée pour mieux tenir compte des coûts de scolarité qui augmentent avec l'âge des enfants. Cet ajustement pourrait être gagé par la suppression de la réduction d'impôts pour frais de scolarité, qui profite aux seuls ménages imposables.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, j'en ai terminé avec la présentation de notre rapport. Pour conclure, je voudrais à nouveau insister sur le message principal : au moment où la crise sanitaire semble en voie d'être maîtrisée, où l'économie repart avec une exceptionnelle vigueur, il est impératif de remettre rapidement la sécurité sociale sur un chemin d'équilibre financier durable et de maîtriser la dette sociale.
La crise a illustré la résilience extraordinaire de nos systèmes publics de solidarité. Elle a aussi ouvert des perspectives nouvelles, par exemple en matière de numérique. Les acteurs du système de santé ont montré une très grande capacité d'adaptation. Tous ces éléments réunis nous rendent très confiants devant la nécessaire transformation de notre système de sécurité sociale.
Par ailleurs, plus ces réformes seront différées, plus elles seront difficiles. Si elles ne sont pas engagées fermement et rapidement, il est alors à craindre que le seul moyen qui restera disponible un jour pour réduire les déficits sera non plus de gagner en efficience mais de réduire les droits. Ce n'est absolument pas la philosophie de la Cour des comptes. Nous ne proposons pas l'austérité ou la réduction des droits mais une réforme pour plus d'efficience et plus de justice. Ce n'est pas un rapport d'austérité ou de dureté ; c'est un rapport de transformation.
Je tiens tout d'abord à remercier la Cour dans son ensemble pour ce nouveau rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, très riche et très complet. Je remercie aussi son premier président, qui nous en a présenté la substantifique moelle.
Mes questions sur plusieurs aspects du rapport. Tout d'abord, la Cour renouvelle et complète ses propositions tendant à une évolution des textes organiques gouvernant l'examen des lois de financement. Vous prêchez un converti, étant l'auteur de la proposition de loi organique actuellement en navette. Vous en avez abordé certains aspects. Que pensez-vous de la proposition de loi telle qu'elle ressort de son examen au Sénat, notamment des dispositions introduites par le Sénat en ce qui concerne le rôle de la Cour ?
Ma deuxième question porte sur le risque de non-recouvrement, qui se traduit par une dépréciation de 10 milliards d'euros sur les prélèvements dus en 2020. Au regard de cette somme considérable et alors que les plans d'apurement des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) ont déjà été largement déployés, comment améliorer la performance du recouvrement dans les temps qui viennent ?
Ma troisième série de questions concerne plus particulièrement les enjeux de santé. Vous préconisez d'accompagner le développement de la télésanté par des modes de financement autres que le paiement à l'acte. Parmi les différents modèles de financement expérimentés, lesquels vous paraissent les plus prometteurs ? Le PLFSS que nous examinerons dans les prochains jours semble prévoir la prise en charge de la télésurveillance dans le droit commun par le biais d'un forfait. Cela vous paraît-il à même de soutenir le développement de la télésurveillance que vous semblez appeler de vos vœux ?
Enfin, vous évoquez les effets d'aubaine créés par l'essor des téléconsultations et par les dérogations adoptées pendant la crise sanitaire, dérogations que le Parlement a d'ailleurs ramenées à la date du 31 décembre de cette année lors de l'examen de la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Pouvons-nous lutter contre ces effets d'aubaine tout en permettant aux téléconsultations de continuer à se développer là où elles améliorent effectivement l'accès aux soins des patients ?
Mes dernières interrogations portent sur le financement des établissements de santé pour lesquels vous proposez de renforcer le rôle des dotations populationnelles. Cela ne risque‑t‑il pas de donner trop d'objectifs à un seul outil ? Les autorisations ne sont-elles pas l'outil le plus approprié ?
Je voudrais aussi me faire l'écho des interrogations de notre collègue Monique Limon, rapporteure pour la branche famille, qui ne peut être parmi nous car elle participe à la Conférence des familles qui se tient en ce moment même. La branche famille de la sécurité sociale connaît une trajectoire financière singulière au regard de l'ensemble de la situation de la sécurité sociale. Elle renoue avec les excédents dès 2021 à hauteur de 1,2 milliard d'euros et parvient spontanément à un niveau de 5,4 milliards d'euros en 2025. Au regard de cette trajectoire, pensez-vous pertinent d'engager une réforme de fond en matière de politique familiale, comme celle du congé parental ? Je rappelle que la natalité commande mécaniquement à moyen terme le niveau de la masse salariale et donc des ressources de la sécurité sociale.
Enfin, vous avez consacré une partie de votre rapport et de votre propos à l'allocation de rentrée scolaire pour en souligner la pertinence, la simplicité et la faible fraude qu'elle engendre au regard des prestations familiales. Vous estimez toutefois qu'elle gagnerait à être différenciée en fonction de l'âge de l'enfant. Les familles n'achètent en effet pas les mêmes fournitures selon que l'enfant est écolier ou lycéen. Nous pourrions même aller plus loin et cette prestation versée aux lycéens pourrait également s'adapter en fonction des filières choisies par ces derniers, les filières techniques étant souvent consommatrices de nombreuses fournitures. Dans quelle mesure pensez-vous que cette spécialisation de l'allocation de rentrée scolaire soit compatible avec le maintien d'un dispositif simple et lisible à destination, je le rappelle, de trois millions de nos concitoyens ?
Monsieur le premier président, j'interviens aujourd'hui en tant que rapporteure de la branche autonomie, dont la création a constitué une avancée majeure dans un contexte de vieillissement démographique. Avec le PLFSS 2022, nous pourrons dresser un premier bilan de sa création et fixer de nouvelles perspectives à cette cinquième branche qui sera amenée à se développer.
Je souhaite d'abord revenir sur la situation financière de cette branche. En 2021, le déficit de la branche autonomie a été conforme au niveau attendu. Vous soulignez dans votre rapport que ce déficit fera place en 2024 à un excédent permettant de couvrir les pertes des années précédentes. J'aurais voulu savoir quelles sont pour vous les perspectives de financement de la branche autonomie puisque vous avez évoqué dans votre présentation la nécessité d'augmenter l'efficience ou, sinon, de diminuer les droits. Je crois qu'il nous faut aussi explorer la question des recettes. J'avais trouvé très intéressantes les pistes du rapport Vachey et je regrette qu'il n'en soit plus tellement question dans le débat public. De plus, quel regard portez-vous sur les dernières mesures annoncées par le Gouvernement pour le soutien à l'autonomie des personnes âgées et en situation de handicap ?
Votre rapport comporte un chapitre relatif au financement des établissements et services. Vous évoquez les différentes réformes des modalités de financement et leur bilan. Pourriez-vous revenir sur ce bilan et préciser en quoi les réformes n'ont que partiellement abouti ?
Enfin, pourriez-vous préciser en quoi les modes de financement conduisent aujourd'hui à des inégalités territoriales ? Quelles sont les pistes à privilégier pour les résorber ?
En tant que rapporteur de la branche vieillesse, je souhaite revenir sur les enjeux financiers de notre système de retraite. Le déficit de la branche vieillesse serait en 2022, grâce au rebond de l'activité économique, inférieur de 6 milliards d'euros aux prévisions établies dans le PLFSS 2021. Cependant, le déficit devrait se maintenir à des niveaux importants et atteindre les 8 milliards d'euros en 2024.
Dans votre rapport, vous insistez sur la nécessité de maîtriser les dépenses de sécurité sociale afin de prévenir les déficits durables. À cet égard, il faut rappeler que les dépenses retraite représentent 14,7 % du produit intérieur brut (PIB). Elles ont augmenté et doivent revenir à un niveau d'avant crise sanitaire, autour de 13 ou 14 %. La branche retraite pèse aujourd'hui 31 % des dépenses de la sécurité sociale dans le régime général. Ainsi, si nous souhaitons maîtriser davantage les dépenses de sécurité sociale, elles ne pourront sans doute pas rester en marge de cette démarche.
Je souhaite donc avoir votre point de vue sur la situation de la branche vieillesse. Quelle analyse faites-vous de l'évolution de ces dépenses ? De quels leviers disposons-nous ? Comment mieux maîtriser ces dépenses ?
Vous soulignez dans votre rapport la nécessité d'améliorer l'efficience du minimum vieillesse. Vous indiquez notamment que le dispositif existant ne permet pas l'égal accès de tous aux droits sociaux. Pouvez-vous expliquer pourquoi le système actuel est trop complexe et quelles en sont les conséquences pour nos concitoyens ? Comment le contrôle des conditions d'éligibilité au minimum vieillesse pourrait-il être amélioré ? Pouvez-vous nous indiquer les pistes à privilégier pour réduire le taux de non-recours à cette allocation ?
Alors que la branche AT-MP a été exceptionnellement déficitaire en 2020 en raison de la crise sanitaire, elle redeviendrait excédentaire en 2021 et 2022. En 2022, le solde de la branche s'établirait à 1,4 milliard d'euros en raison, notamment, d'une forte dynamique des produits, tirés par la croissance et la masse salariale du privé. Les dépenses, quant à elles, ne progresseraient que de 0,7 % entre 2021 et 2022. Aussi, monsieur le premier président, avez-vous chiffré les impacts de la reconnaissance de la covid-19 comme maladie professionnelle sur les dépenses de la branche ?
Dans votre rapport, vous élaborez un certain nombre de recommandations très éclairantes en matière de reconnaissance et de réparation des AT-MP, à la fois pour disposer d'une meilleure maîtrise des coûts de gestion et pour améliorer le service rendu aux usagers. Vous préconisez notamment de remettre à plat le processus d'attribution des rentes, de renforcer la dématérialisation, d'assurer une meilleure coordination locale entre les services administratifs et médicaux et d'accélérer la mise à jour des tableaux de maladies professionnelles.
Je partage vos préoccupations, tout particulièrement celles concernant la nécessaire actualisation des maladies professionnelles. Vous proposez de donner au directeur général de la CNAM la possibilité de modifier les libellés des travaux existants. Avez-vous soumis cette proposition au directeur général de la CNAM ? Dans votre rapport, vous ne faites pas de proposition pour améliorer le fonctionnement des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Ne pouvons-nous pas envisager des pistes de progrès en la matière ?
Le PLFSS 2022 fixe le montant de la dotation au titre de la sous-déclaration de la branche AT-MP à la branche maladie à 1,1 milliard d'euros, contre 1 milliard d'euros l'an dernier. Vous avez récemment réalisé une nouvelle évaluation du montant de la sous‑déclaration AT-MP. Au regard de votre récente estimation, que pensez-vous du montant de la dotation prévue pour 2022 ?
Ce nouveau rapport de la Cour des comptes est tout à fait éclairant et nous permet d'envisager plus concrètement les enjeux qui sous-tendent la gestion de nos finances publiques. Il souligne les conséquences durables de la crise sanitaire sur la situation des finances publiques, en particulier celle des finances sociales. Alors qu'elles étaient proches de l'équilibre en 2019, le PLFSS 2022 prévoit, en 2021, un déficit toujours très élevé de près de 35 milliards d'euros. Même s'il reste en deçà des prévisions initiales, c'est essentiellement du fait de recettes supérieures aux attentes.
Vous constatez cependant que les conditions du redressement des finances sociales restent à définir et à organiser sur la base de réformes à engager, notamment dans les domaines de la retraite et de la santé. En ce sens, vous formulez dans votre rapport plusieurs pistes dans l'optique de contenir les dépenses et l'endettement de la sécurité sociale. Vous mettez en avant la nécessité d'une articulation plus rigoureuse entre les objectifs de maîtrise des dépenses d'assurance maladie et les actions visant une meilleure satisfaction des besoins de santé de la population par des soins plus pertinents et de qualité.
Les lois de financement de la sécurité sociale, qui sont vecteurs précisément de cet objectif, devraient selon vous être étendues aux régimes complémentaires et d'assurance chômage tout en chaînant les objectifs annuels et pluriannuels des LFSS à ceux des documents de cadrage des finances publiques, en association avec les ministères chargés de la sécurité sociale et du budget. Comment et sous quelle forme concevez-vous ce pilotage interministériel, en articulation avec l'élaboration des LFSS et l'objectif de réduction des dépenses publiques ? Plus précisément, quelles modalités organisationnelles et temporelles proposez-vous ?
Monsieur le premier président, année après année, vous faites des recommandations. Nous souhaiterions que vous soyez plus écouté et vous me direz peut-être si vous êtes ou non écouté.
À la fin de l'année 2025, le Gouvernement prévoit encore un déficit d'environ 15 milliards d'euros. Vous signalez dans votre rapport que la CADES ne pourra pas couvrir les déficits après 2025. Que faut-il faire ? Faut-il ouvrir une nouvelle dette sociale ? Faut-il ouvrir la loi organique ?
Ma deuxième question concerne le financement de la cinquième branche. Je trouve que le PLFSS 2022 est assez pauvre sur ce sujet alors qu'elle a été ouverte l'an dernier.
Ma troisième question porte sur la prévention. Dans l'ONDAM, les dépenses de prévention sont éclatées entre divers sous-objectifs. Leur estimation est encore très perfectible. Quelle est votre estimation des dépenses de prévention ? Faut-il les financer par l'assurance maladie ? Faut-il avoir une information plus claire dans le cours du PLFSS ? Aujourd'hui, nous ne connaissons pas réellement les dépenses de prévention.
Enfin, que pensez-vous de l'avenant 9 signé par les médecins de ville avec les caisses d'assurance maladie ? Cet avenant confirme les sujets de la télésanté, d'une visite longue pour les personnes âgées. Il signe des points intéressants, qui peuvent aller dans le sens des recommandations de la Cour.
Sur le volet « Contenir les dépenses et l'endettement de la sécurité sociale », vous proposez dans votre onzième recommandation de lier une part significative de la rémunération des offreurs de soins en ville et à l'hôpital à l'atteinte d'objectifs de pertinence. La voie à prendre n'est-elle pas celle de l'accréditation, telle que nous avons pu la mettre en place en biologie médicale, en l'étendant à l'ensemble des spécialités ?
Dans la treizième recommandation, vous suggérez de renforcer les outils et prérogatives des ARS pour décliner les orientations définies au niveau national dans le cadre de l'ONDAM. La notion d'objectif régional de dépenses d'assurance maladie (ORDAM) avancée depuis de longues années n'est-elle pas à retenir ?
Dans la proposition 19, vous parlez de la télémédecine dans une logique de coordination. Vous avez mentionné un effet d'aubaine, c'est vrai. Pour autant, dans la proposition 23, vous recommandez de mettre fin à la prise en charge à 100 %. Or, ce sont dans les zones les plus en déficit de professionnels de santé que s'est produit cet élan de télémédecine. Faut-il mettre un ticket modérateur et à quelle hauteur ?
Dans la proposition 20, vous voulez cibler les politiques d'aide à l'équipement des ARS et des CNAM sur les zones et publics prioritaires. Que faire de plus, puisque ces zones sont déjà ciblées ? À quoi pensez-vous précisément ?
La proposition 21 recommande de renforcer l'interopérabilité des systèmes d'information de télésanté. Je suis tout à fait d'accord mais il serait déjà bien que, au niveau de l'hôpital public, cette interopérabilité soit totale et que la dématérialisation soit de mise. Or, ce n'est pas ce que nous vivons sur le terrain. Comme vous l'avez dit, monsieur le premier président, si la dématérialisation était présente – je crois qu'elle s'impose à tous en post‑covid –, cela éviterait des redondances et nombre de dérives que nous constatons.
Nous abordons l'examen du PLFSS 2022 dans un contexte extrêmement délicat puisque la crise de la covid‑19 et la contraction de l'activité économique ont considérablement dégradé la situation de nos comptes sociaux.
Dans son rapport, la Cour des comptes fait état du déficit historique de la sécurité sociale provoqué par l'épidémie de coronavirus – 1,7 point de PIB – et elle alerte sur la nécessité de consolider les finances publiques. Au sein du groupe Socialistes et apparentés, nous partageons cet objectif.
Cependant, la Cour estime dans son rapport que, pour consolider les finances publiques, il convient de « modérer la progression des dépenses sociales ». Nous sommes là en profond désaccord. Je constate que la Cour s'empresse de recommander la contention des dépenses alors même que l'épidémie de coronavirus n'est pas totalement maîtrisée sur l'ensemble du territoire français, avec des situations particulièrement graves dans les outre‑mer. Par ailleurs, la reprise épidémique au mois d'août dernier doit nous appeler à la prudence et à ne surtout pas tomber dans le piège de l'austérité budgétaire consistant à vouloir rétablir les comptes sociaux avant même d'avoir définitivement dépassé la crise covid-19.
Nous sommes favorables à la construction d'une trajectoire de retour à l'équilibre de la sécurité sociale mais cela demande un important travail de prospective financière. La question de la contention des dépenses ne peut pas être la seule solution faute de quoi nous détériorerions les conditions de vie de nos concitoyens et nous aggraverions les inégalités en matière de santé et de retraite. Nous pensons que la création d'emplois ainsi que la reprise économique doivent être centrales dans le rétablissement de comptes sociaux.
Aussi, alors que la Cour des comptes effectue des recommandations pour réduire les dépenses, je crois nécessaire qu'elle s'interroge également sur les recettes de la sécurité sociale, notamment sur la question de la lutte contre la fraude aux cotisations sociales qui prive nos comptes sociaux de 7 à 25 milliards d'euros chaque année.
Les éclairages de la Cour des comptes sont toujours précieux et celui-ci l'est particulièrement alors que les finances sociales de notre pays se sont profondément dégradées depuis la survenue de la crise sanitaire. Vous formulez un certain nombre de propositions pour améliorer l'efficience de notre système de santé, notamment en étendant le champ de l'obligation de dématérialisation des prescriptions.
Dans cet avis, vous notez que le développement de l'usage des médicaments génériques et biosimilaires est en France moindre que dans d'autres pays européens, avec seulement 30 % du volume du marché pharmaceutique français contre 85 % par exemple au Royaume-Uni. Vous relevez que nous n'avons pas atteint les objectifs fixés en la matière dans le plan ONDAM 2015-2017. L'enjeu est pourtant de taille pour les finances sociales. En 2017, la Cour des comptes estimait que l'assurance maladie pourrait ainsi économiser 680 millions d'euros par an.
Dans ce PLFSS 2022, en proposant un cadre d'exercice relatif à la substitution de certains groupes similaires, le rôle des pharmaciens apparaît enfin. C'est un premier pas qu'il faut encourager mais c'est un tout petit premier pas puisqu'il pourrait permettre 6 millions d'euros d'économies alors que vous prévoyez qu'il pourrait amener 680 millions d'euros d'économies.
Vous estimez par ailleurs dans votre rapport que la généralisation de l'e‑prescription pourrait favoriser une montée en puissance des médicaments génériques. Pouvez-vous nous indiquer si des estimations chiffrées ont été réalisées par la Cour des comptes sur le développement de l'e-prescription et de ces substitutions ? Quelles sont vos pistes de réflexion sur ce sujet ?
En LFSS 2021, nous avions voté un amendement concernant la généralisation du tiers payant intégral pour le 100 % Santé. Voyez-vous déjà auprès de nos concitoyens un impact de cet amendement et de la réalisation de cette mesure prise l'année dernière ?
Ce rapport nous est très précieux à l'aube de l'examen du PLFSS. Je souhaite vous interroger, monsieur le premier président, sur la partie relative à la sortie des modes de gestion de crise. Compte tenu de la soudaineté de la crise, notre système de santé s'est réorganisé dans l'urgence et il conviendrait de revenir à la normale à mesure que notre pays sort de la crise sanitaire.
Toutefois, si cela se comprend pour la perception des cotisations ou pour le versement des prestations sociales par exemple, nous sommes bien plus réservés concernant les démarches administratives qui pèsent sur le personnel de santé. Tous les professionnels que nous avons auditionnés ont pu nous dire que la crise a permis une souplesse inédite dans la relation des professionnels de santé avec l'administration. Ils ont pu passer plus de temps à soigner et moins de temps à réaliser des démarches administratives.
Une des leçons à tirer de cette crise serait de pérenniser cette souplesse mais, hélas, nous craignons que l'administration retrouve très vite ses travers et qu'elle soit de nouveau omniprésente dans le système de santé. Monsieur le premier président, considérez-vous comme nous que la gestion de crise a révélé qu'il est souhaitable d'alléger la part administrative dans le travail des professionnels de santé ?
Monsieur le premier président, les trois parties de votre rapport ont des intitulés qui ne laissent aucun doute sur son orientation. Nous considérons que votre diagnostic est inutilement alarmiste.
D'abord, le système de retraite n'a pas de problème financier. Les projections du Conseil d'orientation des retraites montrent que la part de dépenses des retraites dans le produit intérieur brut diminuera rapidement à 13,5 % puis 13 %. Le Président de la République le reconnaissait lui-même dans son programme en 2017 : le problème des retraites n'est pas financier. Les déficits du régime général sont très inférieurs à ceux anticipés en 2021. Il était prévu 49 milliards d'euros contre environ 38 milliards d'euros dans les faits.
Le déficit attendu dans les prochaines années – environ 12 milliards d'euros en 2024 – repose quasi exclusivement sur le déficit de l'assurance maladie. Or, nous le disons, le système de santé est encore sous-financé. Pour nous, il n'est pas question de poursuivre la trajectoire de destruction telle que nous avons pu encore la voir au cœur de la crise avec plus 5 000 lits fermés à l'hôpital en 2020.
En bon « Père la Rigueur », vous prônez la baisse des dépenses mais nous vous entendons beaucoup moins sur la question des recettes. Pourquoi ne pas évoquer l'action systématique du Gouvernement pour dégrader les comptes ? Depuis 2019, l'État n'est plus obligé de compenser les exonérations de cotisations de sécurité sociale. L'ensemble des niches social se monte à environ 90 milliards d'euros annuels. Or, les besoins sont immenses et vous ne proposez que l'austérité comme ligne d'horizon.
Le Gouvernement prépare déjà cette austérité pour les prochaines années avec une progression de l'ONDAM, hors covid, en nette baisse de 6,6 % à 3,8 %, soit une diminution de 42 % en 2022. De plus, cette baisse se poursuivra en 2023 et 2024. Cette trajectoire ne correspond pas aux besoins de soin et il faut la traduire par une prévision de dégradation de l'offre de soins chaque année.
La teneur du programme de stabilité transmis par la France à la Commission européenne laisse craindre le pire. Les 3 points de PIB de dépenses publiques en moins d'ici à 2027 risquent de se traduire par une coupe dans les dépenses sociales. Nous avons le sentiment que la crise est déjà oubliée alors que l'épidémie de covid a mis en lumière les failles de notre système de santé.
Votre idée de montée en puissance du financement à la qualité, défendue dans le rapport comme une solution miracle pour améliorer la santé tout en diminuant les dépenses, est une illusion. D'ailleurs, les Britanniques en sont revenus, augmentant les impôts pour financer leur système.
Ma première question porte sur la cinquième branche autonomie, qui connaît déjà un déficit de 400 millions d'euros. Ce n'est pas étonnant puisqu'aucun financement propre n'a été prévu, si ce n'est en 2024 avec une réaffectation de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG). Vous indiquez dans votre rapport que, à partir de 2024, cette réaffectation permettra d'amortir les déficits des années 2021 à 2023 mais la question reste la même : que faisons-nous d'ici là ? Sans financement propre, le risque dépendance n'a aucune chance d'être réellement pris en charge par la sécurité sociale. Or, les besoins sont croissants pour les professionnels comme pour les personnes âgées ou en situation de handicap et leurs familles. Monsieur le premier président, considérez-vous que nous pourrions avant 2024 affecter certaines ressources à cette nouvelle branche pour permettre une prise en charge effective par la solidarité nationale du risque dépendance ? Quel périmètre de la cinquième branche recommanderiez-vous afin d'assurer une meilleure lisibilité des lois de financement de la sécurité sociale en la matière et de permettre un suivi efficace des mesures et dépenses relatives à l'autonomie ?
Sur les inégalités territoriales en matière d'accès aux soins et d'accompagnement des personnes vulnérables, une de vos recommandations est d'étendre aux secteurs des soins de suite et de réadaptation (SSR) et des établissements sociaux et médico‑sociaux le principe législatif visant à corriger progressivement les inégalités territoriales à travers la répartition entre régions de dotations fixées selon des critères transparents. Pourriez-vous expliciter ce point ?
Sur les retraites, vous dites être favorable à une réforme du système des retraites et indiquez qu'il faudrait, le moment venu, reprendre ce chantier mais sous conditions. Que préconisez-vous concrètement ?
C'est sans véritable surprise, monsieur le premier président, que votre prisme est comptable et cela ne fait évidemment pas une politique, qui plus est à l'heure d'une crise sociale et sanitaire qui se poursuit, avec les besoins qui l'accompagnent.
La logique de l'efficience des dépenses, c'est-à-dire en réalité de la compression des dépenses bien souvent, nous en connaissons les effets à l'hôpital, qui a plus besoin de compresses que de compression. Nous nous inquiétons de la logique de la carotte et du bâton que vous esquissez, dont nous avons déjà connu les effets. J'aimerais d'ailleurs que nous puissions faire un bilan de tout ce qui a déjà été mis en place en la matière, en intégrant la question des groupements hospitaliers de territoire (GHT) et de leurs effets réels sur les dépenses de santé.
Nous nous inquiétons aussi lorsque vous insistez pour une réforme des retraites. Laquelle ? S'agit-il d'un nouvel abaissement des droits ? En tout cas, c'est ce qui était programmé dans la période précédente et qui semble être à nouveau à l'ordre du jour.
Nous nous inquiétons lorsque vous proposez une étatisation accrue faisant tout entrer dans le moule comptable. Vous parlez d'ancrer les choses ; une ancre est ce qui nous attache au fond.
Nous nous inquiétons un peu sur les accidents de travail. Quel est le diagnostic social qui fonde les recommandations que vous nous avez présentées ? Comment améliorer la prise en charge par la branche AT-MP des maladies professionnelles ?
Nous aimerions que vous nous parliez de l'efficience côté recettes. Les exonérations de cotisation ont doublé depuis 2013 et il manquera 20 milliards d'euros pour financer les dépenses de santé en 2022, soit l'équivalent de l'allégement lié au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, sans parler des Pandora Papers que je n'ai pas le temps d'aborder dans mon propos. Nous vous rejoignons donc, d'une certaine façon, sur la critique des déséquilibres budgétaires mais absolument pas sur l'orientation que vous proposez pour y faire face.
Nous aimerions enfin en savoir plus sur le coût de la marchandisation de la santé à travers, par exemple, la croissance d'établissements privés ou le médicament, sur lequel des rapports existent. Comment pourrions-nous regarder autrement l'avenir sur ces points ?
En prenant connaissance de votre rapport, j'y retrouve un exercice essentiel pour notre démocratie, pour que l'investissement de notre pays dans la dépense sociale soit le plus fructueux possible et j'en remercie l'exigence de la Cour des comptes et de ses équipes.
Je souhaite avoir votre avis sur trois points. La prévention en santé est une préoccupation de la majorité. Cela a été loué à l'échelon international, comme notre plan pauvreté ou notre plan « 1 000 premiers jours ». Je pense également au rôle positif de la loi pour renforcer la prévention en santé au travail de nos collègues Grandjean et Lecocq-Parmentier. J'espère qu'elle impactera positivement toutes les branches, au-delà de celle des AT‑MP.
Comment mieux quantifier, suivre et valoriser politiquement la prévention en santé pour que, dans le travail du PLFSS et nos rapports avec l'Union européenne, cette prévention soit plus visible, traçable dans nos comptes, mieux cernée comme stratégique et efficace socialement économiquement ? Comment faire en sorte qu'elle soit mieux valorisée dans nos obligations européennes ?
Sur l'innovation en santé, j'ai vu que votre rapport pointait que la télémédecine et le suivi des professionnels de santé à distance pouvaient être plus largement déployés dans les EHPAD. C'est une démonstration de l'impact positif des approches novatrices pour améliorer la santé de nos compatriotes. Que pouvez-vous nous dire, monsieur le premier président, sur le financement et le suivi de la mise en œuvre de l'innovation en santé ? Je pense au dossier médical partagé tant promis et si attendu pour assurer un meilleur suivi des patients et éviter ainsi des actes inutiles. Il est essentiel de fournir à nos chercheurs toutes les données disponibles sur la santé de nos compatriotes pour qu'ils puissent, grâce aux techniques d'intelligence artificielle et d'exploitation massive des données, mieux comprendre et donc prévenir et traiter les maladies. J'ai à ce titre en tête les travaux remarquables du professeur Carole Mathelin des Hôpitaux universitaires de Strasbourg sur les origines environnementales de certains cancers.
Sur les complémentaires santé, la Cour des comptes a rendu fin juillet 2021 une communication exigeante, diront certains, sur l'efficacité des complémentaires. Je vois que votre rapport acte les efforts faits sur la complémentaire santé solidaire (CSS). Nous faisons encore des efforts substantiels dans le PLFSS 2022 pour améliorer la couverture santé complémentaire, qu'il s'agisse des agents publics ou de la CSS automatisée pour certaines catégories de fin de vie. Comment se faire plus exigeant vis-à-vis de l'assurance privée santé pour que, grâce à la systématisation de la complémentaire, le service rendu soit amélioré, le reste à charge moins important et les remboursements plus rapides ? C'est aussi l'élu alsacien qui vous parle ; au vu du régime local de sécurité sociale en Alsace-Moselle, vous comprendrez ma sensibilité et mon exigence à ce sujet.
Dans le cadre de la rénovation de la régulation des dépenses d'assurance maladie, vous recommandez de renforcer les outils et les prérogatives des ARS pour décliner les orientations définies au niveau national dans le cadre de l'ONDAM, en tenant compte des rééquilibrages nécessaires entre régions. Quelles sont vos propositions très concrètes pour y parvenir ? La Cour a-t-elle étudié la possibilité d'aller encore plus loin avec la mise en place d'une déclinaison régionale de l'ONDAM sous forme d'ORDAM ? Êtes‑vous favorable, monsieur le premier président, à une co-gouvernance des ARS par l'État et le président de chaque région, étant donné l'implication de ces collectivités pendant la crise sanitaire et le soutien qu'elles apportent à l'organisation territoriale de notre système de santé ?
Concernant la digitalisation, il semble paradoxal, eu égard à la richesse de la base de données médico-administratives dont dispose l'assurance maladie pour les remboursements, que notre système soit si peu développé. Face à l'absence d'une filière santé visible et unie en France, quelles mesures proposez-vous pour permettre une digitalisation puissante ?
Vous évoquez, monsieur le premier président, que le système de santé ne gagnerait pas en efficience à voir la télésanté s'installer comme une modalité supplémentaire de réalisation des actes et vous encouragez un usage sélectif au service d'une meilleure coordination des soins. Comment, selon vous, accompagner un développement respectueux de la télésanté tout en continuant à la promouvoir dans les zones sous-dotées pour pallier le manque de médecins libéraux ? Êtes-vous favorable à l'équipement des médecins d'outils mobiles de santé, de e-santé et au renforcement de l'offre de formation continue en télémédecine pour les infirmières et infirmiers libéraux ? Avez-vous estimé l'impact de la fin de la prise en charge à 100 % ?
Je me joins aux questions de mes collègues Jean-Pierre Door et Thierry Michels sur la prévention, un sujet de préoccupation d'autant plus important avec la crise sanitaire que nous traversons. Elle est l'un des piliers de la stratégie nationale de santé mais cela se traduit de façon trop modeste et insuffisamment évaluée.
Dans votre rapport, vous pointez notamment la nécessité d'augmenter la part de la rémunération des professionnels de santé sur les objectifs de santé publique, actuellement de 6,7 %. Vous notez aussi une réelle déception sur le dépistage des cancers, ce qui pose question sur l'efficacité de notre volonté en matière de prévention. Créée par la loi de finances pour 2020, l'annexe budgétaire « jaune » relative à la prévention et la promotion de la santé pouvait nous donner un nouvel essor pour l'évaluation de cette politique mais elle reste à questionner en matière d'organisation ainsi que d'évaluation du retour sur investissement. Par exemple, quel est bénéfice de la vaccination contre le covid et quelles sont les dépenses de santé qui auraient été occasionnées sans elle ?
Enfin, vous avez aussi pointé l'application de l'ASPA. Comment l'évaluer ? Pour exemple, une personne de mon entourage qui fait une demande d'ASPA se voit décompter de cette ASPA les quelques heures de ménage qu'elle fait en complément de cette ASPA. Les professionnels de terrain ne sont donc pas bien au fait de la méthode de calcul de l'ASPA.
J'ai lu votre rapport à travers le prisme de la santé publique. Ce terme a germé lors de la loi du 15 février 1902 dans le cadre d'une politique de réaction aux épidémies et à l'insalubrité. À travers sa définition – prévenir et améliorer la santé de la population sur des territoires qui tiennent compte des vulnérabilités –, cette santé publique doit s'inscrire dans une vision bidimensionnelle, horizontale en proximité et verticale. Le lien politique en santé publique est consubstantiel à l'éthique de la santé publique. Nous devons certes être responsables sur les dérives financières mais la pandémie crée des circonstances exceptionnelles.
Ma question porte également sur le volet de la prévention et sur l'axe de santé ville-hôpital en tenant compte du nécessaire virage médico‑social s'inscrivant dans une stratégie de l'« aller‑vers ». Vous avez d'ailleurs remis un excellent rapport sur les GHT, qui sont au milieu du gué dans la transformation de ce système de santé. Quelles sont vos préconisations pour accompagner ce virage, très attendu par la communauté médicale à travers l'article 51 dont elle s'est largement emparée en 2018 ? Quelles sont vos propositions sur l'évolution des financements dans une logique de parcours de soins gradués et coordonnés face à l'inflation des maladies chroniques et aux enjeux du vieillissement ?
Un exemple éclairant est celui de la chute des personnes âgées, responsable de 12 000 décès par an. Ces accidents coûtent 2 milliards d'euros par an à l'assurance maladie. Quelles sont les préconisations de la Cour pour vraiment impulser de la prévention dans ce domaine ? Il faut que nous ayons en France une culture de prévention.
Comme vous l'avez dit, monsieur le premier président, la sécurité sociale tient une place majeure dans notre pacte républicain. Il me semble ainsi que l'hôpital joue ce rôle et nous pouvons être ravis de l'augmentation de 4,1 % de l'ONDAM dans ce PLFSS.
Vous proposez dans votre rapport d'accélérer les réformes de modernisation, notamment celle du financement que nous portons depuis quatre ans. Cette transformation du financement n'aurait-elle pas un sens et une portée encore plus importants si elle ne portait pas que sur les institutions mais aussi sur l'implication des acteurs producteurs de soins eux‑mêmes ? En d'autres termes, comment décliner cette transformation au financement des producteurs de soins ? Ne faut-il pas aller vers une plus grande convergence des modes de rémunération ?
Monsieur le premier président, le déficit de la sécurité sociale en 2021 devrait être un peu moins important qu'en 2020 tout en se situant au niveau très élevé de 34 milliards d'euros. Malgré le rebond de l'activité économique qui stimule les rentrées de cotisations, le retour à l'équilibre n'est pas en vue à court terme, les prévisions du Gouvernement faisant état d'un trou de 13 milliards d'euros à l'horizon 2025. C'est la branche maladie qui accuse le plus lourdement le coup avec 30 milliards d'euros en 2021.
Le Ségur de la santé, dont le financement monte en puissance avec 12 milliards d'euros en 2022, a été annoncé en juillet 2020. Il se traduit principalement par des augmentations salariales, qui étaient effectivement nécessaires, mais, en aucun cas, par une réforme de fond de notre système de santé.
Monsieur le premier président, qu'en est-il du financement pour le maintien à domicile ? En effet, toutes les enquêtes réalisées auprès de la population font état du souhait des Français de rester à domicile le plus longtemps possible. D'autre part, les familles ont de plus en plus de difficulté à assumer le reste à charge de leurs proches dans les EHPAD. Un nombre extrêmement restreint de personnes dans les groupes iso-ressources GIR 1 et GIR 2 sont maintenues à domicile, alors qu'elles le souhaiteraient.
Nous évoquons régulièrement le développement de l'ambulatoire. Il nécessite des matériels adaptés sans lesquels aucun maintien à domicile n'est envisageable. Les besoins sont donc croissants. Quelles sont vos préconisations en matière de financement du maintien à domicile, de revalorisation des statuts des personnels, de formation, de partenariat entre médecine de ville et hôpital dans une logique de parcours et de financement plus important des accueils de jour ?
Ma question porte sur le cadre des LFSS. Comme la Cour le souligne dans son rapport, une proposition de loi organique réformant le cadre de ces lois a été adoptée récemment à l'Assemblée nationale. Elle permettra notamment de fixer un délai à la présentation du PLFSS et de créer une loi d'approbation des comptes de l'année écoulée au printemps.
Notre groupe a soutenu ces mesures mais, à la lecture du rapport, nous avons bien le sentiment que cette proposition de loi organique ne va pas assez loin. Ainsi, la Cour formule six recommandations pour réformer le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Ces recommandations sont très intéressantes, en particulier la pluriannualité de certains indicateurs des LFSS ou l'obligation de déposer un projet de loi de financement rectificatif lorsque les conditions de l'équilibre financier adoptées dans la loi de financement initiale se trouvent remises en cause.
Ainsi, monsieur le premier président, considérez-vous que la proposition de loi organique examinée récemment ne va pas assez loin ? Faudrait-il envisager un nouveau texte ?
Monsieur le premier président, vous avez relevé des progrès de gestion qui doivent être poursuivis. J'ai bien noté également que votre rapport est un rapport de transformation et ma question porte sur la gestion des recouvrements de cotisations des employeurs du secteur privé. Il s'agit d'un véritable enjeu. La réforme doit conduire à mettre en place une organisation de co-traitance tenant compte à la fois des compétences et des outils respectifs des URSSAF et de la retraite complémentaire des salariés de l'agriculture, du commerce, de l'industrie et des services (AGIRC-ARRCO). Vous avez eu l'occasion d'évoquer ce point l'an dernier.
Malgré tout, le système d'information des URSSAF n'est aujourd'hui pas en mesure de réaliser des contrôles automatisés de cohérence à grande échelle entre les données déclarées par salarié dans la déclaration sociale nominative (DSN). En effet, la collecte des prélèvements par l'URSSAF repose encore principalement sur l'exploitation de données agrégées par établissement de la DSN et non sur les données individuelles déclarées par chaque salarié. Afin de surmonter cette difficulté, il est prévu que les URSSAF réalisent la plupart des tâches de collecte mais que le calcul des cotisations de retraite complémentaire par salarié soit réalisé par les salariés de l'AGIRC-ARCO mis à disposition, à l'aide des outils informatiques de l'AGIRC-ARCO. Cette situation ne doit a priori pas changer. Pouvez-vous nous le confirmer ? Quel est votre regard sur cette ineptie ou ce narcissisme mal placé consistant à avoir deux systèmes d'information, finalement plus chers pour le contribuable. Je rappelle que l'un d'entre eux coûte tout de même un peu plus de 100 millions d'euros. Que pouvons-nous faire face à cette situation ?
Je voudrais d'abord préciser ce qui peut être ou non attendu d'un rapport de la Cour des comptes. Je sais qu'on ne prête qu'aux riches mais, tout de même, ne nous prêtons pas des intentions ou des capacités que nous n'avons pas.
Notre rôle n'est pas de faire de la politique à la place du Gouvernement ou du Parlement. Nous n'avons pas d'idéologie cachée, nous ne sommes pas le deus ex machina des grandes décisions dans ce pays. Nous ne sommes pas non plus de vulgaires comptables austéritaires. Nous ne faisons pas que de la comptabilité et nos travaux reposent sur des évaluations, des analyses de politiques publiques assez approfondies, en dialogue avec les administrations concernées et les autorités publiques. Nous avons l'ambition d'élargir progressivement notre regard, d'y introduire davantage d'économie. Nous ne sommes pas non plus indifférents au sort de la société. Nous ne vivons pas à côté de la société et notre institution est l'une de ses composantes.
Les commentaires que j'ai entendus sur je ne sais quelle logique austéritaire ne me paraissent en réalité pas faire grand sens. Rappelons que nous vivons dans un pays dont la dette publique atteindra l'année prochaine 115 % du PIB et risque d'augmenter un peu dans les années qui suivent. Je ne me réfère absolument pas à des notions de finances publiques ou à des règles qui me paraissent devoir être réformées mais à de simples comparaisons. Nous sommes quelque 15 points au-dessus de la moyenne de l'Union européenne, 45 points au-dessus de notre grand partenaire allemand. Dans une zone monétaire comme l'euro, avoir trois grandes économies dont l'une a une dette autour de 160 % du PIB, l'autre autour de 120 % et la troisième à 65 % est difficile. Cela finit par créer des tensions.
Nous avons vécu et nous vivons encore dans une situation exceptionnelle. Nous en sortons, heureusement, mais ces différences se verront et finiront par créer des contradictions qui peuvent être dommageables. Voilà la raison pour laquelle réduire la dette est tout simplement un impératif d'autant plus que, lorsque la charge de la dette augmente, c'est autant en moins pour l'éducation, pour la justice, pour la cohésion sociale, pour cette cause de la protection sociale et de la solidarité à laquelle vous êtes attachés.
De même, avec près de 60 % de dépenses publiques dans le PIB et des prélèvements obligatoires parmi les plus élevés d'Europe, soit près de 45 % du PIB, il n'est pas possible de parler d'austérité. Gardons tout de même quelques boussoles. J'ai entendu que l'ancre était ce qui nous attache au fond ; c'est aussi parfois ce qui nous empêche de dériver mais je ne veux pas entrer dans des considérations nautiques. Je ne suis pas un grand expert en la matière.
Notre philosophie n'est absolument pas de taper sur la dépense publique, de proposer tout de suite de revenir à je ne sais quel statu quo ante. La démarche que nous proposons est progressive et systémique. Il s'agit de modérer progressivement les dépenses tout en préservant celles qui sont utiles et en garantissant une prise en charge de qualité, en améliorant la justice sociale lorsque nécessaire, en ciblant sur les populations concernées, le tout dans une trajectoire de moyen terme. Encore une fois, ne nous prêtez pas des intentions que nous n'avons pas.
J'ai par exemple été interrogé sur les retraites et la maladie. Nous ne proposons pas de relever les impôts. Je crois qu'il faut veiller à la bonne dépense et toute vision réaliste conviendra qu'il existe tout de même des marges significatives. Celles-ci doivent être utilisées.
Dans le rapport que j'ai remis au Président de la République et au Premier ministre, j'évoquais deux pistes. L'une est la croissance et il faut des investissements. Nous sommes en déficit d'investissements. Ce déficit doit être comblé et il faut en même temps maîtriser la dépense. Nous devons marcher sur ces deux pieds.
Après ces précisions sur notre philosophie qui, encore une fois, n'est pas celle de la réduction des droits, de l'austérité ou de la traque de chaque euro de dépense publique mais celle de réformes favorisant une meilleure gestion, plus efficace et plus juste, associées à une réduction de la dette qui nous rende des marges pour plus de solidarité, j'en viens aux questions posées. Je laisserai ensuite la parole à Denis Morin sur des sujets connexes au rapport qu'il connaît infiniment mieux que quiconque.
Sur l'évolution des textes organiques, la Cour a évidemment suivi avec grand intérêt la proposition de loi organique dont vous êtes l'initiateur, monsieur le rapporteur général, ainsi que les travaux des commissions des affaires sociales de l'Assemblée puis du Sénat. Nous n'avons cependant pas à nous introduire dans le débat entre les deux assemblées.
La Cour est favorable à l'institution d'une loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale discutée avant l'été, ce qui était d'ailleurs l'une de ses recommandations dans le passé. Elle saura, de son côté, agencer le calendrier de ses travaux pour une remise du présent rapport au moment de cette loi d'approbation des comptes.
En revanche, sans progrès majeur dans le calendrier d'arrêté des comptes de l'ensemble des régimes de sécurité sociale, la Cour ne serait plus en état de fournir au Parlement les avis qu'elle doit rendre sur les tableaux d'équilibre et les tableaux patrimoniaux de la sécurité sociale. Nous estimons que le calendrier réglementaire d'arrêté des comptes devrait être avancé de quinze jours et que la direction de la sécurité sociale doit mettre en œuvre un contrôle beaucoup plus ferme des caisses pour que ce calendrier soit respecté. Il en va de la qualité de l'information dont disposera le Parlement lors de l'examen des futures lois d'approbation des comptes.
La Cour n'a aucune objection à l'encadrement dans un délai de huit mois de la remise des rapports demandés par les commissions des affaires sociales, à l'instar de ce qui est prévu pour les rapports demandés par les commissions des finances.
Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que, si le calendrier est vraiment très anticipé, nous ne dirons rien sur le PLFSS et, d'un certain point de vue, cela me paraît dommage. Je crois que le bon moment est celui dans lequel nous sommes plutôt qu'une anticipation trop importante. Je fais ainsi ce que j'avais dit que je ne ferai pas, c'est-à-dire que j'interviens dans le débat, mais j'ai tout de même un avis et je suis obligé de le donner.
Sur le risque de non-recouvrement, la priorité du Gouvernement pendant la crise était de maintenir à flot l'économie et de sauvegarder la trésorerie des entreprises. C'est compréhensible. La crise s'éloignant, nous pouvons espérer que le retour à la situation normale soit mené à bien en matière de recouvrement des impayés de cotisations également. Il ne s'agit pas de poursuivre le recouvrement des créances sans discernement mais en prenant en compte la situation particulière de chaque secteur d'activité, de chaque entreprise. Notre rapport fournit des recommandations à cet effet.
Vous préconisez d'accompagner le développement de la télésanté par des modes de financement autres que le paiement à l'acte. Vous avez raison de souligner l'intérêt d'aller vers de nouveaux modes de financement des actes de santé. Le financement n'est pas favorable à l'apparition de coopérations entre professionnels de santé ou entre secteurs de soin, de ville, hospitaliers ou médico‑sociaux. Ce sont pourtant des évolutions qui me paraissent porteuses de gains de qualité et d'efficience.
Plusieurs modèles alternatifs constituent des pistes intéressantes comme le financement d'un épisode global de soins, l'intéressement au regroupement de professionnels de santé libéraux ou la rémunération des coûts de fonctionnement d'une structure telle qu'une maison de santé en fonction de la qualité de prise en charge. Nous pensons que la prise en charge de la télésurveillance par un forfait est une évolution qui va clairement dans le sens de nos recommandations.
Sur les effets d'aubaine créés par l'essor des téléconsultations, la Cour a fait trois préconisations. La première est de mettre un terme au plus tôt à la prise en charge à 100 % des téléconsultations ou télésoins parce que cela facilite la facturation d'actes fictifs. La CNAM doit aussi intégrer dans ses plans de contrôle les risques spécifiques de fraude. Enfin, l'interdiction de facturer des honoraires pour de simples avis ou conseils devrait être rappelée par le Conseil national de l'ordre des médecins aux médecins.
Le rôle des dotations populationnelles pour le financement des établissements de santé des différentes régions est bien, pour nous, de favoriser une répartition plus équitable des financements entre régions et territoires de santé, en meilleure adéquation avec les besoins de la population. Toutefois, les outils financiers ne sont évidemment pas l'alpha et l'omega. Les autorisations d'activité, les contrats d'objectifs et de moyens sont des outils complémentaires indispensables. Je voulais vous rassurer sur ce point.
Monsieur le rapporteur général, vous m'avez transmis les questions votre collègue, Mme Limon, sur la branche famille. Je souligne tout d'abord que la priorité de notre pays est la maîtrise de ses dépenses publiques, à commencer par les dépenses sociales. J'ajoute, s'agissant de la branche famille, que deux aspects doivent être pris en compte et incitent à la prudence.
Tout d'abord, les excédents de la branche famille sont en partie liés au ralentissement, depuis 2014, du nombre de naissances et personne ne sait si cette tendance se poursuivra ou non dans les années qui viennent. Par ailleurs, à dépenses constantes, d'importants enjeux d'efficience existent dans le domaine des politiques familiales. Nous les avons illustrés l'an dernier en analysant l'action sociale de la branche famille.
Votre rapporteure s'interroge sur notre recommandation de renforcer la condition de ressources et de mieux moduler le montant de l'allocation en fonction de l'âge des enfants. Nous partageons absolument cet objectif. L'allocation de rentrée scolaire doit rester un mécanisme simple et c'est pourquoi, selon nous, il ne faut pas envisager de la transformer en dispositif de bons d'achat. La recommandation que nous faisons est purement paramétrique ; elle ne modifie pas la structure de l'allocation.
Madame Janvier, vous m'interrogez sur les perspectives de la nouvelle branche autonomie et les mesures prévues au PLFSS en faveur du secteur médico‑social. Nous avons devant nous des enjeux démographiques considérables, avec près de 300 000 personnes dépendantes de plus attendues en 2030 et un accroissement de la dépendance qui pourrait représenter un surcroît de dépenses de plusieurs milliards d'euros d'ici 2030.
Ce n'est pas à la Cour seule qu'il revient de tracer les voies du financement. Il reste largement à organiser une fois qu'aura été pris en compte le transfert de CSG à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) prévu en 2024.
Je souhaite par ailleurs insister sur l'importance des chantiers engagés pour la réorganisation du secteur, qu'il s'agisse de l'implication des ARS, de la mise en synergie des acteurs ou du virage domiciliaire. Avec la crise sanitaire, ces chantiers ont pris une impulsion nouvelle qu'il convient d'entretenir. Elle est porteuse non seulement de réponses aux besoins mais également de plus grande efficience.
En ce qui concerne les mesures portées par le PLFSS, je note qu'une mesure pèsera significativement sur les comptes 2022. Il s'agit de l'instauration d'un tarif national plancher pour l'heure d'intervention des services d'aide et d'accompagnement, fixé à 22 euros dès le 1er janvier 2022. L'effet des autres mesures sera, à notre sens, plus étalé dans le temps.
Vous revenez également sur l'analyse conduite par la Cour des différentes réformes du financement dans le secteur des établissements et services médico‑sociaux. La réforme du financement des EHPAD, interrompue plusieurs fois comme je l'ai souligné, est enfin sur le point d'aboutir, telle qu'elle avait été envisagée – je n'ose pas le dire – en 2009 ! Ces retards s'expliquent notamment par l'insuffisante prise en compte dans les années 2016‑2017 des effets de gagnant-perdant sur les ressources de la section dépendance.
En outre, à plusieurs reprises récemment, les financements des conseils départementaux sur la section dépendance ont été complétés par la CNSA pour parer à des inégalités trop fortes. Face à ce constat, la Cour préconise d'étendre au secteur médico‑social le mécanisme de dotation régionale populationnelle pour corriger sur des critères transparents les inégalités territoriales.
J'ai été interrogé sur les perspectives financières de la branche vieillesse. La Cour est convaincue que la maîtrise durable des dépenses de retraite est indispensable. Je rappelle que la prévision à moyen terme montre à ce stade, en l'absence de mesures de redressement, une dégradation régulière des comptes de la branche vieillesse, dont le déficit passerait de 4,1 milliards d'euros en 2022 à 8 milliards d'euros en 2025.
Les motifs de pilotage d'une telle réforme ne sont pas uniquement financiers et les conditions ne sont évidemment pas uniquement financières mais des mesures de redressement sont rapidement inévitables. Même si nous excluons des hausses de cotisations en raison du niveau très élevé des prélèvements obligatoires en France, ce que je peux comprendre, les paramètres sont nombreux. Il n'appartient pas à la Cour de prendre position sur les leviers à mobiliser mais nous avons souligné dans le rapport que j'ai remis au Président de la République et au Premier ministre la question du temps, la question du dialogue social et aussi, bien sûr, les conditions d'équité entre catégories sociales et entre générations, qui sont très présentes dans notre esprit. Ces conditions ne doivent absolument pas être ignorées. Il y a là matière à débat, à un grand débat et à des décisions. Il faut les deux à notre sens ; je pense que c'est incontournable.
Sur le minimum vieillesse, il faut souligner la très grande complexité des règles de l'ASPA qui ont des effets dommageables. Une simplification des procédures de gestion doit être recherchée avec la récupération en ligne des informations relatives aux ressources, notamment auprès des autres administrations telles que la direction générale des finances publiques et la caisse d'allocations familiales ainsi que la vérification de la condition de résidence en France et de la réglementation. Vous trouverez les détails dans le chapitre X de notre rapport.
En réponse à la question de M. Christophe, les travaux de la Cour n'ont pas porté sur la reconnaissance de la covid-19 comme maladie professionnelle. Peu d'éléments étaient disponibles sur le sujet durant les travaux d'instruction des rapporteurs. Néanmoins, je vous invite à vous reporter le moment venu aux éléments que la CNAM publiera certainement dans son rapport de gestion AT-MP 2020.
Sur la proposition que nous avons faite quant à la possibilité de modifier les libellés des tableaux de maladies professionnelles existantes, les différents chapitres du RALFSS sont soumis aux administrations comme tous les travaux de la Cour et nous avons donc transmis ceux‑ci à la CNAM. Les réponses sont publiées en annexe à notre rapport : en l'espèce, vous trouverez la réponse du directeur général de la CNAM en page 405.
Le chapitre IX du RALFSS ne développe pas la question du fonctionnement des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, en effet, mais nous avons cependant noté dans le rapport qu'il conviendrait de rechercher une plus grande homogénéité des décisions de ces comités. Elles sont très hétérogènes, trop hétérogènes d'une région à l'autre.
La commission que vous évoquez est en effet présidée par un magistrat de la Cour des comptes, naturellement membre de la sixième chambre, mais ses travaux sont menés en toute indépendance vis-à-vis de la Cour des comptes, qui ne saurait être engagée par les travaux de toutes les commissions que ses membres président. Je rappelle également que l'avis rendu par la commission a pour l'État avant tout une finalité financière, c'est-à-dire qu'il sert à fixer le niveau du transfert financier de la branche AT‑MP à la branche maladie.
Je remercie Mme Vidal pour ses commentaires positifs sur le rapport. Sur les finances sociales, nous proposons en effet l'extension du champ des lois de financement de la sécurité sociale au chômage et aux retraites complémentaires. Ce n'est pas dans une logique d'étatisation : il s'agit de permettre un débat démocratique sur ces sujets comme sur les autres risques. Je ne vois vraiment pas pourquoi ces sujets en seraient soustraits et, compte tenu de leur importance, je pense que ce serait tout à fait regrettable.
En réponse à M. Door, j'ai indiqué que le déficit devrait être fin 2025 de quelque 15 milliards d'euros. Le sujet CADES n'est donc effectivement pas réglé et il restera de la dette sociale. Il faudra sans doute rouvrir la CADES ce qui pose d'ailleurs, de façon générale, le problème de la dette dans notre pays.
Sur la prévention, nous souhaitons une information plus claire. La Cour produira à la fin de l'année un rapport sur le sujet, à la demande du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale.
Sur l'avenant 9, vous avez porté un jugement positif ; notre jugement n'est pas négatif mais il est aussi financier. Nous considérons que cet avenant 9 coûte tout de même assez cher et que les conditions offertes en matière de télésanté sont assez favorables, pour ne pas dire trop mais je ne suis pas président de la sixième chambre.
Pour répondre à M. Vigier, nous sommes favorables à l'accréditation. Nous pensons en revanche qu'un ORDAM serait sans doute compliqué car les leviers de régulation des dépenses restent à ce stade nationaux. Il faudrait donc modifier l'ensemble de la gestion du système, ce qui est très ambitieux.
Pour les téléconsultations, nous prévoyons de revenir à 70 %. L'interopérabilité est absolument nécessaire pour aller vers la dématérialisation, par exemple pour prendre en compte les prescriptions à l'hôpital.
Mme Six nous a appelés à la souplesse. Vous pouvez bien sûr compter sur la Cour pour y veiller.
Mme Firmin Le Bodo nous a interrogés sur les génériques. Il reste sans doute des marges si nous comparons aux pays étrangers. Sur le 100 % Santé, le bilan est difficile car nous sommes en période de crise mais nous ferons sur ce sujet un audit flash. Les audits flash sont de nouveaux rapports que j'ai lancés, qui sont réalisés en trois ou quatre mois et non en une dizaine de mois. Ils permettent d'avoir une vision quasiment en temps réel d'une mesure ou d'une politique publique.
J'ai été interrogé sur la cinquième branche et j'ai déjà partiellement répondu. Elle sera sans doute en déficit, madame Dubié, mais il est prévu de basculer 0,15 point de CSG en 2024. Même si le déficit reste modeste, cela n'épuise pas le sujet des besoins à couvrir dans ce secteur et il faudra faire des choix.
Je laisse le président de la sixième chambre répondre pour ce qui concerne les GHT et les autres questions. Ces sujets ont été évoqués dans différents rapports au moins autant que dans le RALFSS.
Les questions posées portent essentiellement sur la prévention. Je crois que c'est un véritable sujet et le premier président a rappelé que nous préparons un rapport à la demande de l'Assemblée nationale. Il sera remis à la fin de l'année.
Sans déflorer le sujet, nous objectiverons le fait que nous dépensons autant pour la prévention que les pays voisins. Nous donnons les chiffres et, effectivement, c'est une information qu'il faut aller chercher.
Je rappelle que la prévention comporte quatre points et qu'il est difficile d'avancer sur ces quatre points car nous nous heurtons à des lobbies influents. En parlant du tabac, de l'alcool, de l'alimentation et de l'environnement, nous avons résumé la politique de prévention et de nombreux points relèvent effectivement du pouvoir législatif.
Sur le financement, nous tendons, en France comme dans les pays étrangers, vers un système de tarification à la fois à l'acte sur une partie variable selon les segments de notre système de santé et au forfait, que ce soit en ville, à l'hôpital ou dans le médico‑social et en SSR. Nous mettons ce point en évidence dans le chapitre consacré à la réforme du financement hors médecine-chirurgie-obstétrique.
Je crois que cette convergence est bonne. Il faut effectivement une part de financement à l'activité ou à l'acte en ville et une part de financement au forfait. Vous avez évoqué, monsieur le premier président, l'importance des rémunérations sur objectifs de santé publique, qui permettent de mobiliser les professionnels de santé autour de sujets comme la santé publique et, éventuellement, la coordination entre les acteurs. Il faut aussi probablement des dotations qui veillent à compenser les inégalités de santé, un sujet majeur dans notre pays. En particulier, les dotations populationnelles répondent à cet objet.
Sur le virage ambulatoire, évoqué par Mme Valentin notamment, et le maintien à domicile des personnes âgées, je pense que la tarification est un élément de réponse important. Je rappelle que nous avons travaillé sur le virage ambulatoire en 2017 et montré dans le RALFSS que, quel que soit le secteur concerné, la prise en charge à domicile génère systématiquement des économies sur tous les postes des dépenses de santé. C'est un élément important qui montre que nous pouvons faire des économies tout en améliorant la qualité de la prise en charge. Maintenir les personnes âgées à domicile est un élément qui favorise la qualité de la prise en charge, tout comme le fait de permettre un retour rapide de l'hôpital après un séjour bref. Nous voyons que ces éléments sont en même temps des éléments de qualité de prise en charge et de meilleure allocation des ressources.
Mme Sanquer a posé une question sur la réforme du cadre organique des lois de financement. Nous maintenons l'idée que l'obligation de collectifs serait judicieuse. L'an dernier, quatre collectifs ont porté sur le budget de l'État, mais aucun sur le budget de la sécurité sociale. Des éléments d'information seraient pourtant probablement utiles au débat démocratique, du point de vue de la Cour en tout cas. Nous proposons de poser le principe que, lorsque les conditions initiales de l'équilibre sont lourdement perturbées, il est obligatoire de déposer un collectif comme c'est le cas pour l'État.
De même, j'insiste sur le fait que la reprise de dette par la CADES, notamment quand elle porte sur des déficits futurs, devrait être monopole des LFSS, avec obligation de déposer une trajectoire de retour à l'équilibre qui donne la cohérence entre le montant de la reprise de dette et l'évolution future des déficits. Sinon nous avons une discordance, et c'est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
L'ORDAM est un instrument de régulation et de responsabilité mais un ORDAM sans levier de régulation au niveau régional introduit une discordance ingérable dans la durée. Nous ne pouvons pas avoir une négociation conventionnelle nationale sans aucune adaptation territoriale et une responsabilisation à travers l'ORDAM. C'est juste impossible.
Sur la question de confier la coresponsabilité des acteurs régionaux de santé à l'État et aux collectivités régionales, la santé reste pour l'instant une grande politique de l'État. Il existe effectivement des financements de collectivités territoriales sur tel ou tel point – pas seulement des régions d'ailleurs mais souvent des communes – mais ce sont des financements d'un point particulier. L'essentiel de la politique est une politique nationale. Il n'est pas interdit de réfléchir à des évolutions, dont j'avais eu l'occasion de parler lors d'auditions antérieures.
Sur l'innovation en santé, je rappelle, comme vous l'avez dit monsieur le premier président, que la crise permet incontestablement le développement du numérique en santé. Les acteurs semblent y être davantage prêts qu'avant la crise et c'est un élément positif sur lequel il faut capitaliser.
Sur le transfert du recouvrement de l'AGIRC-ARRCO vers l'URSSAF, nous avons noté dans le PLFSS que cette disposition, bonne dans son principe, était reportée d'une année du fait de difficultés de mise en œuvre. Je suis évidemment favorable à ce report compte tenu de ces problèmes.
Nous avons travaillé sur la DSN dans le RALFSS voici trois ans et nous avions mis en évidence les éléments que vous soulevez dans votre question, monsieur Belhaddad, de l'insuffisante capacité à tirer toutes les potentialités de cet instrument important.
Je tiens, monsieur le premier président, à vous remercier et vous féliciter encore une fois, ainsi que toutes vos équipes, pour la qualité de vos réponses et la qualité du rapport, qui ne manquera pas de venir enrichir nos débats.
La séance s'achève à onze heures quinze.
Présences en réunion
Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 9 heures 30
Présents. - M. Joël Aviragnet, M. Belkhir Belhaddad, Mme Marine Brenier, M. Philippe Chalumeau, Mme Annie Chapelier, M. Sébastien Chenu, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Pascale Fontenel-Personne, Mme Perrine Goulet, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, Mme Stéphanie Rist, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Nicole Sanquer, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry
Excusés. - Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Justine Benin, M. Jean-Carles Grelier, Mme Myriane Houplain, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Nicolas Turquois, Mme Hélène Vainqueur-Christophe