Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicamenT
Jeudi 25 novembre 2021
La séance est ouverte à quatorze heures trente.
(Présidence de M. Guillaume Kasbarian, président)
La commission d'enquête procède à l'audition des représentants de la direction générale des entreprises.
Nous reprenons les auditions de la commission d'enquête en entendant les représentants de la direction générale des entreprises (DGE), rattachée au ministère de l'Économie, des finances et de la relance : je souhaite donc la bienvenue à :
– M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE),
– M. Romain Bonnefant, ingénieur en chef des mines, chef du service de l'industrie,
– et à Mme Mélanie Pryzrowski, cheffe de cabinet et conseillère parlementaire au sein de la DGE.
Madame, Messieurs, je vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.
Je précise que plusieurs textes importants sont parallèlement en discussion dans l'Hémicycle, ce qui va obliger les députés à choisir entre la séance publique et nos auditions.
Je vous remercie également de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
Je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
M. Courbe, M. Bonnefant et Mme Pryzrowski prêtent serment.
Je vous remercie pour votre invitation tant le sujet qui nous occupe aujourd'hui est important et tant l'ambition de retrouver une industrie forte, créatrice d'emploi et de qualité dans tous les territoires fait partie des priorités de notre action économique. Les principales actions de politique publique menées pour répondre à l'enjeu de la désindustrialisation et à l'objectif de réindustrialisation concernent d'une part les conditions-cadres essentielles pour le développement de l'industrie et d'autre part les objectifs de souveraineté économique, de transition écologique et de transformation numérique de nos entreprises. L'Union européenne (UE) dans son ensemble, à la fois la Commission européenne et les États membres, a évolué sur ce sujet et montre des orientations très proches de nos vœux. La stratégie de politique industrielle de l'UE publiée le 5 mai 2021 témoigne d'un très fort alignement conceptuel avec nos orientations de politique économique.
Les conditions-cadres doivent être propices au développement de l'activité économique en général et en particulier de l'industrie. Au niveau européen, nous agissons en faveur de règles de concurrence équitables, claires et visant une équité de traitement en particulier avec les entreprises des pays tiers. Le futur règlement sur les subventions étrangères illustre cet enjeu. Il doit permettre de corriger au niveau européen les situations de concurrence inéquitables avec des entreprises de pays tiers qui bénéficient de subventions. Un autre exemple concerne la production de batteries, qui a connu des résultats assez spectaculaires ces dernières années en Europe. Nous sommes favorables à l'adoption à l'échelle européenne d'un projet de règlement permettant de contrôler le contenu carbone des batteries, puis de pénaliser les batteries importées dont le contenu carbone excéderait certaines limites. Les batteries produites en Europe sont particulièrement performantes en termes de contenu carbone. Les futures discussions sur les marchés publics au niveau européen représentent un dernier exemple de levier permettant le développement de l'industrie.
L'enjeu des conditions-cadres du développement de l'industrie apparaît également au niveau national. Ces dernières années, un certain nombre de réformes favorables au développement de l'industrie ont été entreprises en matière fiscale, sur le plan du marché du travail et de la formation professionnelle. L'impôt sur les sociétés et la baisse des impôts de production ont un impact important sur la compétitivité de l'activité industrielle en France. Il existe d'autres leviers dans ces conditions-cadres, tels que la valorisation du « fabriqué en France » ou encore la mobilisation de l'achat privé. Nous menons également des actions avec le conseil national des achats en faveur de la valorisation du fabriqué en France et de la mobilisation de l'achat privé.
Le sujet des compétences est particulièrement d'actualité. Avant la crise, il représentait le premier frein au développement de l'activité des entreprises industrielles. Des tensions importantes sur les compétences apparaissent à nouveau. Nous menons des actions sur la dimension macroéconomique avec le plan d'investissement dans les compétences ou la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel. Des actions spécifiques à l'industrie sont également entreprises. Nous sommes en pleine semaine de l'industrie. Une action de communication spécialement dédiée aux jeunes à travers une campagne sur un réseau social doit contribuer à combattre les clichés sur le travail dans l'industrie partagés par un certain nombre de jeunes et leurs familles et à redonner de l'attractivité à ce secteur.
Le second volet de nos actions concerne trois grands enjeux de la politique industrielle.
Le premier consiste à mettre en place une politique pour assurer notre indépendance stratégique. La crise de la Covid-19 a mis en exergue les enjeux d'approvisionnement et d'indépendance. Le concept révolutionnaire d'autonomie stratégique est aujourd'hui accepté, y compris au niveau européen. L'industrie européenne et française doit garantir l'approvisionnement de l'économie et plus globalement du pays dans les biens les plus critiques essentiels à son bon fonctionnement. Il s'agit d'un enjeu de résilience, mais également de positionnement de l'industrie dans les secteurs d'avenir. Ces derniers sont de deux natures. Les premiers sont des secteurs qui jouent déjà un rôle important dans l'économie du pays, mais qui subissent des transitions importantes. Il s'agit notamment des secteurs de l'automobile et de l'aéronautique, bouleversés par la transition écologique, ou de l'industrie spatiale impactée par l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché. Les seconds secteurs sont des marchés presque entièrement nouveaux, mais qui seront très structurants à la fois pour la souveraineté, comme le marché de l'hydrogène ou des batteries qui n'existait pas encore en Europe. Il est essentiel de positionner notre industrie de manière à assurer notre indépendance stratégique et à garantir la capacité de l'Europe à fournir ses besoins principaux. Dans le domaine de la santé, la crise a montré la nécessité de répondre aux besoins des citoyens et de pouvoir assurer le bon fonctionnement de la société.
Cette politique industrielle a pour nouveauté d'être dotée d'une déclinaison européenne. Dans certains secteurs, une véritable politique industrielle européenne a été établie pour la première fois. Les États membres s'organisent pour créer des chaînes de valeurs nouvelles en Europe de manière cohérente et en mobilisant, dans le cadre de dérogations au régime habituel des aides d'États, des financements publics. Le secteur des batteries a produit de belles réussites depuis le premier projet franco-allemand et une véritable chaîne de valeur de la batterie se développe en Europe.
Quatre autres grands projets d'alliances industrielles européennes seront très prochainement lancés. Le premier concerne l'hydrogène, un secteur essentiel à la transition économique et à la mobilité propre. Le deuxième est l'électronique, jugé stratégique par les grandes puissances économiques. Les pénuries sur les semi-conducteurs en ont révélé l'intérêt pour notre autonomie stratégique. La santé est le troisième projet et soulève des enjeux d'innovation et de capacité de production en Europe. Le cloud représente enfin la quatrième grande politique industrielle européenne, qui vise à doter les acteurs européens des capacités autonomes et souveraines pour l'informatique en nuage ou cloud.
Le deuxième enjeu est la transition écologique de l'industrie. L'industrie est d'abord la solution pour la transition écologique de l'économie en général. En premier lieu, le mix électrique est extrêmement décarboné en France. La localisation de l'industrie en France permet d'obtenir dans quasiment tous les cas un meilleur bilan carbone. L'industrie représente par ailleurs la solution pour la transition écologique en permettant par exemple la décarbonation des mobilités dans le secteur automobile. Il existe en outre un enjeu de décarbonation de l'industrie, qui représente 18 % de la totalité des émissions. Nous avons établi avec les principales filières qui émettent 60 % des émissions totales de l'industrie des stratégies communes de décarbonation, reposant sur des engagements réciproques. Dans le cadre du plan France Relance, nous avons financé 141 projets concrets de co-investissement pour décarboner la production. Ces projets permettront d'éviter 2,8 millions de tonnes carbone équivalentes chaque année. Lors de la présidence française de l'Union européenne, l'enjeu résidera dans la négociation de tous les textes liés au paquet « Fit for 55 » – « Ajustement à l'objectif 55 » présenté en juillet 2021 par la Commission européenne. Il comprend 12 textes importants pour accélérer la transition écologique de l'Union européenne, et en particulier le mécanisme carbone aux frontières, un outil essentiel de la décarbonation européenne.
Le troisième enjeu concerne la transition numérique, en préparation de l'industrie du futur. Notre politique industrielle porte des objectifs de compétitivité pour lesquels les nouvelles solutions de l'industrie du futur jouent un rôle essentiel. Plusieurs actions ont été déployées sur ce sujet. À partir de 2018, un ensemble d'accompagnement de petites et moyennes entreprises (PME) a été lancé, dans le cadre d'un programme établi et cofinancé avec les régions apportant des diagnostics, des conseils et des plans de numérisation pour des PME industrielles françaises. 3 000 d'entre elles en ont déjà bénéficié. Dans le cadre de France Relance, une aide à l'investissement a permis d'accélérer la numérisation des PME industrielles françaises. 7 800 projets ont été financés dans ce cadre pour un total de 3 milliards d'euros d'investissement, portés à 70 % par des entreprises de moins de 50 salariés. Près d'une entreprise industrielle sur quatre aura engagé une étape de numérisation de son outil de production grâce à ce soutien, y compris les plus petites d'entre elles qui sont les moins bien armées pour engager ce types d'investissement et pour cette transformation. La ministre annoncera prochainement des plateformes d'accélération vers l'industrie du futur, qui matérialisent dans les régions et territoires des solutions concrètes pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Dans le cadre du plan France 2030, une étape d'approfondissement de la numérisation de l'industrie permettra d'avancer dans la numérisation profonde, dite 4.0, d'un certain nombre d'entreprises industrielles. Elles en tireront un bénéfice accru de compétitivité et d'efficacité. Nous souhaitons que ces grandes transitions soient accompagnées par l'adoption des entreprises qui se transforment de solutions et d'offres françaises. Un contrat de filière pour l'industrie du futur a été signé en septembre 2021 ; France 2030 permettra de financer le développement de cette offre d'innovation.
L'investissement, y compris financier, de soutien à l'industrie que nous avons réalisé dans le cadre du plan France Relance et que nous réaliserons dans le plan France 2030 doit s'accompagner d'une politique de sécurité économique renforcée. Une protection plus importante de ces actifs est nécessaire. Nous avons beaucoup renforcé ces dernières années le dispositif juridique, organisationnel et financier de sécurité économique qui doit protéger nos entreprises, notamment celles dont le contenu technologique ou l'importance est stratégique.
Les résultats de ces politiques et de ces actions sont déjà visibles. Le nombre de sites industriels est en augmentation. L'emploi salarié dans l'industrie a également augmenté de façon presque linéaire depuis le début du quinquennat pour un total de 30 800 postes supplémentaires. Le taux de marge de l'industrie s'est fortement redressé. Malgré un arrêt pendant le second semestre 2020, le taux de marge au deuxième trimestre 2021 a atteint 42,8 %, soit un niveau supérieur à la période ayant précédé la crise. Les créations d'entreprises dans l'industrie ont connu une croissance importante. 1 800 créations étaient comptées au milieu de l'année 2017, contre 3 200 au début de l'année 2020. La défaillance industrielle a baissé. Ernst & Young, qui classe chaque année les pays européens et entourant l'Europe en fonction de leur attractivité pour les investissements industriels, place pour la deuxième année consécutive la France au premier rang des pays européens sur l'investissement industriel avec 341 projets, soit plus que la somme des projets au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne.
En vertu du décret n° 2009-37 du 12 janvier 2009 relatif à la direction générale des entreprises, celle-ci « concourt à la définition, à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques de compétitivité, d'innovation, d'accompagnement des mutations économiques, de développement de la compétitivité internationale des entreprises et d'attractivité du territoire français » et « élabore, met en œuvre et évalue les politiques de l'État dans les domaines de l'industrie et des filières industrielles ». Qui conçoit la politique industrielle en France ?
La DGE joue un rôle particulier pour concevoir la politique industrielle. Le service de l'industrie que dirige M. Bonnefant est souvent l'initiateur des propositions et de la mise en œuvre des politiques industrielles. Nous sommes également persuadés que nous devons travailler main dans la main avec un certain nombre de ministères qui, parce qu'ils ont une responsabilité sur un secteur de l'économie, doivent jouer un rôle dans la mise en œuvre de cette politique industrielle. Nous travaillons ainsi étroitement avec le ministère des Solidarités et de la santé pour que l'orientation de notre politique industrielle soit cohérente avec celle de ce ministère. Pendant la crise, nous avons cherché à identifier les médicaments critiques pour guider les travaux de relocalisation en France de leur production. Nous sommes également mobilisés sur la question de l'innovation. Le Président de la République a annoncé la création d'une agence de l'innovation en santé (AIS). Nous travaillons avec le ministère des Solidarités et de la santé pour que la politique d'innovation intègre bien toutes les étapes liées à la conception, la production, l'agrément d'un médicament et son financement. Nous travaillons également sur des sujets de transition écologique. Nous nous trouvons donc généralement en situation de proposition et d'initiative et veillons à une bonne articulation avec tous les autres acteurs publics concernés.
Vous êtes un service de Bercy. Pensez-vous qu'il faille recréer un grand ministère de l'Industrie ? M. Montebourg que nous avons auditionné ce matin considère que l'industrie, l'enseignement et la recherche devraient être rattachés directement au premier ministre, voire être dotés d'un vice-premier ministre, ou au moins être rassemblés dans une profonde interministérialité.
Je ne peux me prononcer sur l'organisation du gouvernement, mais il est certain qu'une grande interministérialité de la politique industrielle est une condition de son efficacité. Les liens entre politique économique et politique industrielle sont très étroits. Des liens forts avec Bercy sont indispensables. La politique industrielle est une politique de compétitivité globale de l'économie. Sur le plan fiscal, le Parlement a voté trois lois successives visant la simplification de l'activité économique et de l'implantation industrielle depuis 2017. Le président M. Kasbarian est à l'origine de la troisième. Dans le cadre de cette interministérialité, les liens avec le ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) doivent permettre d'améliorer le transfert de la recherche publique vers la recherche privée et les entreprises.
Les procédures nécessaires à la création d'un site industriel relèvent d'un grand nombre de ministères et de réglementations locales. Je comprends la question du rapporteur. Sans cette interministérialité, une vision globale de l'ensemble de la procédure administrative fait défaut.
Vous avez une connaissance fine du tissu industriel français. Comment s'organisent vos contacts avec les représentants de ces filières et les entreprises en direct ?
Nous bénéficions de plusieurs niveaux de contacts. Nous avons structuré les relations avec 19 filières au travers du conseil national de l'industrie (CNI), qui organise la relation entre les pouvoirs publics et les filières industrielles. Ce modèle existe depuis quelques années et a récemment été rénové. Son bon fonctionnement permet un partage du diagnostic de la situation dans les différentes filières. Actuellement, nous travaillons étroitement avec le CNI sur l'identification fine des conséquences des pénuries et des difficultés de recrutement. C'est aussi l'instance qui permet d'élaborer, de définir puis de conduire des sujets structurants pour différentes filières. Dans la filière sur l'industrie du futur, l'un des projets phares est la création de plateformes rassemblant toute l'offre française afin de la rendre accessible aux PME.
Nous avons également des liens étroits avec les organisations professionnelles, qui représentent des contacts importants dans les consultations que nous menons sur le sujet.
Nous travaillons en étroite relation avec les services économiques déconcentrés de l'État en région. Leur connaissance de la situation des entreprises dans les territoires nous aide à déployer nos politiques. Nous sommes en lien avec un grand nombre d'opérateurs publics tels que la banque publique d'investissement, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers et de l'artisanat. Ces acteurs contribuent au diagnostic de la situation des entreprises dans les territoires et au déploiement des politiques à leur profit.
Nous avons enfin des contacts réguliers avec des entreprises de toute taille qui nous permettent de comprendre leur situation et leurs besoins afin de les accompagner au mieux.
Dans le cadre global de l'environnement, un cadre propice doit être créé. Vous avez évoqué les règles de concurrence commune qu'il convient de mettre en place au niveau européen. Ne pensez-vous pas qu'il est un peu tard pour les mettre en place ? La construction et le fonctionnement de l'Europe dans le système global de libre-échange ne sont-ils pas responsables de la désindustrialisation française ?
Des évolutions récentes au sein de l'Union européenne ont eu lieu. Au sujet de la concurrence et du volet aides d'État, ces évolutions se sont réalisées dans les circonstances exceptionnelles de la crise, mais aussi de manière plus structurelle dans le cadre des grandes alliances industrielles. Cette politique industrielle européenne, permettant de financer des usines de batteries ou d'électrolyseurs d'hydrogène, est quelque peu révolutionnaire.
Il est vrai que l'Europe aurait pu réaliser plus tôt la nécessité de ces politiques dans un contexte de compétition mondiale. Il n'est cependant pas trop tard. Nous investissons dans ces grandes alliances industrielles qui représentent les grands marchés de 2030. Concernant les batteries, il en existe quatre générations. Nos usines ont manqué les deux premières générations, mais elles sont prêtes à mettre en œuvre la troisième et se préparent à la quatrième. L'Europe bénéficiera d'une part de marché significative sur cette troisième génération de batteries.
Je partage le diagnostic selon lequel l'Europe aurait dû se montrer plus déterminée sur les sujets de politique commerciale dans ses relations avec les pays tiers. Depuis des années, la France est en faveur d'une politique de défense commerciale plus ambitieuse. Nous avons plaidé pour des améliorations sur la défense commerciale, que nous avons parfois obtenues. Nous devons nous adapter à la concurrence mondiale, sans cesse. Le règlement sur les subventions étrangères déloyales est une nouvelle étape dans la construction d'une Europe plus affirmée dans sa défense commerciale et dans l'instauration d'une équité de traitement avec les entreprises et acteurs des pays tiers.
Vous évoquiez un objectif de résilience sur des produits considérés critiques, dans une logique et un enjeu d'autonomie stratégique sur les approvisionnements. Qui définit la liste de ces produits critiques ?
Nous parlons d'une plus juste coordination au sein de l'Union européenne concernant les nouvelles chaînes de valeur. Qu'en est-il des chaînes de valeurs plus anciennes ?
Des listes européennes de médicaments ont très tôt été élaborées en commun et ont permis d'identifier tous les produits de santé critiques pour lutter contre la Covid-19. Ces listes ont guidé le programme de construction de capacités pour financer des projets de relocalisation de la production de médicaments ou dispositifs médicaux utiles contre la Covid-19 en France. Concernant les autres produits critiques, nous sommes moins avancés. La Commission européenne a publié une liste de produits critiques. En France, le conseil d'analyse économique a produit une étude et identifié une liste. Nous discutons avec la Commission européenne pour proposer des listes partagées au niveau européen. Nous évoquons également des listes de technologies critiques que l'UE souhaite maîtriser. Nous promouvons l'instauration d'un observatoire des technologies et des produits critiques qui permettra de se doter d'une vision européenne commune. Ces analyses permettront de guider la politique industrielle pour répondre aux enjeux de souveraineté.
S'agissant de la coordination des chaînes de valeur, j'évoquais en introduction les cinq secteurs des projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC). Il s'agit plutôt de nouvelles chaînes de valeur, qui bénéficient d'une très bonne coordination liée à l'organisation même de ces dispositifs. Sur les chaînes de valeurs anciennes, le plan France 2030 affiche une priorité sur l'automobile, l'aéronautique et l'espace, qui sont des points forts historiques de l'industrie française et qui traversent des transitions importantes. Nous souhaitons accompagner ces secteurs pour qu'ils conservent leur place d'acteurs de premier rang dans la compétition mondiale. La coordination avec les autres États membres est moins forte sur ces chaînes de valeurs. Davantage de variations s'observent dans les politiques économiques des différents États membres. Cette coordination est sans doute moins nécessaire dans la mesure où ces chaînes de valeur sont bien installées en Europe, et qu'il s'agit de les soutenir dans leur développement davantage que de les créer ex nihilo.
Sur certains sujets, la France souhaitait être moteur de réflexion, d'action et de décision au niveau européen. Ce n'est pas toujours le cas. Concernant cette coordination, la France émet-elle des vœux, ou observe-t-on une réelle structuration notamment au niveau du dialogue franco-allemand ?
Il s'agit de bien plus que de simples vœux. Vous avez sans doute en tête le manifeste franco-allemand pour une politique industrielle européenne adaptée au XXIe siècle, signé avec l'Allemagne en février 2019. Ce document portait de grands objectifs de politique industrielle. Beaucoup d'entre eux sont en cours de mise en œuvre. Nous obtenons de réels résultats sur les nouvelles chaînes de valeurs, en partie liés à des positions franco-allemandes très fortes. Ce manifeste a donné lieu à des documents supplémentaires signés par l'Italie et la Pologne. Le champ de cette coordination a été élargi. Sur le secteur électronique, nous menons un dialogue important avec les Pays-Bas et constatons une grande convergence de vue. Les idées que la France défend sont acceptées et partagées par de grands États membres, et intégrées par la Commission européenne. J'évoquais la stratégie de politique industrielle européenne mise à jour le 5 mai 2021. Beaucoup d'orientations que nous défendons s'y retrouvent. Dans le domaine de la santé, nous avons financé 150 projets de relocalisation. Des résultats très concrets se matérialisent donc dans les décisions européennes.
Je m'étonne que vous ayez si tardivement cité le MESRI. Faut-il maintenir le médicament sous la coupe exclusive du ministère de la Santé ? N'est-ce pas ce choix qui a conduit à la situation actuelle de recul de l'industrie ? La crise de la Covid-19 a agi comme un révélateur. Le ministère de la Santé perçoit le médicament davantage comme une dépense que comme un produit économique essentiel au développement de notre pays et un débouché majeur pour notre recherche. Vous avez mentionné l'AIS. J'espère que vous êtes très impliqué dans cette réflexion.
Les pôles de compétitivité manquent également à votre discours. Il faudrait revenir sur leur définition et leur périmètre. Leur traitement reste inégal selon les visions et les intérêts des régions. Pourtant, ces pôles sont un lieu unique rassemblant de grandes entreprises, des TPE (très petites entreprises), des PME, des jeunes pousses (start-ups), des ETI, mais également des acteurs publics. Il faudrait redynamiser ces usines à projets. Nous nous sommes éloignés de l'idée initiale de Christian Blanc qui reposait sur une quinzaine de pôles. Toutefois, quelle est votre vision des pôles de compétitivité ?
J'ai cité tardivement le MESRI, car l'angle particulier de votre commission m'a amené à mentionner la santé en premier lieu. Nous travaillons très étroitement avec le MESRI et en particulier avec la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI). Nous avons une concertation permanente institutionnalisée avec le MESRI et le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) sur le sujet de l'innovation. Nous travaillons en commun à la conception et la mise en œuvre des différentes politiques. La mise en œuvre du quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA) se fait en lien étroit avec les équipes de la DGRI et du SGPI.
Le rang de la France dans la production du médicament a incontestablement baissé de manière régulière depuis 2010. La politique industrielle du médicament a pour vocation de faire de la France un leader dans la production de médicaments et de dispositifs médicaux. Le plan Innovation santé 2030 offre des moyens exceptionnels sur la politique d'innovation. Elle propose des stratégies d'accélération sur les biothérapies, la bioproduction la santé digitale et les maladies émergentes. Trois grandes stratégies doivent stimuler l'innovation et la recherche et développement (R&D) des entreprises dans ce domaine. Une grande alliance industrielle dotée de 1,5 milliard d'euros doit financer des usines pour relocaliser la production de molécules matures en pénurie ou en risque de pénurie, ainsi que des usines de bioproductions et de thérapies innovantes. Des évolutions importantes ont également été menées dans la politique au sens large de prix du médicament, qui exerce une influence sur la localisation en France de la production. Le gouvernement a pris des mesures très importantes sur la prise en compte de l'empreinte industrielle dans la fixation du prix du médicament, notamment le doublement des crédits dits du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) pour intégrer la sécurité de l'approvisionnement liée à la production de médicaments en France. Quelques autres mesures doivent permettre que la fixation des prix et plus généralement la politique du médicament soient plus favorables à l'implantation en France de la production. L'objectif de ces mesures est d'inverser la tendance de ces dernières années.
La future agence de l'innovation en santé est une matérialisation de l'effort de simplification nécessaire pour favoriser les étapes, depuis les premières innovations, souvent dans les laboratoires publics, pour aboutir à la production en France d'un médicament innovant. La préfiguration de cette agence est à peu près terminée et des arbitrages définiront précisément son organisation et ses missions. L'importance de son rôle de guichet unique et de soutien des innovateurs en santé à toutes les étapes est confirmée.
Je partage avec vous l'idée de l'efficacité des pôles de compétitivité. Entre 2009 et 2013, l'effet de levier des pôles s'est élevé à 2,5 pour la R&D en innovation dans les entreprises, selon une étude de France stratégie. Cette efficacité se concentre sur les entreprises de moins de 250 salariés, ce qui est positif. Dans la dernière vague de labellisation en 2019, la barre d'exigence a été relevée en matière de capacité à porter des projets européens. Les crédits de gouvernance des pôles ont été confiés aux régions, et j'entends vos critiques sur leur implication variable dans la gestion de ces pôles.
Vous avez abordé le volet numérique. Les 70 % des 3 milliards d'euros que vous mentionniez concernent-ils le volume ou le montant des projets ? Pourriez-vous revenir sur les dispositifs techniques d'aide aux entreprises par rapport au numérique ? Pouvez-vous nous en dire davantage sur les plateformes d'accélération ?
Quand nous avons lancé le plan France Relance, nous avons mené un effort particulier pour simplifier l'accès au dispositif. Des mesures concrètes ont renforcé la lisibilité des dispositifs pour les entreprises. Un guide assez complet a été publié en septembre 2020 pour présenter les dispositifs de France Relance. En outre, en lien avec les services déconcentrés en région, les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et les chambres de commerce, nous avons appelé l'ensemble des 30 000 PME et ETI industrielles françaises, une par une, pour leur présenter le plan de relance et nous assurer que toute entreprise industrielle qui pouvait en bénéficier avait connaissance du plan. L'efficacité du plan en dépendait. 7 800 projets ont été retenus. 70 % des projets, et non des montants, ont concerné des entreprises de moins de 50 salariés, 20 % des entreprises de 50 à 250 salariés et 10 % des ETI. Le fait que les plus petites entreprises aient bénéficié en grand nombre de ces dispositifs montre que les actions de communication ont été efficaces.
L'industrie du futur nécessite des lieux territorialisés, permettant aux chefs de l'entreprise de se rendre sur place pour observer les solutions qu'elle offre, comme des machines à commandes numériques, la numérisation d'une chaîne de production, ou encore certaines applications simples d'intelligence artificielle sur une chaîne de production. Un appel à projets a été lancé à la suite d'un rapport parlementaire sur l'industrie du futur recommandant de créer ces lieux. Une sélection sera présentée prochainement par la ministre. Ces lieux visent une approche aussi concrète que possible et représentent un complément important aux accompagnements, aux diagnostics et aux financements des investissements que nous mettons en œuvre.
Pourrez-vous nous transmettre les montants respectivement attribués aux PME et aux ETI parmi les 3 milliards d'euros mentionnés ?
Vous avez évoqué les créations industrielles importantes en 2020. Nous sommes dans une tendance positive. Vous avez de manière corrélative mentionné de faibles défaillances industrielles. Cette baisse de défaillances est-elle tendancielle ou relève-t-elle d'un effet des prêts garantis par l'État (PGE) ?
En 2020, ces effets sont directement liés aux dispositifs d'aide mis en œuvre. Les experts-comptables avaient établi que les bénéfices des PME avaient augmenté de 2 % en 2020, malgré un choc économique sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale. La Banque de France a montré que l'endettement net des entreprises avait été moins important que les années précédentes. Il s'élève à 17 milliards d'euros en 2020 alors qu'il tournait autour de 50 millions d'euros les années précédentes. Ce résultat s'explique par un différentiel plus faible du fait d'un important endettement brut avec les PGE et une forte augmentation de la trésorerie brute. La Banque de France a montré qu'en juillet 2021, sur une période d'un an, 27,6 % de défaillances d'entreprises de moins avaient eu lieu que l'année précédente. Il s'agit du meilleur témoignage du succès de ces dispositifs qui ont permis d'absorber le choc économique.
La baisse des défaillances est conjoncturelle en 2020. Toutefois, la baisse des défaillances des entreprises industrielles depuis plusieurs années nous semble structurelle.
Merci pour votre réponse. Disposez-vous d'une cartographie sectorielle de la résilience des industries ?
Nous vous fournirons des statistiques par filière industrielle.
De nombreux mécanismes de financement ont garanti un soutien efficace aux entreprises. Cependant, les soutiens à venir doivent-ils être conditionnés par la localisation de l'activité ? À plusieurs reprises dans cette commission, au sujet du crédit d'impôt recherche, il nous a été rapporté des exemples de recherches financées en France dont le transfert industriel a été réalisé à l'étranger.
La recherche privée est parfois réalisée en France grâce au crédit impôt recherche, mais l'industrialisation de la recherche s'effectue à l'étranger. Nous partageons ce constat. Dans tous les secteurs identifiés comme particulièrement stratégiques de ce point de vue, France 2030 offre des moyens dédiés à permettre et accélérer l'industrialisation en France de ces innovations. Des conditions sur l'octroi du crédit d'impôt recherche auraient beaucoup d'effets dissuasifs. Dans certains cas, des conditionnalités ont été mises en place dans le financement des 7 800 projets d'industries du futur dans les entreprises françaises. Selon ces conditions, si l'entreprise acquiert des équipements, mais ne les installe pas en France, elle devra les rembourser et payer une pénalité.
En tant que contribuable, il est toujours choquant de constater que des aides de l'État soient octroyées à des entreprises qui se font racheter et passent sous pavillon étranger, sans donner lieu à un remboursement ou une pénalité. J'ai en tête l'exemple de Seqens, qui aurait dû devenir le fer de lance de la synthèse du médicament en France. Il me semble que l'entreprise devrait passer sous pavillon étranger, alors qu'elle a bénéficié du plan de relance.
Nous avons beaucoup renforcé les outils qui permettent d'empêcher un rachat étranger d'une entreprise stratégique, comme Seqens. La France a besoin d'investissements étrangers. Nous sommes le pays le plus attractif pour les investissements étrangers. Lorsqu'un rachat étranger n'est pas inacceptable, des conditions sont posées pour permettre que le siège social, la R&D et la production restent en France. Ces engagements classiques peuvent être demandés à un acheteur étranger en vertu du règlement sur les investissements étrangers en France renforcé ces dernières années. Le champ sectoriel en a été étendu et les pouvoirs de police du ministre ont été renforcés. Les cas d'investissements étrangers dans lesquels ces conditions étaient imposées ont été doublés entre 2019 et 2020, car nous nous sommes montrés beaucoup plus stricts.
L'article 55 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », a renforcé toutes les mesures de protection sur des secteurs stratégiques envers des investisseurs malveillants. Le pouvoir de police du ministre a été renforcé pour donner à l'exécutif des outils plus importants. Je ne suis pas convaincu qu'il faille interdire à des entreprises d'ouvrir leur capital à de nouveaux entrants étrangers ou encore réserver les aides aux entreprises qui détiennent un passeport français. Beaucoup d'entreprises cotées en bourse ont des actionnaires étrangers. Il serait difficile de restreindre les aides.
Des auditions ont révélé une pression très forte sur les sous-traitants et les fournisseurs des constructeurs automobiles. Il nous a souvent été dit que nous avons aidé significativement les constructeurs automobiles, mais qu'il fallait s'assurer qu'ils traitent correctement leurs sous-traitants et fournisseurs sans les placer dans une situation de concurrence internationale telle qu'ils ne peuvent résister. Ces sous-traitants et fournisseurs subissent actuellement la baisse des volumes, la déportation des stocks, un refus d'augmentation des prix issus du coût matière et une demande de gain de productivité pour les prochaines années. Concernant la conditionnalité, il nous a été demandé par quels moyens nous pourrions amener l'industrie automobile à entretenir une meilleure relation avec ses sous-traitants et fournisseurs, qui va d'ailleurs dans son intérêt. En effet, une dépendance envers des sous-traitants étrangers représenterait un problème de sécurité d'approvisionnement.
La situation de sortie de crise s'avère difficile pour les sous-traitants automobiles. La transition écologique se poursuit et s'accélère. Outre le cadre de la feuille de route européenne « Fit for 55 » ou « ajustement à l'objectif 55 », des constructeurs automobiles européens ont décidé au début de l'année d'accélérer la transition vers l'électrique, ce qui a engendré des conséquences pour les sous-traitants automobiles mobilisés sur le volet thermique. Le plan France Relance a mis un accent particulier sur le soutien à l'investissement de la transformation des sous-traitants. 402 projets d'investissement chez les sous-traitants automobiles ont été financés pour favoriser la diversification, la transition écologique ou la numérisation. Nous avons, à travers France Relance, fourni un effort pour aider ces entreprises à rester compétitives et accélérer leur transition, ce qui correspondait chez ces sous-traitants à 1 milliard d'euros d'investissements de transformation réalisées. Lors du lancement du plan de soutien automobile en mai 2020, nous avions fait signer aux grands constructeurs et équipementiers une charte d'engagement sur les relations avec la sous-traitance. Nous avons mobilisé le médiateur des entreprises pour régler les cas litigieux, en particulier en cas de non-respect de cette charte par les donneurs d'ordre. La situation reste difficile. Au niveau du gouvernement, des discussions étroites sont menées avec les constructeurs et équipementiers pour améliorer ou faire face collectivement aux nouvelles contraintes qui s'exercent sur l'ensemble du secteur et touchent en particulier les sous-traitants. D'autres mesures seront sans doute prises prochainement pour soutenir ces acteurs.
Nous avons tout de même le sentiment que certaines filières ne semblent pas fonctionner de manière solidaire. Dans d'autres pays, la logique de filière fonctionne, y compris pendant les crises. Vous avez dit que l'État doit agir, mais n'avez-vous pas le sentiment que davantage d'incitations seraient nécessaires dans les codes de performance ou d'éthique mis en place ?
Au-delà du code de bonnes pratiques signé par les donneurs d'ordre en mai 2020, nous recommandons l'adoption d'une labellisation relations fournisseurs et achats responsables (RFAR) qui porte des engagements encore plus forts dans les relations avec leurs sous-traitants.
Je voudrais revenir sur le numérique. Quelle est votre action en matière de défense de la propriété intellectuelle dans le numérique ?
J'ai visité le centre de données ou data center d'Orange pour comprendre les consommations énergétiques des clouds et leur sécurisation. Je m'avoue rassuré de constater que notre opérateur historique dispose de l'ensemble de ses clouds sur le territoire national, en particulier à Val-de-Reuil. Disposez-vous d'une politique incitative au développement et au rapatriement des data centers en France ? Connaissez-vous l'avancement du projet d'infrastructure européenne Gaia-X ?
Je dispose des éléments de réponse concernant les projets financés par le guichet industrie du futur en valeurs. Les ETI représentaient 10 % des projets en nombre et 11,3 % en valeur. Les entreprises moyennes de 50 à 250 salariés ont porté 20 % des projets en nombre et 28,9 % en valeur. Enfin, les petites entreprises de moins de 50 salariés représentaient 70 % des projets en nombre et 59,8 % en valeur. Près de 90 % de la valeur se concentre par conséquent sur les PME.
La propriété intellectuelle est un sujet important pour conserver la valeur au sein des entreprises. Une action au niveau national et européen, sur le plan du cadre juridique, a été menée pour renforcer l'efficacité du dispositif. M. le président Kasbarian évoquait la loi PACTE qui a conduit à une réforme importante du droit de la propriété intellectuelle français, rendu beaucoup plus simple d'accès et plus efficace pour la protection des titres français. Cette réforme était importante. Des discussions ont également lieu au niveau européen. Des évolutions prochaines du droit de la propriété intellectuelle devraient survenir. La juridiction unifiée du brevet est une avancée européenne de taille, qui permet d'améliorer le respect du droit de propriété pour les titulaires de droit français. Nous poursuivons sa mise en œuvre.
Au sujet de la consommation énergétique du numérique, nous avons lancé une stratégie qui vise à mieux maîtriser l'empreinte environnementale du numérique. Cette stratégie développe deux grands axes. Le premier est la connaissance de l'empreinte du numérique en termes d'émission carbone. Il s'agit d'un ensemble d'actions pour l'écoconception des systèmes numériques de manière à leur assurer une basse consommation énergétique et une meilleure empreinte numérique. Certains acteurs français du cloud comme OVH sont connus pour offrir des solutions compétitives dans ce domaine, avec des data centers à faible empreinte environnementale. Des actions traitent également les questions d'empreinte des réseaux télécommunications.
Concernant l'enjeu de sécurisation, des mesures importantes ont été prises en début d'année comme la stratégie cloud de confiance. Cette stratégie permet d'abord de placer les solutions de cloud de confiance au centre des usages des administrations et de l'État lorsque les acteurs publics manipulent des données sensibles, personnelles ou d'entreprises. Nous encourageons les entreprises à adopter ces solutions de cloud de confiance. Ces clouds de confiance répondent à deux caractéristiques. La labellisation SecNumCloud par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) apporte des garanties sur la cybersécurité du cloud, sur la localisation des serveurs, et sur leur opération par des salariés français et par des entreprises de droit français.
Gaia-X est une place de marché qui offrira des solutions de cloud répondant à certaines valeurs, notamment l'interopérabilité et la réversibilité. Cette place de marché aura un effet de masse critique qui donnera aux solutions européennes la même masse critique que les grands leaders du domaine. Il est prévu que cette place de marché s'ouvre en juin 2022. Elle pourra offrir aux clients européens et français des solutions respectant ces enjeux. Nous sommes mobilisés pour que nos acteurs du cloud puissent offrir leurs infrastructures et leurs services à tous les clients européens.
La fierté nationale a été mise à mal lors de la recherche vaccinale. La solution française attendue par les citoyens n'est pas arrivée. Comment expliquez-vous que notre industrie du médicament perde des places au fil des décennies ?
L'industrie française du médicament et du dispositif médical a perdu des places dans le classement européen. Nous étions au premier rang au début de la décennie 2010-2020 et nous nous classons désormais en cinquième ou sixième place suivant les secteurs. France 2030 met un accent particulier sur la santé. Les moyens de la recherche publique pour la santé sont augmentés. Une réforme assez substantielle des politiques de fixation des prix doit également stimuler la R&D en France sur les thérapies innovantes. Les premiers appels à projets dans le cadre de la stratégie biothérapies ont donné lieu à un grand nombre de propositions innovantes de start-ups et de PME. Nous souhaitons les soutenir afin qu'elles développent et industrialisent leurs produits en France. La relocalisation en France de produits plus matures essentiels doit assurer une sécurité d'approvisionnement plus importante dans les prochaines années. La relocalisation du paracétamol, qui connaissait déjà une situation de pénurie en 2018-2019, en est une illustration de cette faculté d'assurer un meilleur approvisionnement. Cette démarche aura une dimension européenne. Pendant la présidence française, nous espérons lancer la stratégie industrielle sur la santé, qui portera une partie de ces projets au niveau européen dans une logique comparable à celle menée sur les batteries.
Je dois reconnaître mon inquiétude. Le dispositif d'Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire – European Health Emergency Preparedness and Response Authority (HERA) a été annoncé il y a un an. Nous nous rendrons bientôt à Bruxelles. Il semble que l'HERA soit encore à l'étape de l'étude de préfiguration. Il m'est difficile de comprendre que nous n'avancions pas davantage au niveau communautaire sur ces investissements en matière de santé.
Nous sommes convaincus de la future capacité de réponse européenne d'HERA aux futures crises. Des débats demeurent sur le rôle de cette agence. Il reste possible de la lancer concrètement l'an prochain pour obtenir une première matérialisation. L'articulation sera nécessaire entre cette agence et les initiatives menées au niveau national avec l'AIS et les dispositifs de renforcement des capacités.
Madame, Messieurs, je vous remercie. Je vous propose de compléter nos échanges en envoyant au secrétariat les documents que vous jugerez utiles à la commission d'enquête et en répondant par écrit au questionnaire qui vous a été envoyé il y a quelques jours pour préparer cette audition.
L'audition s'achève à seize heures.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament
Réunion du jeudi 25 novembre 2021 à 14 heures 30
Présents. - M. Philippe Berta, M. Guillaume Kasbarian, M. Gérard Leseul
Excusé. – M. Bertrand Bouyx