La commission entend MM. Éric Lenoir, directeur général d'Euler Hermes France, Antonio Marchitelli, directeur général France et Europe de l'ouest de Coface, et Yves Poinsot, directeur général d'Atradius France.
Au début de l'année, chers collègues, nous avons souhaité rencontrer les principaux acteurs de l'assurance-crédit inter-entreprises. En effet, alors qu'entraient en vigueur des mesures de soutien à l'économie, l'assurance-crédit revenait régulièrement dans les débats, évoquée tant par des organisations représentant le monde des entreprises que par des parlementaires, qui faisaient part de problèmes remontés du terrain.
L'assurance-crédit joue évidemment un très grand rôle, et notre commission serait heureuse, messieurs les directeurs généraux, que vous en présentiez les enjeux, -- avec, de préférence, quelques chiffres - ainsi que l'évolution et le fonctionnement au cours de cette crise dont nous aimerions voir enfin le terme. Nous aimerions aussi connaître votre sentiment sur les dispositifs de complément d'assurance-crédit public (CAP) mis en place ou réactivés pendant la crise : CAP, CAP +, CAP Relais sont-ils des réponses pertinentes ?
Si elles peuvent paraître un peu générales, ces questions n'en sont pas moins fondamentales du point de vue du fonctionnement de notre économie et de la promotion de nos exportations, en une période où notre balance commerciale est soumise à rude épreuve.
Il est communément admis que le crédit inter-entreprises représente environ 600 milliards d'euros en France, ce qui équivaut à plus du triple des concours bancaires. Un tiers du crédit inter-entreprises fait l'objet d'une garantie par l'assurance-crédit. Il convient de le garder à l'esprit : les entreprises assurées ne représentent qu'un tiers du crédit inter-entreprises.
Quant à son fonctionnement, l'assurance-crédit présente une particularité importante par rapport aux autres sociétés d'assurances que vous avez pu, mesdames et messieurs les députés, rencontrer dans l'exercice de vos mandats : elle repose sur la prévention, qui fait à la fois son sel et son intérêt dans la couverture des échanges commerciaux, pour répondre à la demande de nos assurés. C'est la prévention qui permet aux assureurs-crédits de proposer une gamme de couvertures des échanges à des prix de marché qui ne sont pas corrélés à la nature du risque.
En 2013, nous avions estimé qu'une approche assurantielle pure commanderait que nos taux de prime s'élèvent à 4 % – et nous parviendrions au même ordre de grandeur aujourd'hui. Or les taux de prime que nous appliquons sont plutôt cent fois inférieurs. C'est parce que notre modèle économique repose sur la prévention que nous ne demandons pas un taux de l'ordre de 4 %, que bien des entreprises ne pourraient se permettre, car il est supérieur, dans nombre de cas, à leur taux de marge nette.
Nous détaillerons sans doute notre point de vue sur les dispositifs gouvernementaux de soutien à la faveur des questions qui nous seront posées. Disons simplement que l'architecture des dispositifs français, un peu différente de celle des autres pays européens, s'est construite autour de CAP et CAP +, dispositifs socles de soutien de l'assurance-crédit et des échanges commerciaux, relancés après avoir été mis en place en 2009-2010. Est venu s'y adjoindre CAP Relais, mis en place avec la Caisse centrale de réassurance (CCR) et reposant sur une répartition des pertes et une cession des primes selon une quote-part. CAP Relais visait à faciliter la transition vers CAP et CAP +.
Le bilan pour la France de Coface, acteur historique du marché français, porte 90 milliards d'euros de garanties, orientées, à hauteur de 60 %, vers l'export.
Le crédit inter-entreprises, couvert à hauteur d'un tiers, comme l'a dit M. Lenoir, par les assureurs-crédit, est probablement la première source de financement des entreprises. Il joue un rôle central dans le bon fonctionnement de l'économie – chaque année, en France, une défaillance d'entreprise sur quatre est liée à un impayé.
Notre métier repose tout d'abord sur la prévention et le conseil : nous orientons nos clients vers des secteurs et des entreprises solvables. Notre mission est en fait une mission de conseil, à laquelle nous associons une garantie, dont l'objet est par définition mouvant – ce n'est pas l'une de ces garanties dont l'objet est défini à l'avance et figé pour une période précise, comme celles proposées par l'assurance incendie et risques divers. En outre, nos garanties portent non pas sur une seule opération mais sur l'ensemble d'un flux d'affaires vers un acheteur. Pendant la durée du contrat, des résiliations peuvent intervenir, notamment parce que nous sommes censés accompagner nos clients et éviter qu'ils entrent en relation avec des entreprises dont la défaillance est prévisible. Nous exerçons dès lors une veille sur la situation financière des clients de nos clients et proposons des services de recouvrement et d'indemnisation en cas de créances impayées.
Il me semble que nous avons mis en place un dispositif quelque peu unique, très complet, qui offre à la fois des réponses très précises à des besoins ponctuels de nos clients et une couverture globale. À ce jour, certaines mesures ne sont que peu utilisées, mais notre sentiment est que nous assisterons à une montée en puissance à mesure que nous nous rapprocherons de la reprise.
La deuxième version du dispositif, mise en place au début de l'année, nous paraît nettement plus favorable aux clients, en termes de structure technique et de prix. Nous pensons qu'elle répondra plutôt bien aux besoins des entreprises.
Atradius est une société d'origine étrangère, immatriculée en France depuis 1967. Nous sommes le deuxième assureur-crédit mondial, et notre part de marché en France est d'environ 15 %.
Après les interventions de mes deux collègues, je rappellerai que le modèle de l'assurance-crédit existe depuis 1919. Il s'est développé durant l'entre-deux-guerres et a connu une accélération forte après la Seconde Guerre mondiale, avec l'augmentation des échanges. Existant depuis longtemps, le modèle a donc fait ses preuves.
Il me semble par ailleurs que nous, assureurs-crédits, avons tiré, avec les pouvoirs publics français, les leçons de la crise de 2010. Ainsi avons-nous signé en 2013 une charte avec le Médiateur du crédit, qui prévoit un certain nombre d'obligations et d'engagements des assureurs-crédits, relatives au traitement de ce que nous appelons les acheteurs. Nous ne pouvons par exemple pas prendre de décisions par secteur d'activité ou par région, nous devons prendre des décisions individuelles.
Il ressortait, rappelons-le, du rapport remis par Jean-Michel Charpin dont cette charte est issue que l'assurance-crédit était presque d'intérêt général. Il était question, à l'époque, que les pouvoirs publics fassent la promotion de notre métier puisque nous évitons l'effet domino pour le quart des faillites en France et que, ce faisant, nous remplissons une véritable mission d'intérêt économique – mais cela ne s'est pas fait.
J'appelle également votre attention sur le fait que les pays voisins n'ont mis en place ni en 2010 ni en 2020 de système « ligne à ligne » tel que CAP ou CAP +. D'emblée, ils ont mis en place un dispositif de type CAP Relais, très couvrant. Disons, pour faire simple, que l'Allemagne, les Pays-Bas et même l'Italie et l'Angleterre ont mis en place des systèmes de réassurance en quota share avec des quotités approchant les 90 %.
Notre système est donc unique, qui combine le « ligne à ligne » de CAP et CAP+, repris de l'expérience de 2010, et un étage supplémentaire, CAP Relais, instauré au mois de mai dernier et prorogé jusqu'au 30 juin prochain. La France se distingue donc de ses voisins par son appréhension de notre mission, de notre métier et de notre rôle par rapport aux entreprises.
Ce métier d'assurance-crédit requiert une certaine solidité, comme en témoignent ces primes très faibles par rapport à qu'elles devraient être. Comment assurez-vous cette solidité ? Tient-elle à votre appartenance à des groupes, à vos ratios prudentiels ?
Par ailleurs, qu'en a-t-il été de l'évolution de la sinistralité du crédit inter-entreprises durant la crise ? À cet égard, vous êtes en quelque sorte un observatoire privilégié…Que disent les données dont vous disposez sur les évolutions par secteurs ou par territoires ?
En outre, pouvez-vous détailler un peu votre travail avec la CCR ? Quelle pourra être l'évolution des dispositifs ? Ne conviendrait-il pas de les prolonger, y compris au-delà de la réponse à la crise ?
Et qu'en est-il du rôle de Bpifrance, qui a, en quelque sorte, pris, pour partie, la relève de « l'ancienne Coface » qui était publique. En matière d'assurance-crédit « ligne à ligne » à l'export, comment travaillez-vous avec les pouvoirs publics ?
Enfin comment consolider notre modèle par rapport aux autres ? Quelles comparaisons pouvez-vous faire ?
Notre commission a besoin de saisir dans quelle mesure le dispositif public de réassurance a atteint – ou pas – son objectif de stabilisation du marché du crédit inter-entreprises, car tel est bien le sens de l'inscription dans les lois de finances rectificatives de l'année 2020 d'un certain nombre d'instruments, dotés de crédits de montants importants. J'aimerais également comprendre l'évolution de la sinistralité.
Par ailleurs, les données dont nous disposions au début du mois de janvier nous indiquent que les encours du programme Cap Francexport ont assez peu progressé depuis le mois de mai dernier, contrairement à ceux des autres outils. L'expliquez-vous par des perspectives à l'export toujours très dégradées, ou cela résulte-t-il d'un mauvais calibrage de l'outil ?
Avec la création de CAP Relais, dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, nous avions changé de paradigme. Pour faire face à des risques qui s'étaient accrus malgré le renforcement des programmes CAP et CAP +, il s'est agi non plus d'assurer des risques individuels mais des portefeuilles entiers, avec un maximum de 2 milliards d'euros. Cette approche s'est-elle révélée adaptée et faudrait-il poursuivre sur cette voie à la faveur de nouveaux projets de loi de finances rectificative ?
Merci beaucoup, messieurs les directeurs généraux, pour votre présentation.
Le dispositif CAP Relais est venu renforcer les dispositifs déjà activés. Il s'agissait pour l'État d'apporter une réassurance sur 75 % des risques, réassurance rémunérée par la perception de 75 % des primes, mais le plan de soutien massif à l'économie que nous avons mis en place a permis d'éviter défaillances et impayés. Vous avez donc souhaité la suspension de ce dispositif, mais, soucieux de se prémunir d'un effet « yo-yo » particulièrement préjudiciable à nos entreprises, l'exécutif a décidé de le maintenir pendant six mois, avec un partage des risques et des primes plus avantageux pour les assureurs-crédit.
Comment appréhendez-vous donc le risque dans l'année qui vient et comment envisagez-vous la sortie du dispositif CAP Relais ? Face à l'incertitude économique qui prédomine, que préconisez-vous pour assurer aux entreprises une stabilité de leurs lignes au moment de la relance, lorsqu'elles auront le plus besoin de crédits ?
Par ailleurs, il existe en France une très nette asymétrie contractuelle. Les obligations qui pèsent sur les assurés sont très fortes : les polices d'assurance-crédit sont le plus souvent triennales et comportent une clause d'exclusivité qui interdit aux assurés de faire garantir par un autre assureur un encours qu'il aurait réduit ou résilié, sous peine d'être déchu de leurs garanties sur l'ensemble de ses clients. Pouvez-vous me confirmer que cette clause est une spécificité française ?
L'assureur peut, pour sa part, s'extraire rapidement d'un contrat déficitaire. Il peut en effet imposer une résiliation de la police après toute créance impayée déclarée par son assuré ou encore appliquer des franchises, des hausses de taux ou une réduction du pourcentage d'indemnisation, sans que l'assuré soit, lui, libéré de sa clause de non-concurrence. Le risque d'aléa moral est fort, car l'assureur peut se désengager presque complètement – nous l'avions vu au printemps –, sans voir ses primes diminuer car les contrats prévoient un minimum de prime garanti pour l'année, le plus souvent sur la base de 80 % du chiffre d'affaires de l'année précédente. Ces conditions contractuelles ont-elles également cours, par exemple, en Allemagne ? Un assouplissement vous paraît-il envisageable, sur le modèle de ce qu'ont permis les Britanniques en 2008, avec la possibilité de faire intervenir des acteurs privés pour apporter un complément de garantie sur les lignes sur lesquelles les assureurs-crédit se désengageraient ?
Merci, messieurs les directeurs généraux, pour vos interventions.
Il est important de replacer notre sujet dans son contexte, et, à ce titre, l'assurance-crédit représente un tiers du marché du crédit interentreprises, soit un montant de 200 milliards d'euros. Vos métiers vous conduisent à faire des prévisions économiques – Coface vient d'ailleurs de publier un rapport – et à évaluer les risques de défaillances. Vous évoquez notamment, à cet égard, des « entreprises zombies », c'est-à-dire des entreprises toujours en activité mais dont le taux d'endettement est tel qu'elles ne pourront plus croître et seront contraintes au dépôt de bilan. Quelle pourra être l'ampleur du phénomène en France ? Sera-t-il plus prononcé que chez nos voisins ?
Je souhaiterais revenir sur le baromètre publié par Coface au mois de juin dernier, qui prévoyait une hausse de la sinistralité des entreprises de 21 % en 2021 par rapport à l'année 2019. Bien que les projections soient par nature incertaines, quelles sont aujourd'hui vos estimations ? Par ailleurs, en lien avec la mise en place des dispositifs de complément d'assurance-crédit public, un engagement a été pris sur le maintien des couvertures d'assurance-crédit en 2020. Prenez-vous le même engagement pour l'année 2021 au regard de l'élargissement des différents dispositifs ?
M. Éric Lenoir indiquait que le taux des primes de risque est bas car les entreprises d'assurance-crédit travaillent sur la prévention. Quelles sont vos actions à cet égard ?
Par ailleurs, comment le marché de l'assurance-crédit se prépare-t-il à la probable vague de défaillances qui touchera la France en 2021, voire les années suivantes ? Comment l'année 2020 a-t-elle affecté le fonctionnement du marché ? Est-il possible de préciser le coût de la gestion de la crise sanitaire pour le secteur de l'assurance-crédit et ses acteurs, ainsi que la nature des mesures qui pourraient être prises pour limiter, à l'avenir, les conséquences d'une crise similaire ?
Tout d'abord, le marché français de l'assurance-crédit est-il compétitif par rapport à nos principaux partenaires ? Ensuite, comment a évolué le taux de sinistralité des entreprises depuis dix ans ? Enfin, quel est le taux de refus moyen concernant l'octroi d'une assurance-crédit, et quelles raisons expliquent qu'une entreprise ne parvienne pas à s'assurer ?
Ma question concerne les dispositifs de garantie financière pour les entreprises du tourisme, particulièrement sinistrées par la crise sanitaire. La loi prévoit que les professionnels de ce secteur souhaitant exercer doivent disposer d'une responsabilité civile professionnelle, et d'une garantie financière. Or, dans le contexte de la crise, un certain nombre d'assureurs n'acceptent plus de nouvelles adhésions, empêchant ainsi des entrepreneurs de commencer leur activité sur ce marché. Je souhaiterais connaître votre point de vue sur cette situation. Je souhaiterais également vous entendre concernant les perspectives des compagnies d'assurance-crédit pour les prochains mois et les prochaines années.
Le soutien exceptionnel de l'État à travers le programme CAP Relais a permis de maintenir un climat de confiance, indispensable au rebond de l'économie. Ce dispositif a été élargi et modifié, du fait de la baisse du tarif des primes publiques, de la hausse des plafonds de couverture, et du doublement de la garantie complémentaire. Pouvez-vous chiffrer les coûts et les bénéfices de CAP Relais, et la répartition de ces derniers entre les entreprises d'assurance-crédit et l'État ? La répartition des primes sur sinistres entre l'État et les assureurs a par ailleurs été inversée par rapport à la première version de CAP Relais. Pouvez-vous nous indiquer les raisons qui vous ont conduit à demander que le dispositif soit modifié ? Est-ce à dire que vous anticipez une faible sinistralité au premier semestre 2021 ? Enfin, selon quel calendrier les dispositifs CAP et CAP + vous paraîtraient-ils pouvoir se substituer à CAP Relais, comme ils y ont vocation ?
Les volumes de primes encaissées et les résultats enregistrés par les entreprises d'assurance-crédit en 2020 sont élevés, mais, au regard de la faible sinistralité des entreprises en 2020, le rôle d'assureur-crédit semble avoir été, dans les faits, joué par le dispositif de prêt garanti par l'État (PGE). Je souhaiterais connaître votre opinion à cet égard.
Par ailleurs, pouvez-vous expliquer les raisons expliquant que Coface a gagné des parts de marché en 2020 ?
Enfin, alors que nous constatons un abandon progressif, par les entreprises d'assurance-crédit, du dispositif CAP Relais, ne craignez-vous pas de voir apparaître de nouveau un goulot d'étranglement sur le marché de l'assurance-crédit, tel qu'il avait pu être constaté en 2008 ?
Je souhaite d'abord rappeler qu'Euler Hermes, filiale à 100 % du groupe Allianz, dispose de 36 % des parts de marché dans le monde, et de 55 % des parts de marché en France dans le secteur de l'assurance-crédit. Nos fondamentaux sont donc bons, et renforcés par l'actionnariat de référence. Quant à nos ratios prudentiels, ils s'établissent à un niveau élevé : 160 %, ce qui démontre encore la solidité d'Euler Hermes.
Concernant la conjoncture, en 2020, nous constatons, à l'échelle de notre compagnie, une baisse de la sinistralité des entreprises de l'ordre de 40 %. Alors que le nombre annuel de dépôts de bilan s'établit à 59 000 en moyenne annuelle, il n'est compris qu'entre 32 000 et 35 000 en 2020. Cela me paraît avant tout résulter des mesures de soutien prises par l'État dès le début de la crise. Au-delà des PGE, les dispositifs fiscaux, ainsi que les reports et abandons de charges sociales, ont joué un rôle majeur dans la survie des entreprises françaises. Néanmoins, si ces aides sont nécessaires, il convient d'éviter l'acharnement thérapeutique ; le maintien en vie artificiel de certains acteurs, à mon avis, ne serait pas une bonne chose pour l'économie française, et il faudra veiller à ce que celle-ci retrouve un fonctionnement normal.
En 2020, sur cent entreprises, dix-huit avaient une santé financière fragile. Parmi ces dix-huit entreprises, deux peuvent être qualifiées d'« entreprises zombies ». L'ampleur du phénomène est donc réelle. Afin de s'assurer que les seize entreprises restantes ne se transforment pas elles-mêmes en « entreprises zombies », une partie de la solution tiendra au retour de la confiance, à l'investissement et à l'orientation de l'épargne des ménages vers l'investissement dans l'économie française.
Nos relations avec la CCR sont très correctes. Nous avons signé l'accord CAP Relais en 2020 afin de répondre aux attentes sur la quote-part du partage des risques entre les assureurs-crédit et l'État, et nous faisons part toutes les semaines à la CCR de l'évolution de nos engagements pris dans le cadre du premier traité et du deuxième traité pour qu'elle s'assure qu'ils sont bien respectés.
Le dispositif Cap Francexport est en effet stable : chez Euler Hermes, les engagements sur Cap Francexport et Cap Francexport + sont de l'ordre de 84 millions d'euros à la fin de la quatrième semaine de 2021, pour un total CAP, CAP +, Cap Francexport et Cap Francexport + de 713 millions d'euros. Cap Francexport représente donc un peu plus de 10 % du total des limites CAP. Cette proportion, en effet assez faible, s'explique par le fait que l'économie française n'arrive toujours pas à se tourner résolument vers l'exportation. Cette problématique n'est pas née de la crise de 2020, elle est bien plus profonde. La crise, qui est une période où le repli sur soi est encore plus marqué, a cependant accentué cet effet. Une autre explication réside peut-être dans les conditions d'accès au dispositif Cap Francexport qui sont toujours assez strictes et ne facilitent pas l'adhésion des entreprises. Le succès de CAP et CAP+ reste donc marginal : ils représentent 700 millions d'euros sur les 200 milliards d'euros d'engagements portés par Euler Hermes – nous sommes encore dans l'épaisseur du trait. Si nous n'observons pas d'accélération des dispositifs CAP et CAP +, c'est vraisemblablement parce que le dispositif CAP Relais toujours en place vient en réduire l'intérêt.
Je confirme que les dispositifs CAP et CAP + restent marginaux : ils représentent moins de 1 % des engagements chez Atradius. Je confirme également que le dispositif Cap Francexport est très peu utilisé, pour les raisons évoquées par Éric Lenoir mais aussi parce que les grosses entreprises et les filiales étrangères des sociétés françaises n'étaient pas prévues dans le système initial. Concernant l'ensemble des garanties CAP, 12 % de nos clients utilisent ce système ligne à ligne qui, je le rappelle, est unique en Europe. Certes, cette faible utilisation s'explique par l'existence de CAP Relais, mais elle est aussi liée au fait que nous avons maintenu nos engagements globaux, à hauteur de 45 milliards d'euros. Les chiffres que nous communiquons aux pouvoirs publics sont stables depuis le début de la crise. Nos taux d'acceptation restent élevés, même s'ils sont inférieurs à leur niveau antérieur à la crise. Par exemple, chez Atradius, nous avons pris 500 millions d'euros d'engagements supplémentaires par rapport à la fin de l'année 2019. Les systèmes mis en place ont donc fonctionné.
La France est tout à fait compétitive en Europe en termes de prix. La baisse des défaillances et le taux de sinistre inférieur aux années précédentes observés en France ne sont pas spécifiques à notre pays. Tous les assureurs-crédit en Europe observent une tendance identique – sauf en Espagne, mais le cas est un peu particulier.
J'aimerais répondre aux questions sur les modifications contractuelles. L'échéance du 1er janvier représente souvent 50 % du portefeuille d'un assureur. Nous avons renégocié nos contrats, la triennalité n'est plus la norme et il est possible de les dénoncer. Nous avons renouvelé nos portefeuilles à 95 % au mois de janvier. Nous avons donc un taux de fidélisation des clients très important. De plus, nous proposons des modifications contractuelles tout le temps, à la baisse ou à la hausse. Je rappelle que les taux de prime chutent depuis la crise de 2009, et un client peut refuser une proposition de modification ou aller voir un autre assureur ; la concurrence entre les différents assureurs est très réelle.
La clause de résiliation après sinistre qui permet de résilier le contrat d'assurance d'un client existe chez tous les assureurs, pas seulement les assureurs-crédit, et son application est très marginale. Globalement, la crise n'a pas eu d'impact sur ce point puisque le nombre de défaillances et de sinistres ont diminué.
Le taux d'acceptation chez Atradius est aujourd'hui légèrement supérieur à 70 % malgré le nombre d'entreprises soutenues artificiellement par les pouvoirs publics : c'est un taux très élevé. Notre modèle fait que nous n'atteignons jamais un taux de 90 % d'acceptation même en période de haut de conjoncture.
Nous faisons le même constat sur la médiation du crédit. Atradius compte 30 dossiers en médiation sur ses 600 000 lignes – encore l'épaisseur du trait.
Si je ne dis pas qu'il n'y a aucun problème, globalement le modèle de l'assurance-crédit « tient le choc ».
Nous parlions plus tôt de nos fonds propres, il faut savoir que nous avons aussi un système de réassurance, à la différence du secteur de la banque. Ce système permet, pour Atradius à l'échelle mondiale, d'avoir 600 milliards d'euros d'engagements pour 2 milliards d'euros de fonds propre. Si notre métier est proche de celui de la banque, nous n'avons pas du tout la même structure. Avec des fonds propres, de la prévention, de la réassurance, des actionnaires, notre système est solide. Il n'y a aucune inquiétude à avoir sur la solvabilité et l'avenir des assureurs-crédit.
Nous avons tenu compte des enseignements de la crise de 2010. Nos engagements restent entiers. Chez Atradius, nous avons énormément travaillé avec nos clients avant la mise en place des dispositifs CAP Relais ou CAP +, pour identifier les encours non utilisés.
En 2019, nous avons observé une baisse des défaillances des entreprises au premier semestre puis une hausse de ces défaillances au deuxième semestre. Nous aurions pu penser que cette hausse se serait poursuivie en 2020 et aurait été amplifiée par la crise du covid. En pratique, les mesures massives mises en place – PGE, chômage partiel, fonds de solidarité – ont non seulement empêché cette dynamique de hausse mais ont également inversé la tendance. Le nombre de défaillances a baissé de 37 % ou 38 % en 2020. Tous les secteurs et tous les types d'entreprises ont été concernés. En tant qu'assureur, notre portefeuille est représentatif de la situation réelle et nous avons observé une tendance similaire avec une baisse du nombre de dossiers de sinistres, même si le montant global reste à peu près stable par rapport à l'année précédente.
Quant à l'avenir, il est clair que les péripéties de la campagne de vaccination et des confinements affectent nos prévisions et qu'il existe encore des freins à la croissance : la baisse du commerce mondial, la limitation des investissements et des embauches par les entreprises dans un contexte de forte incertitude, la tendance forte des ménages à épargner… Nous anticipons une hausse des défaillances mais la date à laquelle cette hausse sera effective est incertaine : elle dépendra de la fin des mesures de soutien. C'est à ce moment que les entreprises zombies ou les entreprises des secteurs les plus affectés se trouveront en difficulté.
Depuis la mi-avril 2020, nous sommes opérationnels sur toutes les mesures de garantie établies par l'État. Nos clients éligibles sont équipés en totalité et nous avons mis en place une plateforme Cofanet pour donner de l'ergonomie à la transaction avec nos clients. Nous avons également développé un reporting, sur un rythme hebdomadaire, auprès de la CCR et de la médiation du crédit. Aujourd'hui, la tendance se confirme : la consommation de CAP, CAP+ et Cap Francexport reste modeste, de l'ordre de 0,2 % de notre encours global. Cela me paraît montrer que, compte tenu de la faible reprise, le besoin de sur-couverture reste marginal.
Je vous rappelle en outre que les primes sont reversées quasi intégralement à l'État. La question des surcoûts et des primes pour le client a en outre été revue, en faveur de ce dernier, dans le cadre de la nouvelle version du dispositif. Le montant des primes a été réduit de près de 40 % pour CAP et de 8 % à 9 % pour CAP +.
La faible utilisation de Cap Francexport résulte notamment du ralentissement du commerce mondial. Mon sentiment est que ce dispositif sera plus utilisé lorsque nous assisterons à une véritable reprise.
Quant à CAP Relais, le dispositif a bien joué son rôle. D'une part, nous n'avons pas enregistré de défaillance et, d'autre part, les encours sont restés stables. Les clients, pour leur part, sont satisfaits des assureurs, et les taux de rétention enregistrés en 2020 atteignent un niveau record.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'écart constaté entre les primes et les sinistres enregistrés, je rappelle que c'est plutôt l'État qui en a bénéficié, non les assureurs.
Quant à l'assurance des professionnels du tourisme, Coface n'intervenant pas auprès ce secteur, il ne m'est pas possible de répondre à la question posée.
En ce qui concerne CAP Relais, en 2020, la répartition des pertes et la cession des primes s'opéraient selon une quote-part de 75 % pour le réassureur public et 25 % pour les assureurs-crédit. Selon notre analyse, nous ne devrions pas constater de plus graves défaillances au début de cette année 2021. Si les défaillances devaient s'aggraver, ce serait plutôt au dernier trimestre ou, surtout, en 2022. Dès lors, CAP Relais, dispositif de transition vers CAP et CAP +, n'avait pas vocation à être renouvelé en 2021. À l'issue des discussions que nous avons eues avec les pouvoirs publics, dont nous comprenons les inquiétudes, nous avons accepté sa prorogation jusqu'au 30 juin 2021, avec une quote-part différente : 20 % pour le réassureur public et 80 % pour les assureurs-crédit. Cela dit, Euler Hermès considère qu'il ne serait pas utile de proroger ce dispositif au deuxième semestre. L'année 2021 devrait effectivement marquer un début de reprise économique. Alors que la croissance du produit intérieur brut (PIB) était négative en 2020, nous estimons qu'elle sera de 5,4 % en 2021 et de 3,6 % en 2022 – un début de reprise « perlé ». Nous n'effacerons pas les conséquences de la crise, mais nous retrouverons le niveau de PIB antérieur à celui de la crise. Il faudra attendre 2024 pour que la France puisse retrouver pleinement sa trajectoire de croissance. En 2021, le niveau des défaillances devrait être sensiblement identique à la moyenne des dix dernières années ; l'économie commencera à retrouver un mode de fonctionnement habituel.
Pour sortir au plus vite de la crise, il importe de redonner de la confiance et de la visibilité aux entreprises françaises. À ce titre, la gestion de la crise sanitaire et désormais, surtout, des vaccinations aura un effet déterminant sur l'ampleur de la reprise en 2021. Nous estimons le coût du retard à la vaccination en Europe à 90 milliards d'euros, et chaque semaine de retard pèse énormément sur l'activité économique du pays et ses perspectives de reprise. Il est donc crucial d'accélérer, car notre rythme de vaccination est deux fois inférieur à celui qui permettrait une immunité collective à la fin de l'année 2021.
J'insiste sur un point important, mais souvent oublié : la nécessité d'une transparence financière. Beaucoup d'entreprises traversent la crise en essayant d'occulter leurs difficultés. C'est un mauvais choix car nous disposons d'expertises sectorielles et d'analystes qui procèdent à des extrapolations de performance financière des entreprises. Nous appelons les acteurs économiques français à la transparence, notamment vis-à-vis des assureurs-crédit, et à rechercher un accompagnement ; les assureurs-crédit sont précisément en mesure de le leur prodiguer.
Merci, messieurs les directeurs généraux, pour ces échanges particulièrement intéressants, d'autant que votre métier est parfois méconnu. On mesure désormais mieux les particularités de ce métier qui est à la fois celui d'assureur et de banquier. J'ai bien noté que certains dispositifs devaient évoluer, notamment CAP Relais.