Audition commune, ouverte à la presse, de MM. Francesco Bonfiglio, directeur général, et Pierre Gronlier, directeur des technologies, de l'association internationale sans but lucratif GAIA-X et de Mme Marine de Sury, coordinatrice du French GAIA-X Hub
La séance est ouverte à 14 heures.
Présidence de M. Philippe Latombe, rapporteur.
Cette audition s'inscrit dans notre réflexion relative à la souveraineté des données et à la nécessité de construire un écosystème européen du cloud conforme aux valeurs de l'Europe via la promotion de solutions interopérables, réversibles et sécurisées.
GAIA-X est une initiative européenne lancée en 2020. Elle rassemble plus de cent quatre-vingts entreprises privées avec pour objectif de proposer aux Européens une infrastructure et un cadre d'architecture sécurisés permettant de garantir une circulation maîtrisée des données. Cette initiative doit être abordée en lien avec le Data Governance Act proposé par la Commission européenne à la fin de l'année 2020.
Je souhaite que nos débats permettent d'aborder trois sujets. Le premier concerne votre définition de la souveraineté numérique et la manière dont elle est prise en compte dans l'initiative GAIA-X.
Je voudrais également que vous nous présentiez l'initiative GAIA-X en détaillant sa genèse, sa gouvernance et son actualité. Très concrètement, nous aimerions prendre connaissance des objectifs de GAIA-X et des jalons fixés pour sa mise en œuvre, mais aussi évoquer la doctrine de ce projet et les raisons pour lesquelles les hyperscalers, tels Amazon et Google, ont été conviés à y participer en tant que partenaires.
Enfin, j'aimerais savoir comment GAIA-X s'articule avec la démarche initiée par la Commission européenne dans le Data Governance Act. J'aimerais donc connaître votre approche du marché européen de la donnée et vos propositions concernant la manière dont nous devons agir pour trouver un équilibre entre l'innovation et la protection des données. L'accès aux données est un sujet essentiel pour assurer le développement de nombreuses technologies d'avenir, dont beaucoup s'appuient sur l'Intelligence artificielle.
Votre première question concerne notre définition de la souveraineté numérique. Il s'agit d'une question très pertinente, posée par tous les acteurs. Ceci signifie qu'il existe de nombreuses interprétations concernant cette notion. Les choses sont très claires nous concernant. Nous parlons de souveraineté digitale, c'est-à-dire, en premier lieu, de la capacité à contrôler le stockage de nos données et leur exploitation, par qui, pour quel usage et de quelle manière. Cette notion renvoie également à notre capacité à reconquérir notre souveraineté en matière d'économie des données, notamment en matière d'échange des données.
Je suis un ingénieur français ayant suivi un parcours académique dans le domaine du traitement du signal mathématique. J'ai successivement travaillé au sein de Microsoft et d'OVH avant de rejoindre depuis quelques semaines le projet GAIA-X, au sein duquel j'occupe le poste de directeur technique.
Six éléments permettent de définir le projet GAIA-X. Il s'agit tout d'abord d'un système dans lequel les différents acteurs, c'est-à-dire les citoyens, les entreprises, les autorités publiques et les États, peuvent contrôler la manière dont leurs données sont utilisées – ce qui renvoie à la notion de souveraineté numérique – et vérifier comment ces données peuvent être partagées et monétisées à travers un système d'infrastructures informatisées et fédérées.
Nous travaillons avec différents acteurs européens afin de réutiliser les services qu'ils ont déjà mis en place dans le cadre de directives européennes, par exemple en matière d'identité numérique et de blockchain. Notre démarche vise également à garantir le respect des valeurs européennes, à savoir la liberté, la démocratie ou encore l'État de droit.
Le troisième élément permettant de caractériser GAIA-X est la transparence, un sujet essentiel afin de garantir la souveraineté numérique. En effet, il convient d'être en mesure de préciser si une réglementation extraterritoriale non européenne peut impacter des données, des infrastructures ou des services. Cette notion renvoie également à la capacité de s'informer et d'être en mesure de garantir l'origine de l'information, à travers des certifications et des labels.
Le quatrième point correspond à la sécurité. En ce qui concerne les infrastructures et les technologies, GAIA-X vise à fixer des règles et proposer des composants garantissant un certain niveau de sécurité et de confidentialité. Entrent dans cette catégorie le federated learning, c'est-à-dire la capacité d'apprentissage fédérée et décentralisée, le confidential computing, c'est-à-dire les calculs sécurisés dans des enclaves physiques de processeurs, ou encore les blockchains, c'est-à-dire les consensus décentralisés, un sujet présenté ce matin à votre mission d'information.
Le cinquième élément porte sur la protection des droits, ce qui correspond à la souveraineté des individus et des organisations. Le terme de souveraineté doit alors être entendu comme la capacité à garantir l'autonomie stratégique de ses ressources, mais aussi comme la capacité à redonner confiance dans les outils numériques.
Enfin, sur la base des principes et des valeurs précédemment énoncés, GAIA-X vise à favoriser la création et la croissance des écosystèmes numériques de partage et de monétisation de la donnée, tout en s'assurant de l'interopérabilité, de la sécurité et de la transparence du dispositif. Ceci implique de favoriser le passage d'une gouvernance humaine à une gouvernance numérique, dans laquelle les algorithmes viennent supporter – et non remplacer – la partie légale. Cet élément a donc un impact réglementaire. Je pourrai illustrer mon propos ultérieurement au moyen d'exemples utilisateurs au sein de GAIA-X.
L'écosystème de GAIA-X, qui couvre un volet relatif à la gestion des données et un volet relatif à l'infrastructure, constitue un système autonome, au sein duquel les différents acteurs maîtrisent leurs interactions et savent comment leurs données sont utilisées. La brique des federated services constitue le moteur de cet écosystème. C'est à ce niveau que les job providers, c'est-à-dire les acteurs de la partie infrastructure, européens ou non européens, et les fournisseurs de données, là encore européens ou non européens, échangent.
La présentation des membres de GAIA-X permettra de répondre à la question relative aux hyperscalers. En effet, 95 % des deux cent douze membres récemment admis sont européens, et 70 % des membres sont des PME.
L'association GAIA-X repose sur une structure classique comprenant un conseil d'administration élu par une assemblée générale, un comité technique directeur – composé de M. Francesco Bonfiglio, de moi-même et d'autres directeurs prochainement désignés – un comité en charge de la road map technique et un comité en charge de la réglementation et de la régulation. Ces comités sont assistés par des groupes de travail ouverts aux membres de l'association et au sein desquels sont élaborés les « délivrables » de GAIA-X.
La structure de GAIA-X repose sur l'association internationale sans but lucratif de droit belge GAIA-X (GAIA-X AISBL) et sur les différents hubs nationaux de GAIA-X, qui sont des incubateurs à projet nationaux. Enfin, la communauté de GAIA-X est ouverte à tous les contributeurs souhaitant être informés, observer et apprendre des travaux menés.
L'association GAIA-X a pour mission de produire trois types de « délivrables ». Le premier type correspond aux spécifications techniques permettant d'assurer la régulation et la gouvernance attendue. Le deuxième type correspond aux règles de politiques figurant dans des policy rules documents et permettant de traduire juridiquement les notions de souveraineté, d'autonomie et d'interopérabilité. Enfin, le troisième type correspond à une version open source et libre d'usage des federated services, un développement soutenu par des financements nationaux, actuellement français et allemands.
Un certain nombre de « délivrables » ont déjà été produits. Ainsi, le document d'architecture présenté en juin 2020 détaillait un potentiel schéma de fonctionnement de GAIA-X. Une version consolidée de ce document d'architecture a été présentée au cours du mois de mars 2021 et a permis de préciser le modèle fonctionnel de GAIA-X.
Nous sommes sur le point de créer un troisième comité intitulé business and data spaces committee. Il est important de préciser que, si GAIA-X AISBL constitue une association organisée de manière traditionnelle, avec une assemblée générale et un conseil d'administration, l'univers de GAIA-X correspond à la combinaison entre cette structure et sa communauté d'utilisateurs.
En parallèle, les premiers hubs GAIA-X nationaux ont été créés en France, en Allemagne, en Finlande, en Belgique et en Italie. D'autres vont être créés dans un proche avenir. Nous devrions disposer de seize hubs de ce type d'ici au mois de juin.
Il en résulte au final une communauté internationale regroupant une centaine de membres qui collaborent pour porter des projets dans leur domaine de prédilection et dans leurs pays respectifs. Ces programmes peuvent être portés dans de multiples domaines (santé, secteur public, agriculture...).
En revanche, GAIA-X n'est pas une instance normative. Certes, cette entité peut bien évidemment proposer aux décideurs des projets de règles et de normes, mais son activité première consiste à définir une nouvelle génération d'architecture de cloud et à la mettre en œuvre à travers des logiciels en open source. Nous rédigeons des codes qui nous permettront de créer cette couche d'intercommunication entre différentes sources informatiques dans un environnement souverain et sécurisé. Il s'agit d'une initiative sans précédent, dans la mesure où nous permettons à tous les membres de GAIA-X, ou à tout type d'acteur souhaitant y implémenter ses services, de bénéficier de cet environnement.
Par ailleurs, nous développons une collaboration très étroite avec les différents hubs nationaux, afin de prendre en compte les spécificités réglementaires et les exigences des différents pays, des éléments qui ne sont jamais pris en compte par les prestataires de service traditionnels dans le domaine du cloud. L'objectif est de permettre aux utilisateurs de renforcer leur capacité à adapter leurs données, afin de créer une communauté de données, de concevoir un nouveau système et de le mettre à disposition des utilisateurs.
GAIA-X n'est pas une société commerciale ou un prestataire de services commerciaux chargé de déployer des solutions. Nous souhaitons conserver notre autonomie et notre indépendance. Notre objectif est que tous les acteurs recourant aux services de GAIA-X mettent en œuvre et implémentent de manière autonome cette couche de cloud fédérée. Concrètement, GAIA-X restera la propriété des utilisateurs, afin de garantir la concurrence et l'ouverture du marché.
Pour répondre aux interrogations nées de la présence de membres non européens au sein de GAIA-X, je veux préciser que les statuts disposent que le conseil d'administration de GAIA-X AISBL peut uniquement accueillir des membres dont la société mère est implantée sur le territoire de l'Union européenne. En revanche, des entreprises de tous horizons peuvent nous rejoindre. Ceci explique pourquoi de grandes entreprises américaines et chinoises font partie du projet. Certes, l'opportunité de les accueillir a fait l'objet de débats. Cependant, j'ai estimé que réunir les meilleurs acteurs du marché du cloud constituait une opportunité extraordinaire, dès lors que la condition de base de leur participation est l'acceptation des valeurs que nous incarnons.
Par ailleurs, la participation de ces leaders mondiaux signifie que nous sommes potentiellement en train de changer les règles du jeu. Je ne veux pas entrer dans les détails techniques, mais il convient de rappeler que tous les hyperscalers fonctionnent sur la base d'un modèle reposant sur la concentration des données : plus les capacités de calcul sont importantes, plus les données captées sont nombreuses, plus les ressources technologiques sont concentrées, plus les services sont efficaces, compétitifs et rentables. Or ce modèle n'est pas le plus approprié pour gérer des données disséminées à travers le monde, un phénomène appelé le far edge computing.
En réalité, les données devraient être stockées et gérées au plus près de leur source, ce qui impose de développer un modèle horizontal et fédérateur. GAIA-X permet de construire un tel modèle auquel chacun devra se conformer. Avec ce projet, l'Europe dispose d'une chance de revenir dans la compétition avec les plus importants acteurs du marché. De ce fait, je pense sincèrement que le cloud aura profondément évolué dans quelques années.
Votre présentation a permis d'expliquer la présence d'acteurs américains ou chinois dans GAIA-X. Je pense que cette intervention permettra de répondre aux nombreuses réticences exprimées en France à ce sujet.
En revanche, j'aimerais entendre votre réaction aux propos de plusieurs personnes auditionnées par notre mission d'information qui considéraient que l'avance prise par les Américains, en particulier par les GAFAM, était quasiment irrattrapable. Cette avance ne concerne pas la capacité à stocker des données, mais le volet relatif à l'Intelligence artificielle embarquée dans le cloud. Pensez-vous que GAIA-X permettra de rattraper ce retard ?
Les GAFAM ont effectivement pris une avance considérable. Cependant, nous disposons en Europe, et notamment en France, de nombreux savoir-faire. Ceci explique pourquoi de nombreux spins-off sont créés, par exemple au sein du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA). Malheureusement, dans la plupart des cas, ces derniers sont ensuite rachetés par les GAFAM.
L'Europe dispose donc des capacités intellectuelles et technologiques lui permettant d'innover et de créer de nouvelles façons de travailler à partir des données. Le projet GAIA-X vise à conserver ces projets en Europe.
L'objectif de GAIA-X est de permettre à ces acteurs européens d'éclore en évitant qu'ils se tournent immédiatement vers les GAFAM afin de conquérir rapidement un marché. Il convient au contraire de les orienter vers des acteurs partageant un certain nombre de valeurs en matière de souveraineté, d'interopérabilité et de sécurité.
Bien évidemment, un projet visant à déployer une architecture comparable à celle d'acteurs tels Microsoft, Amazon ou Google serait voué à l'échec. D'ailleurs, nous ne pourrions pas consacrer les milliards de dollars investis par ces acteurs afin de disposer d'une technologie aussi sophistiquée.
Nous tentons donc de construire quelque chose de nouveau, à savoir une infrastructure capable de se connecter aux infrastructures existantes. Cette solution nous évitera de déployer notre propre technologie et nous permettra de rassembler des données permettant de créer un cloud encore plus vaste.
Par ailleurs, notre approche représente une alternative à la stratégie des hyperscalers, qui consiste à disposer d'un réseau sans cesse plus puissant et d'une bande passante leur permettant de stocker l'ensemble des données produites. Ces acteurs cherchent par ailleurs à conserver un point central d'analyse des données, afin de rentabiliser les investissements faramineux qu'ils ont réalisés. Cependant, cette démarche ne correspond pas à une approche évolutive. Au contraire, notre approche reposant sur la convergence permettra d'utiliser des données conservées dans de multiples endroits. La stratégie que nous portons sera ainsi moins énergivore, puisqu'elle permettra d'utiliser les données à proximité de leur source d'émission, sans avoir à les stocker à l'autre bout du monde.
L'approche de GAIA-X permettra par ailleurs de garantir la mise en œuvre d'une des valeurs les plus importantes pour les acteurs technologiques européens, à savoir la fourniture de services dans un cadre sécurisé et garantissant l'interopérabilité, la portabilité, la réversibilité, alors que les hyperscalers sont spécialisés dans la vente de services.
Outre mes fonctions au sein du French GAIA-X Hub, je suis directrice de mission du Club informatique des grandes entreprises françaises (Cigref), une association représentant les plus grandes entreprises et administrations publiques françaises, exclusivement utilisatrices de services et solutions numériques, et ce dans tous types de secteurs d'activité. Depuis cinquante ans, le Cigref a pour mission de développer la capacité de ses membres à intégrer et maîtriser le numérique.
GAIA-X permet à des fournisseurs de solutions et de services de ne pas rester cantonnés à l'échelle nationale, mais de passer immédiatement à l'échelle européenne.
Lors de nos précédentes auditions, la problématique les projets de mégaconstellations de fournisseurs d'Internet par satellite a été abordée. Comment GAIA-X a-t-il intégré cette problématique ? L'objectif sera-t-il simplement de disposer d'une bande passante plus rapide pour accéder au cloud ? Comment articuler les deux projets européens portés en parallèle ?
La problématique des mégaconstellations de fournisseurs d'Internet par satellite a été prise en compte dans GAIA-X à travers la notion d' edge cloud. Un satellite – tout comme une voiture, un train ou un bateau – peut être considéré comme une unité de calcul qui peut être fédérée. Dans ce contexte, disposer d'une bande passante plus importante et d'une moindre latence permettra de construire de nouveaux scénarios de cas d'usage. Par ailleurs, GAIA-X représentera une offre complémentaire en termes de régulation.
GAIA-X est un projet très innovant porté par l'Union européenne et décliné dans les hubs nationaux. Un projet comparable pourrait-il être adopté pour des problématiques du numérique autres que le cloud ? En cas de réponse positive, quelles problématiques pourraient-elles être traitées dans un projet et une gouvernance comparables à GAIA-X ?
D'une manière générale, la consommation de tous les services informatiques, dont le cloud, implique que l'utilisateur s'authentifie. Or la gestion de l'identité fait partie des problématiques prises en compte dans GAIA-X. Ainsi, les banques, ou les hôpitaux, doivent se conformer aux règles de KWC. Or il est actuellement très difficile en Europe de maîtriser trois briques de base en la matière, à savoir identifier une personne physique, identifier une personne morale et identifier le mandat d'une personne physique sur une personne morale.
En France, FranceConnect, qui constitue une déclinaison de la directive européenne eIDAS, commence à être utilisée. Cependant, ce type de solution est bien moins utilisé en France que dans d'autres pays, par exemple en Estonie. Ayant travaillé cinq ans dans ce pays, je sais que la puce équipant une carte d'identité estonienne permet d'accéder à l'ensemble des services de l'État estonien, à l'ensemble des services sociaux estoniens (assurance maladie, retraite...), mais aussi que de nombreux acteurs privés (banques, fournisseurs d'accès Internet...) peuvent s'y connecter. Ce schéma permet d'éviter de recourir à une multitude d'identifiants compliqués à fédérer.
Outre FranceConnect, il est possible de citer l'identité numérique obtenue en enregistrant une entreprise auprès d'un greffe de tribunal.
Le problème est qu'une telle gestion d'identités très parcellaires ne permet pas de passer à une plus vaste échelle. Les travaux menés dans GAIA-X devront prendre en compte cette difficulté.
La gestion des identités numériques des personnes physiques et morales constitue donc une autre problématique susceptible d'être traitée dans un cadre comparable à celui de GAIA-X. Par ailleurs, GAIA-X va s'appuyer sur les travaux relatifs aux blockchains réalisés dans le projet European blockchain services infrastructures (EBSI).
Je souhaite enfin répondre à la question posée en introduction de cette audition concernant le Data Governance Act. Ce projet prévoit notamment d'imposer à certains organismes de partager leurs données. Un tel schéma a d'ailleurs déjà été mis en œuvre dans la directive sur les services de paiement bancaires (DSP2), avec un succès limité. En effet, en l'absence de base contractuelle et de rémunération, les banques acceptent uniquement de partager les données de leurs clients relatives aux comptes courants, et non aux comptes de dépôts. L'obligation réglementaire a donc conduit à partager des données parcellaires difficilement utilisables, par exemple, pour détecter du blanchiment d'argent. Le Data Governance Act constitue donc un élément positif, mais il conviendra de se doter en complément d'un cadre réglementaire plus général.
Dans quelle mesure GAIA-X contribuera-t-il à trouver un équilibre entre l'innovation et la protection des données ?
GAIA-X comprend un data space franco-germanique dédié à la finance. L'objectif consiste à utiliser de nouveaux algorithmes permettant de passer d'une gouvernance humaine à une gouvernance numérique. Cependant, si les banques sont prêtes à mutualiser leurs efforts afin de limiter le blanchiment d'argent en Europe, elles s'opposent à ce que cette démarche leur impose de communiquer des données dont elles perdraient le contrôle.
Dans ce contexte, il serait nécessaire de disposer d'algorithmes de federated learning permettant d'entraîner un modèle au sein de chaque banque, puis d'agréger dans un modèle mutualisé les différents modèles entraînés dans les différentes banques. Cette démarche permettrait de détecter des opérations de blanchiment d'argent tout en garantissant aux banques que leurs données ne seraient pas exportées. Il s'agit clairement d'une demande du secteur data space finance.
Nous retrouvons une demande comparable du groupe de travail français consacré à la santé. J'appuie donc les propos de M. Pierre Gronlier concernant la nécessité d'évoluer vers une gouvernance numérique, mais j'ajoute qu'il convient, en parallèle, de prévoir des mécanismes contractuels permettant de rémunérer l'utilisation de certaines données. En effet, les acteurs impliqués dans le traitement des données ne sont pas des sociétés philanthropiques. Leur objectif consiste bien à créer de la valeur, même s'ils ne sont pas opposés à la diffusion de données ouvertes dans un souci de bien commun.
Je précise que les acteurs participant aux groupes de travail du French GAIA-X Hub sont des entreprises, mais aussi des instituts de recherche ou des administrations publiques.
GAIA-X est une initiative européenne ayant des déclinaisons nationales. Actuellement, quel est le rôle de l'Union européenne dans le domaine de la souveraineté numérique ? Est-ce la bonne et la seule échelle pour traiter cette question de souveraineté et ensuite la diffuser au niveau national ? À l'inverse, des initiatives peuvent-elles ou doivent-elles être initiées au niveau national avant d'être portées au niveau européen ?
Le Cigref représente un certain nombre d'utilisateurs désireux de travailler en amont sur des questions de souveraineté, notamment en ce qui concerne le cloud de confiance, ou encore les critères de la souveraineté numérique, afin de partager le fruit de leurs réflexions. Ainsi, nous avons transmis différents courriers à MM. Bruno Le Maire et Cédric O, afin de les informer de l'état d'avancement de nos travaux concernant les sujets qui intéressent l'État. Les acteurs nationaux peuvent donc porter des initiatives, à condition que la démarche s'inscrive en convergence.
Je ne peux qu'appuyer ces propos. Bien évidemment, les approches européennes et nationales doivent être complémentaires. C'est bien dans cette logique que fonctionne GAIA-X : l'association GAIA-X fixe les grandes lignes directrices, mais tous les membres, ainsi que les non-membres, contribuent à la démarche. Les deux types d'action sont nécessaires et doivent converger.
Ainsi, disposer d'un dispositif homogénéisé serait très utile concernant la gestion de l'identité et les normes permettant de définir un contrat. Le cas d'espèce mis en avant dans le cadre du Data Space Industry correspond à la situation d'un sous-traitant automobile dont les productions sont assemblées par des constructeurs automobiles. En l'état actuel, le constructeur automobile ne dispose d'aucun retour d'information pour savoir si le composant fourni par le sous-traitant doit être remplacé par un garagiste après un certain nombre de kilomètres. Plus précisément, l'information relative au taux de panne d'un composant implanté dans un type de véhicule à un certain kilométrage existe, mais n'est pas monétisée. Certes, un constructeur peut parfaitement conclure un contrat avec quelques concessionnaires afin de collecter ce type d'informations, mais il serait bien plus intéressant pour lui d'automatiser ce dispositif auprès des centaines de milliers de garagistes opérant en Europe. Cette démarche implique de disposer d'une réglementation européenne, au besoin d'une réglementation nationale, permettant d'harmoniser les accords.
En quoi l'association GAIA-X peut-elle contribuer à cette harmonisation ? Une telle démarche figure-t-elle dans le cahier des charges de GAIA-X ? Existe-t-il un canal officiel lui permettant de proposer ce type d'harmonisation au Parlement européen ou à la Commission européenne ?
Certains canaux de communication permettent effectivement de faire part de ce type de besoin. À titre personnel, je suis en contact avec la DG Connect et nous vérifions si les dispositifs existants concernant la thématique des blockchains ou la directive européenne eIDAS peuvent nous être utiles.
GAIA-X est un projet d'initiative européenne. Tous les pays de l'Union sont-ils impliqués de manière identique dans ce projet ? Je précise que ma question ne vise pas à identifier les bons et les mauvais élèves, mais à vérifier si cette thématique de souveraineté numérique est partagée par tous les États, et si la prise de décision à l'unanimité en Europe pose problème pour porter ce type d'initiative.
Je ne pense pas que cette caractéristique pose problème. La meilleure preuve est que, alors que le projet résulte d'une initiative franco-allemande et que les principaux participants proviennent actuellement de ces deux pays, nous comptons de nombreux contributeurs provenant d'autres pays, dont l'Espagne et l'Italie, et que des hubs nationaux créés en Estonie, en Finlande, en Suède, rejoignent le processus.
À ce sujet, j'ai été contactée par les acteurs de différents pays souhaitant s'informer de la manière de construire et animer des hubs nationaux. Par ailleurs, des réunions sont régulièrement organisées entre représentants des différents hubs nationaux afin de présenter les organisations déployées dans les pays ayant initié la démarche et de vérifier comment des acteurs d'autres pays pourraient se saisir de certaines thématiques. Ces échanges sont pour l'instant très fluides et visent à contribuer au succès de la feuille de route assignée à GAIA-X.
J'aimerais revenir sur certains sujets déjà évoqués. En premier lieu, je confirme que le réseau de hubs nationaux est une initiative très importante. Ce réseau s'avère extrêmement efficace. La prochaine assemblée générale de GAIA-X AISBL programmée le 7 juin 2021 permettra de désigner de nouveaux membres du conseil d'administration, qui pour l'instant comprend uniquement onze Français et onze Allemands. Nous pourrons ainsi élargir l'éventail des nationalités représentées et intégrer un certain nombre de nos partenaires.
Je tiens par ailleurs à assurer que tous les pays membres de l'Union européenne ont exprimé leur intérêt pour la démarche portée par GAIA-X. Par ailleurs, depuis le lancement de la stratégie en 2020, l'Europe s'est dotée d'un fonds de relance de 750 milliards d'euros. Ceci signifie que les fonds susceptibles d'être mobilisés proviennent de différentes sources, et non plus uniquement de la Commission européenne. Dans ce contexte, il nous revient d'inciter les autorités nationales à utiliser ces ressources de manière cohérente, afin de garantir que les projets portés respectent les principes européens et les objectifs de GAIA-X.
Ainsi, lorsque la Commission européenne a porté l'initiative European alliance for industrial data and cloud, nous nous sommes, dans un premier temps, demandés si cette démarche concurrençait GAIA-X. En réalité, nous avons rapidement compris que GAIA-X allait jouer un rôle moteur dans cette alliance. Nous avons donc rejoint ce projet afin d'instaurer une nouvelle infrastructure.
Nous observons la multiplication des synergies avec les gouvernements nationaux, alors qu'au minimum 20 % des fonds octroyés dans le plan de relance devront être investis dans des projets en lien avec la transformation numérique. Nous travaillons donc avec la Commission européenne et les gouvernements nationaux dans des appels à projets consacrés aux données et à la souveraineté numérique. Par ailleurs, un nombre croissant de gouvernements nationaux ont participé à la création de réseaux nationaux.
Enfin, je tiens à souligner que nous assistons peut-être à un évènement qui ne s'est jamais produit par le passé. Tout d'abord, GAIA-X a permis de rassembler en moins d'un an une cinquantaine d'acteurs, à savoir des utilisateurs de données et de technologie et des fournisseurs de technologie, autour d'un objectif commun de partage des données et de création de valeur dans un environnement sécurisé.
Par ailleurs, alors que nous pouvions nous demander pourquoi l'économie numérique n'avait pas encore connu une croissance exponentielle, alors qu'existaient des mesures d'incitation, la pandémie que nous venons de vivre a permis à chacun de découvrir que le partage des données était un secteur crucial. En effet, sans partage de données, il aurait été impossible de continuer à enseigner aux enfants, de travailler à distance, d'acheter de la nourriture et de poursuivre les activités économiques durant le confinement. Par ailleurs, le projet de passeport sanitaire est un exemple de collaboration entre acteurs publics et privés en matière de partage de données. Il s'agit d'un projet très concret pour les citoyens. C'est pourquoi je pense que nous nous trouvons à la croisée des chemins et que nous comprenons mieux que jamais que nous avons intérêt à améliorer le partage de données et à créer des réseaux permettant d'échanger des données.
Les entreprises souhaitent que les données puissent circuler, mais pas à n'importe quel prix. Elles voient en GAIA-X l'architecture et l'infrastructure permettant de garantir une circulation maîtrisée de ces données, dès lors que les policy rules permettent de garantir l'ouverture, l'opérabilité, la transparence, la confiance, la réversibilité, la portabilité, sans être soumis à des lois extraterritoriales.
La nomination des responsables de GAIA-X est très récente. À quelle date GAIA-X atteindra-t-il sa vitesse de croisière ? À quelle date les entreprises pourront-elles faire appel à ses solutions ? À quel moment estimerez-vous avoir atteint les objectifs assignés ?
Deux éléments permettent de caractériser le projet de transformation numérique.
La première caractéristique est que seuls les meilleurs réussiront et que les autres échoueront, sans qu'il existe une voie intermédiaire. Dans ce contexte, nous devons avoir les bonnes idées au bon moment. Or GAIA-X semble constituer cette bonne idée au moment opportun.
Par ailleurs, nous assistons à l'explosion des projets de transformation numérique, mais, par nature, ces projets ne connaissent pas un développement linéaire, mois après mois et année après année. Leur croissance s'apparente en général à une courbe en « crosse de hockey », c'est-à-dire que les résultats progressent fortement seulement après une longue période préparatoire. GAIA-X connaît actuellement cette phase préparatoire et le travail à réaliser est encore conséquent.
Ainsi, en 2021, nous devons choisir un ensemble de projets qui nous permettront de concrétiser les concepts que nous avons élaborés, à savoir la fédération de service au plus petit niveau, mais aussi les différents composants de l'architecture de GAIA-X (autocertification, autodéfinition, autocontrôle...), qui n'ont jamais été développés par le passé. Nous espérons enregistrer des résultats tangibles dans ces différents chantiers dès la fin de l'année 2021, en nous appuyant sur les travaux de start-up d'excellent niveau.
Sur cette base, j'espère que les premiers bouquets de services portés par GAIA-X pourront être proposés dès 2022, par exemple, dans le domaine de la santé ou de la finance. Nous assisterons ensuite à l'avènement de services d'intermédiation transversaux couvrant plusieurs domaines d'activité.
Au cours de la troisième année, si les objectifs assignés ont été atteints, au moins 20 % des membres de GAIA-X développeront des services répondant à nos critères, ce qui permettra de passer un cap et d'enregistrer une forte croissance des projets de ce type. Dans la mesure où GAIA-X devrait à cette date compter plusieurs centaines de membres, la dynamique engagée permettra alors de peser suffisamment en Europe et au-delà. Nous assisterons alors à l'apothéose, à savoir la création d'un système de vente de services par les différents membres de GAIA-X et par l'ensemble des utilisateurs ayant adopté ce système.
Enfin, j'espère que nous serons en mesure d'enregistrer des économies d'échelle entre la troisième et la cinquième année, afin de rendre GAIA-X compétitif sur la scène internationale et de ne plus être considéré commune une simple alternative européenne.
La feuille de route est très claire, mais très ambitieuse. Quels indicateurs vous permettront de mesurer l'atteinte de vos objectifs ?
La réponse est assez simple, car désormais nous pouvons présenter GAIA-X comme une alternative aux hyperscalers. Je précise que notre démarche ne vise pas à nous opposer à qui que ce soit, nous proposons simplement une solution alternative inclusive.
Actuellement, le taux de pénétration du cloud dans les différents pays européens est compris entre 20 % et 25 %. Concrètement, entre 20 % et 25 % des entreprises européennes adoptent la technologie du cloud, qui couvre trois catégories : les infrastructures en tant que service, les plates-formes en tant que service, et les logiciels en tant que service. Cependant, le taux de pénétration du cloud est très inférieur à 15 % concernant les infrastructures en tant que service. Ce taux doit progresser. Il convient néanmoins de préciser que la situation actuelle s'explique uniquement par un manque de confiance dans les solutions proposées, en particulier en raison des risques de verrouillage des données par certains fournisseurs. Or il est anormal que les consommateurs soient pénalisés par de telles stratégies commerciales.
Dans ce contexte, le succès de GAIA-X se mesurera en fonction de la progression du taux de pénétration du cloud. En effet, si GAIA-X est en mesure d'assurer l'interopérabilité, la migration d'une plate-forme à une autre, la souveraineté, la transparence, je suis persuadé que de nombreux acteurs adopteront alors la technologie du cloud, car un tel schéma leur permettra de réduire les coûts de gestion de leurs infrastructures. Or je veux insister sur le fait que, à l'heure actuelle, aucun projet autre que GAIA-X n'a pour objectif de garantir la migration d'une plate-forme à une autre et d'un fournisseur à un autre de manière sécurisée.
Au-delà de l'identité numérique, l'Europe devrait-elle investir immédiatement d'autres domaines techniques pour protéger sa souveraineté numérique, sous peine d'être à nouveau en retard ? Disposons-nous de secteurs d'excellence pour conserver nos talents ?
Il existe de nombreux domaines d'excellence. Le premier que je souhaite évoquer correspond à l'Intelligence artificielle. Vous pourriez rétorquer qu'il ne s'agit pas vraiment d'un domaine, mais cela l'est. Il s'agit en réalité du domaine des domaines. Or dans les prochaines années, nous serons submergés de services reposant principalement sur l'Intelligence artificielle. Cependant, au même titre que la plomberie transporte l'eau, l'Intelligence artificielle a besoin de données, et surtout de données de qualité.
Or, grâce à son héritage industriel, à son modèle social, à son modèle environnemental, et dans la mesure où les données ne sont que les représentations de ces écosystèmes, l'Europe dispose des meilleures données au monde. Nous avons donc la possibilité d'entraîner la prochaine génération de smart services reposant sur l'Intelligence artificielle à partir de nos données européennes et de construire ainsi les algorithmes des sites de e-commerce permettant de créer le plus de valeur.
M. Pierre Gronlier indiquait au cours d'une de ses interventions que l'Europe avait vu l'éclosion des meilleures technologies et des meilleures start-up, qui malheureusement ont dans la plupart des cas été rapidement rachetées par les GAFA. La solution pour ne pas perdre cette richesse est de construire quelque chose de plus grand. GAIA-X se propose d'être le cadre permettant de conserver cette richesse en Europe.
Je tiens à compléter ces propos afin de répondre à la question relative aux domaines d'expertise qu'il conviendrait de protéger en Europe. Pour se faire, je rappelle qu'en matière d'Intelligence artificielle, la pertinence du modèle dépend uniquement de la qualité des données utilisées. En effet, un modèle entraîné sur la base d'un jeu de données contenant trop de données biaisées et non nettoyées, par exemple des données dupliquées ou dont certains champs ne sont pas renseignés, ne sera pas pertinent. L'intérêt de GAIA-X est qu'il permet de garantir un partage de données de plus en plus pertinentes.
Plus précisément, quels domaines technologiques doivent immédiatement bénéficier d'investissements ? Alors que la France a lancé un plan quantique, des investissements doivent-ils être immédiatement portés dans ce domaine au niveau européen, ou dans les différents pays avant de fédérer les démarches au niveau européen ? Identifiez-vous des secteurs technologiques que l'Europe a ignorés, mais pour lesquels d'autres pays ont consacré un effort de recherche ?
Je ne me prononcerai pas concernant la technologie quantique, qui est très prometteuse. Je sais simplement qu'il existe des start-up très prometteuses en France dans ce domaine, par exemple la start-up Pasqal. Par ailleurs, l'entreprise française LightOn fait partie des cinq entreprises au monde capable de réaliser du calcul photonique. Cette compétence est utilisée afin de réaliser des calculs d'approximation de poids sur la base de lasers. La technologie utilisée consiste à diffuser des photons à travers des lentilles, ce qui est plus rapide et moins consommateur d'énergie qu'utiliser des électrons sur des pistes de cuivre.
Il est bien évidemment nécessaire de conserver ces talents en Europe, et donc d'investir dans ces secteurs. Le problème est que ces investissements seront utiles uniquement si la réglementation évolue afin de permettre à des acteurs économiques de s'en emparer. À titre d'exemple, l'Europe doit être en mesure de se doter un corpus juridique permettant d'encadrer les transactions en cryptomonnaies.
Nous avons évoqué ce sujet dans notre précédente audition et nous l'évoquerons à nouveau la semaine prochaine.
Avant de clore nos débats, quel dernier message aimeriez-vous faire passer aux députés et aux personnes visionnant cette audition concernant les thématiques du cloud et de la souveraineté numérique ? Qu'attendez-vous de nous ?
Je n'attends rien, je n'exige rien, mais j'espère beaucoup. J'espère que nous avons été clairs dans notre présentation de GAIA-X. J'espère plus généralement que, en Europe, chacun comprendra l'intérêt de cette initiative unique et sans précédent, qui est portée dans l'intérêt de tous les Européens, qu'il s'agisse des entreprises, du secteur public et, surtout, des citoyens. J'espère surtout que GAIA-X ne sera pas perçu comme une initiative intéressante, mais sans postérité. En effet, notre objectif est d'aller au bout de ce projet pour changer la donne.
Dans la Rome antique, l'accès à l'eau était considéré comme un bien commun. Chacun avait accès gratuitement à une eau potable. Il s'agissait d'une grande nouveauté. En ce qui nous concerne, nous accordons un accès gratuit à nos données et nous avons la chance de disposer d'un énorme stock de données. Cependant, en considération de la pandémie que nous subissons depuis treize mois, nous devons nous imaginer ce que serait un monde dans lequel les citoyens n'auraient aucun contrôle de leurs données personnelles et des outils permettant de communiquer, de voyager, de se rencontrer, ou encore d'acheter des biens. En réalité, à l'image de l'eau, ces données sont désormais vitales en Europe. C'est pourquoi j'espère que notre projet ne restera pas expérimental, mais au contraire bénéficiera à chacun, grâce à la contribution des différents acteurs.
Pour ma part, je veux insister sur la réglementation à déployer afin de développer, ou de retrouver, la confiance dans les outils numériques. Cette démarche est indispensable pour passer d'une gouvernance humaine à une gouvernance numérique, qui est la condition sine qua non d'une démarche visant à fédérer les efforts réalisés dans les différents pays pour instituer une cohérence européenne.
Afin d'illustrer mon propos, je vais citer un exemple de gouvernance numérique : le cadenas vert apparaissant sur le site Internet de votre banque constitue non seulement un indicateur de votre confiance dans la banque, mais aussi un indicateur de votre confiance dans le certificat délivré par l'autorité compétente qui a audité la banque. En l'occurrence, l'intervention humaine est limitée à la délivrance du certificat, mais la confiance est ensuite assurée dans une gouvernance numérique.
Je vous remercie. Je confirme qu'il convient de promouvoir la confiance dans la gouvernance numérique.
Ma demande est comparable à celle exprimée par M. Francesco Bonfiglio concernant la constitution d'un environnement capable d'imposer aux fournisseurs de clouds et de services numériques de proposer des offres conformes aux valeurs européennes et aux attentes de nos entreprises. Nous devons faire en sorte que les hyperscalers américains et asiatiques se conforment aux règles du jeu et aux valeurs européennes. Dans ce but, tout doit être fait pour garantir le succès de GAIA-X, car il sera ensuite trop tard pour agir.
Je vous remercie pour vos interventions, pour la clarté de vos propos. Cette présentation était importante, car le projet GAIA-X a suscité beaucoup d'espoirs, mais aussi un certain nombre d'interrogations du fait de la participation des principaux acteurs américains du numérique. Votre présentation a permis de clarifier le mode de fonctionnement de GAIA-X et les objectifs du projet.
Les personnes qui ont précédemment été auditionnées dans notre mission d'information placent leurs espoirs dans GAIA-X. Il était donc important de vous permettre de présenter ce projet et de l'incarner devant nous.
La séance est levée à quinze heures trente.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur le thème « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »
Réunion du jeudi 22 avril à quatorze heures
Présent. – M. Philippe Latombe
Excusée. – Mme Frédérique Dumas