Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • confinement
  • professeur
  • pédagogique
  • éducation

La réunion

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Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jeudi 22 octobre 2020

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente

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Nous recevons ce matin M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, pour achever notre cycle d'auditions sur la scolarité des enfants et des adolescents pendant la crise sanitaire. Nous aborderons, bien évidemment, les enjeux de la continuité pédagogique, qui constitue un véritable défi national, tous éducateurs confondus. Nous évoquerons également les effets de cette crise, les impulsions et les métamorphoses qui en découlent au sein de l'Éducation nationale et au sein des familles. Cette crise sert également de détonateur, de révélateur et constitue un électrochoc dans notre rapport aux jeunes.

Monsieur le ministre, je vous remercie sincèrement de venir vous exprimer devant nous en cette période difficile pour l'Éducation nationale après l'assassinat de l'enseignant M. Samuel Paty, vendredi dernier, à proximité de son collège de Conflans-Sainte-Honorine. Je tiens, au nom de tous mes collègues ici présents, à rendre hommage à sa mémoire et à exprimer notre entier soutien à sa famille. Ce drame absolu, qui vise nos enseignants et donc nos enfants, renforce notre détermination à batailler plus farouchement encore pour une école puissante et pour tous. Il s'agit là de tout l'enjeu de cette commission d'enquête : mesurer et prévenir l'impact de la crise sanitaire sur les enfants et sur les jeunes. L'interruption de leur scolarité en constitue l'un des enjeux majeurs, comme en ont déjà fait part de nombreux intervenants ici. Si l'école représente, avant tout, un lieu d'apprentissage pour les enfants, elle est également le lieu de leur socialisation, celui des échanges avec les autres et celui où certains enfants prennent leur seul repas complet de la journée. Je tiens, à cet effet, à saluer l'engagement résolu du Président de la République et le vôtre pour avoir ouvert les écoles dès le 11 mai 2020 afin de ne pas laisser se creuser les inégalités scolaires et sociales.

Nous aimerions vous entendre sur les effets néfastes et bénéfiques de cette crise. Nous souhaitons que vous dressiez un premier bilan du confinement et de la continuité pédagogique. Nous aimerions que vous abordiez les difficultés rencontrées du fait de l'inégal accès des élèves au numérique ou de la saturation des dispositifs. Les États généraux du numérique, organisés les 4 et 5 novembre 2020, permettront, de toute façon, de tirer les premières conclusions qui s'imposent en la matière, notamment si nous devons faire face, de nouveau, à une situation similaire. Comment pourrions-nous faire mieux ? Nous aimerions également connaître votre opinion sur les conditions de la reprise à partir du mois de mai et sur l'accueil progressif des élèves, notamment ceux en situation de handicap, mais également sur le protocole sanitaire mis en place et sur la situation des lycéens, sachant que nombre d'entre eux ne sont pas du tout revenus en cours avant la rentrée de septembre 2020 et qu'ils ont obtenu leur baccalauréat dans des conditions totalement atypiques. Enfin, quel est votre regard sur la rentrée de septembre 2020 et sur les conditions de la reprise ? Les évaluations réalisées traduisent-elles un creusement des inégalités scolaires lié aux difficultés d'apprentissage pendant la crise sanitaire ? De quelle façon les programmes scolaires et les connaissances attendues doivent-ils être adaptés afin de tenir compte des retards accumulés et de ne pas ajouter un stress supplémentaire, notamment chez les jeunes ?

Je vous donne la parole, M. le ministre, pour une intervention liminaire de dix minutes environ. Elle précédera nos échanges et je demande à mes collègues, nombreux ce jour, de limiter leurs questions à leur plus simple expression.

Auparavant, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

M. Jean-Michel Blanquer prête serment.

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je répondrai, bien évidemment, dans un instant, à toutes les questions que vous me poserez.

Cette audition a lieu dans un moment très particulier, comme j'ai pu le dire, hier, au sein de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée. Ces circonstances particulières nous obligent, du fait du sursaut national qui s'impose, à un important consensus, au-delà des clivages politiques habituels. Il est de notre devoir de nous inscrire dans une telle logique.

Depuis le début, comme l'a déjà indiqué le Président de la République, nous devons avancer sur deux pieds, un pied social et un pied républicain. Nous parlerons longuement du pied social aujourd'hui, car l'enjeu consiste à scolariser réellement tous les enfants, ce qui relève également du pied républicain. Pour ma part, j'ai toujours considéré, même avant d'être ministre, que l'école était indispensable. Pas un enfant, sur le territoire français, ne doit se trouver hors de l'école et ce principe ne se discute pas. Il constitue l'un des corollaires les plus importants de la République et il est autonome et indépendant des sujets de statuts qui peuvent concerner les familles. D'autres règles doivent également s'appliquer en matière de droit de séjour et des différentes règles qui régissent la vie en société. Cependant, un enfant doit aller à l'école et il s'agit là d'une de mes plus grandes convictions. Elle est tellement forte qu'elle m'a conduit à me battre, en Guyane, pour la scolarisation d'enfants non scolarisés, car ils se trouvaient, en quelque sorte, dans la nature. De la même façon, j'ai été, durant le confinement, un avocat du retour à l'école et pour la rentrée de septembre 2020, l'avocat de la scolarisation de tous. Nous savons bien que lorsque nous perdons du temps ou des enfants, nous perdons les plus fragiles et les plus défavorisés, ceux qui n'ont que l'école pour eux.

Ces éléments peuvent sembler basiques, mais il me paraît fondamental de les mentionner en préambule. Ils réunissent l'ensemble des forces républicaines, de gauche, du centre et de droite dès lors que nous savons bien distinguer les sujets et bien les articuler. J'ai toujours pensé qu'être républicain et social ne positionnait pas une personne sur l'échiquier politique habituel. Je le dis avec force parce que, dans les circonstances actuelles, nous ne devons oublier aucun des enjeux qui vont être évoqués aujourd'hui et qui s'inscrivent en arrière-plan du drame que nous venons de vivre. J'aimerais réellement aboutir à un consensus politique. Je sais qu'il s'agit peut-être d'un rêve, mais un consensus politique nous permet d'être sans faille dans les discours tenus et d'être lucides face aux dangers de la radicalité. D'ailleurs, toute personne qui se montre complaisante vis-à-vis des dangers de la radicalité, en réalité, de près ou de loin, est complice de ce que nous vivons.

Je suis très clair sur ce point et je profite de ma présence ici aujourd'hui pour le répéter. Au cours des trois dernières années, j'ai subi des accusations et des quolibets pour avoir défendu les valeurs républicaines. Je souhaite, par conséquent, me montrer aujourd'hui extrêmement ferme, sachant que de telles accusations et de tels quolibets ne doivent plus exister. Je serai, de fait, implacable sur le sujet social et sur le sujet républicain qui sont complémentaires l'un de l'autre. Chacun doit maintenant prendre ses responsabilités, car derrière ce crime, se cachent des assassins intellectuels. L'atmosphère politique et intellectuelle, qui les entoure, rend complices ceux qui estiment que le danger de la radicalité n'existe pas et peut conduire au divorce avec les Français sur le terrain.

Vous devez donc savoir qu'être républicain et social m'anime au regard des mesures sociales que nous devons prendre et des principes républicains que nous devons rappeler dans le quotidien scolaire, et plus généralement dans le quotidien de notre société.

J'en viens maintenant aux points que vous avez soulevés et qui sont totalement conditionnés à mes propos précédents. Nous avons, évidemment, été très attentifs aux impacts psychiques, pédagogiques, économiques et sociaux des événements qui sont survenus depuis le mois de mars 2020. Dès le 16 mars 2020, soit le jour même de la fermeture des écoles et des établissements, nous avons ainsi mis en place un dispositif d'accueil des enfants des personnels essentiels à la gestion de la crise. Nous oublions parfois de mentionner ce point, mais il revêt une grande importance, car il a permis de nous forger une opinion sur la contagiosité des enfants, qui s'avère faible. Nous n'avons pas, en effet, noté de problèmes particuliers pendant le confinement alors même que ces enfants étaient, par définition, plus à risques du fait de la profession de leurs parents. Grâce au travail du personnel de l'Éducation nationale, de celui des collectivités locales et des bénévoles, nous avons ainsi pu accueillir 30 000 enfants par jour, sept jours sur sept pendant toute la durée du confinement.

L'enseignement à distance a également été mis en place. Je ne reviens pas sur ce sujet, car il a été longuement évoqué. Pour autant, vous savez que grâce au Centre national d'enseignement à distance (CNED), nous avons pu développer « ma classe à la maison ». En quelques jours, les recteurs, les corps d'inspection, les chefs d'établissement, les directeurs d'école, les professeurs et l'ensemble des personnels de l'Éducation nationale ont été à la hauteur des valeurs du service public en réinventant l'école à distance. De véritables réussites ont été constatées. En effet, plus de deux millions d'élèves ont été inscrits au CNED et moins de 5 % des élèves n'ont pas répondu aux sollicitations de leurs professeurs. Certes, ce chiffre peut sembler élevé, mais il demeure moindre que dans la plupart des pays auxquels nous pouvons nous comparer. Je souhaite également souligner que toutes les enquêtes montrent qu'environ 75 % des parents d'élèves sont satisfaits de l'enseignement à distance. Il a certes pu conduire à une accentuation des inégalités sociales, les difficultés familiales surdéterminant les difficultés sociales, mais il a permis de souligner très fortement le rôle profondément social de l'école de la République. Comme vous l'avez mentionné, madame la présidente, ce rôle social porte sur des sujets tels que la cantine. Cependant et plus simplement, le fait d'aller à l'école et de se retrouver physiquement dans l'espace scolaire relève également de ce rôle social, ce qui permet de faire taire certaines idées théoriques sur la fin de l'école et sur le fait que tout pourrait être fait à domicile dans un futur technologique.

En France, comme ailleurs, l'enseignement à distance a donc induit un risque d'accentuation des inégalités sociales. Nous devons toutefois noter que le sujet n'est pas si schématique. Nous avons, en effet, des exemples d'enfants, issus de milieux défavorisés ou de l'aide sociale à l'enfance, vivant en foyer, qui ont plutôt bien vécu la situation. Ils ont ainsi pu étudier dans des conditions différentes, notamment lorsqu'ils présentaient une phobie scolaire ou des craintes diverses vis-à-vis de l'école. D'ailleurs, les acteurs de l'aide sociale à l'enfance en témoignent : la forte mobilisation des adultes autour de ces enfants et la concentration sur les enjeux pédagogiques ont été bénéfiques pour une partie d'entre eux. Le retour d'expérience qui en découle doit nous permettre de mieux accompagner les enfants présentant ces caractéristiques et de mieux personnaliser le parcours des élèves.

Nous avons, au cours de cette période, lutté contre le décrochage scolaire. Je le redis, nous pouvons être fiers de disposer d'un service public de l'Éducation nationale. Cette notion de service public est profondément républicaine et constitue un atout pour la France. Nous le constatons bien dans de telles circonstances, car il me permet, en tant que ministre de l'éducation, de bénéficier de véritables leviers dans le pays. J'ai ainsi organisé des visioconférences avec tous les recteurs quotidiennement, même le week-end. Ils étaient en contact permanent avec les inspecteurs d'académie et les chefs d'établissement, qui eux-mêmes étaient en lien avec les professeurs, et nous avions ainsi accès aux familles. Or ce lien n'a pas pu être établi dans les pays où la décentralisation du système éducatif est très forte. Nous avons souvent tendance à critiquer la centralisation en France, mais nous constatons bien, en de telles circonstances, qu'un service public de l'Éducation nationale s'avère relativement important pour l'unité du pays, pour les enjeux sociaux et particulièrement pour les enjeux d'égalité.

Notre partenariat avec la Poste a, par ailleurs, permis l'envoi quotidien de 10 000 devoirs. Il s'agit là d'une innovation technologique qui a permis à des professeurs d'imprimer et d'envoyer des devoirs aux familles qui ne disposaient pas d'ordinateur. Afin d'accompagner les élèves et leurs familles, nous avons également produit avec France 4 et d'autres chaînes, des cours de 9 heures à 16 heures, appelés « la nation apprenante ». Ce label nous permet de mettre en œuvre une politique renouvelée d'enrichissements des contenus éducatifs de l'ensemble des médias. Nous avons, en outre, distribué des ordinateurs avec l'aide d'associations.

Le déconfinement a été l'occasion d'un retour en classe progressif des élèves dès le mois de mai 2020. Vous vous souvenez à quel point ce retour a nécessité du volontarisme. Il a été difficile pour les acteurs, du fait du protocole sanitaire très strict mis en place. Même s'il a parfois été critiqué, il était issu des obligations fixées par les autorités de santé, à juste titre. En tout cas, nous n'avons pas fléchi devant cette difficulté et nous avons pu permettre, à la fin du mois de juin 2020, le retour de tous les élèves des écoles primaires, des collèges et pour partie, des lycées. Ce retour a été bénéfique, car il n'est pas bon que les enfants demeurent trop longtemps sans aller à l'école et il a permis de préparer la rentrée scolaire du mois de septembre 2020. Les élèves de France sont pratiquement tous retournés à l'école à la rentrée, car le lien avec l'école n'avait pas été rompu aux mois de mai et de juin 2020.

L'ensemble des stratégies que j'ai suivies sont cohérentes avec les propos des sociétés de pédiatrie française et de l'ensemble des professionnels. Je dois toutefois dire que sur ce sujet, comme sur d'autres, je n'ai pas toujours rencontré de consensus et j'ai parfois dû avancer dans la mitraille. Néanmoins, quand je regarde derrière, je ressens plutôt une fierté collective pour tout ce qui a été accompli.

L'été 2020 a été relativement spécifique et je pense qu'il marquera longtemps les esprits. Nous avons mis en place les vacances apprenantes qui constituent une nouvelle étape et des legs de cette période. J'espère que nous continuerons en 2021 et au cours des prochaines années à mettre en œuvre des formules de vacances à visée sociale et à contenus très riches pour que les vacances de ces enfants aient un effet bénéfique sur leur scolarité ultérieure. Nous avons débloqué 200 millions d'euros dans le cadre du soutien de l'État aux vacances d'été qui ont été versés aux collectivités locales et aux associations. Nous avons ainsi pu avoir un été le plus normal possible, ce qui n'a pas été le cas d'un grand nombre d'autres pays.

Le contexte de la rentrée de septembre 2020 a été exceptionnel. Du volontarisme s'est avéré nécessaire alors que certaines voix se sont élevées pour demander le report de la rentrée, notamment dans d'autres pays. Nous n'avons pas reporté cette rentrée et nous n'avons pas à le regretter, car elle a permis la scolarisation de l'ensemble des élèves. Nous avons réalisé un effort important pour estimer les difficultés dans le cadre d'évaluations effectuées en début d'année. Je serai en mesure de communiquer les résultats de ces évaluations d'ici quelques jours, notamment pour le CP, le CE1 et la 6e. Nous avons également réalisé un effort massif pour l'accompagnement personnalisé. En plus des postes que nous avons créés, nous avons dégagé 1,5 million d'heures supplémentaires et 130 000 heures pour les assistants d'éducation dans le cadre de l'opération « devoirs faits » et des stages de réussite. Ce soutien scolaire se poursuivra après les vacances actuelles, en tenant compte de la particularité de chaque élève. Nous avons, en outre, traité la question de la scolarisation effective des élèves en situation de handicap. Je vous rappelle que nous avons créé 8 000 postes supplémentaires d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et que depuis 2017, nous avons augmenté de 60 % le budget dédié à la scolarisation de ces élèves.

Enfin, nous avons pris des mesures pour la jeunesse avec le plan « Un jeune, une solution » de 6,5 milliards d'euros, mis en œuvre conjointement avec le ministère du travail. Il se traduit par la création de 100 000 postes de service civique. Notre stratégie consiste à aider les jeunes à trouver un travail et à mieux s'insérer. Nous avons débloqué une aide de 200 euros pour 800 000 jeunes, destinée à compenser la perte de revenus liée à l'arrêt temporaire d'un stage, d'un apprentissage ou d'un emploi étudiant, soit un montant global de 150 millions d'euros. Que ce soit pour nos enfants ou pour nos jeunes, l'État a pris conscience des effets collatéraux de la crise sanitaire. Comme l'a mentionné le Président de la République, l'enfance et la jeunesse constituent la priorité des priorités. Nous portons, en outre, une attention à ceux qui seraient en marge du système scolaire et qui courent un grand risque de déscolarisation, en luttant contre le décrochage scolaire et en ayant un devoir de formation des 16-18 ans avec la participation des lycées professionnels.

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Je laisse la parole à Mme Marie-George Buffet, rapporteure de cette commission d'enquête.

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Je vous remercie pour vos propos liminaires et je m'associe, bien évidemment, à l'hommage rendu par la présidente à cet enseignant, victime d'un attentat terroriste islamiste. Vous avez dit : « cela nous oblige » et je partage ces propos. La République doit permettre à tous les enfants d'être bien accueillis au sein de cette école de la République et celle-ci doit également à ses enseignants une reconnaissance qui doit se traduire concrètement. L'enfant va à l'école de trois ans jusqu'à l'université, car la France a besoin de compétences pour se développer et pour le bien-être de tous.

J'aimerais, monsieur le Ministre, que vous nous fassiez part de votre retour d'expérience sur le processus décisionnel, qui peut d'ailleurs se reproduire, conduisant à arrêter, ou non l'école. Avez-vous pu établir des critères pour prendre une telle décision ?

De plus, s'agissant de la continuité pédagogique, je partage totalement vos propos. L'école représente un lieu social et il ne s'agit pas de démultiplier le travail à travers les outils de vidéoconférence. Pour autant, si nous devons, de nouveau, suspendre la scolarité, il semble que la diversité des outils numériques pose problème. Nous constatons, en outre, que même si l'enfant dispose des outils numériques, sa famille est parfois en incapacité de l'accompagner. Envisagez-vous, au sein même de l'école, une formation au numérique pour que les enfants soient tous autonomes sur ce sujet ?

S'agissant des évaluations, vous avez indiqué que vous nous communiqueriez les résultats dans quelques jours. Nous avons auditionné un membre de l'Éducation nationale qui nous a expliqué que le niveau scolaire des classes ne devait pas baisser. De fait, comment pouvons-nous nous occuper des enfants qui sont en décrochage scolaire sans pénaliser le niveau de la classe ? Je pense notamment aux passages importants de la maternelle au CP et du CM2 à la 6e. Comment pouvons-nous éviter que certains enfants paient, durant toute leur scolarité, le prix de cette période ?

Au cours de cette période, nous avons constaté qu'un grand nombre d'initiatives ont été prises. L'école a certes pris son autonomie, mais elle s'est également ouverte au monde associatif et aux parents. De nouveaux liens se sont d'ailleurs créés entre les enseignants et les parents. Elle s'est, en outre, ouverte à d'autres professions, comme les pédiatres ou les pédopsychiatres. Comment pouvons-nous conserver cette ouverture et ce partage de l'école avec le monde extérieur ?

Enfin, s'agissant de la prise en compte du mal-être, nous avons entendu les enseignants et d'autres intervenants dans l'école souligner que les décisions étaient trop verticales et qu'ils n'étaient pas suffisamment entendus. Comment envisagez-vous d'organiser des temps plus importants d'écoute, de débats et d'informations avec l'ensemble des équipes pédagogiques ?

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports

Merci, madame la rapporteure. Votre question sur le processus de décision est importante et elle n'est pas simple. La France, comme les autres pays du monde, a découvert un virus, dont les caractéristiques complètes sont encore méconnues et nous n'avons pu tirer les conclusions qui s'imposaient que progressivement. Nous devons collectivement, c'est-à-dire à l'échelle de l'humanité, assumer cette situation. Les incertitudes portant sur la contagion des enfants ont d'ailleurs conduit à une certaine prudence, ce qui a conduit à un confinement généralisé.

Je vous rappelle qu'avant le 15 mars 2020, la doctrine sanitaire, élaborée par les autorités de santé au début des années 2010, prévoyait la théorie des clusters et un confinement par territoire. D'ailleurs, au mois de mars 2020, l'Oise, le Morbihan, le Haut-Rhin ont été partiellement confinés, ce qui a permis à l'Education nationale de bénéficier d'un premier entraînement sur ces enjeux. Il est certain qu'avant le 15 mars 2020, j'ai dit qu'un confinement généralisé ne serait pas mis en place. Je traduisais alors cette doctrine qui était partagée par tous et qui ne prévoyait un confinement que par territoire.

Chacun le sait, le confinement généralisé a été prôné par le Conseil scientifique comme une mesure lourde et forte, pour arrêter l'accélération de la transmission du virus. Nous avons alors pu observer les effets de ce confinement sur la population générale et sur les enfants, en accueillant notamment ceux des personnels soignants. Nous n'avons pas constaté de phénomènes sanitaires particulièrement alarmants. Dans le même temps, les études se sont succédé et ont toutes conclu à la faible contagiosité des enfants entre eux et envers les adultes, ce qui impacte, de facto, le processus de décision. Désormais, nous pensons que l'école est le dernier endroit à fermer. Nous savons que les dégâts sociaux, psychologiques et pédagogiques sont très importants lorsque l'école est fermée, quelle que soit la qualité de l'enseignement à distance. Il ne s'avère donc pas souhaitable de fermer les écoles.

Néanmoins, nous en sommes capables. Le protocole sanitaire, élaboré au mois de juillet 2020 à la lumière de notre expérience, prévoit un scénario sanitaire et un protocole de continuité pédagogique. Ce protocole a été rendu public au mois de juillet 2020, même s'il a depuis connu quelques évolutions pour tenir compte de l'avis du Haut conseil de la santé publique. Pour en résumer la philosophie, nous avons tout d'abord décidé de fermer les classes ou les établissements à partir de trois cas positifs avérés. Il revient toutefois aux autorités sanitaires locales de réaliser une analyse qui conditionne la décision, et c'est pourquoi la situation peut varier d'un endroit à l'autre. Depuis la rentrée, nous demeurons relativement agiles sur ces fermetures et aujourd'hui 0,14 % des classes sont fermées. Ce système, selon moi, a plutôt bien fonctionné. Nous avons ainsi su fermer une classe ou un établissement lorsque la situation le nécessitait, mais également limité les fermetures, ce qui permet une continuité du service public de l'éducation depuis le mois de septembre 2020. Le processus de décision relève, par conséquent, de protocoles clairs et publics et de décisions locales, et j'espère qu'elles le resteront. Bien évidemment, je ne m'aventurerai pas à dire qu'un confinement généralisé ne sera pas de nouveau mis en place. Pour autant, nous continuons la stratégie mise en œuvre consistant à fermer les classes et les établissements de manière ciblée.

Par ailleurs, la question du présentiel est essentielle. Je partage vos interrogations, notamment celles portant sur les outils numériques. Indépendamment de la crise, nous devons de toute façon transmettre la culture numérique aux élèves. Ainsi, la programmation relève des apprentissages à l'école primaire et au collège, dans l'idée d'avoir une relation non superficielle au numérique. Je sais que ce sujet fait l'objet d'un grand nombre d'illusions. Ce n'est pas parce que nos enfants savent parfaitement utiliser un téléphone portable qu'ils sont des informaticiens. Nous devons donc être sérieux, rigoureux et exigeants sur le plan technique, pédagogique, éthique et déontologique. Nous avons, en parallèle, créé dans le cadre de la réforme du lycée, une nouvelle discipline « Informatique et Sciences du numérique » et l'enseignement informatique est systématique pour les élèves de seconde. Tout ceci a été accompagné de la création du CAPES en informatique et d'ici deux ou trois ans, nous créerons l'agrégation en informatique, pour que cette science devienne une discipline du système scolaire à part entière.

Dans le cadre de la crise, nous avons apporté des réponses immédiates, empiriques et je le sais, imparfaites. Nous avons ainsi distribué des ordinateurs, car nous savons très bien, en effet, qu'il existe une fracture numérique lorsque les familles ne disposent pas de matériel. Pour autant, en parallèle, nous devons former les élèves. C'est pourquoi nous avons lancé une expérimentation dans le Val d'Oise et dans l'Aisne, appelée « Territoire 100 % numérique ». Nous avons ainsi déployé des ordinateurs dans plusieurs écoles de ces deux départements en formant les professeurs et les élèves. Les parents n'ont pas été associés à cette formation et nous devrons probablement travailler davantage sur ce sujet. Ces expérimentations s'inscrivent dans les investissements d'avenir (PIA) ; elles s'accompagnent d'un système d'évaluation. De nouveaux départements devraient prochainement participer à cette expérimentation. Nous organisons d'ailleurs les 4 et 5 novembre 2020, les États généraux du numérique à Poitiers et en visioconférence qui permettront de faire des retours d'expérience, d'approfondir tout ce que je viens de vous dire et d'élaborer la stratégie future.

Par ailleurs, l'accusation envers l'Éducation nationale consistant à lui reprocher sa verticalité s'avère relativement classique. Pour vous répondre, je citerai une phrase d'Alain Touraine : « le technocrate est le technicien que l'on n'aime pas ». La verticalité est souvent évoquée lorsqu'il s'agit de critiquer un élément positif, comme le service public national. Je ne souhaite pas me faire l'avocat de la verticalité, car j'estime qu'elle est nécessaire tout comme l'horizontalité. Il est néanmoins possible que l'équilibre entre les deux ne soit pas parfait aujourd'hui au sein de l'Éducation nationale. Pour autant, nous devons conserver une certaine prudence lorsque nous évoquons la verticalité. En effet, nous sommes bien contents de bénéficier de programmes nationaux communs à tous les élèves et d'un système institutionnel qui fonctionne et qui résiste aux crises que nous traversons. Malgré les attaques sanitaires et terroristes, cette maison tient et j'en suis fier. Il est certain que davantage d'horizontalité s'avère nécessaire. D'ailleurs, le député Gaël Le Bohec a récemment réalisé une consultation intéressante qui montre bien ce besoin. Je l'entends et je l'appelle de mes vœux. Concrètement, cette horizontalité se traduit par plus d'autonomie, des collectifs pédagogiques qui disposent du temps nécessaire et d'un pouvoir de décision. Dans le cadre de la réforme du lycée, les collectifs pédagogiques sont amenés à opérer des choix sur les spécialités enseignées, les options et le nombre d'élèves par classe ; le lycée se prête davantage à l'horizontalité que le collège. Nous envisageons toutefois d'aller plus loin, car la verticalité et l'individualisme constituent des points faibles du système scolaire, qui ne facilitent pas le travail d'équipe. Nous ouvrons cet après-midi le Grenelle de l'Éducation, sachant que la date était prévue depuis longtemps. J'ai dû décider s'il fallait, ou non le maintenir face au drame que nous venons de vivre. Il m'a semblé que nous devions le maintenir pour ne pas nous laisser infléchir par ce drame et pour répondre à toutes les questions que vous vous posez, mais aussi les questions de protection des professeurs et de leur rémunération. J'espère que dans le cadre de ce Grenelle de l'Éducation, nous pourrons définir ce collectif pédagogique. Je rappelle les trois mots clés qui prévalent : reconnaissance, ouverture et coopération.

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Je vous propose d'en venir maintenant aux questions.

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Merci, Monsieur le Ministre, d'être parmi nous ce matin. J'interviens en tant que présidente du groupe d'études sur la surdité et la langue des signes. Je dois, en effet, porter à votre connaissance les nombreuses difficultés rencontrées par les parents, les enfants et les enseignants sourds ou évoluant dans un monde de sourds, sachant que ces difficultés m'ont été communiquées par la Fédération nationale des Sourds de France.

Lorsque les cours étaient dispensés en visioconférence par des professeurs signant, il a été extrêmement compliqué de trouver un logiciel de qualité, condition requise pour une qualité d'image optimale. Les professeurs n'ont pas trouvé mieux que Zoom et ils ont dû payer eux-mêmes cette application. Mais même avec Zoom, nous avons pu constater lors de votre audition à l'instant que vos gestes sont ralentis, voire hachés.

Les élèves n'ont pas eu accès aux cours à la suite d'un manque d'interprètes auprès des professeurs et ils n'ont pas pu non plus accéder au CNED. Les parents, ceux qui entendaient et ceux qui le pouvaient, ont toutefois pu aider leurs enfants. Il s'est néanmoins avéré difficile de trouver des supports et des vidéos doublées. Dans l'enseignement supérieur, cette accessibilité a été nulle. Les enfants et les adolescents ont particulièrement souffert de cet isolement lorsque les parents ne maîtrisaient pas la langue des signes.

De plus, depuis la rentrée, aucun masque inclusif n'est disponible. Ils doivent être livrés après les vacances de la Toussaint et les professeurs n'en portent donc pas pendant les cours.

La traduction en langue des signes à la télévision a été peu utilisée. Le Président de la République et le ministre des Solidarités et de la Santé sont toujours doublés, ce qui est fort apprécié des adolescents. En revanche, vous, Monsieur le Ministre, vous êtes rarement doublé par un interprète et toutes les informations annoncées ne sont pas directement comprises.

Enfin, au-delà de la crise de la Covid, les jeunes sourds sont demeurés en attente d'une explication directe sur l'assassinat de ce professeur de collège. Le sous-titrage ne remplace pas du tout un interprétariat en langue des signes, sachant qu'un grand nombre d'adultes et d'enfants sourds n'ont pas la capacité de lire ou de lire rapidement. Quelles sont les mesures que l'Éducation nationale envisage de prendre pour améliorer les conditions de vie à l'école, au collège et au lycée ? La situation est déjà difficile en dehors de toute crise sanitaire, mais avec ce virus, elle s'est empirée. Le monde des malentendants est en attente de votre réponse et je vous en remercie.

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Nous avons évoqué l'impact psychique et pédagogique de la crise sanitaire et je souhaite maintenant évoquer l'impact physique. Le confinement s'est traduit par une forte augmentation de la sédentarité des enfants, des jeunes et des étudiants. Selon la Fédération Française de Cardiologie, nos collégiens ont perdu, en cinquante ans, 25 % de leur capacité physique et respiratoire à la suite d'une utilisation intensive des écrans, qui s'est aggravée pendant cette crise, de l'alimentation et des activités physiques et sportives qui diminuent.

Béatrice Descamps et François Cormier-Bouligeon ont réalisé une évaluation sur le dispositif 2S2C (Sport, Santé, Culture, Civisme) et ils en ont conclu à un échec de cette modalité de retour à l'école, sachant que seulement 2,5 % des élèves du premier degré ont été concernés. J'aimerais donc connaître le nombre de sections sportives scolaires à la rentrée 2020. Combien ont été créées depuis deux ans ? Combien d'élèves sont concernés par l'expérimentation prévoyant des cours le matin et du sport l'après-midi ? Combien d'élèves sont concernés par le Plan d'aisance aquatique dès 4 ans et par le dispositif visant à réaliser trente minutes d'activité physique quotidienne ? Quel est le nombre de communes concernées par le « plan mercredi » et les cités éducatives, et comment sont financées les activités physiques et sportives ? Quels crédits budgétaires seront consacrés en 2021 au plan Savoir rouler à l'école pour les élèves de 6 à 11 ans ? Enfin, disposez-vous d'une estimation du taux de dispenses aux cours d'éducation physique et sportive et du nombre de certificats de complaisance, accordés aux élèves dans le premier et le second degré ?

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Du fond du cœur, je voudrais, à mon tour, rendre hommage à M. Samuel Paty et exprimer toute ma gratitude à l'ensemble des professeurs qui donnent à nos enfants les outils de leur émancipation et de leur autonomie. Permettez-moi également de vous remercier et à travers vous, tous les personnels de l'Éducation nationale, particulièrement mobilisés en cette période de crise où il est vital que tous les élèves puissent être à leur place, c'est-à-dire à l'école.

Au gré des auditions de cette commission d'enquête et des rencontres dans ma circonscription, je suis systématiquement alertée sur la vulnérabilité de la médecine scolaire. D'une part sur le nombre insuffisant, voire l'absence de médecins et d'infirmières dans certains établissements, situation d'autant plus critique en cette période de crise sanitaire, et d'autre part, sur une autre crise, celle des vocations. Comme vous le savez, depuis plusieurs années, l'Académie de médecine et le Haut Conseil de la Santé Publique, et dernièrement la Cour des Comptes, ont alerté sur les problèmes structurels de la santé scolaire en France. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

L'Éducation nationale accueille 15 000 jeunes en service civique qui jouent un rôle extrêmement intéressant dans une relation de pair à pair avec les élèves, notamment sur des sujets essentiels comme la citoyenneté ou l'environnement. Le Gouvernement a annoncé la création de 100 000 missions supplémentaires d'ici à la fin de 2021. Je souhaiterais savoir comment vous envisagez la montée en puissance de cette ressource au sein de l'Éducation nationale ?

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports

S'agissant de la question sur les élèves sourds et malentendants, j'ai bien entendu vos observations. Le tableau n'est toutefois pas si sombre, sachant que nous avons pris un grand nombre de mesures pendant le confinement pour ces élèves, que je n'ai absolument pas oubliés. De nombreuses ressources ad hoc ont été produites pendant cette période et le CNED s'est également adapté à cet enjeu.

De plus, les masques inclusifs sont livrés progressivement sur le terrain et une grande quantité sera livrée après les vacances, sachant que l'homologation de ces masques n'est intervenue qu'à la fin du mois d'août 2020. Vous m'apprenez, par ailleurs, que je suis rarement doublé. Je prends donc note de votre remarque afin d'améliorer cette situation, notamment pour que les parents et les enfants sourds et malentendants puissent mieux me comprendre.

Par ailleurs, la lutte contre la sédentarité constitue un enjeu important. C'est pourquoi, avec Roxana Maracineanu, nous sommes mobilisés pour qu'une véritable synergie se traduise sur un grand nombre de sujets et à cet effet, nous avons tenu une conférence de presse il y a trois semaines.

Je suis en désaccord avec Monsieur Régis Juanico sur la question de l'échec du dispositif 2S2C. En effet, même si 2,5 % des élèves du premier degré ont été concernés, il ne s'agit cependant pas là d'un échec, sachant que cette opération d'urgence, mise en œuvre au mois de juin 2020, reposait sur le volontariat et qu'elle était expérimentale. Nous avons toutefois pu analyser les forces et les faiblesses de cette expérimentation très riche. Les communes ont ainsi souligné qu'elles ne souhaitaient pas se charger de sujets scolaires, ce qui rend le partage des tâches très clair. Le dispositif 2S2C a, en outre, contribué à améliorer le dispositif des « vacances apprenantes » de la période estivale.

S'agissant des certificats de complaisance, il s'avère possible d'étudier ce sujet dans le cadre de la loi sur le séparatisme. Elle pourrait, en effet, octroyer des moyens juridiques vis-à-vis des médecins qui signent de tels certificats.

S'agissant de la médecine scolaire, nous sommes face à un problème d'attractivité qui sera évoqué lors du Grenelle de l'Éducation. À court terme, nous devons réaliser un travail plus coopératif avec les moyens médicaux disponibles en dehors du système scolaire. À moyen et long terme, nous devons continuer à ouvrir des postes pour la médecine scolaire tout en les rendant plus attractifs.

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Je vous remercie, M. le Ministre, d'être présent parmi nous aujourd'hui. Vous avez précédemment évoqué la mise en place d'heures supplémentaires pour des stages de réussite et de soutien scolaire pour les élèves en difficulté. Nous savons qu'au cours de cette crise sanitaire, humaine et économique, un grand nombre d'élèves a été déscolarisé et éprouve des difficultés avec les savoirs fondamentaux. De fait, qui sera éligible à ce soutien scolaire et à ces stages de réussite ? Combien de temps les enfants pourront-ils en bénéficier ?

Par ailleurs, je sais qu'avec Sophie Cluzel, vous travaillez sur la situation des élèves en situation de handicap. L'école inclusive est une réalité qui s'impose à nous et 8 000 postes d'AESH supplémentaires ont été créés. Quel bilan pouvez-vous dresser de la rentrée scolaire de ces enfants ?

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Je souhaite tout d'abord citer Victor Hugo qui a dit « ouvrons des écoles, nous fermerons des prisons. » Il me semble que nous devons également soutenir nos écoles pour éviter les divisions. Il s'avère, en effet, aujourd'hui nécessaire de soutenir les écoles et les professeurs pour aider les élèves. Lors des auditions de la semaine dernière, des cellules psychologiques locales ont été évoquées pour les élèves, mais ne serait-il pas urgent de mettre en place des psychologues dans les écoles pour aider les professeurs qui sont fatigués et stressés ?

Par ailleurs, les élèves de terminale sont actuellement relativement inquiets. Est-il possible d'anticiper les effets de cette crise et d'adapter le système ParcourSup ?

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Cette commission d'enquête a notamment pour thème la prévention de la crise sanitaire sur les enfants et la jeunesse. Il est certain que la verticalité doit être équilibrée avec l'horizontalité. Nous avons libéré une forme de parole, mais nous devons désormais libérer l'écoute.

Le Professeur Grégory Michel de l'Université mixte de recherches de Bordeaux a ainsi montré que la pleine conscience et le renforcement de l'attention faisaient progresser la classe et réduisaient les inégalités. Pendant le confinement, un grand nombre de professeurs de Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) m'ont indiqué qu'ils déployaient ces pratiques, mais souvent de manière cachée. Comment pouvons-nous les démocratiser pour redonner confiance aux enfants ?

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S'agissant du dispositif 2S2C, notre travail n'a effectivement pas montré que tout était négatif. Il était équilibré et correspondait à la réalité du terrain. Il a ouvert de nombreuses pistes de réflexion qui peuvent aujourd'hui être approfondies. Par ailleurs, pensez-vous que la situation que nous avons vécue a changé la relation entre l'Éducation nationale et les collectivités territoriales ?

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Je tiens à souligner l'engagement des enseignants et des collectivités dans la protection de l'enfance du département du Bas-Rhin. Nous avons également bien travaillé avec les éducateurs des Maisons d'enfants à caractère social. Toutefois, certaines familles modestes ne disposent toujours pas de matériel informatique et de connexion Internet pour travailler à distance. Il convient, par conséquent, de trouver des dispositifs, de soutenir davantage les collectivités et les associations caritatives qui fournissent du matériel informatique à ces familles pour éviter la rupture numérique et éviter ainsi le décrochage scolaire.

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L'Éducation nationale peut être fière de sa réactivité pendant la crise sanitaire et elle a su faire preuve d'une grande capacité d'adaptation dans un contexte inédit. La question de la remédiation scolaire pour pallier les éventuels retards d'apprentissage de certains élèves est centrale. Même si nos enseignants ont réalisé un travail remarquable pendant le confinement, tous les élèves ne sont certainement pas parvenus à acquérir l'ensemble des connaissances et savoir-être nécessaires pour poursuivre sereinement leur apprentissage. Si le dispositif « devoirs faits » constitue une bonne réponse, il n'est pas déployé sur l'ensemble du territoire. De plus, il ne concerne que les élèves de collège. Dès lors, M. le ministre, que préconisez-vous pour accompagner les élèves les plus en difficulté suite au confinement ? Ne pourriez-vous pas approfondir la piste du service civique ou celle de la préprofessionnalisation pour apporter un renfort dans la classe, notamment en primaire, si toutefois les évaluations en CP et CE1 montrent que le confinement a eu des conséquences importantes sur les résultats des élèves.

S'agissant des dispenses, il me semble que ce sujet est entièrement lié à la médecine scolaire.

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J'ajoute que pendant le confinement, de nombreux jeunes ont regardé des contenus éducatifs sur des chaînes spécialisées, comme YouTube. Comment l'Éducation nationale pourrait-elle s'approprier ce canal ? Je rappelle, enfin, qu'en matière de prévention, une mission flash a été réalisée, il y a trois ans, sur la prévention de la délinquance et la radicalisation au sein de l'école.

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Comment est-il possible de renforcer les partenariats entre l'Éducation nationale et les associations qui jouent un rôle important de relais ?

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Jean-Michel Blanquer, Ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports

Chacune de vos questions nécessite une réponse approfondie. Je partage vos propos, notamment ceux sur la nécessité des psychologues et sur la pleine conscience. S'agissant du dispositif « devoirs faits », il a vocation à être mis en œuvre au sein de chaque collège. Si tel n'est pas le cas, il convient donc d'en référer à l'inspection académique. Tous les collégiens peuvent bénéficier de ce dispositif et à l'école primaire, ce soutien se traduit par une aide spécialisée.

Je compléterai mes réponses par écrit et je vous les ferai parvenir. Je vous remercie toutes et tous.

L'audition s'achève à dix heures trente.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 9 heures

Présents. – Mme Marie-George Buffet, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fabienne Colboc, Mme Béatrice Descamps, Mme Marianne Dubois, M. Régis Juanico, M. Gaël Le Bohec, M. Philippe Meyer, Mme Sandrine Mörch, Mme Florence Provendier, M. Frédéric Reiss, Mme Sylvie Tolmont, Mme Souad Zitouni

Excusés. – Mme Sandra Boëlle, M. Bertrand Sorre