Mercredi 16 octobre 2019
La séance est ouverte à neuf heures trente.
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(Présidence de M. Brigitte Bourguignon, présidente)
La commission examine la suite des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale (n° 2296
QUATRIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L'EXERCICE 2020
TITRE PREMIER POURSUIVRE LA TRANSFORMATION DU SYSTÈME DE SOINS
Chapitre Ier Réformer le financement de notre système de santé
Article 24 : Réforme du financement des hôpitaux de proximité
La commission examine les amendements identiques AS270 de M. Jean-Louis Touraine, AS538 de Mme Jeanine Dubié et AS574 de M. Pierre Dharréville.
Afin d'assurer une véritable stabilité des ressources des hôpitaux de proximité, l'amendement AS538 propose de ne pas lier le niveau de leur garantie pluriannuelle de financement au volume d'activité réalisé. Ces établissements ont été créés par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. L'article 24 propose de reprendre le modèle de financement instauré en 2016 ; or celui-ci s'est révélé incapable d'assurer la pérennité des ressources des établissements et a accru les inégalités territoriales. Dans les bassins de vie peu dynamiques, où la population est en baisse, les hôpitaux de proximité ont vu leur activité stagner et, par le fait, leurs ressources diminuer d'année en année, ce qui recrée du déficit cumulé.
La réforme des hôpitaux de proximité prévue par la loi précitée de 2019 s'accompagne d'une évolution de leur modèle de financement, organisée par le présent article, lequel dispose que les hôpitaux seront financés forfaitairement, tout en précisant que la garantie de financement reste conditionnée au volume d'activité réalisé. Cela nous semble dangereux.
Bien souvent situés dans des bassins de vie démographiquement peu dynamiques, ces petits hôpitaux voient leur activité stagner. La référence à l'activité de l'année précédente pour déterminer l'enveloppe de l'année suivante est dangereuse et pourrait conduire à une diminution de leurs ressources d'année en année – le déficit cumulé des hôpitaux de proximité a doublé entre 2015 et 2018. Notre amendement AS574 propose de sortir complètement de la référence au financement à l'activité, afin de pérenniser les ressources des hôpitaux de proximité.
Les hôpitaux de proximité correspondent à un modèle, Mme Dubié l'a rappelé, développé en 2016. Ces établissements de santé de proximité sont situés hors des grands territoires urbains et ont souvent une activité de médecine polyvalente ; qui plus est, l'âge moyen des patients admis était de 84,5 ans en 2016.
Il avait initialement été proposé de préserver le modèle de financement de ces établissements en leur accordant une dotation fondée sur les bases historiques d'activité, modulées par d'autres paramètres. L'activité était donc clairement prise en compte. Certains établissements étaient gagnants, mais d'autres se retrouvaient en difficulté.
La réforme proposée se fera en deux temps. Elle commencera par une réforme structurelle des hôpitaux de proximité. Ces petits établissements ont vocation à retrouver une activité technique afin de constituer des services d'appoint, notamment pour les médecins libéraux. Cela leur permettra de s'installer et de s'implanter dans la durée. Il s'agira de redonner vie à ces établissements – alors qu'ils sont souvent en grande difficulté –, en restaurant des activités de biologie médicale, d'imagerie médicale ou des consultations spécialisées. Cela permettra de restaurer une offre de soins dans les territoires ruraux et dans des départements où l'offre hospitalière est faible et de venir en soutien des médecins libéraux afin qu'ils puissent s'installer dans la durée.
Le second temps de la réforme concernera le financement des hôpitaux de proximité. Pour la première fois depuis des années, il sera quasiment décorrélé de l'activité. La dotation socle sera calculée sur des bases historiques, afin de garantir qu'il n'y ait aucun perdant, et assortie de garanties pluriannuelles. En outre, leur responsabilité territoriale sera prise en compte – on tiendra ainsi compte de la population des territoires. En conséquence, seule une part minime du financement de ces établissements sera corrélée à l'activité.
Ce nouveau modèle de financement a été conçu pour qu'il y ait 100 % de gagnants. Le maintien d'une toute petite fraction liée à l'activité permettra d'encourager les établissements dynamiques, qui développent par exemple des activités de médecine spécialisée ; il ne nous paraît pas pertinent de nous fonder exclusivement sur une dotation fixe et globale qui a entraîné les établissements sur le chemin de la morosité par le passé. Mais il n'y a plus de course à l'échalote : c'est un changement de modèle radical par rapport à la tarification à l'activité (T2A), et le maintien d'une petite part liée à l'activité répond également au souhait de certains acteurs. En conséquence, je suis défavorable à vos amendements.
La commission rejette les amendements.
Elle passe à l'amendement AS911 de M. Brahim Hammouche.
La territorialisation des politiques publiques est louable en ce qu'elle implique une politique adaptée aux spécificités des territoires. Mais elle ne peut se faire sans rapport avec les femmes et les hommes qui peuplent ces territoires et qui sont le coeur battant de nos politiques publiques. C'est pourquoi notre amendement propose d'ajouter un critère lié à la population dans le calcul de la garantie pluriannuelle de financement des hôpitaux de proximité.
C'est une précision pertinente. Je suis favorable à cet amendement du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés.
La commission adopte l'amendement.
La commission en vient, en discussion commune, aux amendements AS912 de M. Brahim Hammouche, AS760 de Mme Martine Wonner et AS685 de M. Jean-Carles Grelier.
L'amendement AS760, de précision, met en avant le projet régional de santé (PRS), à la différence de l'amendement précédent qui vise les projets territoriaux de santé. Or, mis à part en psychiatrie, il n'existe pas de projets territoriaux, uniquement des objectifs et des dynamiques définis dans le projet régional de santé depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
J'aime beaucoup l'idée de faire des hôpitaux de proximité des lieux de rapprochement et de coopération entre la médecine de ville et l'hospitalisation publique. Mon amendement AS685 vise donc à préciser que les besoins de santé du territoire doivent notamment être mesurés par la densité médicale en médecine de ville du bassin de vie.
Ces amendements de précision n'emportent aucune conséquence pratique et ne sont pas vraiment utiles : l'état actuel du droit est suffisamment clair – on tient déjà compte de la densité de médecins, du PRS dans la cartographie de l'implantation des hôpitaux de proximité, des besoins de santé de la population, etc.
Je m'en remettrai donc à votre sagesse concernant l'amendement AS760 de Mme Wonner – plus conforme à l'état actuel du droit que les autres –, si vous considérez qu'il est important que le Parlement apporte ces nouvelles précisions, sans grandes conséquences pratiques : cela relève purement du rédactionnel.
La commission rejette l'amendement AS912.
Puis elle adopte l'amendement AS760.
En conséquence, l'amendement AS685 tombe.
La commission examine ensuite l'amendement AS943 de Mme Justine Benin.
Mon amendement vise à préciser que les garanties pluriannuelles de financement attribuées aux hôpitaux de proximité doivent tenir compte des spécificités et des contextes géographiques des établissements. L'éloignement, l'isolement et l'insularité sont souvent des difficultés structurelles qui aggravent l'offre et la qualité des soins. C'est particulièrement le cas outre-mer, où les établissements hospitaliers souffrent de surcoûts importants du fait de leur éloignement par rapport à l'Hexagone. Je vous propose donc d'inclure ce facteur dans la définition des garanties pluriannuelles de financement.
Plusieurs amendements traitent de la question de l'éloignement, de l'isolement ou de l'insularité. En l'état actuel du droit, le coefficient géographique – intégré au dispositif de financement – le prend déjà en compte. Ainsi, quand le tarif est à 1 euro pour un établissement en métropole, il peut être de 1,07, voire de 1,3, pour les établissements dont la situation géographique particulière le justifie.
En outre, lors de ma mission sur l'île de La Réunion, j'ai pu me rendre compte qu'au-delà de l'insularité et de l'éloignement, il faut prendre en compte d'autres facteurs, comme la précarité ou les flux migratoires. Ainsi, La Réunion reçoit une importante population originaire de Mayotte et d'Anjouan ; la Guyane aussi doit faire à un afflux en provenance de pays voisins : autant de critères, parmi d'autres, qu'en l'état actuel de sa rédaction, votre amendement exclut. C'est pourquoi je vous propose de le retirer, en vous promettant une très grande vigilance à l'égard notamment des hôpitaux de proximité outre-mer afin de nous assurer que le modèle leur est parfaitement adapté. Nous pourrions également mettre le sujet à l'ordre du jour du Printemps de l'évaluation, si vous souhaitez vous y investir.
J'ai entendu vos explications sur le coefficient géographique. J'ai déposé un autre amendement afin d'aligner celui de la Guadeloupe sur ceux de La Réunion et de la Guyane.
L'amendement est retiré.
La commission passe aux amendements identiques AS98 de M. Gilles Lurton, AS230 de M. Jean-Pierre Door et AS377 de M. Olivier Becht.
À la deuxième phrase de l'alinéa 3, après le mot « spécialités », l'amendement AS98 vise à insérer les mots « lorsque l'offre de soins libérale ne répond pas aux besoins de la population ». La mise en place d'une offre de consultations de spécialités par les hôpitaux de proximité ne peut se concevoir qu'en complément de l'offre de soins libérale.
Je comprends votre intention mais je vous suggère de retirer ces amendements, sinon mon avis sera défavorable, car leur principe est très compliqué : on ne pourrait développer des consultations spécialisées dans les hôpitaux de proximité que si, et seulement si, il n'existe pas d'offre correspondante dans le secteur libéral.
Tout d'abord, l'offre libérale dans ces territoires se caractérise par une très grande labilité : elle peut varier du jour au lendemain ; l'implantation de consultations spécialisées dans le secteur hospitalier est plus durable et plus facilement quantifiable.
En outre, certains praticiens libéraux sont très satisfaits de pouvoir compter sur des partenariats en secteur hospitalier : ils peuvent plus facilement faire admettre des patients, compter sur un plateau technique, etc.
Enfin, ne rouvrons pas le débat entre le présumé « hospitalocentrisme » de l'État – l'hôpital en fait trop – et la réalité de certains territoires où, entre deux hôpitaux distants de 150 kilomètres, la médecine de ville a totalement disparu. Nous essayons de résoudre cet écartèlement permanent en prenant une décision courageuse : la restauration d'une activité dans les hôpitaux de proximité, afin que le patient ne soit pas perdant.
Introduire une antinomie entre la médecine de ville et la médecine hospitalière, même si je peux en comprendre le principe, n'est pas pertinent et me semble même plutôt contre-productif s'agissant de l'implantation des médecins libéraux dans les territoires concernés.
Il ne s'agit pas de créer une antinomie entre médecine hospitalière et médecine de ville, bien au contraire, mais de permettre à la médecine hospitalière d'intervenir en complément de l'offre de soins libérale.
L'article 35 de la loi « santé » du 24 juillet 2019, qui crée les hôpitaux de proximité, précise qu'ils proposent des consultations de plusieurs spécialités en complémentarité avec l'offre libérale disponible au niveau du territoire. Cette disposition résulte d'un amendement du rapporteur au Sénat.
Les amendements sont retirés.
La commission examine ensuite l'amendement AS458 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Les hôpitaux de proximité sont nécessaires à la couverture sanitaire du territoire national. Ils représentent un engagement salutaire de l'État à destination des Français des zones rurales, urbaines ou périurbaines.
Le présent article entérine l'ouverture de nos hôpitaux à l'exercice libéral qui ne répond pas aux principes d'un véritable service public de santé. Liberté d'installation, liberté tarifaire, possibilité de travailler en solitaire, moindre remboursement ne sont pas des principes à développer. Face à une situation en contradiction avec les objectifs fondamentaux des hôpitaux de proximité, nous demandons l'interdiction de la pratique libérale en leur sein.
Avis défavorable car nous souhaitons développer les hôpitaux de proximité. Les exercices mixtes permettront d'attirer les médecins dans les territoires. Nous pensons à la population – notamment aux patients âgés – qui attend que l'on restaure l'offre de médecine. Ne nous privons pas de moyens d'attirer les médecins.
Monsieur le rapporteur, j'entends que vous soutenez les patients et les personnes âgées, que vous aimez les hôpitaux de proximité. Mais accepter cette libéralisation hospitalière, cela peut signifier aussi, en zone sous-médicalisée, la perte d'un quart de poste de médecin dans un village au bénéfice de l'hôpital. Nous avons fêté la fin du numerus clausus, mais la rentrée le confirme : sans professeurs, places et universités supplémentaires, nous n'aurons pas davantage de médecins !
L'hôpital public, la santé publique sont un bien pour tous. Faire entrer le libéral à l'hôpital public, c'est ouvrir la voie à toutes les dérives, comme cela risque d'être le cas près d'Angers, où l'on s'apprête purement et simplement à privatiser un hôpital public. Attention, danger !
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 24 modifié.
Après l'article 24
La commission examine l'amendement AS947 de Mme Justine Benin.
En vue d'assurer un financement réaliste et adapté à la situation des outre-mer, l'amendement propose de supprimer les critères de permanence et de substantialité dans la révision des coefficients géographiques, afin de tenir davantage compte des spécificités de chaque territoire ultramarin et de mieux adapter le soutien financier de l'État aux éventuelles et différentes crises que peuvent connaître nos établissements.
À titre d'exemple, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe connaît des difficultés structurelles depuis plusieurs années, aggravées depuis novembre 2017 en raison d'un incendie de grande ampleur. Il serait pertinent que les ministères chargés de la santé et des comptes de la sécurité sociale puissent ajuster le coefficient géographique applicable à la Guadeloupe, afin de soulager les personnels en souffrance et d'apporter davantage de moyens à la restructuration de l'offre de soins, en lien avec les autres acteurs du territoire.
Plus largement, cet amendement vise à engager une réflexion sur l'efficience des coefficients géographiques, notamment en termes de qualité et d'accès aux soins dans les zones les plus vulnérables. Nous proposons que le Gouvernement remette un rapport aux parlementaires faisant le bilan et mesurant les impacts de ce dispositif financier en matière de trésorerie, afin d'évaluer la pertinence d'une éventuelle revalorisation de ces coefficients.
Je l'ai déjà indiqué, les coefficients géographiques doivent intégrer les spécificités des établissements outre-mer : importance de l'aide médicale de l'État dans le financement des hôpitaux de La Réunion ou de la Guyane, coût difficilement estimable des évacuations sanitaires (EVASAN) vers le territoire métropolitain ou d'autres territoires, surcoûts liés à l'isolement, coût des transports, coût des matières premières, etc.
Le sujet est intéressant et je ne sais pas si une évaluation globale du mode de financement des établissements de santé outre-mer a été effectuée récemment. Je connais votre investissement sur le sujet ; Mme Bareigts en parle aussi régulièrement, mais je ne suis pas sûr que nous disposions d'une expertise suffisante pour mener seuls cette étude dans le cadre du Printemps de l'évaluation. C'est pourquoi je suis favorable à votre demande de rapport.
Mais votre amendement, sans sa première partie, supprime également des mots dont l'incidence est beaucoup plus sensible. Je souhaiterais donc que vous le retiriez pour déposer la demande de rapport en séance publique, en précisant le périmètre de la mission afin de ne pas passer à côté de données importantes pour les établissements de santé outre-mer. J'y donnerai alors un avis favorable.
Le sujet revient régulièrement. Nous ne devons pas avoir une vision globale et unique du coefficient géographique : les réalités sont très différentes d'un territoire à l'autre. J'entends la proposition de ma collègue, j'y souscris, mais je ne voudrais pas que ce rapport freine le travail déjà engagé dans de nombreux territoires.
Ainsi, à La Réunion, à la demande et en collaboration avec le Gouvernement, Ernst & Young réalise une étude visant à mettre en lumière le différentiel entre le coefficient géographique actuel et celui qui permettrait de faire face à tous les surcoûts évoqués par M. le rapporteur général. Un rapport, pourquoi pas, mais à condition qu'il ne freine pas la prise de décisions immédiates pour sauver nos CHU.
Un rapport, pourquoi pas, mais cela risque de prendre du temps... Nous savons ce qui se passe dans ces territoires et devons désormais arrêter des mesures pour y faire face. La mobilité est également un problème dans ces régions – arriver à l'hôpital est parfois compliqué. Ainsi, en Guyane où j'ai passé quelques jours – la situation est probablement différente en Martinique –, il n'y a pas de transports en commun. En outre, j'y ai visité des hôpitaux dans un état de vétusté vraiment dramatique : il n'y a pas de climatisation, il y a de l'eau partout dans les chambres pendant les tempêtes. C'est atroce ! On n'imagine pas que cela puisse exister. L'urgence impose une réponse immédiate. Qu'un rapport vienne confirmer et explorer les voies d'une amélioration à terme, c'est autre chose.
J'ai entendu vos explications et je partage le constat de Mme Bareigts. Mais vous me posez un problème de conscience, monsieur le rapporteur : à la suite de cet incendie, le Gouvernement a financé la reconstruction d'un hôpital en Guadeloupe à hauteur de 600 millions d'euros. Je ne voudrais pas que nous intégrions le nouvel hôpital en retrouvant les mêmes difficultés que celles que nous rencontrons dans l'établissement actuel... Ces difficultés sont de différents ordres, liées à la fois à la mobilité, à l'isolement et à l'insularité : vous avez vu que le CHU de Guadeloupe a connu une grève de deux mois. C'est pourquoi les parlementaires guadeloupéens de la majorité souhaitent insister sur la révision du coefficient géographique. Cela nous enlèverait une épine du pied.
La délégation aux outre-mer, sous la présidence d'Olivier Serva, a récemment conduit une mission concernant l'hôpital de Pointe-à-Pitre. Nous avons fait des propositions. Notre collègue Benin a raison, il y a urgence et nous devons apporter des réponses. Travaillons conjointement, et avec le cabinet de la ministre, en vue de la séance publique.
J'insiste : les réponses doivent être spécifiques et adaptées aux demandes de chaque territoire. Dans le cas contraire, nous risquons de susciter des oppositions. Or il n'est pas de bonne politique d'opposer les territoires, qui ont chacun leurs priorités et leurs urgences.
Je suis allé à La Réunion il y a trois ans dans le cadre d'une mission sur l'évolution des modes de financement des établissements de santé et j'ai constaté les spécificités du territoire : poids des EVASAN, proximité de Mayotte, organisation complexe de la psychiatrie, qui fait souvent appel au secteur privé. Madame Benin, si cela peut faire basculer votre décision et votre confiance, si vous m'invitez, je viendrai avec plaisir en Guadeloupe !
Je retire mon amendement et j'en représenterai un pour la séance publique. Et je vous ai déjà invité, monsieur le rapporteur général ainsi que Mme la présidente, à venir voir ce qui se passe chez nous et rencontrer nos professionnels. Enfin, Mme Bareigts a raison, n'opposons pas les territoires.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS394 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
La santé est un des seuls secteurs soumis au suivi infra-annuel de l'exécution des recettes et des dépenses. Comment expliquer que les établissements doivent s'inscrire dans une logique pluriannuelle dans le cadre du plan « Ma Santé 2022 », alors qu'ils ne disposent que d'une vision infra-annuelle ? Dans son rapport de juin 2019, la Cour des comptes souligne ces difficultés : les établissements ne connaissent précisément le montant des ressources qui leur sera alloué pour l'année en cours qu'au moment où il leur est versé...
Mon amendement vise à faire bénéficier certains établissements de santé – publics, privés ou à but non lucratif – d'une garantie de financement pluriannuelle à titre expérimental dans deux régions. C'est un amendement d'efficacité. Une garantie de financement pluriannuelle permettrait par ailleurs d'inciter les établissements de santé au développement d'actions de prévention et d'amélioration de la coordination de soins plutôt que de les enfermer dans une logique de production d'actes.
Ce financement infra-annuel n'est plus tenable pour nos hôpitaux qui attendent avec inquiétude chaque campagne tarifaire. La proposition formulée par les fédérations est extrêmement intéressante : elle suppose la mise en place d'outils permettant une lecture budgétaire pluriannuelle. Au cours des auditions, j'ai interrogé la direction de la sécurité sociale (DSS), qui m'a annoncé recevoir les fédérations le 16 octobre – aujourd'hui même – pour leur proposer d'introduire la pluriannualité dans le financement des hôpitaux. Autrement dit, les travaux sont plus qu'engagés – avec un peu de chances, ils pourraient même se conclure aujourd'hui. Dans cette attente, je vous propose de retirer votre amendement et de nous donner rendez-vous la semaine prochaine. En l'état, il ne sert à rien.
Il est intéressant que le ministère travaille, mais il est intéressant aussi que l'Assemblée travaille ! Adopter mon amendement serait un geste fort de soutien à la réunion de ce jour. Le cas échéant, nous pourrons y revenir dans l'hémicycle. Pourquoi devrions-nous attendre ? Le Parlement ne doit pas être à la traîne. Il est là pour faire la loi et il est important que notre commission se prononce et marque son soutien à un effort pluriannuel. Je maintiens mon amendement.
L'idée est intéressante, mais elle est un peu antinomique avec le principe que je défends depuis des d'années – les moyens doivent être adaptés à la situation sanitaire des territoires. Le financement pluriannuel doit tenir compte de la situation territoriale et permettre, par exemple, de faire face à un besoin important lié à une situation sanitaire territoriale très mauvaise. Mais s'il s'agit de reconduire des financements sans tenir compte de la situation du territoire, je ne suis pas d'accord car on ne réduira alors jamais la fracture sanitaire ! Certains territoires sont dans des difficultés extrêmes. On vient de parler de l'outre-mer, mais le Nord est dans une situation sanitaire encore pire, alors que les crédits par habitant y sont les plus faibles.
J'apporte mon soutien à la proposition de mon collègue Cyrille Isaac-Sibille : le 31 décembre ne peut pas être l'horizon indépassable de la gestion de nos établissements, de même que la DSS ne peut être l'horizon indépassable du travail parlementaire ! Certes, l'administration du ministère de la santé s'est saisie de la question, mais cela n'empêche pas le Parlement de s'en saisir aussi. Si nos conclusions coïncident, tant mieux, mais ne privons pas les débats parlementaires d'une réflexion sur la pluriannualité des moyens dévolus aux hôpitaux publics ; c'est un sujet qui nous concerne, avant de concerner la DSS.
Bien entendu, il est important pour les hôpitaux de disposer d'un budget pluriannuel. Mais cet amendement ne suffira pas à garantir une véritable pluriannualité aux établissements : un travail technique s'impose. Et le ministère s'est engagé pour la séance publique.
Mon amendement plaide simplement pour une meilleure gestion : les hôpitaux ont besoin de visibilité sur deux à trois ans. Le rôle du Parlement, c'est de montrer la direction, non de mettre en application. Nous souhaitons une gestion pluriannuelle, mais c'est bien évidemment au ministère qu'il reviendra de traiter des aspects pratiques. Chacun son travail ! Ne confondons pas la volonté, qui relève du Parlement, et la mise en application, qui relève du ministère.
Nous comprenons votre logique et la partageons. Vous avez raison, les décrets fixeront les modalités pratiques d'application. Mais l'expérimentation ne concernera que deux régions : le législateur doit être beaucoup plus ambitieux. Notre objectif doit être de mettre en application la pluriannualité, et sur tout le territoire. Quant aux modalités, elles seront arrêtées par les instances compétentes.
La commission adopte l'amendement.
Article 25 : Réforme du financement de la psychiatrie et évolution du modèle cible de financement des soins de suite et de réadaptation
La commission examine l'amendement AS913 de M. Brahim Hammouche.
Cet amendement de cohérence vise à ajouter les mots « santé mentale » au mot « psychiatrie » afin de rendre compte des activités visées au présent article. La définition positive et holistique de la santé mentale établie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est plébiscitée dans les différents plans et stratégies. L'OMS définit la santé mentale comme un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de la communauté. Cette approche prend en compte l'ensemble des déterminants de santé permettant d'améliorer la qualité de la vie : promotion du bien-être, prévention des troubles mentaux, traitement et réadaptation des personnes atteintes de ces troubles.
La feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie du Gouvernement, ainsi que les contrats territoriaux et locaux de santé intègrent pleinement cette définition qu'il convient désormais d'inscrire dans le code de la sécurité sociale.
Il s'agit d'un débat sémantique de spécialistes, entre santé mentale et psychiatrie, qui n'a pas sa place dans la loi. Mon avis est donc défavorable.
L'idée est intéressante mais j'ajouterai que les activités de psychiatrie visées par l'article sont soumises à un régime d'autorisation. On ne peut donc y inclure la santé mentale.
Il ne s'agit pas uniquement de sémantique ou de psychiatrie : les derniers rapports intègrent la question de la santé mentale. Il faut que les différents partenaires travaillent ensemble. C'est pourquoi nous tenons à l'inscrire dans la loi.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement AS904 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
L'article 25 modifie les dispositions de l'article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016, s'agissant notamment du calendrier de mise en oeuvre de la réforme du financement des activités de soins de suite et de réadaptation (SSR). Si cette réforme est attendue des acteurs de terrain, elle n'est pas sans poser des difficultés d'ordre technique, annoncées par les opérateurs publics et privés.
Compte tenu des nombreuses inconnues et des difficultés techniques, mon amendement vise à permettre une expérimentation pour la première année de mise en oeuvre afin de la déployer posément, d'en mesurer concrètement les effets et d'en diffuser une évaluation à la représentation nationale.
Les modes de financement des SSR n'en finissent pas d'évoluer. Le modèle est presque stabilisé après des années de réforme. Je connais les inquiétudes de la Fédération de l'hospitalisation privée. Comme je le lui ai dit en audition, je suis défavorable à cet amendement qui revient à prévoir déjà une entorse à un dispositif qui n'est pas encore totalement opérationnel. Commençons par le stabiliser et l'évaluer avant de nous reposer des questions.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS33 de Mme Marine Brenier.
Cet amendement vise à supprimer la T2A en tant que moyen de gestion et de financement du système hospitalier. En effet, si cette réforme semblait fructueuse lors de sa mise en place dans le cadre du plan Hôpital 2007, nous avons constaté qu'elle favorisait la réalisation d'actes techniques chez les patients passant peu de temps à l'hôpital. Avec cette réforme, une course à la rentabilité s'est installée au sein des établissements. C'est pourquoi nous souhaitons sa suppression et une nouvelle forme de gestion et de financement des hôpitaux.
Je ne pensais pas que la proposition de supprimer la T2A viendrait de vos bancs, mais plutôt d'autres... Nous transformons le modèle de financement de l'hôpital et sortons du « tout T2A » – notre objectif est de n'en conserver que 50 % à la fin du mandat. Mais il ne faut pas la supprimer pour les actes reproductibles et techniques. Je considère qu'il s'agit d'un amendement d'appel et je vous propose de le retirer. Dans le cas contraire, mon avis sera défavorable.
Ayant combattu la T2A dès l'origine, je vais donc naturellement voter pour sa suppression. Notre collègue a raison : ce mode de financement de l'hôpital n'est pas adapté ; il conduit à des logiques de gestion des hôpitaux publics dangereuses – un pilotage par les coûts et par le rendement, sans chercher à répondre aux besoins.
L'article 25 concerne uniquement la tarification de la psychiatrie. Or, en psychiatrie, il n'y a pas de T2A...
L'amendement est retiré.
La commission examine ensuite l'amendement AS34 de Mme Marine Brenier.
Les modifications du code de la sécurité sociale prévues par le présent article visent à une meilleure qualité des soins, notamment dans le secteur de la psychiatrie. Il s'agit de modifier le mode de gestion des établissements par une tarification à l'activité. Si le Gouvernement souhaite améliorer la qualité et l'efficience de ces soins, en corrélant le dispositif de financement à l'évaluation de la qualité, il ne doit plus faire référence à la T2A.
Pour les raisons précédemment évoquées, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
L'amendement est retiré.
La commission passe, en discussion commune, aux amendements AS477 de M. Brahim Hammouche et AS988 de Mme Martine Wonner.
L'amendement AS477 est rédactionnel. Le nouvel objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) santé mentale et psychiatrie a vocation à retracer les dépenses prises en charge par l'assurance maladie. Il convient de prendre en compte les activités de soins en santé mentale et de psychiatrie de tous les établissements de santé publics et privés – et non plus uniquement l'hospitalisation –, afin de mettre fin à un système dual de financement.
Les travaux que j'ai menés ont mis en évidence le virage ambulatoire très attendu, surtout dans le champ de la santé mentale. Notre objectif à l'horizon de dix ans est que le financement prenne en compte l'ensemble de l'activité – et non plus uniquement l'hospitalisation – afin de sortir de l'hospitalocentrisme.
Mon amendement AS988, plus modeste, est de précision : il vise à ce que le montant annuel des charges supportées par les régimes obligatoires d'assurance maladie afférant à la prise en charge en santé mentale prenne également en compte, au-delà des frais d'hospitalisation, la prise en charge intra- et extrahospitalière.
Je proposerai à M. Hammouche de retirer son amendement au profit de celui de Mme Wonner, qui apporte une précision utile.
L'amendement AS477 est retiré.
Puis la commission adopte l'amendement AS988.
La commission examine ensuite l'amendement AS687 de M. Jean-Carles Grelier.
Cet amendement de principe fait suite au rapport de la mission d'information relative à l'organisation de la santé mentale, présidée par M. Hammouche et co-rapportée par Mmes Fiat et Wonner. Je trouve regrettable que le sous-objectif de psychiatrie et de SSR soit fixé par décret, et non laissé à l'appréciation du Parlement, qui fixe pourtant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) les ONDAM. Une discussion sur le sous-ONDAM psychiatrie et sur les SSR, en commission des affaires sociales et en séance, aurait été pertinente.
J'entends vos arguments, mais le Parlement ne vote pas non plus l'objectif de dépenses en médecine chirurgie obstétrique (MCO) ou en SSR. Qui plus est, cela relève de la régulation, de la « popote interne » et du dialogue conventionnel entre les administrations et les fédérations.
La commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement AS915 de M. Brahim Hammouche.
Les crispations des professionnels se cristallisent sur la difficile traçabilité de l'utilisation de la dotation annuelle de financement (DAF). C'est la source de toutes les suspicions entre l'administration et les professionnels et un frein majeur à toute réforme. Cet amendement vise à garantir, par voie d'arrêté, la traçabilité de l'utilisation des nouvelles dotations.
La traçabilité est garantie, puisque les dotations seront bien notifiées par l'agence régionale de santé (ARS) aux établissements de santé. En outre, la notion de traçabilité me semble juridiquement peu précise ; au demeurant, je ne vois pas pourquoi cela ne concernerait que les activités de psychiatrie. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
En revanche, vous avez raison de soulever le problème de la fongibilité des enveloppes au sein des établissements, qui interdit de savoir ce que devient l'argent accordé sous forme de dotations ciblées, comme celles destinées aux soins palliatifs.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS916 de M. Brahim Hammouche.
L'amendement vise à souligner que le montant de la dotation populationnelle doit tenir compte des besoins du territoire d'une part, des projets territoriaux de santé (PTS) et de santé mentale (PTSM) ou des projets définis par les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) d'autre part. La loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé vise à faire de ces projets des outils majeurs de coordination de l'offre de soins et du parcours des patients, ainsi qu'un levier de concertation et de décloisonnement des professionnels du soin, engagés dans une démarche collective et collaborative de diagnostic partagé. Il convient d'harmoniser les outils d'organisation déjà en place, sanitaire et en santé mentale, et d'assurer la prise en compte des dynamiques locales.
Les besoins de santé seront évalués en fonction des PTSM, des PTS, des projets des CPTS, mais aussi des PRS, que votre amendement ne mentionne pas. Le dispositif est conçu pour tenir compte de toutes ces structures. Avis défavorable.
Je ne suis pas certain que cet amendement puisse répondre aux attentes, tant les disparités entre territoires sont criantes en matière de financement. Si aucun établissement n'est en bonne santé financière, certains affrontent des difficultés bien plus grandes que d'autres. Quant à la traçabilité dont il a été est question, les fonds ciblés pour la psychiatrie peuvent être absorbés par d'autres activités, surtout lorsque les établissements font partie d'hôpitaux généraux en difficulté. Les grands équilibres posent problème. Puisque l'on est en train de revoir le mode de financement, il faut effectuer une remise à niveau.
L'amendement est retiré.
La commission examine successivement les amendements AS917 de M. Brahim Hammouche et AS989 de Mme Martine Wonner.
L'analyse de l'offre, hospitalière et extra-hospitalière, doit être prise en compte pour déterminer le montant de la dotation populationnelle.
La santé mentale, comme tout le système de soins, est marquée par un fort hospitalocentrisme. Initialement, le secteur psychiatrique, socle de l'organisation des soins psychiques, avait pourtant été pensé autour des soins extra-hospitaliers, ce qui permettait de sortir de la logique asilaire.
La mission d'information a conclu à la nécessité de revenir à l'esprit du secteur extra-hospitalier et de renforcer les structures en amont et en aval. Il convient de s'assurer que le montant de la dotation populationnelle tient bien compte de cette dimension.
L'amendement de Brahim Hammouche concerne la dotation populationnelle, tandis que le mien porte sur les dotations complémentaires, dont le montant tient compte de l'activité des établissements.
Ces deux amendements visent à insérer les mots « hospitalière et extra-hospitalière ». Je suis favorable au second, je m'en remets à votre sagesse pour le premier.
Ces deux amendements sont aussi importants l'un que l'autre, puisqu'il s'agit, aussi bien pour la dotation populationnelle que pour les dotations complémentaires, de prendre en compte l'activité extra-hospitalière. Il est grand temps que nous sortions des hôpitaux psychiatriques les patients que nous y avons créés. J'invite l'ensemble des commissaires à adopter les deux amendements.
Dans ce cas, je serai favorable aux deux amendements. Cela ne changera pas la face du globe, mais si cela peut faire plaisir...
La commission adopte successivement les deux amendements.
Elle est saisie de l'amendement AS600 de Mme Caroline Fiat.
Nous refusons de voir des pratiques de management s'appliquer à la psychiatrie, comme à l'hôpital en général. Les « démarches qualité », les « comptes de qualité », les « cartographies des risques » ne sont pas appropriés. Le personnel soignant est soumis à des procédures de plus en plus nombreuses, il doit justifier ses pratiques en remplissant de multiples formulaires sur ordinateur. Certes, la traçabilité et le suivi de l'activité sont utiles, mais ils s'effectuent souvent au détriment, pour les patients, de l'accompagnement et de la proximité. C'est pourquoi notre amendement vise à supprimer plusieurs alinéas.
Vous souhaitez supprimer la mention d'un financement à la qualité dans cet article relatif au financement de la psychiatrie. On peut être pour ou contre ce mode de financement, mais il n'y a pas de raison de faire une différence pour la psychiatrie.
Dans un monde idéal où l'on disposerait des moyens humains et financiers, où les soignants pourraient s'occuper convenablement des patients et où les cadres de santé auraient le temps de remplir ces traceurs, nous serions d'accord. Mais dans la situation actuelle, c'est impossible : les soignants n'ont pas une minute et les cadres, faute de personnel, s'escriment sur des plannings bancals. Faut-il leur demander de perdre du temps sur ces traceurs, alors qu'ils n'en ont déjà pas pour s'occuper des patients ? Tant que les préconisations du rapport ne seront pas mises en oeuvre et l'ambulatoire favorisé, il faut supprimer ces alinéas qui ne font qu'ajouter une charge de travail supplémentaire aux services.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS990 de Mme Martine Wonner.
La dotation populationnelle allouée aux régions puis répartie entre les établissements du territoire est l'un des piliers de la réforme du financement de la psychiatrie en France. Elle viendra remplacer la fameuse boîte noire que constitue la DAF. Parmi les critères qui seront pris en compte pour l'établissement de cette dotation, il convient de prévoir des critères « sociodémographiques ». J'ai cru comprendre que cette terminologie, pourtant souvent utilisée, posait question ; il demeure important de prendre en compte les données aussi bien sociales que démographiques.
Pour une plus grande rigueur juridique, je préférerais que l'on utilise les mots « sociaux et démographiques ».
L'amendement est retiré.
Puis la commission examine l'amendement AS991 de Mme Martine Wonner.
Les soins en psychiatrie ne doivent plus être hospitalo-centrés et il convient d'ouvrir la prise en charge des patients vers le médico-social et le social. Cet amendement vise à prendre en compte l'offre médico-sociale sur le territoire dans la répartition de la dotation populationnelle.
Suivant l'avis favorable du rapporteur général, la commission adopte l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS546 de Mme Ericka Bareigts.
La répartition de la dotation populationnelle doit prendre en compte la distance par rapport aux établissements d'autres régions limitrophes. Cela concerne les outre-mer, mais aussi les zones rurales et de montagne. Lorsqu'un territoire est sous-doté et très éloigné d'une région limitrophe mieux dotée, cela ajoute à l'inégalité de prise en charge pour les patients.
Votre amendement est satisfait : l'article 25 précise que la dotation populationnelle de psychiatrie prendra en compte la démographie, les caractéristiques et les besoins de la population, ainsi que les caractéristiques de l'offre de soins sur le territoire. Je vous demande de bien vouloir le retirer.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS992 de Mme Martine Wonner.
Cet amendement de précision vise à mettre en avant, aux côtés des schémas interrégionaux, le PRS, qui, depuis la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, regroupe les schémas d'organisation des soins (SROS) et les schémas régionaux d'organisation médico-sociale.
Suivant l'avis favorable du rapporteur général, la commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS918 de M. Brahim Hammouche.
Cet amendement précise que la dotation populationnelle a pour objectif de réduire les inégalités dans l'allocation des ressources entre les régions et entre les départements. Cet objectif renvoie au constat, partagé depuis plusieurs décennies, d'une mauvaise répartition de l'offre de soins en santé mentale, hospitalière et ambulatoire.
L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans son rapport de 2017, et la mission d'information ont montré que la densité de psychiatres est très hétérogène d'une région à l'autre, mais aussi au sein des régions. À l'échelon départemental, les écarts sont encore plus marqués, de 1 à 4 voire de 1 à 10. On compte ainsi 70,9 psychiatres pour 100 000 habitants à Paris et 6,9 psychiatres pour 100 000 habitants dans les Ardennes. Au sein d'une même région, la densité en lieux de prise en charge ambulatoire ou en hospitalisation n'est pas moins importante comme l'indiquait en 2015 la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). L'objectif de correction des inégalités doit être inter- et intra-régional, mais aussi départemental.
Je partage votre constat : l'iniquité entre les territoires est criante. Il est prévu que les ARS opèrent une répartition à l'échelon infrarégional, avec pour mission, sans doute, de réduire progressivement les inégalités. Historiquement, la dotation « PPE » – poids politique de l'élu – a créé des écarts importants entre les régions, des écarts entre les secteurs monstrueux, et cela perdure depuis des années. L'idée, avec ces modalités nouvelles de financement est de gommer ces inégalités territoriales. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
L'amendement est retiré.
Puis la commission examine l'amendement AS745 de Mme Martine Wonner.
Nous avons pu le constater lors des déplacements que nous avons effectués dans le cadre de cette mission d'information, les directeurs d'établissement n'ont aucune visibilité sur leurs financements et n'ont même pas en octobre ou en novembre l'intégralité du budget. Le montant des dotations régionales doit être fixé, par arrêté des ministres, au plus tard le 1er mars.
Comme il s'agit de la date de publication d'un arrêté ministériel, je préférerais que nous ayons le débat directement avec la ministre en séance. Par ailleurs, cet amendement me semble créer une différence injustifiée entre les règles applicables aux établissements de psychiatrie et celles applicables aux autres établissements de santé.
L'amendement est retiré.
Puis la commission examine successivement les amendements rédactionnels AS993, AS994, AS749 et AS995 de Mme Martine Wonner.
Les responsables des établissements pourraient, à la lecture du texte, croire à un amoindrissement de la dotation. L'amendement AS993, de nature rédactionnelle, vise à dissiper leurs inquiétudes puisqu'il précise que la dotation mentionnée au 1° de l'article L. 162-22-19 du code de la sécurité sociale est bien la dotation résultant de la répartition de la dotation populationnelle entre les régions.
Les amendements AS994, AS749 et AS995 sont rédactionnels.
Merci madame, pour ces travaux qui permettent d'enrichir le texte sur le financement de la psychiatrie. Avis favorable à ces quatre amendements.
La commission adopte successivement les amendements.
Elle en vient à l'examen de l'amendement AS746 de Mme Martine Wonner.
La mission « flash » sur le financement de la psychiatrie l'a montré : si la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine, la recherche en psychiatrie est le parent pauvre de la psychiatrie. Les activités de recherche doivent être encouragées, en psychiatrie mais aussi dans le champ plus large de la santé mentale.
Nous en avons parlé tout à l'heure : il me semble prématuré de remplacer le mot « psychiatrie » par le mot « santé mentale » s'agissant des dotations en matière de recherche.
L'amendement est retiré.
Puis la commission est saisie de l'amendement AS834 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Le rapporteur général a expliqué tout à l'heure que l'objectif était de parvenir à une égalité de traitement. Nous proposons de substituer des critères nationaux aux critères régionaux, tout en ménageant la possibilité d'une modulation régionale, après avis des organisations nationales les plus représentatives.
Je suis déjà intervenu sur la question de la modulation à l'échelle des territoires. Pour les mêmes raisons, je vous propose de retirer cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS747 de Mme Martine Wonner.
S'il semble essentiel que le pouvoir réglementaire précise les modalités qui conduiront à l'expression d'un avis des organisations consultées quant à l'établissement de la dotation résultant de la dotation populationnelle, la transparence la plus totale doit être garantie lorsque l'autorité administrative déterminera son montant. L'acte établissant le montant de cette dotation doit donc être motivé, c'est-à-dire expliqué et rendu public.
Cette précision paraît excessive : on ne peut imaginer qu'un directeur d'ARS puisse prendre une décision de financement sans la motiver... A contrario, cet amendement pourrait laisser penser que les décisions des ARS, dans un champ autre que la psychiatrie, n'ont pas à être motivées. Avis défavorable.
On sait pourtant que dans le champ des autorisations, les SROS, qui ont remplacé les comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale, ne donnent plus que des avis, avec lesquels les décisions ultérieures des directeurs d'ARS ne sont pas toujours en phase.
L'amendement est retiré.
Puis, suivant l'avis favorable du rapporteur général, la commission adopte les amendements rédactionnels AS997, AS996 et AS748 de Mme Martine Wonner.
La commission est ensuite saisie de l'amendement AS488 de Mme Caroline Fiat.
Ces quarante dernières années, le poids du privé par rapport au public en matière d'hospitalisation en psychiatrie a plus que doublé. Qu'il s'agisse de l'hôpital ou des structures sociales et médico-sociales, il est nécessaire de rétablir la psychiatrie publique, car elle est la seule à pouvoir assurer la gratuité des soins, la prise en charge des urgences et des cas les plus lourds, des conditions de travail meilleures, des équipes qui se connaissent tout au long du parcours du patient et maintiennent ainsi une continuité relationnelle entre l'extra-hospitalier et l'intra-hospitalier, ainsi qu'une bonne répartition sur l'ensemble du territoire. Le financement des établissements psychiatriques doit favoriser les établissements publics.
Dans le cadre d'une mission sur le financement des établissements de santé, je me suis rendu à La Réunion et j'ai constaté que la participation du secteur privé à la psychiatrie y était déterminante. C'est le cas aussi dans d'autres territoires métropolitains : de mémoire, 100 % de l'électroconvulsivothérapie est effectuée dans le secteur privé ; elle a été abandonnée dans le secteur public en raison de sa très faible rentabilité, mais aussi des difficultés à recruter des médecins. Le secteur privé est un maillon essentiel de l'offre de soins sur tout le territoire. Avis défavorable.
On a tellement maltraité nos hôpitaux publics que, forcément, le privé ne peut faire que mieux ! La faute à qui ? Si les hôpitaux psychiatriques publics ne parviennent pas à égaler les hôpitaux privés, c'est parce que l'État les a délaissés pendant de trop nombreuses années. Dans la région de Toulouse, pour un établissement public, on compte quatre établissements privés. Les personnes ne peuvent pas payer leurs soins si leur mutuelle ne prend pas en charge les frais. Or personne ne choisit d'être malade ! Il faut que tout soit pris en charge.
Nous ne disons pas que les établissements privés font du mauvais travail – même si le turn-over important dans les cliniques laisse penser que tout n'y va pas pour le mieux –, nous disons que les hôpitaux publics doivent bénéficier de tous les moyens pour faire mieux que les cliniques privées. S'ils font moins bien, c'est qu'ils ont été déshabillés.
Certains services publics proposent encore la convulsivoélectrothérapie. Pour bien connaître la question du poids relatif du privé et du public, je sais que l'on ne délivre malheureusement plus d'autorisations d'ouverture, mais que l'on propose aux cliniques de récupérer un certain nombre de marchés. La concurrence se pratique déjà dans les autorisations, ce qui est très problématique. Je rejoins Caroline Fiat : il faut être vigilant et questionner les puissances publiques sur les stratégies de mise en place de l'offre publique ou de l'offre privée sur les territoires.
La commission rejette l'amendement.
La commission est ensuite saisie de l'amendement AS899 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Le Gouvernement souhaite redéfinir « un modèle de financement commun » aux acteurs publics et privés de la psychiatrie, « respectueux de leurs spécificités et permettant une mise en cohérence de l'offre sur les territoires ». Les anciennes modalités de financement des activités de psychiatrie du secteur privé devraient être maintenues durant une période transitoire, soit jusqu'au 1er janvier 2022.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS985 de Mme Martine Wonner.
Il s'agit de substituer aux mots « des schémas régionaux ou interrégionaux » les mots « du projet régional ou interrégional ».
Suivant l'avis favorable du rapporteur général, la commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS881 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Cet amendement s'inscrit dans la même logique que le précédent : le calendrier doit être réaliste et ne prévoir une entrée en vigueur de la réforme qu'en 2022.
J'entends vos inquiétudes, mais j'ai reçu des garanties : cette réforme, franchement indispensable, sera appliquée de façon progressive, douce et sereine. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Enfin, elle adopte l'article 25 modifié.
Après l'article 25
La commission est saisie de l'amendement AS953 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Les établissements de SSR doivent pouvoir bénéficier des forfaits votés dans la LFSS pour 2019, en vue d'améliorer, en coordination avec la ville, leur rôle de prévention, et éviter aux patients la survenance d'épisodes aigus de la maladie, une rupture de leurs parcours et de nouvelles hospitalisations coûteuses, réalisées en urgence.
Sur la forme, l'exposé sommaire ne correspond pas au texte de l'amendement. Sur le fond, la logique de forfait permet de sortir de la T2A ; il est donc normal que ces forfaits ne s'appliquent qu'aux MCO. Je vous propose de retirer l'amendement.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS463 de M. François Ruffin.
La ministre Agnès Buzyn a reconnu elle-même que la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine. La Cour des comptes rappelait en 2011 que « les pathologies relevant de la psychiatrie se situent en France au troisième rang des maladies les plus fréquentes, après le cancer et les maladies cardio-vasculaires ». D'après les statistiques de la DREES, le nombre de patients a bondi de 29 % entre 2013 et 2016. Et pourtant, nous peinons à obtenir un panorama clair du financement de la psychiatrie en France. Comment les dotations ont-elles évolué ces vingt dernières années ? Quelles sommes sont allouées à la psychiatrie ? Combien ce secteur a-t-il perdu, combien lui a-t-on grignoté au cours des dernières décennies ? Compte tenu de la situation, il est impératif que la représentation nationale dispose de ces éléments. Nous demandons donc un rapport sur l'évolution du budget de la psychiatrie par rapport aux dépenses de santé en général.
La mission « flash » menée par Martine Wonner ainsi que la mission d'information sur l'organisation territoriale de la santé mentale, dont elle a été la rapporteure avec Caroline Fiat, ont permis d'enrichir l'article 25 que nous venons d'adopter. Je salue l'excellence de ces travaux, qui rend inutile un nouveau rapport. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS486 de M. François Ruffin.
Nous sommes tous d'accord sur le constat exposé par Adrien Quatennens. Tous les ingrédients sont rassemblés pour que les patients en psychiatrie – cette zone d'ombre de la République –, souvent isolés, pâtissent de l'indifférence et de l'oubli. Cet amendement propose un rapport sur le rattrapage de la plus faible évolution de la sous-ONDAM psychiatrie par rapport à l'ONDAM : il évaluerait le manque à gagner pour le secteur, l'impact négatif de cette sous-dotation.
Vous savez très bien que nous devons composer avec l'article 40 et que ces demandes de rapport ne sont que des amendements d'appel.
Nous créons nos propres patients, nous les maltraitons. Dans un hôpital que nous avons visité, 52 % des patients hospitalisés l'étaient depuis plus d'un an. Les personnels n'ont pas le temps de les soigner, de travailler, de communiquer avec eux. Je le dis : on ne s'occupe pas des patients, on les parque ! J'ai parfois l'impression que, dans certains endroits, nous en sommes revenus à l'asile. Le PLFSS ne donne pas aux établissements les moyens nécessaires pour prendre en charge dignement les patients.
Personne ne nie les difficultés auxquelles fait face la psychiatrie, publique comme privée. Elles sont liées aux missions des soignants, aux problèmes d'organisation qui durent depuis des décennies et aux iniquités territoriales dans les modes de financement. Il était indispensable de réformer en profondeur les modalités de financement ; il fallait aussi prendre des engagements politiques, comme celui de créer un sous-objectif, quantifié, de financement de la psychiatrie. Son pilotage permettra qu'il ne soit jamais inférieur à ce qu'il devrait être.
Cela fait des années que je travaille sur le financement de la sécurité sociale. Enfin, la santé mentale est prise en considération ; de nouveaux outils, y compris législatifs, permettent de responsabiliser l'ensemble des acteurs publics. Ils rendront compte, devant la représentation nationale, des grandes décisions qui seront prises en matière de santé mentale.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS489 de Mme Caroline Fiat.
Le rapport de la mission d'information relative à l'organisation de la santé mentale a montré que 58 % des médecins généralistes proposent exclusivement un traitement médicamenteux à leurs patients atteints de dépression. En cas de dépression non sévère, 50 % d'entre eux prescrivent des antidépresseurs et des anxiolytiques, alors même que les études montrent une efficacité des psychothérapies dans les dépressions d'intensité légère à modérée. La France occupe le deuxième rang européen, derrière l'Espagne, pour la consommation d'anxiolytiques. En 2015, 13,4 % des Français se sont vu prescrire des anxiolytiques. L'assurance maladie a dénoncé une prescription inadéquate d'antidépresseurs. Mon amendement propose de chiffrer le coût du remboursement intégral ou partiel des psychothérapies.
Effectivement, il faut repenser la place des psychologues cliniciens dans le dispositif de prise en charge des personnes connaissant des problèmes de santé mentale. Leur formation ne leur permet pas d'être reconnus comme professionnels de santé, la prescription, donc la prise en charge par l'assurance maladie – hormis sous forme d'expérimentation – est impossible. Or je ne connais pas un centre médico-psychologique dans le secteur public qui pourrait tourner sans l'appui de psychologues. La prise en charge est encore plus compliquée en milieu libéral. Nombre de psychologues cliniciens n'exercent plus leur métier, faute de solvabilisation de la demande par la sécurité sociale.
Il existe cependant deux expérimentations, et je suis certain que vous les connaissez : l'une est menée par l'assurance maladie dans les Bouches-du-Rhône, en Haute-Garonne, dans les Landes et dans le Morbihan, et concerne les adultes souffrant de troubles légers à modérés ; l'autre, issue de la LFSS 2017, s'appelle « Écout'Émoi », est menée en Île-de-France, dans le Grand Est et les Pays de la Loire, et concerne les jeunes de 11 à 21 ans en situation de souffrance psychique.
Je proposerai plus tard une expérimentation visant à prendre en charge les consultations en centre spécialisé de psychologues cliniciens dans le cadre de maladies neurologiques comme la sclérose en plaques.
Les choses évoluent, mais c'est compliqué : nous payons vingt ou trente ans d'incompréhensions et de difficultés dans les structurations de reconnaissance des métiers et des compétences. Je vous propose de retirer votre amendement.
Nous sommes sur la même ligne, vous citez les expérimentations que j'évoque dans l'exposé sommaire de cet amendement. Vous le dites vous-même, nous avons perdu entre vingt et trente ans, faut-il encore en perdre quatre ? Il y a urgence ! Vous semblez presque d'accord avec moi, il serait dommage de ne pas voter cet amendement de bon sens !
La commission rejette l'amendement.
La séance, suspendue à onze heures cinq, reprend à onze heures vingt.
Article 26 : Réforme du ticket modérateur à l'hôpital
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l'amendement AS909 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Puis elle adopte l'article 26.
Après l'article 26
La commission est saisie de l'amendement AS971 de M. Francis Vercamer.
Bien que les dépenses de santé aient atteint des niveaux très élevés, la réalité sanitaire est marquée par de fortes inégalités territoriales, je le rappelle constamment, et chaque année lors de l'examen du PLFSS.
Les moyens mis en oeuvre pour rattraper ces inégalités sont insuffisants. Certes, le fonds d'intervention régional (FIR), dont les missions ont été réorganisées en 2015, met des crédits à la disposition des ARS. Mais force est de constater que ces crédits sont répartis en fonction de la consommation des crédits de l'année précédente plutôt qu'en fonction d'indicateurs de santé tels que les différences d'espérance de vie.
Dans les Hauts-de-France – et je ne parle pas du Nord où les différences sont encore plus criantes –, l'espérance de vie est inférieure de 2,5 ans à la moyenne nationale, et pourtant, la région demeure mal dotée. Cet amendement vise à inscrire dans les critères de répartition du FIR un indice tenant compte de la situation sanitaire régionale.
Ces indices existent puisque les ARS retiennent trois critères pour pondérer la répartition des dotations, sans que cela puisse conduire à une baisse supérieure à 1 % de la dotation : la mortalité brute ; un indice synthétique de précarité ; le taux d'affection longue durée standardisé. Je considère donc votre amendement comme satisfait.
Ces indices existent peut-être, mais la répartition n'est pas bonne. Cela fait au moins huit ans que je le dis dans l'hémicycle, en pure perte. Il faudra bien, un jour, revoir ces indices. S'il n'est pas voté, je défendrai en séance cet amendement d'appel devant la ministre.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS987 de M. Thomas Mesnier.
Cet amendement est issu du travail mené dans le cadre de la mission relative à l'amélioration de la situation dans les services d'urgences que m'a confiée Agnès Buzyn, et dans celui du pacte de refondation des urgences, présenté le 9 septembre par la ministre de la santé.
Le financement des services d'urgences n'a pratiquement pas évolué depuis quinze ans. On peut saluer la création, l'an dernier, à l'initiative du rapporteur général, du forfait de réorientation. Malheureusement, il peine à se mettre en place sur le terrain.
Le nouveau modèle que nous proposons ici pourrait servir de levier pour encourager les services d'urgences à s'organiser avec leur hôpital et la médecine de ville. Il s'agit d'instaurer une dotation majoritairement populationnelle, qui, pour répondre à la préoccupation de Francis Vercamer, tendrait à réduire les inégalités entre les régions. Il s'agit aussi de maintenir une part de financement à l'activité, qui pourrait être pondérée en fonction de la gravité des cas, et d'introduire la notion de financement à la qualité, comme c'est le cas depuis quelques années pour d'autres spécialités.
Vous avez mené un travail indispensable et de grande facture, apportant des éléments de réponse dans la durée et des éléments de réponse structurelle à la crise des urgences. Celle-ci n'est pas nouvelle, elle a émergé progressivement en raison, entre autres, d'un problème d'organisation tarifaire. Nous pouvons, sur tous les bancs, saluer votre travail de terrain, réalisé avec l'administration de santé et les fédérations. Nous avons constaté, lors des auditions, qu'un consensus très large s'est dessiné autour de ces propositions de changement de tarification et de financement des urgences. Ces services n'ont pas vocation à rester financés à l'activité : le système n'est pas très vertueux et son principe n'est pas audible.
Je suis très favorable à cet amendement. J'espère qu'il verra vite le jour en pratique et qu'il constituera un élément de réponse, parmi d'autres, à la crise des urgences.
Les urgences en France sont dans un état de délabrement catastrophique. Cet amendement, que je soutiendrai, porte sur le financement. S'agissant des investissements, peut-être faudrait-il lancer un plan d'investissement « Urgences 2022 », sur le modèle du plan « Hôpital 2012 » qui avait rencontré un certain succès. Il permettrait de répondre aux énormes problèmes matériels, immobiliers entre autres, que rencontrent les services.
Monsieur Door, attention à ne pas généraliser, les urgences ne sont pas dans un état déplorable partout en France ! Thomas Mesnier a montré qu'il existait de grandes disparités et exploré les pistes pour sortir des difficultés. Son travail permettra d'avancer concrètement, en apportant des solutions là où se posent les plus grandes difficultés.
Cet amendement propose une refonte du modèle de financement en s'appuyant sur la population ; le groupe Libertés et Territoires le soutiendra.
Entendons-nous sur le diagnostic : la crise des urgences est généralisée. Vous pouvez raconter autre chose, mais la vérité, c'est celle-là. Nous pouvons vous transmettre la carte des services d'urgences en grève dans le pays, vous verrez qu'il n'y a pas photo. Il faut prendre la mesure du problème !
Je remercie beaucoup les membres de la mission conduite par M. Mesnier, dont l'amendement vise à mettre en place une des mesures du pacte de refondation des urgences. C'est une disposition très attendue dans l'ensemble des territoires, qui souhaitent que leurs spécificités soient prises en compte.
Je suis un peu confondu par ce que je viens d'entendre dans la bouche de M. Maillard. Il ne me paraît pas possible de laisser croire, au vu de la situation de l'hôpital public, que tout irait bien, que tout serait beau et ensoleillé en certains endroits. J'ai reçu la semaine dernière, dans le cadre de tables rondes préparatoires à la discussion du PLFSS, l'ensemble des acteurs des urgences. Le patron du SAMU de Paris m'a dit textuellement : « Nous ne passerons pas l'hiver ». Cela étant, les urgences ne sont que la partie visible du malaise de l'hôpital. Ce serait un très mauvais message que de laisser croire aux professionnels de santé, en grande souffrance, qui ne savent plus comment gérer l'hôpital mais sont les seuls à le maintenir debout, que tout irait bien en certains endroits et que ces difficultés seraient circonscrites à quelques petits services d'urgences ici ou là.
En tenant ces propos alors que l'ONDAM hospitalier de cette année ne répondra absolument pas aux demandes de l'hôpital, et qu'il constitue même un camouflet pour les professionnels hospitaliers, je crois que vous aggravez votre cas.
Je crois nécessaire de dire avec netteté, comme l'orateur précédent, que les urgences vont mal, partout en France, et que l'hôpital public est au bord de l'implosion. On lui a demandé, depuis 2008, des efforts absolument considérables ; il ne peut plus en produire avec la même intensité. Le PLFSS sous-finance l'hôpital. On a évoqué l'ONDAM, mais il faut aussi rappeler que l'actualité est marquée par le rationnement de l'offre de soins et le déport des soins vers les cliniques privées aux dépens d'un hôpital public qui ne peut plus assumer ses missions. Voilà où on en est. J'entends les bonnes volontés manifestées par les uns et les autres ; mais vous ne pouvez pas, tout seuls, vous adresser en permanence des satisfecit sur ce que vous produisez. La réalité, c'est qu'après les annonces de la ministre, pas un seul service d'urgences n'a repris le travail.
Je partage évidemment les propos de mes collègues Grelier, Dharréville, Door et Vallaud. La situation des urgences dans notre pays est aujourd'hui très grave. Le problème n'est pas seulement matériel, ce n'est pas seulement une question de locaux : il y va de la motivation des personnels urgentistes. Chacun sait qu'aujourd'hui on ne trouve plus de médecins urgentistes, de personnels volontaires pour exercer dans les services d'urgence. Laisser entendre que la situation n'est pas partout très grave, c'est prendre un très gros risque vis-à-vis de l'ensemble des personnels de ces services.
Mes chers collègues, je crois utile de vous rappeler que nous discutons de l'amendement de M. Mesnier, non du reste...
La discussion sur cet amendement nous conduit aussi à évoquer, plus largement, les difficultés des urgences. Sans minimiser ce qui vient d'être dit – nous sommes tous d'accord pour reconnaître que les urgences vont très mal –, cette situation cache la crise qui affecte l'hôpital dans son ensemble. Si les urgences ne sont pas les seules à aller mal, ce sont elles qu'on voit et qu'on entend le plus, dont les difficultés ont le plus de retentissement auprès de la population. Je reviens sur les propos de M. Maillard. Gel des salaires, manque de personnel, carence de lits d'aval : tels sont les maux dont souffre – je prends cet exemple bien que je ne sois pas parisien – l'hôpital Lariboisière. Allez-y, et on en reparlera.
La discussion sur cet amendement est aussi l'occasion de rappeler le sens de nos travaux, dans un contexte politique particulier, qui explique que nos débats soient suivis avec une particulière attention. Monsieur Maillard, je ne vous souhaite, ni à vous ni à l'un de vos proches, d'avoir affaire aux urgences, dans les semaines ou les mois qui viennent. On parle beaucoup des urgences mais, on le sait bien, l'ensemble des services sont concernés, en cascade – autrement dit, l'hôpital dans son ensemble : 13 % des lits d'hôpitaux publics ont fermé, soit plus de 50 000 lits. On estime que la charge en soins a augmenté de près de 15 %, alors que, dans le même temps, les effectifs n'ont progressé que de 2 %. L'hôpital public ne tient plus que par le dévouement des fonctionnaires qui y travaillent, et ils appellent à l'aide : ils ne demandent pas grand-chose, ne réclament pas des rémunérations mirifiques mais souhaitent pouvoir effectuer leur travail dans de bonnes conditions. Cela passe, certes, par une revalorisation des salaires mais, avant tout – c'est ce qu'ils demandent – par l'arrêt des fermetures de lits et l'association des usagers aux décisions. Puisque nous avons voté hier la compensation par l'État des exonérations de cotisations sociales, j'espère que, dans l'hémicycle, la semaine prochaine, au moment où les hospitaliers seront réunis devant l'Assemblée nationale, nous pourrons accomplir, collectivement, un geste fort. Si nous obtenons cette compensation de l'État, elle devra être directement fléchée en direction d'un véritable plan d'urgence pour l'hôpital public. Nous nous hisserions ainsi à la hauteur du débat que nous devons avoir dans ce contexte politique.
J'ai fait ma dernière garde aux urgences, – pourtant dans un grand CHU –, alors que j'étais neurologue et non urgentiste ; mais on faisait appel aux médecins hospitaliers non urgentistes pour pallier les difficultés éprouvées par les équipes pour assurer les lignes de garde. C'était il y a cinq ou six ans, mais on éprouvait déjà de très grandes difficultés pour assurer toutes les permanences de soins dans les services d'urgences. J'arrive à 18 heures pour assurer la garde après ma journée de travail ; on me donne la liste des vingt patients dont j'aurai la charge, déjà admis aux urgences. À mesure qu'on me présente ces patients, qu'on égrène leurs noms, de nouveaux patients arrivent toutes les 5 à 10 minutes, qui sont répartis entre les étudiants en médecine, les internes, les médecins, mais également – et surtout – le personnel soignant, qui court en tous sens pour poser une perfusion, donner un traitement, accompagner un patient aux toilettes, répondre à une inquiétude, informer les familles.
Au fur et à mesure de la garde, les patients sont de plus en plus nombreux dans les couloirs des urgences – car il n'y a évidemment pas assez de salles de consultation. On commence donc à les examiner dans les couloirs, en s'efforçant de respecter le caractère privé de l'examen clinique. Il faut ensuite pouvoir hospitaliser dans les services certains patients, dont la gestion médicale aux urgences est terminée : la difficulté consiste à trouver des lits d'hospitalisation vacants. Parfois, on ne dispose que d'une place en chirurgie orthopédique pour une patiente de 85 ans, diabétique, souffrant d'insuffisance rénale et d'une infection pulmonaire. Vous décrochez alors votre téléphone pour trouver une place à ce malade, vous réveillez l'orthopédiste de garde pour lui demander s'il accepte une patiente qui ne relève pas de sa discipline. Parfois, on finit par placer des patients dans les couloirs.
Cette réalité des hôpitaux, qui remonte à de nombreuses années déjà, personne ne peut nier, personne ne la conteste. Cela ne veut pas dire que ce soit le cas dans tous les services, mais cela concerne beaucoup d'hôpitaux. Cette situation ne peut pas durer : chaque année, on compte 5 à 6 % de patients en plus dans des services d'urgences déjà sous-dimensionnés, alors que les lits d'hospitalisation sont déjà si difficiles à trouver.
Les raisons en ont été rappelées, dans son rapport, par mon collègue Thomas Mesnier. La ministre des solidarités et de la santé a fait des propositions très concrètes pour l'amont, c'est-à-dire pour éviter que les patients arrivent aux urgences alors qu'ils n'y ont pas leur place. S'ils sont venus malgré tout, il faut les réorienter vers certaines structures alternatives, dans l'hypothèse où elles existent. Mme Buzyn entend améliorer la qualité de travail du personnel soignant aux urgences, en renforçant, dans certains cas, les lignes de permanence des soins. Elle souhaite également que ces soignants bénéficient d'une prime. S'agissant de l'aval, il est important de prendre en compte – ce que personne ne conteste non plus – la capacité à hospitalier les patients lorsqu'ils relèvent de l'hôpital, une fois passés par les urgences. Personne ne peut considérer qu'il est seul responsable de la situation, mais personne ne peut s'en laver les mains. Il nous incombe de faire face à ces difficultés. L'intérêt du collectif interurgences est d'avoir insisté auprès de l'opinion publique, qui y était déjà sensibilisée, et des politiques, qui l'étaient évidemment aussi, sur la nécessité de prendre soin rapidement de celles et ceux qui prennent soin de nous, quand nous sommes aux urgences. Tel est l'objet des politiques conduites depuis quelques mois. Je peux vous assurer qu'on parlera du financement, des 750 millions, du budget de l'hôpital, dans ce PLFSS, tant en commission qu'en séance, parce qu'il y a urgence, que c'est important et que personne ne peut nier ces difficultés.
Par cet amendement, notre collègue Thomas Mesnier met en lumière le fait que les urgences n'ont pas à être financées en fonction de l'activité, et qu'il faut être capable de réorganiser leur financement, de manière à assurer le développement de structures alternatives de prise en charge et de réduire la pression sur les soignants, les médecins exerçant dans les services d'urgence. On peut tous travailler dans le même sens, on partage tous le même diagnostic, ce qui pourrait déboucher sur une forme d'union nationale. J'espère qu'on sera très nombreux, pour ne pas dire unanimes, à voter cet amendement.
Il n'est pas question de tenir un discours caricatural ; la gravité de la situation exige qu'on aborde le sujet dans toute sa complexité, en essayant d'avoir un débat serein. La situation des urgences est aujourd'hui très difficile – les nombreuses visites que j'ai effectuées depuis plusieurs mois m'en ont offert un beau panorama – même si certains services, qu'il faut savoir mettre en lumière, s'en sortent bien et peuvent servir d'exemples à d'autres.
Je voudrais réagir à certains propos. J'ai entendu un de nos collègues affirmer qu'il ne souhaitait pas à son prochain d'être pris en charge aux urgences. Je veux insister sur le fait que, malgré les difficultés, nos services d'urgences sont exemplaires : on y est parfaitement soigné, en sécurité et avec toute la qualité des soins qu'on peut attendre du service public. Il est bon de le rappeler. De même, il faut en finir avec ce discours simpliste sur les fermetures de lits. Celles-ci ont été réalisées depuis plusieurs années, sous différents gouvernements, non pour réaliser des économies mais en raison de changements de pratiques et d'organisation, notamment du fait du développement de la médecine et de la chirurgie ambulatoires. Il faut cesser de tenir des propos caricaturaux, qui sont de nature à faire peur. La question des lits d'aval est un véritable sujet, dans certains services. C'est pourquoi, dans le pacte de refondation des urgences, qui correspond au plan d'urgence que vous appelez de vos voeux, monsieur Door...
.. la ministre annonce des ouvertures de lits au cas par cas.
Cet amendement permettra de répondre en partie à la question des moyens. Peut-être faudra-t-il aller plus loin ; c'est l'objet de nos débats en commission.
Monsieur le rapporteur général, vous avez raison : personne ne peut nier l'ancienneté du problème des urgences. Personne ne peut contester non plus le fait que Thomas Mesnier ait dressé, sur cet aspect des choses, un constat tout à fait pertinent. Vous évoquiez, monsieur Véran, votre expérience de médecin dans un service d'urgences ; moi qui ne suis pas médecin, je voudrais vous faire part de mon expérience d'élu d'un territoire, la Sarthe, où il n'existe, pour ainsi dire, pas d'urgences. Je suis l'élu d'un territoire où il manque trente-trois médecins urgentistes, où sept des huit services d'urgences ont fermé pendant l'été, où les véhicules des services mobiles d'urgence et de réanimation restent au garage, faute de médecins pour les armer. Si je fais un accident vasculaire cérébral demain, chez moi, il me faudra attendre 50 minutes pour que le SAMU vienne me chercher, et 50 minutes de plus pour qu'il me conduise à l'hôpital du Mans. Chez moi, il faut avoir une solide constitution quand on est malade !
Nous sommes bien évidemment favorables à cet amendement. À côté du financement et de l'organisation des urgences, il faut aussi prendre en considération la demande des patients, qui présente des traits nouveaux : beaucoup de gens se présentent aux urgences parce qu'ils veulent bénéficier de soins immédiats. C'est pourquoi le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés présentera une proposition de loi relative aux points d'accueil pour soins immédiats. Il faut faire face aux problèmes de l'amont, à ceux de l'aval, s'atteler aux questions du financement et de l'organisation, tout en répondant aux demandes des patients.
La commission adopte l'amendement.
Elle se saisit de l'amendement AS432 de M. Michel Castellani.
Cet amendement vise à ce que, dans les zones fragiles, la région – et, en Corse, la collectivité de Corse – assume la responsabilité d'établir la valeur du coefficient géographique. Il vise à adapter au mieux les coefficients à des régions qui éprouvent des difficultés, des contraintes territoriales particulières. Il s'agit d'appliquer une politique inclusive de façon à répondre de la meilleure façon possible aux besoins locaux. Pour ce qui concerne la Corse, les hôpitaux souffrent de conditions spécifiques, sur lesquelles je vous propose de revenir à l'occasion de l'examen de l'amendement suivant.
Nous avons débattu tout à l'heure du coefficient géographique. Une demande de rapport sera certainement formulée en séance sur la question de l'insularité et des soins. Je ne peux pas donner un avis favorable à cet amendement, dont je m'étonne d'ailleurs qu'il ait franchi le seuil de l'article 40. Il vise en effet à ce que la collectivité de Corse détermine le coefficient géographique qui affectera le tarif versé par l'assurance maladie ; ainsi, la collectivité pourrait potentiellement décider, demain, que l'assurance maladie finance les soins en fonction d'un coefficient double lorsqu'ils sont effectués en Corse. Vous comprendrez qu'on ne puisse pas employer un tel outil. Défavorable sur cet amendement et le suivant.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS437 de M. Michel Castellani.
Cet amendement répond à la même logique mais concerne spécifiquement la Corse : la collectivité aurait la responsabilité d'établir la valeur du coefficient géographique. Les hôpitaux de Corse souffrent de conditions spécifiques. Ils supportent des surcoûts de toute sorte, liés à l'insularité ; ils doivent faire face à d'énormes variations de la population au cours de l'année ; ils accusent une dette financière considérable, due à l'absence de prise en compte des surcoûts. Ces hôpitaux doivent trouver les moyens nécessaires pour mener à bien des programmes d'investissement. La problématique des compétences de la collectivité de Corse est prégnante. La très grande majorité des Corses souhaitent que les réalités insulaires soient mieux prises en compte ; leur voix est exprimée par la collectivité de Corse. Il s'agirait, en l'occurrence, d'instituer une cogestion entre l'État et la collectivité.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe, en discussion commune, aux amendements AS346 de Mme Jeanine Dubié et AS733 de M. Stéphane Viry.
L'amendement AS346 vise à garantir l'équité de la répartition entre les secteurs public et privé dans le cadre de l'enveloppe dédiée aux missions d'intérêt général et aux aides à la contractualisation (MIGAC). Il a pour objet d'améliorer le suivi et l'évaluation des actions financées au titre de ces missions, notamment en matière de soutien aux établissements de santé, par les aides à la contractualisation.
Chacun sait que l'enveloppe MIGAC, dont les conditions d'obtention ne sont pas toujours très claires, à croire les gestionnaires d'établissement, est accordée de façon rétrospective, ce qui prive de toute visibilité. Cela peut donner à penser que l'allocation des moyens alloués résulte d'une décision discrétionnaire. Par ailleurs, si le financement MIGAC est calculé sur la base d'un pourcentage du budget alloué passé, un établissement qui connaît une croissance de ses activités et de ses recettes a intérêt à obtenir un pourcentage plus élevé. Mon amendement est inspiré par la même philosophie que celui de Mme Dubié : il vise à poser un principe d'équité, afin d'assurer une plus grande transparence et un meilleur équilibre dans les dotations MIGAC aux établissements, notamment entre le public et le privé.
Défavorable. On n'a pas vocation, en la matière, à traiter de façon identique tous les établissements. Les MIGAC financent en particulier des activités de recherche et d'enseignement ; les thèmes concernés justifient une forme d'iniquité entre le secteur public, qui a la charge de la mission de formation et de recherche, et le secteur privé.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle examine l'amendement AS130 de M. Pierre Dharréville.
Il s'agit d'une demande de rapport pour évaluer les effets du virage ambulatoire sur l'offre publique de soins, la qualité des soins et les conditions de travail des personnels hospitaliers.
Ce travail relève de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). Avis défavorable.
Le virage ambulatoire constitue un réel sujet de préoccupation. C'est un des socles sur lesquels reposent les politiques publiques en matière de santé ; on l'a évoqué pour la psychiatrie, mais cela concerne l'hôpital public dans son ensemble. J'ai constaté, lors de nombreuses étapes de mon tour de France, que cette évolution suscitait des difficultés. Des objectifs chiffrés sont définis, bien souvent, de manière arbitraire et empêchent, in fine, de tenir compte de la situation de chaque patient. Il me semble qu'il faudrait évaluer les surcoûts que cela peut représenter pour l'hôpital public et la sécurité sociale.
Je confirme à M. Dharréville que la MECCS est en train de préparer un rapport sur ce sujet, corédigé par Marc Delatte et Nadia Ramassamy.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS127 de M. Pierre Dharréville.
Je remercie M. Lurton de cette précision. Ce travail me semble utile. Les demandes de rapport que nous formulons visent à nous faire connaître les réalités et à lancer un débat politique nous ne parviendrons pas à susciter autrement. L'amendement AS127 demande un rapport sur l'effet de la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) sur l'offre publique de soins, les conditions de travail des personnels hospitaliers et la qualité des soins. Ils ont été institués il y a déjà un certain temps. Il est à présent nécessaire d'avoir un retour d'expérience, d'autant plus qu'ils ont provoqué des dégâts dans des hôpitaux périphériques.
L'article 37 de la loi sur l'organisation et la transformation du système de santé réforme et modifie en profondeur le cadre des GHT. Il est donc un peu tôt pour procéder à une évaluation. En revanche, je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il faudra mener, à terme, une évaluation rigoureuse de ces structures, qui pourrait être l'oeuvre de la MECCS ou du Printemps de l'évaluation, voire – mais c'est encore trop tôt, surtout au regard du délai de six mois que vous proposez – d'un rapport du Gouvernement. Avis défavorable.
Dans l'état actuel des choses, et d'après ce que j'ai pu constater, je préférerais que ce soit la MECCS...
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS57 de Mme Marine Brenier.
J'ai retiré mes amendements précédents car ils avaient été déplacés par les services de l'Assemblée, ce qui leur avait fait perdre toute pertinence. L'amendement AS57 se situe dans leur prolongement. Il demande un rapport sur la tarification à l'activité et la possibilité de modifier le mode de financement des établissements hospitaliers. J'ai entendu les propos de notre collègue sur la dotation populationnelle. Si celle-ci peut avoir un intérêt, il faut veiller à ne pas défavoriser plus encore les petites villes et les zones rurales, qui éprouvent déjà les difficultés liées à la tarification à l'activité. Le candidat Emmanuel Macron s'était engagé à revenir sur ce mode de financement : il serait temps de concrétiser cette promesse.
J'ai écrit un rapport sur la T2A et le mode de financement de l'hôpital. Une task force, conduite par Jean-Marc Aubert, a travaillé en continu sur ces questions. De nombreux rapports ont été rédigés sur la T2A et les modalités de financement des établissements hospitaliers. La loi prévoit déjà que le Gouvernement doit remettre au Parlement, tous les ans, un rapport – que nous n'avons pas reçu depuis deux ans – sur le financement des établissements de santé, sans que beaucoup ne s'en émeuvent ici. À la lecture de votre amendement, j'ai sollicité le Gouvernement pour que nous le recevions rapidement. Je vous propose de le retirer.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS126 de M. Pierre Dharréville.
Cet amendement demande un rapport évaluant l'impact du PLFSS sur la qualité de vie au travail des personnels des établissements de santé. Le Premier président de la Cour des comptes nous a montré, lorsque nous l'avons reçu il y a quelques jours, un tableau assez édifiant sur la santé au travail dans le secteur social.
Les chiffres étaient suffisamment éloquents pour qu'on s'en inquiète ; il faut vraiment en prendre la mesure. Monsieur le rapporteur général, si vous souhaitez que ce sujet soit traité dans le cadre du Printemps de l'évaluation, j'y suis tout à fait favorable, même si cela ne suffira pas, me semble-t-il, pour relever le défi. J'essaie de vous titiller, ou parfois de montrer patte de velours, pour que vous acceptiez l'un ou l'autre de mes amendements... C'est un sujet extrêmement prégnant. Dans la fonction publique existe un problème de souffrance au travail qui n'est pas pris en compte à sa juste mesure. Dans le secteur de la santé, à l'hôpital public, c'est une question gravissime, comme l'attestent les dernières rencontres que j'ai faites sur mon territoire, avec des gens qui travaillent en psychiatrie, dans les urgences. Certaines décisions nous appartiennent, dans le cadre du PLFSS, de manière globale, mais nous devons aussi nous interroger sur les dispositifs particuliers que nous pourrions instituer.
J'ai été, comme vous, édifié par le tableau de la Cour des comptes, qui montrait que le nombre d'arrêts de travail dans le secteur de la santé, du social et de l'invalidité atteignait des proportions sans commune mesure avec celles rencontrées dans l'ensemble des catégories professionnelles. Les causes en sont probablement multifactorielles. La dureté des missions est une cause majeure – le fait d'être en permanence au contact de personnes malades, en souffrance, de travailler tout le temps dans l'urgence, d'être soumis à un temps de travail atypique, qui rend possible la continuité des soins, impose des gardes de 24 heures et de longues journées. Tous les métiers du soin sont concernés. La dureté, la pénibilité des missions expliquent déjà en soi ces résultats. Vous demandez une évaluation de l'effet du PLFSS, en tant que tel, sous-entendant par-là, j'imagine, que les budgets seraient insuffisants pour assurer la bonne rotation des structures et qu'ils seraient donc source de souffrance professionnelle. Il s'agit là, à n'en pas douter, d'un amendement d'appel. Vous suggériez que ce sujet soit abordé dans le cadre du Printemps de l'évaluation ; je vous dirai la même chose que l'année dernière : vous y êtes les bienvenus, car cet exercice n'est pas réservé à la majorité. Vous avez constaté qu'en 2018, nous avions titillé les administrations sur beaucoup de sujets. Il serait intéressant de mener cette réflexion ensemble, même si l'on ne se rejoindra pas forcément sur le fond.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement AS275 de M. Jean-Louis Touraine.
Je ne suis pas un fanatique des demandes de rapport, mais il me semble urgent qu'on fasse le point sur le financement de la recherche et de l'innovation à l'hôpital, sujet dont chacun comprend l'importance. Je demande donc au Gouvernement l'établissement d'un rapport sur l'évolution du financement des missions de recherche et d'innovation au sein des établissements de santé. Ce financement est en effet confronté à des budgets en décroissance : 7 milliards en 2002 contre 3,7 milliards aujourd'hui. À cette contrainte budgétaire s'ajoute le fait qu'une proportion notable de cette enveloppe est parfois utilisée à des fins autres que la recherche et l'innovation. Ainsi, la part de l'enveloppe des missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation (MERRI), destinée à financer des actes de biologie et d'anatomopathologie en recherche, finance en fait, dans l'attente de leur intégration dans la nomenclature, des actes de biologie médicale devenus courants. Ce sont autant de moyens divertis de leur finalité – l'innovation et la recherche. L'amendement demande un rapport pour y voir clair et s'assurer qu'un minimum de moyens est accordé à la transcription de la recherche et au développement de l'innovation dans les hôpitaux publics.
Avant qu'on ne termine l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 26, je veux rappeler que de nombreux amendements ont été jugés irrecevables – ce que je regrette –, notamment l'un d'eux, que nous avions présenté, qui avait pour objet de créer un fonds en faveur des urgences. Compte tenu de tout ce qui a été dit, je ne reviendrai pas sur le manque de personnel, les conditions de travail, les agressions dont sont victimes de manière croissante les soignants, la carence de lits d'hospitalisation en aval. Toutes ces raisons conduisent à une situation de rupture. Certes, la ministre a annoncé une enveloppe de 750 millions jusqu'en 2022, mais je regrette vraiment que nous n'ayons pu échanger sur la création de ce fonds, qui aurait pu répondre à la situation d'urgence actuelle.
Par nature, la création d'un fonds contrevient à l'article 40 de la Constitution – ce n'est pas moi qui en décide.
La répartition des crédits de financement des missions de recherche et d'innovation au sein des établissements de santé est très complexe, mais a déjà fait l'objet de nombreuses évaluations, dont certaines sont récentes. La Cour des comptes a publié, en 2018, un excellent rapport sur le rôle des CHU dans la recherche, qui apporte des réponses. Nous avions par ailleurs rencontré les membres de la mission sur « Le CHU de demain ». La mission sur le financement des établissements de santé s'est également penchée sur la question. Enfin, la mission Aubert s'y consacre. Vous pouvez peut-être interpeller la ministre sur l'évolution des crédits MERRI, dédiés à l'enseignement et à la recherche, dans le cadre du débat dans l'hémicycle. Je ne crois pas qu'un rapport au Parlement s'impose vraiment. Au-delà de la question des crédits MERRI, il y a bien d'autres enjeux, tels que la péréquation hospitalo-universitaire ou la sanctuarisation d'un sous-ONDAM dédié à la recherche et à l'enseignement. Je vous propose donc de retirer votre amendement et d'en discuter avec la ministre dans l'hémicycle. À défaut, l'avis serait défavorable.
Si cet amendement demande un rapport, c'est parce que les autres formulations n'ont pas été jugées recevables. Comme vous le suggérez, monsieur le rapporteur général, il me semble essentiel que, sur ce sujet, la ministre puisse apporter des éclaircissements. Je maintiens l'amendement pour entamer la discussion dans l'hémicycle. À la suite de toutes les évaluations qui ont été effectuées, lesquelles ont démontré les insuffisances de financement, la ministre pourra nous dire ce qui va être fait. Pour l'instant, aucune correction n'a été apportée aux anomalies qui ont été dépistées, en particulier par le rapport de la Cour des comptes.
Notre groupe est favorable à cette demande de rapport, et souhaite l'étendre à d'autres domaines. On sait que des sommes qui sont en principe fléchées vers des maladies rares, telles que la mucoviscidose, par exemple, suivent d'autres circuits. Il me paraît important d'assurer un contrôle pour savoir où sont affectés ces fonds.
Lors des précédentes législatures, on a souvent évoqué les MIGAC et les MERRI. Il ne me paraît pas inutile que la commission des affaires sociales dispose d'un rapport du ministère sur l'évolution de ces dotations. Je sais qu'on peut obtenir des informations à titre individuel, mais la commission devrait recevoir régulièrement un rapport – si ce n'est tous les ans, du moins tous les deux ou trois ans.
Ce sujet important mobilise de manière récurrente un certain nombre de parlementaires. J'avais proposé, il y a quatre ans, de sanctuariser un sous-objectif de l'ONDAM dédié à la recherche et à l'enseignement, pour sortir des crédits MERRI, tels qu'on les connaît aujourd'hui. Ces évolutions peuvent susciter des interrogations et nourrir des oppositions, s'agissant, par exemple, de la péréquation des postes hospitalo-universitaires sur le territoire national. Ainsi, entre le CHU de Lille-V et la faculté de médecine de Paris-Descartes – de mémoire –, le ratio d'encadrement étudiant par universitaire varie de plus de 1 à 2. En travaillant sur ce sujet, on traite de nombreuses questions. C'est très compliqué, parce qu'on va aussi aborder, au-delà des crédits MERRI, les taux de recours ; l'hôpital qui a le taux le plus élevé en France n'est pas public : c'est l'hôpital Marie-Lannelongue, ESPIC qui a un taux de recours supérieur à 40 % ; autrement dit, 40 % des patients qui y sont soignés sont adressés par d'autres établissements, parce que cet hôpital est le seul à pouvoir réaliser de la chirurgie cardiaque pédiatrique – entre autres – extrêmement complexe. Le modèle des CHU avait été pensé en partant de l'hypothèse qu'ils auraient un taux de recours considérable. En réalité, l'immense majorité de l'activité des CHU prend aujourd'hui la forme de soins de proximité, de premier recours. Des bascules de financement se sont opérées, avant qu'on n'ajoute des rustines, sous la forme – pour ne citer qu'elles – de MIGAC et de MERRI, sans cesse évolutives, parce qu'elles ne répondent pas aux besoins des établissements concernés. Aujourd'hui, le système est complexe sans être toujours équitable. La loi « santé » a traité de la question – ce n'est pas ma collègue Stéphanie Rist qui dira le contraire, puisqu'elle y a beaucoup travaillé – et a apporté des éléments de réponse. Je ne pense pas qu'un rapport soit indispensable. La discussion avec la ministre pourrait, éventuellement, déboucher sur la décision d'élaborer un rapport au champ d'application plus vaste que l'intitulé proposé. En effet, vous vous cantonnez aux MERRI, ce qui me paraît regrettable. Stratégiquement, si j'étais, comme vous, désireux d'avoir un rapport, je retirerais mon amendement pour en rédiger un autre, plus global, d'ici la séance, en concertation avec la ministre. J'y donnerais alors un avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Article 27 : Réforme du financement : nomenclatures de ville
La commission est saisie de l'amendement AS688 de M. Jean-Carles Grelier.
Cet amendement a pour objet d'apporter une petite précision de vocabulaire. Il va être créé, par voie réglementaire, une instance chargée de réviser la nomenclature des actes. L'amendement vise à ce que l'ensemble des professions libérales, médicales et paramédicales, soient représentées au sein des instances chargées de la révision de la nomenclature.
Il me semble qu'une discussion est en cours sur les modalités de la concertation à venir. Spontanément, je vous dirais que des représentants des professionnels seront, de manière certaine, représentés, puisque la révision de la classification doit être proposée à la convention ; l'écrire dans la loi me paraît superfétatoire. Proposition de retrait ou avis défavorable.
L'amendement AS688 est retiré.
La commission adopte l'article 27 sans modification.
Après l'article 27
La commission examine les amendements identiques AS269 de M. Jean-Louis Touraine, AS296 de Mme Josiane Corneloup, AS455 de Mme Jeanine Dubié, AS459 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS1006 de M. Paul Christophe.
L'amendement AS269 vise à ce que l'ensemble des fédérations soient consultées dans le cadre des discussions préalables à l'élaboration des conventions. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas : les discussions se tiennent entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et les médecins libéraux. Les fédérations nationales ne participent pas à la fixation des tarifs des actes médicaux ni à leur hiérarchisation, alors qu'elles subissent les conséquences des décisions prises dans plusieurs domaines, tels le programme de médicalisation des systèmes d'information ou la valorisation dans le cadre de la T2A. L'amendement vise à ce que l'ensemble des fédérations – pas une en particulier –, qui représentent les établissements publics ou privés, hospitaliers ou médico-sociaux, participent à la concertation en amont de l'élaboration des conventions annexes et des avenants conclus entre l'UNCAM et les professionnels de santé.
La loi du 13 août 2004 confie aux représentants des médecins libéraux et à l'UNCAM le soin de hiérarchiser et de fixer les tarifs des actes médicaux. Les fédérations hospitalières ne sont pas consultées, ni même parfois informées des discussions engagées dans ce cadre, alors qu'elles sont directement concernées par les résultats de ces négociations. L'amendement AS296 vise à recueillir l'avis préalable des fédérations hospitalières publiques et privées sur les mesures conventionnelles qui ont des répercussions significatives sur le pilotage et le fonctionnement des établissements de santé, dans le cadre des concertations précédant le mécanisme d'approbation tacite ou d'opposition. Le but est d'accompagner la logique des parcours de santé et de décloisonnement entre la ville et l'hôpital, mais aussi de renforcer l'attractivité médicale des établissements de santé.
Ces amendements, qui reviennent chaque année depuis bientôt dix ans, émanent des fédérations hospitalières. Dans la mesure où une partie de leur activité consiste en des actes et consultations externes, dont le tarif est défini par la convention médicale – laquelle ne réunit que les médecins libéraux, l'assurance maladie et les représentants des complémentaires –, les fédérations souhaitent avoir leur mot à dire. Sur le papier, en effet, on peut se demander pourquoi les fédérations sont exclues des négociations. En réalité, l'adoption de ces amendements n'assurerait pas l'information des fédérations mais les associerait aux représentants des établissements de santé pour déterminer les tarifs, qui concernent, à une écrasante majorité, la médecine de ville. Votre intention est louable, mais vous déclencheriez une révolution copernicienne qui percuterait le fonctionnement de la convention médicale et les relations contractuelles entre l'assurance maladie et les partenaires sociaux. Mon avis est défavorable ; je partage l'idée qu'il faudra un jour définir une forme d'association des secteurs hospitaliers à la détermination des tarifs des actes qui leur sont proposés par l'assurance maladie, mais cela ne peut se faire comme cela. Je crois avoir moi-même déposé un amendement similaire au cours de mon mandat précédent, avant de me rendre compte des incidences qu'il pouvait avoir et de le retirer.
Et si nous les sous-amendions en prévoyant que les fédérations disposent d'une voix consultative et non délibérative ?
Je rejoins les propos du rapporteur. On souhaite une plus grande coopération entre la ville et l'hôpital, un décloisonnement, une meilleure articulation entre les hôpitaux et les CPTS. Cette demande est légitime : la création d'un espace de dialogue autour d'objectifs partagés ne pourra qu'améliorer le service rendu.
On est vraiment à la croisée des chemins. Nous l'avons dit et répété : nous souhaitons faire travailler ensemble la ville et l'hôpital. Cela étant, je suis parfaitement d'accord avec le rapporteur. Les tarifications demeurent une grande source de préoccupation pour les médecins de ville, dans le cadre de la réorganisation des nomenclatures ; interférer dans cette construction serait un message difficile à entendre, pour ne pas dire très dangereux. On doit construire le lien entre la ville et l'hôpital, même si l'on en connaît la complexité. La relation sera difficile à bâtir. La médecine de ville pourrait être très crispée par cette attitude, ce qui nous empêcherait d'avancer. Ce serait regrettable, car je ne suis pas certain que les fédérations aient, pour l'instant, un rôle important à jouer dans cette affaire, même si je suis d'accord sur le fait qu'elles doivent être informées. Leurs préoccupations, à ce stade, ne sont pas les mêmes.
Je ne suis pas tout à fait d'accord sur le constat de la « dangerosité ». Nous voulons forfaitiser la prise en charge de certaines maladies. La forfaitisation est actuellement appliquée à l'hôpital et est expérimentée dans certaines CPTS. Ce serait une bonne chose, me semble-t-il, que les acteurs puissent se parler. Peut-être, demain, aurons-nous aussi des forfaits ville-hôpital, bien que ce soit complexe à construire. Il me semble que cet amendement favoriserait cette concertation et l'acceptation des différents points de vue.
Je voudrais également apporter mon soutien à ces amendements. Je suis de près une CPTS sur mon territoire, où les barrières sont tombées avec l'hôpital. Une plateforme numérique de soins a été instituée, qui permet l'accompagnement de A à Z pendant le temps hospitalier, le temps des pratiques libérales et, parfois, celui du retour à l'hôpital. Cela a créé une véritable efficience. Toutefois, celle-ci nécessite, à un moment ou à un autre, la représentation des fédérations hospitalières au sein des organismes décisionnaires. À défaut, on va recréer un cloisonnement. Le décloisonnement qui est en train de s'installer constitue une chance historique. Il n'y aura pas de meilleure prise en charge des patients tant que la mutualisation complète entre le public et le privé ne sera pas établie et que ces espaces de dialogue ne seront pas confortés. Cela implique que chacun puisse participer aux décisions qui concernent la vie des patients au quotidien. Vous le savez, les patients se moquent d'être dans une structure privée ou publique. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on leur apporte la plus grande efficience de soins, ce qui nous engage tous.
Je soutiens la proposition du rapporteur général. Adopter ces amendements reviendrait à enfoncer un coin dans le système conventionnel, qui rassemble les représentants de l'assurance maladie – l'UNCAM – et les syndicats médicaux représentatifs. Les fédérations, quant à elles, ne sont pas des syndicats médicaux représentatifs mais des associations émanant des établissements hospitaliers privés et publics. Les tarifs des actes médicaux sont discutés et négociés avec les syndicats représentatifs des professionnels médicaux, tels que les médecins, les dentistes et les infirmières, pour ne citer qu'eux. Chaque profession est soumise à une convention. Ne rompons pas le système conventionnel ; ce n'est vraiment pas le moment.
Je suis d'accord avec M. Vigier quand il dit qu'il faut réduire la dichotomie entre la rémunération en ville et celle à l'hôpital. Mais ce n'est pas à cette question que répond l'amendement : il vise uniquement à permettre aux fédérations hospitalières de participer à la négociation conventionnelle. Même si nous devons aller vers une convergence des modes de rémunération, ce n'est pas du tout ainsi qu'il faut s'y prendre.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'ont dit Stéphanie Rist, Jean-Pierre Door et d'autres : on peut penser que c'est une bonne chose que de permettre aux fédérations représentatives des hôpitaux d'avoir leur mot à dire sur la tarification des actes réalisés à l'hôpital. Mais ce n'est pas ce que dit l'amendement : en réalité, on ne pourra plus déterminer le tarif d'un acte réalisé en médecine de ville sans demander au préalable l'accord des fédérations hospitalières.
Je vous invite à suivre les discussions qui peuvent se tenir au sujet de certains actes et de certaines campagnes tarifaires, ne serait-ce qu'entre les fédérations publiques, privées et associatives. Il est particulièrement révélateur qu'une fédération – la Fédération hospitalière de France, dont le nom même montre bien qu'à sa création, il n'était pas envisagé que d'autres fédérations hospitalières puissent voir le jour – nous demande régulièrement de porter cet amendement, ce qui doit tous nous inciter à la plus grande prudence. Sans même parler d'une forme de négation du dialogue social, qui est une très vieille histoire entre l'assurance maladie et les syndicats représentatifs de médecins.
Je suis d'accord pour qu'on puisse permettre aux hospitaliers d'avoir leur mot à dire sur la façon dont les activités de consultation externe et les modalités de calcul des forfaits leur sont proposées, mais nous n'avons certainement pas à imposer l'accord de l'ensemble des fédérations, tous secteurs hospitaliers confondus, pour déterminer le prix d'un acte réalisé dans 99 % des cas en médecine de ville – ou alors, il y a du souci à se faire pour la convention médicale...
L'amendement est un peu plus nuancé que ce que nous en dit le rapporteur général : il ne propose pas que les fédérations aient un droit de veto sur quoi que ce soit, mais simplement qu'elles soient consultées en amont.
En d'autres termes, les fédérations n'ont pas vocation à prendre part à la décision, qui se prend entre l'UNCAM et les représentants du secteur libéral. Cette concertation, en amont de cette discussion, associant les fédérations des hôpitaux publics, privés ou privés à but non lucratif, leur permettra simplement d'émettre un avis, dont il sera tenu compte ou non : l'essentiel est qu'il y ait eu un dialogue. Je le répète, il n'est absolument pas question que les fédérations décident des tarifs ; il convient de présenter les choses de façon plus nuancée.
Nous sommes aussi têtus l'un que l'autre, Jean-Louis Touraine ! Pour ma part, je persiste et signe : votre amendement ne vise pas à ce que les fédérations soient informées en amont, il les habilite à participer aux négociations conventionnelles, que même titre que les syndicats médicaux. C'est bel et bien ce que dit l'amendement que vous avez déposé.
Comme le dit notre collègue Touraine, cet amendement propose seulement que les fédérations donnent un avis préalable – qui n'a pas à être conforme –, et non leur accord sur les tarifs. La lecture du rapporteur général me semble donc un peu excessive.
La convention est conclue entre deux parties : l'assurance maladie et les médecins. Rien n'empêche les fédérations d'aller à la rencontre des syndicats pour se mettre d'accord et conventionner avec l'assurance maladie. Il n'est déjà pas simple de faire aboutir une négociation conventionnelle entre deux partenaires... Si l'on en ajoute un troisième, cela devient encore plus compliqué !
La commission rejette les amendements.
Article 28 : Prise en charge des dispositifs médicaux : sécurisation des dépenses, négociation des prix en cas de concurrence
La commission est saisie successivement des amendements AS252 et AS55 de M. Paul Christophe.
Si je comprends l'idée portée par l'article 28, et si l'on ne peut que souscrire à l'idée consistant à vouloir réduire le reste à charge pour les patients, la mise en place d'un mécanisme de référencement des dispositifs médicaux en ville pose de nombreuses questions, dont la plupart demeurent sans réponse – ce qui a motivé un certain nombre d'amendements de ma part.
Cette mesure engendrerait une complexification des procédures d'accès au marché, avec un risque d'allongement des délais, contraire aux engagements issus du Conseil stratégique des industries de santé qui s'est tenu en juillet 2018.
Dans le domaine des véhicules pour personnes handicapées, qui seraient, au moins à ce stade, plus particulièrement visés par cette disposition, le référencement ajouterait donc une étape supplémentaire en vue de la prise en charge de ces matériels, au risque de ralentir leur accès au marché. Surtout, la France a déjà mis en place, en sus du marquage CE et de l'étape d'évaluation de la Haute Autorité de santé, la nécessité d'une validation technique supplémentaire par le Centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés en vue de l'accès au marché de ces dispositifs pour les personnes en situation de handicap – ce qui n'existe pas dans d'autres pays. Enfin, comme le notait déjà l'IGAS en 2015, cette disposition interroge le droit de la concurrence et nécessite, ne serait-ce que pour cette raison, un avis préalable de l'Autorité de la concurrence.
C'est pourquoi l'amendement AS252 propose de mettre fin à cette disposition, en supprimant les alinéas 12 à 18 de l'article 28.
L'amendement AS55, qui a le même objet, propose quant à lui de ne supprimer que les alinéas 14 à 18 du même article.
Monsieur Christophe, vous avez déposé deux amendements visant à supprimer le référencement sélectif. Si je comprends l'idée du référencement sélectif, consistant à faire baisser les prix de certains dispositifs au moyen d'une mise en compétition, mon inquiétude, relayée par l'IGAS en 2015, porte sur la durée dans le temps de la diminution de prix obtenue. Une fois qu'on aura créé un oligopole ou un monopole sur un dispositif médical au bénéfice d'un seul industriel, qu'est-ce qui l'empêchera d'augmenter à nouveau les prix, jusqu'à ce qu'ils finissent par être plus élevés qu'au départ ?
L'article 28 me semble globalement positif en ce qu'il contient des mesures extrêmement intéressantes – je pense à la consigne des dispositifs médicaux, à la lutte contre l'obsolescence programmée, à la facilitation de la disponibilité des données relatives aux prix pratiqués entre les intermédiaires, ou encore à l'accès aux personnes en situation de handicap –, mais le diable se cache dans les détails ; or il n'en manque pas dans cet article, sur lesquels nous allons devoir nous pencher en commission et en séance publique. J'aurai moi-même des questions à poser en séance à la ministre des solidarités et de la santé au sujet du référencement sélectif et de la consigne, et j'avoue que, compte tenu des incertitudes entourant les points que j'ai évoqués, j'hésite quant au sort à réserver à vos propositions.
En l'état actuel des choses, je vais émettre un avis défavorable à l'amendement AS252, et m'en remettre à la sagesse de la commission pour ce qui est de l'amendement AS55 – ce qui ne préjuge pas de mon avis sur les amendements que nous allons examiner prochainement, notamment ceux portant sur la consigne.
La commission rejette successivement ces amendements.
Elle examine ensuite l'amendement AS701 de M. Jean-Carles Grelier.
Le texte évoque la situation de monopole qui pourrait s'instaurer en l'absence de référencement des dispositifs médicaux. Mais le référencement aura aussi pour effet d'exclure un certain nombre d'entreprises, comme l'a dit le rapporteur en soulignant le risque de constitution d'un monopole.
Je suis en train d'achever un rapport pour la MECSS relatif aux achats dans les hôpitaux publics, et je peux vous dire que le référencement, de plus en plus fréquent dans les hôpitaux publics, vise aujourd'hui à exclure un grand nombre d'entreprises de la possibilité d'accéder à la commande publique, par l'application de critères pas toujours aussi limpides qu'on le souhaiterait.
J'ajoute qu'à la différence du médicament, les dispositifs médicaux font vivre de très nombreuses entreprises en France, parmi lesquelles on compte beaucoup de très petites entreprises et de start-up ; je crains qu'un référencement un peu trop accentué ne puisse avoir pour conséquence d'exclure toutes ces entreprises de la commande publique, et de la commande en général, alors qu'elles constituent une richesse pour nos territoires.
Il y a quelques mois, Julien Borowczyk et moi-même avons rendu un rapport sur les dispositifs médicaux. Il s'agit d'une question tout à la fois complexe et importante, car un marché énorme est en train de se constituer, du fait du recours croissant aux dispositifs médicaux pour la prise en charge de certaines pathologies. Or un certain nombre de ces dispositifs ont des effets assez invasifs – je pense notamment à ceux qui sont implantés dans le corps –, ce qui exige une extrême prudence quant à leurs procédés de fabrication et aux matériaux utilisés. Les logiques de contrôle public doivent être non seulement maintenues, mais aussi affinées si nécessaire, afin de garantir une parfaite sécurité dans l'utilisation des dispositifs médicaux.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS60 de M. Paul Christophe.
Le dispositif de référencement risque d'instaurer de fait un système de santé à deux vitesses, et de conduire à une rupture d'égalité d'accès à des dispositifs adaptés. Il est prévu que le remboursement par l'assurance maladie puisse être subordonné à une consigne à la charge des patients, cette dernière ne pouvant bénéficier en aucun cas d'une prise en charge par la sécurité sociale. Il s'ensuivra une rupture d'égalité entre les usagers selon que certains, qui en auront les moyens, pourront acquérir un dispositif neuf en s'acquittant du montant de la consigne et ceux qui, ne pouvant assumer le versement de cette consigne, se verront contraints de s'orienter vers un dispositif reconditionné.
Cette disposition contrevient par ailleurs à l'article 11 de la loi du 11 février 2005, qui permet à la personne en situation de handicap de participer à l'élaboration de son plan de compensation du handicap pour tenir compte de son besoin et de ses aspirations. Du fait de l'instauration d'une contrainte financière, la personne concernée ne saurait être totalement libre de son choix. L'amendement AS60 vise donc à supprimer cette disposition.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS255 de M. Paul Christophe.
L'article 28 subordonne la prise en charge de certains dispositifs pouvant être remis en état après une première utilisation à la mise en place d'une consigne à la charge des patients. La création d'une consigne à la charge du patient ne peut bénéficier « en aucun cas » d'une prise en charge par la sécurité sociale, ce qui va créer une rupture d'égalité entre patients. Par ailleurs, dans de nombreux cas, c'est l'aidant qui sera chargé de restituer le produit, en particulier en cas de décès du patient, ce qui aboutit à un système complexe et aléatoire.
Enfin, de nombreux patients utilisent un fauteuil roulant jusqu'à la fin de vie du produit : pourquoi leur imposer une consigne, alors que la collecte et le recyclage de ces produits sont prévus dans le cadre des filières de responsabilité élargie des producteurs dédiées aux déchets d'éléments d'ameublements ou aux déchets d'équipements électriques et électroniques ? C'est pourquoi le présent amendement vise à supprimer cette disposition.
Nous abordons une série d'amendements portant sur la consigne, dont on peut comprendre l'intérêt. Cependant, cette pratique soulève aussi de nombreuses questions, pour moi comme pour France Assos Santé, qui est à l'origine de ces amendements déposés par plusieurs groupes : quel doit être le montant de la consigne, en valeur absolue ou en pourcentage du prix du dispositif, qui doit la payer, ou encore qui la perçoit lors de la restitution du matériel ?
Je pense que cette série d'amendements n'est pas suffisamment aboutie en l'état et je souhaite qu'une réflexion soit engagée sur la question, afin que des propositions plus satisfaisantes puissent servir de support à une discussion avec la ministre en séance. Je vais donc donner un avis défavorable à cet amendement ainsi qu'à ceux qui suivront, non pour écarter le principe même de la consigne, mais pour faire évoluer le dispositif dans le cadre d'une initiative parlementaire.
Le principe de la consigne constitue une véritable avancée pour les personnes porteuses de handicap. L'idée consiste à les faire bénéficier, tout au long de leur vie, de matériels de qualité et adaptés à leur handicap. Comme l'a dit M. le rapporteur, les propositions formulées nécessitent d'évoluer afin d'envisager toutes les questions que pose la création d'une filière. Quand on évoque la vie des dispositifs médicaux, il ne faut pas raisonner de façon binaire : il n'y a pas seulement le neuf d'un côté, l'ancien de l'autre, il y a aussi tout ce qui a trait à la sécurisation et à l'adaptation au handicap, donc aux modifications qui doivent être apportées au matériel. Nous pouvons retravailler les propositions relatives à la consigne en vue d'en débattre en séance publique, mais les notions de consigne et de filière doivent rester au centre de la réflexion, car elles jouent, quoi qu'il arrive, au bénéfice des personnes porteuses de handicap.
La gestion des dispositifs médicaux pose effectivement un certain nombre de questions nouvelles, liées tant à la durée de vie du matériel et à son remplacement qu'à l'exigence de préserver une accessibilité aux soins égale pour tous. C'est précisément là qu'est l'écueil : nombre de personnes présentant une pathologie lourde et permanente – je pense par exemple au diabète – se plaignent déjà du reste à charge, et il ne faudrait pas que les nouvelles dispositions prises ne fassent qu'aggraver la situation de ce point de vue. J'espère que les débats vont nous permettre de défaire ce qui m'apparaît comme un noeud dans la discussion.
Si je rejoins M. Borowczyk sur le fait que l'article 28 a pour finalité d'améliorer la prise en charge, je ne vois pas en quoi l'institution d'une consigne y contribuerait. Il y a là un vrai sujet, ce qui explique que plusieurs amendements aient été déposés, et nous devons absolument trouver des réponses aux différentes questions qui se posent, tant sur les modalités de mise en oeuvre de la consigne que sur son montant.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie, en discussion commune, de l'amendement AS700 de M. Jean-Carles Grelier ainsi que des amendements identiques AS111 de M. Pierre Dharréville, AS154 de M. Paul Christophe, AS487 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS786 de M. Joël Aviragnet.
Je souscris à la position du rapporteur général sur la consigne : effectivement, il serait bien que nous ayons en séance publique, avec la ministre, un débat portant sur les raisons et l'intérêt d'instaurer une consigne, sur son montant et les questions que peuvent poser les modalités pratiques de son recouvrement et de sa restitution. Je vais maintenir mon amendement AS700 visant à supprimer les alinéas portant sur la consigne, mais je suis d'accord sur le fait que nous devons ouvrir le débat.
L'article 28 introduit la possibilité de prise en charge de certains dispositifs médicaux déjà utilisés et reconditionnés, notamment les fauteuils roulants. Selon l'article, une liste limitative des dispositifs concernés serait déterminée par décret. Il conditionne cette prise en charge par l'assurance maladie au paiement par l'assuré d'une consigne qui ne pourrait faire l'objet d'aucun remboursement. Cela revient à faire peser une double peine sur les utilisateurs de fauteuils roulants et, plus largement, de tous les dispositifs médicaux susceptibles d'être concernés : outre le fait d'utiliser un matériel qui n'est pas neuf, ces personnes devraient payer une consigne qui ne serait pas prise en charge. C'est pourquoi, par notre amendement AS111, nous demandons la suppression de cette disposition.
Pour que les choses soient bien claires, je précise que lorsque je me suis exprimé tout à l'heure au sujet de l'article 28, je n'en ai pas contesté le bien-fondé ; j'ai seulement indiqué qu'il suscitait un ensemble de questions auxquelles il faut apporter des réponses. La consigne fait partie de ces questions, notamment en ce qu'elle est susceptible d'introduire une discrimination entre ceux qui peuvent la payer et les autres. On peut également s'interroger au sujet du marquage, car les dispositifs médicaux font souvent l'objet de marquages et d'adaptations spécifiques à la personne qui les utilise : dès lors, les matériels reconditionnés offriront-ils les mêmes garanties à l'usager en termes de sécurité ? Pour toutes ces raisons, je souscris à la proposition de M. le rapporteur général, sous réserve que nous ayons le temps de la mettre en oeuvre avant la séance publique.
Comme mon collègue Paul Christophe, je vais maintenir mon amendement AS487 en attendant que s'engage le débat sur la consigne – qui, en l'état actuel des choses, pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.
Notre amendement AS786 vise à supprimer les alinéas de l'article 28 relatifs à la mise en place d'une consigne, car nous estimons que ce n'est vraiment pas le moment d'en rajouter. Tout le monde connaît la situation extrêmement dégradée de l'hôpital public dans son ensemble, et pas seulement des urgences – même M. le rapporteur général en convient. Nous en avons eu une illustration lorsque s'est posée la question de la non-compensation : un vote à ce sujet a été révélateur d'une certaine prise de conscience. La situation est encore aggravée par la difficulté d'accéder aux soins du fait du manque de médecins ; les Français sont excédés, et ce gouvernement persiste à agir sans tenir compte de cette réalité : on continue à abaisser le taux de l'ONDAM, la dette des hôpitaux augmente, tous les financements se trouvent réduits...
Franchement, on ne peut pas tout réduire à des considérations financières, il faut parfois aller voir ce qui se passe sur le terrain... Au sein de notre commission, nous devons refuser de nous coucher devant Bercy et éviter de donner aux Français de nouveaux motifs d'exaspération. Dans la situation que nous connaissons actuellement, certaines idées qui paraissent bonnes sur le papier n'auraient concrètement pour effet que d'exciter nos concitoyens : on voudrait inciter encore plus de gens à retourner manifester sur les ronds-points qu'on ne s'y prendrait pas autrement !
Chacun ici est parfaitement conscient de la situation : raison de plus pour éviter de nous jeter ce genre d'arguments à la figure...
Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, j'émets un avis défavorable à ces amendements et j'appelle à ce qu'ils soient retravaillés afin de pouvoir servir de base au débat en séance publique. En tout état de cause, le principe du reconditionnement me semble aller dans le bon sens.
Nous devons vraiment nous demander sur qui doit reposer le coût résultant du reconditionnement. À première vue, il va reposer sur les assurés sociaux, qui ne bénéficieront même pas d'une aide à la prise en charge, alors qu'il devrait revenir aux industriels de garantir le financement de la filière, le recyclage et la durabilité des matériaux mis en oeuvre. Pour toutes ces raisons, je maintiens mon amendement.
La commission rejette l'amendement AS700.
Puis elle rejette les amendements identiques AS111, AS154, AS487 et AS786.
Elle passe alors à l'examen, en discussion commune, de l'amendement AS43 de Mme Marine Brenier ainsi que des amendements identiques AS155 de M. Paul Christophe et AS468 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
En matière de dispositifs médicaux comme sur bien d'autres sujets, le respect du libre choix des personnes est essentiel. L'amendement AS155 a pour objet d'éviter que les personnes concernées puissent se voir imposer le choix d'un dispositif médical faisant l'objet d'une remise en état, et même qu'elles subissent des pressions en ce sens. C'est un vrai sujet, auquel nous ne pouvons nous dispenser de réfléchir.
L'alinéa 47 de l'article 28 ne porte pas tant sur le principe même de la consigne que sur la nécessité de garantir le libre choix de la personne en la matière. J'estime important d'écrire dans le texte que personne ne sera obligé de choisir un matériel remis en état plutôt qu'un matériel neuf : tel est l'objet de l'amendement AS468.
J'ai déjà répondu au sujet de la consigne.
Pour ce qui est du libre choix, c'est compliqué, car cela reviendrait à réduire à néant le dispositif prévu par le texte... Si vous dites à une personne qu'elle a le choix entre un fauteuil roulant flambant neuf et un autre reconditionné et remis aux normes, que croyez-vous qu'elle choisisse, à moins d'avoir des convictions très ancrées en la matière ? Je suis défavorable à ces amendements visant à garantir le libre choix car, si ce principe était posé, cela reviendrait à reconnaître qu'il n'y a pas de place dans notre pays pour le matériel reconditionné. Or je maintiens que si, qu'il est possible de prévoir la mise en place d'une filière dédiée, sous réserve de revoir l'écriture des dispositions correspondantes.
La commission rejette l'amendement AS43.
Puis elle rejette les amendements identiques AS155 et AS468.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS862 de M. Joël Aviragnet.
L'amendement vise à ce que les personnes touchées par un handicap permanent, tout en s'engageant à restituer le matériel, ne soient pas soumises à l'obligation de consignation.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS45 de Mme Marine Brenier.
Cet amendement rédactionnel a pour but de renforcer l'information donnée aux usagers au sujet des dispositifs médicaux qu'ils utilisent – certains d'entre eux ont en effet rencontré des difficultés causées par ces dispositifs.
Je donnerai tout à l'heure un avis favorable à un amendement visant à renforcer la sécurité sanitaire des dispositifs médicaux. Je n'en dis pas plus pour le moment – pardon pour le teasing –, mais, dans l'immédiat, j'émets un avis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS863 de M. Joël Aviragnet.
L'amendement AS863 est retiré.
Puis la commission examine l'amendement AS611 de M. Jean-Hugues Ratenon.
L'amendement résulte d'une proposition de l'observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, visant à concrétiser la résolution sur la transparence prise par la France en mai dernier à l'OMS. La mise en place d'une telle transparence permettra de documenter l'illégitimité des prix des médicaments et donc de gagner en puissance dans les négociations avec les industriels.
Cet amendement propose justement de rappeler la possibilité de la licence d'office pour faire baisser ces prix. En effet, en cas de surcoût pour l'assurance maladie et d'impossibilité à obtenir des informations sur le financement du développement du produit de santé par le fabricant, la possibilité de recourir à la licence d'office et à une version générique doit être systématiquement prise en considération.
Il existe déjà suffisamment de mécanismes de nature à permettre au Comité économique des produits de santé (CEPS) de fixer directement des prix en cas d'échec des négociations, et ces mécanismes ont d'ailleurs été renforcés l'année dernière, à l'issue d'un débat. Je suis donc défavorable à l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS610 de Mme Caroline Fiat.
À plusieurs reprises, l'article 28 fait référence au « surcoût non justifié pour l'assurance maladie » en matière de prix du médicament et des dispositifs médicaux. Ce surcoût ne pouvant être analysé qu'au regard des informations précitées qui doivent donc être systématiquement disponibles publiquement, l'amendement vise à ce que les informations sur le financement, détaillé ligne par ligne, de la recherche et du développement du produit de santé, mais aussi sur le montant de la contribution publique, sur les brevets liés au produit de santé et sur la provenance des principes actifs et leur prix dans les autres pays, soient à disposition.
Nous avons déjà débattu de cet amendement l'année dernière. Comme je vous l'avais dit, je le trouve intéressant et j'en ai donc parlé cette année au CEPS lors de son audition. Malheureusement, cette proposition serait très compliquée, sinon quasiment impossible à mettre en oeuvre pour les médicaments : il faudrait remonter jusqu'à la bourse de recherche attribuée au chercheur qui a découvert telle ou telle molécule. Or, c'est surtout pour les médicaments que votre proposition serait intéressante ; pour les dispositifs médicaux, cela me semble à la fois moins intéressant et très compliqué à mettre en place.
Je vous assure que nous avons passé beaucoup de temps en audition à essayer de trouver un moyen de mettre en oeuvre cette proposition, mais cela semble bel et bien impossible, comme vous pourrez en obtenir confirmation auprès du CEPS si vous procédez vous-même à son audition.
Allons, monsieur le rapporteur général, impossible n'est pas français ! Quand on veut, on peut... Je maintiens mon amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS254 de M. Paul Christophe.
Les alinéas 63 à 69 de l'article 28 prévoient des dispositions imposant à tout exploitant ou fournisseur de distributeurs au détail de produits et prestations inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables de déclarer au CEPS le prix de vente de chaque produit ou prestation, déduction faite des différentes remises ou taxes en vigueur, ce qui revient à s'auto-incriminer. L'amendement AS254 vise à supprimer cette obligation de s'auto-incriminer, mais je souhaite surtout que vous nous fassiez part de votre avis sur ce point, monsieur le rapporteur.
L'article 28 prévoit une obligation de déclaration des prix de vente par les exploitants et fournisseurs aux distributeurs en détail, similaire à celle existant pour les médicaments. Le CEPS a besoin de cette disposition afin de pouvoir disposer d'informations sur le marché et sur la répartition de la valeur ajoutée entre fabricants, par exemple – car le dispositif médical payé par un établissement ou un consommateur est parfois très éloigné du prix auquel le distributeur l'a lui-même acheté au fabricant. C'est plutôt bien pour la filière que de telles informations puissent être connues ; c'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.
L'amendement AS254 est retiré.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS148 de M. Paul Christophe et AS359 de M. Bertrand Bouyx.
L'amendement AS148 vise à renforcer la transparence des données relatives à la vente des produits ou prestations par les exploitants ou les fournisseurs de distributeur au détail, en organisant la transmission d'informations par les représentants des exploitants ou fournisseurs de distributeurs au détail, que nous jugeons plus à même de s'acquitter de cette tâche que les pharmaciens.
En le rendant optionnel, vous supprimez de fait le dispositif. Je souhaite donc le retrait de ces amendements, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l'amendement AS61 de M. Paul Christophe.
Elle examine ensuite l'amendement AS253 de M. Paul Christophe.
L'article 28 prévoit que certains dispositifs médicaux puissent être remis en bon état d'usage et rend possible leur prise en charge par l'assurance maladie.
Si la mesure apparaît louable dans son intention, le mécanisme proposé laisse en suspens de nombreux points d'interrogation sur la façon dont il s'articule avec d'autres dispositions en vigueur, ce qui n'est pas acceptable compte tenu des enjeux de sécurité sanitaire – notamment lorsque la remise en état est effectuée par un organisme tiers aux fabricants – et de responsabilité qui en découlent. Il convient également de se demander quels sont les risques, en termes de soins et de qualité de vie, pour le patient bénéficiant d'un dispositif non neuf ; or ce n'est à aucun moment mentionné.
La mesure ne précisant pas le champ des produits pouvant être concernés, dans l'attente d'une concertation sur ce sujet avec l'ensemble des acteurs de la chaîne permettant de faire un état des lieux de l'existant et d'explorer les mesures qu'il conviendrait de prendre, l'amendement vise à supprimer la mesure visée.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques AS44 de Mme Marine Brenier, AS156 de M. Paul Christophe, AS174 de M. Gilles Lurton, AS330 de Mme Jeanine Dubié, AS420 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS864 de M. Joël Aviragnet.
L'amendement AS174 vise à remplacer les mots « peut être » par le mot « est » afin de garantir le meilleur état d'usage des dispositifs médicaux, notamment parce que les dispositifs médicaux visés par ces dispositions sont utilisés par des personnes particulièrement fragiles, en situation de handicap, d'un âge avancé ou souffrant de maladies chroniques.
L'amendement AS330 vise à garantir le meilleur état d'usage possible des dispositifs médicaux, en indiquant que la réalisation de la remise en bon état d'usage doit toujours être subordonnée au respect des critères de qualité et de sécurité sanitaire d'emploi du dispositif médical et à une procédure d'homologation. En d'autres termes, il s'agit d'instaurer une obligation qui s'appliquera concrètement.
Parce que « est » vaut toujours mieux que « peut être », je dis un grand oui à ces amendements !
La commission adopte les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement AS251 de M. Paul Christophe.
L'amendement AS251 propose de fixer la date d'application du codage individuel des dispositifs médicaux inscrits sous description générique au 1er juillet 2020. Les codes LPP actuels et les codes individuels pourront ainsi coexister jusqu'à cette date.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 28 modifié.
La séance est levée à treize heures.
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Présences en réunion
Réunion du mercredi 16 octobre 2019 à 9 heures 30
Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marine Brenier, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, Mme Véronique Hammerer, M. Brahim Hammouche, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Fadila Khattabi, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Patrick Mignola, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. - Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, M. Bernard Perrut, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Assistaient également à la réunion. - Mme Ericka Bareigts, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, M. Alain Bruneel, M. Michel Castellani, M. Jean-Louis Masson