La commission des affaires économiques a auditionné, en application de l'article 13 de la Constitution Mme Laurence Borie-Bancel, que le Président de la République envisage de nommer dans les fonctions de présidente du directoire de Compagnie nationale du Rhône (Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure).
Conformément à l'article 13 de la Constitution, notre commission doit rendre un avis sur la nomination envisagée par le Président de la République de Mme Laurence Borie-Bancel aux fonctions de présidente du directoire de Compagnie nationale du Rhône (CNR). La précédente titulaire de ces fonctions était Mme Elisabeth Ayrault, que nous avions entendue dans le cadre de cette même procédure le 26 juin 2013, puis, pour son second mandat, le 27 juin 2018.
La récente réforme de notre Règlement a modifié la procédure : la commission compétente nomme désormais un rapporteur parmi ses membres appartenant à un groupe d'opposition ou à un groupe minoritaire, en l'occurrence Mme Marie-Noëlle Battistel, membre du groupe Socialistes et apparentés. Les réponses au questionnaire établi par notre rapporteure ainsi que le curriculum vitae de Mme Borie-Bancel ont été transmis vendredi à l'ensemble des commissaires.
Madame la directrice générale, cette audition vous permet de nous présenter votre parcours, composé de multiples expériences dans différentes fonctions au sein d'industries du secteur de l'énergie. Elle est également l'occasion d'exposer les raisons de l'intérêt que vous portez à CNR, les grands défis de cette compagnie ainsi que les orientations stratégiques que vous souhaiteriez insuffler.
La concession du fleuve Rhône accordée à CNR est originale. Le capital de CNR, entreprise créée en 1933, est détenu pour plus de la moitié par les collectivités territoriales et le groupe Caisse des dépôts et consignations, les 49,9 % restants étant la propriété d'Engie. Selon les termes de la loi du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône, la compagnie a « notamment pour mission, dans le cadre de la concession générale accordée par l'État, de produire et de commercialiser l'électricité par utilisation de la puissance hydraulique, de favoriser l'utilisation du Rhône comme voie navigable en poursuivant son aménagement et de contribuer à l'irrigation, à l'assainissement et aux autres usages agricoles ». Le concessionnaire assure donc la gestion de l'ensemble des activités liées au fleuve, ainsi que des missions d'intérêt général aux côtés des collectivités, ce qui fait toute la force de son modèle. Les revenus issus de l'hydroélectricité servent à financer les autres activités relevant du périmètre de la concession. En parallèle, CNR a diversifié ses activités de production d'énergies renouvelables en se tournant vers l'éolien et le solaire. CNR est aujourd'hui le premier producteur d'énergies exclusivement renouvelables en France ; elle produit également 23 % de l'hydroélectricité française, ce qui mérite d'être salué – vous connaissez mon attachement à cette production stratégique et vertueuse.
Votre nomination intervient à un moment charnière pour CNR. Après un long processus de préparation et de concertation en amont, la décision de prolongation de la concession du Rhône devrait être prise très prochainement. Si elle était octroyée, et je l'espère vivement, la prolongation serait accordée jusqu'en 2041, ce qui devrait conduire à plusieurs investissements sur le fleuve, notamment en matière hydroélectrique, sur lesquels nous serons heureux de vous entendre.
CNR vient aussi d'adopter son plan stratégique pour l'horizon 2030, avec le concours de ses 1 400 collaborateurs. Les défis à venir sont nombreux : le développement de la production d'énergies renouvelables doit se poursuivre – vous espérez atteindre 7 000 mégawatts de puissance installée en 2030 en tenant compte de la baisse prévisible du débit du fleuve que vous estimez entre 10 % et 40 % à l'horizon 2050 ; vous souhaitez également accroître fortement les activités de navigation touristique et de fret maritime ; enfin, les activités liées à l'agriculture continueront également. Tous ces usages du fleuve doivent se concilier et c'est là toute la difficulté.
Je souhaiterais vous interroger sur deux points. Le premier concerne la publication du rapport « Futurs énergétiques 2050 » par Réseau de transport d'électricité (RTE), qui insiste notamment sur le besoin, quel que soit le scénario retenu, de développer les énergies renouvelables. Comment la CNR pourra-t-elle contribuer ? Plus généralement, quel est votre regard sur ce rapport ?
Ma deuxième question porte sur l'hydroélectricité. Selon l'étude de RTE, le développement du stockage hydraulique par le biais de stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) est une solution intéressante. La loi « énergie climat » a ouvert la possibilité de développer le suréquipement des installations hydrauliques sous concession. Quels sont les projets de CNR en la matière ?
Les réponses au questionnaire, ainsi que nos échanges préalables à cette audition, me conduisent à émettre un avis favorable à votre nomination. Je voudrais enfin saluer le travail de Mme Elisabeth Ayrault à la tête de CNR depuis 2013. Elle a défendu avec énergie et enthousiasme les missions et les projets de cette compagnie, notamment la prolongation de la concession.
Les textes nous rappellent que si les infrastructures dont CNR est le concessionnaire contribuent au dynamisme de la vallée du Rhône, elles ont aussi un rôle dans les enjeux énergétiques nationaux. En tant qu'élus, vous œuvrez à concilier les enjeux de votre territoire avec ceux de la France. Vous êtes donc bien placés pour comprendre la pertinence du modèle d'entreprise particulier de CNR.
Au cœur de la vallée du Rhône, CNR a trois missions : l'hydroélectricité, le transport et l'agriculture. Sa relation aux territoires en fait une entreprise unique. C'est ce que CNR, sous l'impulsion de Mme Elisabeth Ayrault, que je salue ici, a souhaité traduire au travers d'une raison d'être : « le Rhône pour origine, les territoires pour partenaires et les énergies renouvelables pour l'avenir ». J'espère vous convaincre que ma personnalité, mon parcours et ma compréhension des enjeux de cette belle entreprise me permettront de la diriger pour qu'elle continue à assurer les missions capitales pour la vie économique de la vallée du Rhône donc de la Nation. Dans la première partie de mon propos, je présenterai mon parcours et les raisons qui m'ont conduite devant vous aujourd'hui. Dans une deuxième partie, je vous ferai part de mes premiers constats depuis mon arrivée au sein du directoire il y a cinq semaines, avant d'évoquer les défis à relever. Si je m'inscris dans les objectifs de la stratégie CNR 2030, je compte apporter un regard neuf et riche de mes expériences passées.
Ingénieure de formation, j'ai un parcours industriel de trente ans dans le secteur de l'énergie. J'ai travaillé en France et à l'international au sein de Gaz de France, devenu le groupe Engie. Mon parcours peut se décomposer en trois étapes : une première étape dans le secteur du gaz, où j'ai été responsable de projets d'infrastructures, et je suis notamment fière d'avoir contribué au premier terminal d'importation de gaz en Inde ou, plus près de chez nous, d'avoir copiloté le projet de terminal d'importation de gaz de Fos-Cavaou, situé dans l'emprise du port de Marseille ; la seconde partie de mon parcours s'est déroulée dans la production d'électricité, d'abord thermique, puis renouvelable. J'ai été notamment responsable du projet de développement d'une des premières centrales à gaz en France, en Loire-Atlantique, dans le périmètre du port autonome de Nantes Saint-Nazaire avant de découvrir les énergies renouvelables, notamment en tant que directrice générale adjointe de la Compagnie du vent, entreprise pionnière du développement de l'énergie éolienne terrestre, offshore et photovoltaïque. Ces expériences de terrain, ces aventures humaines ainsi que mes responsabilités opérationnelles dans des domaines variés m'ont préparée à la troisième partie de mon parcours, au cours de laquelle j'ai assumé des postes de direction. J'ai notamment été directrice des opérations des centrales thermiques à gaz du groupe Engie dans le sud de l'Europe. J'ai été directrice générale de la société Elengy, qui gère les terminaux d'importation de gaz naturel liquéfié en France. J'ai enfin été directrice de la filière thermique d'Engie, responsable des actifs de production d'électricité dans le monde.
Je me présente aujourd'hui devant vous car j'ai une passion pour le monde industriel. Je suis issue d'un territoire industriel au sein d'un département rural, le Lot-et-Garonne. Depuis toujours, l'usine sidérurgique, qui est restée longtemps la plus grosse entreprise de la région, m'a fascinée et cette fascination n'est pas étrangère à ma décision de devenir ingénieure et de travailler ensuite dans le secteur industriel. J'ai choisi l'industrie, mais la campagne fait partie de moi. Si CNR est une entreprise industrielle presque centenaire et gestionnaire de dix-neuf aménagements qui maillent le Rhône, ses missions en faveur du monde agricole sont l'un des aspects fondamentaux de sa contribution à la transition écologique.
Je suis aussi une femme de terrain avec une appétence pour les défis. Or, les mondes de l'énergie, des transports et de l'agriculture sont en pleine mutation. Pour relever les défis, il faut savoir écouter, comprendre, anticiper, s'adapter et se mobiliser. C'est ce que l'on attend d'un dirigeant et mes expériences m'ont armée pour cela. Tout au long de mon parcours, j'ai attaché une grande importance au travail en équipe ainsi qu'à l'inclusion et je continuerai à le faire.
La troisième raison qui m'amène devant vous, c'est le modèle CNR, un modèle qui, comme à de nombreux Rhodaniens, me fait briller les yeux. CNR est le premier producteur d'énergies exclusivement renouvelables avec son triptyque magique : eau, vent et soleil. 23 % de l'hydroélectricité en France est produite par le Rhône. L'État a confié à CNR la gestion globale de l'aménagement du Rhône – aucun fleuve dans le monde ne dispose d'un mode de gestion comparable. Autre particularité du modèle CNR, l'actionnariat : 183 collectivités et établissements publics sont présents au capital de CNR, garantissant l'équilibre entre intérêt économique et intérêt général. Enfin, le modèle de redistribution de CNR permet notamment aux territoires bordant le Rhône de bénéficier de la richesse produite par le bien commun qu'est le fleuve. Tous ces éléments font de CNR une entreprise unique en son genre dont le modèle est vertueux, j'en suis convaincue.
J'ai identifié cinq enjeux essentiels pour CNR.
La compagnie étant le concessionnaire historique du fleuve Rhône, le premier enjeu est d'obtenir la prolongation de la concession. Les discussions, qui ont commencé il y a sept ans, se poursuivent. Depuis le début, les élus des territoires sont à nos côtés. Nous continuons à collaborer étroitement avec l'État, mais c'est au concédant que revient la décision finale dans ce dossier éminemment structurant pour nous. La prolongation est en effet indispensable pour relever l'ensemble des autres défis de l'entreprise.
Deuxième enjeu, CNR doit optimiser les usages du fleuve en tenant compte des paramètres climatiques. Les scientifiques prévoient ainsi une baisse du débit du Rhône de 10 % à 40 % à l'horizon 2050, mais l'impact du changement climatique se fait déjà sentir : les fluctuations intra-annuelles du débit sont de plus en plus importantes. Face à l'évolution sensible de la ressource en eau, des discussions et de nouveaux arbitrages seront nécessaires pour limiter les conflits d'usage. Je souhaite que CNR prenne toute sa place aux côtés de l'État et de l'ensemble des parties prenantes dans ces discussions et qu'elle formule des propositions concrètes pour continuer à mener l'ensemble de ses missions.
Nos actions aux côtés des agriculteurs de la vallée doivent soutenir le développement d'un modèle innovant d'agriculture conjuguant performance économique et respect de l'environnement. C'est le sens de notre engagement dans l'irrigation durable, l'efficacité énergétique et l'accompagnement de la transition agroécologique.
CNR joue un rôle important en matière de navigation à la fois pour l'attractivité économique des territoires et pour le verdissement du transport de marchandises et de passagers. Elle doit absolument accompagner la croissance de ce mode de transport, quatre fois moins polluant que le transport routier. Les infrastructures du Rhône sont capables dès aujourd'hui d'absorber quatre fois plus de trafic sans un euro d'investissement supplémentaire.
Quant à la production d'hydroélectricité, elle est la colonne vertébrale de l'entreprise. Dans le modèle d'aménagement du territoire imaginé par les fondateurs de CNR, elle permet de soutenir économiquement le déploiement de la navigation et de l'irrigation. Ce modèle reste valable et finance désormais des actions de préservation de l'environnement et dans d'autres secteurs économiques tels que le tourisme ou la mobilité. Cela correspond aux missions d'intérêt général de CNR qui deviendront des « plans5Rhône » quinquennaux dotés de 165 millions d'euros. Nous engagerons également 500 millions d'euros de travaux, dont la majorité pour accroître la production hydroélectrique du Rhône en installant de nouvelles petites centrales hydrauliques, en augmentant la capacité de notre aménagement de Montélimar et en étudiant un possible nouvel aménagement en amont de la confluence de l'Ain. L'activité hydroélectrique doit s'adapter au changement climatique en améliorant sa flexibilité, sa disponibilité et sa capacité à turbiner tout le débit fourni par le Rhône une fois les autres usages pratiqués.
Le troisième enjeu est l'accélération du développement de nos actifs renouvelables. Pour respecter les accords de Paris et faire baisser nos émissions de CO2 d'ici 2050, une électrification rapide de nombreux usages est indispensable. Les énergies renouvelables, notamment l'éolien et le solaire, joueront un rôle majeur dans ce processus. Le récent rapport de RTE que vous avez évoqué le confirme : même dans le scénario le plus nucléarisé, le développement du renouvelable devra être massif et CNR aura à cœur d'y contribuer. Nous accélérerons nos investissements dans le solaire et l'éolien terrestre afin d'accompagner les objectifs nationaux des programmations pluriannuelles de l'énergie. L'objectif est de porter notre mix eau, vent et soleil à 7 000 mégawatts de puissance installée en 2030 contre 4 000 aujourd'hui – 3 000 mégawatts d'hydroélectricité, 1 000 mégawatts d'éolien et de photovoltaïque et 3 000 mégawatts pour le seul vent soleil. C'est un sacré défi !
Le développement d'actifs renouvelables pose nécessairement la question de l'acceptabilité des citoyens et des territoires. À cet égard, le modèle de CNR et son expertise en matière de concertation et de conciliation sont précieux. Notre développement dans l'éolien et le solaire repose sur les principes qui ont été appliqués pour le Rhône : chacun des parcs est coconstruit avec le territoire concerné à partir de ses besoins ; l'entreprise apporte des solutions, elle ne les impose pas. Si la transition énergétique est un besoin planétaire, ce sont les territoires et les collectivités qui sont en première ligne – c'est d'ailleurs la logique de la loi « climat et résilience » que vous avez adoptée. Je souhaite que CNR soit le partenaire des collectivités dans la transition dans une logique de contrat équilibré entre deux parties. C'est à mes yeux la principale condition de l'acceptabilité des énergies renouvelables par nos concitoyens.
Le quatrième enjeu est l'innovation, indispensable à la transition énergétique et à la stabilité de notre modèle. Celle-ci concerne d'abord le stockage et la flexibilité afin de gérer au mieux la variabilité de la production électrique. Nous travaillons ainsi sur quatre démonstrateurs autour de l'hydrogène, mais aussi sur d'autres formes de flexibilité pour notre mix énergétique. Nous développons également de nombreux projets d'énergies renouvelables non matures, comme le photovoltaïque linéaire, flottant ou bifacial. L'innovation ne s'arrête toutefois pas pour nous aux nouvelles technologies, elle inspire également notre action en faveur de l'environnement. Le site industriel de Donzère-Mondragon, à côté de Bollène, est ainsi le seul espace abritant une activité industrielle inscrit sur la liste verte des aires protégées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Notre programme de restauration du fleuve Rhône est le plus important projet à l'échelle mondiale. Nous innovons également dans nos pratiques d'exploitation et de maintenance d'actifs, vieux de cinquante ans en moyenne. Je me suis récemment rendue sur le site de Donzère-Mondragon. Le responsable de chantier de maintenance m'a montré un échafaudage circulaire installé à l'intérieur d'une turbine permettant – et c'est une première – de diminuer le temps d'indisponibilité dû à la maintenance et d'augmenter la sécurité.
Le dernier enjeu consiste à améliorer la performance, c'est-à-dire, pour une entreprise comme la CNR, à concilier l'économie, l'environnement et l'humain. CNR dispose de compétences et de métiers incroyablement divers et qualifiés – les 1 400 collaborateurs exercent 185 métiers différents. La formation des personnels ainsi que le maintien d'une culture de dialogue social positif contribuent à la performance. Enfin, en tant que femme, je suis particulièrement sensible à la diversité ainsi qu'à la parité et je veillerai à ce que les efforts déjà réalisés par CNR s'intensifient pour en faire une entreprise exemplaire dans ce domaine.
Je tiens à vous redire toute ma motivation à présider cette formidable entreprise au modèle industriel et redistributif unique.
Je suis moi-même ingénieure et j'ai eu plaisir à vous entendre retracer votre beau parcours.
CNR est le premier producteur français d'énergie exclusivement renouvelable et le concessionnaire du Rhône pour la production d'hydroélectricité, le transport fluvial et les usages agricoles. Cet aménageur du territoire travaille depuis plus de quatre-vingts ans comme acteur de la transition énergétique. Son statut est à mi-chemin entre le public et le privé, puisque son capital est détenu à 50 % par Engie, à 33 % par la Caisse des Dépôts et consignations et à 17 % par quelque 200 collectivités locales. Nous saluons le travail réalisé par Mme Elisabeth Ayrault en tant que présidente de CNR.
Votre nomination intervient à un moment clé pour l'entreprise. Après l'approbation de la Commission européenne, un décret en Conseil d'État devrait prochainement prolonger jusqu'en 2041 la concession du Rhône, confiée à CNR depuis 1933 et qui arrive à échéance le 31 décembre 2023. CNR aménage le territoire rhodanien en tirant ses revenus de la production d'électricité exclusivement renouvelable. Aujourd'hui, elle représente 25 % de l'hydroélectricité en France. Elle exploite 4 gigawatts de capacité, majoritairement grâce à la production hydroélectrique, et envisage de développer l'éolien et le solaire. L'objectif pour 2030 est de passer de 1 à 7 gigawatts de production d'électricité. Cette stratégie exigera près de 500 millions d'euros de travaux sur le territoire du Rhône. Par ailleurs, la nouvelle concession prévoit le maintien de la redevance hydraulique versée par CNR à l'État et son indexation sur les prix du marché de l'électricité.
CNR doit faire face à l'impact du changement climatique : d'après les experts, le débit du Rhône va baisser de 10 % à 40 % d'ici 2050. Le réchauffement climatique engendrera des périodes de sécheresse plus fréquentes et de plus en plus longues, notamment entre juin et novembre. Les variations de débit ont toujours existé, mais pas à des intervalles aussi rapprochés. Le développement de l'éolien et du solaire est un moyen pour la compagnie de diversifier ses sources de production d'électricité, l'hydroélectricité étant appelée à décliner si les prévisions des experts se confirment. Face aux enjeux liés à la rareté des ressources en eau, nous souhaiterions vous entendre sur la stratégie que compte adopter CNR en matière de protection et d'équilibre hydraulique du Rhône. Le groupe La République en Marche approuve votre nomination.
Votre présentation nous a permis de comprendre votre vision de CNR et la stratégie que vous comptez mettre en œuvre. Le groupe MODEM est favorable à votre nomination et j'en profite pour remercier la précédente présidente, Mme Elisabeth Ayrault.
Mon premier point concerne l'acceptabilité des énergies renouvelables par les citoyens et par les collectivités territoriales. Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas suffisamment présents dans le débat sur les énergies renouvelables, faute d'être consultées sur les stratégies en la matière. Comment entendez-vous les mobiliser et prendre en considération leurs avis dans le développement des énergies renouvelables sur l'ensemble du territoire national ?
Ensuite, s'agissant des conflits d'usages, les activités sur le Rhône concilient navigation, hydroélectricité et irrigation grâce à un équilibre climatique et hydrologique qui est aujourd'hui menacé. Comment pensez-vous rééquilibrer vos différentes missions ? Envisagez-vous de donner la priorité à l'un des usages ? Dans ce cas, quelle sera votre politique en matière d'investissements ?
Dernier point, puisque les métiers de CNR sont appelés à évoluer, quelle place accordez-vous aux ressources humaines dans la stratégie CNR 2030 ?
Je voterai en faveur de votre nomination, mais je ne vous poserai pas des questions de Bisounours. La page du site de CNR consacrée à la stratégie CNR 2030 collectionne les concepts à la mode sur le développement durable. Il y a tellement de lumière dans la vitrine que cela semble louche. La stratégie s'incarnera certainement dans des projets, vous les avez mentionnés mais ils ne sont pas mis en avant sur le site. Ce dernier gagnerait à être plus concret.
J'ai traversé la vallée du Rhône en juillet dernier au retour d'une réunion de travail de mon groupe à Sète. À la hauteur d'Orange, le fleuve était brun chocolat, preuve que le phénomène climatique, qui a notamment provoqué des inondations catastrophiques en Allemagne, touchait également le Rhône. Comment CNR gère-t-elle de tels événements ? Je suppose que cela ne se limite pas aux avertissements aux usagers sur la dangerosité du fleuve que j'ai pu voir sur le site internet et s'étend à la mise en sécurité des installations et à la régulation de la navigation.
Malgré les perspectives de réduction du débit du Rhône de 10 % à 40 %, des discussions sont-elles en cours pour partager l'eau, notamment avec nos voisins espagnols qui sont en grande difficulté ?
CNR affiche un objectif ambitieux de développement de la navigation fluviale, notamment dans le domaine du fret. Selon vous, que peuvent faire respectivement le Parlement et CNR pour organiser un véritable report modal ?
Le groupe Libertés et Territoires est favorable à votre nomination et salue l'engagement de la présidente Elisabeth Ayrault.
Dans vos réponses au questionnaire, vous faites part de votre souhait d'améliorer l'acceptabilité des énergies renouvelables, notamment de l'éolien – question récurrente dans les territoires –, en mettant à profit votre expérience dans ce domaine. Comment comptez-vous y parvenir ?
Parmi les scénarios envisagés par RTE, lequel vous paraît le plus adapté à la situation de CNR ?
On parle peu du rôle de l'hydroélectricité dans le mix énergétique français, alors que cette source d'énergie occupe une place importante, notamment pour la région Rhône-Alpes. Elle représente en effet 13 % à 14 % du mix énergétique français et 55 % des énergies renouvelables. Vous souhaitez optimiser et accroître la production d'hydroélectricité au fil de l'eau. Comment entendez-vous travailler avec les élus, notamment de la montagne ? Quelles seront, selon vous, les conséquences de la baisse du débit du Rhône de 10 % à 40 % d'ici à 2050 sur la production d'hydroélectricité ?
Vos propositions de construire des usines de production d'hydrogène vert et de développer des électrolyseurs de taille moyenne pour stocker et valoriser les excédents électriques retiennent mon attention puisque M. Jean-Luc Lagleize et moi nous intéressons à l'hydrogène dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir du secteur aéronautique en France. Quels moyens souhaitez-vous flécher vers ces investissements et vers quels usages envisagez-vous d'orienter cette production d'énergie ?
CNR gère un patrimoine industriel de production d'électricité et de navigation fluviale. Outre la Via Rhôna, quels sont vos projets pour développer le tourisme fluvial ?
Quelles sont vos perspectives de croissance en matière de fret fluvial ?
Enfin, quel regard portez-vous sur les actions menées jusqu'à présent par CNR pour répondre aux besoins en eau de l'agriculture ? Avec la multiplication des incidents climatiques, quelles nouvelles mesures envisagez-vous pour accompagner la transition agroécologique ?
Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de votre nomination. CNR a su montrer, au fil du temps, sa capacité à innover. Quels investissements prévoyez-vous sur le Rhône, notamment dans le domaine de l'hydroélectricité – nouveaux ouvrages, optimisation de l'existant ou suréquipement ? Dans la perspective de la réduction du débit du fleuve, êtes-vous optimiste sur la capacité à produire de manière durable ? Vous prévoyez de multiplier par quatre les capacités existantes dans le domaine du transport fluvial. Pouvez-vous préciser votre engagement dans l'hydrogène, notamment dans les ports qui sont sous votre responsabilité ?
Les conflits d'usages méritent une grande attention car ils constituent souvent un frein au développement des énergies renouvelables. Quelles difficultés avez-vous identifiées dans les différents usages ? Avec quels partenaires avez-vous l'habitude de travailler sur cette question ?
S'agissant de l'acceptabilité des énergies renouvelables, notamment de l'éolien, à CNR, comme à la Compagnie du vent, nous ne développons jamais un projet contre un territoire – si une collectivité s'y oppose, le projet n'est pas mené à son terme. Il ne faut pas oublier que CNR est également financeur, constructeur et exploitant, ce qui suppose de s'inscrire dans le long terme. Le fait de devoir exploiter pendant vingt-cinq ans l'ouvrage qui aura été construit est une garantie de qualité.
Une autre piste pour favoriser l'acceptabilité de l'éolien et du photovoltaïque consiste à proposer une participation au capital pour certains projets. J'ai conscience que, dans certains territoires, les habitants ne veulent plus d'éoliennes, car elles y sont déjà nombreuses et que leur développement n'a pas été mené correctement. Mais ces contre-exemples ne doivent pas freiner le déploiement de l'énergie éolienne et photovoltaïque, qui doit au contraire être accéléré, ainsi que l'a récemment rappelé la ministre.
Ce que je retiens du rapport de RTE et des propos de son président, c'est la nécessité, quel que soit le scénario, d'accélérer le développement des énergies renouvelables. En effet, même dans le scénario le plus favorable au nucléaire, il est prévu une capacité de 70 gigawatts en photovoltaïque, 40 gigawatts en éolien terrestre et 22 gigawatts en éolien offshore alors que celle-ci est aujourd'hui respectivement de 12, 17 ou 18 et zéro gigawatt. Dans ce contexte, CNR a décidé dans sa stratégie 2030 de porter sa production solaire et éolienne de 1 000 à 4 000 mégawatts à l'horizon 2030.
Face aux événements climatiques tels que les crues, CNR travaille avec Voies navigables de France pour limiter la navigation. Nous adaptons également notre production afin de ne pas accroître les difficultés liées aux événements climatiques et nous sensibilisons le grand public aux événements climatiques majeurs. Toutefois, la responsabilité de la gestion des crues incombe à l'État.
CNR travaille sur plusieurs projets de démonstrateurs d'hydrogène vert. Ainsi, une station-service, appelée Quai des énergies, mise en service sur le port de Lyon Édouard-Herriot, permet aux véhicules de s'approvisionner en biogaz et en électricité et, à partir de début 2022, en hydrogène grâce à un petit électrolyseur. Nous avons également dans nos cartons le projet ÔH2 qui prévoit l'installation d'un électrolyseur sur le port de Lyon Édouard-Herriot pour produire de l'hydrogène destiné à la mobilité et d'un électrolyseur de taille plus importante sur le site de Pierre-Bénite destiné à des usages industriels. Le projet Jupiter 1 000 est plus avancé que les autres. Réalisé en partenariat dans l'enceinte du port de Marseille à Fos-sur-Mer, il consiste à produire de l'hydrogène vert à partir des éoliennes installées à proximité afin de l'injecter dans le réseau de transport de gaz.
Quant aux conflits d'usages et à leur possible exacerbation par la diminution du débit du Rhône, nous menons des études pour évaluer la situation actuelle avant de trouver, avec l'État et les collectivités, des solutions pour limiter les futurs conflits.
Dans la perspective de la prolongation de la concession, nous avons prévu d'adapter notre organisation et de procéder à des recrutements. CNR compte 1 400 salariés et accueille 90 alternants, ce qui mérite d'être souligné. Elle s'engage par ailleurs fortement dans la formation de ses salariés, puisque ses plans de formation y consacrent 55 000 heures, soit une semaine de formation par collaborateur. En outre, nos partenariats avec les écoles et les universités nous aident à recruter des personnels formés pour le présent et le futur.
Monsieur Herth, ce que vous avez vu sur notre site vous paraît trop beau pour être vrai, mais nos ambitions sont très fortes. Nous investirons 500 millions d'euros afin de financer la construction de six nouvelles petites centrales hydrauliques qui permettront d'utiliser le débit réservé à nos ouvrages et de suréquiper ainsi les infrastructures existantes ; ils financent aussi l'augmentation de la capacité de production en mégawatts et en térawattheures de notre aménagement de Montélimar. Nous étudions l'opportunité d'un nouvel ouvrage à Saint-Romain-de-Jalionas doté d'une capacité de production de 37 mégawatts, soit 0,15 térawattheure supplémentaire dont la construction donnerait lieu à une concertation avant que l'État ne prenne la décision finale. Les 500 millions d'euros permettront aussi de doubler deux portes d'écluses afin de renforcer leur fiabilité dans la perspective de l'augmentation du trafic fluvial. À ce montant, il faut ajouter la dotation des « plans5Rhône » à hauteur de 165 millions d'euros tous les cinq ans, ce qui représente au total près de 1 milliard d'euros d'investissement sur une période de dix-huit ans.
Les « plans5Rhône » sont destinés à financer le développement d'énergies renouvelables non matures, comme le photovoltaïque bifacial, flottant et linéaire ainsi que la poursuite de nos actions dans le domaine de la biodiversité – nous avons déjà réhabilité 120 kilomètres de lônes. Les nouvelles petites centrales hydrauliques seront équipées de passes à poissons pour assurer la continuité écologique. Les « plans5Rhône » permettront également d'accompagner le développement d'une agriculture durable. Nous menons ainsi un projet d'agrivoltaïsme avec le lycée horticole de Dardilly.
Dans le domaine de la navigation, CNR a créé un simulateur grâce auquel les pilotes peuvent s'entraîner en conditions réelles à la navigation sur le Rhône. Nous mettons à la disposition des navigants un centre de gestion de la navigation opérationnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept afin de communiquer des informations sur les conditions de navigation. Pour développer la navigation touristique, nous installerons des prises haute tension sur la vingtaine de sites portuaires de CNR afin que les petits paquebots qui naviguent sur le Rhône puissent utiliser l'électricité plutôt que de brûler du fioul et de polluer.
La poursuite de la construction de la Via Rhôna est un exemple concret d'aménagement du territoire. Cette piste cyclable, sur laquelle on peut aussi courir – je le fais souvent le week-end –, permettra à terme d'aller du lac Léman jusqu'à la mer Méditerranée. Nous accompagnons aussi des projets d'installation de bases nautiques ou de réhabilitation autour des berges du Rhône.
Il est très important pour moi de mener à bien le plan stratégique, qui sera revu tous les deux ans afin de procéder aux inflexions nécessaires pour rester dans la bonne direction, celle de la transition écologique.
Monsieur Herth, s'agissant du partage de l'eau avec l'Espagne, à ma connaissance, rien n'est encore décidé.
En conclusion, j'insiste sur ma motivation pour présider cette belle entreprise au modèle unique et vertueux.
La commission procède au vote.
Après le départ de Mme Laurence Borie-Bancel, il est procédé au vote sur la nomination par appel à la tribune et à bulletins secrets. Les résultats du vote sont les suivants :
Nombre de votants
Bulletins blancs ou nuls
Abstention
Suffrages exprimés
Pour
Contre
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 3 novembre 2021 à 15 h 10
Présents. - M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Christelle Dubos, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Guillaume Kasbarian, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Sylvia Pinel, Mme Huguette Tiegna, M. Pierre Venteau, Mme Corinne Vignon, M. Cédric Villani
Excusés. - Mme Edith Audibert, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Anne Blanc, Mme Anne-Laure Blin, M. Anthony Cellier, M. Christophe Naegelen, M. Dominique Potier
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Charles Colas-Roy