Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française
Jeudi 16 septembre 2021
La séance est ouverte à neuf heures quarante.
(Présidence de M. Philippe Benassaya, président de la commission, puis de M. Jacques Krabal, vice-président)
La présente commission d'enquête a été créée à la demande du groupe Les Républicains, auquel j'appartiens, aux fins d'identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française. Alors qu'ils sont constatés de longue date, les pouvoirs publics peinent souvent à les traiter. Le cadre d'investigation, vaste, va vous être exposé par Mme Caroline Abadie.
Lors de l'audition du directeur de l'administration pénitentiaire du 15 septembre 2021, il a été question de l'APIJ – l'Agence publique pour l'immobilier de la justice –, que vous dirigez ; celle-ci joue en effet un rôle central dans la programmation et la mise en œuvre de la rénovation et de l'extension du parc pénitentiaire français.
Il vous est demandé, pour commencer, de vous livrer à un petit exposé général d'une dizaine de minutes, afin de nous apporter de premiers éclairages. Pour information, je devrais me retirer à dix heures dix ; je céderai alors la présidence à M. Jacques Krabal.
La question du parc immobilier va être très importante dans le cadre de la présente commission d'enquête. Cette dernière a pour objectifs d'identifier les impacts de la surpopulation carcérale sur : la radicalisation ; les conditions de détention ; la réponse pénale ; la réinsertion ; le traitement carcéral des délinquants mineurs.
Il nous semble important de débattre avec vous du parc immobilier, des conditions de détention, de l'encellulement individuel et des différents moratoires afférents et de la sécurisation de la détention, la laïcité et les ressources humaines, qui devraient être au cœur de votre audition.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mme Marie-Luce Bousseton prête serment.)
L'APIJ est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la double tutelle du ministère de la justice et du ministère du budget. Comme précisé par décret, elle a pour missions : de réaliser toute étude et analyse préalables relatives aux investissements immobiliers ; d'assurer la réalisation d'opérations de construction et de réhabilitation ; de mener à bien toute mission d'assistance dans le domaine du patrimoine immobilier.
L'APIJ agit en qualité de maître d'ouvrage de plein exercice ou de mandataire, dans le cadre des grands projets pénitentiaires. Un protocole de maîtrise d'ouvrage vient cadrer le déroulement d'un projet, ainsi que les rôles de l'APIJ, de l'administration pénitentiaire et du conseil d'administration de l'APIJ, par lequel transitent les commandes.
Les besoins pénitentiaires ne sont pas définis par l'APIJ, mais par la DAP – la direction de l'administration pénitentiaire –, laquelle débloque les budgets requis. L'APIJ dispose, par décret, de l'ensemble des compétences juridiques requises pour conduire les projets, de la conduite des opérations de recherche foncière, avec les préfets, jusqu'aux études préalables et financières. Elle peut : diligenter, avec les préfectures, l'ensemble des démarches permettant de rendre constructibles les sites d'implantation des projets ; acquérir, pour le compte de l'état, les terrains nécessaires à la construction des établissements pénitentiaires, soit par voie amiable, soit par voie d'expropriation ;
L'APIJ est également chargée : de la fixation du programme des locaux ; de la réévaluation, de manière très précise, du budget consacré aux opérations ; de la définition, en pleine responsabilité, des modalités afférentes aux appels d'offres ; du pilotage des études de conception et des chantiers, jusqu'à la remise des clés à l'administration pénitentiaire ; de l'accompagnement, durant un an voire plus, de la garantie de parfait achèvement des ouvrages.
En sa qualité d'opérateur et forte de son expérience, l'APIJ réalise également les guides de programmation et les référentiels en lien avec les domaines judiciaires et pénitentiaires. Elle définit les locaux nécessaires à l'exécution de la politique pénitentiaire, qu'il s'agisse de maisons d'arrêt, de centres de détention ou de SAS – structures d'accompagnement vers la sortie – par exemple. Elle met donc des locaux à disposition de l'administration pénitentiaire, en tenant compte de la politique de détention édictée par cette dernière. Existe ainsi une relation très étroite entre la politique pénitentiaire et la conception des bâtiments, qui se matérialise généralement au sein de groupes de travail.
La mise en œuvre du programme 15 000 est extrêmement avancée.
La première phase, le programme 7 000 peut se résumer comme suit.
Depuis 2017, sept opérations ont été livrées, pour un total net de 2 000 places de détention. En pratique, elles ont représenté 3 600 places brutes, ramenées à 2 000 places nettes du fait de fermetures. De plus, dix-huit opérations font actuellement l'objet de travaux ou donneront lieu à des travaux d'ici la fin de l'année, ce qui représente une activité inédite. Elles correspondent à la production nette de 3 700 places, au sein de sept maisons d'arrêt ou centres de détention et de onze SAS. Pour certains d'entre eux, les opérations de gros œuvre sont d'ores et déjà bien engagées.
En outre, quatre opérations en sont encore à l'étude de conception, pour plus de 1 260 places. S'agissant de l'établissement de Baie-Mahault en Guadeloupe, les étapes liées à la concertation publique ont été franchies et les travaux devraient débuter en 2022. S'agissant du SAS de Ducos, qui a été commandé en 2019, les travaux devraient débuter en 2022. S'agissant de la maison d'arrêt et du SAS de Loos, comme on est dans le périmètre d'un site SEVESO dont l'activité progresse, cela vient complexifier les études de conception – en la matière, l'accident de Lubrizol a fait évoluer les pratiques.
S'y ajoutent des opérations menées par la DAP, pour un total de 180 places. Elles ont été livrées – c'est le cas du QSL, ou quartier de semi-liberté, de Saint-Martin-Boulogne – ou sont en travaux – c'est le cas du site de Koné en Nouvelle-Calédonie.
La deuxième phase, le programme 8 000, est largement engagée ou devrait s'engager de manière très active.
Ainsi, cinq projets, représentant 2 750 places, ont été lancés en 2019 et ont franchi le cap des concertations publiques, voire plus : quatre opérations ont ainsi franchi le cap des enquêtes publiques et ont obtenu leur DUP – déclaration d'utilité publique. Elles en sont au stade de l'appel d'offres et des démarches d'expropriation et renvoient : à la maison d'arrêt de Seine-Saint-Denis, extension de Villepinte ; au site des Murets ; à un site près d'Avignon ; au projet de Saint-Laurent-du-Maroni, qui associe l'ensemble des services judiciaires.
La cinquième opération concerne la maison d'arrêt de Rivesaltes. La consultation publique a eu lieu. L'heure en est à la programmation du futur appel d'offres. Le dossier d'enquête publique, pour sa part, fera l'objet de démarches au second semestre 2022.
En complément, cinq consultations publiques sont en cours de préparation, pour la fin de l'année 2021 ou le début de l'année 2022. Elles concernent des sites localisés à Nîmes, au Muy dans le Var, à Crisenoy en Seine-et-Marne, à Vannes et dans l'agglomération d'Angers. Elles représentent 3 200 places.
La dernière vague, pour un total de 1 800 places, viendra se mettre en place des concertations au second semestre de l'année 2022, pour les sites de Noiseau, dans le Val-de-Marne, de Bernes-sur-Oise, dans le Val-d'Oise, et de Pau.
S'ajoute à ces opérations le programme lié aux trois opérations Insert. La plus avancée d'entre elles concerne le site d'Arras. En effet, le dossier de programmation et d'appel d'offres est en cours de finalisation. S'agissant de la maîtrise foncière, qui est publique, un dialogue a été ouvert avec la communauté urbaine d'Arras. Concernant les deux projets – qui concernent les villes de Toul et de Donchery – les sites ont été identifiés. L'heure en est aux études préalables. Ces deux projets seront plus simples à mettre en œuvre du fait de leur taille : ils ne seront ainsi pas soumis à une procédure de concertation publique. Deux à trois autres SAS seront probablement créés, dont celui de Chalon-sur-Saône, qui fait d'ores et déjà l'objet d'une étude préalable.
Par ailleurs, des schémas directeurs – hors programme 8 000 – ont été commandés à l'APIJ, aux fins de préparer la rénovation de grands sites comme Fresnes ou Poissy par exemple.
Pour information, l'APIJ n'intervient pas sur les quartiers vétustes des prisons. En effet, elle se concentre sur des grands projets et ne s'occupe pas de petites opérations ponctuelles de rénovation en site occupé. Les projets de moins de 10 millions d'euros sont plutôt portés par les directions interrégionales des services pénitentiaires de l'administration pénitentiaire. Bien évidemment, l'APIJ s'occupe de grandes opérations de réhabilitation, comme aux Baumettes, à la Santé, à Fleury-Mérogis ou à Basse-Terre.
Au total, l'APIJ s'appuie, pour mener à bien ses projets, sur 134 ETP – équivalents temps plein –, dont 60 % sont dédiés aux activités pénitentiaires. Elle n'a eu droit à aucun nouvel emploi au titre la loi de finances pour 2021. Néanmoins, elle a bénéficié de redéploiements internes, le lancement du programme 8 000 étant extrêmement tendu. En tout état de cause, elle devrait connaître un renforcement de ses moyens en 2022, avant un plateau en 2023 : la décélération devrait plutôt intervenir en 2025 ou 2026. Enfin, en tenant compte des activités judiciaires et pénitentiaires, elle gère plus de 5 milliards d'euros de commandes. Sur cette base, une maîtrise d'ouvrage de 150 personnes est assez limitée.
Les programmes de construction portent-ils sur des établissements à taille humaine, d'environ 400 places ? Vous est-il arrivé de rencontrer beaucoup de blocages ou de résistances de la part de riverains ou d'élus locaux ?
L'APIJ ne fixe pas la taille des établissements évoqués. Celle-ci est fonction des besoins de l'activité judiciaire : en règle générale, elle représente de 400 à 600 places. Il n'en demeure pas moins que certains établissements peuvent être de plus grande taille, notamment en Ile-de-France. En Seine-Saint-Denis ainsi, l'extension du site de Villepinte aboutira à un établissement de 1 300 à 1 400 places.
La question de la taille humaine des établissements ne se résume pas à l'architecture des sites. Elle est également travaillée à travers la conception des quartiers de détention. Un quartier de confiance, avec une circulation plus libre des détenus, et un quartier sécurisé n'appellent pas la même réponse architecturale. Dorénavant, l'APIJ produit des centres de détention moins concentrationnaires que par le passé. Certes, la sécurité doit continuer à primer ; on essaie toutefois de l'intégrer de manière différente selon les profils. À titre d'exemple, les quartiers réservés aux femmes ne sont pas conçus de la même manière que ceux dédiés aux hommes, car elles ne provoquent pas les mêmes dégradations que ces derniers. Les quartiers réservés aux mineurs sont également conçus différemment.
Enfin, l'APIJ rencontre des résistances. Cela étant, chaque grand projet, quel qu'il soit, y est confronté. En effet, tous les maîtres d'ouvrage font face à un dialogue difficile avec les riverains, les associations et les élus. À l'évidence, les projets pénitentiaires se heurtent à des résistances encore plus fortes que les projets plus traditionnels : il convient donc de faire acte de conviction. Lors des recherches foncières, les préfets essaient d'ouvrir un dialogue local. Il convient également : de produire un cahier des charges trouvant le bon compromis entre le besoin et la typologie du terrain ; d'engager un dialogue fort avec les élus du territoire, par l'intermédiaire des préfets.
Il est ainsi primordial de démystifier les risques liés aux prisons. In fine, la puissance publique peut mobiliser un certain nombre d'outils, au nom de l'intérêt général.
Vous venez de nous présenter l'état d'avancement du programme 15 000. J'en déduis que vous avez réussi à surmonter la plupart des freins rencontrés. Je suppose que certains d'entre eux vous ont peut-être amenés à déplacer un projet dans un département voisin par exemple. De quels leviers d'action disposez-vous pour lever les freins rencontrés ? J'imagine que l'attractivité économique peut être l'un d'eux, avec la création d'une activité et l'accueil de nouveaux habitants et, par extension, de nouveaux consommateurs. Quels autres leviers avez-vous identifiés ? Des leviers fiscaux pourraient-ils être mis en œuvre ?
Enfin, la diversité des régimes de détention s'est accentuée au cours des dernières années. À l'occasion d'une précédente audition, a été évoqué le coût d'une place de prison. Tous les détenus, à ce titre, ne nécessitent probablement pas tous d'être soumis au même arsenal. Pourriez-vous, en conséquence, nous apporter des précisions sur les coûts, à grande maille, des différents régimes de détention ?
M. le président Philippe Benayassa se retire à dix heures dix et cède la présidence de la commission à M. Jacques Krabal.
Le dialogue constitue notre premier levier d'action. En effet, la politique pénitentiaire relève d'un enjeu national qu'il convient de relever. En conséquence, il nous faut ouvrir des discussions avec les élus pour cerner les différentes contraintes à prendre en compte.
En parallèle, certains leviers économiques peuvent être activés, notamment au bénéfice des communes de petite taille. Ainsi, les détenus sont comptabilisés dans la population de ces dernières, ce qui n'est pas sans conséquences sur la DGF – la dotation globale de fonctionnement –, alors que les établissements ne créent aucune charge. En revanche, les détenus ne sont pas comptabilisés au titre de la loi SRU – relative à la solidarité et au renouvellement urbains –, par exemple ; il pourrait être envisagé d'y remédier dans certaines communes. En complément, l'APIJ prend en charge l'ensemble des impacts de ses centres, sur la voirie ou l'assainissement par exemple. L'idée est en effet de veiller à ce que les établissements ne pèsent pas, au plan financier, sur les collectivités locales.
Par ailleurs, le premier coût d'un projet est lié à la surface des bâtiments associés. Au cours des dix dernières années, le nombre de mètres carrés par détenu a nettement progressé, ce qui atteste d'une amélioration des conditions de détention et des conditions de travail. Ainsi, il est passé de 28 à 35 mètres carrés par détenu, pour un établissement de 500 à 600 places. Cet essor a notamment découlé : de l'intégration accrue, dans les programmes, des locaux dits d'activité ou d'insertion ; des ambitions affichées par l'administration pénitentiaire, qui entend faire progresser les activités des détenus ; de l'amélioration des locaux mis à disposition du personnel – espaces de repos ou autres.
Une loi de 2011 a créé deux types d'établissements : des établissements à sécurité adaptée, comme celui de Lutterbach, qui ne disposent ni de filins anti-hélicoptères ni de miradors ; des établissements à sûreté renforcée ou normale, qui en disposent.
Par ailleurs, la sécurité peut être passive et définie dans la conception même des établissements. Il n'est en effet pas nécessaire d'installer des clôtures et des barbelés partout. Il est tout à fait possible de cheminer le long d'un mur, ce qui donne à l'environnement un aspect beaucoup moins concentrationnaire.
Depuis des années, un travail de renouvellement des architectes en charge de la conception des établissements pénitentiaires est mis en œuvre, aux fins d'apporter du sang neuf aux réflexions. De surcroît, l'APIJ a beaucoup travaillé avec l'administration pénitentiaire, dans l'idée d'alléger un certain nombre de contraintes et d'apporter un même niveau de sécurité dans un environnement moins concentrationnaire. Sur ce plan, l'établissement de Lutterbach me semble être exemplaire.
Depuis le début de nos auditions, est évoqué l'encellulement individuel. Quel est, en la matière, le parti pris des architectes ? À titre personnel, je demeure pour le moins interrogatif quant aux effets psychologiques de ce dernier. Quels sont les choix effectués aujourd'hui ? L'encellulement individuel est-il privilégié ? À défaut, des réflexions ont-elles été engagées, autour de cellules respectant la dignité humaine mais dans un cadre plus collectif ?
Enfin, vous avez évoqué, de manière très détaillée, le programme de construction de places de prison. Les opérations de réhabilitation lourde sont de votre ressort. En revanche, celles qui représentent moins de 10 millions d'euros relèvent des directions régionales. Ne serait-il pas pertinent de créer un programme global ? En effet, j'ai le sentiment que les établissements de plus petite taille, comme celui de Château-Thierry, concentrent les problèmes architecturaux ou les problèmes d'accueil des détenus.
Je ne suis pas chargée de la gestion des 181 établissements qui forment le patrimoine pénitentiaire : elle relève de la responsabilité de l'administration pénitentiaire. Il ne m'incombe que de m'occuper des chantiers et opérations qui me sont confiés.
L'administration pénitentiaire a estimé avoir besoin de 15 000 places de détention à terme. Il m'appartient de produire des établissements permettant l'encellulement individuel. En parallèle, les cellules individuelles ont un poids de 80 %, quand les cellules doubles, qui sont privilégiées par certains détenus, ont un poids de 20 %.
En complément, les locaux permettent aux détenus de prendre part à des activités de réinsertion. Les grands établissements, à titre d'exemple, se composent de quartiers diversifiés, avec des quartiers de confiance et des locaux collectifs propices à la sociabilisation, des bibliothèques, des salles de sport et des salles de musculation ou des locaux d'enseignement et de formation professionnelle.
Quoi qu'il en soit, l'APIJ met à disposition de l'administration pénitentiaire l'ensemble des locaux permettant aux détenus de bénéficier, comme le prévoit la loi depuis 2009, de cinq heures d'activité par jour au minimum. L'administration pénitentiaire, de surcroît, souhaite que de plus en plus de détenus exercent des activités : l'ATIGIP, créée par la loi de programmation, a d'ailleurs vocation à l'y aider.
Dans ma circonscription, une gendarmerie a récemment été livrée : malheureusement, s'y posent des problèmes de garantie et de malfaçons. Comment vous assurez-vous de maîtriser ces problématiques ?
Il s'agit de l'un de nos axes de préoccupation majeur. En effet, la presse a pu se faire l'écho de problèmes de mise en service de télévisions dans les cellules par exemple.
En conséquence, un plan d'action a été engagé sur ce plan, aux fins de renforcer la qualité des opérations de construction. Dans ce cadre, des audits ont été conduits en 2019 et 2020 : ils portaient sur des projets venant d'être livrés. En pratique, les corps techniques les plus fréquemment en défaut étaient ceux qui s'occupaient des courants forts, des courants faibles et de la plomberie.
L'APIJ a développé, sur les sujets de cette nature, une posture extrêmement volontariste : j'ai ainsi créé, en 2019, une direction de la qualité construction, afin de développer et piloter des schémas de contrôle qualité, en phase d'études et en phase de travaux. Ces démarches de qualité, auxquels les chefs de projet de l'APIJ ont été formés, ont été contractualisées dans les marchés de conception et de réalisation. De surcroît, les assistants à maîtrise d'ouvrage technique, qui nous accompagnent dans le pilotage des contrats, ont été sensibilisés à ces sujets. J'ai également reçu les grands groupes du monde du BTP pour leur exposer un retour des audits réalisés et les inviter à déployer, en interne, des démarches qualité. Enfin, les clauses de réception de travaux ont été réécrites, pour faire face à d'éventuelles malfaçons. La durée des garanties de parfait achèvement a également été portée de douze à seize mois.
Hier encore, le DAP évoquait la situation de 1 300 détenus contraints de dormir à même le sol. Les élus locaux sont demandeurs de davantage de concertation, mais également d'incitations financières supplémentaires, à travers la dotation globale de fonctionnement.
Les programmes immobiliers en cours ou à venir comptent-ils des maisons d'arrêt ou des prisons ayant prévu de déployer des unités dédiées aux détenus radicalisés, avec l'idée de les isoler pour éviter qu'ils fassent acte de prosélytisme ? D'ailleurs, des unités de cette nature ont déjà été mises en œuvre.
Les projets en cours intègrent tous des quartiers spécialisés en fonction des profils des détenus. Au-delà des quartiers de confiance ainsi, des unités dédiées aux détenus violents ont été introduites dans les programmes à partir de 2019. Elles sont destinées à des hommes majeurs et violents, susceptibles d'être à l'origine d'agressions, lesquels y sont placés après décision en commission pluridisciplinaire. En complément, des quartiers de prise en charge renforcés sont créés depuis 2019 : ils sont à destination d'hommes majeurs issus de maisons d'arrêt et susceptibles d'adopter des comportements provocateurs, à défaut d'être violents.
Enfin, l'administration pénitentiaire a développé, sans attendre les programmes 7 000 et 8 000 et au sein des centres existants, des quartiers dédiés aux personnes radicalisées. En tout état de cause, je ne suis pas en charge de la typologie des quartiers à implanter dans les centres disciplinaires.
Au-delà des quartiers aménagés dans des centres existants, les programmes immobiliers en cours ou à venir intègrent-ils des unités dédiées aux détenus radicalisés ? Du fait des caractéristiques architecturales des établissements existants en effet, ces derniers peuvent être en contact avec d'autres détenus.
À ma connaissance, le programme 7 000 ne prévoit pas la construction de quartiers dédiés aux détenus radicalisés. Je n'ai pas connaissance du détail de l'ensemble des quartiers inhérents au programme 8 000. Il n'en demeure pas moins qu'il n'y a pas, d'un quartier à l'autre et quelle qu'en soit la nature, de « covisibilité » dans les établissements construits. Il est donc assez facile, sur cette base, de constituer des quartiers permettant d'isoler des détenus spécifiques.
Les quartiers susceptibles d'accueillir des détenus radicalisés pourraient-ils trouver leur place dans les quartiers différenciés que vous avez évoqués ?
Absolument. Toutes les unités constituées sont autonomes et isolées, ce qui permet à l'administration pénitentiaire de faire évoluer, au fil des ans, de faire évoluer la gestion de la détention.
Tout à fait.
Le DAP, hier, nous a apporté une vision de la ventilation et des délais de livraison des 7 000 places de prison devant être construites. Vous avez évoqué l'allongement de la durée d'allongement de la garantie de parfait achèvement, portée de douze à seize mois. Sur quelles bases légales vous êtes-vous appuyée pour l'étendre ? S'agit-il d'une simple disposition contractuelle ? A contrario, avez-vous sollicité une dérogation légale ?
Il s'agit d'une clause contractuelle. Il n'est pas nécessaire de déroger à une norme spécifique. Une garantie de parfait achèvement débute à la date de réception des locaux ; or les délais moyens de test et de mise en service, par l'administration pénitentiaire, des grands établissements s'établissent à quatre mois. Cela ramenait donc à huit mois le délai d'évaluation de ces derniers en fonctionnement. Aussi le choix a-t-il été fait de l'allonger de quatre mois, pour pouvoir valider le parfait achèvement sur une durée de douze mois.
S'agissant du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, une discussion contractuelle s'est engagée entre l'administration pénitentiaire et l'opérateur, aux fins que ce dernier engage des opérations lourdes de ragréage du sol, lequel était très dégradé. Au-delà de la garantie de parfait achèvement, mettez-vous en place des extensions de garanties avec les opérateurs ?
La garantie décennale s'applique. Elle est donc activée par l'administration pénitentiaire si besoin, avec le support technique de l'APIJ. Si j'ai bien compris le sens de votre question en revanche, il n'y a pas d'assurance dommage ouvrage dans le cadre des projets neufs ; d'ailleurs, les coûts de cette dernière seraient trop élevés au regard des frais potentiels à engager, sauf cas particulier bien évidemment. Lors d'interventions dans un bâtiment en site occupé ainsi, une telle garantie peut être utile, afin de bénéficier d'une prise en charge réactive.
Je suis membre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je ne doute pas que les notions de haute qualité environnementale et de transition énergétique sont au cœur des programmes de construction. Pour autant, êtes-vous engagée dans le déploiement des énergies renouvelables ? À titre d'exemple, essayez-vous de développer le recours à l'énergie photovoltaïque ?
Ce défi est sans doute encore devant nous. En la matière en effet, il nous reste des progrès à réaliser. Cela étant, nos cahiers des charges introduisent une obligation de recours à 10 % d'énergies renouvelables.
Oui. Les établissements pénitentiaires ne sont pas soumis aux mêmes références que les logements traditionnels. Il n'en demeure pas moins que la question des énergies renouvelables est l'un de nos sujets de préoccupation. Le premier enjeu renvoie au confort des détenus l'été, sans pour autant déployer des dispositifs de climatisation ou de rafraîchissement. En d'autres termes, comment assurer un confort satisfaisant l'été sans mettre en place de tels dispositifs ? Cette problématique fait l'objet d'un travail de conception très important, qui donne ensuite lieu à des vérifications poussées. En effet, il existe souvent un écart important entre les éléments calculés et la réalité. Des audits ont été menés sur ce champ.
S'agissant du domaine pénitentiaire, des démarches qualité ont été déployées pour vérifier les calculs des concepteurs. Elles sont extrêmement attentives à la ventilation naturelle, à l'orientation des bâtiments ou au caractère traversant des bâtiments. Enfin, la profession travaille également sur les bétons à bas carbone et des travaux sont menés avec les services de l'écologie, sur les normes applicables.
La réunion se termine à dix heures quarante
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Françoise Ballet-Blu, M. Philippe Benassaya, M. Éric Diard, M. Sacha Houlié, M. Jacques Krabal
Excusés. - M. Alain David, M. Stéphane Trompille