Publié le 20 novembre 2020 par : Mme Dubost, Mme Abadie, M. Anglade, Mme Avia, M. Boudié, Mme Chalas, Mme Dubré-Chirat, M. Eliaou, M. Fauvergue, M. Gauvain, M. Gouffier-Cha, Mme Guerel, M. Houlié, Mme Kamowski, Mme Louis, M. Matras, M. Mendes, M. Mis, Mme Moutchou, Mme Oppelt, M. Paris, M. Person, M. Pont, M. Poulliat, M. Questel, M. Rebeyrotte, M. Rudigoz, M. Rupin, M. Terlier, M. Tourret, M. Vuilletet, M. Castaner, les membres du groupe La République en Marche.
« Lorsqu’un enfant né avant l’entrée en vigueur de la présente loi est issu d’une procréation médicalement assistée réalisée à l’étranger dans les conditions prévues par la loi étrangère et dans le cadre d’un projet parental commun de deux femmes mais que la mère désignée dans l’acte de naissance de l’enfant s’oppose sans motif légitime à l’établissement du lien de filiation à l’égard de la femme qui n’en a pas accouché, celle-ci peut, avant l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, demander l’adoption de l’enfant. L’absence de lien conjugal et la condition de durée d’accueil prévue au premier alinéa de l’article 345 du code civil ne peuvent être opposées à cette demande. Le tribunal prononce l’adoption si celle-ci est conforme à l’intérêt de l’enfant. Elle entraîne les mêmes effets, droits et obligations qu’en matière d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin. »
Depuis la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, lorsqu’un couple de femmes a eu recours à une assistance médicale à la procréation à l’étranger, la femme qui n’a pas accouché peut établir sa filiation à l’égard de l’enfant en adoptant celui-ci, à condition d’être mariée avec la femme qui a accouché.
Le projet de loi bioéthique, en cours de discussion devant le Parlement, prévoit que lorsque ce couple de femmes n’est pas marié et qu’il s’est séparé, la femme qui n’a pas accouché peut faire établir son lien de filiation au moyen d’une reconnaissance devant notaire réalisée conjointement avec la femme qui a accouché. Cette reconnaissance conjointe est un mécanisme d’établissement volontaire de la filiation et implique donc que les deux femmes s’entendent.
Actuellement, le droit français ne prévoit pas de mécanisme d’établissement de la filiation à l’égard de la femme qui n’a pas accouché lorsque celle qui a accouché s’oppose à la reconnaissance conjointe devant notaire.
Cet amendement entend proposer le recours à l’adoption pour la femme qui n’a pas accouché, et ce, malgré la séparation du couple et le refus de la femme qui a accouché de recourir à la reconnaissance conjointe prévue au IV de l’article 4 de la loi relative à la bioéthique.
L’intervention du juge est indispensable : seul le juge peut établir ce second lien de filiation en cas de refus de la mère qui a accouché, puisqu’il s’agit de régler un conflit au sein d’un couple séparé, conformément à l’intérêt de l’enfant.
Toutefois, une adaptation des règles de l’adoption apparait nécessaire afin de tenir compte des spécificités de la situation.
Ainsi, l’adoption est possible même en cas de séparation du couple, sans avoir à justifier de la condition du recueil de l’enfant pendant six mois.
La femme qui n’a pas accouché doit rapporter la preuve d’une part, que l’enfant est issu d’une assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger dans le respect des conditions prévues par la loi étrangère, et d’autre part, qu’il existait un projet parental commun avec la femme qui a accouché. La preuve de ces éléments peut être apportée par tous moyens. Enfin, il appartiendra au juge d’apprécier si l’adoption par la femme qui n’a pas accouché de l’enfant est conforme à l’intérêt de l’enfant.
Cette adoption plénière produit les mêmes effets, droits et obligations que l’adoption de droit commun de l’enfant du conjoint, partenaire lié par un PACS ou concubin : elle laisse ainsi subsister la filiation d’origine de l’enfant à l’égard de la mère qui a accouché et de sa famille, tout en créant un second lien de filiation à l’égard de la mère qui n’a pas accouché et de sa famille. Les deux mères sont toutes deux titulaires de l’autorité parentale qu’elles exercent en commun.
Conformément au régime juridique de droit commun de l’adoption, l’adoption par la femme qui n’a pas accouché produira ses effets à compter du jour du dépôt de la requête, et non au jour de la naissance de l’enfant.
Il n’est pas possible de faire rétroagir les effets de l’adoption au jour de la naissance. En effet, en matière de filiation, et particulièrement dans une situation de conflit, une telle solution serait inconstitutionnelle en ce qu’elle serait une remise en cause rétroactive des droits de la mère.
Surtout, faire rétroagir les effets de l’adoption au jour de la naissance dans ce cas de figure créerait une grave rupture d’égalité entre les enfants adoptés : alors que les enfants nés d’AMP à l’étranger verraient leur filiation établie au jour de leur naissance, les autres enfants conçus en dehors d’une AMP verraient, quant à eux, leur filiation établie au jour du dépôt de la requête.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.