La commission des affaires économiques a examiné de manière conjointe avec la commission des affaires sociales et la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, le rapport de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate ( MM. Jean-Luc Fugit et Jean-Baptiste Moreau, co‑rapporteurs).
Je suis particulièrement heureux de coprésider cette séance dans une salle de réunion, avec des députés en chair et en os, pour évoquer un sujet qui nous est cher. Nous nous retrouvons aujourd'hui pour assister à la présentation du rapport de la mission d'information commune à nos trois commissions sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate.
Le nombre de commissions concernées – trois commissions – et l'importance du sujet nous ont permis d'obtenir une dérogation à la règle fixée par la Conférence des présidents imposant le recours à la visioconférence. Nous disposons donc de la salle Victor-Hugo permettant de respecter les gestes barrières, en particulier les distanciations physiques que je vous engage donc à mettre en œuvre en vous espaçant au mieux.
Le moins que l'on puisse dire est que la question du glyphosate n'a pas été ignorée des parlementaires ces dernières années. L'utilisation de ce produit, dont nul ne conteste la dangerosité, a d'abord été encadrée par la loi dite « Labbé » de 2014, puis par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015. Une dérogation à cet encadrement a été autorisée par l'une des dernières lois de la précédente législature, la loi du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle. Sous l'actuelle législature, la question du glyphosate a été abordée lors de l'examen de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Égalim », ainsi qu'à l'occasion de la discussion, en février 2019, d'une proposition de loi demandant l'interdiction du glyphosate, déposée par les députés du groupe La France insoumise et rapportée par Mme Bénédicte Taurine.
En outre, soucieuse d'approfondir ses connaissances sur cette question, l'Assemblée a mis en place plusieurs missions d'information. Je peux ainsi citer le rapport d'avril 2018 sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques remis par MM. Didier Martin et Gérard Menuel ou le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de mai 2019 sur l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences, dont l'un des rapporteurs était M. Philippe Bolo.
Un rôle central a évidemment été accordé à la mission d'information qui nous présente ses conclusions cet après-midi. Lancée à l'issue de l'examen de la loi « Égalim », elle était présidée par M. Julien Dive et co-rapportée par M. Jean-Luc Fugit et M. Jean-Baptiste Moreau. Elle avait pour objet de suivre la transition du monde agricole vers l'interdiction des principaux usages du glyphosate. Nous avons déjà eu un rapport d'étape de cette mission le 12 novembre 2019 ; il mettait en avant la persistance d'obstacles agronomiques à l'atteinte de cet objectif. Cette mission est aujourd'hui en mesure de faire un point plus précis sur les règles d'interdiction du glyphosate dès 2021.
Je suis également très heureuse de vous retrouver en chair et en os dans cette belle salle Victor-Hugo, réunis à trois commissions pour examiner le rapport final de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, un an après la présentation d'un rapport d'étape. Il s'agit d'un travail important sur un sujet auquel les membres de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sont particulièrement sensibles.
Voici un an, lors de l'examen du rapport d'étape de la mission, nous avions eu le sentiment que les choses n'avançaient peut-être pas assez vite au regard des engagements pris ou, à tout le moins, que nous manquions de données pour porter une appréciation solidement étayée sur ce sujet. Ce constat avait pu être dressé grâce au travail rigoureux et objectif, tout au long de l'année, des deux rapporteurs, MM. Jean-Luc Fugit et Jean-Baptiste Moreau, et du président de la mission, M. Julien Dive, qui ont eu à cœur de dépassionner le débat. En particulier, nos collègues avaient déploré le manque de données actualisées pour exercer comme il se doit un suivi efficace de la stratégie de sortie du glyphosate.
C'est donc évidemment une satisfaction de constater que leurs alertes sur ce point ont été entendues. Cela démontre qu'un contrôle parlementaire rigoureux et intransigeant, loin d'être une contrainte, contribue à la mise en œuvre efficace des politiques publiques. C'est aussi une satisfaction de voir que des solutions ont été identifiées et je souhaite évidemment que les préconisations de la mission soient entendues, comme cela avait été le cas lors de la remise du rapport d'étape. Je pense en particulier au nécessaire accompagnement des agriculteurs, sur les plans tant financier que technique et humain, et aux démarches à entreprendre au plan européen.
Nous parvenons aujourd'hui au terme des travaux de la mission d'information commune dont je veux saluer la contribution objective et pédagogique au débat public. Je tiens à préciser que ni le président ni les rapporteurs n'appartiennent à la Commission des affaires sociales. Nobody's perfect … Toutefois, les commissaires aux affaires sociales membres de la mission d'information commune ont activement pris part aux auditions et je les en remercie très chaleureusement. C'est en effet l'une des compétences de notre commission, particulièrement vigilante en ce qui concerne les sujets de santé environnementale. Elle a ainsi contribué à la création de la commission d'enquête qui travaille en ce moment, sous la présidence de Mme Élisabeth Toutut-Picard et sur le rapport de Mme Sandrine Josso.
Je relève aussi que notre commission sera chargée de procéder à l'audition du candidat pressenti pour exercer les fonctions de directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Nous nous investirons pleinement dans ce travail le moment venu, sachant que nous pouvons compter d'ici là sur l'implication de la référente de notre commission pour l'ANSES, Mme Claire Pitollat.
Cette agence a été chargée voici deux ans d'une réévaluation des alternatives non chimiques au glyphosate afin de réexaminer les autorisations de mise sur le marché des produits à base de glyphosate. Nous serons spécialement attentifs aux développements que les rapporteurs consacreront à cet aspect du sujet.
« J'ai demandé au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées et, au plus tard, dans trois ans ». C'est avec ce tweet, daté du 27 novembre 2017, du Président Emmanuel Macron qu'apparaît la genèse de nos débats puis de nos travaux, même s'il faut remonter à quelques années auparavant et à l'étude du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) pour que soit versée au débat public la question de l'avenir de l'utilisation du glyphosate en Europe et en France.
Cette étude controversée a classé au printemps 2015 l'herbicide glyphosate comme agent probablement cancérogène pour l'homme, au même titre que certaines activités professionnelles ou domestiques. L'étude a alors été contestée par plusieurs agences officielles nationales d'évaluation, notamment en Allemagne, en France et dans bien d'autres pays. Parallèlement, l'homologation de l'herbicide glyphosate arrivant à son terme en Europe, des désaccords entre les vingt-sept États membres sur le renouvellement de cet agrément avaient amené la Commission européenne à décider son autorisation jusqu'en 2027. S'ensuivirent des batailles politiques au Parlement européen et à la Commission, qui conclurent, avec notamment la pression de la France, au renouvellement de l'agrément du glyphosate en Europe pour cinq ans au lieu de dix ou quinze, c'est-à-dire jusqu'en 2022.
Ce sont les travaux parlementaires sur la loi « Égalim » et les initiatives des députés qui nous ont amenés à créer, le 27 septembre 2018, cette mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate en France, mission que j'ai depuis la tâche de présider aux côtés de MM. les co-rapporteurs Jean-Baptiste Moreau et Jean-Luc Fugit. Cette mission d'information parlementaire n'avait ni vocation à juger les conclusions et les prises de position émanant de l'étude du CIRC, ni mission de décider de la manière, du délai et de l'approche nécessaires à la sortie du glyphosate en France. Le rôle qui incombait à cette mission était de présenter le contexte général de l'usage du glyphosate en agriculture et en dehors de l'agriculture, de recueillir des informations sur les démarches engagées et d'identifier les situations de sortie existantes, celles préconisées et les réelles situations d'impasse.
Nous avons mené cette mission avec un objectif central qui nous a guidés tout du long : suivre la transition du monde agricole vers l'interdiction des principaux usages du glyphosate dès le 1er janvier 2021 et de l'ensemble de ses usages au 1er janvier 2023, conformément aux engagements annoncés. Ce furent deux années de travaux sur un sujet complexe, un sujet qui a amené dans l'opinion publique des débats passionnés, parfois caricaturaux, parfois même stigmatisants à l'encontre de nos agriculteurs, tout en soulevant des interrogations légitimes. Plus d'une trentaine d'auditions ont été organisées durant ces vingt-six mois, et ce malgré la crise sanitaire, avec des représentants des pouvoirs publics, des experts et des acteurs du monde agricole. Nous avons bien sûr entendu les ministres successifs de l'agriculture et de la transition écologique. Nous avons également organisé de nombreuses auditions en présence d'experts. C'est un point important car l'aspect scientifique et technique de ce sujet est au cœur de nos travaux. Nous nous sommes attachés à ce que les conclusions de notre mission en rendent compte.
Par-dessus tout, il nous importait d'aller à la rencontre des agriculteurs, de ceux qui sont en première ligne, pour qui cela constitue un sujet concret de leur quotidien. Aussi, en plus de nos auditions parlementaires, les membres de cette mission sont allés sur le terrain. Je tiens à saluer cette initiative tant elle a apporté à nos réflexions. Nous nous sommes rendus dans le Grand Est et en Nouvelle-Aquitaine, afin de rencontrer les exploitants directement sur leur lieu de travail et d'écouter nos concitoyens sur le sujet. Lors de ces rencontres et de ces déplacements, nous avons pu constater que les différentes filières connaissent parfaitement les enjeux environnementaux et sanitaires soulevés par nos travaux ainsi que la nécessité de trouver des solutions.
Je peux vous assurer que les agriculteurs ont désormais conscience qu'il est indispensable de faire évoluer les pratiques. Ils nous l'ont dit mais ils ont également exprimé leurs inquiétudes face à l'absence de stratégie, d'alternatives et d'accompagnement. Je tiens d'ailleurs à souligner ce point car ces débats passionnés ont trop souvent amené à pointer du doigt uniquement les agriculteurs. Ils sont certes les principaux utilisateurs de glyphosate mais ils ne sont pas les seuls. Les sociétés d'autoroutes ou la SNCF y ont recours régulièrement tout comme, jusqu'en 2017, les collectivités territoriales mais aussi, jusqu'en 2019, les particuliers. C'est une réalité trop souvent oubliée que j'ai souhaité rappeler tout au long des travaux de cette mission car il me paraît injuste et caricatural de nous focaliser uniquement sur le monde agricole. D'ailleurs, je m'étonne d'avoir entendu mardi 8 décembre dernier M. Jean-Pierre Farandou déclarer, dans la matinale de France Info, que la SNCF allait remplacer le glyphosate par une autre solution alors que, lors de son audition de novembre dernier, l'ANSES nous affirmait n'avoir aucune demande d'autorisation de mise sur le marché de solutions alternatives de type systémique comparables au glyphosate.
Voici tout juste un an, notre mission a adopté un rapport d'étape présenté par Messieurs les co-rapporteurs. Celui-ci indiquait justement les impasses agronomiques non résolues, plus précisément en agriculture de conservation des sols, technique agricole sans labour qui a la vertu de stocker le carbone dans le sol et d'être donc une solution aux enjeux de réchauffement climatique. Cette technique agricole est aussi la plus adaptée à certains territoires présentant une pédogénèse bien spécifique.
Ce rapport mettait également en exergue le surcoût que génèrerait l'interdiction du glyphosate pour l'ensemble des acteurs agricoles au regard des évolutions culturales ou des nouveaux investissements matériels qui s'imposent. Il insistait aussi sur la nécessité d'investir dans la recherche et le développement pour apporter des solutions pérennes écologiquement et économiquement viables.
Ce rapport d'étape soulignait aussi le manque de clarté de la part du Gouvernement, notamment à l'égard des agriculteurs. Fin 2019, nous ne connaissions toujours pas les usages qui bénéficieraient d'une dérogation au 1er janvier 2021. Nous avons extrait de nos travaux un principe simple : l'interdiction sans solution, sans alternative, ne conduit qu'à des impasses. L'interdiction sans accompagnement ne conduit qu'à des incompréhensions. Cette inquiétude est exprimée depuis 2017 par nos agriculteurs et j'ai eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises. La science, l'innovation et le savoir-faire des acteurs concernés sont les seuls éléments qui permettent d'aller vers une transition agroécologique afin de répondre aux attentes des consommateurs.
Les réponses et les propositions ont tardé même si certaines mesures récentes laissent espérer que les enjeux ont été enfin compris. Je pense à la prime à la conversion des matériels anciens et peu performants, au crédit d'impôt accordé aux exploitants visant la certification « Haute valeur environnementale » (HVE) ou au crédit d'impôt, à hauteur de 2 500 euros, destiné aux entreprises agricoles se passant de glyphosate, adopté en première lecture du projet de loi de finances pour 2021 au Sénat et dont nous débattrons dans quelques heures. Malheureusement, ces dispositifs ont été restreints – je pense notamment aux éleveurs – et nous y reviendrons avec plusieurs amendements.
Notre approche a toujours été, depuis la création de cette mission, de privilégier le dialogue et la confiance envers nos agriculteurs. Que ce soit lors de nos auditions ou lors de nos déplacements, les acteurs ont toujours exprimé leur bonne volonté pour diminuer l'usage des produits phytopharmaceutiques, même si certaines filières manifestent des doutes et des hésitations face à l'absence d'alternative.
Je tiens à adresser aux deux rapporteurs mes vifs remerciements pour le travail collectif accompli. Que ce soit dans la préparation de nos travaux ou le choix des orientations de cette mission, nous avons toujours su nous entendre et trouver des compromis lorsque la situation l'exigeait afin de mener à bien ce travail. Je félicite vivement les équipes administratives de l'Assemblée nationale qui nous accompagnent et sans qui rien ne serait aussi rapidement exécuté dans cette institution. Je remercie bien sûr aussi l'ensemble de nos collègues députés qui ont participé assidûment à nos travaux.
Je souhaite que ce rapport puisse apporter au monde agricole des réponses sur cette transition à venir. Elle nécessitera l'accompagnement et l'aide des pouvoirs publics. Je souhaite aussi qu'il puisse éclairer les consommateurs sur la complexité de ce sujet qui n'est pas franco-français et lever les incompréhensions et les doutes qu'ils peuvent avoir à l'égard des agriculteurs dont le travail est aussi remarquable que difficile.
Je me permets deux réflexions personnelles. La première est une interrogation : puisque la Commission européenne a maintenu l'autorisation du glyphosate jusqu'en 2022, que la France a toujours la volonté, à partir de 2022, d'arrêter le glyphosate, qu'adviendrait-il si l'Union européenne prolongeait une nouvelle fois l'agrément du glyphosate au-delà de 2022 ? Qu'adviendrait-il particulièrement pour nos agriculteurs français ?
Ma seconde réflexion est que ce débat sur le glyphosate, comme celui sur d'autres substances, rappelle un point essentiel : il fait écho à la souveraineté alimentaire de l'Union européenne. Nous aurons beau interdire le glyphosate en France et en Europe à partir de 2022, ce n'est pas le cas partout dans le monde et beaucoup de cultures en sont encore dépendantes en Amérique du Sud, en Afrique et ailleurs. Pourtant, tous ces pays continueront d'exporter en Europe et en France. Nous sommes très vigilants en Europe et particulièrement en France à nos standards agricoles et à la qualité de notre alimentation. C'est important, essentiel même, de le rappeler.
(La réunion est suspendue pour permettre aux députés de participer à un scrutin en séance publique)
Je suis heureux de vous présenter aujourd'hui le bilan des travaux de cette mission de suivi de la stratégie de sortie du glyphosate. Ce rapport marque la fin de plus de deux années de travaux ponctuées par des déplacements de terrain et plus d'une quarantaine d'auditions, ayant donné lieu à de passionnants et parfois vifs échanges. Nous avons souhaité aborder cette question décisive pour nos agriculteurs avec autant de pragmatisme et de bienveillance que possible, en faisant toujours confiance à la science et en essayant de ramener de la raison et de l'apaisement dans nos débats. Ces débats avaient été particulièrement vifs et passionnés lors de l'examen du projet de loi « Égalim », dont je fus le rapporteur.
Cette mission avait pour rôle premier de faire toute la lumière sur l'utilisation du glyphosate et, à l'aune de sa future interdiction, de suivre la stratégie de sortie mise en place par le Gouvernement et de se rendre compte s'il existait réellement des alternatives agronomiquement et économiquement viables pour nos agriculteurs.
L'an dernier, nos travaux avaient été confrontés à une certaine opacité des données qui nous empêchait de dresser un état des lieux clair et transparent des usages par culture. Nous l'avions mis en avant dans notre rapport d'étape. L'une de nos recommandations était alors de faire la lumière sur les données. Cette année, c'est chose faite, grâce aux travaux de l'ANSES et de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et à la mise en place de la banque nationale des ventes des distributeurs de produits phytosanitaires (BNV-D). Notre rapport permet une photographie claire de la situation en 2020.
D'autres propositions que nous avions formulées l'an dernier, comme la création d'une plateforme nationale d'enregistrement des produits phytosanitaires, ont été réitérées dans notre présent rapport.
Lors de notre précédent rapport, nous ne disposions pas des données pour 2018. Le rapport que nous présentons aujourd'hui fait état d'une hausse des ventes, passant de 8 859 tonnes à 9 507 tonnes, entre 2017 et 2018. Nos travaux ont établi que cette forte hausse s'expliquait notamment par un stockage plus important du produit, à la fois dans la perspective de la hausse de la redevance pour pollutions diffuses et de l'interdiction programmée de la molécule de glyphosate. En revanche, je crois qu'il est important de redire, notamment à ceux qui répètent à longueur de journée que nous sommes à la traîne ou que ce n'est pas suffisant, que les ventes ont diminué de 37 % en 2019, avec 6 027 tonnes vendues, ce qui est historique en moyenne triennale. Cela correspond à une baisse de 9,9 % et nous revenons ainsi au tonnage vendu dans les années 2000-2010.
Nos travaux ont montré que cette baisse s'expliquait notamment par l'interdiction de l'usage du glyphosate pour les particuliers depuis le 1er janvier 2019, mais pas seulement. Elle est aussi liée à la mise en place depuis deux ans de l'interdiction des remises, rabais et ristournes et, plus largement, elle s'inscrit dans la dynamique portée par le plan Écophyto 2+.
De plus, pour élargir un peu la focale, nous ne pouvons que nous réjouir du fait que les ventes des substances les plus dangereuses – les cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) de catégories 1 et 2 – aient drastiquement diminué, de plus de la moitié des volumes. Nous sommes dans une réelle dynamique de diminution des produits phytosanitaires, permise par l'accompagnement que nous engageons auprès de nos agriculteurs et non par des interdictions abruptes inscrites dans la loi.
Que va-t-il se passer en 2021 ? Sont interdits tous les usages du glyphosate pour lesquels il existe une alternative non chimique. L'analyse des alternatives en arboriculture, en viticulture et en grande culture a été confiée, fin 2018, à l'INRAE, qui nous a fourni une évaluation agronomique de la faisabilité de ces alternatives, avec une attention portée au coût économique de celles-ci comme nous le souhaitions.
Cette démarche scientifique incontestable a permis à l'ANSES de réexaminer les autorisations de mise sur le marché, les fameuses AMM des produits à base du principe actif « glyphosate ». Cette méthodologie objective, usage par usage, est une possibilité ouverte par l'article 50.2 du règlement européen du 21 octobre 2009, qui permet de ne pas délivrer d'AMM lorsque des alternatives d'usage courant et sans impact majeur sont disponibles.
Vous avez probablement pris connaissance de ces nouvelles interdictions, rendues publiques par l'ANSES le 9 octobre dernier. Une réduction de 60 à 80 % des quantités utilisées est attendue à la suite de ces interdictions. Nous saluons cette démarche scientifique qui conduit, dans le détail, à plusieurs interdictions.
En viticulture, l'usage du glyphosate est interdit pour la gestion des adventices dans l'inter-rang mais il demeure autorisé, avec une diminution des doses, sous le rang. Dans les parcelles non mécanisables – les vignes installées en forte pente, en terrasse ou en sol caillouteux – et pour les vignes mères de porte-greffes, l'usage demeure autorisé.
En arboriculture fruitière, l'usage du glyphosate en traitement de l'inter-rang dans les vergers est interdit ; en revanche, comme dans le cas de la vigne, le remplacement du glyphosate sous le rang n'est pas possible pour les cultures buissonnantes – les petits fruits, les noisetiers notamment – et cet usage demeurera autorisé avec une diminution des doses maximales autorisées. Le glyphosate reste également autorisé dans les parcelles non mécanisables – vergers en pente, en terrasses, sur buttes ou en sol très caillouteux – ou pour les fruits récoltés mécaniquement au sol comme les fruits à coque, les pommes à cidre ou les prunes à pruneau.
En grande culture, l'augmentation de la fréquence des labours conduit à l'interdiction du glyphosate dans les parcelles déjà labourées.
En revanche, les services écosystémiques de l'agriculture de conservation des sols justifient encore, à ce stade, l'utilisation minime du glyphosate. La dose annuelle maximale autorisée est réduite de 60 % par rapport à la dose maximale actuellement autorisée.
En forêt, l'usage du glyphosate est interdit pour la dévitalisation des souches. Cette dévitalisation pourra être faite mécaniquement. En entretien des forêts, le glyphosate reste autorisé mais son usage est limité aux deux premières années du développement de la forêt et aux cas rares du désherbage des pépinières et des vergers de production de graines forestières.
Les usages non agricoles du glyphosate, non traités par l'ANSES, ont diminué des deux tiers depuis 2011. En outre, ce mouvement sera amplifié par l'annonce de l'interdiction en 2022 de son usage dans tous les lieux de vie comme les campings, terrains de sport et copropriétés, hormis les terrains de sport de haute compétition pour lesquels l'échéance sera fixée au 1er janvier 2025.
La SNCF a affirmé dès 2019 qu'elle n'utiliserait plus de glyphosate à partir de la fin de l'année 2021. Cette transition se fera au prix d'efforts financiers très importants, évalués à plus de 400 millions d'euros pour l'année 2021 par la direction de la SNCF.
Les évolutions annoncées doivent être considérées, selon nous, comme un socle minimum, pensé pour permettre d'accélérer la trajectoire vers la sortie du glyphosate lorsque des alternatives crédibles existent. Tout cela doit être fait de manière transparente, exigeante et bienveillante pour créer un climat de confiance qui n'exclut évidemment pas le contrôle.
Le volume de glyphosate utilisé a commencé à diminuer et le nombre d'AMM a été fortement réduit. Il était de l'ordre de 300 en 2016 et n'est plus que d'une trentaine aujourd'hui. Nous avons clairement senti l'évolution des mentalités et un état d'esprit positif des agriculteurs dans leur grande diversité quant à l'idée d'aller vers un usage de plus en plus faible de l'ensemble des produits phytosanitaires, particulièrement du glyphosate.
L'accompagnement technique et la recherche devraient permettre d'aller plus loin. Il faut poursuivre l'effort de recherche, rendre plus visibles et accessibles les nombreuses formations disponibles. Nous recommandons à cette fin que soit publié un guide du panel de formations existantes à l'attention des agriculteurs. Des avancées ont lieu en formation initiale et il faut aussi aller sur la formation continue.
Le coût économique de l'arrêt du glyphosate sera important pour les agriculteurs. Il sera variable suivant les productions. Comme l'a rappelé le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, M. Julien Denormandie, dans ses précédentes auditions, notamment au Sénat, il est faux de penser que l'abandon du glyphosate permettra de créer de la valeur pour nos agriculteurs. Cette affirmation a été confirmée par les différents témoignages que nous avons recueillis en audition et par les évaluations réalisées par l'INRAE.
Oui, nos agriculteurs auront à faire face à de nouvelles charges et à des surcoûts conséquents lorsqu'ils abandonneront l'utilisation du glyphosate. Nous devons l'avoir en tête. L'INRAE a étudié, filière par filière et utilisation par utilisation, les surcoûts provoqués par l'arrêt du glyphosate.
En grande culture, le surcoût moyen annuel du remplacement du glyphosate par un travail du sol à labour fréquent varie de 80 euros par hectare pour les surfaces en semis direct à moins de 6,50 euros par hectare pour les surfaces actuellement déjà en labour fréquent. Ces surcoûts sont d'autant plus faibles que les parcelles sont labourées fréquemment au départ. Ils représentent une part relativement faible de l'excédent brut d'exploitation (EBE) pour les agriculteurs qui labourent déjà leurs parcelles – moins de 3 % des agriculteurs – mais constituent une part significative du revenu de ceux qui ne labourent pas l'ensemble de leurs parcelles. Pour certaines surfaces en semis direct, la part des surcoûts dépasse 20 % de l'EBE.
En viticulture, le surcoût moyen annuel entre désherbage chimique et mécanique est estimé à 210 euros par hectare pour les vignes larges et à 408 euros par hectare pour les vignes étroites. Ce surcoût représente en moyenne 7,1 % de l'EBE, avec de fortes variations selon les bassins viticoles et selon la valorisation du vin. En considérant uniquement la gestion de l'inter-rang, le surcoût varie entre 69 euros et 161 euros par hectare.
En arboriculture, le surcoût annuel des alternatives au désherbage chimique va de 120 euros par hectare à 432 euros par hectare selon les hypothèses retenues. Ce surcoût représente entre 6 % et 20 % de l'EBE.
Même si ces chiffres varient fortement selon le type de culture et les pratiques culturales, ils montrent que l'interdiction du glyphosate pèsera lourdement sur les exploitations. Les surcoûts que supporteront nos agriculteurs s'expliquent par le besoin de recourir à une main-d'œuvre supplémentaire, qualifiée et parfois rare, dont les salaires et les charges pèseront sur les budgets, par opposition au glyphosate qui est un produit bon marché et facile à utiliser. Ces surcoûts se justifient aussi par la nécessité d'acquérir de nouveaux équipements.
Malgré les mesures annoncées dans le plan de relance, les exploitations subissent pendant cette période de transition des contraintes de trésorerie liées aux baisses de rendement non compensées par une augmentation du prix et de la demande. C'est pourquoi le rapport insiste sur la nécessité d'un important accompagnement financier des agriculteurs. Il est indispensable et doit être encore renforcé.
Plusieurs dispositifs ont été confortés ou mis en place ces derniers mois pour accompagner les agriculteurs dans la transition. Le plan Écophyto connaît une nouvelle impulsion depuis novembre 2018 avec Écophyto 2+. Chaque année, 71 millions d'euros issus de la redevance pour pollutions diffuses sont affectés à la réduction des usages de produits phytopharmaceutiques. Près de 300 millions d'euros issus d'autres sources de financement s'y ajoutent.
Le plan de relance contribue à cet objectif avec une aide importante à l'acquisition d'agroéquipements. Une prime à la conversion des matériels anciens et peu performants a été mise en place. Son montant, initialement fixé à 135 millions d'euros, a été augmenté de 80 millions d'euros, comme l'a annoncé le ministre de l'agriculture et de l'alimentation la semaine dernière. Au total, 215 millions d'euros sont donc mobilisables pour cette conversion. Un soutien de 15 millions d'euros aux entreprises d'agroéquipement et de biocontrôle est également prévu.
Nous rappelons qu'un crédit d'impôt d'un montant de 2 500 euros destiné aux exploitations visant la certification HVE de niveau 3 a été adopté en première lecture par notre Assemblée dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.
Enfin, le Sénat a adopté un amendement au PLF qui crée un crédit d'impôt d'un montant de 2 500 euros destiné aux entreprises agricoles qui déclarent ne plus utiliser de produit phytopharmaceutique contenant du glyphosate. Ce crédit d'impôt est applicable pour 2021 et 2022.
Nous saluons l'ensemble de ces mesures qui apportent un réel soutien à la transition du monde agricole, mais nous souhaitons aller encore plus loin de manière à ne laisser aucun agriculteur sans solution et à essayer d'entraîner l'ensemble de la profession.
Pour renforcer le soutien financier, nous proposons, dans le cadre de la nouvelle lecture du PLF, d'élargir l'assiette du crédit d'impôt voté par le Sénat. En effet, ce crédit d'impôt ne concerne que les entreprises agricoles « exerçant leur activité principale dans le secteur des cultures pérennes », ce qui exclut de nombreuses exploitations de son bénéfice. Par exemple, une exploitation laitière à titre principal avec 80 vaches laitières, possédant 80 hectares dont 25 hectares cultivés en céréales pour l'alimentation des animaux, ne bénéficierait actuellement pas du crédit d'impôt si elle décide de ne plus utiliser le glyphosate pour ses 25 hectares de céréales. En revanche, un agriculteur produisant 30 hectares de céréales et dont ce serait l'activité principale pourrait bénéficier de ce crédit d'impôt. Nous ne sommes pas tout à fait d'accord et nous vous invitons donc, cette nuit, à participer au débat dans l'hémicycle sur le projet de loi de finances pour soutenir les amendements que M. le co-rapporteur, d'autres collègues et moi-même présentons.
Le coût économique de la sortie du glyphosate continuera de peser sur les exploitations agricoles au-delà de 2022. C'est pourquoi nous estimons que le crédit d'impôt introduit au Sénat doit être complété par un nouveau crédit d'impôt destiné aux agriculteurs se passant du glyphosate, mis en place à compter de 2023. L'idée est de penser au futur. Il pourrait selon nous être calculé à partir de la perte annuelle d'EBE des entreprises agricoles de manière à compenser au plus près les surcoûts pesant sur chaque exploitation.
Les aides financières à la transition doivent donc être amplifiées. Elles doivent également être clarifiées. Le coordinateur interministériel du plan de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires et du plan de sortie du glyphosate a été chargé d'établir une cartographie des financements disponibles, tant au niveau national que régional ; cette cartographie est en cours d'élaboration. Un guide à l'intention des agriculteurs des financements mobilisables doit également être élaboré ; ce guide permettrait à chaque agriculteur de connaître les aides auxquelles il peut prétendre en fonction de son exploitation et de ses choix culturaux. Afin d'être facilement accessible à tous, nous proposons que ce guide figure sur le site internet « glyphosate.gouv.fr », sur lequel se trouvent déjà un certain nombre d'informations.
Maintenant que nous arrivons en France au bout d'un processus aboutissant à la suppression de quasiment 60 % des usages du glyphosate, je pense qu'il est important de transposer cette action au niveau européen. Il est important et nécessaire de rappeler que la France est la locomotive de l'ambition européenne visant à sortir du glyphosate. En effet, aujourd'hui, hormis le Luxembourg qui n'est pas spécialement connu pour être une puissance agricole puisque sa surface agricole utile représente moins de 1 % de la surface agricole utile européenne contre 17 % pour la France, nous sommes le premier pays européen réellement engagé dans l'interdiction du glyphosate. L'Allemagne et l'Autriche ont fait des déclarations d'intention mais, concrètement, n'ont encore rien mis en place pour en sortir. Même si nous pouvons être fiers de ce résultat, il est important d'en montrer les limites et les risques.
Les risques sont en premier lieu pour nos agriculteurs à qui nous imposons des règles de plus en plus strictes en leur répétant que ce n'est jamais assez quand leurs voisins européens dont nous consommons les produits importés bénéficient d'une rigueur nettement moindre. Il nous paraît important de souligner que l'interdiction du glyphosate doit être portée au niveau européen, sans quoi elle créera inéluctablement des distorsions de concurrence qui mettront davantage à mal nos agriculteurs et notre agriculture alors que nous prônons le retour de notre souveraineté alimentaire. Il est également important que l'Europe, si elle choisit en 2022 de sortir du glyphosate, se protège des importations de produits de l'étranger, provenant d'une agriculture qui utilise ce produit en réduisant considérablement les coûts de production. Nous avons eu des échanges avec nos collègues parlementaires européens pour qu'ils reprennent le flambeau de la sortie du glyphosate.
En France, la diminution de l'utilisation du glyphosate n'est pas seulement un projet : c'est déjà une réalité. Avec le soutien de la France, nous pensons qu'une interdiction pourrait être mise en place en Europe dès lors qu'il existe des techniques non chimiques de substitution, satisfaisantes à la fois d'un point de vue environnemental et d'un point de vue agronomique, avec un coût économique viable. Un soutien aux agriculteurs sera malgré tout nécessaire pour que ces alternatives ne mettent pas en péril les exploitations et la souveraineté alimentaire européenne. Cette interdiction doit s'accompagner d'un renforcement des aides européennes en faveur, plus globalement, de la réduction de l'ensemble des produits phytopharmaceutiques.
Nos travaux prennent donc fin aujourd'hui, après plus de deux années au cours desquelles notre mission d'information s'est pleinement investie dans un débat public qui passionne beaucoup de Français et tous ceux qui sont présents dans cette salle bien entendu. Vous l'aurez compris, nous avons agi en essayant de donner notre vision et d'apporter des éléments pour contribuer à la réussite d'une transition qui soit respectueuse à la fois de notre environnement et de nos agriculteurs.
Nous souhaitons en guise de conclusion formuler le vœu d'une meilleure association du Parlement à la prise de décision publique sur la question des produits phytopharmaceutiques. À cette fin, nous proposons que quatre parlementaires, dont deux appartenant à des groupes de l'opposition, soient intégrés au comité d'orientation stratégique de suivi (COS) Écophyto.
Pour remettre également de la rationalité scientifique et technique dans un débat parfois passionné et même passionnant, les questions liées aux produits phytopharmaceutiques pourraient être inscrites à l'ordre du jour de l'OPECST, qui réunit 18 sénateurs et 18 députés. Je crois que cet office peut beaucoup nous apporter.
Enfin, nous souhaitons que nos trois commissions permanentes puissent, dès l'année prochaine, peut-être en juin et en décembre, entendre les ministres en charge de l'agriculture, de la transition écologique et des affaires européennes sur le suivi de la mise en œuvre de l'interdiction du glyphosate qui, maintenant, est aussi pilotée par un chef de projet « glyphosate ». Il s'agira de voir où nous en sommes en termes de volume de réduction et d'équilibre économique des exploitations concernées par les nouvelles interdictions d'usage en 2021.
Je remercie notre président pour la manière dont il a conduit la mission parlementaire et le co-rapporteur avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler, sans oublier l'équipe administrative qui nous a épaulés.
La loi « Égalim » voulait réunir les conditions d'une agriculture de qualité, rémunératrice pour les producteurs, tout en préservant la qualité des sols et la santé humaine. La réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques apparaissait donc comme une des conditions à remplir avec, parmi ceux-ci, le glyphosate. Je rappelle que l'objectif bien compris de cette mission était d'éclairer les députés et les pouvoirs publics, d'apporter une réponse aux agriculteurs désireux d'améliorer la qualité de leur production en préservant leur revenu et l'environnement, mais aussi d'apporter une réponse à l'opinion publique qui demande et exige la transparence pour avoir confiance dans les produits qu'elle consomme.
Cette mission a permis un certain nombre d'avancées après un premier rapport d'étape qui avait mis en lumière quelques lacunes, en particulier sur le type de produits que nous pourrions interdire dès l'année 2021. Une connaissance plus précise des données de vente du glyphosate a également été apportée. Grâce à cette mission, des chiffres plus précis ont été avancés, les usages du glyphosate ont été clairement définis et identifiés ainsi que des pistes de réduction de cette utilisation.
Nous concluons donc avec le chiffre global d'une diminution de 37 % de l'utilisation du glyphosate entre 2018 et 2019, avec des usages du glyphosate désormais bannis, en viticulture en inter-rang lorsque la parcelle est mécanisable, en arboriculture dans l'inter-rang à l'exception des cultures buissonnantes et, en grande culture, l'interdiction d'usage du glyphosate dans toute parcelle déjà labourée sauf dans le cadre de la lutte obligatoire, réglementée, contre certaines proliférations.
Il reste les pratiques sans solution alternative au glyphosate. Je mentionne la situation particulière de l'agriculture de conservation des sols, un sujet qui mérite sans doute un traitement spécifique car c'est une méthode intéressante, en particulier pour le stockage du carbone dans les sols. Cette agriculture de conservation s'oriente vers une utilisation raisonnée du glyphosate.
Dans notre discussion, j'isole deux problématiques. La première est le contexte européen avec le rôle de locomotive de la France, qui doit entraîner ses partenaires vers un usage raisonné et harmonisé de la substance. La seconde problématique est l'accompagnement des agriculteurs : ne laisser personne au bord de la route est absolument nécessaire pour les agriculteurs qui s'engagent dans une démarche vertueuse. Nous devons garantir leur revenu et le rapport aborde déjà des solutions. Je cite en particulier la révision tous les deux ans des AMM délivrées, utile à la protection de la santé publique et la prise en compte de nouvelles données liées à la généralisation des pratiques ; la cartographie des financements possibles pour les agriculteurs, un outil très pratique pour eux ; ou encore le crédit d'impôt pour les agriculteurs, dont nous parlerons ce soir en séance.
Je tiens à saluer l'important travail qui a été réalisé au cours de cette mission d'information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate. Vous l'avez rappelé à juste titre, l'interdiction sans solution, sans alternative pour nos agriculteurs et l'ensemble des exploitations de notre territoire ne conduira qu'à des impasses. Ne montrons pas les agriculteurs du doigt car ils sont les premières victimes de décisions technocratiques. Ils comprennent les enjeux environnementaux et sanitaires et la nécessité de trouver des solutions. Ils ont conscience qu'il est désormais indispensable de faire évoluer les pratiques. La sortie du glyphosate ne peut se faire qu'avec des mesures d'accompagnement et d'adaptation et avec de la visibilité pour l'agriculture.
Aujourd'hui, les agriculteurs sont très inquiets car cette sortie du glyphosate les pointe du doigt. Ils sont certes des utilisateurs importants de cette substance mais ils ne sont pas les seuls. Les sociétés d'autoroutes et la SNCF y ont également recours.
Le glyphosate ne disparaîtra pas du jour au lendemain mais il sera décidé de maintenir ou d'interdire certains usages via des autorisations de mise sur le marché de produits à base de glyphosate. Tout ceci est encore flou au vu du peu de données disponibles.
L'interdiction des principaux usages du glyphosate dès 2021 semble toutefois irréaliste et non conforme à la réalité de la transition écologique et sanitaire à l'œuvre sur le terrain. Nous serons le premier et seul pays d'Europe à avoir adopté une obligation de cette nature, aussi stricte et restrictive. Alors que nous nous rapprochons de l'échéance, l'ensemble des filières qui seront prêtes à sortir du glyphosate n'est toujours pas clairement identifié. La clarté de la stratégie comporte visiblement un raté.
La suppression du glyphosate coûtera très cher à nos agriculteurs ; un grand nombre d'entre eux se retrouveront en grande difficulté. Le rapport précise bien que l'arrêt engendrera des coûts substantiels. Le coût total pour la filière céréalière française serait de 950 millions d'euros. Les surcoûts liés à la substitution au glyphosate d'alternatives non chimiques seront conséquents, avec des pratiques de désherbage particulièrement onéreuses en grande culture, en viticulture et en arboriculture, une main-d'œuvre supplémentaire et l'acquisition de nouveaux équipements mécaniques. Les rendements seront amoindris et les nouvelles charges, importantes, d'autant plus que ce rapport nous montre que les surcoûts liés à la phase de transition n'ont toujours pas été évalués.
Bien que plusieurs dispositifs de soutien financier aient été mis en place, notamment dans le cadre du plan Écophyto 2, du grand plan d'investissements pour 2018-2022 et des crédits d'impôt, les agriculteurs concernés ne perçoivent pas toujours les aides dont ils peuvent bénéficier. Je reviens en particulier sur les propos de notre rapporteur Jean-Luc Fugit concernant les crédits d'impôt qui sont très limités par le critère d'activité principale. Il évoquait la problématique des laitiers ; je voudrais évoquer également celle des exploitants dont l'activité est l'élevage. Il est nécessaire qu'ils puissent être eux aussi concernés.
Malgré l'important travail réalisé par cette mission d'information, il semble que le monde agricole reste démuni face à cette interdiction qui entre en vigueur dans quelques jours. Ce coup de communication du Gouvernement laissera les agriculteurs sans solution, face au manque d'alternatives, avec des pertes de ressources engendrées par cette interdiction et une concurrence déloyale au regard des produits importés.
Je voudrais profiter de ce sujet pour montrer comment la forme d'un dossier peut faire progresser le fond.
Le Président de la République, en mettant ce sujet au cœur de sa campagne, l'a finalement lancé au niveau européen. Grâce aux travaux menés par notre mission, ce sujet a diffusé dans la société. J'en ai fait part au cours de la mission et j'ai pu le constater moi-même au sein de la profession agricole. Au début, nous étions partis sur des positions un peu d'opposition et, au final, lorsque nous rencontrons maintenant les différents professionnels, chacun se demande comment il peut faire l'effort nécessaire. Le sujet du glyphosate a vraiment progressé dans le débat public et j'en remercie la mission. Je souhaite en particulier remercier le président de la mission pour la façon dont il a mené le débat avec les co-rapporteurs. De façon très transpartisane, il a fait progresser la prise de conscience au sein de notre société et des organisations professionnelles. C'est déjà remarquable.
Je pense que la méthode retenue, fondée sur une évolution des AMM, est la bonne. Nous pouvons supprimer un certain nombre d'AMM parce que nous avons des solutions pour un certain nombre d'usages. Nous devons en maintenir d'autres parce que, pour l'instant, nous sommes dans des impasses. Pour ceux qui regrettent que ce ne soit pas « tout ou rien », je pense que lorsque nous aurons diminué de 60 % l'usage du glyphosate à la fin de 2021 ou 2022, nous aurons déjà beaucoup progressé sur le sujet en résolvant 60 % du problème.
L'importance de la recherche a été soulignée. Il serait bon de mettre en avant la problématique des plantes vivaces – le chardon et surtout le liseron – et il faut que la recherche avance sur leur maîtrise qui est un vrai problème pour les agriculteurs. L'autre sujet important est la destruction des couverts. Nous avons en effet deux objectifs contradictoires : d'un côté, nous avons besoin de semer et, de l'autre, nous avons besoin de protéger nos sols et de maintenir des couverts, que ce soit pour l'agriculture de conservation ou même pour l'agriculture classique. Il faut sélectionner des cultures destructibles par roulage, des cultures qui se détruisent plus facilement par le gel ou par broyage.
Enfin, sur l'aspect économique, le groupe MoDem et Démocrates apparentés sera présent ce soir dans l'hémicycle pour prévoir l'élargissement des publics concernés par le crédit d'impôt car il ne faut pas que seules les cultures principales soient visées. Les éleveurs notamment doivent aussi être concernés.
Je salue au nom du groupe Socialistes et apparentés le président et les deux co-rapporteurs de la mission. Je faisais partie des sceptiques et je pense qu'il existe parfois un certain honneur à reconnaître avoir changé d'avis. Vous m'avez impressionné par votre travail, votre persévérance dans la durée et la qualité du travail rendu in fine. Je dois le dire, sinon je ne serais pas honnête intellectuellement.
Il me semblait que la méthode du Gouvernement consistant à laisser venir les crises l'une après l'autre, à traiter la question molécule par molécule n'était pas un bon chemin. Il se trouve que le glyphosate, par la charge symbolique qu'il avait prise dans notre société et par son caractère systémique, devait bénéficier d'un traitement singulier. Je dois l'admettre aujourd'hui.
Je voudrais simplement vous dire que pour ma part – et je suis un cas singulier dans mon groupe –, je n'avais pas voté l'interdiction du glyphosate. Je n'avais pas pris part au vote et cela m'a coûté très cher dans l'opinion. Il me semblait exister un véritable danger sur le fond, à ce que notre démocratie devienne une démocratie d'opinion et ne fasse pas confiance aux institutions alors que j'ai passé le premier quinquennat à bâtir le plan Écophyto 2. Nous avons bâti des institutions et adopté l'amendement sur la phytopharmacovigilance qui permet de retirer des molécules comme le métam-sodium qui était employé notamment pour la mâche nantaise. Une douzaine de molécules sont en cours d'examen et certaines seront retirées après leur mise sur le marché. Nous avons créé un « coupe-file » pour le biocontrôle et renforcé les moyens de l'ANSES. Ce travail crée des institutions démocratiques et ce n'est pas de la démocratie d'opinion.
Le marché a fait son œuvre et les firmes ont retiré les produits plus chers ; il ne s'est pas produit de substitution. Nous sommes bien à la recherche d'alternatives. Je n'ai rien à dire sur les exceptions que vous posez. Celles sur la vigne sont liées à des problèmes pédoclimatiques que nous ne pouvons pas ignorer à court terme et celle sur les systèmes racinaires de l'arboriculture n'a pas de solution mécanique pour l'instant.
Je suis plus étonné et dubitatif pour l'agriculture de conservation des sols. Je suis persuadé qu'un champ de recherche couplant la mécanique et la génétique permettra l'élimination des couverts à court terme. Nous disposons déjà de solutions sur les dicotylédones. La coupe sous-surfacique est envisagée pour les graminées. Nous pourrons demain faire du mulch, avoir des solutions écologiques et économiques performantes qui nous permettent de nous affranchir du glyphosate. L'agriculture de conservation peut jouer son rôle. L'associer au glyphosate, c'est la condamner alors qu'elle a une fonction à jouer dans les écosystèmes par ses bénéfices globaux.
Dans les régions intermédiaires, l'essentiel de nos problèmes n'est-il pas lié à l'écosystème avec une compétition sur les coûts qui a fait perdre le sens de la valeur ajoutée ? Nous sommes dans une impasse. Le manque de main-d'œuvre et la recherche des moindres coûts les ont amenées à produire pour la mondialisation des produits toujours moins chers. C'est une course sans fin, c'est une course perdue pour ces zones intermédiaires. Nous devons faire un grand plan économique et social pour retrouver de la valeur ajoutée humaine, agronomique, écologique et sur les produits. Il faut les reconnecter à l'élevage, il faut que le plan Protéines soit d'abord pour ces zones. Il faut allonger les rotations, il faut complexifier, il faut réinventer une agronomie du futur et des marchés du futur pour ces zones intermédiaires. Elles s'en tireront sinon par des mesures d'exception et vous le regretterez.
Enfin, vous relégitimez le plan Écophyto et souhaitez une gouvernance partenariale. Je le défends depuis trois ans, comme le plan Protéines et la certification HVE 3. Cela fait trois ans que nous plaidons dans le désert. Nous sommes satisfaits que cette position soit désormais défendue et je ne vous cache pas que je serais heureux de faire partie des quatre parlementaires présents autour de la table pour construire des solutions d'avenir réconciliant société et agriculture.
Je voudrais joindre ma voix au concert de louanges adressées au président, aux deux co-rapporteurs et à l'ensemble des membres de cette mission dont j'ai eu l'honneur de faire partie.
Le sujet était évidemment complexe compte tenu de la forte attente en la matière et des engagements politiques extrêmement forts venant du sommet de l'État. Il faut se placer à l'articulation d'une réglementation européenne souvent ignorée, avec la tentation de jouer sur le levier de la législation nationale. Je rappelle que la directive de 2009 demande à chaque État membre de présenter un plan de réduction des produits phytosanitaires. De ce point de vue, la France est vraiment à l'avant-garde de l'ensemble de nos partenaires européens.
Nous avons eu la chance de travailler sur l'état de l'art avec l'INRAE et de conforter le rôle important de l'ANSES. C'est une agence indépendante, qui doit le rester et qui doit pouvoir, en toute indépendance, trancher des questions techniques et donner un avis sur des autorisations de mise sur le marché. Nous avons travaillé avec les acteurs de terrain et avec l'opinion publique puisque l'ensemble de nos auditions ont été publiques, ce qui a aussi permis de faire en sorte que de nombreuses personnes puissent suivre ces travaux. Nous avons finalement su cheminer sur une ligne de crête et je m'en félicite.
Je souhaite que cette méthode puisse être reprise sur d'autres sujets plus complexes encore. Je pense en particulier à la séquestration du carbone ; selon moi, cette thématique nouvelle permettra de faire la synthèse de la rencontre de l'ensemble des possibles en termes agronomiques, économiques, écologiques ou en termes d'utilisation des produits phytosanitaires ou de génétique… Je pense qu'il serait peut-être intéressant de lancer une mission exploratoire du Parlement sur ce sujet. Nous nous placerions en avant-garde de la mise en œuvre de la future politique agricole commune (PAC). Cela éclairerait nos travaux, voire ceux de la future législature.
S'agissant de la transition technologique qui est devant nous, je regrette que nous en restions à un crédit d'impôt uniquement pour ce qui concerne le glyphosate. Je pense qu'une des pistes à explorer est celle d'un accompagnement fiscal, ou autre, pour une transition beaucoup plus ambitieuse. Pour citer les termes repris par Visconti dans Le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Nous sommes justement dans la position inverse : il faut que tout change et, pour que tout change, il faut changer avec discernement et surtout avec beaucoup de persévérance. C'est le rôle et c'est tout l'honneur du Parlement d'avoir cette approche.
Depuis 2008, les différents plans Écophyto, malgré des objectifs très ambitieux, n'avaient pas enrayé l'augmentation de la consommation des produits phytosanitaires. Selon votre rapport, 2019 marquerait donc une inflexion notable. Vous faites état d'une diminution de 37 % de la quantité de glyphosate vendue par rapport à 2018, passant de 9 916 tonnes à 6 067 tonnes. C'est effectivement tout à fait sensible et nous retrouverions les niveaux de 2009. La question est de savoir si cette dynamique se poursuivra dans les années à venir à ce rythme.
L'ANSES recommande de réduire les quantités maximales de glyphosate autorisées. Cependant, les doses utilisées en moyenne sont souvent inférieures aux nouveaux plafonds définis. Cette réduction attendue de 60 à 80 % des quantités utilisées en fonction des usages tient-elle compte de ces nouveaux plafonds ou de l'utilisation effective du glyphosate ?
L'autre sujet crucial est l'accompagnement des agriculteurs dans la transition agroécologique. Il est urgent de leur apporter un soutien technique et financier afin qu'ils puissent adapter leurs méthodes aux changements de production nécessaires. La politique actuelle est à cet égard insuffisante. Vous ne manquez d'ailleurs pas de le pointer avec honnêteté dans votre rapport.
Dans le PLF 2021, le Sénat a adopté un nouveau crédit d'impôt destiné aux agriculteurs se passant du glyphosate. Il devrait être conservé dans le texte final. Pourquoi est-il prévu un crédit d'impôt et non un fonds d'aide ? Ce montant sera‑t‑il suffisant pour couvrir les surcoûts engagés ?
Par ailleurs, la Cour des comptes avait pointé un manque de lisibilité et de clarté des aides qui « conduit à développer une gestion administrative et financière si complexe qu'elle peut neutraliser les effets de l'impulsion nationale et, plus récemment, des initiatives régionales ». La mise en œuvre d'un guide des financements mobilisables à l'intention des agriculteurs suffira-t-elle à lever cet obstacle qui semble très important ?
Vous évoquez à plusieurs reprises la question des quantités et de la difficulté à obtenir des données fiables. Il existe encore une incertitude sur les données que vous présentez dans votre rapport, et certains des résultats sont incomplets, non consolidés, puisque les chiffres de 2019 présentés ne sont pas consolidés par la BNV-D. Vous tirez donc des conclusions que je qualifierais d'hâtives sur le niveau de baisse. Je pense qu'un rapport de ce niveau devrait au moins en faire état.
Par ailleurs, vous parlez des quantités en volume alors que le sérieux voudrait que nous parlions en nombre de doses unités (NODU), qui ne varie pas lorsque les concentrations de matière active varient. Sinon, les comparaisons ne valent plus rien.
Cette baisse serait notamment due à l'interdiction de l'usage du glyphosate par les particuliers en 2019. Vous documentez finalement le fait que seule une interdiction aurait un effet sur la baisse des consommations.
Le plan Écophyto pose de même cette question des baisses et des dynamiques engagées. 710 millions d'euros ont été dépensés en dix ans pour, finalement, une augmentation globale des volumes de 25 % au lieu d'une baisse de 50 %. Je crains qu'Écophyto 2+ ne prenne le même chemin.
Vous pointez dans le rapport la question des cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) pour dire qu'Écophyto 2+ est plutôt une réussite. Il reste pourtant un point aveugle qui me pose problème, celui du mancozèbe. Ce CMR 2 devait être classé en octobre 2019 comme CMR 1 et ne l'a pas été ; il a donc disparu complètement des radars alors qu'il est le plus utilisé des CMR, notamment des CMR 1, puisqu'il représente 82 % des utilisations d'après le rapport Écophyto 2018-2019.
Je m'inquiète de tous ces points aveugles du rapport, qui permettent d'avoir des conclusions un peu trop édulcorées à mon avis. En tout cas, je ne les partage pas. Je pense aussi que les alternatives sont rendues invisibles puisque l'audition de la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) consacrée aux alternatives, longue et techniquement documentée, n'a fait l'objet que d'un encadré en page 64 du rapport. Les conclusions que vous en tirez me semblent clairement orientées, avec un besoin supérieur de main-d'œuvre, une compensation économique incertaine. Or, il a été démontré que le modèle est économiquement et agronomiquement soutenable.
Sur la partie agronomique, je regrette que les auditions de scientifiques de l'INRAE que j'ai réclamées à plusieurs reprises n'aient jamais été faites, et que les auditions de l'Institut technique de l'agriculture biologique (ITAB) n'aient pas pu avoir lieu.
Je suis un peu gêné par la manière dont notre collègue du groupe Les Républicains pense que tout ce qui est proposé ou fait est irréaliste. Je pense que la meilleure façon de savoir si cela fonctionne sera de le mesurer. C'est la raison pour laquelle nous proposons que les trois commissions concernées et l'OPECST effectuent une telle mesure courant 2021.
Je rappelle également qu'un chef de projet « glyphosate » a été nommé. Sa feuille de route a été annexée au rapport d'information. Il lui est demandé, dans un premier temps, de se saisir des interdictions d'usage et de regarder, filière par filière, au vu des interdictions d'usage pour 2021, quelles sont les difficultés. Un travail interactif et sûrement itératif pourra en découler.
Votre jugement me semble donc un peu dur, notamment votre affirmation selon laquelle les rendements seront amoindris. Je pense qu'il faut faire attention en manipulant la question des rendements. Elle est liée à la météorologie, à la sécheresse et aussi à des problèmes de pollution à l'ozone. Je vous invite à ce sujet à lire le rapport récent d'analyse économique des impacts de la pollution atmosphérique de l'ozone sur la productivité agricole et sylvicole en France APollO Ozone. Les agriculteurs sont coresponsables de la génération de l'ozone par leurs activités et en sont en même temps les premières victimes. L'ozone implique des baisses des rendements agricoles de 15 %, 20 % ou 30 %. Il s'agit pour moi d'un sujet pas très médiatisé aujourd'hui mais qui est un sujet majeur pour l'agriculture, notamment pour les cultures de céréales et de maïs.
Nous devons faire attention à ne pas être trop affirmatifs sur les conséquences d'un certain nombre de sujets alors que, à côté, d'autres sujets tout aussi importants peuvent venir largement gêner nos rendements agricoles. Je pense qu'il faudra vraiment mesurer. MM. Julien Dive, Jean-Baptiste Moreau et moi-même avons toujours été aussi objectifs que possible sur les mesures et les observations. Nous continuerons à étudier ceci avec les ministres et la profession, notamment le chef de projet « glyphosate ».
Je suis assez d'accord avec M. Nicolas Turquois lorsqu'il dit que l'état d'esprit a changé. Nous l'avons constaté et je l'ai vu dans ma circonscription avec des agriculteurs, des viticulteurs et des céréaliers.
S'agissant de ce que disait M. Dominique Potier sur l'agriculture de conservation des sols, je comprends qu'il soit possible de croire, en extrayant certaines phrases de nos propos, que nous associons cette agriculture et le glyphosate. En réalité, ce n'est bien entendu pas le cas. Il faut aller vers une agriculture de conservation des sols sans glyphosate mais, aujourd'hui, la pratique de l'agriculture de conservation des sols – qui concerne tout de même 10 % de la surface agricole utile – comporte, dans la colonne négative, l'usage du glyphosate et, dans la colonne positive, le fait que la fixation du CO2 est beaucoup plus importante grâce au couvert végétal permanent, et parce qu'elle utilise en moyenne trois fois moins de carburant et que le sol est beaucoup moins tassé.
Je vous invite à faire un test, comme je l'ai fait dans ma circonscription où des champs de maïs étaient voisins. Bêchez un champ de maïs en agriculture de conservation des sols, en agriculture biologique et en agriculture conventionnelle ; il n'y a « pas photo », le sol qui a le meilleur aspect, la meilleure biodiversité, qui est le plus aéré est celui en agriculture de conservation des sols.
Nous pensons, de ce que nous avons observé, que l'agriculture de conservation des sols doit aussi évoluer mais qu'elle mettra probablement plus de temps à pouvoir se passer du glyphosate que d'autres types de culture. Des cas d'agriculture de conservation des sols sans glyphosate m'ont certes été signalés. J'irai me rendre compte par moi-même car ce sont des agriculteurs que je n'ai pas encore eu l'occasion de rencontrer même s'ils sont installés dans mon très beau département du Rhône, mais pas dans ma circonscription. Je pense que le sujet doit être creusé. Nous n'établissons pas d'association entre ce type d'agriculture et l'usage de glyphosate, nous disons juste qu'il faut faire attention pour ce type d'agriculture.
Je suis tout à fait d'accord avec ce que disait M. Antoine Herth sur la séquestration du carbone. C'est un sujet majeur, abordé dans un rapport de l'OPECST rendu au mois de juillet par mon collègue sénateur M. Roland Courteau et moi-même : L'agriculture face au défi de la production d'énergie. Nous y avons réservé une partie à la problématique de la séquestration du carbone. Je trouve que l'idée de notre collègue Antoine Herth d'une mission exploratoire sur le sujet est très intéressante.
S'agissant des propos de M. Dominique Potier sur les solutions mécaniques, un certain nombre de méthodes sont déjà utilisables en agriculture de conservation des sols (ACS), notamment le broyage mécanique. Des aides sont prévues dans le plan de relance pour permettre de s'équiper puisque ces techniques demandent des équipements supplémentaires et un peu plus de main-d'œuvre. Je suis sûr que la recherche se mobilisera rapidement sur le sujet. Ce que nous avons pointé est l'existence, dans l'immédiat, d'un certain nombre d'impasses dans l'ACS, mais je partage la conviction que nous y parviendrons à terme.
Sur les zones intermédiaires, la principale problématique est l'abandon de l'élevage. Nous avons créé des grandes cultures, notamment de blé et d'orge, sur des sols qui n'étaient pas faits pour être labourés annuellement, qui présentent des risques importants d'érosion et qui sont pour la plupart caillouteux. Cela provoque d'importants déstockages de carbone qui ont causé la perte de toute qualité agronomique des sols et donc toute rentabilité de la culture. Le plan Protéines, la diversification des cultures et la remise en place de certains élevages – à condition de redonner du potentiel économique à l'activité d'élevage – sont des solutions dans ces zones intermédiaires. Nous n'y arriverons pas en continuant à faire du blé comme dans la Beauce. La qualité agronomique des sols n'est pas du tout au même niveau et donc la rentabilité non plus.
Sur le crédit d'impôt, je suis d'accord qu'il faut élargir la focale, notamment dans le cadre de la politique agricole commune. La stratégie « Farm to fork » vise aujourd'hui à la diminution de 50 % des produits phytosanitaires. C'est bien de le dire mais il faut que l'Europe s'en donne les moyens et fasse évoluer l'ensemble des pays européens vers la diminution de l'utilisation des produits phytosanitaires. Il faut que ce ne soit pas que des déclarations d'intention et que, dans les faits, un véritable accompagnement technique et économique soit mis en place.
Tous les pays européens n'en sont pas au même stade. Un certain nombre de produits sont interdits en France et autorisés dans d'autres pays. Il faut commencer par harmoniser les autorisations des produits. Nous ne pouvons pas avoir, sur un même marché commun, des pays qui autorisent certains produits qui sont économiquement rentables mais écologiquement dangereux tandis que ces mêmes produits sont interdits dans d'autres pays et continueront à l'être.
L'avantage d'un crédit d'impôt par rapport à un fonds d'aide est qu'il est immédiatement mobilisable, sans avoir besoin de faire de déclaration. Comme c'est un crédit d'impôt, même les agriculteurs qui ne paient pas d'impôt en bénéficient.
Je pense que nous pourrions aussi réfléchir à un fonds de transition agroécologique, mais il faut le faire dans le cadre de la future politique agricole commune sinon nous serons soumis aux règles sur les aides de minimis qui risquent de plafonner le montant d'aide par exploitation. Le mécanisme d'un fonds d'aide est donc beaucoup plus complexe et il faut réfléchir aussi à la façon de l'abonder. C'est une demande sociétale ; il semblerait logique que l'ensemble de la filière – les industries agroalimentaires et la grande distribution – puisse abonder ce fonds pour aider les agriculteurs dans la transition agroécologique. J'avais déjà soulevé cette idée dans différents projets de loi de finances. Je ne l'ai pas fait pour celui-ci mais je pense que c'est une piste à creuser.
Nous n'avons effectivement pas les données en termes de NODU pour 2019. Nous les avons pour l'utilisation globale des produits phytosanitaires. Elles se trouvent dans les documents annexés au projet de loi de finances 2021, concernant les crédits de la mission budgétaire « Agriculture ». Le NODU a baissé de 35 % par rapport à 2018. Cette baisse est relativement importante et suit exactement la même courbe que la diminution du glyphosate. Ce n'est pas tellement étonnant étant donné que le glyphosate est la principale substance active utilisée comme produit phytosanitaire dans l'agriculture française.
Il est exact que les volumes de substances actives ne donnent qu'une indication mais ce sont tout de même les données de la BNV-D. Ce sont les données de vente de la quantité de glyphosate, qui sont parfaitement fiables. La carte de la superficie agricole utile (SAU) est bien présente dans le rapport, avec même le détail de l'utilisation de substance département par département. Le mancozèbe sera interdit dans l'Union européenne au 1er janvier 2021 et donc sera, de fait, interdit en France également.
Pourriez-vous nous donner des précisions sur les actions du programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement » ? Il dispose de 30 millions d'euros sur six ans et doit être mis en œuvre prochainement.
La politique est l'art de faire des choix. Vous avez fait le choix de « taper » sur cette molécule particulièrement abjecte aux yeux de la société, le glyphosate. Vous avez réussi à envisager progressivement de l'éradiquer complètement. La contrepartie est que nous sommes obligés de trouver d'autres systèmes pour désherber puisque nous avons besoin de continuer à désherber. Vous en avez même parlé en évoquant un certain nombre de coûts et de technologies alternatives, notamment toutes les technologies qui nécessitent un tracteur, un broyeur et qui renvoient du CO2 dans l'atmosphère.
Vous avez parlé de l'agriculture de conservation. Effectivement, si nous ne sommes pas capables de trouver demain des moyens pour éliminer l'herbe, nous devrons refaire des labours qui enverront à nouveau du CO2 dans l'atmosphère. C'est dommage que nous ne soyons pas aujourd'hui totalement sur une ligne de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui, à mon avis, est la priorité pour conserver notre planète.
Je salue la remarquable qualité du travail de nos collègues MM. Jean-Baptiste Moreau et Jean-Luc Fugit. Ce rapport souligne l'importance de la stratégie de sortie du glyphosate. Aujourd'hui, plus personne ne conteste l'impact du glyphosate sur la biodiversité, sur l'environnement et sur la santé humaine. En tant que médecin, je ne peux qu'être sensible à ces éléments et plaider pour l'interdiction de cette molécule, comme s'y était engagé le Président de la République en 2017. Il n'est plus l'heure de tergiverser.
Si votre rapport se veut relativement rassurant, vous écrivez cependant noir sur blanc que l'analyse des coûts économiques de la transition a mis en évidence le fait que de nombreux agriculteurs ne pourront mener cette transition sans menacer la survie de leur exploitation. Il faut donc aller plus loin dans l'accompagnement des agriculteurs qui devront faire face à d'importants surcoûts de production. Le soutien financier annoncé par le Gouvernement semble bien trop faible et inadapté à la situation de précarité actuelle. Vous avez déjà indiqué quelques mesures de soutien. Quelles nouvelles mesures préconisez-vous à l'échelle nationale ? Estimez-vous qu'un fléchage de la PAC vers la sortie du glyphosate soit nécessaire ?
Je voudrais en tant que médecin appuyer avec force votre proposition de réexamen des autorisations de mise sur le marché délivrées par l'ANSES au fil de la levée des obstacles agronomiques ou techniques et des avancées scientifiques. Je salue à ce titre la démarche progressive et pas seulement progressiste que vous avez suivie.
La France devance nombre de pays européens. Je suis élu d'une circonscription frontalière avec le Luxembourg. Celui-ci a décidé d'interdire le glyphosate le 31 décembre 2020 et réduira considérablement l'usage des produits phytopharmaceutiques. Dans son plan national de réduction des produits phytopharmaceutiques, il vise une réduction de l'utilisation de ces produits de 50 % d'ici 2030 et de 30 % des « big movers » – les plus dangereux ou les plus utilisés – d'ici 2025.
Pour prendre en compte des territoires limitrophes comme le mien, regroupant une population de plus de 100 000 transfrontaliers et constituant un bassin de vie économique, sociale et de qualité alimentaire et environnementale, je pense qu'il faut peut-être différencier les territoires au sein de notre République pour permettre à ceux qui veulent aller vite de le faire et les accompagner pour assurer une homogénéité de vie et de pratiques, particulièrement en Moselle et dans la 8e circonscription de ce département. J'aimerais que nous soyons certes vigilants mais aussi persévérants quant à la mise en œuvre du plan d'action et que nous regardions ce que font nos amis luxembourgeois. C'est le président du groupe d'amitié France-Luxembourg qui le dit, avec force et peut-être vigueur, en tout cas avec conviction.
Le sujet est aujourd'hui de trouver des solutions pour chaque typologie d'utilisation, ce qui implique de financer la recherche. Nous nous rendons compte qu'en fonction des cultures et des pratiques culturales, l'arrêt du glyphosate peut s'envisager avec plus ou moins de difficultés.
Dans le Calvados, ce sont surtout les céréaliers qui sont concernés par l'utilisation de cet herbicide. La région Normandie a engagé en 2019 un programme dénommé « contrat de transition Normandie glyphosate 2021 ». 39 exploitations agricoles normandes se sont engagées dans ce dispositif où la région les accompagne à hauteur de 80 euros par hectare et par an. Ce qui ressort de cette expérimentation est la dépendance aux conditions météorologiques. Si la première interculture connaît un temps relativement sec, les adventices ne se développeront pas beaucoup et pourront donc être détruites par du déchaumage. Si cette période est pluvieuse, les adventices se développent énormément et il faut alors labourer avant la culture suivante. Ce sont des exploitants en agriculture de conservation, c'est-à-dire sans labour, qui devront se remettre à labourer pour se passer du glyphosate. Ce sujet me pose question par rapport au bilan carbone de cette opération. Il n'est jamais abordé mais je pense qu'il participe globalement à l'impact environnemental des cultures.
Ce rapport met bien en évidence des avancées en matière d'alternatives au glyphosate, en accentuant les recherches sur le modèle agricole le plus courant, c'est-à-dire un modèle agrochimique et mécanique. En arrière-plan, nous pouvons lire que les alternatives agronomiques sont peu étudiées à cause des importants changements de pratiques qu'elles génèrent. Par ailleurs, même s'il est fait mention du biocontrôle, le rapport ne contient pas de référence à l'usage des préparations naturelles peu préoccupantes. Il est vrai que le développement de celles-ci se heurte aujourd'hui encore à certains blocages, administratifs notamment. Pourtant, ces options complémentaires offrent des alternatives non seulement au glyphosate mais à l'ensemble des herbicides. Quel est votre point de vue sur ces possibles orientations ?
La question du glyphosate n'est pas qu'une question agricole. C'est devenu un problème de société et c'est la raison pour laquelle nous avons du mal à nous en occuper vraiment bien. C'est une question qui concerne tous nos concitoyens dans leur alimentation. Mardi 8 décembre dernier, le Président de la République a appelé en clôture d'une série de conférences scientifiques sur l'agriculture de demain à une coopération internationale sur la santé du vivant, réconciliant santés humaine, animale et environnementale. C'est le concept « One health, une seule santé » créé par l'Organisation des Nations Unies (ONU) en 2010. Ce n'est pas très récent.
Le glyphosate est vraiment le symbole de tous les traitements agricoles. Il est vécu par nos concitoyens comme un problème de santé. Nos concitoyens sont les clients ultimes de l'agriculture. Ce sont les consommateurs citoyens qui mangent ce qui est produit par les agriculteurs.
Dans le cadre de l'interdiction programmée du glyphosate, pourquoi les associations de consommateurs et les organisations non gouvernementales (ONG) n'ont-elles pas été auditionnées ? Je ne l'ai peut-être pas vu mais elles sont aujourd'hui parties prenantes du problème. La France compte 23 millions de ruraux, 450 000 fermes. Tous ces gens doivent vivre ensemble. Si nous ne traitons pas le problème globalement, je pense que nous n'aurons pas vraiment de solution.
Pourquoi le coût du glyphosate pour nos sociétés n'a-t-il pas été étudié ? Ce pourrait être un levier d'accompagnement des agriculteurs. Le coût du glyphosate englobe le coût en termes de santé mais aussi le coût du traitement des eaux polluées par les intrants. Cela coûte entre 200 et 800 euros par hectare et par an. C'est très cher. Si nous évitions ce coût, nous pourrions aider et accompagner les agriculteurs.
Le mot « agroécologie » n'est pas du tout utilisé dans le rapport, à part par le président M. Dive qui l'a utilisé tout à l'heure. L'agroécologie scientifique est pourtant un domaine d'innovation, étudié à AgroParisTech et à Berkeley. Cette matière scientifique comporte beaucoup de pratiques très innovantes.
Pourquoi l'approche One health n'a-t-elle pas été abordée dans ce rapport ? Je pense que ce serait intéressant.
Je rends hommage à mon tour au travail réalisé par le président et les co-rapporteurs. Votre rapport met en avant la nécessité d'accompagner les agriculteurs. Cela passe aussi par une lisibilité des aides. Pourriez-vous revenir sur les propositions que vous formulez, visant à ce que ces aides soient plus directes et au plus proche des territoires ?
Le sujet de la recherche et du développement est revenu à plusieurs reprises dans les questions de nos collègues. Nous pouvons être fiers de la recherche française. Comment la considérez-vous ? Ne faudrait-il pas lui donner plus de moyens, plus de compétences, plus de moyens humains pour que la France s'inscrive comme pionnière en la matière au niveau européen et au niveau mondial
Madame Kerbarh, vous posez une « colle » sur le programme « Cultiver et protéger autrement ». Je pense que c'est dans le rapport spécial sur le projet de loi de finances mais nous ne nous sommes pas du tout occupés de ce programme dans le cadre de notre mission d'information qui portait sur la seule stratégie de sortie du glyphosate. Nous ne nous sommes donc pas reposé la question de savoir s'il faut ou non sortir du glyphosate. Une précédente mission, dont le rapporteur était M. Didier Martin, s'y est intéressée et a reçu les associations de consommateurs tandis que nous étions pour notre part chargés du suivi de la stratégie de sortie et des alternatives possibles. La réponse est la même pour M. Sermier : la question ne se posait pas de savoir s'il fallait ou non sortir du glyphosate. La question était uniquement de savoir comment faire pour en sortir, plus ou moins rapidement, avec des accompagnements ou non…
Une étude de l' European Chemicals Agency (ECHA) sera menée en 2021 sur la dangerosité du glyphosate, pour savoir s'il est cancérogène probable ou non. Je ne sais pas quels en seront les résultats. Peut-être conclura-t-elle à une non-cancérogénicité, peut-être conclura-t-elle que c'est un cancérogène certain. La conclusion arrivera fin 2021.
L' European Food Safety Authority (EFSA) se saisira ensuite de ces conclusions et fera des préconisations pour le renouvellement ou non de l'autorisation du glyphosate qui interviendra fin 2022. Les États membres devront, à partir des rapports de l'ECHA et de l'EFSA, se prononcer sur le renouvellement ou non de l'autorisation du glyphosate au niveau européen. Je ne sais pas ce qu'il en adviendra, je ne veux pas présumer des résultats des études scientifiques.
Comme l'a dit Mme de Courson, la demande des consommateurs de sortir du glyphosate est forte. Il faut l'entendre. Nous avons essayé de dépassionner le débat au cours de ces auditions et de cette mission pour trouver des solutions de sortie qui pouvaient concilier la demande du consommateur et les réalités agricoles. Nous ne pouvons pas mettre notre agriculture en difficulté, seuls au niveau français, et nous ne pouvons pas nous démunir de notre souveraineté alimentaire au niveau européen.
Sur la question de M. Brahim Hammouche, il existe déjà une possibilité de différenciation. Les régions peuvent accompagner financièrement les agriculteurs pour sortir du glyphosate. C'est le cas en Nouvelle-Aquitaine puisque le président de la région a décidé de sortir des produits phytosanitaires d'ici 2030. Il peut donner des moyens aux agriculteurs pour en sortir. Je suis un peu sceptique sur le résultat mais la différenciation territoriale est possible. Les régions ont la main sur l'accompagnement économique de l'agriculture. Libre à elles de s'en servir. Des élections ont lieu bientôt et cela peut faire partie des programmes des candidats.
Même si le terme « agroécologie » n'est pas présent dans le rapport, l'agriculture de conservation des sols peut faire partie de l'agroécologie. L'agroécologie est un gigantesque fourre-tout dont il existe de multiples définitions. Le puriste Dominique Potier me dira qu'il n'existe qu'une définition de l'agroécologie mais l'ACS fait partie des solutions de l'agroécologie. Nous nous sommes essentiellement intéressés dans ce rapport à la sortie du glyphosate. Il ne s'agissait pas de se replacer dans un cadre plus large et nous avons tout de même fait des préconisations sur le plan Écophyto 2+ et sur l'accompagnement au niveau européen de la diminution des produits phytosanitaires, dans la politique agricole commune et dans la stratégie Farm to fork.
En réponse aux interventions de Mme Nathalie Porte et M. Jean-Marie Sermier sur l'ACS, les labours et le CO2, je pense qu'il faut conserver la démarche de développement de l'ACS. Je préfèrerais voir des concours de comparaison de ce qu'il se passe en agriculture de conservation des sols plutôt que de voir se multiplier des concours de labours. J'ai récemment rencontré des agriculteurs en agriculture de conservation des sols en Picardie. Ils sont inquiets car ils veulent pouvoir continuer ; nous disons de faire attention à ne pas priver ce type de culture de glyphosate pour l'instant car, dans ce type de culture, aujourd'hui, le positif l'emporte sur le négatif. Ce n'est pas pour autant qu'il ne faut rien mettre dans la colonne du négatif. L'usage du glyphosate est une externalité négative. Si nous pouvions la ramener à zéro, ce serait très bien mais il ne faut pas que cela se traduise par le fait que les agriculteurs arrêtent l'ACS puisqu'elle est très vertueuse. La recherche et d'autres manières de cultiver permettront sûrement de se passer du glyphosate.
Nous avons parlé des lycées agricoles et de la formation. Dans tous les lycées agricoles de France existe, depuis la rentrée 2020, un programme sur le « Produire autrement ». L'utilisation du glyphosate dans les lycées agricoles cesse dès maintenant. Ce n'est peut-être que symbolique mais cela montre que le processus est en route.
Je crois que les préparations non préoccupantes posent encore un problème d'efficacité. De notre point de vue, il n'existe aucune raison d'écarter telle ou telle possibilité d'alternative mais il faut objectiver, remettre de la rationalité et regarder l'efficacité.
Le coût en matière de santé ne faisait pas partie de notre mission qui n'avait pas pour objet de refaire tout le débat. Il s'agissait uniquement de suivre la stratégie de sortie du glyphosate mise en œuvre par le Gouvernement. Notre prétention s'arrêtait là.
Je précise que l'ECHA est l'Agence européenne des produits chimiques. Elle juge de la dangerosité des molécules, sans tenir compte de l'exposition ou du risque. Nous aurons un rapport circonstancié début 2022, un certain nombre d'équipes de recherche travaillant sur la dangerosité du principe actif glyphosate. L'ECHA rendra son rapport à l'EFSA, l'Agence européenne de sécurité des aliments, qui évalue le risque de l'exposition. L'EFSA rendra à la Commission, mi-2022, un rapport dans lequel elle émettra ses préconisations pour la suite. L'autorisation d'utiliser le glyphosate expirant le 15 décembre 2022, la Commission européenne devra à l'automne 2022 se prononcer pour ou contre la poursuite de l'utilisation du glyphosate.
Nous jugeons le crédit d'impôt intéressant. Il n'empêche pas d'ailleurs d'autres soutiens, en particulier régionaux. Nous pensons toutefois qu'il est un peu trop restrictif puisqu'il ne concerne aujourd'hui que certains exploitants. Nous voudrions obtenir son élargissement. M. Nicolas Turquois et le président de la mission d'information présentent également des amendements en ce sens.
M. Jean-Marc Zulesi demande s'il ne faudrait pas un peu plus de moyens pour la recherche. 7 millions d'euros ont été annoncés par le Gouvernement. Nous pourrions essayer de mobiliser des crédits européens mais il faut que nous ayons au niveau européen la volonté commune de financer ce type de recherche. Nous pouvons pousser au niveau de nos parlementaires européens pour obtenir des crédits européens sur le volet santé-environnement pour ce type de recherche.
Il existe des vivaces particulièrement pénibles à éliminer : le liseron, le chardon… Il est sûrement possible de cibler des travaux pour faire en sorte de se passer de certains types de molécules, mais pas à n'importe quel prix. Il ne s'agit pas de remplacer une molécule par une autre, il en existe d'encore pire que le glyphosate.
J'avais défendu un amendement sur l'abondement de la mission « Recherche ». J'avais proposé 10 millions d'euros en première lecture du PLF. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation avait besoin de s'organiser avec la ministre chargée de la recherche, Mme Frédérique Vidal, pour pouvoir y dédier un financement. 7 millions d'euros sont dédiés mais le PLF prévoit aussi le maintien du crédit d'impôt recherche qui est un outil essentiel pour la recherche en France auquel nous sommes tous attachés. Il permet d'accompagner les acteurs de la recherche qui mènent ce type de projet. Ce sont des projets au temps long. Nous l'avons évoqué récemment lors d'un débat sur une autre molécule : le temps long de la recherche est essentiel.
Je sais que vous êtes attachés au développement des pôles de compétitivité. Il est important de rappeler que certains sont engagés sur l'agriculture et l'alimentation. Nous pouvons leur rappeler d'inscrire sur leur feuille de route la nécessité de trouver des alternatives au glyphosate.
Ce rapport ouvre de belles perspectives de travail et de mobilisation. Je vous remercie d'avoir repris une mesure sur la formation, à laquelle je tenais. Je pense que nous devons être mobilisés pour les nouvelles générations d'agriculteurs. J'ai découvert dans votre rapport le cours « Enseigner à produire autrement » qui est très intéressant. Fin 2020, 100 % des exploitations agricoles des lycées devront être sorties du glyphosate. Cela permettra de montrer l'exemple et d'enseigner les pratiques vertueuses. En 2025, 100 % de la surface agricole utile de ces exploitations devra être en agriculture biologique, avec signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) ou HVE 3. Je pense que nous avons encore un chemin un peu long et complexe à parcourir mais nous espérons que la mobilisation de l'Union européenne sous l'impulsion de la France sera extrêmement réussie lors de sa présidence en 2022.
Je remercie et félicite le président et les co-rapporteurs pour la qualité des travaux et des échanges.
Je rebondis sur l'accompagnement possible par les régions. L'ancienne élue régionale que je suis insiste sur le fait que nous avions, sous la présidence de M. François Patriat, fortement accompagné les agriculteurs, qui étaient d'ailleurs très demandeurs. Nous étions intervenus sur l'installation des jeunes agriculteurs, sur le volet de la formation pour lequel ils étaient extrêmement demandeurs et sur la transition vers la culture biologique. Tout cela est possible, il suffit de mobiliser les présidents et présidentes de conseils régionaux. Cet accompagnement me semble indispensable au regard de leurs compétences, si nous voulons inscrire l'agriculture dans une démarche d'excellence environnementale.
À l'issue de la réunion, les Commissions du développement durable et de l'aménagement du territoire, des affaires économiques et des affaires sociales, ont autorisé la publication du rapport d'information.