Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a entendu M. Nicolas Démoulin sur les conclusions du groupe de travail sur l'hébergement d'urgence.

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Nous entendons aujourd'hui une communication de M. Nicolas Démoulin, qui a conduit un groupe de travail sur l'hébergement d'urgence. Nous sommes proches de la fin de la trêve hivernale et le calendrier est sans doute le bon pour débattre de ses conclusions.

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Merci Monsieur le président. Chers collègues, je souhaite tout d'abord remercier la commission de m'avoir confié ce groupe de travail. Depuis septembre 2017, le Gouvernement s'est engagé dans un changement de paradigme sur la question des sans-abri avec le plan quinquennal en faveur du Logement d'abord. Ce plan, dont l'objectif est d'insérer plus efficacement les sans-abri en leur attribuant directement un logement, implique à moyen terme une réforme structurelle de l'hébergement d'urgence. Je suis toutefois convaincu depuis le départ qu'il ne faut pas opposer Logement d'abord et hébergement d'urgence. Dans le contexte actuel de hausse constante des besoins, les centres d'hébergement d'urgence continueront en effet d'exister et il nous faut des centres de qualité pour accueillir les sans-abri et les orienter rapidement vers le logement.

C'est avec cet esprit que j'ai procédé, depuis décembre dernier, à l'audition des principaux acteurs nationaux de l'hébergement et que j'ai réalisé quatre déplacements à Grenoble, Strasbourg, Paris et Montpellier, au cours desquels j'ai pu échanger avec les acteurs locaux et visiter huit centres d'hébergement. Il ressort de mes travaux quelques constats marquants et vingt-huit propositions.

Mais avant de les détailler, je souhaite rappeler ici quelques éléments factuels sur les sans-abri. Le clochard aviné qui mendie, c'est l'image tenace qui nous vient à l'esprit quand on évoque les sans domicile fixe (SDF). Pourtant, 40 % des SDF sont des femmes, il y a de nombreux jeunes majeurs, 10 % ont fait des études supérieures et environ un quart d'entre eux travaillent. L'espérance de vie d'un SDF est de 49 ans. Actuellement, tous les soirs, l'État finance 150 000 places d'hébergement, soit l'équivalent de la population du département du Cantal, dont 15 000 places créées spécialement cet hiver. La gestion de ces places est confiée à des opérateurs, la plupart associatifs, dans différentes formes de structures, qui vont de la simple mise à l'abri aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), où les sans-abri bénéficient d'un accompagnement social important.

L'hébergement d'urgence, c'est aussi un budget. Depuis 2012, les dépenses de l'État en faveur de l'hébergement et du logement des sans-abri ont augmenté très fortement pour atteindre 2 milliards d'euros en 2018, soit une hausse de 54 % en six ans. La hausse de ce budget répond à une hausse constante de la demande. Pourtant, un des premiers constats de ma mission est que cette demande demeure très mal connue et quantifiée par les pouvoirs publics. La dernière statistique officielle résultant d'une étude de l'INSEE date de 2012 et évaluait à 141 000 le nombre de personnes sans domicile en France. Ce nombre paraît complètement obsolète aujourd'hui. Aucune organisation ne dépenserait 2 milliards d'euros sans connaître précisément la demande à laquelle elle répond. Or l'absence de connaissance de la demande entrave toute capacité de l'État et des acteurs locaux à programmer une offre d'hébergement adaptée.

Face à cela, de nouvelles initiatives ont émergé localement. Depuis 2018, des grandes villes, comme Paris, Grenoble et Metz, organisent des « nuits de la solidarité » afin de recenser en une nuit le nombre de sans-abri présents dans l'espace public. Je trouve ces initiatives très positives et j'estime que les nuits de la solidarité devraient être généralisées à toutes les métropoles. Je préconise d'ailleurs qu'elles aient lieu deux fois par an, en hiver et en été, selon un cahier des charges uniformisé au niveau national. Malheureusement, certaines villes refusent d'organiser de tels recensements, par crainte notamment de rendre visible la misère de leur territoire. L'approche des élections municipales ne me rassure pas en la matière. Une nouvelle enquête de l'INSEE, selon une grille d'analyse enrichie, m'apparaît également indispensable. Celle-ci vient d'être inscrite dans le plan quinquennal de l'INSEE et j'espère qu'elle sera réalisée au plus vite.

Deuxième constat : malgré une hausse continue des dépenses et du nombre de places d'hébergement disponibles, les capacités des centres d'hébergement semblent aujourd'hui saturées dans certains territoires. À Toulouse, seulement 6 % des appels au 115 sont décrochés tandis qu'à Montpellier, seules 15 % des demandes d'hébergement obtiennent une solution. Dans les territoires tendus, des critères informels de priorisation des publics ont donc été mis en place, si bien que certains profils de sans-abri, comme les hommes isolés, renoncent à faire une demande d'hébergement.

D'après la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), des critères sélectifs ont même été fixés par des instructions préfectorales dans certains départements au cours de l'été 2018 pour restreindre l'hébergement hôtelier des familles sans domicile. De telles pratiques remettent en cause un principe fondamental de notre droit : le principe de l'accueil inconditionnel des sans-abri qui, depuis la loi du 25 mars 2009, doivent avoir accès à tout moment à un dispositif d'hébergement d'urgence. Je réaffirme avec force la nécessité de préserver ce principe et de mettre fin à ces pratiques contraires à l'esprit et au texte de la loi. Dans ce contexte, il me semble également indispensable de procéder à la pérennisation d'un maximum de places créées à l'occasion de la période hivernale, comme le Gouvernement l'avait fait en 2018. Le principe de l'inconditionnalité de l'accueil vaut, en effet, aussi bien en hiver qu'en été, la rue tuant en toute saison.

Troisième constat : outre le manque de places, les personnes sans-abri sont confrontées à une très grande inégalité dans la qualité de confort matériel et d'accompagnement que leur offrent les différentes structures d'hébergement. Au cours de mes visites, j'ai pu constater à quel point les écarts peuvent être grands entre les centres d'hébergement, à la fois sur la qualité du bâti et sur les services dont peuvent bénéficier les personnes hébergées. Depuis 2009, l'État et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) mènent un programme d'humanisation des centres d'hébergement afin d'améliorer les conditions d'accueil des personnes sans domicile, en remplaçant par exemple des dortoirs par des chambres individuelles. Ces efforts restent cependant modestes et tous les crédits de l'ANAH en la matière ne sont pas entièrement consommés. En outre, la plupart des acteurs auditionnés constatent un retour en arrière, depuis environ deux ans, en termes de qualité des places. Des locaux inadaptés sont mobilisés en période hivernale puis pérennisés et des hébergements à la nuitée, avec une remise à la rue le matin, se multiplient. Des missions élémentaires, comme la distribution d'un repas le soir, ne sont pas partout assurées, au mépris de la loi qui dispose que tout hébergement d'urgence doit assurer « le gîte, le couvert et l'hygiène ». Or, la façon dont les personnes sont accueillies en urgence détermine leur sort ultérieur en matière d'accès au logement. J'estime qu'il est donc urgent aujourd'hui de relancer et d'amplifier le programme d'humanisation des centres d'hébergement. Pour cela, un recensement des besoins doit être effectué de manière proactive pour obtenir un état qualitatif du parc et aller vers les petites structures qui ne sollicitent pas d'aides. La priorité doit être mise sur l'humanisation des dispositifs hivernaux pérennisés, ainsi que sur les travaux permettant d'adapter les centres d'hébergement à l'accueil des familles. L'éligibilité aux aides de l'ANAH pourrait enfin être élargie aux accueils de jour qui ne font pas partie d'un centre d'hébergement. Ces structures assurent un accueil et une première orientation essentielle des sans-abri et des investissements, comme l'installation de bagageries, y sont nécessaires.

Quatrième constat : faute d'un parc suffisant et adapté aux familles, le recours à l'hôtel n'a cessé de croître ces dernières années. Depuis 2010, le nombre de places d'hébergement financées dans des hôtels a augmenté de 251 % pour atteindre un coût total de 327 millions d'euros en 2017. Je n'ai pas encore les chiffres de 2018 mais je peux vous annoncer qu'ils ont certainement augmenté, ce qui porterait le budget quotidien des nuitées hôtelières à environ un million d'euros. Le coût unitaire de ces nuitées d'hôtels est élevé, malgré des conditions de confort parfois indignes et une quasi-absence d'accompagnement social. Le Gouvernement précédent avait lancé un plan triennal de réduction des nuitées hôtelières qui s'est soldé globalement par un échec. Pour les acteurs rencontrés lors de cette mission, une des explications à cet échec est simple : une part importante des familles sans-abri hébergées à l'hôtel (50 % en moyenne) sont en situation irrégulière et ne peuvent juridiquement pas accéder à un logement, même en pension de famille ou en intermédiation locative. Des situations absurdes sont même fréquemment relevées : des familles sans-papiers, avec des enfants scolarisés, sont hébergées pendant 6 ans avant d'être enfin régularisées. Si elles n'étaient pas en situation irrégulière, ces familles n'auraient rien à faire dans des structures d'hébergement.

Face à ce blocage qui crée un surcoût pour les finances publiques, j'estime qu'il est donc nécessaire aujourd'hui d'accélérer les régularisations des familles sans-papiers dont il est certain qu'à moyen terme elles seront régularisées. Ce sujet doit être abordé sans tabou et être inclus dans le plan quinquennal pour le Logement d'abord car les objectifs d'attribution de logements aux personnes sans-abri ne seront jamais atteints si une proportion substantielle de ce public n'a juridiquement pas le droit d'accéder à un logement, que ce soit dans les pensions de famille, dans le parc HLM ou dans le parc privé. Par ailleurs, le prochain plan de réduction des nuitées hôtelières doit impérativement inclure le déploiement de solutions alternatives inconditionnelles et être l'occasion d'inventer une formule proche de l'intermédiation locative permettant d'accueillir dans des logements des ménages à droits incomplets. De telles solutions sont déjà mises en oeuvre dans le Bas-Rhin et gagneraient à être sécurisées et généralisées. Elles sont moins coûteuses pour les finances publiques et permettent une réelle insertion des ménages ainsi logés.

Cinquième constat : la très grande diversité des structures d'hébergement se retrouve également dans la diversité de leurs coûts. L'enquête nationale des coûts, qui a été rendue obligatoire par la loi de finances pour 2018, a mis en évidence des coûts à la place qui peuvent varier du simple au double entre des structures pourtant comparables dans leurs modes d'hébergement et dans leurs missions. Afin de réduire ces écarts, le Gouvernement s'est engagé, depuis 2018, dans une politique de convergence des coûts pour les CHRS. Les centres d'hébergement dont les coûts étaient supérieurs à certains plafonds ont vu leur financement réduit, ce qui a permis à l'État d'économiser 20 millions d'euros en 2018 et 2 millions d'euros en 2019, sur une enveloppe globale de 625 millions d'euros. Je soutiens l'objectif de la convergence tarifaire poursuivi par le Gouvernement. Eu égard à l'importance des sommes dépensées et aux besoins urgents auquel l'État fait face pour héberger les sans-abri, il n'est en effet pas acceptable qu'une même prestation soit facturée 32 € par place et par jour dans un CHRS et 50 € dans un autre.

Toutefois, l'application de cette mesure en 2018 a davantage été ressentie par les acteurs de l'hébergement comme un coup de rabot sur le budget des CHRS. Au cours de mes déplacements, j'ai pu constater que, contrairement à l'objectif initial, une majorité des CHRS ont vu leurs budgets diminués, même si leurs coûts étaient inférieurs aux tarifs plafonds. Pour éviter une baisse trop brutale des subventions pour certains CHRS particulièrement onéreux, l'effort a été lissé sur la plupart des centres. Le résultat est particulièrement injuste : des établissements vertueux, dont les coûts étaient maîtrisés, ont quand même subi une baisse de leur budget. J'appelle donc le Gouvernement à mettre en oeuvre une véritable convergence tarifaire des CHRS. Celle-ci ne doit pas se résumer à un rabot généralisé, voire à un simple écrêtement des structures les plus chères, mais doit également être l'occasion d'augmenter le budget des structures notoirement sous-dotées. La convergence tarifaire doit être l'instrument d'une convergence qualitative des centres d'hébergement, afin de réduire les inégalités de confort et d'accompagnement évoquées précédemment. Des objectifs clairs de convergence pourraient ainsi être fixés comme l'obligation pour tous les centres d'hébergement collectifs d'alimenter les personnes hébergées ou d'accueillir les animaux de compagnie des sans-abri. En outre, j'estime que l'application de tarifs plafonds devrait être l'occasion d'instaurer des incitations à la performance fondées par exemple sur le taux de sortie vers le logement, la prise en charge de personnes avec de grandes difficultés ou la mise en place de pratiques innovantes. Enfin, je considère qu'une telle convergence ne devrait pas s'appliquer uniquement aux CHRS mais devrait également être étendue aux CHU dont les écarts de coûts sont encore plus grands que les CHRS.

J'en viens maintenant au Logement d'abord et aux conditions de sa réussite. La plupart des acteurs rencontrés lors de cette mission ont confirmé la pertinence de la stratégie Logement d'abord, comme moyen d'insérer plus efficacement et à moindre coût pour la collectivité publique les personnes sans domicile. Le plan quinquennal commence d'ailleurs à porter ses premiers fruits. En 2018, 70 000 personnes à la rue ou hébergées sont sorties vers le logement.

Toutefois, la politique du Logement d'abord représente un véritable changement de paradigme pour tous les acteurs de l'hébergement, et en particulier pour les travailleurs sociaux dont le métier, déjà éprouvant, est appelé à évoluer. Certains ressentent la fin du « parcours en escalier », dont le principe est de préparer les personnes hébergées à l'accès à un logement, comme une négation de la plus-value de leur travail. Rien n'est pourtant moins vrai. Les travailleurs sociaux, qui ont fait le maximum dans le système qui leur avait été proposé depuis les années 1970, doivent continuer à jouer un rôle essentiel dans le cadre du Logement d'abord. Le travail d'accompagnement qu'ils effectuent aujourd'hui dans les centres d'hébergement doit, à l'avenir, se déployer dans le domicile de chaque personne.

Les échanges que j'ai eus lors de mes visites ont cependant montré que la culture de l'accès direct au logement n'était pas encore bien ancrée chez les travailleurs sociaux et que la croyance en une « capacité à habiter » des personnes était toujours présente. Par exemple, de nombreux travailleurs sociaux de centres d'hébergement ne déposent pas de demande de logement social pour les personnes hébergées, en partie par méconnaissance des dispositifs d'accès au logement. J'estime qu'un plan massif de formation des travailleurs sociaux sur la philosophie du Logement d'abord doit donc être mis en oeuvre urgemment.

Tous les acteurs rencontrés lors des auditions et des déplacements ont insisté sur le fait que le défi principal de la politique du Logement d'abord était la mise en place de dispositifs rénovés d'accompagnement dans le logement. La production de logements adaptés ne suffira pas à elle seule car sans un accompagnement soutenu des personnes sans domicile, l'attribution d'un logement peut échouer. Or, les dispositifs d'accompagnement dans le logement sont aujourd'hui éclatés et insuffisants. De nombreux dispositifs, gérés par l'État, les départements, les métropoles, les bailleurs sociaux et les associations, coexistent sans véritable coordination. Ce millefeuille est un frein dans le parcours d'insertion des sans-abri. Une personne hébergée dans un CHRS risque en effet de perdre son accompagnement social dès qu'elle a accès à un logement en intermédiation locative car les dispositifs ne sont pas les mêmes. La mise en oeuvre du Logement d'abord doit donc être l'occasion de consacrer un principe d'universalité et d'individualisation de l'accompagnement social des personnes sans-abri afin qu'un accompagnement pluridisciplinaire soit attaché aux personnes et non plus aux structures qui les accueillent.

Pour ce faire, une des priorités du Logement d'abord doit être de décloisonner ces différents dispositifs pour faire émerger un acteur unique de l'accompagnement dans le logement. C'est le sens des plateformes territoriales de l'accompagnement qui doivent être créées dans les 24 territoires de mise en oeuvre accélérée du Logement d'abord afin de coordonner ou de mettre en commun les dispositifs existants sur un territoire. Si certains territoires, comme la Seine-Saint-Denis ou Grenoble, se sont engagés dans cette démarche, je regrette que la mise en place de ces plateformes prenne beaucoup plus de temps dans la plupart des autres territoires.

Une autre condition de réussite du Logement d'abord réside bien évidemment dans la production massive de logements adaptés. Le Gouvernement s'est fixé des objectifs ambitieux en la matière : la création de 10 000 nouvelles places en pensions de famille et de 40 000 places en intermédiation locative d'ici 2022. Les crédits budgétaires consacrés à ces deux dispositifs ont été augmentés de 20 % entre 2017 et 2018. Les acteurs rencontrés lors de cette mission ont été unanimes : la pension de famille, ou maison-relais, est le dispositif le plus pertinent pour loger et accompagner les sans-abri. Le principal frein à leur développement demeure cependant la recherche de fonciers disponibles et le montage de programmes immobiliers viables. Les associations éprouvent des difficultés à trouver du foncier bâti, à s'insérer dans des programmes mixtes et à convaincre les maires.

Pour résoudre ces difficultés, je propose de professionnaliser la recherche de locaux et de fonciers disponibles grâce au recrutement, par les services départementaux de l'État, d'agents immobiliers spécialisés venant en soutien des associations. Les acteurs rencontrés lors des déplacements ont également pointé du doigt le caractère trop strict du cahier des charges de création des pensions de famille.

Enfin, la réussite de la politique du Logement d'abord est conditionnée à une sérieuse amélioration de la gouvernance du secteur de l'hébergement et de l'accès au logement. Les acteurs auditionnés ont tous déploré un défaut d'interministérialité dans le pilotage national de la politique de l'hébergement d'urgence, alors que celui-ci est à la croisée de multiples politiques, comme l'immigration, la santé et l'aide sociale à l'enfance. Au niveau local, une plus grande synergie entre tous les acteurs est également essentielle. Les territoires dont les résultats en matière d'hébergement et d'accès au logement sont les plus intéressants sont ceux où les acteurs coopèrent régulièrement entre eux et évitent une concurrence inutile. Je recommande donc d'organiser plus régulièrement des temps de partage et de communication entre tous les acteurs locaux. De telles coopérations devraient permettre, à terme, de créer les conditions d'un regroupement des structures, afin que celles-ci mutualisent leurs moyens d'accompagnement et montent en compétence en matière d'ingénierie.

Voilà résumées, Monsieur le président, mes chers collègues, les principales conclusions et propositions que je souhaitais vous présenter aujourd'hui. Le travail pour lutter contre le sans-abrisme reste immense et j'entends bien continuer, dans les mois venir, en collaboration avec vous tous et le Gouvernement, à améliorer la condition des sans-abri sur la base des constats et des propositions que j'ai pu recenser au cours de ces quelques mois de travaux intenses. Je vous remercie.

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Merci, Monsieur le rapporteur. Je tiens sincèrement et personnellement à vous féliciter pour le travail que vous avez réalisé. Il contribue à la sensibilisation croissante sur ce sujet important. Je perçois un besoin cruel d'information, auquel vous répondez à la fois en termes d'analyse des enjeux et de solutions concrètes.

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Je souhaite remercier le rapporteur pour la clarté de ses propos et saluer l'engagement des services de l'État, des associations, des collectivités territoriales, des salariés et des bénévoles en faveur de l'hébergement d'urgence tout au long de l'année. Au début de l'hiver, il y avait 4 800 places hivernales ouvertes, soit 1 800 de plus que l'année d'avant. Sur ces 4 800 places, quel est exactement le taux d'occupation ? A-t-on une idée du nombre de refus de la part des SDF pour se rendre dans ces centres ? À ces places hivernales, s'ajoutent les 138 000 places de l'hébergement généraliste. Or, nous savons qu'il y a une urgence à mettre à l'abri les femmes et les enfants. Cela doit être une priorité absolue. Sur la totalité de ces places, constate-t-on une insuffisance notoire pour accueillir des familles, notamment des mères avec leurs enfants ?

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Nous sommes également mobilisés sur ce sujet à la délégation aux droits des femmes. Nous avons notamment projeté le film « Les invisibles », à laquelle vous avez d'ailleurs bien voulu assister Monsieur le rapporteur. Certaines parties prenantes étaient conviées à cette projection, parmi lesquelles des acteurs qui ont mis en place un lieu innovant et unique en France : la Cité des dames à Paris. Lorsque nous avons visité ce site, nous avons pu constater que deux types d'acteurs, l'un spécialisé dans l'hébergement d'urgence et l'autre dans la santé, ont pu s'allier pour proposer un lieu éminemment nécessaire pour les femmes sans-abri. Celles-ci sont confrontées à des difficultés particulières, comme la violence et l'accès aux soins gynécologiques, en particulier pour les femmes enceintes. Ce type de lieu leur permet d'être orientées vers une prise en charge complète. Avez-vous pu aborder, dans le cadre de votre groupe de travail, la question spécifique des femmes en situation d'errance, de leur prise en charge et de la possibilité de multiplier sur le territoire national un projet comme celui de la Cité des dames ?

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Votre rapport me rappelle la vallée de l'Ondaine où se situe Firminy. La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion prévoit que le relogement est un droit. Vous l'avez dit : la rue tue. Vous avez également précisé que 40 % des sans-abri sont des femmes, la plupart avec des enfants. On a assisté à une hausse des dépenses de l'État de 54 % en six ans, soit 2 milliards d'euros. Mais ce n'est pas suffisant. Vous avez indiqué que vous souhaitiez l'organisation d'une, voire de deux nuits de la solidarité, dispositif qui permet d'écouter, d'entendre et d'accompagner certaines familles. Vous souhaitez un programme d'humanisation pérennisé. Ma question est simple : comment obliger certaines communes à appliquer la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », et à créer des logements pour les personnes sans-abri ? Certaines villes n'ont pas de difficulté financière, possèdent des moyens immobiliers suffisants mais préfèrent payer une amende et ne pas respecter ces obligations.

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Je tenais à m'inscrire dans la lignée de mes collègues et insister sur le fait que cet enjeu doit mobiliser l'ensemble de nos forces, au-delà des considérations partisanes. Je souhaiterais attirer votre attention sur une proposition de loi que nous avons déposée en début d'année, avec plusieurs collègues membres des Républicains et à l'initiative de M. Aurélien Pradié. Elle porte sur le droit de réquisition des immeubles vacants. Aujourd'hui, le pouvoir de réquisition est une faculté détenue et utilisée, pour l'essentiel, par le représentant de l'État dans le département. Dans cette proposition de loi, nous proposons de transférer le droit de réquisition des préfets vers les maires, qui connaissent parfaitement leur territoire.

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Cette proposition de loi a été déposée en février 2019 mais n'a pas été mise à l'ordre du jour.

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Cette discussion est l'occasion de rendre hommage aux associations qui cherchent à trouver des solutions d'hébergement et de logement adaptées à chacun, tout au long de l'année et particulièrement pendant la période hivernale. Durant cette trêve, qui commence le 1er novembre et prend fin le 31 mars, des efforts supplémentaires sont déployés par tous les acteurs. Les locataires ne peuvent pas être expulsés de leur logement. Nous devons réfléchir à des dispositifs pour éviter des effets de seuil, une fois la période de la trêve hivernale passée. Il faut éviter que le nombre de maraudes diminue ou que des places d'hébergement d'urgence soient supprimées à la fin de l'hiver. Comment faire perdurer la mobilisation à son plus haut niveau tout au long de l'année afin de répondre, au mieux, aux besoins des personnes sans-abri ou mal logées ?

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Les plus démunis ont rarement l'occasion de se faire entendre dans le débat public. Les sans-abri regroupent de nombreuses catégories d'individus, souvent mal identifiées. Le non-recours aux demandes d'hébergement explose et ce, pour plusieurs raisons : manque d'information, demande de justifications excessives, peur du refus, peur de se faire voler... On ne fait plus valoir ses droits. Je m'interroge sur les sans-abri présentant des caractéristiques rendant plus difficile leur accueil, comme les personnes accompagnées d'animaux, qui représenteraient entre 15 et 20 % des sans domicile fixe. Les centres d'hébergement d'urgence dits « à bas seuil » acceptant les animaux sont rares. Avez-vous identifié des solutions pour mieux accompagner ces personnes vers l'hébergement ou le logement sans remettre en cause le lien avec leurs animaux, si important dans ces situations d'exclusion ?

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La situation des femmes seules avec enfant me préoccupe tout particulièrement. J'ai rencontré Mme Anne Lorient qui a publié un livre sur son histoire : elle a passé dix-sept ans dans la rue, connu de nombreux viols, fait deux enfants pendant ce temps d'errance, et rencontré une difficulté d'accès aux soins et aux produits d'hygiène de base pour les femmes. Elle a réussi à s'en sortir et aide aujourd'hui la mairie de Paris à organiser des maraudes. La situation des enfants est délicate : les enfants ne peuvent pas être scolarisés, leurs mères se cachant, changeant régulièrement de place pour ne pas montrer leur misère au monde. Les enfants gardent des séquelles psychologiques de tout ce vécu. Quel dispositif pourrait être mis en place pour aider ces enfants à se reconstruire et se réinsérer dans la société ?

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La première des étapes est de pouvoir accueillir et de mettre en oeuvre des conditions d'accueil efficientes. La première des choses que l'on fait en CHRS est d'assurer l'accès à la santé et aux droits. Je suis toujours surprise d'entendre que certains travailleurs sociaux ne connaissent pas les dispositifs existants. Ne faudrait-il pas revoir les missions et les postures des CHRS ? La formation est essentielle. L'accès aux soins et aux droits doit rester la priorité. Je pense que les professionnels devraient davantage sortir des CHRS pour se rendre compte des outils existant sur le territoire et de leur articulation, un peu à la manière de la politique visant à « sortir des murs » que l'on a mis en place pour les hôpitaux. Monsieur le rapporteur, votre mission est une mission d'évaluation et de constat ; il faudrait désormais peut-être une mission plus approfondie pour revoir la posture des accompagnateurs en CHRS.

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M. Nury, nous n'avons pas les mêmes chiffres quant au nombre de places d'hébergement créées pendant la période hivernale : on a créé 15 000 places et non 4 800. L'an dernier, 5 000 places ont été pérennisées. On ne connaît pas encore le nombre de places qui seront pérennisées cette année : j'espère que ce chiffre sera au moins aussi élevé que l'an dernier.

Les raisons pour lesquelles les sans domicile fixe refusent des places en hébergement d'urgence sont nombreuses : il y a du découragement, de la méconnaissance ainsi que des expériences douloureuses en centre d'hébergement. Certains se sentent plus en sécurité dans la rue que dans certains centres d'hébergement, en raison des vols et de la violence ; certaines personnes qui vivent dans la rue sont des personnes « cassées » souffrant de troubles psychologiques et qui ont du mal à vivre en communauté dans un centre d'hébergement d'urgence. Malheureusement, les centres d'hébergement, c'est un peu la « roulette russe » : en appelant le 115, vous pouvez aussi bien vous retrouver dans un dortoir avec quatre cents personnes que dans une structure avec une chambre individuelle...

Mme Rixain, sur la question des sans-abri et des femmes, le film « Les invisibles » explique bien les choses. Le commun des mortels ne s'imagine pas qu'il y a autant de femmes dans la rue car on ne les voit pas. Elles sont souvent dans les transports en commun, circulent à pied et passent d'un hébergement à un autre le soir. Elles ont des besoins spécifiques. Beaucoup d'associations font un travail remarquable pour la condition des femmes dans la rue ; je pense notamment à « Féminité sans abri » qui propose des kits d'hygiène. Il faut néanmoins que ces acteurs discutent entre eux. Il y a beaucoup de solidarité et d'énergie en France mais il faut davantage de dialogue et de synergie. Par exemple, j'ai ouvert une bagagerie dans un centre d'hébergement ; on pourrait y mettre tous les matins un kit d'hygiène. C'est pour cela que je préconise des réunions très régulières entre services de l'État, centres d'hébergement et associations pour permettre une mutualisation des moyens.

M. Cinieri, effectivement, il existe, aujourd'hui encore, des sans-abri qui appellent le 115 mais n'ont pas accès à un centre d'hébergement. Nous pouvons optimiser le budget, ceci ne doit pas être un tabou. Ces 2 milliards d'euros sont des fonds publics : ils peuvent être utilisés plus efficacement. Nous sommes pris dans un système où nous pallions l'urgence. Or les places d'urgence, que nous ouvrons généralement en décembre, coûtent de temps en temps beaucoup plus chers que les places en CHRS, pour deux raisons : d'une part, l'ouverture se fait dans la précipitation, d'autre part, ces places sont souvent implantées dans des lieux qui conditionnent des dispositifs de sécurité supplémentaires obligatoires. En centre d'hébergement d'urgence classique, une nuitée coûte environ 25 €. Dans les centres créés en urgence en décembre, une nuitée peut coûter jusqu'à 80 €, en raison des coûts des services de sécurité, qui peuvent multiplier la facture par deux. Il nous faut davantage d'anticipation, pour ne pas avoir à ouvrir en décembre, à la va-vite, des centres dont les coûts de sécurité seront importants. C'est l'objet de mes premières préconisations. Il y a beaucoup d'économies à réaliser sur ce point.

D'autres économies peuvent être faites au niveau des hôtels, dont le budget représente plus de 320 millions d'euros par an. Il y a, dans ces hôtels, des aberrations : il n'y a pas d'accompagnement, de système d'alimentation, de lieu de convivialité, alors même qu'ils abritent souvent des familles. On y retrouve même des marchands de sommeil ! Certains directeurs d'hôtels font aujourd'hui leur « business » sur ces places-là, qui sont par ailleurs saturées. Dans les métropoles, il n'y a ainsi plus de chambres d'hôtel disponibles, parce qu'elles sont récupérées par les services de l'État qui y placent des sans-abri. Cela représente 1 200 places d'hôtel tous les soirs à Strasbourg, 500 à Montpellier. Il faut supprimer ces structures, qui n'ont rien à faire dans ce dispositif.

S'agissant de la loi SRU, il existe un dispositif équivalent pour les centres d'hébergement : la loi dite « Boutin ». Cette loi n'est pas très connue, car elle n'a tout simplement jamais été appliquée. Elle oblige pourtant théoriquement les communes, en fonction de leur nombre d'habitants, à ouvrir des centres d'hébergement. Il est prévu des sanctions financières pour les communes qui ne respectent pas leurs obligations en matière d'ouverture de places. Il faut jeter un oeil attentif sur ce dispositif, car il y a une piste à exploiter.

M. Dive, s'agissant des réquisitions par les maires, je suis relativement sceptique. Je vois depuis 18 mois, sur les territoires qui ont répondu à l'appel à manifestation d'intérêt sur le Logement d'abord, que ce sujet des sans-abri n'est pas pris à bras-le-corps par certains maires, pour plusieurs raisons : des raisons politiques d'abord, mais aussi une volonté de cacher la misère. Seules trois métropoles ont réalisé des « nuits de la solidarité », pourtant préconisées dans tous ces territoires. J'aimerais vous croire sur la volonté et la capacité des maires à faire de la réquisition sur les territoires pour permettre de créer des centres d'hébergement. Je pense, pour ma part, qu'il faut plutôt créer une structure, une forme d'agence immobilière pour lutter à armes égales avec les acteurs de l'immobilier, pour faire de la prospection, du diagnostic dans les territoires et trouver des locaux… C'est l'objet de l'une de mes préconisations. Nous avons aujourd'hui trop d'amateurisme : ce n'est pas aux associations d'aller négocier avec des bailleurs ou des propriétaires ni d'aller chercher du foncier. Beaucoup essayent pourtant de trouver des bâtiments vacants et y consacrent beaucoup de temps. Elles doivent être dans leurs centres, avec les travailleurs sociaux, pour oeuvrer à l'amélioration du quotidien des sans-abri… J'ai vraiment ressenti, vis-à-vis de certains maires, une petite défiance et beaucoup estiment que cette responsabilité relève davantage de l'État.

M. Lagleize, la trêve hivernale est un paradoxe : elle rend visible des sans-abri que personne ne voit pendant l'été. Le début de la trêve semble marquer l'éveil des consciences : les sans-abri apparaissent en novembre uniquement… Pour beaucoup de sans-abri, la fin de la trêve hivernale est source d'inquiétude, car ils craignent d'être abandonnés, de n'être plus « dans les radars ». Il n'y a pas de solution miracle. J'avais pensé, un temps, à adapter les trêves hivernales selon les territoires, mais c'est assez compliqué. Il faudrait les adapter en fonction du climat, ce qui se fait déjà, il me semble, à Strasbourg notamment, mais aussi en fonction des situations, car selon les régions, il y a des vraies inégalités sur le nombre de places d'hébergement : à Montpellier, elles sont inférieures de 30 % à celles disponibles à Toulouse. Nous devons avoir un regard vigilant sur ce sujet : il faut plus d'équité sur les territoires, c'est essentiel.

M. Adam, sur l'accueil des sans-abri et de leurs animaux de compagnie, un amendement a été adopté dans le cadre de la discussion de la loi dite « ELAN » : les centres d'hébergement doivent désormais prendre en compte les spécificités des sans-abri et notamment la présence d'un animal de compagnie. Il est compliqué d'obliger par la loi tous les centres d'hébergement à avoir un dispositif d'accueil des animaux de compagnie, en raison de la grande diversité des centres et de leurs bâtis. J'espère toutefois que cet amendement symbolique permettra une prise de conscience : aujourd'hui, un sans-abri avec un chien n'appelle plus le 115. On ne peut pas le contraindre à se séparer de son chien, il faut absolument le comprendre. J'ai senti, à travers les auditions menées pendant quatre mois, que cela commençait à être pris en compte. Cela peut faire partie du cahier des charges du futur plan d'humanisation, je vais le proposer. Mais il y a aussi des spécificités selon les territoires, pour lesquelles je n'ai pas d'explication : à Strasbourg, par exemple, il y a très peu de sans-abri avec des chiens.

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À Strasbourg, il y a des sans-abri avec des chiens, mais ils sont sans doute refusés dans les centres d'accueil. À Colmar, les centres d'accueil refusent systématiquement les chiens.

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M. Anato, s'agissant de l'accueil des femmes avec enfants. Ces publics font partie des priorités absolues pour les centres d'hébergement. C'est exceptionnel que les femmes avec enfants ne soient pas accueillies. Je ne peux pas dire que cela n'arrive jamais, mais il est très rare de retrouver une famille à la rue. Les hommes célibataires trouvent moins souvent des places en centres d'hébergement. Certaines familles ont des parcours extrêmement longs. Je parlais tout à l'heure d'accélérer les régularisations des sans-papiers. Je pense notamment à ces familles qui sont là depuis longtemps et pourraient bénéficier de la circulaire dite « Valls » : les enfants sont scolarisés depuis des années, l'un des parents travaille… On appelle cela des « droits incomplets ». Malgré cette circulaire, il n'y a pas de grande motivation dans les territoires pour régulariser leur situation. Cela crée des difficultés, car cela occupe des places d'hébergement qui pourraient être libérées. Par ailleurs, cela crée une instabilité : les enfants sont baladés d'un endroit à l'autre et peuvent poser, ce qui est normal, des problèmes d'insécurité. C'est inévitable quand on ne sait pas où l'on habite, quand on change d'endroit régulièrement, sans avoir de lieu de discussion…. Ce sujet a été évité depuis plus de trente ans. Il faut pourtant aujourd'hui le regarder en face, ne pas se mentir et travailler à des solutions.

Mme Hammerer, sur l'accompagnement, je suis ravi car votre proposition fait partie de mes préconisations : développer les CHRS hors les murs. Je pense que nous avons raté quelque chose : le fait de nous adapter aux publics que nous accueillons. Nous avons créé des dispositifs, puis les avons ouverts aux sans-abri. Votre proposition fait partie de la réponse. En ce qui me concerne, je crois à la réussite des CHRS dans le diffus. Il nous faut être inventif car les sans-abri n'ont pas un seul visage, un seul vécu, un seul historique… Il faut s'adapter à cette diversité. Je sais que les travailleurs sociaux sont très demandeurs de cette faculté d'adaptation : il faut leur donner davantage de souplesse.

Pour conclure, je souhaite remercier chaleureusement toutes les personnes, dont les services de la commission, mon collaborateur et mon épouse, qui m'ont accompagné tout au long de ce groupe de travail.

La commission a ensuite entendu M. Éric Bothorel sur les travaux du groupe de travail consacré à la situation sociale du groupe Nokia.

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Monsieur le président, chers collègues, je souhaiterais remercier d'abord notre président M. Roland Lescure, qui a accepté ma demande de création d'un groupe de travail sur la situation sociale du groupe Nokia. À la suite de l'annonce le 24 janvier 2019 d'un nouveau plan social sur les sites de Lannion et de Nozay, il m'a semblé nécessaire que la commission se saisisse à nouveau de ce sujet.

Notre commission montre ici toute sa capacité à inscrire ses missions de contrôle dans la durée, puisqu'il s'agit en réalité de réactiver un processus que nous avions lancé en octobre 2017, dans le cadre du précédent plan social du groupe. Ces plans sociaux concernent l'ensemble des parlementaires, et notre commission au premier chef. D'abord, car ils ont un impact direct sur l'emploi dans nos territoires, et j'en mesure toutes les conséquences très concrètes, puisque le site de Lannion est situé sur le territoire de ma circonscription. Ma collègue Marie-Pierre Rixain pourra également en témoigner, puisque le site de Nozay relève de la sienne. Ensuite, car au côté des enjeux majeurs du maintien de l'emploi industriel, la situation actuelle pose un certain nombre de questions essentielles sur l'avenir du secteur stratégique des télécoms en France. C'est donc ici un fait d'actualité qui nous oblige, et qui doit mobiliser toute notre attention.

Quelques mots d'abord sur notre démarche : il nous a semblé nécessaire d'entendre l'ensemble des parties prenantes, et c'est pourquoi nous avons auditionné dans la matinée du mardi 19 février 2019 l'intersyndicale du groupe – composée de la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), la Confédération française démocratique du travail (CFDT), et la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – puis la direction de Nokia France. J'ai mené ces auditions avec Mme Marie-Pierre Rixain, que je suis heureux d'accueillir cette semaine au sein de notre commission, et en présence de notre cher collègue M. Alain Bruneel. Je souhaite les remercier tous deux pour leur implication. Au cours de cette matinée, nous avons également tenu à aller échanger directement avec les salariés du groupe, venus manifester devant l'Assemblée nationale. Permettez-moi ici un court aparté : au-delà des enjeux économiques et financiers posés par les plans sociaux, ce sont des femmes et des hommes qui voient leur vie bouleversée. On évoque souvent des chiffres, mais on ne croise pas un chiffre au coin d'une rue. On croise en revanche le regard de ces hommes et de ces femmes. Cela peut sembler évident, mais je crois que nous ne devrions jamais perdre de vue cette dimension éminemment humaine.

Pour bien comprendre la situation actuelle, je souhaiterais d'abord la resituer dans son contexte historique et dresser un panorama général du marché européen des télécoms. Historiquement, Nokia est d'abord un fabricant de téléphones mobiles qui s'est ensuite spécialisé dans la fourniture d'équipements de réseaux. L'entreprise est aujourd'hui l'un des principaux leaders mondiaux de ce secteur. En quelques chiffres, Nokia c'est un chiffre d'affaires de près de 23 milliards d'euros en 2018, 103 000 emplois dans environ 130 pays différents, dont près de 4 200 en France.

La présence de Nokia en France est récente : en 2016, le groupe rachète Alcatel-Lucent, fleuron des télécoms français, pourtant confronté depuis de nombreuses années à des difficultés financières. Depuis, les actionnaires de Nokia détiennent 66,5 % du nouveau groupe et ceux d'Alcatel-Lucent 33,5 %. Les sites français de Nozay et de Lannion passent dès lors sous le contrôle de l'entreprise finlandaise.

À l'époque de la fusion, le groupe formule des engagements forts pour l'investissement et l'emploi avec notamment un objectif de 4 200 salariés d'ici 2017, et 500 nouvelles embauches en recherche et développement. Le groupe ambitionne alors de faire de la France l'un de ses principaux centres d'innovation : le site de Nozay doit devenir le pôle d'excellence en matière de 5G et le site de Lannion, le centre névralgique du groupe en matière de cyber-sécurité.

En parallèle de ces engagements en faveur de l'innovation, le groupe cherche également à réaliser des économies dans le contexte des synergies permises par la fusion. Face à des résultats économiques décevants, plusieurs plans sociaux se succèdent. En mai 2016, environ 400 emplois sont supprimés, principalement dans les fonctions support. À l'automne 2017, un nouveau plan social est annoncé. Échelonné sur 2018 et 2019, il doit concerner près de 600 personnes dans les fonctions qui ne relèvent pas de la recherche et du développement. À la suite d'une forte mobilisation syndicale, un dialogue fructueux se met en place avec les pouvoirs publics et la direction. Un accord est trouvé : les organisations syndicales signent le plan, et le groupe réitère ses engagements à maintenir un volume d'emplois de 4 200 personnes en France ainsi qu'à augmenter son volume d'emplois en recherche et développement à 2 500 personnes dans notre pays d'ici fin 2018, ce qui signifie 330 embauches. D'autres engagements sont également formulés en faveur de l'innovation sur la 5G et les « Bell labs », ainsi que sur la cyber-sécurité.

Alors que le groupe enregistre pour 2018 une perte des revenus de l'ordre de 3 %, un plan de réduction budgétaire mondial de 700 millions d'euros d'ici 2020 est annoncé par M. Rajeev Suri dès octobre 2018. En France, cela se traduit par l'annonce d'un troisième plan social le 24 janvier dernier. Après avoir annoncé que 560 emplois seraient touchés, 408 emplois sont finalement concernés : 354 à Nozay, et 54 à Lannion, soit près de 8 % de l'effectif français du groupe. Mercredi 28 février, le plan social a été accepté par les syndicats, dans le but de limiter les conséquences négatives pour les salariés.

Je voudrais vous donner quelques éléments sur la situation du marché des télécoms, pour bien comprendre le contexte dans lequel interviennent ces plans sociaux successifs. L'Europe compte environ 70 opérateurs de réseau. La France en compte quatre et notre marché comporte certaines particularités. D'abord, les opérateurs français sont des acteurs convergents, c'est-à-dire qu'ils offrent des services à la fois dans le fixe et dans le mobile, alors que ces deux marchés sont historiquement dissociés dans des pays comme le Royaume-Uni et l'Allemagne, où les stratégies de convergence sont récentes. Ensuite, le marché français a la particularité d'être hyperconcurrentiel depuis l'arrivée d'un quatrième opérateur entre 2009 et 2012. La croissance de la population française ne suffit pas à alimenter la croissance des opérateurs, qui ne peuvent donc accroître leurs parts de marché que de manière relative, en allant chercher celles de leurs concurrents. Cette stratégie de conquête se traduit par une politique tarifaire agressive, qui n'existe nulle part ailleurs. La compression des prix a des répercussions aussi bien sur la qualité de la relation client que sur le niveau des marges et la capacité d'investissement des opérateurs. Dans les relations avec les fournisseurs, cette focalisation sur le prix a des effets sur le contenu des appels d'offres et le niveau technologique des équipements embarqués sur les réseaux. En outre, l'absence de standardisation des interfaces physiques des équipements soumet les projets de modernisation à des logiques « propriétaires », ce qui crée des effets de dépendance aux choix historiques et limite la taille du marché adressable pour les équipementiers. Dans ce contexte, si la concurrence des nouveaux équipementiers, notamment chinois, constitue un facteur d'émulation dont les opérateurs peuvent tirer un certain bénéfice, elle peut également constituer un facteur de fragilisation pour les équipementiers européens, et ceci alors même que de nouvelles ressources doivent être consacrées aux investissements en matière de cyber-sécurité.

Pour revenir spécifiquement à Nokia, au cours des auditions, j'ai pu mesurer la défiance des organisations syndicales et la détérioration du climat social au sein du groupe. L'annonce d'un nouveau plan social n'est pas comprise, et les syndicats contestent les justifications économiques mises en avant par Nokia. Ils dénoncent une vision orientée vers l'augmentation des dividendes versés aux actionnaires, au détriment de l'emploi et de la stratégie à long terme de l'entreprise. Ils critiquent également une forme de « dumping social », et soulignent que ces suppressions s'accompagnent de délocalisations dans des pays où la main-d'oeuvre est moins coûteuse : l'Inde, la Roumanie, le Portugal et la Hongrie. L'intersyndicale craint en particulier des départs contraints dans le cadre du nouveau plan social. Ces craintes ont été réitérées après les auditions, une fois le plan social signé.

L'intersyndicale estime que les engagements pris par le groupe en 2015 et confirmés en 2017 n'ont pas tous été tenus. Ils mettent notamment en avant un retard dans les embauches en recherche et développement, ainsi que des investissements dans l'innovation qui restent en deçà des annonces.

De son côté, la direction justifie le plan social par la transition difficile que connaît aujourd'hui le groupe. Le développement de la 5G nécessite de lourds investissements et des dépenses en recherche et développement conséquentes, qui pèsent, au moins à court terme, sur les marges. Le chiffre d'affaires et les résultats opérationnels sont en baisse pour l'année 2018 et les prévisions de croissance sur les marchés ne permettent pas d'envisager un réel rebond avant 2020.

Comme lors des précédents plans, ce sont les fonctions support qui sont principalement concernées, conformément à la stratégie du groupe qui vise à automatiser un nombre croissant de tâches, et à rationaliser ses processus. La direction a admis une forme de « brutalité » des décisions stratégiques et des orientations managériales. Ce mot est fort, et reflète selon le groupe la brutalité du fonctionnement du marché et de la concurrence. La priorité de Nokia est de privilégier les départs volontaires, et les redéploiements au sein du groupe. Ceci répond en partie seulement aux craintes des syndicats.

La direction a rappelé les liens qui unissent Nokia à la France, et souligné que notre pays reste une priorité en matière de recherche et développement. La stratégie française du groupe s'oriente principalement vers le développement de la 5G, de la cyber-sécurité, et des objets connectés. Il resterait 45 embauches à réaliser pour atteindre l'objectif de 2 500 postes en recherche et développement. Sur ces champs, l'attractivité de l'écosystème français et nos dispositifs de soutien à l'innovation jouent pleinement en notre faveur. La direction l'a bien rappelé, et elle a notamment mis en avant l'importance du crédit d'impôt recherche et l'excellence de nos ingénieurs.

Quelles conclusions tirer de ces auditions ? Un point est essentiel, et je tiens à le répéter devant vous : Nokia doit tenir ses engagements. Ils ont été formulés devant la Représentation nationale en 2015 par M. Rajeev Suri et M. Michel Combes, et réitérés en 2017 auprès des syndicats et des pouvoirs publics. Nous devons être particulièrement vigilants : une entreprise de cette envergure doit être capable de prendre ses responsabilités. Cela signifie donc concrètement, comme l'a souligné le ministre de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, dans l'hémicycle : aucun départ contraint, aucune fermeture de site, et le maintien des investissements et de l'emploi en matière de recherche et développement.

Je voudrais saluer plus globalement le travail mené par le Gouvernement sur ce dossier, et notamment l'implication de M. Bruno Le Maire et de Mme Agnès Pannier-Runacher. Je voudrais les inviter à poursuivre le dialogue engagé en 2017. Cette méthode a par le passé montré toute son efficacité et il est légitime que la Représentation nationale soit pleinement informée de l'état des discussions.

Mais au-delà du plan social en lui-même, cette actualité doit nourrir notre réflexion sur deux grands enjeux de politiques publiques que j'aimerais également évoquer devant vous.

D'abord, la question des leviers dont nous disposons pour assurer le maintien de l'emploi industriel dans nos territoires. La reconquête industrielle est une priorité de notre législature, je laisserai ma collègue Marie-Pierre Rixain en dire un mot tout à l'heure.

Ensuite, et c'est un point qui me tient particulièrement à coeur, nous devons repenser les conditions de la compétitivité des équipementiers de réseau français et européen. L'avenir du groupe Nokia en France, et donc l'avenir d'une partie de nos emplois, dépend grandement de la capacité du groupe à s'affirmer comme un des leaders sur le développement de la 5G. Faut-il le rappeler : la 5G recouvre des enjeux technologiques et économiques essentiels, mais également des enjeux sociétaux et de cyber-sécurité, dont nous devons saisir toute l'importance.

Or aujourd'hui, la France avance sur la 5G, mais elle avance moins vite que les États-Unis et l'Asie. Le déploiement du réseau, initialement prévu pour 2019, a finalement été annoncé pour 2020 par le Gouvernement. À l'aune du lancement de la phase pilote, nous ne saurons nous passer d'une réflexion approfondie sur la manière de réguler ce marché. Les récents plans sociaux sont symptomatiques d'un marché complexe, à tendance oligopolistique, où règne une concurrence exacerbée. Cette concurrence est le fait d'acteurs américains traditionnels, mais elle résulte également de la montée en puissance plus récente des acteurs asiatiques.

Comment faire face à cette concurrence ? En encourageant l'innovation bien sûr, ainsi qu'un climat propice aux affaires. En tant que législateur, nous y travaillons activement. Mais cela n'est pas suffisant. Nous devons également réfléchir aux conditions qui régissent cette concurrence, en particulier sur le marché de la 5G. La concurrence est facteur d'émulation et d'innovation, j'en suis convaincu. Mais la concurrence est vertueuse quand elle est juste : or, nous ne pouvons ignorer que certains de nos concurrents font montre de pratiques plus offensives que les nôtres, quand elles ne sont pas déloyales. Le Président Emmanuel Macron l'a bien rappelé dans sa lettre aux citoyens européens : « nous ne pouvons pas subir sans rien dire ».

Or, nous devons le dire : il est absolument indispensable que nous affirmions notre souveraineté numérique en Europe, et que nous assumions – sinon une forme de patriotisme européen – au moins de défendre nos intérêts sur ces sujets. Le plan souveraineté des télécoms constitue une première avancée qu'il faut saluer. Aujourd'hui, seuls des choix forts et assumés peuvent nous permettre d'envisager sereinement la pérennité et le développement des emplois sur les sites historiques et emblématiques de Lannion et Nozay.

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Monsieur le président, chers collègues, je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour intervenir sur cette thématique qui me tient particulièrement à coeur. C'est un sujet que je connais bien, puisque le site de Nozay fait partie de ma circonscription. Je souhaiterais à ce titre remercier M. le président Roland Lescure ainsi que M. Éric Bothorel de m'avoir associée aux travaux menés par le groupe de travail de la commission des affaires économiques. Je me félicite que la Représentation nationale se saisisse de ce sujet.

J'aimerais donc à mon tour dire quelques mots sur la situation sociale du groupe Nokia. Nous avons entendu l'intersyndicale, la direction du groupe, mais également les salariés venus manifester – c'est aussi cela notre rôle de parlementaire. Je les remercie tous vivement.

J'insiste sur l'ampleur de ce plan : 408 emplois sont concernés, dont 354 à Nozay. La situation sociale du groupe Nokia se détériore depuis un certain nombre d'années. Elle est le reflet de difficultés financières rencontrées par le groupe, dans le contexte du déploiement d'investissements massifs pour la 5G et d'un environnement fortement concurrentiel. À la suite du nouveau plan d'économie mondial porté par M. Rajeev Suri, un plan social concernant les sites de Lannion et de Nozay a été annoncé le 24 janvier 2019. Le 13 février, la procédure était officiellement lancée devant les syndicats. M. Bothorel l'a rappelé, il s'agit du troisième plan social en trois ans depuis le rachat du groupe Alcatel-Lucent. Il faut d'ailleurs se souvenir qu'avant le rachat, les sites de Lannion et de Nozay avaient déjà souffert de nombreuses mesures de suppression d'emplois.

En 2015, puis en 2017, dans ce contexte difficile pour plusieurs milliers de salariés, Nokia a pris des engagements devant les parlementaires, les organisations syndicales et les pouvoirs publics. Le groupe doit se montrer aujourd'hui à la hauteur des engagements pris hier. Je m'associe à ce titre aux propos tenus par le ministre de l'économie et des finances M. Bruno Le Maire dans notre enceinte. M. Bothorel l'a rappelé avec force, nous ne pouvons transiger sur le maintien des sites et l'objectif d'un niveau global d'emploi fixé à 4 200 salariés, dont 2 500 en recherche et développement. Nous devons également exprimer notre refus de voir des départs contraints. C'est le lien de confiance entre le groupe et ses salariés, déjà fragilisé, qui est ici en jeu. Je regrette le retard pris dans la mise en oeuvre des engagements que j'ai pu constater sur le site de Nozay. Les difficultés financières ne doivent pas faire oublier la nécessité d'une vision stratégique et à long terme pour la branche française de Nokia. À ce titre, je porte une attention toute particulière à la question du maintien des sites, car elle se pose avec une acuité certaine pour le site de Nozay.

Nous savons que le Gouvernement reste présent sur ce dossier, comme il a su l'être par le passé. L'État du XXIème siècle doit être un État stratège, soucieux des enjeux sociaux, économiques et stratégiques dont il est aujourd'hui question.

Quel bilan tirer des précédents plans sociaux ? Une commission est chargée du suivi du parcours des personnes concernées par le premier plan social décidé en 2016. Sur environ 400 personnes, 138 seraient aujourd'hui sans solution pérenne selon les syndicats. Quant au plan social décidé en 2017, il est encore au stade de la mise en oeuvre et le recul reste insuffisant pour analyser ses effets. En tout état de cause, les mesures d'accompagnement et de retour vers l'emploi doivent être solides et soutenues par l'entreprise et les services de l'État, et ce également dans le cadre du nouveau plan à venir.

Autre question centrale, dans quel contexte ont lieu ces nouvelles suppressions d'emploi et à quels objectifs répondent-elles ? C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Pour le groupe, il s'agit, dans un contexte de difficultés économiques, de préserver la compétitivité de l'entreprise en supprimant des postes sur les fonctions supports qui peuvent être automatisés, ou délocalisés.

Dans un contexte de concurrence internationale accrue, et alors que la numérisation de l'économie entraîne une profonde transformation des métiers, comment assurer que nos emplois seront préservés demain ? Nous devons entreprendre une réflexion commune sur les moyens dont nous disposons pour préserver nos emplois.

Je souhaite ici vous livrer plusieurs observations. D'abord, nous ne pouvons passer à côté de la question du « dumping social et fiscal », largement décrié lors de l'audition des syndicats. C'est un fait de l'économie contemporaine : certains de nos emplois industriels, souvent les moins qualifiés, peuvent être exercés ailleurs, et moins chers. Afin d'y répondre, plusieurs leviers existent pour renforcer la compétitivité-prix de la France, et alléger les charges pesant sur les entreprises. Mais cela n'est pas suffisant, et nous devons éviter à tout prix une course au moins-disant social. M. Bothorel l'a rappelé, certaines des suppressions de postes correspondent à des délocalisations en Inde, mais la plupart des délocalisations concernent des pays européens : ce sont des emplois qui partent vers la Roumanie, la Hongrie, et le Portugal. Ici, c'est une réflexion européenne qu'il nous faut mener. L'Europe doit aussi être une Europe qui protège. Si des progrès certains ont été réalisés à l'initiative de la France en matière de lutte contre le travail détaché par exemple, de nouvelles pistes doivent être explorées dans le sens d'une harmonisation fiscale et sociale plus grande entre États membres. L'idée d'un salaire minimum européen, appelé de ses voeux par le Président de la République, me paraît en ce sens tout à fait intéressante.

Ensuite, ce bouleversement des métiers et cette fragilisation des fonctions support doivent nous interroger sur l'efficacité de notre système de formation. C'est d'abord à l'entreprise de mettre en place une gestion prévisionnelle des effectifs (GPEC) à la hauteur des bouleversements à venir. Les syndicats ont à ce titre regretté l'insuffisance voire l'absence de GPEC au sein du groupe Nokia. C'est aussi à l'action publique d'assurer un système de formation continue et de reconversion efficace.

Pour assurer la pérennité des emplois de Nokia sur le territoire français, la France doit se positionner comme une terre d'innovation. La France est déjà traditionnellement un territoire pionnier du groupe en matière de recherche et développement ; le plateau de Saclay est en ce sens un territoire de recherche, d'innovations et le groupe Nokia l'a rappelé au cours des auditions. Toutefois, cela doit aujourd'hui se traduire plus concrètement, dans un contexte où plusieurs récentes décisions (ou absences de décision) du groupe semblent parfois contradictoires avec cette volonté souvent affichée. En 2017, une partie du pilotage de la recherche et développement (les « Bell labs ») a été transférée aux États-Unis. De façon générale, la distance entre les personnes chargées de prendre les décisions, et celles chargées de les exécuter ne me semble pas être le signe d'une bonne gouvernance. Autre exemple : un laboratoire sur l'intelligence artificielle avait été annoncé devant la commission d'enquête parlementaire « Alstom », ce laboratoire est pour l'instant resté lettre morte.

Or, la France doit valoriser ses clusters européens, car les moyens logistiques financiers et humains mis en oeuvre créent un climat particulièrement propice à l'innovation. Rappelons qu'à Nozay travaillent 1 600 ingénieurs spécialisés et que le campus de Paris-Saclay est le plus grand centre d'expertise mondial Nokia en 5G. Je crois profondément aux retombées positives que l'on peut attendre de ce travail mené en réseau entre le monde de la recherche et le monde de l'entreprise. C'est pourquoi nous attendons du groupe Nokia des décisions concrètes et fortes en faveur de l'innovation sur les territoires français.

Quelques mots pour conclure. La situation sociale du groupe Nokia constitue un enjeu essonnien déterminant, mais les préoccupations qui nous animent concernent la Nation tout entière. Nokia couvre un secteur d'activité particulièrement stratégique pour la France, avec des enjeux économiques et sociaux que j'ai évoqués, mais également des enjeux sécuritaires prégnants qui ont été soulignés par mon cher collègue Éric Bothorel. Nous nous engageons tous deux à suivre de très près les évolutions à venir de ce dossier.

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Je voudrais apporter une précision pour les membres de la commission. J'hésite toujours à confier des communications particulières sur des situations spécifiques. Mais comme l'ont rappelé les députés, au moment de la fusion avec Alcatel-Lucent, des engagements avaient été pris devant la Représentation nationale, et il me semble important que l'on puisse assurer un suivi de ces engagements. C'est pour cela que j'ai accepté il y a un peu plus d'un an une première communication sur la situation sociale du groupe Nokia, puis aujourd'hui une seconde. Je pense qu'il est important que nous puissions collectivement, au niveau du Parlement, lancer des messages à ces entreprises qui prennent des engagements devant nous, et nous devons nous assurer qu'elles les respectent. Je vous félicite pour votre détermination et votre abnégation. J'espère que c'était la dernière communication, mais s'il en faut d'autres, nous les ferons. Merci à tous les deux.

La commission des affaires économiques a ensuite examiné la proposition de résolution de M. Gilles Le Gendre et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de leurs groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs (n° 1727) (M. Grégory Besson-Moreau, rapporteur).

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Nous examinons la proposition de résolution déposée par MM. Gilles Le Gendre, Jean-Christophe Lagarde, Patrick Mignola, Grégory Besson-Moreau, Thierry Benoit, les membres du groupe La République en Marche et apparentés, les membres du groupe UDI, Agir et Indépendants et apparentés et les membres du groupe MODEM et apparentés.

Je vous rappelle qu'il s'agit aujourd'hui pour notre commission de vérifier si les conditions requises pour la création de cette commission d'enquête sont réunies.

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Monsieur le président, mes chers collègues, il nous revient aujourd'hui statuer sur la recevabilité et l'opportunité d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de leurs groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, déposée le 28 février dernier par MM. Gilles Le Gendre, Jean-Christophe Lagarde, et plusieurs de nos collègues.

Je vous rappelle qu'une proposition de résolution rédigée dans les mêmes termes avait également été déposée le 14 février par MM. Jean-Christophe Lagarde, Thierry Benoit et les membres du groupe UDI, Agir et Indépendants. Cela souligne l'importance que revêt aux yeux des membres de notre assemblée le rééquilibrage des relations entre la grande distribution et ses fournisseurs.

La procédure est suffisamment inhabituelle pour que je m'y arrête un instant. Nous ne sommes pas dans le cadre d'un droit de tirage exercé par un groupe minoritaire, mais bien d'une proposition de résolution déposée par le groupe majoritaire. C'est donc le premier alinéa de l'article 140 de notre Règlement qui s'applique : notre commission est appelée non seulement à vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies, mais aussi à se prononcer sur l'opportunité de cette création.

Vous le savez, trois conditions de recevabilité doivent être remplies. Premièrement, le champ d'investigation de la commission d'enquête doit être précisément défini ; deuxièmement, elle ne peut avoir le même objet qu'une autre commission d'enquête ayant achevé ses travaux moins de douze mois auparavant. Troisièmement, aucune poursuite judiciaire ne doit être en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition.

Le champ d'investigation de la commission d'enquête est nettement délimité par le titre, le dispositif et l'exposé des motifs de la proposition. La notion de « grande distribution et ses groupements » vise plus précisément, on le comprend à la lecture de l'exposé des motifs, la grande distribution alimentaire, que l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) définit comme le regroupement des hypermarchés, des supermarchés et des magasins multi-commerces. Cette grande distribution, nous en avons fait le constat lors de l'examen de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine, durable et accessibles à tous, dite loi « EGALIM », se caractérise par une particulière concentration, les quatre premières centrales d'achat françaises représentant 92,2 % des ventes en valeur et 88,5 % des ventes en volume de produits de grande consommation.

Les fournisseurs de la grande distribution doivent être entendus comme l'ensemble des acteurs procurant à la grande distribution alimentaire les biens qu'elle commercialise dans ses grandes surfaces – très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME), géants de l'industrie en règle générale, géants de l'industrie agroalimentaire ou producteurs.

Il s'agit, d'une part d'étudier la situation de cette grande distribution, c'est-à-dire de dresser un état des lieux du rapport de forces entre distributeurs et fournisseurs, d'autre part de s'intéresser plus précisément aux pratiques commerciales qui sont la traduction concrète de ce rapport de forces. Les pratiques visées sont évidemment celles que nous avions cherché à infléchir, les jugeant déloyales, par la loi EGALIM. Il s'agit de l'ensemble des pratiques et des pressions exercées par la grande distribution sur ses fournisseurs, afin d'obtenir d'eux les prix les plus bas en faisant la variable d'ajustement de la filière et contribuant à la dévalorisation des biens alimentaires.

Les conditions parfois brutales dans lesquelles se déroulent les négociations commerciales annuelles ou le système de péréquation des marges, qui consiste, pour la grande distribution, à augmenter ses marges sur les produits agricoles frais en compensation de marges réduites sur les produits d'appel, font ainsi partie de ce champ d'investigation.

Ce rapide commentaire de texte fait, permettez-moi de passer plus rapidement sur les conditions suivantes de recevabilité juridique afin de m'attarder un peu sur l'opportunité de la création de cette commission.

En ce qui concerne le deuxième critère de recevabilité, aucune commission d'enquête n'a travaillé sur ce sujet au cours des douze derniers mois, ni même au cours de la législature actuelle ou de la législature précédente.

Enfin, Mme la Garde des sceaux, ministre de la justice, a confirmé par courrier n'avoir pas connaissance de poursuites judiciaires en cours en lien avec les faits ayant motivé le dépôt de la proposition.

Venons-en à la question de l'opportunité de la création de cette commission d'enquête. Elle me paraît fondée pour plusieurs raisons.

La situation de la grande distribution a récemment connu des évolutions qui en accentuent le caractère concentré. Ainsi, en mai et juin 2018, des rapprochements à l'achat, actuellement en cours, ont été annoncés entre Auchan, Casino, Metro et Schiever d'une part, et Carrefour et Système U d'autre part. Il pourrait être intéressant, dans cette perspective, éventuellement de saisir, sur le fondement de l'article L. 461-5 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence qui a, par ailleurs, ouvert une enquête sur ces accords. Il y a là un changement dans la situation de la grande distribution vis-à-vis de ses fournisseurs qu'il me paraît important d'étudier.

Par ailleurs, les négociations commerciales 2019 semblent s'être déroulées dans un climat plutôt tendu, malgré les dispositions de la loi EGALIM. Dans un communiqué de presse du 1er mars 2019, l'Association nationale de l'industrie alimentaire (ANIA) déplorait que « l'esprit des États généraux de l'alimentation ne soit plus là » et soulignait que « si l'on note des efforts des enseignes d'un point de vue comportemental, les relations commerciales restent extrêmement déséquilibrées ». L'ANIA relevait également que de meilleures conditions de négociations ont été observées au sein de la filière laitière mais que cette amélioration demeure l'exception. Les demandes de baisses de prix semblent toujours aussi pressantes de la part des distributeurs et la constance d'un chantage aux prix bas avec menaces de déréférencement ou déréférencements effectifs demeure une réalité. La conclusion de l'ANIA est sans appel : « Les entreprises françaises, encore cette année, sont confrontées à une destruction massive de la valeur de leurs produits ». L'observatoire des négociations commerciales, mis en place par l'ANIA, devrait publier un bilan de ces négociations dans les mois à venir.

Je note aussi que les produits de l'agriculture biologique, jusqu'à présent relativement épargnés par la guerre des prix, sont de plus en plus concernés par ces pratiques commerciales. Le réseau Synabio, qui rassemble près de 200 entreprises, a créé en 2018 un observatoire des négociations commerciales et affirme, dans un communiqué de presse récent, que la grande distribution met ses fournisseurs bio sous forte pression. 28 % des entreprises interrogées ont reçu une demande de baisse de tarif avant toute discussion, 40 % après les premiers tours de négociations alors qu'au même moment 70 % de ces entreprises font état d'une hausse des prix des matières premières.

Enfin, comme vous le savez tous, la loi EGALIM a prévu plusieurs dispositifs, désormais entrés en vigueur, destinés à rééquilibrer les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs. Une partie d'entre eux visait à créer des conditions de négociations commerciales plus favorables aux producteurs, comme l'inversion de la construction du prix, l'élaboration et la diffusion d'indicateurs de référence des coûts de production et des indicateurs de marché par les organisations interprofessionnelles, le renforcement des contrôles et des sanctions garantissant le respect de ces dispositions ainsi que le développement de la médiation.

D'autres dispositifs avaient pour objectif plus largement d'infléchir les relations commerciales entre grande distribution et producteurs dans le sens d'un meilleur équilibre : à titre expérimental, pour une durée de deux ans, le relèvement du seuil de revente à perte de 10 % et l'encadrement des promotions, en valeur et en volume ; et l'élargissement de l'interdiction de prix de cession abusivement bas.

Le rapport d'application de la loi EGALIM devrait être publié à la mi-mai, mais cela ne correspond évidemment pas au travail d'évaluation des dispositifs que nous nous proposons de faire. Le Sénat a entrepris, de son côté, une série de tables rondes sur les effets du titre Ier de la loi EGALIM sur les négociations commerciales en cours, démarche qu'il sera intéressant d'approfondir et de prolonger en mettant à son service les moyens et la solennité d'une commission d'enquête.

Pour toutes ces raisons, la création de cette commission d'enquête me semble parfaitement opportune.

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Mes chers collègues, je vais modifier les habitudes en donnant d'abord la parole aux orateurs des deux groupes qui ont déposé initialement cette proposition de résolution, M. Thierry Benoit et M. Richard Ramos, puis à Mme Barbara Bessot Ballot pour le groupe La République en Marche, pour un maximum de quatre minutes chacun, enfin à M. Jacques Marilossian pour deux minutes.

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Je vais aborder quelques éléments de forme relatifs au Règlement de notre Assemblée.

J'ai écouté attentivement le rapporteur qui nous a expliqué qu'il s'agissait d'une proposition de résolution du groupe majoritaire.

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Comme je sais que vous étiez en séance publique au début de notre réunion, je vous indique que j'ai précisé tout à l'heure que cette proposition de résolution émanait de trois groupes.

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J'étais effectivement en séance publique, où a lieu l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé.

Il convient d'expliquer à nos concitoyens – je le redirai dans l'hémicycle – que les groupes minoritaires n'ont droit qu'à une seule initiative par an en termes de création d'une commission d'enquête. Le groupe UDI, Agir et Indépendants a déposé, il y a quelques mois, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de l'ordre de sécurité qu'il s'agisse de la police nationale ou de la gendarmerie. Cette commission d'enquête est animée par notre collègue Christophe Naegelen.

J'observe depuis plusieurs années que, lorsqu'on parle du revenu agricole et du partage de la valeur ajoutée, se pose la question du rôle et de l'influence de la grande distribution et des centrales d'achat, en France mais aussi en Europe. C'est pour cette raison que j'ai proposé, au nom du groupe UDI, que l'Assemblée nationale se saisisse de ce sujet en créant une commission d'enquête.

Il y a une dizaine d'années, lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie, la grande distribution était déjà au coeur des débats. Il y a quatre ans, lors de la discussion de la loi Sapin 2, nous y sommes revenus une deuxième fois, notamment avec nos collègues Charles de Courson et Philippe Vigier. Enfin, il y a quelques mois, lors de l'examen du texte qui faisait suite aux États généraux de l'alimentation d'autres députés comme M. Richard Ramos sont intervenus très largement pour identifier et tenter de faire « bouger la bête ».

Des députés de tous bords s'efforcent donc de faire des propositions parce qu'ils sont conscients des difficultés que rencontrent un certain nombre d'agriculteurs qui ne parviennent pas à tirer un revenu décent eu égard aux efforts qu'ils fournissent. Mais quand je vois certains acteurs de la grande distribution rire au nez et à la barbe des parlementaires que nous sommes, prendre les ministres pour des imbéciles, faire des déclarations intempestives à la radio, à la télévision ou dans la presse, je me dis qu'il faut, à un moment donné, taper du poing sur la table. En France comme en Europe, on a laissé depuis une cinquantaine d'années certains acteurs de la grande distribution faire ce qu'ils veulent en termes d'installation, d'extension, d'achat de volumes, de délais de paiement, de marges arrière et de revente à perte. Je n'ai de compte à régler avec personne. Ce que je veux, à travers cette commission d'enquête, c'est réaliser un travail de fond, comme c'est l'objet de toute commission d'enquête. Je m'étonne d'ailleurs que nos institutions françaises et européennes aient laissé la grande distribution se structurer en centrales d'achat de cette importance. On sait en effet que quatre centrales d'achat se partagent 90 % du marché, qu'elles mettent certains transformateurs en situation de dépendance et surtout qu'elles placent un certain nombre d'agriculteurs en situation de variable d'ajustement.

Tels sont les sujets que je souhaite voir abordés par cette commission d'enquête. J'ajoute qu'il faudra aussi porter un regard au niveau européen. Aussi conviendra-t-il de se pencher sur l'organisation de notre commission si nous voulons qu'elle soit pertinente et efficace. Il n'est pas certain qu'un seul rapporteur et un seul président seront suffisants pour aboutir à un rapport nourri et efficace.

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Cette commission d'enquête est évidente et tombe à pic : dans les « box », les négociations se passent mal. Au-delà des agriculteurs, c'est l'ensemble du tissu industriel de l'agroalimentaire qui peut être mis en danger en raison de l'hyper-concentration de la distribution. Cette commission reprend le fil des États généraux de l'alimentation pour faire en sorte que les PME, les industriels et les paysans ne soient pas, une fois encore, laminés par les centrales d'achat.

Nous avons échoué à faire adopter des amendements qui prévoyaient qu'une centrale d'achat ne pouvait pas représenter plus de 20 % du marché. À la fin, le politique doit reprendre le dessus sur l'économique et nous devons réfléchir à la manière d'y parvenir. Certains représentants de la grande distribution disent maintenant publiquement que les députés et le Gouvernement sont incompétents, que le Président de la République a une mauvaise stratégie…

Dans cette commission d'enquête, nous devrons répondre à quelques questions. Comment le politique peut-il reprendre la main sur l'économique ? Comment voulons-nous organiser le partage de la valeur entre le producteur, le transformateur et le distributeur ? Nous devons aussi regarder de près les centrales d'achat pour décerner des choses qui nous restent invisibles au niveau des pénalités de logistique et de ces espèces de holdings montées en Europe pour réclamer à nos PME des marges arrières camouflées en services qui n'existent pas. Cette commission d'enquête devra mettre au jour ces pratiques pour les prévenir et permettre à nos PME et à nos agriculteurs de vivre.

Ce n'est pas une mince affaire. Cette commission d'enquête n'est pas faite pour qu'un groupe de députés puisse se réjouir de mettre à mal la grande distribution. Elle n'a de sens que si elle aboutit à ce que nos agriculteurs et nos entreprises françaises aillent mieux face aux mastodontes. Sinon, nous aurons échoué. Elle doit aboutir à une transformation du pays. Nous avons tous été élus pour transformer ce pays. La commission d'enquête nous donne l'occasion de montrer, notamment aux plus puissants, que le politique, que les 577 députés – c'est-à-dire 577 territoires français – entendent reprendre la main sur des gens qui veulent nous imposer une pensée qui n'est pas la nôtre.

Merci, donc, pour votre proposition. Je pense que nous allons réussir, quelles que soient les opinions des uns et des autres, à quelque chose de juste. Nos industries agroalimentaires sont des fleurons. Sur nos territoires, nous avons tous une PME de l'agroalimentaire. C'est ce que nous devons défendre. Je ne doute pas que nous allons y parvenir.

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Le 28 février, le groupe La République en Marche a déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de leurs groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs. Cette proposition de résolution s'inscrit dans le contexte des négociations commerciales qui se sont, une nouvelle fois, révélées difficiles entre les acteurs – producteurs, transformateurs, industriels et distributeurs.

L'objectif de la loi du 30 octobre 2018, dite EGALIM, était de rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole et agroalimentaire et de permettre de payer le juste prix aux producteurs pour qu'ils puissent vivre dignement de leur travail. Si cette loi a permis la mise en place de nouveaux outils en direction du monde agricole, la guerre des prix perdure. De nombreux acteurs nous ont alertés sur l'absence de résultats lors des négociations commerciales en cours. Des accords positifs ont pu être trouvés, notamment dans le secteur laitier, mais de nombreuses autres filières n'ont pas connu la revalorisation des prix souhaitée.

Fruit d'un travail commun au groupe La République en Marche, au groupe UDI, Agir et Indépendants et au groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, cette proposition de résolution vise donc à la création d'une commission d'enquête qui sera chargée d'évaluer les pratiques de la grande distribution et de leurs groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs.

La commission des affaires économiques se prononce aujourd'hui sur la recevabilité de la proposition de résolution visant à créer la commission d'enquête. La gastronomie, c'est l'art de la cuisine et du goût. En application du seul principe du toujours moins cher, il ne faudrait pas que la grande distribution nous vole cet art. Il est temps d'en savoir plus. Cette commission d'enquête nous aidera à y voir plus clair. Notre groupe votera en faveur de la création de cette commission d'enquête.

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À propos de l'agriculture, M. Didier Guillaume, notre ministre de l'agriculture et de l'alimentation, disait le 1er mars : « une marche a été franchie, mais nous ne sommes pas encore montés à l'étage ».

Lors du dernier salon de l'agriculture, j'ai eu l'occasion d'échanger avec des éleveurs de vaches limousines installés en Dordogne. Je les avais déjà rencontrés lors du comice agricole de Lanouaille, dans la circonscription de notre collègue Jean-Pierre Cubertafon. Ils m'avaient déjà fait part de leurs attentes en matière de rééquilibrage des relations commerciales, tant leurs difficultés de revenu étaient grandes. Au salon de l'agriculture, ils m'ont dit qu'ils ne voyaient pas d'amélioration notable depuis la promulgation de la loi EGALIM, le 30 octobre dernier. Alors que leur prix de revient est de 4,64 euros le kilo, on leur propose 4,25 euros. Je leur ai précisé que les principales ordonnances prévues par le texte ont été publiées en février mais, comme nous tous, ils ont remarqué la campagne de désinformation de certains acteurs de la grande distribution.

Selon l'exposé des motifs, cette commission d'enquête doit être l'occasion « de faire toute la lumière sur ces pratiques, les dysfonctionnements et les mauvaises volontés. » À quoi cette lumière pourra-t-elle bien servir ? Ce n'est pas précisé. Rassurez-moi, Monsieur le rapporteur : la commission pourra-t-elle aussi dégager des recommandations détaillées afin que la situation s'améliore rapidement ? Nos agriculteurs en valent la peine.

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Pour vous répondre sur l'organisation des travaux, je peux vous dire que toutes les précisions seront apportées lorsque la commission se constituera et élira son bureau. Peut-être voulez-vous répondre à la question de M. Marilossian, Monsieur le rapporteur ?

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Un patron de grande distribution a dit un jour : « la loi, lorsqu'elle est contre moi, je m'assois dessus ». Je ne citerai pas son nom, mais aura l'occasion d'être entendu par la commission d'enquête.

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En fait, le problème est qu'ils ont toujours un coup d'avance. Le but est de comprendre comment mettre fin à ce cercle vicieux en ayant peut-être un meilleur contrôle des centrales d'achat de la grande distribution. Le but de cette commission d'enquête est de formuler des propositions pour faire en sorte qu'ils n'aient pas ce coup d'avance et que nous ayons un meilleur contrôle.

La commission adopte la proposition de résolution à l'unanimité.

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Nous applaudirons quand le travail sera terminé. Et nous avons beaucoup de travail ! Il me reste à vous remercier tous.

Informations relatives à la commission

La commission des affaires économiques s'est saisie pour avis du projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés (n° 1737). M. Benoit Potterie a été nommé rapporteur pour avis de ce projet de loi.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 16 h 30

Présents. – M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Éric Bothorel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Anthony Cellier, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Véronique Hammerer, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Frédérique Lardet, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, Mme Graziella Melchior, M. Jérôme Nury, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Éric Straumann

Excusés. – Mme Anne Blanc, M. José Evrard, Mme Annaïg Le Meur

Assistaient également à la réunion. – M. Pierre Cordier, M. Jacques Marilossian