La réunion

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Mercredi 5 février 2020

La séance est ouverte à vingt-et-une heures trente-cinq.

La commission poursuit l'examen du projet de loi instituant un système universel de retraite (n° 2623 rectifié) (M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général, MM. Nicolas Turquois, Jacques Maire, Mmes Corinne Vignon, Carole Grandjean et M. Paul Christophe, rapporteurs).

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Mes chers collègues, nous avons examiné 898 amendements ; il nous en reste 19 540.

Article 3 (suite)

La commission est saisie des amendements identiques n° 3372 de Mme Clémentine Autain, n° 3373 de M. Ugo Bernalicis, n° 3376 de Mme Caroline Fiat, n° 3381 de Mme Mathilde Panot et n° 3383 de M. Adrien Quatennens.

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La majorité, qui a défendu le nouveau système en soulignant qu'il constituait une amélioration, devrait approuver notre proposition de réécriture de l'alinéa 5 de l'article 3. Nous posons la règle d'or suivante : la réforme ne sera pas applicable tant que les personnes concernées par les régimes en question n'auront pas l'assurance, par une hausse de leur rémunération notamment, de pouvoir atteindre exactement le même taux de remplacement au moment de la liquidation de leur pension.

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Avec le système à points, les personnes concernées peuvent se demander quel sera exactement le niveau de leur pension. La nouvelle rédaction que nous proposons leur garantira qu'il ne pourra être inférieur à celui qu'elles auraient atteint avec le système actuel. C'est une belle promesse. Si vous voulez avoir l'adhésion du pays, si vous voulez en finir avec les sondages défavorables et regagner du terrain dans la bataille de l'opinion publique, je vous incite à voter cet amendement, qui graverait dans le marbre que votre réforme ne fera aucun perdant.

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Les paroles s'envolent et les écrits restent, d'où l'importance d'inscrire ce principe dans la loi. Vous affirmez que vous prendrez des dispositions pour assurer un montant de pension correct, notamment pour les travailleurs et les travailleuses précaires ; commencez donc par voter notre amendement ! Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, y souscrirait sans doute. Mediapart a en effet révélé que, dans un courrier envoyé au Premier ministre, le 24 janvier dernier, elle disait craindre que les femmes ne soient pas les grandes gagnantes de la réforme.

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Tout le monde a compris que vous prépariez une retraite tombola où l'on ne sait ni à quel âge on part ni avec quelle pension – c'est d'ailleurs cet argument qui a permis aux Belges d'obtenir le retrait du projet de retraite à points de leur gouvernement. Je mets au défi les députés de La République en Marche et les rapporteurs de citer un seul pays où la mise en place de la retraite à points ne s'est pas accompagnée d'un doublement, voire d'un triplement, du nombre de retraités pauvres et d'un recours croissant à la capitalisation.

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Cet après-midi, nous avons débattu de l'âge effectif de départ, appelé à reculer de génération en génération en vertu du principe d'équilibre financier que vous voulez à tout prix voir respecté. Je dis bien « à tout prix ». Cela vous évite de répondre précisément aux deux questions fondamentales que se posent les Français. À la première – « à quel âge puis-je partir ? » –, vous opposez un « toujours plus tard au-delà de 64 ans ». Pour la seconde – « avec quel niveau de pension ? » –, vous ne donnez aucun engagement. Vous ne le pouvez pas, puisque, précisément, le taux de remplacement comme l'âge constituent pour vous des variables d'ajustement.

Notre démarche est inverse. Nous ne nous contentons pas de sécuriser la comptabilité, même si nous l'intégrons dans notre contre-projet – et je veux rassurer ici notre collègue qui expliquait ne pas vouloir laisser de dettes à ses enfants. Nous nous engageons sur le taux de remplacement, car les Français veulent savoir avec quel pourcentage de leur dernier salaire ils partiront à la retraite.

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Tous les éléments concernant la reprise des droits existants pour les personnes ayant cotisé dans le cadre du système actuel et prenant leur retraite dans le cadre du nouveau système figurent au titre V, à l'article 61. Je vous propose d'attendre son examen pour en discuter.

Avis défavorable.

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Pour les membres de la commission qui prennent leur service de nuit, je rappellerai que dans la journée, nous avons parlé d'Ambroise Croizat et d'Alexandre Parodi, que nous avons cité Camus et que nous avons évoqué les infirmières et les avocats. J'ai pensé à résumer la situation de la manière suivante. Quand Emmanuel Macron est arrivé, il n'y avait rien, « pas un troquet, pas une mobylette », comme disait Coluche. Alors, il a créé le système universel à points. Il s'est dit : il y aura des hommes jeunes, des hommes vieux, des femmes célibataires, des mères de famille, des chômeurs, des agriculteurs, des avocats, des infirmières, et tous seront égaux, mais ce ne sera pas facile. Il a ajouté : il y en aura même qui seront en même temps femmes, chômeuses après avoir exercé un métier pénible et pour elles, ce sera très dur.

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Il est inutile de revenir sur les engagements inscrits à l'article 61 et suivants. Les droits acquis par les personnes nées après 1975 dans le cadre de système actuel de retraite seront garantis.

Derrière ces amendements, je vois une tendance à une bureaucratisation aveugle. Le gel complet des rémunérations des retraités interdirait, in fine, toute redistribution, car si vous garantissez le niveau des pensions pour tout le monde, cela veut dire que les plus gros salaires seraient aussi concernés. Cela impliquerait aussi que tout rattrapage des inégalités de pensions entre hommes et femmes serait empêché. Autrement dit, votre objectif est dénué de toute portée politique.

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Le rapporteur nous invite à attendre l'article 61. Comme il nous reste 19 500 amendements à examiner, je doute que nous y parvenions.

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Il ne tient qu'à vous qu'il en soit autrement.

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Quand bien même nous y parviendrions, nous savons que le projet de loi comporte vingt-neuf trous puisqu'il renvoie à vingt-neuf ordonnances.

Je repose donc ma question : pouvez-vous donner aux Français des engagements sur le taux de remplacement ? Avec quel pourcentage de leur dernier salaire partiront-ils à la retraite ? Avec l'âge, c'est une question essentielle pour celles et ceux qui nous écoutent.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie des amendements identiques n° 3406 de Mme Clémentine Autain, n° 3407 de M. Ugo Bernalicis, n° 3410 de Mme Caroline Fiat, n° 3415 de Mme Mathilde Panot et n° 3417 de M. Adrien Quatennens.

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Nous continuons de proposer de supprimer les alinéas déclinant, profession par profession, les diverses modalités d'application du nouveau système. L'alinéa 8 concerne les agents publics non titulaires.

Célia de Lavergne m'interpellait tout à l'heure, s'étonnant que nos amendements visent à supprimer des parties du projet de loi où figurait le mot « solidarité ». Redisons quel est notre état d'esprit : nous n'acceptons pas que, dans ce texte, il y ait des mots comme « solidarité », « lisibilité » ou « universalité » qui ne correspondent en rien à son contenu. Visiblement, la citation d'Orwell, « La guerre, c'est la paix », vous plaît bien. Nous, nous dénonçons la manipulation par les mots et par les chiffres à l'oeuvre dans ce projet de loi. C'est pourquoi nous proposons d'appeler un chat un chat, et d'inscrire des termes plus conformes à la réalité de vos intentions.

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Les agents publics non titulaires, déjà nombreux, vont voir leurs rangs grossir avec la dernière loi sur la fonction publique. L'étude d'impact – mais non, il ne faut pas trop se fier aux études d'impact –, disons des chiffres du Conseil d'État, non publiés, montrent que dans moins de dix ans, les trois fonctions publiques seront composées pour moitié de contractuels. Nous connaissons votre objectif de précariser toujours plus de monde. Éviter d'imposer à cette catégorie votre système à points serait faire oeuvre utile.

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Depuis trois jours, nous sommes un peu moqués, toujours gentiment : on ferait semblant de ne pas vouloir comprendre, on représenterait des gens qui n'existent pas puisqu'il n'y aurait personne de mécontent dans les rues ou qui ferait grève.

Je vais arrêter avec mon histoire de Marie l'infirmière, car j'ai bien compris qu'elle vous saoulait. Je constate tout de même qu'une personne, qui n'a rien d'une gaucho, se soucie, comme moi, des femmes de chambre, des auxiliaires de vie, des puéricultrices, des infirmières. Il s'agit de Marlène Schiappa, qui a exprimé des doutes au sujet des conséquences de la réforme pour les femmes précaires.

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Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage, dit le dicton. C'est exactement ce qui est en train de se passer avec l'emploi public, aujourd'hui fortement menacé, car, sous l'ère Macron, la capacité d'expertise de l'État est en train d'être tuée. À l'heure de l'urgence climatique, il n'est pas sérieux de ne pas prendre en compte le besoin d'expertise publique dans une loi qui concerne les cinquante prochaines années. Dans notre contre-projet, nous avons établi que la création de 100 000 emplois destinés à répondre à l'urgence écologique et sociale ferait rentrer 1,3 milliard d'euros de cotisations.

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Cette volonté de supprimer chaque alinéa du texte est en cohérence avec notre mot d'ordre : obtenir le retrait de ce projet de loi. Le fait qu'il soit finalement examiné à l'Assemblée ne laisse rien présager de l'épilogue. L'autre jour, le président Macron s'est montré très inspiré par Jacques Chirac. Nous lui suggérons de poursuivre sur sa lancée. Rappelons que l'ancien président avait fini par reculer sur le projet de loi très contesté instituant le contrat première embauche alors que le processus législatif était bien engagé.

Nous voyons bien qu'au sein du groupe La République en Marche règne une ambiance crépusculaire. L'issue la plus raisonnable serait le retrait de ce projet de loi.

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Ce sont plutôt vos discussions qui sont crépusculaires : nous allons finir par nous endormir à force de vous entendre répéter les mêmes arguments.

L'alinéa 8 ne concerne pas les agents publics non titulaires en général mais ceux qui ne seraient pas couverts par le régime d'assurance du livre VII. On essaie de prévoir pour qu'il n'y ait pas d'oublis. C'est une sorte clause de rattrapage au cas où des personnes ne seraient pas prises en compte dans le système.

Avis défavorable.

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Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous poser une question précise sur les agents publics titulaires qui appellerait une réponse précise de votre part. Avec le nouveau système, les fonctionnaires vont devoir acquitter des cotisations sur leurs primes, ce qui pèsera sur leur pouvoir d'achat. La hausse est significative, car, si j'ai bien compris le tableau 20 de l'étude d'impact, elle représenterait 1,8 milliard pour la fonction publique d'État et 1,4 milliard pour la fonction publique locale et hospitalière. Considérez-vous qu'assurer une évolution convergente de la rémunération nette moyenne des agents publics et des salariés du privé est un objectif légitime ? Si tel n'est pas le cas, comment justifiez-vous votre position ? Estimez-vous que les agents publics sont aujourd'hui privilégiés ? Si oui, qu'avez-vous prévu pour assurer une évolution de la rémunération des fonctionnaires actifs en lien avec celle des salariés du privé ?

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Le rapporteur nous a précisé que ces alinéas visaient à n'oublier personne. Mais il y a des gens qui ne vous demandent qu'une chose : « oubliez-nous ! ». Je pense notamment aux avocats. Laissez les tranquilles avec leur système de retraite actuelle. Améliorez-le, si vous voulez, mais ne bouleversez pas tout. Cela ne fera qu'aggraver l'insécurité sociale.

Un membre du Gouvernement aurait dit en off à un journaliste du Figaro : « Pour moi, un député de la majorité ne sert à rien. Il est là pour voter, avoir une mission de temps en temps et surtout fermer sa gueule. ». Pas terrible...

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Les bruits de couloir ne m'intéressent pas, monsieur Bernalicis.

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Madame la présidente, il va falloir vous habituer à ce que l'on pose les questions que l'on veut pour vous permettre d'apporter les réponses que vous voulez. C'est ce qui s'appelle la démocratie, et il est heureux que nous puissions la pratiquer.

À mon tour de poser une question précise. Il est établi que votre réforme va faire mal aux fonctionnaires. Le simple fait de supprimer la référence aux six derniers mois dégrade mécaniquement leurs pensions. Pour compenser cette diminution, vous avez prévu d'intégrer les primes dans le calcul des points des enseignants, et il semblerait que vous vouliez étendre cette procédure à l'ensemble des fonctionnaires. Or des études très sérieuses montrent que les femmes ont des primes inférieures de 20 % à celles des hommes dans les trois fonctions publiques. Elles seraient donc pénalisées par l'intégration des primes dans le calcul des points. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous me répondre à ce sujet ? Que pensez-vous de la lucidité de Mme Schiappa ?

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Pour continuer sur les fonctionnaires, j'aimerais savoir, monsieur le secrétaire d'État, ce que vous prévoyez pour la phase de transition. Les fonctionnaires nés après 1975 relèveront du nouveau système. Comment seront pris en compte les droits acquis ? J'imagine que, pour la partie de leur carrière relevant de la règle des six derniers mois, les primes ne seront pas prises en compte puisqu'elles n'auront pas donné lieu à cotisations. Comment se fera l'entrée dans le nouveau système ? Vous augmenterez, si j'ai bien compris, la rémunération des fonctionnaires pour leur permettre d'accumuler les points nécessaires. L'étude d'impact présente bien des cas de fonctionnaires mais ils sont toujours surprenants, car personne n'est jamais perdant.

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Chers collègues de La France insoumise, vous avez fait le choix, et c'est votre droit, de recourir à l'arme de l'obstruction massive. Ce n'est pas parce qu'on ne vous répond pas qu'on ne vous écoute pas, ou plutôt qu'on ne vous entend pas. Et ce n'est pas parce que votre groupe s'appelle La France insoumise et que nous ne répondons pas à chacune de vos provocations que nous sommes La France soumise.

Madame Autain, vous voulez nous priver de la possibilité d'utiliser le mot « solidarité » dans un texte qui traite justement de solidarité et de redistribution. Vous avez fait une citation d'Orwell, je vous répondrai par Albert Camus : « Chaque fois qu'une voix libre s'essaiera à dire sans prétention ce qu'elle pense, une armée de chiens de garde de tout poil et de toute couleur aboiera furieusement pour couvrir son écho. ». Je sais que vous ne le prendrez pas mal. Depuis trois jours, nous encaissons vos attaques sans coup férir.

La commission rejette les amendements.

Elle examine les amendements identiques n° 3423 de Mme Clémentine Autain, n° 3424 de M. Ugo Bernalicis, n° 3427 de Mme Caroline Fiat, n° 3432 de Mme Mathilde Panot et n° 3434 de M. Adrien Quatennens.

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Monsieur Véran, je fais mienne votre citation d'Albert Camus et vous la retourne. Les chiens de garde ne sont peut-être pas là où vous le pensez.

Notre rapporteur a prononcé une magnifique phrase qui a sans doute intéressé les 624 personnes qui suivent le live de notre commission sur Facebook : « On essaie de prévoir pour qu'il n'y ait pas d'oublis », assertion qui ne rassurera sans doute pas les Français.

Une collègue de la majorité a souligné que de nombreux économistes libéraux soutenaient la réforme. En réalité, beaucoup ont fait sécession. Parmi eux, citons Patrick Artus : « On s'est imposé une norme de réduction du poids des retraites qui sort de nulle part, qui n'a pas été débattue, et on en conclut que le système est déficitaire. »

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M. Véran a peut-être voulu nous insulter en déclarant que nous faisions du « zadisme parlementaire ». Que veut-il nous reprocher ? D'occuper l'Assemblée nationale ? Ça tombe bien, nous avons été élus pour ça ! Qui plus est, l'expérience du zadisme a récemment été couronnée de succès : les zadistes de Notre-Dame-des-Landes, après avoir bataillé ferme, ont obtenu le retrait du projet contre lequel ils se sont mobilisés. Je tiens donc, au nom de mon groupe, à remercier M. Véran très sincèrement, car on ne pouvait rêver mieux comme comparaison.

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Pendant les interventions de notre groupe, des petites remarques fort sympathiques fusent, comme « Bonjour, le niveau des débats ». Nous pourrions en dire autant. Quand on entend le rapporteur dire « On essaie de prévoir pour qu'il n'y ait pas d'oublis », croyez-vous qu'on puisse être convaincu de ne pas tout supprimer ?

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M. le rapporteur disait que les députés de la République en Marche risquaient de s'endormir. Ils auraient donc la conscience tranquille alors que notre pays connaît le plus long mouvement social depuis 1968. Le peuple, en manifestant, en signant des pétitions, en dansant, en chantant, en rendant outils et uniformes de travail vous dit qu'il ne veut pas de cette réforme. Pour reprendre une formule devenue célèbre « Si vous nous empêchez de rêver, nous vous empêcherons de dormir ». La lutte continue !

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Je reviendrai à notre collègue qui se montrait sincèrement inquiète de laisser à ses enfants la charge du financement des retraites. Je comprends cette angoisse profonde qui l'atteint mais peut-être devrait-elle aussi leur dire que c'est leur maman, par les projets de loi qu'elle soutient avec ses collègues, qui creuse ce déficit. Le déficit potentiel prévu par le Conseil d'orientation des retraites (COR) ne tombe pas du ciel : il résulte du gel des salaires des fonctionnaires et des exonérations sociales. Peut-être pourrait-elle aussi donner à lire à ses enfants le rapport Delevoye : ils verraient jusqu'à quel âge leur maman veut les faire travailler. Je ne suis pas sûr que cela les rassure davantage.

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J'ai toujours considéré qu'il était beaucoup plus facile de détruire que de construire. Supprimer le contenu des articles alinéa par alinéa, c'est vraiment le degré zéro du travail parlementaire.

Avis défavorable.

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« On essaie de prévoir qu'il n'y ait pas d'oublis » dans la réforme, avez-vous dit, monsieur le rapporteur. Puissiez-vous aussi essayer de prévoir qu'il n'y ait pas d'oublis dans vos réponses ! Boris Vallaud vous a posé une question précise au sujet des fonctionnaires. Ils seront astreints à cotiser sur leurs primes, ce qui va peser sur leur pouvoir d'achat. Cet effort représentera 1,8 milliard d'euros pour les fonctionnaires d'État et 1,4 milliard pour les fonctionnaires locaux et hospitaliers. Considérez-vous que cette évolution convergente de la rémunération nette moyenne des agents publics et des salariés du secteur privé est un objectif légitime, oui ou non ? Si la réponse est non, comment justifiez-vous cette position ? Considérez-vous que les agents publics sont privilégiés ? Si oui, qu'avez-vous prévu pour assurer une évolution des rémunérations des fonctionnaires actifs en lien avec celles des salariés du privé ?

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Dans la salle des pas perdus se trouvent trois statues, qui représentent des vertus dont les parlementaires sont censés être parés : le courage, la sagesse et la prudence. Dans ce lieu chargé d'histoire qu'est l'Assemblée nationale, les statues et les tableaux ont un sens et nous rappellent les valeurs qui doivent être les nôtres. Je crois que le rapporteur veille à s'y conformer. Si, par le passé, nous avions fait les lois avec plus de prudence et d'humilité, nous n'aurions pas oublié d'intégrer autant de nos concitoyennes et de nos concitoyens dans nos politiques de justice et de solidarité. C'est ce que nous essayons en tout cas de faire dans ce texte.

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À quoi servons-nous ici ? Serait-il possible d'éviter à la fois l'obstruction et les discours qui nous éloignent du débat ? J'ai l'impression d'assister ce soir à une mise en scène, à un sketch où chacun fait semblant de débattre, alors que tout le monde a fait le deuil d'aller au bout de l'examen du texte. Cette mascarade a assez duré ! Le groupe Les Républicains a des propositions à faire sur le fond et notre collègue nous fait un cours sur les statues ! Pourrions-nous travailler sur le texte et avoir des réponses à nos questions, monsieur le secrétaire d'État ?

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Si vous étiez courageux, comme nous y appellent les statues, vous diriez la vérité aux Français : vous leur diriez que vous avez envie de les faire travailler plus longtemps pour ne pas avoir à mieux partager les fruits de la richesse produite. Si vous étiez sages, après plus de soixante jours de grève et un mouvement social historique, vous retireriez une réforme qui est en contradiction avec votre programme politique. Si vous étiez prudents, vous éviteriez de nous transmettre un texte à trous et non financé, accompagné d'une étude d'impact truquée, et qui a été littéralement torpillé par le Conseil d'État et par certains économistes – qui ne sont pas des insoumis.

Si vous vous ennuyez, allez donc méditer sur le courage, la sagesse et la prudence dans la salle des pas perdus !

La commission rejette les amendements.

Elle passe aux amendements identiques n° 3440 de Mme Clémentine Autain, n° 3441 de M. Ugo Bernalicis, n° 3444 de Mme Caroline Fiat, n° 3449 de Mme Mathilde Panot et n° 3451 de M. Adrien Quatennens.

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L'amendement n° 3440 est un amendement de suppression. Nos collègues de droite espèrent amender le texte, y apporter quelques améliorations. Nous, nous pensons que ce texte est inamendable (Rires et exclamations parmi les députés du groupe La République en Marche) parce que nous en rejetons la logique. Je regrette que nos collègues de la majorité préfèrent chahuter, plutôt que de prendre le micro pour défendre la logique de leur réforme.

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Il est plus facile de détruire que de construire, et je vois la facilité avec laquelle la Macronie a décidé de détruire notre système de retraite par répartition.

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L'amendement n° 3441 vise à supprimer la mention des « agents publics non titulaires », car les agents publics non titulaires ne devraient pas exister : il devrait y avoir des plans de titularisation réguliers dans la fonction publique. On devrait stabiliser les gens dans leur existence et dans leur vie. On devrait d'ailleurs leur garantir un taux de remplacement convenable au moment de leur départ à la retraite. On devrait veiller à ce que les agents publics, qui oeuvrent à l'intérêt général, le fassent dans les meilleures conditions et qu'ils n'aient pas à s'inquiéter pour leur retraite. L'incertitude dans laquelle vous les placez n'est pas acceptable.

J'ai déclaré, le 29 janvier dernier, dans un article qui est désormais en ligne : « J'ai un profond sentiment d'inutilité dans le travail législatif. » J'expliquais que mes amendements étaient systématiquement rejetés. Mais j'ajoutais être rassuré par le fait que les députés de La République en Marche subissaient le même traitement que moi dès que leurs amendements n'étaient pas exactement dans la ligne du parti. On en vient à se dire que tout cela ne sert à rien : quand vous travaillez sérieusement, on vous méprise.

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Oui, nous assumons de faire ce que nous appelons une grève du zèle. Nous la faisons, parce que la majorité de la population demande que votre réforme soit retirée, pour que nous puissions en rediscuter sur de nouvelles bases. Nos concitoyens ne veulent pas de la retraite à points : ils ont compris l'arnaque qui se cache derrière tous vos mensonges.

Il faut arrêter de dire que les femmes seront les « grandes gagnantes » de votre réforme ! Les femmes, soi-disant grandes gagnantes, ont imaginé une chorégraphie pour dénoncer que, « à cause de Macron », elles auront des pensions plus faibles et que la réforme de la pension de réversion leur interdira de divorcer, ce qui est une attaque contre l'émancipation des femmes. Elles savent qu'elles partiront plus tard à la retraite, et encore plus défavorisées que dans le système actuel. Chers collègues, souffrez qu'il y ait une opposition dans ce pays !

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La première qualité d'un parlementaire, c'est d'être un représentant du peuple. Or un représentant du peuple, pour nous, ce n'est pas un représentant de BlackRock ni des riches, c'est quelqu'un qui doit entendre ce qui se passe et ne pas être irresponsable au point de mettre le pays à feu et à sang, comme c'est en train d'arriver.

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Contrairement à ce qu'on a pu entendre tout à l'heure, les agents de la fonction publique seront forcément perdants si l'on prend en compte l'ensemble de leur carrière plutôt que les six derniers mois, à moins d'attribuer des trimestres et des points pour tous les moments ou leur carrière a connu une interruption, par exemple des trimestres passés au revenu de solidarité active (RSA). Tout le monde le comprend très bien : inutile de nous faire croire qu'il y aura des gagnants. Pourquoi ne pas amender le texte pour prendre en compte les interruptions de carrière ?

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Pour faire écho aux propos de M. Bazin, cet après-midi, les avis étaient très tranchés, mais cela ne nous a pas empêchés d'avoir un débat de fond. Ce soir, on discute du texte ligne à ligne et nous n'entendons aucun argument de fond. Il y a une forme de captation du débat qui n'apporte pas grand-chose.

S'agissant des amendements, je répète que nous visons ici les agents publics non titulaires « ne relevant pas d'un régime d'assurance vieillesse prévu au livre VII ». Il existe de très nombreux statuts en France et nous tâchons de n'en oublier aucun. Nous travaillons avec modestie, afin d'éviter que des gens ne se retrouvent dans une situation difficile. Vous dites qu'il ne devrait plus y avoir d'agents non titulaires. Il ne devrait plus non plus y avoir de chômage, ni de pauvreté ; il ne faudrait plus que des agriculteurs n'aient que 800, voire 600 euros de retraite.

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Tout cela ne se décrète pas d'un claquement de doigts : ça se travaille, ça se construit. Or le travail et la construction ne semblent pas être des points forts de votre mouvement !

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Madame Panot, vous nous demandez de souffrir : c'est ce qu'on appelle la souffrance au travail. Heureusement que nous sommes résistants ! Avec ce texte, vous avez décidé de jouer, mais l'Assemblée nationale n'est pas un terrain de jeux. Vous pourriez faire un autre choix, en faisant des propositions, en présentant un projet alternatif dont nous pourrions discuter. Ce serait plus sérieux !

Vous dites, madame Autain, que la droite veut amender le texte : c'est le principe même du débat parlementaire, où l'opposition propose des modifications au projet de la majorité et du Gouvernement. Pour notre part, nous ne voulons pas l'amender point par point. Ce qui nous intéresse, c'est de montrer que nous avons une autre proposition de réforme, dont nous avons déjà exposé les grandes lignes : un régime de base qui concernerait tout le monde ; une fusion entre les régimes publics et privés ; des caisses autonomes selon les professions, avec la possibilité de rejoindre, à tout moment, un régime supérieur ; une augmentation de l'âge de la retraite ; une prise en compte de la pénibilité qui permette à quelqu'un qui ne peut plus travailler, pour des raisons professionnelles objectives, de partir plus tôt.

C'est un projet extrêmement pratique et précis, qui fonctionnerait très bien et qui répondrait à la plupart des problèmes qui se posent aujourd'hui. Nous exposerons nos propositions au fur et à mesure, tranquillement, mais avec beaucoup de détermination.

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Le rapporteur et la majorité ne cessent de répéter que la façon de procéder de La France insoumise ne leur convient pas et empêche d'avoir un débat sur le fond. Pour ma part, et mon collègue Régis Juanico l'a fait à ma suite, j'ai posé des questions très précises, dont le Conseil constitutionnel saurait conclure que la représentation nationale n'est pas éclairée. Votre silence devient insupportable !

Voici une autre question précise, à laquelle j'espère que vous allez enfin donner un commencement de réponse – sinon, qu'est-ce qu'on fout là ! S'agissant de la rémunération des fonctionnaires, pourquoi, dans l'étude d'impact, le Gouvernement a-t-il pris comme hypothèse une augmentation de la part des primes de 0,23 point par an pendant cinquante ans ? Cela signifie que le niveau de vie des fonctionnaires par rapport au reste des actifs baissera de 36 %. Cette hypothèse vous semble-t-elle de nature à décrédibiliser le système actuel et à valoriser le système futur ? Cette question devrait recevoir une réponse claire, sauf si vous avez bidonné vos chiffres. Vous ne pouvez pas continuer de nous opposer un mur de silence.

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Quelle que soit la manière dont nous posons nos questions – avec humour, en pétant les plombs, avec sérieux –, à chaque fois, vous adoptez la même posture, nous avons un mur devant nous. Je vous ai demandé, monsieur le secrétaire d'État, si intégrer les primes dans le mode de calcul des fonctionnaires pénalisait les femmes. J'attends toujours la réponse.

Le Collectif Nos retraites a produit une contre-étude d'impact : « Un des exemples les plus parlants est celui d'une femme (appelons-la Mathilde), née en 1990, mère de deux enfants ayant fait sa carrière complète au SMIC qui part à 62 ans en retraite. Elle passe d'un taux de remplacement brut de 57 % dans le système actuel à un taux de remplacement brut de 48 % » avec votre réforme. Conclusion : « Pour notre exemple, cela représente une perte de plus de 15 % des droits à la retraite. Ces pertes apparaissent également pour un départ à 63 ans ou 64 ans. »

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, commenter cet exemple cartes sur table ? Nous pouvons vous poser les mêmes questions dans toutes les langues, sur tous les tons... Vous nous prenez pour des cons et, à un moment donné, ça devient exaspérant !

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Lorsque nos collègues, comme vient de le faire Boris Vallaud, vous interrogent par trois fois sans obtenir de réponse, et que vous les accusez de ne pas nourrir le débat, quel signal pensez-vous donner ? Qu'on s'en fout de ce qu'ils racontent ! Que les questions techniques sur le taux de remplacement, les primes, les agents non titulaires ne sont pas le sujet. En agissant de la sorte, vous nous donnez du grain à moudre et vous nous aidez. Alors, continuez comme ça...

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À titre personnel, j'ai une haute opinion du débat parlementaire. Je suis peut-être un peu vieux jeu mais, pour moi, c'est un exercice auquel les Français, la République, nous ont fait l'honneur de pouvoir participer. Depuis l'enfance, il m'a toujours inspiré du respect : argument contre argument, analyse contre analyse, valeur contre valeur, ...

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Vous êtes obligée de lire un papier pour dire ça ? Ce n'est même pas spontané !

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.. pas de moqueries, pas de cris, pas d'extraits tronqués de Facebook live ou de tweets, pas d'attaques personnelles. Je suis navrée de voir que nous assistons davantage ce soir à un vaudeville qu'à un véritable débat parlementaire. Quelle conception de la démocratie avez-vous ? Quelle image renvoyez-vous aux citoyens ?

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Je n'ose croire que vous voulez la fin de notre démocratie parlementaire, alors que vous en êtes les dépositaires. Je veux dire aux personnes qui nous écoutent que le débat parlementaire pourrait se passer autrement. Un débat de qualité continuerait à inspirer aux Français et aux enfants qui se forgent une autre conception de la démocratie. J'appelle à revenir au fond du débat !

La commission rejette les amendements.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Monsieur le président Woerth, la phase de transition entre les deux régimes est l'un des quatre sujets sur lesquels le débat a été rouvert par le Premier ministre il y a quelques semaines. Les autres sujets sont le minimum de pension, c'est-à-dire le minimum contributif, la prise en compte de la pénibilité et les cessations progressives d'activité dans la fonction publique. Le minimum de pension et la phase de transition ont fait l'objet de négociations et de concertations – deux par mois –, menées par chacun des ministres concernés.

J'entends votre impatience, mais je rappelle que le Premier ministre s'exprimera publiquement sur l'issue de ces concertations avant l'examen du texte en séance. Il faut attendre que les partenaires sociaux se mettent d'accord sur ces questions essentielles, notamment sur la manière de garantir que 100 % des droits acquis dans l'ancien système seront préservés dans le régime universel. Lors de mon audition de la semaine dernière, j'ai indiqué que, pour la phase de transition, plusieurs options sont envisageables : la transition « à l'italienne » ou un système de bascule avec une conversion à une date donnée. Cette question donnera lieu à un arbitrage avant la séance. Je crois avoir répondu du même coup à M. Quatennens.

Quant aux réponses précises, je prends toujours beaucoup de plaisir à être précis, mais les réponses aux questions que vous posez se trouvent déjà dans l'étude d'impact.

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Si elles y étaient, on ne les poserait pas !

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

J'invite tous les députés ici présents à se reporter à la page 203 où se trouve la réponse précise à la question du député Boris Vallaud.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Ce sont des éléments incontestables, que chacun peut vérifier, y compris M. Vallaud.

Plusieurs d'entre vous m'ont, par ailleurs, interrogé sur la prise en compte des primes dans le calcul des pensions des fonctionnaires. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises depuis lundi, nous examinons, dans les premiers articles du texte, les principes généraux de la réforme. Je suis prêt à passer tout le temps qui sera nécessaire pour débattre avec vous de ce texte, mais si, au moment où nous devrions débattre des principes généraux de la réforme, d'aucuns souhaitent aborder l'article 44 et d'autres l'article 28, le débat perd de sa cohérence. Il me semble qu'un débat de qualité doit respecter l'organisation du texte. Je renvoie ceux qui s'intéressent aux fonctionnaires et à la part des primes dans le calcul de leur pension à l'article 18 du projet de loi. Nous pourrons débattre de ces questions lorsque nous entamerons l'examen de cet article.

La commission examine les amendements identiques n° 3457 de Mme Clémentine Autain, n° 3458 de M. Ugo Bernalicis, n° 3461 de Mme Caroline Fiat, n° 3466 de Mme Mathilde Panot, n° 3468 de M. Adrien Quatennens et n° 3472 de M. François Ruffin.

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Mon collègue Ugo Bernalicis a eu raison de rappeler qu'il y a de plus en plus d'agents contractuels dans la fonction publique et que c'est un vrai problème. J'aimerais, pour ma part, vous interroger sur ceux qui, dans la fonction publique, ont encore le statut de fonctionnaire. Pouvez-vous nous expliquer comment vous pensez améliorer leur retraite dès lors qu'elle ne sera plus calculée sur les six derniers mois, mais sur l'ensemble de leur carrière ? J'ai hâte d'entendre nos collègues de La République en Marche nous expliquer sérieusement comment cela est possible !

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Une question un peu plus technique me vaudra peut-être une réponse... Dans votre étude d'impact, vous ne prévoyez d'augmenter la part des primes des fonctionnaires que de 0,23 point par an. Et, si je comprends bien ce qui est écrit en filigrane dans cette étude d'impact, vous avez prévu de ne pas toucher au point d'indice pendant les cinquante prochaines années. La rémunération des agents publics n'augmentera donc pas, qu'ils soient titulaires ou non.

Par ailleurs, comment pouvez-vous savoir comment seront payés les agents non titulaires, alors même qu'ils ne dépendront plus d'aucune grille, puisque vous avez tout fait sauter avec la réforme de la fonction publique ? On peut désormais rémunérer les agents non titulaires à peu près comme on veut et ils peuvent faire une rupture conventionnelle, dont on ne connaît pas le montant prévisionnel !

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« Ne fais pas à autrui ce que tu n'aimerais pas que l'on te fasse », dit-on. Depuis plusieurs jours, certains députés disent qu'ils ne veulent pas qu'on juge leur manière d'être députés. Je ne vois pas pourquoi, ce soir, il faudrait que les députés de La France insoumise soient jugés sur leur façon d'être députés. Mon amendement est défendu.

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Une de nos collègues clamait son amour de la démocratie et du débat parlementaire. La démocratie suscite tout de même une indignation bien sélective ! Oui, nous reconnaissons qu'Emmanuel Macron et les députés de la majorité ont une légitimité, puisqu'ils ont été élus – tout comme nous. Mais, en République, il faut toujours se rappeler que c'est le peuple qui est souverain. Et lorsque le peuple, dans sa grande majorité et par tous les moyens possibles, refuse une réforme et demande qu'elle soit rediscutée sérieusement sur d'autres bases, il a une légitimité à le faire que vous ne pouvez pas balayer d'un revers de main.

Cela me fait doucement rigoler de recevoir des leçons de démocratie de la part de La République en Marche qui, lorsqu'il s'agit d'accepter des propositions de l'opposition parlementaire, est plus nulle que nulle.

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Chers collègues, nous ne faisons que relayer une colère majoritaire dans le pays contre votre projet de retraite. Vous, vous défendez un projet de loi en contradiction avec les engagements présidentiels et soutenu par une minorité dans ce pays. Vous, vous prenez les Français pour des imbéciles en leur vendant une réforme soi-disant « juste, simple et pour tous », alors qu'elle ne consiste qu'à les faire travailler plus longtemps et à les pousser vers la capitalisation. Vous, vous avez remis aux parlementaires une étude d'impact truquée et des cas types qui ne permettent même pas aux Français de se repérer. Alors, de grâce, remballez définitivement vos leçons de démocratie !

Vous appelez de vos voeux un débat de qualité ? Je veux bien jouer le jeu sur les prochains amendements ! Depuis le début du débat, nous faisons des contre-propositions. Nous tenons à votre disposition un contre-projet répondant à la commande d'Édouard Philippe, qui s'est dit prêt à entendre toutes les propositions des parlementaires à même d'assurer l'équilibre financier du système. Ce contre-projet financé et chiffré, qui est prêt depuis des mois, je lui ai remis en mains propres. À partir de maintenant, je m'engage à ce que tous les amendements que nous défendrons alimentent un débat de fond, mais il faut que vous répondiez à nos questions et...

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Non, je ne vais pas me calmer ! Les leçons de démocratie, j'en ai ras le bol ! (Vives exclamations parmi les députés du groupe La République en Marche.)

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C'est de pire en pire... Je ne vois pas comment nous pourrons sortir de cette commission la tête haute. Le nombre d'amendements à examiner est considérable et nos collègues de La France insoumise ont décidé de les défendre un à un – vu leur rédaction, il est clair qu'il s'agit d'une volonté d'obstruction. Ils l'habillent de façon politique : c'est leur choix et c'est leur droit. De notre côté, nous avons aussi le droit de refuser de jouer à ce jeu et, à un moment donné, nous pouvons considérer que le débat est impossible.

Impossible, il l'est de toute façon dans le temps qui nous est imparti. Tous les calculs ont été faits et chacun sait que nous n'arriverons pas au bout de cet examen, à moins que les insoumis n'abandonnent tout à coup leurs amendements, mais je n'ai pas l'impression qu'ils en aient envie. Peut-être pourront-ils nous le confirmer ?

Madame la présidente, à un moment donné, il faudra peut-être faire le choix de mettre fin à cette mascarade, car les députés ne sont pas là pour jouer. Vous redoutez sans doute le reproche que le Conseil constitutionnel pourrait faire de n'avoir pas été jusqu'au bout pour pouvoir faire jouer certains dispositifs. Néanmoins, il convient d'adopter une attitude responsable et adulte, et de respecter l'Assemblée nationale pour ce qu'elle est : un lieu de débats, et pas d'affrontements comme ceux auxquels nous assistons en ce moment sur un texte aussi important pour tous les Français.

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J'allais justement inviter chacun d'entre vous à s'en tenir au débat sur le texte. Finissons-en avec les invectives, une fois pour toutes. Nous ne sommes pas des enfants et je ne vais pas passer mon temps à faire la maîtresse d'école. Si tout le monde se comportait correctement, tout se passerait mieux. Même si certaines réponses ne vous conviennent pas, je vous invite à cesser de crier et à vous écouter. Songez à l'image que nous renvoyons !

Je préside une commission spéciale qui doit travailler sur un texte ; je tiens à le faire, dans le respect de chacun. Tous les partis d'opposition ont travaillé et ont déposé des amendements sérieux sur le projet de loi. Je souhaite que nous nous en tenions au texte. Toutes les divagations autour de la vie politique en général sont peu intéressantes pour les Français et pour notre travail parlementaire. Siéger en commission, ce n'est pas assiéger une commission !

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Bien entendu, cela vaut pour tout le monde !

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Madame la présidente, il est vraisemblable que nous n'arriverons pas au bout de l'examen de ce texte en commission. C'est la raison pour laquelle nous essayons de faire de chaque amendement l'occasion d'un débat de fond sur certains sujets que nous risquons de ne jamais aborder. Lorsque nous posons des questions sur ces sujets lointains, qu'on fasse au moins l'effort de nous répondre !

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Le problème, c'est d'avoir choisi la procédure accélérée sur un tel texte. C'est la première fois que les députés de La France insoumise font le choix de l'obstruction parlementaire. Nous le faisons parce que, sur cette question essentielle, vous agissez contre la volonté des Français et contre tout ce qui se passe dans la rue. Nous voulons accompagner ce mouvement.

Monsieur Woerth, la droite a fait de l'obstruction sur d'autres textes, en d'autres temps. Au début des années 1980, lors de l'examen de la loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, j'ai souvenir que Jacques Toubon, Jacques Chirac et d'autres ont déposé des milliers d'amendements pour retarder le débat pendant des semaines. Or, pour ce projet de loi aussi important, on n'a prévu que deux semaines de débat en commission et deux semaines en séance publique. Nous sommes en train de parler d'un texte qui va remettre en cause le contrat social pour tous les Français et on nous presse ! Tout cela est parfaitement incohérent, d'où notre choix de déposer 19 000 amendements et de les défendre.

La responsabilité incombe bien à la majorité, qui nous a présenté un texte de mille pages que nous étions censés avaler en six jours et qui nous demande d'examiner le texte de façon accélérée.

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Nous pouvons à présent revenir au texte. Vous aviez, monsieur Ruffin, l'amendement n° 3472 à défendre.

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Je vais reformuler la question d'Adrien Quatennens. Cet après-midi paraît un article dans Marianne : M. Guy Bricout, député du groupe UDI, Agir et Indépendants y est interrogé. On lui demande si la majorité est « une majorité de "playmobils", comme dirait François Ruffin ». Il répond : « Les playmobils, ce n'est pas ma génération, mais ce sont des automates, oui. En commission, ils n'écoutent même pas, ils se contentent de lever la main. »

Le mot « automates » traduit bien ce qu'on peut ressentir en assistant à ces débats. Sur un texte comme celui-ci, on s'attendrait à ce que la majorité soit habitée par une foi, par une envie, par une conviction. On s'attendrait à ce qu'elle défende comme une nécessité la remise en cause du contrat social qu'elle propose dans ce texte. Or on n'entend pas les députés de la majorité exprimer cette foi !

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Entre l'interpellation dynamique de M. Quatennens et M. Ruffin qui nous traite d'automates, je ne sais pas ce que je préfère... Sincèrement, je trouve tout cela profondément irrespectueux. Lors de la prochaine niche parlementaire de La France insoumise, je songe à déposer un amendement sur chaque mot !

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Je peux entendre que ce projet soit contesté, que vous ne le partagiez pas. Mais moi, je vois quotidiennement des Français dont la retraite est misérable dans le système actuel. Mme Fiat a évoqué à plusieurs reprises les difficultés de son métier d'aide-soignante. Je vous invite à rencontrer des gens qui travaillent dans les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). Leur mission est de calculer et d'annoncer aux gens le montant de leur retraite : ils les voient souvent repartir en pleurs.

Repérer les dysfonctionnements majeurs du système actuel, comme nous le faisons, me semble être une attitude responsable. Nous voulons essayer de construire un meilleur système : il ne sera sans doute pas parfait, mais nous entendons au moins poser un cadre. Nous gagnerions tous à débattre sur le fond, comme nous l'avons fait cet après-midi.

Sur ces amendements, j'émets un avis défavorable.

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C'est bien de retrouver de la sérénité, mais c'est bien aussi de reconnaître que nous ne parviendrons pas à tomber d'accord. Plus je vous écoute et plus je me dis que nous ne représentons pas les mêmes classes. Quand vous rencontrez votre électorat, il vous dit des choses différentes de ce que nous dit le nôtre. Je ne veux pas donner de leçon, mais il est vrai que j'ai parfois le ventre tordu quand je pense à ces gens qui, chez moi, ont la gueule cassée, les visages abîmés, dont les vies sont broyées : ils se trouveront encore plus mal après la réforme qu'avant. Cela m'exaspère ! Mon rôle de représentant du peuple est de faire entrer cette colère ici.

L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) vient de publier un rapport démontrant que vous réservez votre politique aux 5 % les plus riches : j'imagine que quand vous les rencontrez, ils vous remercient et vous encouragent à poursuivre. Tout au long de ce débat, nous aborderons la discussion sous des angles de vue différents : c'est cela, la démocratie !

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Je m'en tiendrai à la règle que vous avez posée sur le retour au débat de fond mais auparavant, et à la suite de l'incident intervenu avant la pause, je me dois de dire quelques mots. Il y a dix-sept parlementaires insoumis, ce qui fait dix-sept styles et dix-sept façons de faire différentes mais je ne crois pas être connu pour mes emportements. Ma colère n'était pas feinte : je pense à tous ceux qui, depuis plusieurs jours, payent cher le prix de la lutte. Ma colère est forte parce que je considère que cette séquence comme l'obstination du Gouvernement sont déflagrateurs pour notre démocratie.

Vous en appelez à un débat de fond. Nous avons mis à votre disposition un contre-projet sérieux, financé. Il est dans les mains du Premier ministre, à qui je l'ai remis ; il est dans les mains du secrétaire d'État ici présent. Je veux bien jouer le jeu de ce débat de fond, à la condition que les parlementaires obtiennent des réponses quand ils posent des questions et que, sauf à considérer que l'Assemblée nationale n'est que l'imprimante de l'Élysée, lorsque nous engageons un débat sur le fond, les parlementaires de La République en Marche s'y engagent à leur tour. Il y a beaucoup de députés dans cette commission que nous n'avons pas entendus, et je le regrette.

Enfin, nous avons fait le choix de déposer une multitude d'amendements : même si cela est insupportable pour la majorité, cela lui donne autant d'occasions de défendre un projet de loi auquel elle prétend croire. Ayons un débat de fond, mais jouons clairement le jeu, toutes et tous ! Et répondons-nous les uns les autres, notamment quand les parlementaires posent des questions précises.

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Depuis trois jours et demi, tous les quarts d'heure, nous votons sur des amendements de votre groupe, monsieur Quatennens : or ces amendements ne nous proposent que l'abrogation d'alinéas ou d'articles. Nous avons eu très peu de débats sur le fond : les seuls amendements qui ont été adoptés par la commission ont été déposés soit par notre groupe, soit par le groupe Socialistes, soit par le groupe Les Républicains, soit même par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, parce que nous voulons avoir un échange constructif. Ayez un échange constructif !

Vous critiquez le silence de certains de mes collègues de la majorité, mais nous ne pouvons pas nous prononcer puisque nous attendons de pouvoir défendre les quelque 300 à 400 amendements que notre groupe et le groupe MoDem ont déposés ; or vous nous empêchez de les défendre. Arrêtez de faire de l'obstruction, avançons dans le débat et faisons progresser ce projet de loi, même si vous êtes contre ! Débattons projet contre projet, dans un esprit démocratique et parlementaire !

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Je suis un peu excédé d'entendre toujours les mêmes arguments sur la lutte des classes. Les gueules cassées, chez moi, ce sont des carreleurs, des femmes de ménage, des déménageurs, des couvreurs, des gens qui travailleront jusqu'à 67 ans et qui toucheront 800, 1 000 ou 1 200 euros de retraite. Ce sont ces gens-là que nous défendons également dans cette réforme des retraites ! Ils me disent : « Continuez ! Moi je ne veux pas partir à 67 ans quand d'autres partent à 55 ou 57 ans, avec deux ou trois fois plus de retraite ! » Voilà ce que vous défendez ! Il faut rétablir les faits ! Je trouve insupportable qu'on nous ressorte sans cesse la lutte des classes, de façon caricaturale, alors que cela ne correspond pas à la réalité. Vous défendez des gens qui partiront à 55 ou 57 ans avec trois fois plus de retraite : les gueules cassées ne sont pas les mêmes chez vous que chez moi !

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Ça commence très mal, le débat de fond !

La commission rejette les amendements.

Elle examine les amendements identiques n° 3492 de M. Ugo Bernalicis, n° 3495 de Mme Caroline Fiat, n° 3500 de Mme Mathilde Panot, n° 3502 de M. Adrien Quatennens et n° 3506 de M. François Ruffin.

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Personne ici n'empêche quiconque de prendre la parole. Ce ne sont pas les députés de La France insoumise qui distribuent la parole, mais la présidente de la commission spéciale, même si celle-ci s'est vu imposer des règles et un calendrier stricts par le Gouvernement. Nous voulons prendre le temps des débats pour examiner un projet de loi qui changera fondamentalement le pacte social en France issu de 1945 et du Conseil national de la Résistance. Or vous voulez torcher cela en deux semaines de commission et deux semaines d'hémicycle : ce n'est pas possible ! Si vous souhaitez que tout le monde puisse prendre la parole et défendre ses amendements, rallongez les débats !

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Je vous ai, à plusieurs reprises, entendus dire que La France insoumise jouait. Nous ne sommes pas en train de jouer : à Vitry, dans le dépôt de bus où je me rends souvent pour soutenir les grévistes, un agent s'est ouvert les veines sur son lieu de travail après cinquante-deux jours de grève. Il s'est ouvert les veines parce qu'on ne sait plus comment se faire entendre par ce gouvernement, qui n'écoute ni les députés d'opposition, ni les associations, ni les professionnels, ni les gens qui protestent dans la rue. Que doivent faire les gens ? Devront-ils se rendre dans les cérémonies de voeux pour socialiser et boire du champagne dans l'espoir de se faire entendre ?

Nous vous posons des questions très concrètes. Ma collègue Clémentine Autain vous a demandé comment la pension des fonctionnaires pouvait augmenter si l'on prend en compte leur carrière complète et non plus les six derniers mois de salaires. Vous évoquiez tout à l'heure les gens qui gagnent 800, 1 000 ou 1 200 euros de retraite : ce sont justement eux que nous défendons !

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Cet après-midi, le Président de la République Emmanuel Macron a appelé à mener à bon port ce projet de réforme des retraites. Je crois que nous n'avons pas la même conception de ce qu'est une réforme des retraites menée à bon port. Pour nous, parlementaires d'opposition, cela signifie emmener ce projet à l'endroit où une majorité de Français souhaite le voir : à la poubelle !

L'alinéa 12 a pour objet les complémentaires. On sait que votre projet de loi a vocation à encourager la capitalisation. Vous dites maintenir l'âge légal de départ à 62 ans alors qu'il existe un âge d'équilibre différent de cet âge légal : si les gens veulent partir à 62 ans, ils ont plutôt intérêt à avoir complété leur niveau de retraite avec la capitalisation ! De la même manière, en abaissant le plafond pour les hauts revenus de 324 000 à 120 000 euros, vous encouragez à la capitalisation. Je pose la question à la majorité : pourquoi le faites-vous ?

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M. le rapporteur prétend que les agents de la CARSAT sont d'accord. J'ai cherché « CARSAT » sur Google : « La CARSAT en grève à Toulouse : "Cette réforme ne fera que des perdants." » On peut lire dans l'article : « Nous sommes bien placés pour savoir comment se calculent les retraites et on voit les ravages que cette réforme va faire sur les pensions. ». Et, plus loin : « C'était important d'être mobilisés devant le symbole de la CARSAT car cette réforme signe la fin de la sécurité sociale. » Voilà ce que disent les agents de la CARSAT !

Par ailleurs, l'OFCE a publié ce matin une étude selon laquelle l'essentiel des 17 milliards d'euros d'allégements fiscaux versés par Macron allait aux 5 % de ménages les plus riches, alors que le niveau de vie des retraités devrait baisser de 0,5 %. Il est évident que l'on cherche à cacher les vrais privilégiés derrière les petites gens, les cheminots.

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Je répondrai seulement sur un point, car ce sont les mêmes arguments qui reviennent. M. Quatennens a établi un lien entre complémentaire et capitalisation. Nous nous inscrivons pleinement dans un système de retraite par répartition, et même nous l'élargissons. Certains systèmes s'arrêtaient à un plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), alors que 99 % des personnes sont en dessous de 3 PASS. Nous intégrons donc 99 % des personnes, soit 96 % des revenus, dans un seul et unique régime par répartition : c'est un progrès par rapport à la situation existante. L'amendement proposé, en l'occurrence, visait à supprimer l'alinéa 12 – on ne voit pas trop la logique !

Avis défavorable.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Depuis trois jours, certains députés, plutôt de La France insoumise, nous disent ne pas comprendre pourquoi les vingt-cinq meilleures années seraient moins intéressantes que la carrière totale. Sans vouloir stigmatiser qui que ce soit, j'invite à regarder les pages 116 et 117 de l'étude d'impact. Lisons-les tranquillement : il n'y a rien de scandaleux ! Ce support, que vous contestez, présente tout de même beaucoup d'éléments intéressants, même si, sur le fond, vous ne serez peut-être pas d'accord. Vous affirmez que cette étude est insincère, mais il serait dommage que vous n'en lisiez pas au moins les pages traitant de ce sujet qui, vraisemblablement, vous intéresse !

Le point 2 de la page 116 s'intitule « Un système par points plus favorable aux petites retraites, aux carrières peu ascendantes et aux carrières heurtées ». Quant à la page 117, elle comporte un tableau retraçant des parcours-types. Sur le fond, vous ne pouvez qu'être sensibles à notre volonté d'être plus redistributifs mais, puisque vous le contestez, lisons le tableau n° 7 : il compare des calculs sur vingt-cinq ans et sur quarante-trois ans, pour une carrière complète en 2035. Les cas cités sont dénommés « COR1 » et « COR2 », qui sont les cas types utilisés par le COR ; ce ne sont pas des cas inventés par le Gouvernement. Ils sont donc parfaitement légitimes, validés par le COR, dans lequel siègent des représentants de tous les partenaires sociaux. Le COR n'étudie pas des cas types fumeux ou nébuleux ; il étudie des cas-types sérieux.

Comme le démontre ce tableau, le système est très favorable, en carrière complète, pour les salariés au SMIC et au salaire moyen : il est donc plus redistributif. Je veux bien discuter avec vous de ce sujet pendant trois jours, mais vous avez tous les éléments sur deux pages dans l'étude d'impact. Si vous les contestez, dites-moi en quoi ces éléments sont faux !

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Vous passez votre temps à poser la même question à dix, quinze ou vingt reprises, alors que la réponse se trouve dans l'étude d'impact. Dites-nous au moins pourquoi vous n'êtes pas d'accord : on aura plus de chances de pouvoir discuter !

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Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour vos explications, mais voulez-vous bien admettre qu'il est difficile, pour nous, d'accorder du crédit à votre étude d'impact ? Lors d'un débat sur une antenne du service public, il y a une dizaine de jours, je vous avais fait remarquer, alors que nous venions de recevoir cette étude d'impact, qu'elle posait un problème évident : elle est pleine de contradictions avec votre propre projet de loi. Pouvez-vous au moins admettre que j'ai raison sur ce point ? Votre étude d'impact gèle à 65 ans l'âge d'équilibre dans chacun des cas types qui sont présentés, alors que l'article 10 de votre projet de loi précise que l'âge d'équilibre se décalera. Par conséquent, les cas types que vous avez présentés aux parlementaires comme aux Français sont truqués et donnent l'impression que le système par points est plus favorable. J'ai d'autres arguments à vous opposer mais pouvez-vous déjà me répondre sur ce point, monsieur le secrétaire d'État ? Oui ou non, l'étude d'impact a-t-elle gelé l'âge d'équilibre, mettant ces cas types en contradiction avec votre projet de loi ?

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Les hypothèses retenues pour établir cette étude d'impact reposent sur des éléments objectifs et vérifiables : entrée moyenne dans la vie active à 22 ans, durée de carrière de quarante-trois ans en 2035. Il s'agit de cas-types ; certaines personnes entrent dans la vie active avant 22 ans, d'autres après. C'est une simple observation sociologique de ce qu'il se passe en France : les fortement diplômés trouvent très rapidement du travail – 80 % dans l'année qui suit l'obtention du diplôme –, ce qui est moins vrai pour les moins diplômés. L'entrée dans la vie active a tendance à converger. Je ne l'invente pas, c'est une donnée de l'Institut national de la statistique et des études économiques que vous pouvez vérifier. Nous avons simplement retenu une hypothèse, solide et robuste, qui permet d'affirmer que nous serions sur cette base-là en 2035 si le système actuel n'était pas modifié. C'est donc parfaitement honnête et transparent.

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J'ai ouvert l'étude d'impact à la page 117. Sous le tableau qui vous sert d'argumentation, monsieur le secrétaire d'État, il y a une note : « Il s'agit ici de calculs n'intégrant que les effets relatifs au salaire de référence et aux modalités d'indexation ; il ne s'agit pas de cas types traduisant les effets du système universel dans son ensemble (beaucoup d'autres facteurs interviennent pour le calcul final de la pension). » Fermez le ban ! Cette note suffit à relativiser, à plomber et à effacer l'argumentation brillante que vous venez de développer !

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Le tableau apporte la réponse à une question, posée à plusieurs reprises ces derniers jours, sur l'intérêt d'un calcul sur une carrière complète par rapport aux vingt-cinq meilleures années. Cela ne répond pas aux autres questions concernant le montant des pensions, mais cela dit clairement que si nous comparons les pensions entre une carrière complète de quarante-trois ans et une pension calculée sur vingt-cinq ans, notre projet est très favorable aux personnes qui sont au SMIC et au salaire moyen, mais pas aux cadres supérieurs.

En revanche, ce tableau ne récapitule pas tous les entrants et toutes les questions que vous m'avez posées, notamment sur le financement. Voilà ce que j'essaye de partager avec vous depuis plusieurs jours, car je sais que vous avez la solidarité chevillée au corps. C'est cela qui fait parfois surréagir le député Adrien Quatennens ; je ne crois pas qu'il soit dans une volonté d'ostracisme et de fermeture. La véracité de certains éléments vous inquiète peut-être, mais cela ne fait que souligner un élément important : le nouveau système de retraite sera redistributif pour les petits revenus mais pas pour les hauts revenus. C'est tout ce que cela veut dire, mais c'est déjà beaucoup !

La commission rejette les amendements.

Elle examine les amendements identiques n° 3475 de M. Ugo Bernalicis, n° 3483 de Mme Mathilde Panot, n° 3485 de M. Adrien Quatennens et n° 3489 de M. François Ruffin.

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Il s'agit d'un amendement de proposition et non de suppression, vous l'aurez noté. Nous proposons que les mesures en question ne soient pas applicables aux agents publics non titulaires tant qu'ils n'auront pas l'assurance, par une hausse de leur rémunération notamment, de pouvoir atteindre exactement le même taux de remplacement au moment de la liquidation de leur pension. Cet amendement se place dans la continuité de la remarque faite par mon collègue Sébastien Jumel sur la note de bas de tableau. Celle-ci dit que, dans un monde pur et parfait, si l'on retire tous les paramètres qui pourraient être défavorables, alors votre système est plus favorable. C'est un peu léger ! On sait bien que de nombreux paramètres entrent en ligne de compte dans vos calculs, mais encore faudrait-il croire sur parole vos cas types. Ce n'est pas exactement le cas !

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Monsieur le secrétaire d'État, La France insoumise n'est pas la seule à discuter l'étude d'impact. D'aucuns pourraient être tentés de dire que vous êtes trop intelligents et trop subtils pour que nous, parlementaires et peuple français, comprenions ladite étude. Il se trouve qu'un travail très sérieux a été fait par le collectif d'économistes Nos retraites, qui montre que les cas-types évoqués ne sont pas en réalité des cas gagnants. J'aimerais que l'on s'arrête sur la situation des chômeurs. Vous comprenez que l'on se méfie un peu quand vous affirmez qu'il n'y aura pas d'oubliés de la réforme et que tout se passera bien pour absolument tout le monde. Il se trouve que, concernant les chômeurs, l'allocation ne sera plus calculée sur le salaire mais sur l'allocation de retour à l'emploi...

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Le rapport Delevoye détermine un âge de naissance auquel est associé un âge d'équilibre : pourquoi ne pas appliquer vos propres préconisations à l'étude d'impact ? Pour le coup, vous auriez fait preuve de sincérité. J'ai mon explication : en ne le faisant pas, vingt et un cas sur vingt-huit apparaissent comme gagnants ; mais si, comme le Collectif Nos retraites, on applique scrupuleusement vos propres préconisations en matière d'âge d'équilibre, il n'y a plus que dix cas gagnants sur vingt-huit, et donc une majorité de perdants, ce que nous démontrons depuis le début.

Ensuite, vous affirmez avoir retenu des hypothèses correspondant à peu près à la moyenne de ce que l'on peut vérifier sur le marché de l'emploi. Vous faites donc commencer les carrières de quasiment tous vos cas types à 22 ans – admettons ! – mais vous leur attribuez à tous quatre trimestres par an : reconnaissez que c'est une situation particulièrement favorable, qui ne correspond pas à la réalité vécue par une majorité de nos concitoyens. Les cas-types qui en résultent favorisent donc très largement votre système à points et relèvent plus d'une sorte de publicité !

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Vous vous appuyez sur l'étude d'impact. Le Conseil d'État l'a jugée insincère ; nous préférons la dire truquée. Même celui qui a porté cette réforme sur les fonts baptismaux, l'économiste Antoine Bozio, celui qui a enthousiasmé l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron au point de vouloir convertir le pays entier au système de retraite par points, a lui-même publié une tribune dans Le Monde, ce matin, dans laquelle il dit l'inutilité des cas-types présentés, le caractère très incertain des projections, l'absence de revalorisation de carrière – bref, il met à mal cette étude d'impact !

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Pour illustrer ce que nous faisons, je citerai un exemple – je ne sais pas s'il est bon mais vous allez sûrement y réagir. En 2009, Nicolas Sarkozy a lancé le projet du Grand Paris Express. Des réflexions ont été menées sur les enjeux de la mobilité à Paris, qu'il a reprises et synthétisées dans le projet lancé en 2010 : avait-il alors précisément à l'esprit où seraient situées les bouches de métro ?

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Sauf erreur, monsieur Pradié, vous n'avez pas participé aux travaux de la commission spéciale jusque-là...

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C'est une erreur : j'ai suffisamment assisté aux travaux de cette commission pour vous dire que cela n'a rien à voir avec le Grand Paris Express !

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L'enjeu est de proposer un système intégrant tout le monde. On pourra contester à l'infini les trajectoires fines à horizon de dix ans – je vous mets au défi de prévoir la croissance, la productivité, le taux d'inflation, l'évolution des carrières, la révolution numérique et les changements de métiers ! Nous définissons un cadre, et ce sera à ce gouvernement et aux majorités qui nous succéderont de fixer les trajectoires entrant dans ce cadre : tel est l'objectif que nous nous donnons. Pour en revenir à l'exemple du Grand Paris Express, un projet a été lancé en 2010 et les majorités qui se sont succédé depuis l'ont adapté : le principe même de la politique est de se définir comme un navigateur, qui se fixe un cap et l'adapte chaque jour en tenant compte du vent et de la houle.

Avis défavorable.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Le sujet des périodes de chômage a été évoqué. Cette question figure à l'article 42 du projet de loi, mais j'entends que vous avez envie d'en parler dès l'article 3. Je vous donnerai donc quelques éléments : le projet du Gouvernement est d'accorder des points pour toutes les périodes d'inactivité subies, comme le chômage, notamment pour ceux qui sont en fin de droits et touchent l'allocation de solidarité spécifique. La volonté du Gouvernement, avec ce système de retraites par points, est de couvrir l'ensemble de nos concitoyens lorsqu'ils sont dans des périodes de difficultés subies. Nous aurons la possibilité d'échanger largement sur ce sujet lorsque nous examinerons l'article 42.

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La réforme des retraites que la majorité propose est importante, voire grave ; elle aura inévitablement des conséquences sur des cohortes complètes de population et sur les futures générations. Il y a une inquiétude très forte dans le pays. Monsieur le rapporteur, vous citez l'exemple du navigateur qui rectifie régulièrement sa trajectoire ; or les futurs retraités doivent savoir précisément où ils vont. On ne va pas rectifier le cap tous les six mois ou tous les deux ans ! Quant à la comparaison avec Nicolas Sarkozy qui n'avait pas imaginé l'emplacement des bouches de métro du Grand Paris Express, elle ne fait que renforcer l'inquiétude totale et le flou artistique !

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Les réformes des retraites menées dans les années précédentes ont fait bouger les différents paramètres : à 30 ans, les personnes n'avaient pas de vision de ce que serait leur retraite à 65 ans, trente-cinq ans plus tard. Il y a toujours eu certain flou sur ce point, et c'est bien logique puisque nous travaillons sur des échéances d'une génération.

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La différence, c'est que nos réformes étaient financées !

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Concernant la validité de l'étude d'impact, quand on veut mesurer l'effet d'un facteur, on fige tous les autres pour être sûr que la conséquence est due à ce facteur et uniquement à lui : on regarde ce qu'il se passe toutes choses égales par ailleurs. C'est vraiment la base des modèles de projection économique : non seulement il n'y a rien d'étonnant à cela mais il est même plutôt rassurant que l'étude soit sérieuse et faite selon les règles.

Par ailleurs, je voudrais citer un passage intéressant de l'article d'Antoine Bozio paru dans Le Monde : « [...] les gains de pension vont aux plus faibles pensions, tandis que les effets sont neutres pour les 50 % des plus hautes pensions ».

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Non ! Il dit que c'est ce que prétend l'étude !

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Collègue Fabre, vous aurez mal lu Le Monde puisqu'Antoine Bozio précise justement qu'il est en désaccord avec ce qu'affirme l'étude d'impact sur ce point ! Je répète donc que si vous appliquez les âges d'équilibre du projet de loi, vous ne tombez pas sur le même résultat ; mais je l'ai déjà démontré.

Pour en revenir au caractère redistributif, le projet de loi est très clair : vous abaissez de 324 000 euros par an à 120 000 euros le plafond à partir duquel les hauts revenus n'acquièrent plus de droits nouveaux à la retraite, en disant qu'ils passent à une cotisation symbolique qui serait en quelque sorte une générosité. Vous oubliez de dire que l'abaissement de leurs cotisations provoquera un trou dans les caisses de 3,5 milliards par an pendant quinze ans et que le Conseil d'État s'en inquiète. Mais surtout, croyez-vous qu'ils vont rester sans droits à la retraite ? Non ! Vous leur adressez un message clair : vous avez de l'argent, alors placez-le dans les fonds de pension, chez les assureurs et les banques ! Ne vous embêtez plus avec ce système rétrograde qu'est la sécurité sociale ! Le message que vous leur envoyez est limpide : vous encouragez la capitalisation ! S'il fallait vous en convaincre, lisez les assureurs et les banquiers qui, dans Les Échos, Challenge ou Capital, disent leur enthousiasme à l'idée que votre projet de réforme des retraites aboutisse.

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Je veux simplement préciser que les hypothèses retenues dans la réforme de Nicolas Sarkozy allaient à dix ans, ce qui donne quand même de la visibilité sur un certain nombre de facteurs. En l'occurrence, nous faisons des prévisions à trente ans : personne ne trouverait crédible de faire des projections précises à trente ans compte tenu de nombre de facteurs en jeu ! Soyez donc un tout petit peu réalistes et objectifs sur ce point !

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l'article 3 sans modification.

Article 4 : Champ d'application du système universel de retraite

La commission est saisie des amendements identiques n° 548 de M. Sébastien Jumel, n° 686 de M. Fabrice Brun, n° 3786 de Mme Caroline Fiat, n° 3791 de Mme Mathilde Panot, n° 3793 de M. Adrien Quatennens, n° 3797 de M. François Ruffin et n° 21087 de M. Boris Vallaud.

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L'article 4 dispose que le système universel de retraite s'applique aux travailleurs indépendants, supposant donc la fusion des régimes autonomes et de leurs caisses complémentaires. Dans de nombreux cas, cette fusion fera des perdants au regard, soit des cotisations, soit des prestations. Plusieurs professions sont très opposées à ce texte et l'ont fait savoir. Nous venons, à l'instant, d'avoir un débat sur le flou des projections qui ne permettent ni à nous, ni aux premiers concernés d'y voir clair. Vous avez tendance à relativiser cela, mais je pense que c'est un véritable problème, d'autant plus que les garanties que l'on peut attendre des données que vous fournissez sont très minimales. Votre préoccupation, en effet, n'est pas d'apporter des garanties mais d'équilibrer le système : nous avons donc un problème philosophique initial. C'est pourquoi l'amendement n° 548 tend à supprimer l'article.

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Dans la même veine que les amendements précédemment défendus sur les caisses autonomes, le but de l'amendement n° 686 est de supprimer l'article 4 afin de reconnaître les spécificités des professions libérales, notamment celle des avocats.

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Beaucoup de travailleurs et travailleuses indépendants sont aujourd'hui mobilisés contre cette réforme des retraites, notamment les avocats. Ceux-ci ne cessent de le répéter : dans le système que vous leur proposez, ils devraient cotiser le double de ce qu'ils cotisent aujourd'hui.

Je reviens, par ailleurs, sur l'étude d'impact, car ce n'est pas comparable avec l'exemple du Grand Paris Express et l'emplacement des bouches de métro, que le rapporteur a mis en regard. L'étude d'impact est la garantie de la sincérité des débats ; c'est ce qui permet à un parlementaire de savoir à quoi il s'engage dans la discussion. Or, si le Conseil d'État, des économistes et des intellectuels affirment, de manière forte, qu'il y a un problème avec cette étude d'impact, on ne peut pas effacer leur avis d'un coup d'éponge.

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Les dix-sept parlementaires de La France insoumise n'étaient pas de grands spécialistes des retraites, mais ils le sont devenus ; ils ont beaucoup étudié votre texte. Puisqu'il s'agit de se projeter dans l'avenir et, pour cela, de s'en remettre à une étude d'impact, il aurait mieux valu que celle-ci soit sincère.

Votre projet de réforme a poussé dans la rue, non seulement ceux qui bénéficient de régimes spéciaux – dont il a beaucoup été question mais qui ne concernent que 3 % de la population active –, mais aussi des gens exerçant des professions qui n'avaient pas l'habitude de participer aux mobilisations et aux luttes sociales. Nombre d'entre eux ont manifesté à cette occasion pour la première fois, et ils l'ont fait avec beaucoup de créativité. C'est le cas des travailleurs indépendants, et en particulier des avocats, dont nous avons démontré tout à l'heure à quel point leur régime était peu coûteux et ne méritait donc pas un tel traitement.

L'universalité n'existe pas, mais vous en faites un alibi qui se paie à un prix très élevé pour de nombreuses professions. Ce n'est pas sérieux !

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Truquer une étude d'impact ou la rendre insincère, c'est une chose ; truquer une tribune du Monde, c'en est une autre. Dans la tribune en question, Antoine Bozio, l'inspirateur même de la réforme, reprend l'étude d'impact, selon laquelle les effets seront neutres pour les 50 % des plus hautes pensions, alors que les deux quartiles du bas y gagneront. Il demande comment cela est possible en baissant la part des retraites dans le produit intérieur brut. La réponse, ajoute-t-il, n'est pas affirmée explicitement dans l'étude d'impact, mais s'y trouve en filigrane : l'âge de départ à la retraite sera relevé. Or les effets de cette hausse ne sont pas comptabilisés, notamment les nombreux salariés qui ne réussiront pas à travailler jusqu'au moment de leur retraite. C'est déjà ce qui se passe depuis dix ans, avec le relèvement progressif des seuils de la retraite : une étude de la Cour des comptes de juillet 2019 indique que, sur cette période, le montant total de RSA versé aux personnes âgées de 60 à 64 ans a augmenté de 157 %. Cela veut dire que les gens ne parviennent d'ores et déjà plus aujourd'hui à travailler jusqu'à la retraite, et que l'on remplace une retraite méritée par de l'allocation de pauvreté.

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Vous affirmez qu'un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous. Pourtant, pour les indépendants, les cotisations entre 1 et 3 PASS, acquittées à un taux moindre que celles des salariés, seront moins créatrices de droits. Par conséquent, pour un même montant total d'euros cotisés, leurs droits à la retraite seront eux aussi plus faibles. Pour un euro cotisé, les droits ouverts ne sont pas les mêmes pour les uns et pour les autres. Monsieur le rapporteur, comment justifiez-vous cet écart par rapport à la règle fixée ? Ne craignez-vous pas que le Conseil constitutionnel censure la disposition au titre de l'égalité ?

Vous modifiez, par ailleurs, substantiellement l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) des indépendants, sans toucher à celle des salariés. Or, lors de la création de la CSG sur la base de l'assiette actuelle, le Conseil constitutionnel avait explicitement considéré que l'égalité devant l'impôt entre les salariés et les indépendants était assurée. Qu'est-ce qui vous laisse penser que le Conseil constitutionnel de 2020 va contredire celui de 1991 ?

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Vous proposez d'exclure les indépendants du système universel de retraite, qu'ils soient artisans, commerçants ou professionnels libéraux. Nous ne pouvons évidemment pas vous suivre. D'abord, nous ne pourrions justifier cette exception au regard du principe d'égalité par rapport à l'ensemble des autres professions. Ensuite, ces professions bénéficieront de règles dérogatoires pendant la période de transition puis dans le barème, au-delà de 1 PASS. Un autre élément sera de nature à vous rassurer : le projet de loi ne prévoit pas de supprimer de caisse ; celles qui s'occupent actuellement des indépendants poursuivront demain leur activité, sachant que certaines gèrent aussi d'autres éléments de leur protection sociale, comme les assurances décès invalidité.

Après l'exemple du Grand Paris Express, je prendrai celui d'un petit chef d'entreprise, agriculteur, qui porte un projet assez lourd au regard de la taille de son exploitation ; il lui faut donc convaincre un banquier. Pour cela, il lui propose un certain nombre d'hypothèses permettant d'évaluer la rentabilité du projet sur quatre ou cinq ans, avec un déblocage progressif des fonds prêtés. Au bout d'un an, le chef d'entreprise revient voir le banquier pour mettre à jour ces hypothèses, qui sont validées chaque année.

Le conseil d'administration de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) devra agir selon deux principes directeurs : d'une part, un principe de pilotage annuel, à l'aide des outils dont disposent les responsables professionnels et qui ont été évoqués dans les articles précédents ; d'autre part, un principe de cadrage permettant de veiller à l'équilibre financier du système sur cinq ans, selon la règle d'or. Avec ces outils et cette capacité de pilotage fin, la CNRU sera en mesure de prendre les décisions qui permettront d'amener progressivement l'ensemble de nos concitoyens qui travaillent vers le système universel.

Monsieur Vallaud, aujourd'hui, le mode de calcul de la CSG n'est pas le même pour les salariés et pour les indépendants. Quand vous êtes indépendant, comme moi, votre CSG est une fraction – par exemple 20 % – de votre revenu moins la CSG. Il faut donc connaître le montant des cotisations pour calculer le montant des cotisations ; il y a une formule pour le faire, mais il y a un aspect circulaire. Au final, les salariés cotisent sur une base brute de leur salaire, tandis que les indépendants le font sur une base super-brute, et l'harmonisation des modes de calcul est une revendication ancienne des indépendants. Ce transfert d'assiette va faire diminuer la CSG mais augmenter les cotisations sociales des indépendants ; il y aura donc, pour eux, davantage de droits acquis. C'est un jeu à somme nulle, et on ne peut pas dire que le taux de cotisation des avocats va passer de 14 % à 28 %. Le delta sera beaucoup plus faible, et sera étalé sur plusieurs années – c'est d'ailleurs l'objet de la négociation que mène actuellement le ministère avec les représentants des barreaux.

Contrairement à ce qu'a dit Mme Dalloz, un pilotage demande de déterminer une direction – on l'a précisément –, qui doit être, en permanence, en tenant compte d'un certain nombre d'indicateurs, régulièrement corrigée pour parvenir à l'objectif. C'est ça le principe d'un pilotage.

Avis défavorable.

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Il n'y a pas de négociation en cours avec les avocats. La présidente du Conseil national des barreaux a d'ailleurs regretté qu'un communiqué de presse ait été publié à l'issue de leur réunion avec Matignon sans même qu'une réponse officielle leur ait été donnée au cours de celle-ci. C'est vous dire l'état de crispation dans lequel se trouve le Gouvernement vis-à-vis des avocats.

Vous dites que leur taux de cotisation ne va pas passer instantanément de 14 % à 28 %, mais l'objectif est tout de même d'arriver à 28 %. Pour y parvenir, la « négociation » consiste à demander aux avocats de prendre dans leur caisse autonome les milliards d'euros qu'ils ont mis de côté pour lisser de 5 % par an l'effort qu'ils devront consentir. Cela revient à leur dire de payer eux-mêmes, avec l'argent qu'ils ont mis de côté, la transition prévue par cette réforme pourrie. Vous appelez cela une négociation ? Non, c'est du vol ! Ça ne passera pas, et je pense que, tout comme nous, ils continueront leurs actions jusqu'au retrait de votre réforme.

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Depuis trois jours, les députés Insoumis nous inondent d'apostrophes toujours plus méprisantes. Ils réfutent tous les objectifs de justice sociale et de redistribution inscrits dans notre réforme. Ils se comportent comme s'ils détenaient la vérité ; quant à nous, nous serions dans l'erreur. C'est donc parole contre parole. J'invite tous les Français à ne pas les croire, et ce pour plusieurs raisons.

Nous avons tous constaté, à plusieurs occasions, qu'ils n'ont pas vraiment lu l'étude d'impact. Ils ont ainsi contesté le fait qu'il y avait quarante-deux régimes de retraite, alors que ces régimes sont très précisément décrits à la page 42 – ça ne s'invente pas – de l'étude d'impact.

Plus encore, il y a deux ans, La France insoumise vociférait dans l'hémicycle lorsque nous étions en train de voter les ordonnances de la « loi travail », en particulier à propos de l'apprentissage. Ils nous annonçaient, au son des fameuses trompettes, tous les malheurs de l'Apocalypse. Ces lois devaient entraîner une montée irrésistible du chômage, mais aussi la désorganisation totale de l'apprentissage en France. Que voyons-nous aujourd'hui ? Un demi-million de chômeurs ont retrouvé un travail et, depuis 2018, 50 000 nouveaux apprentis ont commencé une formation. C'est bien la preuve que La France insoumise s'est trompée.

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À cette heure, un sentiment en vaut un autre. Quels que soient nos débats au sein de cette instance et le ton employé par les uns et les autres, on peut dire, chers collègues de la majorité, que vous avez échoué à convaincre. Vous avez échoué à installer dans le pays, pas tant d'ailleurs au travers de cette réforme des retraites illisible, un climat de confiance avec la population, et ce depuis l'origine de votre mandat. Quelles que soient vos démonstrations, quelques résultats que vous vantiez, aujourd'hui, plus de sept Français sur dix ne vous font pas confiance. Ils ont de la mémoire ! La réforme du code du travail en 2017 et la hausse de la CSG en 2018 ont laissé des traces profondes dans la population. Vous ne parvenez pas à installer la confiance, donc à réunir les conditions d'un débat démocratique. Et celui-ci se crispe d'autant plus que votre réforme est contestable sur le fond, et vous le savez.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

S'agissant de la CSG, outre que le rapporteur en a bien expliqué les modalités, je vous invite à consulter l'étude d'impact : les pages 146 et 147 sont très claires au sujet de l'assiette. Ainsi documentés, vous pourrez contester.

Par ailleurs, toutes les questions posées à propos des travailleurs indépendants et professions libérales trouvent des réponses aux pages 427 à 497 de l'étude d'impact, qui fournissent un grand nombre d'études de cas, mais également des explications très claires par type de professions.

Puisque l'avis du Conseil d'État a suscité votre intérêt, peut-être pourriez-vous aussi retenir qu'il a validé le niveau d'abattement CSG prévu dans le projet de loi.

Enfin, monsieur le député Boris Vallaud, vous posiez la question du taux de cotisation des indépendants qui serait différent de celui des salariés au-dessus de 1 PASS. La réalité, c'est qu'il nous faut être attentifs à l'équilibre financier, à la capacité des entreprises à vivre de manière pérenne, donc à supporter une éventuelle évolution de charges.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

C'est pour cela que nous avons proposé que le taux de cotisation soit le même pour tous jusqu'à 1 PASS et, qu'au-dessus, le taux soit réduit pour les indépendants et les professions libérales. Cela s'explique par des éléments objectifs : contrairement aux salariés, ils ne partagent pas les cotisations avec des employeurs.

La commission rejette les amendements.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 21 heures 30

Présents. - Mme Clémentine Autain, M. Thibault Bazin, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marine Brenier, M. Jean-Jacques Bridey, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Lionel Causse, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, M. Yves Daniel, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Catherine Fabre, M. Bruno Fuchs, Mme Albane Gaillot, M. Éric Girardin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Brahim Hammouche, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Sébastien Jumel, Mme Fadila Khattabi, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, Mme Monique Limon, M. Jacques Maire, M. Emmanuel Maquet, M. Jacques Marilossian, M. Jean-Paul Mattei, M. Jean François Mbaye, M. Aurélien Pradié, M. Adrien Quatennens, M. Nicolas Turquois, M. Boris Vallaud, M. Olivier Véran, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Thierry Michels, M. Patrick Mignola, Mme Valérie Rabault

Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Ugo Bernalicis, M. Alain Bruneel, M. Jean-René Cazeneuve, M. Pierre Cordier, Mme Caroline Fiat, Mme Véronique Hammerer, M. Marc Le Fur, Mme Josette Manin, Mme Mathilde Panot, M. Dominique Potier, M. Rémy Rebeyrotte, M. François Ruffin, Mme Nathalie Sarles, M. Hubert Wulfranc