La commission entend, conjointement avec la commission des affaires sociales et la commission des affaires économiques, M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le plan de relance.
Nous auditionnons aujourd'hui, conjointement avec la commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales, M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le plan de relance qui a été présenté ce matin en Conseil des ministres. Il nous a en effet semblé utile d'adopter une approche globale et commune de ce plan, dans le détail duquel nos commissions respectives entreront lors de l'examen de différents textes, notamment le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Je dois dire que la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire m'avait également sollicité pour participer à cette audition, mais j'ai considéré que celle-ci aurait alors été difficile à organiser. Au demeurant, chaque commission aura tout loisir d'approfondir avec les ministres compétents tel ou tel aspect du plan de relance. Ce dernier aura une traduction législative, à titre principal par l'inscription de crédits budgétaires, que la commission des finances examinera dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.
Il est précieux, messieurs les ministres, que vous nous détailliez les mesures de ce plan. Certes, nous les connaissons déjà, mais nous aurons sans doute quelques précisions à vous demander, et peut-être aurons-nous des surprises.
Le peu de temps dont nous disposons nous contraint à la concision. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit nous quitter à dix-sept heures, mais M. Olivier Dussopt pourra ensuite répondre à vos questions. Je rappelle que cette audition a également lieu en visioconférence.
Lors du débat d'orientation des finances publiques qui s'est tenu au mois de juillet dernier, le Gouvernement a annoncé les quatre axes du plan de relance, parmi lesquels l'investissement dans les compétences et la solidarité.
Le volet social de ce plan, évidemment indissociable de ses autres aspects, a notamment pour objectif la lutte contre le chômage, que le Premier ministre a définie comme une priorité absolue ; il maintient la protection nécessaire de nos concitoyens, garantie notamment par le dispositif d'activité partielle de longue durée et par le soutien aux TPE et PME, viviers de tant d'emplois dans notre pays
Ce plan oppose à la crise économique des mesures offensives et volontaristes : un milliard d'euros pour la formation des salariés et le renforcement des compétences, des moyens conséquents alloués à l'aide au recrutement des jeunes et un investissement dans les secteurs sanitaire et médico-social ainsi que dans le numérique en santé. Il tient également compte des disparités territoriales, puisqu'il sera déployé en fonction des besoins de tous nos territoires, notamment outre-mer, où la crise sanitaire a durement frappé.
La coordination avec les collectivités locales, notamment en matière de développement de la formation et de soutien à l'apprentissage, sera par conséquent indispensable afin de répondre aux besoins de chaque bassin d'emploi.
Ce plan de relance est un plan d'avenir, la porte d'entrée vers une nouvelle économie qui doit nous permettre d'accélérer notre transition écologique et de favoriser l'émergence des métiers de demain.
Mes chers collègues, nous sommes ravis de vous accueillir dans notre salle de réunion qui est, vous le reconnaîtrez, la plus belle de l'Assemblée.
(Sourires.)
Vous avez su, messieurs les ministres, prendre le temps nécessaire pour optimiser la pertinence et l'efficacité des mesures de ce plan de relance très attendu par les acteurs de l'économie ; ce délai a d'ailleurs permis aux parlementaires de contribuer pleinement à votre réflexion. Ainsi, au sein de notre commission des affaires économiques, six groupes de travail sectoriels rassemblant des membres de tous les groupes de l'assemblée ont formulé 186 propositions que j'ai eu l'occasion de vous remettre, M. Le Maire, lors de votre précédente audition, le 28 juillet dernier.
Avant que vous nous présentiez les principaux axes du plan de relance, je formulerai deux vœux quant à sa mise en œuvre. Tout d'abord, il me paraît indispensable de concilier notre action économique avec trois objectifs qui doivent nous servir de fil directeur : le social, l'environnemental et le territorial. Les travaux de la mission d'information commune créée par les commissions des finances, des affaires sociales, des affaires économiques et du développement durable sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises devraient nous aider à tenir ce cap.
Mon second vœu porte sur les perspectives à long terme. Depuis le début de la crise, l'État, l'Union européenne et les collectivités territoriales ont assumé leurs responsabilités et des centaines de milliards d'euros ont été mobilisés. Or chaque euro doit être utile et il faut veiller, compte tenu de l'évolution de la dette, à la pertinence de nos investissements, qui doivent être porteurs de croissance. Seule la croissance – une meilleure croissance mais sans doute pas une décroissance – est en effet susceptible de dégager les recettes qui nous permettront, dans quelques années, d'honorer nos engagements sans cure d'austérité et sans que notre crédibilité auprès des investisseurs internationaux soit entamée.
Quelques points d'intendance. La charte sanitaire impose à chacun d'entre nous de porter en permanence un masque recouvrant la bouche et le nez. L'intervention du ministre de l'économie, des finances et de la relance sera suivie par celle des rapporteurs généraux de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, puis par celle des orateurs des groupes, qui disposeront de deux minutes chacun ; enfin après les réponses des ministres, les députés inscrits disposeront d'une minute par question.
Le plan de relance constitue la deuxième phase de la réponse que nous apportons à la crise économique la plus brutale que la France ait connue depuis 1929. Notre économie a été partiellement à l'arrêt pendant plusieurs semaines ; l'impact de cette crise sur la croissance de la France pour l'année 2020 est estimé, même si nous espérons qu'il sera moindre, à moins 11 %. Les conséquences sur l'emploi, les faillites et la situation sociale du pays s'avèrent d'ores et déjà considérables.
Nous avons, le Président de la République, le Premier ministre et moi-même, fait le choix, début mars, d'une intervention immédiate et massive, et nous poursuivrons dans cette voie. Il faut mesurer le changement de doctrine qu'une telle intervention représente par rapport aux trente dernières années : nous sommes passés d'un monde dans lequel le marché devait être totalement libre et l'État réduit à la portion congrue à un monde dans lequel ce dernier assure la protection des salariés et des entreprises face à un marché déstabilisé par le coronavirus. Nous avons fait et continuerons de faire le maximum.
Nous avons déployé quatre instruments immédiats : le prêt garanti par l'État, 120 milliards d'euros ayant déjà été décaissés à ce titre, des exonérations et des reports de charges sociales et fiscales, à hauteur de 4 milliards d'euros, un fonds de solidarité destiné aux plus petites entreprises, à hauteur de 6 milliards d'euros, et le chômage partiel, avec le dispositif le plus généreux d'Europe, qui a mobilisé près de 28 milliards d'euros pour la seule année 2020.
Nous avons donc été au rendez-vous des salariés et des entreprises pour répondre à la diversité des situations économiques sur l'ensemble du territoire, de celle du petit indépendant à celle du commerce de proximité, de celle de la très grande entreprise comme Air France à celle des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des petites et moyennes entreprises (PME), de celle des professions libérales à celle des entreprises publiques.
Le plan de relance vise désormais à ouvrir l'horizon pour les Français. Les semaines qui viennent vont être les plus difficiles de la crise : nous allons maintenant toucher du doigt les conséquences de la crise en matière d'emploi et de faillites. Il faut donc, ainsi que nous le faisons s'agissant du chômage partiel pour les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et des cafés, de la culture et de l'événementiel, maintenir les dispositifs existants tout en projetant les Français dans ce que pourra être la France d'après-crise, celle de 2030. Il faut leur dire une chose simple : nous allons y arriver. La France, j'en suis convaincu, sortira plus forte de la crise, avec une économie décarbonée, plus compétitive et plus solidaire.
Ce plan de relance repose sur trois orientations.
La première d'entre elles est l'accélération de la transition écologique, qui, nous en sommes convaincus, permettra d'améliorer l'économie française.
Nous sommes opposés à la décroissance, dont il ne peut rien sortir de bon. Si nous voulons des thérapies ciblées, des médicaments adaptés à la diversité des maladies, des transports plus propres, en particulier des avions volant à l'hydrogène et non plus aux carburants fossiles, il faut favoriser l'innovation, la croissance et les nouvelles technologies. La décroissance conduirait à la paupérisation de notre pays et à sa relégation au rang des nations accessoires. La France est une grande nation qui va montrer qu'elle peut conjuguer croissance et respect de l'environnement.
À cette fin, nous allons consacrer près de 7 milliards d'euros à la rénovation énergétique des bâtiments publics – hôpitaux, écoles, collèges, lycées… – et privés, puisque les particuliers pourront bénéficier du dispositif MaPrimRénov', auquel sont alloués 2 milliards d'euros, pour engager des travaux de rénovation globale de leur logement et non plus le simple remplacement d'une fenêtre.
Par ailleurs, 1,2 milliard d'euros seront affectés à la décarbonation de l'industrie, notamment à celle des sites industriels émettant le plus de gaz carbonique mais dont les opérateurs ne peuvent pas, parce que cela serait trop coûteux, changer de mode de production.
Nous engagerons également un vaste plan en faveur des mobilités propres : pistes cyclables et transports en commun… Quant au secteur ferroviaire, il bénéficiera d'un soutien de 4,7 milliards d'euros qui permettra d'amortir le choc de la covid-19 sur la SNCF, de dégager des moyens pour les petites lignes et de relancer le fret ferroviaire, qui constitue une alternative utile aux camions.
Nous prendrons également des mesures en matière d'agriculture biologique et de respect de la biodiversité.
Enfin, nous voulons, s'agissant de l'hydrogène, nous doter d'une stratégie qui permette à la France, dans les années qui viennent, d'être souveraine dans ce domaine : 7 milliards d'euros y seront consacrés. Nous souhaitons mettre en œuvre cette stratégie conjointement avec l'Allemagne ; je me rendrai le 11 septembre prochain à Berlin pour en discuter avec mon homologue allemand.
La deuxième orientation a trait à la compétitivité de nos entreprises, qui garantira la création d'emplois, l'ouverture de nouvelles usines et la création de nouvelles entreprises partout sur le territoire.
La France a trop délocalisé : au cours des trente dernières années, elle est l'une des nations industrialisées qui a le plus délocalisé. Elle l'a fait au nom d'idées qui se sont avérées illusoires, comme l'industrie sans usines. Elle l'a fait par manque de courage, refusant de toucher à une fiscalité pénalisante pour l'industrie. Il est bien beau de faire des discours sur la reconquête industrielle : si l'on conserve une telle fiscalité confiscatoire, il n'y a cependant aucune chance de voir se rouvrir une seule usine dans notre pays.
C'est parce que nous assumons, avec la majorité, des choix fiscaux courageux, à savoir la baisse, à hauteur de 10 milliards d'euros, des impôts de production – qui sont, en France, sept fois plus élevés qu'en Allemagne et deux fois plus élevés que la moyenne européenne – que nous obtiendrons des résultats en matière de relocalisations industrielles. Nous baisserons ainsi la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de 7,5 milliards d'euros, en compensant intégralement la perte de recettes qui en résulte par l'affectation aux régions d'une part des recettes de TVA, et nous réduirons de moitié les impôts fonciers des établissements industriels de 32 000 entreprises, ce qui représente un effort de 3,25 milliards d'euros.
Nous investirons également dans les technologies d'avenir : la France ne peut se reposer sur ses lauriers et, en matière de commerce extérieur et d'exportation, ne dépendre que des filières du luxe, de l'agroalimentaire, de l'aéronautique ou de la pharmacie. Il faut que nous ouvrions de nouveaux champs industriels dans lesquels l'industrie française pourrait prendre le leadership mondial. Nous investirons donc 11 milliards d'euros, à travers le quatrième Programme d'investissements d'avenir (PIA), dans les technologies numériques, la recherche médicale, l'industrie de la santé, les énergies décarbonées, la souveraineté alimentaire, l'enseignement numérique et l'industrie culturelle et créative.
Nous mobiliserons également les moyens nécessaires pour encourager la relocalisation industrielle. Beaucoup d'entreprises souhaitent relocaliser leur activité, mais elles ont besoin pour le faire d'ouvrir une nouvelle ligne de production ou d'acheter des robots et des machines. Or, elles n'ont pas toujours les moyens, au regard de leur chiffre d'affaires, de réaliser de tels investissements. Nous subventionnerons donc, à hauteur d'un milliard d'euros, les entreprises industrielles concernées afin de les y aider.
Nous renforcerons enfin les fonds propres des TPE, PME et ETI en apportant une garantie d'État de 3 milliards d'euros sur des placements financiers qui auront reçu le label « France Relance », ce qui permettra de débloquer de 10 à 20 milliards d'euros de prêts participatifs, c'est-à-dire de quasi-fonds propres.
La cohésion et la solidarité forment la troisième orientation, qui repose d'abord sur l'investissement majeur de 6 milliards d'euros consenti en faveur des secteurs de la santé et du médico-social dans le cadre du Ségur de la santé, qui figure dans le plan de relance.
Par ailleurs, nous avons voulu, avec Élisabeth Borne, soutenir massivement l'emploi des jeunes. Nous allons ainsi augmenter, pour un montant de 1,6 milliard d'euros, le nombre des formations qualifiantes afin que 223 000 jeunes supplémentaires puissent en bénéficier. En outre, grâce au dispositif d'aide à l'embauche des jeunes, d'ores et déjà disponible, toute entreprise qui embauchera un jeune de moins de 26 ans en contrat à durée indéterminée bénéficiera d'une baisse de charges de 4 000 euros par contrat. Des dispositifs spécifiques seront en outre réservés aux jeunes en situation de handicap.
Nous favoriserons également l'apprentissage en octroyant des primes de 8 000 euros pour toute embauche d'un jeune majeur et de 5 000 euros pour toute embauche d'un jeune âgé de moins de 18 ans. Nous créerons en outre 300 000 parcours supplémentaires d'accompagnement vers l'emploi, ce qui représente 1,3 milliard d'euros.
Nous avons fait le choix, grâce au chômage partiel et à l'activité partielle de longue durée – j'invite tous les entrepreneurs à signer le plus vite possible ces accords –, de maintenir des dispositifs très protecteurs en matière d'emploi. L'ensemble de ces mesures représente un investissement de 16,6 milliards d'euros.
Nous avons voulu prendre également des mesures pour les plus précaires, les plus fragiles, ceux que la crise touchera le plus directement. Nous avons ainsi décidé de majorer l'allocation de rentrée scolaire de 100 euros, pour un montant d'un demi-milliard d'euros, et de réduire le prix du repas dans les restaurants universitaires à un euro, contre plus de 3 euros actuellement. Enfin, nous apporterons un soutien de 5 milliards d'euros aux collectivités locales, dont un milliard d'euros pour la seule dotation de soutien à l'investissement local.
Deux remarques pour conclure. S'agissant, tout d'abord, de la méthode, tout sera art d'exécution. Si nous voulons que les Français observent l'effet du plan de relance sur leur vie quotidienne, leurs commerces, leur logement, les transports, nous devons dépenser vite et bien. C'est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont pris la décision d'inscrire les 100 milliards d'euros du plan dans une mission budgétaire unique. Placée sous mon autorité, elle comportera des clauses d'extinction, de sorte que je pourrai soumettre régulièrement au Premier ministre une liste de projets dont l'exécution n'est pas suffisamment rapide – si les sommes prévues ne sont pas décaissées, par exemple, ou si les appels d'offres n'ont pas été lancés – et dont les crédits doivent être transférés à d'autres projets, plus mûrs, pouvant être exécutés immédiatement.
Le Premier ministre présidera un conseil de suivi de la relance, et je dirigerai moi-même un comité de pilotage qui se réunira de manière hebdomadaire. Je souhaite que les représentants de l'ensemble des fédérations professionnelles soient reçus chaque semaine au ministère de l'économie, des finances et de la relance, pour m'assurer, comme je l'ai fait pendant la crise sanitaire, que les sommes sont réellement débloquées et que les professionnels ne rencontrent pas de difficultés dans l'exécution du plan.
S'il faut modifier les dispositifs, nous les modifierons, comme je n'ai cessé de le faire depuis le 1er mars. Qu'il s'agisse du prêt garanti par l'État, du fonds de solidarité ou des exonérations de charges, à chaque fois que les fédérations, les entreprises ou les salariés nous ont rapporté des dysfonctionnements, nous avons apporté les corrections nécessaires. Je suis donc ouvert à toute modification susceptible d'améliorer l'efficacité du plan et sa capacité à toucher les territoires.
Nous définirons une batterie d'indicateurs de suivi transparents – je souhaite que les parlementaires, dans leur rôle de contrôle de l'exécutif, nous soumettent leurs propositions en la matière – parmi lesquels peuvent figurer les taux de décaissement, la réduction des émissions de dioxyde de carbone, la rénovation énergétique ou les créations d'emplois.
Enfin, je suis évidemment ouvert à ce que nous demandions des contreparties aux entreprises qui bénéficieront, par exemple, du prêt participatif et du soutien direct de l'État. Elles pourront concerner soit l'environnement, soit leur gouvernance, notamment l'égalité entre les femmes et les hommes, à laquelle je suis profondément attaché, soit la signature d'accords d'intéressement ou de participation : lorsque l'entreprise va mieux grâce au soutien de l'État, les salariés doivent pouvoir en bénéficier directement, sous la forme d'espèces sonnantes et trébuchantes.
Telles sont les grandes orientations que je voulais vous présenter, après l'avoir fait ce matin en Conseil des ministres, avec les autres ministres concernés, en particulier Barbara Pompili et Élisabeth Borne. Je veux, en conclusion, vous redire ma conviction profonde : la France sortira plus forte de cette crise.
Un plan de relance était nécessaire : il fallait non seulement modifier, articuler, adapter et prolonger les mesures d'urgence qui avaient été décidées, mais également accélérer la transformation dans divers domaines. Par ailleurs, des mesures durables ayant déjà été prises et des dépenses réalisées pour préserver le pouvoir d'achat, il fallait, comme vous l'avez indiqué, mettre l'accent sur la compétitivité ; je pense notamment à la baisse des impôts de production.
Mes questions portent sur d'autres aspects. Bien que j'appartienne à l'opposition, je n'adopte pas là une approche politique : à titre personnel – je ne parle pas au nom du groupe Les Républicains, puisque nous n'avons pas encore eu d'échanges sur ce sujet –, je voterai le plan de relance.
Celui-ci consiste essentiellement en des dépenses publiques. Le Président de la République, le Premier ministre et vous-même mettez les chiffres en avant. Or il s'agit non pas de rivaliser avec les autres pays pour présenter le plan de relance le plus important, mais plutôt de déterminer si celui-ci sera efficace et durable. Les chiffres varient d'ailleurs sensiblement. Le Président de la République parle ainsi de 460 milliards d'euros, en tenant compte des prêts garantis par l'État (PGE). Par ailleurs, les 100 milliards d'euros comprennent des sommes qui seront réellement décaissées et d'autres qui ne le seront pas.
Certes, vous consentez un effort important, mais il comporte beaucoup de recyclage et porte sur de la dépense publique ; il faut donc être très vigilant.
Premièrement, comment dépenserez-vous ? Vous indiquez que vous appliquerez des méthodes efficaces de suivi. Ce qui compte, en effet, ce n'est pas seulement le volume budgétaire du plan, c'est aussi sa vitesse d'exécution. Aussi, avez-vous, comme on a pu le lire, défini, pour les principaux types de dépenses, un rythme d'exécution qui vous semblerait efficace ?
Par ailleurs, je mets en garde contre les effets de la conditionnalité. On ne dit pas à un malade qu'il sera sauvé s'il remplit certaines conditions : on cherche d'abord à le sauver, avant de poser des conditions. Je souhaiterais donc que vous précisiez à quel niveau vous comptez placer la conditionnalité.
Deuxièmement, on peut se demander si le plan de relance n'est pas un prétexte pour éviter toute réforme. Comment marierez-vous son exécution et la suite des réformes ? La meilleure des relances est naturellement la réforme structurelle de notre pays.
Troisièmement, disposons-nous encore de marges de manœuvre, dans l'hypothèse d'un rebond de l'épidémie ou d'une crise d'un autre type, ou avons-nous tiré toutes nos cartouches ?
Enfin, vous ne dites rien sur le financement du plan. Sur ce point, les réponses du Gouvernement paraissent courtes. Peut-on s'endetter sans limite ? Certes, les taux sont très faibles et il est probable qu'ils le restent durablement, mais cette durabilité elle-même est relative. Avait-on besoin de réhabiliter à ce point la dépense publique ? Après avoir été considérée comme une contrainte absolue, et comme devant être contingentée, elle devient aujourd'hui une forme de vertu. Comment la conciliez-vous avec une action plus profonde de réforme de notre pays ?
Nous pourrons approfondir ces questions lors d'auditions ultérieures et de l'examen du projet de loi de finances.
Monsieur le président, si vous votez le plan de relance, vous voterez donc également le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, qui en traduira l'essentiel des mesures.
Non, non ! Ce sont deux sujets distincts. Comme vous le savez, le PLF comportera une mission Plan de relance, dont nous serons du reste tous deux rapporteurs.
Absolument. Je me réjouis que nous soyons rassemblés à l'occasion de la présentation de ce plan de relance de notre économie, que nous attendions. Avec 100 milliards d'euros investis sur deux ans, il est à la hauteur de son ambition : contribuer à retrouver en 2022 notre niveau d'activité d'avant-crise. Il constitue une puissance de feu au moins comparable à ce que prévoient nos partenaires économiques, du moins ceux qui ont rendu publics des plans analogues, couvrant plusieurs secteurs et utilisant des leviers fiscaux et budgétaires équivalents.
C'est un plan massif et équilibré. Il comporte des investissements d'un niveau sans précédent en faveur de la transition écologique, renforce notre économie domestique en préparant les entreprises et les travailleurs au monde à venir, protège et promeut largement les personnes et les territoires fragilisés pendant la crise, et plus précaires aujourd'hui.
Il soutient non seulement l'offre – j'insiste sur cet aspect – par la réduction des impôts de production, les investissements d'avenir et la mobilisation de la commande publique, poumon majeur de notre tissu économique local, mais aussi la demande, grâce notamment aux dispositifs d'activité partielle de longue durée, à la prime à l'embauche des jeunes et aux repas à un euro pour certains étudiants.
Par son volume et son contenu, le plan de relance est donc prometteur. Il permettra à notre pays de poursuivre dans la voie où nous nous sommes engagés il y a plus de trois ans, en favorisant une économie plus compétitive, agile et moderne, où les emplois sont plus nombreux, plus qualifiés, mieux rémunérés.
Ce plan de relance est en partie assis sur des crédits budgétaires rassemblés au sein d'une mission ad hoc, dont nous serons, avec le président Woerth, les rapporteurs spéciaux. Son exécution est a priori confiée à la direction du budget puis aux ministères compétents, par délégation ou transfert de crédits. Quelles garanties ce dispositif apporte-t-il en matière de souplesse, d'agilité, de rapidité, pour que le plan de relance soit exécuté rapidement sur le terrain ? Pourriez-vous décrire aux rapporteurs spéciaux de cette mission le détail de l'exécution, semaine après semaine ?
Pour que le plan de relance soit efficace, il doit être visible dans le détail par les citoyens sur le terrain et apprécié dans son ensemble par le Parlement. À cet égard, il est indispensable que les parlementaires disposent, dans les meilleurs délais, d'une cartographie du plan, pour savoir qui paie quoi, quand et où. Nous devons y voir clair, régulièrement, afin de suivre précisément l'exécution du plan, conformément à notre mission de législateur.
Enfin, le plan de relance est un investissement. Sa crédibilité dépendra de la capacité du Gouvernement et de la majorité parlementaire à tenir les comptes publics dans le budget que nous pouvons qualifier de classique, notamment eu égard au solde structurel, et à poursuivre les réformes engagées pour notre pays.
Nous avons surmonté la part critique de la crise sanitaire – je veux le croire, mais restons prudents. Nos systèmes de protection sociale et de santé et, avant tout, les femmes et les hommes qui les animent, ont su faire face. Nous avons mis en place un plan inégalé de maintien des emplois et des compétences, notamment grâce à l'extension de l'activité partielle, à l'annulation des cotisations sociales pour les entreprises les plus en difficulté et au report du paiement des cotisations sociales pour celles qui en avaient besoin.
Avec ce plan de relance, nous entrons dans une deuxième phase : il s'agit non seulement de sortir de la crise économique mais de préparer la décennie à venir. C'est en effet par le retour de l'activité et de l'emploi que les comptes sociaux pourront retrouver une trajectoire équilibrée. Par les efforts consentis en faveur des jeunes, notamment des jeunes apprentis, ce plan y contribue pleinement.
M. le ministre l'a évoqué, le plan de relance vise aussi le réarmement de notre hôpital public, dans la droite ligne des conclusions du Ségur de la santé. Outre la reprise de la dette des hôpitaux, que nous avons votée avant les congés d'été, 6 milliards d'euros seront consacrés à l'investissement dans le système de santé. Mais notre souveraineté sanitaire repose également sur notre capacité à produire des médicaments et des équipements qui ont parfois fait défaut. C'est pourquoi, outre la réduction des impôts de production, le plan prévoit des mesures propres à faciliter la relocalisation des entreprises de la santé sur le sol français. Pouvez-vous en indiquer le calendrier précis ? Comment les actions de relocalisation, essentielles dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons toujours aujourd'hui, seront-elles ciblées ?
Enfin, le plan s'inscrit dans la durée, pour permettre à notre pays de relever les défis des années qui viennent, notamment celui de la dépendance. Alors que le Parlement vient de créer une cinquième branche dédiée à l'autonomie, votre plan contient des mesures de rénovation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et affirme plus largement l'engagement du Gouvernement en faveur du handicap et de la dépendance. Pouvez-vous détailler ces mesures ou, à tout le moins, nous indiquer la part de l'effort qui pourrait y être consacrée ?
Le plan de relance contribue pleinement à réaffirmer notre engagement en faveur de notre système de protection sociale, qui a su démontrer encore une fois sa valeur dans les moments les plus difficiles.
Au nom du groupe La République en Marche, je salue la stratégie économique que vous proposez avec ce plan de relance, pour faire face à une crise sanitaire et économique inédite. Rappelons brièvement le contexte d'avant-crise : grâce à la politique économique que vous aviez inspirée, la France présentait le taux de croissance le plus élevé d'Europe, elle était devenue le premier pays d'accueil des investissements directs étrangers et avait enregistré une baisse de sa trajectoire de chômage.
Durant la période de confinement, nous avons su déployer un dispositif d'urgence simple et rapide d'exécution qui a préservé la demande intérieure, grâce au Fonds de solidarité et au chômage partiel, tout en soutenant la trésorerie des entreprises, donc l'offre de notre appareil de production, grâce au report des charges, au PGE et aux aides sectorielles. Le temps de la relance est venu, fondée sur le socle de résultats positifs obtenus avant et pendant la crise.
Nous saluons l'investissement dans l'innovation, la productivité, la compétitivité, l'attractivité, la capacité de nos entreprises à opérer leur transition écologique, la numérisation de leur processus de production et la relocalisation de leur activité, ainsi que dans les compétences et les solidarités. Nous soutiendrons l'ambition que vous venez de dessiner.
Comment comptez-vous orienter les 100 milliards d'euros d'épargne accumulés par les Français durant la crise vers les entreprises, qui doivent faire face au refinancement de leur fonds de roulement, au remboursement de leurs reports de charges et aux investissements pour pérenniser leurs activités ? Par ailleurs, pourriez-vous préciser les assouplissements réglementaires et prudentiels, notamment dans le secteur de l'assurance, que vous avez récemment évoqués ?
Après les trois plans de soutien successifs des derniers projets de loi de finances rectificative (PLFR), que les députés du groupe Les Républicains ont votés, il était temps de discuter d'un plan de relance. Nous le réclamions depuis le printemps et regrettons son arrivée tardive, d'autant que certaines mesures ne produiront des effets qu'à partir de janvier 2021.
Mais quid de son financement ? Permettez-nous de rester sceptiques devant les propos du Président de la République, selon lesquels la dette liée au plan sera remboursée non par une hausse des impôts mais par la croissance et les transformations engagées. Depuis le début de la législature, en effet, la dette a continué d'augmenter, passant de 2 275 milliards d'euros au 30 juin 2017 à 2 380 milliards d'euros au 31 décembre 2019 selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
Par ailleurs, nous pouvons saluer certaines mesures, notamment la réduction des impôts de production assortie d'une compensation, que le groupe Les Républicains proposait depuis 2017.
Il importe que ces 100 milliards d'euros parviennent aux territoires et que les entreprises s'en saisissent. Je citerai deux exemples. Tout d'abord, en quoi le plan de relance bénéficiera-t-il aux entreprises, notamment les discothèques, qui n'ont pas le droit d'exercer leur activité et ne disposent d'aucune visibilité ? Certaines ont fermé ; d'autres licencient ou vont licencier car les dispositifs d'activité partielle ne suffisent plus.
Ensuite, qu'apportera le plan de relance à Brittany Ferries, entreprise de renommée nationale, voire internationale, dont l'activité a des répercussions sur les régions Normandie et Bretagne – M. Le Maire y est très attentif, étant lui-même Normand ? L'entreprise a perdu 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. Elle connaîtra probablement une perte de 100 millions d'euros en 2020 et de 80 % du chiffre d'affaires de son activité de transport transmanche de passagers. Marc Le Fur vous a interpellé à plusieurs reprises à ce sujet. D'autres dispositions que celles du plan de relance sont-elles prévues ?
Au nom des députés du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, je salue le plan de relance que vous nous présentez, tant pour la méthode retenue qu'au regard de l'ampleur du soutien apporté et des priorités définies. S'agissant de la méthode, vous avez su consulter très largement les forces vives du pays, tout autant que les parlementaires, qui ont pu participer, avant l'été, à la réflexion sur les mesures qui s'imposaient. Par ailleurs, vous nous annoncez un dispositif de suivi semaine après semaine, à un rythme quasi-quotidien, de ce plan historique. Quant à l'ampleur du mécanisme, vous engagez 100 milliards d'euros, soit 4 points de PIB, ce qui représente un montant quatre fois supérieur à celui apporté lors de la crise de 2008. Le plan couvrira l'économie française dans toutes ses dimensions. S'agissant des axes qui ont été définis, vous avez choisi d'orienter l'effort vers les priorités d'avenir – ce qui n'est jamais un exercice facile – alors qu'il est assez naturel, lors de la conception d'un plan de relance, de ressortir des dossiers anciens.
Je vous poserai trois questions. Premièrement, s'agissant de l'emploi, le plan comporte un dispositif puissant : la prime à l'emploi pour les jeunes de moins de 26 ans. Concernant les autres personnes éloignées de l'emploi, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les mesures de nature à encourager les entreprises à recruter dans cette période d'incertitude ? Deuxièmement, quel sera le rôle des territoires dans la mise en œuvre du plan de relance et dans l'identification des projets les plus pertinents à financer ? Troisièmement, le plan sera notamment financé par l'Union européenne, grâce à l'accord que le Président de la République et vous-même avez obtenu. Quelles contreparties devrons-nous consentir pour sécuriser ce financement ?
Pour le groupe Socialistes et apparentés, ce plan de relance n'en est pas un. En effet, un tel plan suppose une mise en œuvre rapide et une action portant à la fois sur l'offre et sur la demande. Or, vous ne traitez que l'offre : vous ne vous adressez qu'aux entreprises. Certes, vous affectez un petit montant aux personnes les plus précaires, mais il ne représente que 0,8 % du montant total. On est donc très loin d'un plan équilibré. L'Allemagne, qui a présenté un vrai plan de relance il y a trois mois, a opéré un virage idéologique inouï en se concentrant sur la demande. Elle a soutenu les ménages pour faire fonctionner l'économie, grâce, notamment, à une baisse de 3 points de la TVA et à l'octroi d'une aide pouvant atteindre 300 euros par enfant. Le mot « demande » est absent de votre plan. Le rapporteur général de la commission des finances a d'ailleurs centré son propos sur l'offre. Ce n'est donc pas un plan de relance mais un plan d'investissement à une échéance de six mois, douze mois, voire davantage. Cela constitue un grand manque de votre dispositif. Vous ne pourrez pas relancer l'économie si vous ne soutenez pas la demande.
S'agissant du montant de 100 milliards d'euros, vous semez un peu des choux et des carottes, comme on en a l'habitude. Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'aide de 3 milliards d'euros aux PME prendra la forme de garanties et ne renforcera pas leurs fonds propres. Les PME sont les grandes absentes de votre plan, comme des derniers PLFR, alors que ce sont elles qui assurent l'emploi. Cela explique peut-être pourquoi le Premier ministre a affirmé, ce matin, qu'il s'assignait l'objectif de créer 160 000 emplois, alors que la crise entraîne la destruction de 860 000 emplois. On est très loin du compte !
Par ailleurs, vous auriez dû tenir compte des alertes de l'INSEE, qui a indiqué, la semaine dernière, que nous avions subi, au deuxième trimestre, la plus forte baisse de pouvoir d'achat depuis 1949. Les ménages ont perdu la capacité de participer à la relance de la machine économique. Vous ne dites rien non plus à ce sujet.
Enfin, vous ne proposez aucun mécanisme pour orienter l'épargne, d'un montant total de plus de 100 milliards d'euros, constituée par les Français, notamment les plus aisés. Ce n'est pas avec le label « France Relance », monsieur le ministre, que vous réinjecterez de l'épargne dans l'économie.
Il y a d'abord eu l'urgence, économique et sociale. La première vague épidémique et le confinement généralisé qui en a découlé nous ont profondément affaiblis. La crainte du lendemain demeure présente, tant pour l'employeur que pour le salarié, qui a le sentiment que son emploi peut lui échapper. C'est pourquoi il est impératif de renouer avec la confiance dans notre pays, dans notre avenir. Cela passe par des mesures concrètes et une stratégie à plus long terme qu'il faut tenir, encourager, adapter à nos territoires. Il faut ainsi faire de la transition écologique un axe prioritaire de nos politiques, assurer la stabilité dans le temps des mesures gouvernementales annoncées, faire preuve de souplesse dans l'application des procédures – ce qui est très attendu par les acteurs locaux – et accélérer les délais réglementaires. Il convient d'agir plus vite et de traiter de manière différenciée les territoires en fonction de leur écosystème et des filières identifiées. Les acteurs économiques ont besoin d'un cap qui ne soit pas altéré à chaque loi de finances. Ils doivent pouvoir compter sur l'État pour se projeter à long terme. Nous nous réjouissons que vous insistiez, dans le plan de relance, sur la mise en œuvre, dès que possible, de la territorialisation. Sachons faire confiance aux territoires.
Le groupe UDI et Indépendants se veut force de propositions. J'en citerai une, qui peut être rapidement appliquée. Nous appelons de nos vœux la transformation des prêts garantis par l'État en « obligations relance covid », financées par l'épargne populaire et contre-garanties par l'État. Ce procédé serait gagnant-gagnant : les entreprises verraient leurs PGE transformés en quasi-fonds propres remboursables sur quinze ou vingt ans, tandis que les épargnants pourraient racheter les obligations à des taux d'intérêt bien plus rémunérateurs que ceux du livret A.
Je vous poserai quatre questions, au nom du groupe Libertés et Territoires. Premièrement, la reprise durable de la croissance implique avant tout le retour de la confiance des acteurs économiques : ménages, entreprises, collectivités territoriales. Le plan de relance est-il, à vos yeux, messieurs les ministres, susceptible de rétablir la confiance ? Par quels mécanismes peut-il faire baisser le taux d'épargne, qui s'est envolé ?
Deuxièmement, pourquoi avoir attendu la loi de finances initiale pour 2021, qui ne pourra avoir d'effet – au mieux – qu'à partir de janvier 2021, pour lancer le plan de relance, alors que vous aviez envisagé une quatrième loi de finances rectificative, fin juillet ?
Troisièmement, alors que beaucoup de chiffres sont avancés, le Premier ministre, dans une interview publiée ce matin dans Le Figaro, évoque 80 milliards d'euros de crédits nouveaux. Il me semble qu'on doit déduire de cette somme 10 milliards d'euros de crédits ouverts dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020. On ne parle donc que d'une relance de 70 milliards d'euros étalée sur deux ans, c'est-à-dire près de 35 milliards d'euros – et plutôt 25 à 30 milliards d'euros en 2021 – pour les deux années à venir, soit un chiffre compris entre 1,2 et 1,3 % du PIB. Certes, l'effort est à peu près comparable à celui des Allemands – 130 milliards d'euros sur deux ans – et Britanniques – environ 35 milliards de livres sur un an. Mais les moyens engagés par le Gouvernement sont-ils aussi importants qu'il veut bien le dire ?
Quatrièmement, comment compenserez-vous la baisse de 10 milliards d'euros par an des impôts de production ? Pour les régions, vous avez évoqué l'affectation d'une part de TVA nette, mais quelles compensations accorderez-vous au bloc communal, au titre de la baisse de moitié de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) sur les bâtiments industriels ?
Votre plan de relance, c'est trop peu, c'est trompeur, c'est trop mal utilisé. C'est trop peu : ce n'est même pas la moitié de la perte de PIB – 267 milliards d'euros – que nous allons subir et beaucoup moins que le montant engagé par les Allemands. Nous courons donc un risque élevé de décrochage, qui serait problématique pour la France et, possiblement, pour l'Europe. La France pourrait ainsi devenir une nation accessoire, pour reprendre votre expression, monsieur le ministre.
C'est trompeur : en réalité, vous piochez dans différentes sources qui n'ont pas grand-chose à voir entre elles. À titre d'exemple, les 30 milliards d'euros dédiés à la transition écologique comprennent beaucoup de mesures qui ont été adoptées dans les lois de finances rectificatives ou qui s'étalent sur plusieurs années. La baisse des impôts de production, à hauteur de 20 milliards d'euros, aidera principalement les grandes entreprises, au point qu'on se demande si ce n'est pas plutôt un plan de relance du capital. Quant aux 40 milliards d'euros du plan de relance européen, que vous vantez en permanence, c'est une arnaque : non seulement il sera conditionné, mais il nous coûtera 26 milliards d'euros de plus qu'il ne nous rapporte.
C'est enfin trop mal utilisé : les aides ne sont quasiment soumises à aucune conditionnalité. Vous allez donner de l'argent à des entreprises, telle Cargill, qui engagent, sous couvert de la crise du covid-19, des plans de restructuration qui n'ont rien à voir avec cette crise et tout à voir avec des licenciements boursiers. Rien n'est fait pour réduire la pauvreté, alors que Médecins du monde nous expliquait récemment intervenir dans certains départements français comme elle le faisait naguère dans les pays les plus pauvres. Telle est la situation qui nous est léguée. Trop peu est fait pour lutter contre le chômage, notamment celui des jeunes. Enfin, s'agissant de l'écologie, il faudrait 50 milliards d'euros par an pour atteindre ne serait-ce qu'un taux carbone neutre ; plus on attend, plus l'effort sera élevé.
Vous menez une politique de l'offre, de la compétitivité, celle-là même qui a affaibli l'État et le secteur industriel, et qui transforme la crise du covid-19 en une crise sociale, écologique, économique d'une ampleur inédite – ou, du moins, qui n'avait pas été atteinte depuis longtemps.
Nous nous réjouissons, à La France insoumise, que vous nous ayez copiés en reprenant à votre compte le vocabulaire de la planification – même si nous doutons que vous ayez le mode d'emploi. Nous vous invitons à faire de même, monsieur le ministre, s'agissant des propositions que nous faisons dans notre plan de déconfinement économique pour sortir le pays de la situation actuelle.
Le groupe Écologie Démocratie Solidarité défend un plan de relance durable qui tienne compte des priorités sociales et économiques, sans oublier les enjeux écologiques, et qui impose des contreparties clairement établies aux bénéficiaires de l'argent public. C'est le prix d'une véritable transformation.
Si nous saluons l'augmentation de plusieurs budgets en faveur de l'écologie, de l'emploi et du système de santé, des efforts restent à accomplir. Un soutien financier devrait notamment être apporté au secteur de la santé mentale, face aux conséquences traumatiques de la crise. Une aide devrait également être accordée dans le domaine de la culture ; en effet, malgré le montant alloué, des inquiétudes demeurent sur le soutien aux auteurs, au secteur du livre et à l'audiovisuel.
Je me réjouis également de l'allocation annoncée de 2 milliards d'euros à l'hydrogène, mais je m'interroge sur la répartition des investissements – j'appelle votre attention sur les projets technologiques de l'équipe Energy Observer.
Vous diminuez de 20 milliards d'euros, sur deux ans, les impôts de production au profit des entreprises, en vue de renforcer leur compétitivité et d'encourager les relocalisations. Il est vrai que certains de ces impôts, comme la CVAE ou la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), mériteraient un débat, mais cette mesure est la marque d'un libéralisme quelque peu dépassé. En effet, il n'est pas clairement établi que le niveau d'imposition détermine à lui seul la compétitivité ; il ne suffit pas, en tout état de cause, à expliquer le choix de la localisation d'une entreprise. Ces dispositions bénéficieront largement aux plus grandes d'entre elles, aux secteurs épargnés par la crise, et très peu aux petites entreprises, qui sont les plus affectées. Si certains dispositifs d'optimisation fiscale ne sont pas remis en cause, ces aides n'auront pas les effets recherchés. Le plan doit être l'occasion d'associer à la relance les secteurs peu touchés, comme les firmes transnationales, les grands acteurs financiers et assurantiels, qui doivent être soumis à des contributions exceptionnelles, et voir le versement de l'argent public conditionné au maintien des emplois, à plus de civisme fiscal et à des investissements respectueux de l'environnement. Alors que le déficit public se creuse, l'orientation choisie aura des conséquences dramatiques sur les finances publiques.
Malgré certaines annonces propices, ce plan ne suffira pas, à notre sens, à engager durablement la transition de notre économie vers un modèle plus respectueux de l'environnement et plus juste.
Le groupe Agir ensemble salue le plan de relance qui, par les moyens engagés, la méthode retenue et le cap défini, présente un caractère historique. Il est la marque d'un tournant idéologique assumé sans complexes : celui du retour, de la reconquête de l'État, qui entend regagner le terrain perdu sur le plan de la souveraineté économique et relocaliser. Les mesures d'urgence du printemps ont permis de sauvegarder notre économie. Aujourd'hui, il s'agit de la relancer, de la transformer pour la rendre écologique. Pour notre groupe, la réussite de ce plan se mesurera à la sincérité et à la profondeur de la transformation, aux changements concrets dans la vie quotidienne de nos concitoyens. L'ampleur de la somme mise sur la table – 100 milliards d'euros – invite à ce que tous les Français, jusqu'au chef de l'État, soient acteurs de la relance, transformateurs de notre économie. L'affectation de sous-préfets à la relance va dans le bon sens, à condition qu'elle se fasse en bonne intelligence avec tous les acteurs des territoires. La relance se gagnera aussi au plus près des gens.
Dans leur rapport d'information sur la concrétisation des lois, Jean-Noël Barrot et Laurent Saint-Martin ont proposé que les parlementaires aillent au-delà de l'analyse ex post pour se livrer à une évaluation systématique in itinere de l'application des lois. Le plan de relance doit être l'occasion pour tous les parlementaires, dans leur territoire, d'exercer pleinement cette mission. Comment allez-vous faire en sorte que chacun soit associé à l'œuvre entreprise et se sente acteur de la relance et de la transformation ?
Sur la forme, je veux dire mon insatisfaction à l'égard de la démocratie du sablier : deux minutes pour analyser un plan de 100 milliards d'euros, c'est moins qu'il n'en faut pour faire cuire un œuf à la coque !
( Sourires )
Il ne faudrait pas que le ministre accorde moins de temps à la Représentation nationale que le Gouvernement n'en a consacré à l'université d'été du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).
Sur le fond, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine partage le diagnostic sur l'épaisseur et la profondeur de la crise. La présidente de l'Observatoire des inégalités a estimé que la crise sociale était la dernière mutation du virus. Face à cela, vous mettez sur la table une somme de 100 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien – il est à noter que les libéraux se débarrassent du dogme des 3 % de déficit quand leurs intérêts vitaux sont en jeu.
Mais le plan de relance a une face B. Je pense au deal que vous avez passé avec la Commission européenne sur votre projet de réforme des retraites, en contrepartie des 40 milliards d'euros alloués par l'Europe. À l'heure où nos voisins allemands font le choix d'appuyer la demande, en baissant la TVA – dans le but de relancer l'emploi –, vous vous obstinez à suivre la logique – qui caractérise le quinquennat – de l'offre à tout prix, au nom du « ruissellement », mais sans aucune conditionnalité environnementale, sociale ni fiscale. Vos mesures ne rempliront pas les carnets de commandes des TPE.
La face B de votre plan, c'est que, à l'heure où l'on parle de souveraineté alimentaire, l'agriculture ne pèse que pour 1 % de l'aide accordée. La pêche, les ports, le secteur maritime ne se voient allouer que 250 millions d'euros, ce qui relève de l'aumône. Il ne faudrait pas que le Normand que vous êtes oublie le secteur stratégique du transmanche.
La face B de votre plan, c'est qu'il n'est pas à la hauteur des urgences environnementales : 30 milliards d'euros, ça fait bien pour verdir le tableau, mais ça ne fait pas la maille pour assurer dans la durée la transition écologique de l'économie.
La face B, c'est l'exclusion des précaires, des invisibles, des premières victimes de la crise du cœur du plan de relance, pour ne pas dire leur oubli pur et simple.
La face B, ce sont les conséquences des cadeaux faits aux entreprises sans contrepartie, sans mise à contribution des gagnants : l'assurance, la grande distribution, les hauts revenus. À moyen terme, ces cadeaux fragiliseront les recettes indispensables aux politiques publiques, aux services publics, aux collectivités locales, lesquelles sont pénalisées par votre plan de relance qui, en réalité, les oublie.
Derrière le volontarisme et l'affichage d'un discours gaulliste, dans lequel le communiste que je suis peut se retrouver…
(Sourires.)
...existe le risque d'un plan de relance one shot qui contribue à affaiblir durablement l'État, poursuivant ainsi le processus déjà engagé.
Le temps qui nous est imparti est, certes, limité, mais les ministres reviendront ultérieurement devant les commissions parlementaires en fonction de l'évolution des choses. Pour l'heure, chacun a la possibilité d'exprimer une opinion générale avant que nous n'entrions, à l'avenir, dans les détails. En tout état de cause, il me paraissait important de tenir cette audition à la suite du Conseil des ministres.
Je partage la frustration exprimée par Sébastien Jumel sur le temps dont nous disposons, mais nous aurons d'autres occasions, en commission, de revenir sur la mise en œuvre de ce plan qui engage des montants considérables. On a perdu, depuis quelques mois, la notion des chiffres : le million d'euros s'est transformé en milliard. Là où on pouvait passer trois heures pour savoir où on affectait un million d'euros, on va passer cinq minutes sur l'attribution de 10 milliards d'euros. Je voudrais qu'on reprenne la mesure des choses : ce plan est d'une ampleur considérable. Cette première audition est très importante. Ma journée étant très chargée, je ne peux y consacrer autant de temps que je le désirerais mais je reviendrai, autant que nécessaire, devant les commissions qui le souhaiteront, pour évoquer l'exécution du plan – qui est, à mes yeux, l'aspect primordial.
Monsieur le président de la commission des finances, je veux vous remercier d'avoir annoncé que vous voteriez le plan de relance, qui sera inscrit dans une mission spécifique. Je comprends parfaitement que votre engagement ne porte que sur cette mission, mais cela me paraît un geste politique fort.
La vitesse d'exécution du plan est un enjeu majeur. Certains nous disent que nous aurions dû engager 200, 300 milliards d'euros. Nous nous fixons comme objectif – très ambitieux – de décaisser 30 % des 100 milliards d'euros en 2021. Les fonds de la mission Plan de relance seront votés pour 2021 puis pour 2022, mais il est évident que des décaissements interviendront aussi en 2023 et éventuellement en 2024 : tout ne sera pas versé en deux ans.
Je ne suis pas favorable à la conditionnalité mais je suis partisan des contreparties. La conditionnalité serait un frein à l'exécution du plan. Le temps qu'on vérifie que les conditions sont remplies pour apporter de l'argent à telle PME qui en a besoin ou à tel groupe qui veut investir, il est déjà trop tard : la crise a produit son effet.
En revanche, que nous demandions des contreparties me paraît légitime. J'en vois de trois types. Les premières sont environnementales. Ainsi, lorsque nous avons apporté notre soutien à Air France, nous avons notamment demandé la suppression des lignes intérieures pour lesquelles existait une liaison alternative par le train en moins de deux heures trente, ce qui n'allait pas de soi. Envisager la suppression de la ligne Paris-Bordeaux, par exemple, suppose de tenir compte de l'impact de cette suppression sur certaines activités économiques et de l'inquiétude des salariés concernés. Je suis prêt à discuter avec vous dans le cadre du débat parlementaire des contreparties environnementales.
Le deuxième type de contreparties correspond aux accords d'intéressement et de participation, ce qui rejoint les questions posées sur une meilleure rémunération des salariés. Si une entreprise retrouve des couleurs grâce au soutien de l'État, celui-ci est en droit d'exiger la signature de tels accords.
Enfin, je crois beaucoup aux contreparties concernant la gouvernance d'entreprise : profitons de cette crise, qui change la donne, pour poser un regard nouveau sur ce sujet. Nous l'avons fait évoluer au travers de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite PACTE ; nous pouvons aller plus loin, notamment sur l'égalité entre les femmes et les hommes.
S'agissant des réformes, je suis évidemment favorable à ce que nous les poursuivions – je pense notamment à Action Logement et aux retraites. Dans le cadre du décaissement des 40 milliards d'euros du plan de relance européen, l'Union veillera à ce que la France mène à terme un certain nombre de réformes structurelles.
Le Président de la République a obtenu qu'il n'y ait pas de droit de veto de la part des États membres, mais il me semble préférable de poursuivre le train des réformes.
Comment faire face en cas de nouvelle crise ? Cette question essentielle explique une grande partie de notre stratégie. Certains commentateurs, qui ne sont pas aux manettes, ont l'argent facile et jugent qu'il aurait fallu mettre 200 milliards d'euros sur la table. Or, la somme de 100 milliards d'euros correspond exactement à ce qui a été perdu en points de PIB – 4 points à 25 milliards d'euros –, c'est donc un choix cohérent, responsable et bien calibré pour répondre à la crise. En outre, ce décaissement créera de la dette, car l'argent, dont certains Français s'inquiètent de savoir où nous le trouvons, est emprunté. Ceux qui nous accusent d'être petits joueurs sont d'ailleurs les mêmes qui refusent de rembourser la dette. Pour notre part, nous nous en acquitterons, et nous avons décidé de le faire au même rythme que nos voisins allemands. Ce procédé nous permettra, en cas de nouvelle pandémie, de protéger à nouveau nos emplois et nos entreprises grâce à des batteries financières rechargées ; cela s'appelle la responsabilité.
Ceux qui affirment que les taux d'intérêt ne remonteront jamais ne sont en général pas ceux qui tiennent les manettes, car quand vous avez cette charge, vous ne jouez pas avec l'avenir des Français et vous ne faites pas un pari aussi hasardeux. S'il y a bien une chose que j'ai apprise durant cette crise, c'est l'humilité : nous ne pouvons pas appuyer des décisions qui engagent les générations futures sur de simples approximations.
Monsieur Saint-Martin, je laisserai Olivier Dussopt vous répondre en détail sur le décaissement et le suivi, qui sont des points-clés.
Monsieur Mesnier, la relocalisation des industries de santé est un enjeu absolument stratégique pour les Français, qui ont découvert avec stupéfaction que nous ne pouvions plus produire un certain nombre de principes actifs alors que nous disposons d'une industrie pharmaceutique de tout premier plan. Nous allons donc soutenir l'investissement pour sécuriser le secteur stratégique de la santé, afin de permettre la production de produits de santé prioritaires : médicaments, dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, et leurs composants stratégiques, y compris ceux liés à la covid-19.
Nous allons aussi renforcer les outils capitalistiques à destination des industries de santé. Un appel à manifestation d'intérêt doté de 120 millions d'euros pour identifier les projets d'investissements relatifs à la production de médicaments doit permettre de relocaliser la production des principes actifs. Nous avons engagé des travaux avec Seqens, Upsa, Sanofi, avec pour objectif que la France soit en mesure d'ici à trois ans de produire, de conditionner et de distribuer du paracétamol ; voilà une illustration concrète de nos ambitions.
Monsieur Labaronne, mobiliser les 100 milliards d'euros d'épargne des Français – soit un montant équivalent à celui du plan de relance – est un enjeu essentiel. Nous avons donc pris des mesures pour les inciter à dépenser leur argent. Les primes à la conversion et à l'achat de véhicules électriques ont été un franc succès : le quota des 200 000 voitures éligibles à la prime à la conversion a été épuisé en un mois et demi et le nombre de véhicules électriques vendus a fortement augmenté, si bien que le nombre des voitures vendues en juin 2020 a dépassé celui atteint au mois de juin 2019.
Par ailleurs, un label « France Relance » permettra aux épargnants d'identifier les placements collectifs les plus à même de renforcer les fonds propres des entreprises françaises, notamment dans le cadre de l'assurance-vie. Cela suppose, du reste, d'assouplir certaines des règles pesant sur ces produits. J'ai donc demandé au vice-président exécutif de la Commission européenne Valdis Dombrovskis d'accélérer les travaux sur la directive solvabilité II, stratégiques pour que les épargnants investissent dans l'économie réelle. Pour que les assureurs soient davantage incités à se tourner vers celle-ci, le ratio de 30 % de fonds propres exigé doit être baissé.
Enfin, pour que les Français dépensent l'épargne de précaution stockée sur leur livret A ou leur compte courant, ils doivent être assurés qu'on ne leur reprendra pas d'une main ce qu'on leur a donné de l'autre. C'est pourquoi nous nous engageons à ne pas augmenter les impôts dans les deux années qui viennent.
Madame Louwagie, nous maintenons le dispositif du chômage partiel avec un reste à charge nul pour les entreprises fermées administrativement, dont les discothèques. Nous devons toutefois réfléchir à ce qu'il convient de faire ensuite. Nous ne savons pas comment l'activité va repartir dans certains secteurs ; c'est le cas des discothèques et du transport aérien.
J'en viens au transmanche, un sujet qui vous tient à cœur, madame Louwagie, comme à M. Jumel et à moi-même. Les entreprises de transport de voyageurs – maritime, ferroviaire, aérien – sont parmi celles qui ont été les plus touchées par la crise. Si nous avons mis en place des soutiens massifs au travers des prêts garantis par l'État, j'ai conscience que Brittany Ferries rencontre des difficultés majeures. J'ai donc demandé au Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) de se saisir du dossier pour apporter des réponses concrètes aux administrateurs de cette société, et nous la soutiendrons dès que le comité aura publié son diagnostic et proposé un modèle économiquement viable sur le long terme, car c'est un enjeu de taille pour la Bretagne et la Normandie.
Monsieur Barrot, concernant l'emploi des jeunes, je rappelle que nous avons mis en place toute une série de dispositifs à hauteur de 6 milliards d'euros, dont les deux plus significatifs sont la prime de 4 000 euros et la prime à l'apprentissage.
Quant au rôle des territoires, il est absolument essentiel. Et, soyons là aussi pragmatiques : nous n'arriverons pas à trouver 100 milliards d'euros de projets nouveaux dans les communes, les départements ou les régions. Près de chez moi, au Pays basque, une commune a passé un appel d'offres pour consolider un barrage, mais il n'y a pas d'argent. Au lieu de chercher de nouveaux projets, nous allons donc plutôt nous appuyer sur les préfets et sous-préfets à la relance pour faire émerger les projets existants et leur apporter les financements nécessaires. De la même façon, des grandes villes ont des projets de pistes cyclables ou de rénovation thermique des bâtiments ; j'ai reçu la maire de Paris, Anne Hidalgo, au sujet d'un grand plan de rénovation énergétique des bâtiments en brique de la petite ceinture. Je préfère participer au financement des projets existants pour accélérer les travaux, créer de l'emploi et faire baisser le chômage, plutôt que de perdre du temps à en chercher de nouveaux.
Madame Rabault, je ne partage ni votre diagnostic ni votre analyse de notre plan de relance. Vous avez raison de vous référer aux données de l'INSEE ; celles-ci montrent toutefois que si le choc de la crise a été absorbé à près de 50 % par les entreprises et à plus de 50 % par l'État, les ménages ont quant à eux été protégés. De tous les pays de l'OCDE, la France est celui qui a le plus protégé le pouvoir d'achat des ménages, ce qui était une bonne et sage décision. Il ne serait en revanche pas très cohérent de réemployer autant d'argent pour soutenir à nouveau la demande. Nous avons fait le choix d'intervenir le plus tôt possible pour éviter le drame de centaines de milliers de licenciements et pour protéger l'emploi.
Nous avons conscience que la situation évolue, et je vois la précarité que certains d'entre vous déplorent : étant en contact avec les banques alimentaires, je sais qu'elles accueillent toujours plus de public, en particulier des personnes qui ne les avaient jamais fréquentées auparavant. Si nous constatons qu'il faut une aide plus importante sur le terrain, nous renforcerons bien sûr notre soutien. La meilleure façon de répondre à ce défi est néanmoins de créer des emplois : le taux de pauvreté en France est d'environ 14 %, mais celui des chômeurs est de 37 %. La meilleure réponse à la pauvreté, c'est donc de protéger l'emploi comme nous l'avons fait et de créer de nouveaux emplois. J'estime d'ailleurs que les 30 milliards d'euros qui financent le chômage partiel constituent un soutien à la demande, quoi que vous disiez sur notre position, qui est parfaitement cohérente.
Madame Six, les PGE ne seront pas transformés en obligations convertibles ; de tels produits ainsi que des prêts participatifs seront néanmoins mis en place par Bpifrance pour apporter des quasi-fonds propres aux entreprises.
Monsieur de Courson, le rétablissement de la confiance suppose d'avoir un cap très clair – pas d'augmentation d'impôts, un soutien à l'emploi et aux entreprises, une transformation du modèle économique – pour que les Français sachent où nous allons.
Concernant le calendrier, j'insiste sur le fait que beaucoup des dispositifs qui seront inscrits dans le PLF sont déjà disponibles : c'est le cas d'une partie du dispositif MaPrimeRénov' et du plan jeunes, que les entreprises peuvent utiliser dès à présent.
Je laisserai Olivier Dussopt vous expliquer le mécanisme de compensation de la baisse des impôts de production.
Vous affirmez, monsieur Coquerel, que nous ne faisons rien contre le chômage ; j'estime au contraire que 30 milliards d'euros pour le dispositif du chômage partiel, c'est tout à fait significatif. Nous avons également consacré un demi-milliard d'euros à l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire au bénéfice des ménages les plus modestes. Je suis également très préoccupé par la situation des étudiants, qui font partie des populations les plus touchées par la crise et auxquels il faut tendre la main : nous avons pris la décision de ramener le prix du repas universitaire à un euro au lieu d'un peu plus de trois euros et nous allons accélérer la mise en œuvre du programme sur les logements étudiants.
Quant à la culture, elle va bénéficier de 2 milliards d'euros dans le cadre du plan.
Je veux tordre le cou à l'idée selon laquelle les aides ne bénéficieraient pas aux PME, notamment la baisse des impôts de production. Je vous invite à vous rendre dans la vallée de l'Arve pour discuter avec les PME du décolletage ; vous pourrez ainsi constater à quel point cette mesure est vitale pour elles, en raison du risque de délocalisation de la production en Suisse, où ces impôts sont beaucoup plus faibles. Nous aurions pu faire un choix différent, beaucoup plus simple techniquement : supprimer la C3S. Nous ne l'avons pas fait, précisément parce que cette suppression aurait bénéficié davantage aux grandes entreprises qu'au secteur industriel.
Monsieur Ledoux, parmi les changements de la vie quotidienne, je pourrais mentionner la rénovation énergétique, le développement de l'offre de trains, les pistes cyclables. Surtout, un élément capital pour la revitalisation du commerce de centre-ville qui n'a pas encore été évoqué est l'action de la Caisse des dépôts et consignations au travers des foncières : la Caisse va investir plusieurs milliards d'euros pour racheter des commerces fermés, les fusionner, les rénover, notamment sur le plan thermique, puis les louer à des commerçants à un tarif attractif. Elle a ainsi créé 6 000 foncières, chiffre que je souhaiterais voir porter à 10 000 très rapidement.
Monsieur Jumel, nous avons prévu 1,6 milliard d'euros au total en faveur de l'agriculture. Pour les précaires et les invisibles, toutes les mesures de soutien à l'emploi et de chômage partiel sont absolument vitales, et la conditionnalité relative à l'intéressement et à la participation peut leur être très favorable. Je rappelle en outre que nous avons revalorisé la prime d'activité pour augmenter le SMIC de 100 euros par mois et que cette mesure d'ordre pérenne, qui ne fait pas partie du plan de relance, coûte 10 milliards d'euros par an.
J'ajouterai quelques mots pour compléter les réponses apportées par Bruno Le Maire sur quatre points.
Le premier point concerne la gouvernance et l'exécution du plan de relance, qui doit répondre à une exigence de lisibilité. Le plan de relance représente 100 milliards d'euros : un peu plus de 20 milliards mobilisés par les partenaires que sont la Caisse des dépôts et Bpifrance, et 80 milliards de crédits de l'État inscrits dans le PLF et, dans une moindre mesure, dans le PLFSS avec le volet investissement du Ségur de la santé. Sur les 6 milliards d'euros prévus par celui-ci, un tiers bénéficiera au secteur médico-social, notamment aux personnes handicapées et aux personnes âgées.
En matière de gouvernance, nous avons fait le choix d'inscrire les crédits qui relèvent de l'État dans une seule mission comportant trois programmes qui correspondent aux trois priorités du plan de relance. Le principe retenu est celui de la délégation de crédits : Bruno Le Maire et moi-même déléguerons aux opérateurs de la relance, principalement les ministères, les crédits au fur et à mesure de l'engagement des projets. Nous pourrons ainsi mettre en œuvre des clauses de revoyure efficaces : la constatation d'un non-engagement ou d'un retard trop important nous permettra de redéployer les crédits. En vertu du principe de fongibilité prévu par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ce redéploiement au sein de chacun des trois programmes pourra concerner des volumes extrêmement importants.
Le suivi sera assuré à la fois par le conseil de suivi de la relance, présidé par le Premier ministre et incluant notamment des parlementaires, et par des comités de suivi régionaux installés par les préfets de région pour assurer aussi rapidement que possible l'engagement et la programmation des projets dans les territoires.
Par ailleurs, c'est un point important, nous veillons à ce que les crédits inscrits dans le plan de relance soient réversibles. Ces crédits doivent être conjoncturels, efficaces, ciblés et provisoires : notre volonté est d'éviter la sédimentation de nouvelles couches de dépenses qui viendraient alourdir le ratio de dépenses publiques et compromettre la trajectoire du désendettement ultérieur. Le plan de relance doit donc être le plus possible conjoncturel, même si certaines de ses mesures, telle que la baisse des impôts de production, ont un caractère plus pérenne.
S'agissant du calendrier, notre plan de relance sera présenté, à l'instar de ceux des autres pays européens, aux institutions européennes – vraisemblablement au cours du mois d'octobre –, lesquelles examineront la compatibilité des actions proposées avec les critères du plan de relance européen. À vrai dire, nous n'avons pas d'inquiétude en la matière, car, nous le savons, nombre de ces actions sont compatibles avec les priorités européennes, de sorte que nous escomptons un retour très important, pour ne pas dire maximal, des 40 milliards d'euros que nous attendons.
Quant aux collectivités, elles ne sont pas concernées uniquement par la compensation de la baisse des impôts de production, car elles seront associées à la mise en œuvre de nouveaux projets d'investissement et des mesures relatives à la transition écologique et aux infrastructures de transport. En outre, elles sont déjà soutenues par l'État puisque vous avez adopté, dans le cadre du dernier projet de loi de finances rectificative, un principe de garantie des ressources fiscales et domaniales pour le bloc communal et un système d'avance remboursable pour les départements en matière de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; quant aux régions, elles bénéficient, au-delà des discussions en cours, de garanties de ressources concernant la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui les protègent plus fortement, à situation égale, que les autres strates de collectivités territoriales. J'ajoute que le même PLFR prévoit un milliard d'euros de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) en sus des 2 milliards prévus en loi de finances initiale pour 2020 au titre de la DSIL et de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
S'agissant de la compensation, nous proposons de substituer à la fraction régionale de la CVAE une fraction de la TVA, comme c'est le cas, au niveau régional, pour la dotation globale de fonctionnement (DGF) depuis le 1er janvier 2018 et comme ce sera le cas pour la compensation de la TFPB des départements dans le cadre de la suppression de la taxe d'habitation. S'agissant de la CFE et de la taxe foncière des locaux industriels, une concertation est en cours ; je recevrai, demain, l'ensemble des associations d'élus concernées. La piste que nous privilégions, celle du dégrèvement, nous semble à la fois protectrice et relativement simple à mettre en œuvre. En effet, l'abaissement de 3 % à 2 % du plafonnement qui s'applique à la contribution économique territoriale ne modifierait pas les modalités de compensation puisqu'un dégrèvement s'applique déjà lorsqu'une entreprise atteint le plafond.
Nous garantissons ainsi – et je suis certain que même Jean-Louis Bricout en sera convaincu – une compensation intégrale et, surtout, dynamique en maintenant, notamment pour la part de CFE, un lien avec le développement économique des territoires par l'association à la richesse fiscale produite.
J'ajoute que le choix que nous avons fait de diminuer la CVAE régionale et la CFE permet de privilégier deux types d'entreprises : les PME et les ETI, qui bénéficieront de cet effort fiscal à hauteur de 72 %, conformément à notre logique de soutien à l'emploi et à la relocalisation, et les entreprises du secteur secondaire, en particulier celles de l'industrie.
Enfin, un certain nombre de crédits ont déjà été votés dans le cadre des trois derniers projets de loi de finances rectificative. Le premier d'entre eux était un PLFR d'urgence absolue, le deuxième comportait plusieurs mesures de résilience ; quant au dernier, il est allé davantage encore dans cette direction, puisqu'ont été adoptés les mécanismes de soutien aux collectivités locales ou l'abondement de dispositifs existants ainsi que les crédits alloués à la prime à l'embauche des jeunes, au plan apprentissage ou à l'accroissement des efforts en faveur de la conversion du parc automobile et de la rénovation énergétique.
En conclusion, compte tenu de la dégradation des finances publiques au cours de l'année 2020 et des perspectives pour 2021, nous devrons réfléchir à la gouvernance – je pense au cantonnement de la dette sociale ou aux améliorations qui peuvent être apportées à la LOLF, grâce aux enseignements de cette crise et aux travaux menés par le rapporteur général de la commission des finances – et à la trajectoire de redressement, je n'ose dire de retour à l'équilibre, des finances publiques.
Ce ne peut pas être un retour à l'équilibre car, en la matière, d'équilibre il n'y a jamais eu…
La France peut être fière d'elle-même : grâce à l'action de l'État et de la majorité, nous avons surmonté la première vague de l'épidémie de covid-19, sauvé des milliers de vies, soutenu notre économie et préservé les emplois des Français.
Aujourd'hui, nous est présenté un plan de relance ambitieux, à la hauteur de la situation, qui consacre 30 milliards d'euros – soit un tiers du montant total et l'équivalent des crédits débloqués après la crise de 2008 – à la seule transition écologique. Non seulement ce plan, conçu selon le principe « Do not harm », n'aura pas d'impact négatif sur la planète, mais il contribuera à accélérer la transition écologique. À ce propos, pouvez-vous évaluer la baisse des émissions de CO2 que l'on peut en attendre ?
Par ailleurs, plus d'un milliard d'euros est alloué à la relocalisation d'activités économiques et industrielles pour renforcer la souveraineté européenne et française. Quelle est votre ambition, dans ce domaine, en matière de créations d'emploi ?
Pour beaucoup d'économistes, l'un des enjeux majeurs des mois à venir sera la formation professionnelle. De fait, il va falloir procéder à un transfert d'emplois des secteurs économiques en déclin vers des secteurs en croissance. Que prévoit précisément le plan de relance pour permettre la requalification, dans des délais relativement courts, des 2 millions de personnes qui pourraient être concernées afin qu'elles soient employables dans les nouveaux secteurs industriels que vous souhaitez soutenir massivement ?
L'amélioration de la compétitivité de nos entreprises est une priorité du Gouvernement. Or, celles-ci sont actuellement handicapées par des impôts dont le montant est supérieur de cinq points de PIB à ceux dont s'acquittent leurs principales concurrentes. Nous saluons donc la baisse de 20 milliards d'euros sur deux ans des impôts de production, notamment celle de la cotisation foncière des entreprises, à hauteur de 3 milliards d'euros en 2021. L'objectif est de relocaliser la production industrielle, dont on sait qu'elle génère au moins dix emplois induits par emploi direct.
Le rétablissement de l'équité en matière d'imposition foncière est nécessaire et attendu, car les locaux affectés au stockage et, souvent, à l'hébergement de nos importations sont actuellement deux fois moins taxés que les bâtiments industriels majoritairement consacrés à la production. Pouvez-vous donc nous confirmer que la baisse de la CFE sera bien ciblée sur les seuls bâtiments industriels ?
Le 5 août dernier, le sénateur Magner et moi-même avons écrit à Bruno Le Maire pour l'alerter sur la situation de l'entreprise Aubert & Duval, filiale du groupe Eramet, installée en milieu rural, qui emploie 1 366 équivalents temps plein dans deux communes d'environ 3 000 habitants. En effet, Aubert & Duval réalise 70 % de son chiffre d'affaires avec le secteur aéronautique, lequel a été fortement affecté par la crise et a donc réduit ses commandes, notamment aux aciéries.
L'inquiétude des salariés, des familles, du secteur économique de ce territoire rural et des élus est donc forte. Le groupe Eramet évoque même une cession de l'entreprise après une énième restructuration. Dans ce contexte, Aubert & Duval a soumis cinq projets dans le cadre du volet modernisation du plan de soutien à la filière aéronautique présenté le 9 juin. Tel était l'objet de notre courrier, mais celui-ci est resté sans réponse. Le territoire est dans l'attente du sort réservé à ces projets. La situation de cette entreprise est une illustration, parmi tant d'autres dans le pays, de la réalité de l'impact économique et social de la crise sanitaire.
Monsieur Dussopt, vous vous rendrez à Clermont-Ferrand lundi ; j'espère que vous pourrez me communiquer alors la réponse de M. Le Maire.
À la volonté du Gouvernement, qui met 100 milliards d'euros sur la table pour relancer le pays après une crise mondiale très grave, répond celle des élus locaux, des entrepreneurs et des mouvements associatifs, qui, dans les territoires, sont prêts à se retrousser les manches pour participer à la relance.
Mais je suis inquiet. En effet, je ne voudrais pas que se reproduise ce qui s'est passé en 2018 avec le dispositif Territoires d'industrie. L'action de l'État doit être relayée de bout en bout dans les territoires par l'administration : préfets et sous-préfets d'arrondissement. Par le passé, nous avons connu les commissaires au redressement productif, sous M. Montebourg, puis les commissaires à la réindustrialisation, et on nous annonce maintenant la désignation de sous-préfets à la relance. De grâce, monsieur le ministre, soyez le patron de la mise en œuvre stratégique et politique de votre plan de relance, au plus près des arrondissements ! À Paris, Mme Hidalgo est prête mais, dans les petites communes, les communautés de communes rurales et les villes moyennes, il sera beaucoup plus difficile d'avoir accès aux 100 milliards.
L'exercice auquel nous nous livrons est frustrant : il y aurait beaucoup à dire et nous souhaiterions obtenir de nombreuses précisions sur le plan de relance.
Même si je salue l'effort consenti pour accélérer la rénovation des bâtiments – parc privé, parc social et bâtiments publics –, j'estime que nous aurions pu gagner beaucoup de temps en étendant ce dispositif à tous les ménages, aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés, comme nous l'avons proposé dans le cadre des différents PLFR. À la lecture du plan, je relève que manque un volet consacré à la relance de la construction de logements neufs. Ce secteur est pourtant fortement fragilisé par la crise sanitaire et aurait donc besoin d'un signal fort pour surmonter les difficultés des derniers mois. Pourquoi n'est-il pas concerné ? Par ailleurs, comment comptez-vous travailler avec les régions pour relancer notre économie et l'activité des nombreux secteurs qui ont besoin d'être soutenus ?
Retour de la planification, plan de relance de 100 milliards d'euros : en apparence, la politique économique du Gouvernement a tout pour plaire aux Insoumis, mais en apparence seulement. Car, alors que la crise sanitaire persiste et que ses effets sur l'économie et l'emploi sont désastreux, vous nous présentez un plan de relance de 100 milliards sans politique de relance ni les 100 milliards annoncés puisque plusieurs d'entre eux ont déjà été dépensés.
C'est, une nouvelle fois, un effet d'annonce : il n'y a rien, ou si peu, pour venir en aide aux plus fragiles, pour soutenir la consommation populaire ou la demande, et guère plus pour les investissements directs. Ce n'est donc pas à proprement parler un plan de relance. De quoi s'agit-il, alors ? Ce plan, qui s'inscrit dans la droite ligne de ce que vous avez entrepris depuis trois ans avec la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la création de la flat tax, consistent en fait en un nouveau catapultage massif de milliards vers les grandes entreprises, sans contreparties sociales et écologiques. Et c'est bien de l'argent des Français dont on parle car, à ce jour, les 40 milliards d'euros de l'Union européenne n'existent pas. Leur déblocage dépendra de la mise en œuvre de réformes, comme celle des retraites, et la France devra en définitive payer 26 milliards d'euros de plus que ce qu'elle pourrait recevoir.
Assez de mauvaise propagande ! Le Gouvernement est et restera au service, non pas de l'intérêt général, mais du capital. Le problème, c'est que celui-ci est incapable de planifier et d'organiser la bifurcation écologique nécessaire à l'heure de la crise climatique irréversible que nous subissons.
Ne pouvant pas vous résumer en quelques secondes le plan proposé par La France insoumise, je me permettrai, monsieur le ministre, de vous le remettre en mains propres à l'issue de nos échanges.
Bruno Le Maire a joué sur les mots, évoquant des contreparties plutôt que des conditionnalités. L'une de ces contreparties pourrait-elle consister à imposer aux grandes entreprises de ne pas verser de dividendes pour être éligibles aux aides ?
Par ailleurs, de nombreux territoires sont encore sous-équipés en infrastructures numériques. Peut-on espérer une accélération de leur déploiement là où c'est nécessaire, notamment dans l'Allier ?
Enfin, quelles mesures peuvent être prises pour accompagner l'évolution du modèle agricole et mieux sécuriser les installations, notamment dans les zones d'élevage défavorisées ?
Je salue l'ambition du plan de relance, notamment l'effort massif consenti en faveur de la formation professionnelle. En effet, 14 milliards d'euros seront investis pour moderniser les compétences et les filières, pour l'emploi des jeunes et le maintien dans l'emploi. Ce choix est cohérent avec la priorité accordée depuis trois ans à l'emploi et aux compétences.
Il est impératif, vous l'avez dit, de suivre l'exécution du plan et ses premiers résultats et d'être agile afin de pouvoir modifier, le cas échéant, l'approche choisie. Dans le domaine de la formation et de l'emploi, comment se traduira concrètement ce suivi ? Soyez en tout cas assuré que les parlementaires de la majorité et, je n'en doute pas, des oppositions seront entièrement mobilisés, comme ils le sont depuis le début de la crise, pour faciliter et contrôler l'application rapide et effective des mesures du plan.
On parle beaucoup de l'agriculture biologique, mais pourquoi n'y a-t-il rien, dans ce plan de relance, sur l'agriculture conventionnelle ?
Pouvez-vous nous donner des précisions sur le plan hydrogène, dont on ne sait s'il concerne l'hydrogène gris ou l'hydrogène vert ? La Commission européenne a estimé qu'elle ne parviendrait pas à atteindre les objectifs en matière d'hydrogène et on commence à dire que des gaz fossiles seront utilisés pour fabriquer de l'hydrogène, ce qui n'aura aucun impact en matière de réduction des émissions de CO2.
Enfin, je regrette le peu d'indications sur le rôle des régions dans ce plan.
Bruno Le Maire a indiqué qu'il fallait aller vite et bien. Néanmoins, je m'interroge sur le calendrier des mesures, car la loi de finances pour 2021 ne sera applicable qu'au 1er janvier 2021. Nous avons besoin de visibilité.
Le plan de relance prévoit 3 milliards d'euros pour renforcer les fonds propres des entreprises. N'est-ce pas insuffisant lorsque les PGE représenteront 120, voire 150 milliards d'euros à la fin de l'année ?
Enfin, il semble que le monde associatif soit absent de ce plan de relance. Peut-être sera-t-il traité par les collectivités territoriales ?
Quel est aujourd'hui le niveau d'endettement des entreprises, sachant qu'il atteignait 120 % du PIB avant la crise ? Vous avez fait le choix, avec le PGE, d'une augmentation de la trésorerie des entreprises par l'accroissement de leur endettement. Or beaucoup d'entre elles, notamment les plus petites, ne seront pas capables de rembourser leur prêt. Votre stratégie, qui n'est en réalité qu'une garantie des actuels investissements en fonds propres, paraît dérisoire face aux besoins. Que comptez-vous faire pour que la crise de liquidités ne se transforme pas en crise de solvabilité et pour éviter la défaillance de centaines de milliers d'entreprises ? Votre plan ne répond pas à cette question.
Vous prétendez axer vos propositions sur la transition écologique, faisant de la rénovation thermique l'un de vos chevaux de bataille. Vous ajoutez quelques centaines de millions d'euros pour atteindre 2 milliards en 2021 et 2022 au titre de MaPrimeRénov. C'est un tiers de ce qu'il faudrait pour tenir la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et éliminer en dix ans les passoires énergétiques. Pourquoi n'avez-vous pas affecté les moyens nécessaires au respect de ces objectifs, irréductibles d'un point de vue environnemental ?
Ce plan de relance est très attendu par l'ensemble des acteurs économiques, notamment les salariés, inquiets pour leur emploi. Les PME et les ETI concentrent une grande partie de l'emploi en France. Les plans de relance sectoriels précédents les ont accompagnées durant la crise sanitaire mais certaines sont contraintes d'engager un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, voire une liquidation.
Le plan de relance propose de nouveaux leviers, notamment les prêts participatifs. S'il est une leçon que nous devons retenir de la période de crise, c'est la nécessité que les acteurs économiques s'approprient très rapidement ces dispositifs. Comment ce plan accompagnera-t-il plus spécifiquement et dans l'urgence les entreprises menacées à très court terme ?
Avant la crise sanitaire, le dynamisme économique des territoires était très variable. Certains connaissaient une croissance soutenue et tendaient vers le plein emploi, d'autres, plus ruraux, étaient déjà en difficulté. Les optimistes considèrent que de toutes difficultés peuvent naître des opportunités : espérons que ce plan de relance contribuera à réduire les fractures territoriales.
La zone franche urbaine est un dispositif qui permet de faire revenir de l'activité économique dans les quartiers en difficulté, là où elle s'est progressivement évaporée pour ne laisser que des demandeurs d'emploi sans offres à pourvoir localement. Le quartier de Hauteville à Lisieux, dans ma circonscription, pourrait tirer bénéfice d'un tel classement. Y aura-t-il des mesures complémentaires au plan de relance dans ce domaine ? Quel avenir envisagez-vous pour les zones franches urbaines, celles déjà labellisées et celles qui mériteraient de l'être ?
Monsieur Adam, un tiers du plan de relance est consacré à la transition écologique. Dans le cadre du PLF pour 2021, nous soumettrons la mission Plan de relance au dispositif de budget vert et nous évaluerons ainsi l'effet environnemental de chacune des mesures du plan de relance.
Au-delà, 8,6 milliards d'euros sont consacrés au développement des mobilités, notamment au ferroviaire et aux mobilités alternatives, et près de 7 milliards d'euros sont dédiés à la rénovation énergétique. De gros travaux seront entrepris pour permettre la décarbonation de l'emploi et de l'économie. Nous avons d'ores et déjà crédité 500 millions d'euros dans la troisième LFR pour 2020 afin de financer des appels à projet sur la préparation des secteurs industriels du futur, avec la volonté de décarboner ces mêmes secteurs.
S'agissant de la formation professionnelle évoquée par Patrick Hetzel, je rappelle qu'avant la crise sanitaire, le plan d'investissement dans les compétences (PIC) s'établissait à près de 14 milliards d'euros sur le quinquennat. Avec ce plan de relance, nous amplifierons l'effort à hauteur de 1,6 milliard d'euros pour la formation des jeunes, notamment pour la préparation aux métiers d'avenir. Il s'agit de financer 100 000 formations qualifiantes pour ceux qui arrivent sur le marché de l'emploi et 35 000 places à destination des décrocheurs.
L'aide exceptionnelle à l'embauche des jeunes ne relève pas spécifiquement de la formation mais peut permettre l'entrée en entreprise, donc la formation continue. S'agissant des reconversions, nous allouerons 400 millions d'euros supplémentaires à la formation professionnelle. Nous abonderons, à hauteur de 25 millions d'euros, les comptes personnels de formation (CPF), dès lors que leurs titulaires choisiront de se former dans l'un des trois secteurs stratégiques – santé, numérique, transition écologique. Nous entendons aussi développer des dispositifs comme le FNE-formation ou les projets de transition professionnelle (PTP), financés par France compétences.
La CFE, calculée sur la valeur locative des locaux industriels, sera réduite. Cela répond à votre inquiétude, madame Deprez-Audebert, puisque les locaux industriels sont définis notamment par le niveau de leurs installations techniques, matériels et outillages.
Madame Pires Beaune, sachez que nous suivons de près la situation de l'entreprise Aubert & Duval. Je vous transmettrai des éléments plus précis lorsque j'aurai fait un nouveau point avec Bruno Le Maire, à l'issue de cette réunion.
Notre méthode, monsieur Benoit, s'appuie sur les enseignements que nous avons tirés : une mission unique, trois programmes seulement, une fongibilité sur des sommes très importantes, des comités territoriaux et un comité de suivi hebdomadaire. L'efficacité est au cœur de notre démarche. Nous n'aurions aucun scrupule à annuler des inscriptions de crédits si les engagements pris en matière de vitesse d'exécution n'étaient pas tenus, et à reporter ces crédits sur d'autres projets à maturité.
Monsieur Dufrègne, le plan de relance prévoit 1,6 milliard d'euros pour l'agriculture et 1,5 milliard d'euros pour le numérique, dont une partie sera consacrée à équiper les territoires et à renforcer leur compétitivité. Cela vient abonder un programme déjà très ambitieux en matière de couverture numérique du territoire.
Durant la période d'urgence, l'absence de versement de dividendes était une condition pour bénéficier de certains dispositifs. Dans une période de relance, nous considérons que la possibilité pour les entreprises de verser des dividendes est un point important du fonctionnement de l'économie. C'est la raison pour laquelle nous envisageons d'autres types de contreparties en matière de gouvernance et de partage de la richesse.
Nous sommes évidemment preneurs d'une coproduction parlementaire, madame Fabre, notamment sur les questions d'insertion, d'emploi et d'accès à la formation.
Monsieur Aubert, nous n'entendons pas écarter l'agriculture conventionnelle du plan de relance. Nous sommes clairement dans une logique de transformation, d'accompagnement, de transition, ce qui implique d'établir des priorités. Mais vous constaterez qu'au chapitre de la transition agricole, des mesures pourront être accordées à l'agriculture conventionnelle.
Pas moins de 6 milliards d'euros seront consacrés à la rénovation des bâtiments, madame Pinel. Dans le cadre du PLF, nous proposerons d'élargir le bénéfice du dispositif MaPrimeRénov' aux neuvième et dixième déciles des revenus, dont nous savons qu'ils concentrent près de la moitié des opérations. Une conférence interministérielle des bâtiments publics et de l'immobilier de l'État permettra prochainement de finaliser la programmation de la rénovation de bâtiments d'État, en fonction des crédits disponibles avant la crise, et de ceux que nous pourrons mobiliser dans le cadre de la relance.
S'agissant de la construction, nous avons privilégié un dispositif d'aide aux maires « densificateurs » pour aider à la construction en zone tendue, en cohérence avec notre volonté de lutter contre l'artificialisation des sols.
Un protocole d'accord avec les régions devrait être conclu d'ici à la semaine prochaine et nous travaillons à la relance avec les contrats de projets État-région. Par ailleurs, des crédits seront confiés aux régions par délégation ; ainsi, 300 millions d'euros de l'État seront consacrés à la rénovation des lycées.
Je veux rassurer M. Mattei sur le calendrier. Les dispositifs principaux et urgents comme la prime à l'emploi des jeunes, la prime à l'apprentissage, MaPrimeRénov', le fonds de soutien à l'investissement dans les secteurs stratégiques, l'activité partielle de longue durée, la prime à la conversion automobile sont financés. Le PLF pour 2021 aura vocation à compléter ces financements, mais ils sont d'ores et déjà opérationnels.
Monsieur Vallaud, notre objectif est de permettre aux entreprises qui rencontreraient des difficultés pour rembourser leur PGE de bénéficier d'un étalement sur cinq ans. Nous travaillons avec les banques pour que les taux soient à la fois raisonnables et capés. Afin de réduire les risques d'insolvabilité, nous voulons que les entreprises aient accès à des prêts participatifs garantis par l'État, assimilables à des fonds propres. La BPI pourra aussi proposer des systèmes d'obligations.
Ce que j'ai dit en matière de fiscalité répond assez largement à la question de Mme Park sur les PME et les ETI. Après les mesures de sauvetage que nous avons prises, le rôle des comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) s'avère plus essentiel encore.
Le plan de relance ne prévoit pas de zones franches urbaines supplémentaires, madame Porte. Nous avons fait le choix de mesures transversales sur la formation, la mobilité, plutôt que très sectorisées géographiquement. Nous aurons l'occasion de revenir, dans le cadre de l'examen du PLF, sur les zones franches existantes et les zones de revitalisation rurale (ZRR), que nous ne souhaitons pas remettre en cause.
J'aimerais que l'on rende au coronavirus ce qui lui est dû et donne à la santé publique ce qui lui a manqué. Ce plan, qui lui consacre 6 milliards d'euros, est une vraie opportunité pour remettre à niveau le système de santé, notamment en matière de santé publique et de prévention. Je me réjouis aussi que 1,4 milliard d'euros soient dédiés au développement du numérique en santé, car l'interopérabilité des systèmes informatiques permettra d'améliorer la coordination des soins.
Le temps presse et les résultats doivent être obtenus rapidement. Bruno Le Maire a indiqué que 30 % des sommes seraient versées dès 2021. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Que prévoit le prochain PLFSS ?
Une minute pour intervenir, c'est un peu court. Aussi n'aurai-je pas le temps de vous féliciter…Pour lutter contre la précarité énergétique de 4,5 millions de logements, vous consacrez 2 milliards d'euros à la rénovation du parc privé, ce qui est totalement insuffisant pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Vous semblez ignorer les dégâts sociaux, qui seraient plus grands encore si un confinement devait être décidé en plein hiver. Vous semblez aussi ignorer l'urgence écologique, le bâtiment représentant 43 % de la consommation d'énergie. Comment pouvez-vous imaginer une relance économique des territoires sans remplir le carnet de commandes des entreprises de proximité, notamment celles du bâtiment ?
On vous a proposé une prime climat et le plan d'investissement qui va avec. Toutes les cases sont remplies : la simplicité, avec une aide forfaitaire liée à la situation sociale, la levée des freins au reste à charge, avec une avance remboursable à la mutation du bien, un gain net de pouvoir d'achat pour l'occupant, ainsi que l'accompagnement pour une rénovation globale et performante. Vous ignorez totalement nos propositions et les moyens ne suivent pas. C'est, quelque part, de la non-assistance à personne en danger, de la non-assistance à territoire en danger, de la non-assistance à planète en danger. L'innovation se situe peut-être dans l'écoute que vous pourriez enfin nous accorder, monsieur le ministre.
Je salue ce plan pour son ampleur inédite, sa cohérence et son ambition. La territorialisation est un gage d'efficacité, d'impact et d'équité : efficacité, parce que les collectivités connaissent leurs priorités ; impact, parce que lorsque l'État investit un euro, les collectivités en investissent cinq ; équité parce qu'il s'agit de s'assurer que l'ensemble des territoires en bénéficieront.
Comment comptez-vous vous assurer de la répartition équitable de ce plan sur l'ensemble du territoire ? Comment impliquer les élus dans les choix concrets de ces projets ? Comment les régions, qui toucheront des fonds spécifiques, en particulier de l'Europe, impliqueront-elles les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ?
J'ai rencontré cet été quelque trois cents commerçants de ma circonscription dans le cadre d'une vaste enquête. Pour près de 70 % d'entre eux, les dispositifs de soutien votés dans les dernières lois de finances rectificatives ont été déterminants pour la poursuite de leur activité. Mais que peut-on dire aux toutes petites entreprises, souvent composées d'une personne seule ou d'un couple avec un ou deux salariés, qui, après avoir subi ces dernières années le développement de l'e-commerce, le foisonnement des projets commerciaux en périphérie des villes et les mouvements sociaux, sont désormais frappées par cette crise sanitaire d'une ampleur inédite ? Que peut apporter concrètement le plan de relance à ces petits commerçants indépendants, qui représentent 1,3 million d'emplois et près de 180 milliards d'euros de chiffre d'affaires ?
Je souhaite poser deux questions très précises concernant le secteur de l'énergie. Tout d'abord, pour soutenir l'augmentation de moyens de stockage, qui permettront la croissance des énergies renouvelables, il nous semble nécessaire de favoriser le développement des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), avec une fiscalité moins pénalisante. Cela implique de revoir le dispositif du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) : y êtes-vous prêts ?
Ensuite, concernant la compétitivité des entreprises électro-intensives, et pour garantir un environnement favorable à leur reprise, il conviendrait d'adapter les modalités de calcul du TURPE et de l'abattement « de stabilité et d'anti-cyclicité », afin d'aider ces entreprises d'avenir à se maintenir.
Si l'énergie doit occuper une place importante dans le plan de relance, il doit s'agir évidemment d'une énergie décarbonée : c'est ce que nous demandons, de façon transpartisane, dans le rapport d'information sur les propositions du groupe de travail sur l'énergie concernant la reprise et le plan de relance après l'épidémie de covid-19. Nous recommandons d'accorder une juste place au nucléaire, en insistant sur le volet des compétences et de la formation. Nous avons tous pris connaissance du plan de relance : je salue la volonté du Gouvernement de conserver un niveau de compétences au sein de la filière, préservant ainsi son excellence.
Le small modular reactor (SMR) français, baptisé Nuward, est le fruit du consortium des fleurons industriels et de la recherche que sont le CEA, EDF, Naval Group et TechnicAtome. Le plan de relance permettra-t-il d'accélérer la réalisation de ce projet, et ainsi de compléter l'offre technologique française et internationale ?
Quelles mesures de simplification envisagez-vous ? La réussite du plan passe par un réel accès aux droits. Dans cette optique, comment les sous-préfets à la transformation et à la relance pourront-ils agir sur les territoires pour rendre les droits et les dispositifs effectifs ?
Le pilier relatif à la cohésion sociale et territoriale mentionne comme priorité le soutien aux plus précaires. Au-delà de l'augmentation de 100 euros de l'allocation de rentrée scolaire, qui a déjà été annoncée et concrétisée avant l'été, quels sont les moyens prévus dans le cadre du plan de relance pour financer la mobilisation sociale évoquée par le Président de la République en juillet ?
Par ailleurs, M. Bruno Le Maire a précisé la nature du pilotage qu'il envisageait en matière de soutien à l'économie. La mobilisation sociale nécessite également un pilotage resserré pour répondre pleinement aux besoins : quelles mesures entendez-vous prendre en ce sens ?
Au-delà de la légitime réponse à la crise économique que nous traversons, le plan de relance est perçu par les citoyens et les acteurs économiques comme une opportunité pour accélérer la transition écologique. Ainsi, dans ma circonscription, le projet Écocombust de la centrale de Cordemais vise à décarboner de façon significative la production d'électricité et à maintenir une activité et des emplois industriels, avec 250 créations d'emplois dès 2021 et la préservation de la moitié des 500 emplois de la centrale. Il s'agit d'un vrai projet industriel, de la naissance d'une filière à fort potentiel, qui compte sur le soutien déterminant des pouvoirs publics. Le Gouvernement prévoit-il l'allocation d'une partie du plan de relance à ce type de projets ? Quels seront les critères exigés pour bénéficier d'un soutien public dans le cadre du plan de relance ?
Si nous nous félicitons de ce plan de relance, un certain nombre de questions se posent sur le terrain. L'entreprise Thales, dont l'État est actionnaire majoritaire et siège au conseil d'administration, veut supprimer 150 emplois, sur un peu plus de 300, sur le site de Pont-Audemer, dans ma circonscription. La gestion anticipée de l'emploi (GAE) mise en avant ne peut masquer le risque réel d'une dévitalisation de ce territoire rural, dont la population est modeste. Il y a une contradiction entre les ambitions du Gouvernement et l'attitude d'une entreprise d'État qui, à l'heure où l'on promeut la suprématie française et la réindustrialisation, ne semble pas vouloir tenir ses engagements.
Les coopératives agricoles ont subi une perte moyenne de 28 % de leur chiffre d'affaires sur la période de mars à mai, selon une enquête auprès des adhérents de la Coopération agricole. Cette perte est causée par la fermeture de la restauration hors domicile et les freins à l'exportation engendrés par la pandémie. Des sénateurs ont proposé, en s'inspirant du modèle des Pays-Bas, de créer une aide à la perte de production ou de chiffre d'affaires : si le chiffre d'affaires a baissé de plus de 30 %, l'État compenserait la moitié de la perte. Que pensez-vous de cette mesure, évaluée entre 400 et 500 millions d'euros ?
La mission Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales dispose d'un budget de 2,94 milliards d'euros. Dans le cadre du plan de relance, 1,2 milliard d'euros sera consacré à l'accélération des transitions agricoles. Bruno Le Maire nous ayant affirmé que 30 % de ces crédits seraient affectés au budget 2021, celui-ci est susceptible d'augmenter de 360 millions d'euros, soit de 12 %. La mission conservera-t-elle sensiblement les mêmes crédits que les années précédentes, ou bien des actions utiles à nos agriculteurs mais n'entrant pas dans le périmètre du plan de relance seront-elles réduites ?
Le plan de relance prévoit 2,1 milliards d'euros d'investissements pour la rénovation de 65 000 places en EHPAD sur cinq ans et la construction, à l'horizon 2030, de 30 000 places supplémentaires. Les territoires sont inégalement touchés par le sous-dimensionnement de l'offre et la vétusté de leur parc d'EHPAD. Les outre-mer sont ainsi particulièrement concernés : en 2015, l'offre en EHPAD y était deux à trois fois inférieure à la moyenne nationale. Est-il d'ores et déjà possible de nous donner des précisions concernant la répartition territoriale des fonds accordés à la construction et à la rénovation de ces établissements ?
Un certain nombre de micro-entrepreneurs n'ont pas pu reprendre leur activité, ou alors de façon très réduite. De plus, les entreprises ne peuvent pas faire appel à des indépendants pour des missions ponctuelles, et cela pourrait durer encore longtemps compte tenu des incertitudes de la crise sanitaire. Le plan de relance cible particulièrement l'insertion des jeunes sur le marché de l'emploi ; or l'entrepreneuriat constitue clairement une solution pour une partie d'entre eux. Un premier plan pour les indépendants avait été présenté en juin. Quelles sont les mesures du plan de relance visant à approfondir l'aide aux micro-entrepreneurs ? Propose-t-il une solution de financement pour une formation permettant de rebondir, voire un allégement fiscal pour les deux ou trois prochaines années ?
Monsieur Isaac-Sibille, je confirme que l'investissement dans le secteur médical s'élèvera à 6 milliards d'euros. En ce qui concerne les hôpitaux, le plan doit être engagé dans les deux prochaines années et s'achever d'ici cinq ans, voire trois ans pour les projets de modernisation, notamment informatiques. Ces 6 milliards d'euros traduisent les engagements d'investissements du Ségur de la santé et s'ajoutent aux 7 milliards d'euros de revalorisation salariale des personnels et à la reprise de dette des hôpitaux pour 13 milliards d'euros.
Nous travaillons actuellement à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) avec Olivier Véran, en vue du PLFSS. Nous distinguons l'ONDAM tendanciel, auquel viendront s'ajouter les mesures supplémentaires décidées lors du Ségur de la santé, des mesures liées à la gestion de la crise du covid-19, qui se prolongeront probablement en 2021. L'ONDAM sera très élevé, mais nous pourrons en distinguer les causes et les différents facteurs.
Il est dommage que M. Bricout n'ait pas eu le temps d'adresser ses félicitations ! Les 2 milliards d'euros prévus pour la rénovation des bâtiments dans le parc privé viennent s'ajouter aux sommes déjà prévues. L'engagement total sera de 4 milliards d'euros.
S'agissant de la déclinaison territoriale du plan de relance, quatre types de mesures peuvent être distingués. Certaines seront à la main des préfets de région, notamment la DSIL. D'autres donneront lieu à des contractualisations avec les collectivités, projet par projet. Ce sera le cas dans le domaine des transports en commun, ou pour les plans vélo qui seront déployés au niveau des intercommunalités. Parmi les mesures décidées au niveau national, certaines seront mises en œuvre en fonction des choix politiques des élus locaux. Ainsi, les aides aux maires « densificateurs » iront aux élus qui font ce choix d'aménagement urbain, et certaines mesures transiteront par des opérateurs tels que l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), Bpifrance ou la banque des territoires. Enfin, certaines mesures transversales ne peuvent, par essence, faire l'objet d'une déclinaison territoriale. C'est le cas de la baisse des impôts de production.
Nous souhaitons répondre aux attentes de M. Cazeneuve et du rapporteur général en dressant une cartographie thématique des projets. Elle assurera leur traçabilité budgétaire, et la géolocalisation des projets permettra de veiller à leur répartition sur le territoire. Les comités régionaux contribueront également à identifier les projets.
Monsieur Le Vigoureux, les petits commerçants indépendants bénéficient de dispositifs d'exonération des cotisations et des contributions sociales patronales pour la période du 1er février au 30 avril, et au-delà pour les entreprises ayant fait l'objet d'une fermeture administrative plus longue. Nous avons permis de débloquer jusqu'à 8 000 euros des contrats d'épargne retraite pour faciliter l'accès à des liquidités. Nous avons prévu dans le prochain projet de loi de finances une suppression progressive de la majoration de 25 % de la base taxable pour les indépendants qui n'adhèrent pas à un organisme de gestion agréé. Enfin, nous travaillons à la création de 100 sociétés foncières de redynamisation des commerces pour accompagner 6 000 commerces sur cinq ans, et certains dispositifs permettront aux collectivités de mener leur politique en la matière.
Madame Battistel, la technicité de vos questions sur la compétitivité des industries électro-intensives et la fiscalité des stations de pompage et de stockage me prend de court, je veillerai à ce que mon cabinet vous apporte très rapidement les réponses précises.
Monsieur Cellier, 70 millions d'euros ont été prévus pour le SMR dans le PIA 3. Outre les besoins de formation, ces sommes permettront de financer le développement de cet outil.
La simplification est un aspect très important, madame Motin. Nous voulons tirer tous les enseignements de la période et retenir des ordonnances ayant considérablement simplifié les modalités de décision administrative les éléments qui ont fonctionné en temps de crise. Nous insérerons dans le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique des mesures de simplification de l'accès aux marchés publics. Les initiatives parlementaires permettront de nourrir les travaux et d'améliorer les dispositifs.
S'agissant de la cohésion sociale, Mme Dupont a évoqué la majoration de 100 euros de l'allocation de rentrée scolaire. J'ajoute que 2 800 postes ont été créés à Pôle emploi pour accompagner ceux qui connaîtront malheureusement le chômage et que le dispositif d'activité partielle de longue durée (APLD) permet de préserver les compétences dans l'entreprise, mais aussi de maintenir les personnes dans l'emploi. Le prix du menu servi par les CROUS sera réduit à un euro pour les boursiers, et nous avons abondé de 200 millions d'euros les dispositifs d'hébergement d'urgence. Un programme spécifique est prévu pour les entreprises d'insertion, car l'accompagnement personnalisé des plus précaires est une réponse aux difficultés évoquées.
Le fonds Économie circulaire de l'ADEME est doté de 274 millions d'euros pour le soutien à la valorisation des biodéchets et l'accélération des productions d'énergie à partir de déchets non recyclables ou de combustibles solides de récupération. Le projet Écocombust, cité par Mme Brunet, devrait pouvoir en bénéficier.
Mme Tamarelle-Verhaeghe a évoqué le paradoxe que l'on peut percevoir entre l'annonce d'un plan de relance et les suppressions d'emplois sur le terrain. L'objet du plan est bien de compenser certains effets négatifs de la crise sur le tissu économique, en permettant la reconversion ou le reclassement des personnes les plus touchées vers les métiers d'avenir.
Le dispositif cité par Mme Bono-Vandorme, en vigueur aux Pays-Bas, vise à compenser les pertes de production. Nous avons opté pour une autre logique, en privilégiant la modernisation des outils de production et la baisse de la fiscalité de production.
Monsieur Pellois, le plan de relance fera l'objet d'une mission du PLF ; il ne remet pas en cause le périmètre des missions existantes dans le PLF. La mission Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales, notamment, sera maintenue à 3 milliards d'euros, avec un soutien sectoriel de 1,2 milliard d'euros hors PIA. Les mesures du plan de relance viennent s'ajouter aux dispositifs prévus en matière de politique agricole.
Madame Atger, 2,1 milliards d'euros seront consacrés aux EHPAD. Il est trop tôt pour connaître la répartition territoriale de ces sommes, mais sur ce sujet comme tous les autres, nous serons attentifs à ce que les territoires d'outre-mer ne soient pas exclus des dispositifs. Certaines dispositions sont spécifiques à l'outre-mer, le ministère des outre-mer s'assure du fléchage des autres.
Monsieur Anato, nous avons veillé à ce que les micro-entrepreneurs bénéficient des dispositifs déployés pour l'ensemble des entreprises. Nous avons prolongé au 31 décembre 2020 le bénéfice du fonds de solidarité pour les micro-entrepreneurs exerçant dans les secteurs très touchés, comme l'hôtellerie, la restauration, la culture ou l'événementiel. Une subvention covid-19 de l'assurance-maladie a été mise en place pour permettre l'achat ou la location d'équipements de prévention. Une aide exceptionnelle du conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants a été débloquée, à hauteur des versements effectués sur la cotisation RCI de 2018, pour un maximum de 1 250 euros. Enfin, les micro-entrepreneurs bénéficient des dispositions d'exonération de cotisations en fonction des critères retenus dans la troisième LFR pour 2020.
Pardonnez le style un peu télégraphique de mes réponses, les questions étaient très diverses. Nous aurons l'occasion de nous revoir, et je ferai apporter par mon cabinet les réponses que je n'ai pu donner aujourd'hui.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 3 septembre à 15 heures 30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, Mme Jennifer De Temmerman, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Bruno Duvergé, M. Nicolas Forissier, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, Mme Marine Le Pen, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, Mme Zivka Park, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Robin Reda, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Damien Abad, M. Fabrice Brun, M. David Habib, M. Marc Le Fur, Mme Claudia Rouaux, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian
Commission des affaires sociales
Présents. - Mme Stéphanie Atger, Mme Catherine Fabre, Mme Perrine Goulet, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Fadila Khattabi, M. Thomas Mesnier, M. Patrick Mignola, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Boris Vallaud
Excusés. - Mme Justine Benin, M. Gérard Cherpion, Mme Jeanine Dubié, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Geneviève Levy, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Commission des affaires économiques
Présents. - M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bolo, M. Bruno Bonnell, M. Éric Bothorel, Mme Pascale Boyer, Mme Anne-France Brunet, M. Anthony Cellier, M. Dino Cinieri, M. David Corceiro, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. José Evrard, M. Olivier Falorni, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Sébastien Jumel, Mme Frédérique Lardet, Mme Marie Lebec, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Jacqueline Maquet, M. Max Mathiasin, Mme Graziella Melchior, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Sylvia Pinel, Mme Nathalie Porte, M. François Ruffin, M. Denis Sommer, Mme Huguette Tiegna
Excusés. - M. Alain Bruneel, M. Jean-Bernard Sempastous
Assistaient également à la réunion. - M. Jacques Krabal, Mme Constance Le Grip, M. Jacques Marilossian