Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • BRGM
  • aquifère
  • eaux
  • nappe
  • outre-mer
  • phréatique
  • souterraine
  • surexploitation

La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Jeudi 18 mars 2021

La séance est ouverte à neuf heures.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

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La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences poursuit le cycle de ses auditions. Nous accueillons les représentants du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), à savoir M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et directeur scientifique, et Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global. La connaissance, le suivi et l'anticipation de la disponibilité et de la qualité des eaux souterraines sont au cœur des missions du BRGM.

Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Mme Dominique Darmendrail et M. Christophe Poinssot prêtent successivement serment.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Le BRGM est un établissement public créé en 1959. Il joue le rôle de service géologique national. Non seulement le BRGM est un organisme de recherche, mais il apporte également un appui significatif aux politiques publiques, grâce à ses implantations dans toutes les régions françaises, y compris en outre-mer.

Le BRGM compte plus de 1 000 salariés, qui travaillent sur six enjeux stratégiques, dont la gestion des eaux souterraines. Ce sujet représente 22 % de notre activité, à 90% pour les pouvoirs publics.

Les eaux souterraines, contenues dans les nappes phréatiques, aussi appelées aquifères, sont un enjeu majeur. L'eau douce ne représente que 2,5 % de l'eau présente sur terre. Les eaux souterraines représentent 30 % de la réserve mondiale d'eau douce, tandis que les glaciers en représentent 68 % et les eaux de surface 0,4 %. Il est donc primordial de gérer correctement les nappes phréatiques.

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Les nappes phréatiques se reconstituent grâce à l'infiltration d'eau dans les sols. Les précipitations rechargent les nappes phréatiques. En France, environ 32 milliards de mètres cubes d'eau douce sont prélevés chaque année, soit l'équivalent de vingt-trois jours de pluie. La gestion de l'eau est un équilibre entre prélèvements et recharge, lequel doit être considéré sur le long terme et pas seulement annuellement.

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Le refroidissement des centrales électriques, thermiques ou nucléaires, représente une part significative des usages de l'eau, sachant que l'eau de surface utilisée est alors rapidement rendue au milieu naturel. La production d'eau potable, les usages agricoles et les usages industriels viennent ensuite. La proportion d'eau souterraine varie selon ces trois usages. Ainsi, les deux tiers de l'eau potable proviennent des nappes phréatiques, tandis que les eaux souterraines représentent 40 % des eaux industrielles et agricoles. La consommation d'eau potable représente la moitié de la consommation d'eau globale.

En moyenne, chaque habitant consomme 146 litres d'eau par jour. Une très faible proportion de cette eau est destinée à la boisson ou à la nourriture.

Les spécificités territoriales sont extrêmement fortes, que ce soit au niveau des usages de l'eau ou de la part des eaux souterraines. Globalement, l'eau souterraine reste prédominante dans l'approvisionnement du territoire.

La France dispose de 6 500 aquifères, dont 200 sont particulièrement importants. Ceux-ci sont abrités par des roches variées, qui peuvent être des roches très perméables (graviers, sables), des roches sédimentaires (calcaires, craie) ou des roches plus imperméables (granit). La dynamique des nappes phréatiques varie considérablement selon le type de roche qui les accueille. Certaines nappes de grande ampleur ont une forte inertie, tandis que les systèmes karstiques réagissent beaucoup plus vite.

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La situation est plus contrastée dans les départements et régions d'outre-mer, où les variations saisonnières sont beaucoup plus fortes. Il existe également d'importantes variations spatiales, liées aux vents dominants, par exemple. Les débits auxquels il est possible d'accéder diffèrent selon les territoires. Enfin, l'activité tellurique (géothermie, volcanologie, sismologie) a des conséquences. Globalement, les départements et régions d'outre-mer sont sous tension.

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La Guadeloupe, où la pluviométrie varie fortement d'un point à l'autre de l'archipel, est confrontée à une problématique de qualité de l'eau, à cause d'intrusions salines, en particulier sur Grande-Terre.

La ressource en eau est étroitement surveillée, grâce à un réseau de 1 775 piézomètres, qui permet de suivre les niveaux d'eau en temps réel. D'autres acteurs participent également au suivi. Toutes les données sont compilées dans le portail Accès aux données sur les eaux souterraines (ADES). Chaque mois, le BRGM réalise un état des lieux des nappes phréatiques. Les nappes dont le niveau est haut ou très haut sont figurées en bleu sur une carte, tandis que les nappes dont le niveau est bas apparaissent en jaune ou en rouge. La situation au 1er mars 2021 révèle que les nappes phréatiques sont en cours de rechargement.

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Grâce à ces données, nous réalisons un suivi sur la durée, non seulement en termes de quantité d'eau, mais aussi en termes de qualité. Entre 2013 et 2019, le niveau des nappes a eu tendance à s'améliorer. Du point de vue qualitatif, la situation est également en amélioration. Cependant, il faut parfois attendre plusieurs décennies pour que le marquage des nappes phréatiques par des polluants soit levé. S'agissant de la pollution aux nitrates, entre 2004 et 2019, la situation s'est dégradée par endroits, mais elle s'est nettement améliorée ailleurs.

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La connaissance des aquifères et les outils de modélisation permettent d'anticiper l'évolution des nappes. Le BRGM a notamment développé l'outil MétéEAU Nappes, grâce auquel il est possible de faire des prévisions quant à la manière dont les nappes phréatiques évolueront au cours de l'année, en intégrant les éléments climatiques fournis par Météo-France et les données relatives au niveau des eaux de surface. Il devient ainsi possible d'anticiper la gestion collective des nappes d'eau.

Nous simulons également la manière dont les nappes phréatiques pourraient évoluer à long terme. L'enjeu consiste à anticiper les conséquences du changement climatique. À l'horizon 2070, nous nous attendons à une baisse du niveau des nappes phréatiques, dont l'ampleur dépendra des régions. Sans surprise, la baisse sera plus marquée dans le sud de la France que dans le nord.

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Les simulations peuvent être réalisées à des échelles relativement fines, comme celle du bassin de la Somme, par exemple. Là, la baisse du niveau des nappes phréatiques sera particulièrement marquée sur les plateaux.

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Face à ces évolutions de court et de long terme, la question des mesures d'adaptation se pose. Ainsi, des études sont en cours au sujet de la recharge maîtrisée, qui peut être ponctuelle ou continue. Cette solution est déjà mise en œuvre par endroits, notamment à Crépieux-Charmy, près de Lyon.

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Il est absolument nécessaire de mettre en œuvre une gestion raisonnée, laquelle doit reposer sur un équilibre entre les ressources et les prélèvements. Cela suppose de connaître les aquifères de manière approfondie et les besoins des territoires. En effet, la régulation à l'échelle des territoires est primordiale. À cet égard, il apparaît nécessaire de renforcer notre connaissance des départements et régions d'outre-mer.

Il existe un fort enjeu de suivi des aquifères et des prélèvements. Nous disposons déjà d'outils opérationnels et pertinents s'agissant du suivi des nappes, même s'il nous faut continuer à renforcer ces réseaux d'observation. En ce qui concerne la qualité des nappes, il est nécessaire d'anticiper l'émergence éventuelle de polluants. Enfin, il est important d'avoir une vision fiable des volumes prélevés.

Nous pourrons améliorer la situation actuelle et renforcer la résilience des territoires si nous disposons de modèles prédictifs robustes. Cependant, l'exercice est tout à fait différent selon qu'il s'agit de prédire à l'échelle de quelques jours ou de quelques décennies. Il est également important de développer des outils d'aide à la décision, pour assurer le juste partage des ressources en fonction des besoins. Ce partage doit se faire à l'échelle des territoires, en intégrant les dimensions sociétales, économiques et politiques, afin de parvenir à une gestion collective appropriée. Les bassins sont les territoires de référence pertinents, même s'ils ne coïncident pas avec le découpage administratif du pays. Dès lors, un travail collectif, mené sur des échelles de temps adaptées à la dynamique des bassins, est indispensable.

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Quelles activités humaines (industrielles, agricoles ou individuelles), qui feraient particulièrement obstacle à une utilisation durable des eaux souterraines, le BRGM identifie-t-il ? Avez-vous repéré des réserves d'eau souterraine en particulier qui feraient l'objet d'une surexploitation liée à une activité humaine identifiable ? Ces cas de surexploitation se font-ils dans le cadre légal ou réglementaire, dans le cadre de dérogations ou dans un cadre illégal ? De quelles données le BRGM dispose-t-il au sujet des nappes de Volvic et Vittel ? En ce qui concerne Volvic, Danone soutient que la diminution de la quantité d'eau dans la nappe et la réduction du débit constaté au niveau des résurgences sont dues au dérèglement climatique, tandis que MM. Durand et Livet, hydrogéologues, s'accordent à dire que la surexploitation de la nappe est en cause.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Le BRGM n'est pas chargé d'assurer le suivi et l'évaluation des prélèvements d'eau. La banque nationale des prélèvements d'eau, gérée par le ministère ou les agences de l'eau, permet d'avoir une vision des prélèvements qui donnent lieu à une redevance.

S'agissant des réserves d'eau souterraine qui feraient l'objet d'une surexploitation, nous n'avons pas de vision exhaustive de ce qui se passe sur l'ensemble du territoire. Cependant, les cas où un aquifère connaît une baisse significative et durable de son niveau restent limités. Les nappes de l'Éocène, dans le bassin aquitain, des sables infra-molassiques, dans le bassin de l'Adour, et des grès du Trias, en Lorraine, sont néanmoins concernées.

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Nous disposons de huit piézomètres dans le bassin de Volvic, où les sources semblent se tarir. Nous constatons une baisse du niveau piézométrique, en amont des zones d'exploitation de Danone. Quand on regarde l'ensemble des données en notre possession, celle-ci semble plutôt liée à une baisse de la recharge par des pluies efficaces pénétrant dans la nappe. Malheureusement, nous ne connaissons pas très bien le fonctionnement de cet hydrosystème. Aucune étude générale n'ayant encore été menée, nous pouvons seulement nous appuyer sur les éléments factuels fournis par le réseau piézométrique.

À Vittel, il existe un schéma d'aménagement et de gestion des eaux depuis 2010. Le BRGM a réalisé une modélisation en 2013, pour déterminer quel volume d'eau pouvait être prélevé dans cet aquifère. Or nous avons constaté que l'ensemble des prélèvements réalisés dans cette zone par Nestlé, par une fromagerie et pour l'alimentation en eau potable était supérieur aux capacités de la nappe. Depuis, un certain nombre d'actions a été engagé, dans le cadre de la gouvernance générale. Nous avons été sollicités en 2018 et 2019 par la direction départementale du territoire, pour examiner le dossier d'autorisation des prélèvements de Nestlé. Nous avons exprimé un certain nombre de commentaires, notamment sur la base de la modélisation qui avait été réalisée. Maintenant que nous connaissons mieux le fonctionnement de cette nappe, nous pourrons étudier précisément les estimations proposées par le modèle. Nous attendons les dernières données pour nous forger un avis.

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Quels progrès faudrait-il réaliser s'agissant du contrôle des volumes prélevés ? J'ai cru comprendre que les données relatives aux volumes d'eau prélevés pour être mis en bouteille sont fournies par les producteurs d'eau minérale eux-mêmes. Pouvons-nous nous fier à ces informations ? Sont-elles contrôlées ? Le déficit de pluviométrie que vous avez constaté est-il lié à une imperméabilisation et une artificialisation des sols ?

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

La banque nationale des prélèvements d'eau assure un suivi de tous les prélèvements importants, qui donnent lieu au versement d'une redevance. Nous pouvons nous poser la question du mécanisme de contrôle des déclarations. Mais avant de répondre à cette question, il faut constater que les prélèvements qui ne font pas l'objet d'une redevance ne sont pas suivis, ce qui nous contraint à faire des estimations.

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Les sols éventuellement imperméabilisés dans le secteur de Volvic ne représentent pas la part la plus importante de la recharge.

Toute la pluie ne rejoint pas la nappe phréatique, puisqu'une partie retourne directement à l'atmosphère, par le phénomène d'évaporation, qu'une autre partie ruisselle et qu'une dernière partie est prélevée par la végétation. Les mois d'hiver, d'octobre à mars, sont les plus favorables à la recharge, car les précipitations y sont plus importantes et les besoins de la végétation sont alors limités.

Nous n'avons pas les moyens d'évaluer l'éventuel accroissement de l'imperméabilisation et de savoir dans quelle mesure ce phénomène pourrait limiter la recharge.

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L'eau de mer constitue la principale ressource en eau de la planète. Avez-vous mené des travaux sur l'état quantitatif et qualitatif de cette ressource ? Comment cette ressource pourrait-elle être utilisée, le cas échéant ?

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Le BRGM ne travaille que sur les environnements côtiers, c'est-à-dire sur le plateau continental, tandis que l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) assure le suivi des océans. Néanmoins, nous sommes très impliqués dans le suivi des littoraux français, en métropole comme dans les départements et régions d'outre-mer, d'autant qu'ils subiront les conséquences du changement climatique de façon significative. Par exemple, nous pourrions être confrontés à des problématiques d'intrusions salines dans les aquifères, à la faveur de la montée du niveau des mers. Nous sommes particulièrement vigilants sur ce point et nous développons des outils de modélisation.

L'eau de mer est largement disponible en volume, mais son usage nécessite une désalinisation, qui se révèle très coûteuse d'un point de vue énergétique. Si certains pays se sont engagés dans cette voie, il semble nécessaire de peser l'intérêt que peut présenter cette solution par rapport aux dommages environnementaux qu'elle peut engendrer.

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Pourriez-vous nous expliquer le processus géologique des intrusions salines ? Quels sont les risques associés ?

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Au niveau des aquifères côtiers, il existe un continuum hydraulique entre la mer et l'eau contenue dans l'aquifère. Un prélèvement intensif dans l'aquifère, à proximité du trait de côte, entraînera un transfert d'eau de la mer vers l'aquifère. Les concentrations de sel peuvent ainsi devenir importantes. Il faut alors diluer le sel entré dans l'aquifère. Des modélisations permettent de savoir quelles quantités peuvent être prélevées dans les aquifères côtiers. Sur certains sites côtiers, nous pratiquons la recharge maîtrisée, pour créer une barrière hydraulique. Cette solution suppose une bonne connaissance des aquifères et des prélèvements, donc une forte caractérisation des aquifères et des systèmes hydrologiques. Une surveillance doit également être mise en place, pour ne pas risquer de faire entrer du sel dans l'aquifère.

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À Marie-Galante, l'eau potable est puisée directement dans les nappes phréatiques. Quels sont les risques liés à cette pratique ?

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Marie-Galante fait partie des territoires auxquels nous prêtons une attention particulière. Il existe deux masses d'eau surveillées à Marie-Galante, essentiellement exploitées pour l'alimentation en eau potable. Or nous avons constaté une baisse des niveaux piézométriques. La nappe est exploitée de façon relativement intensive par rapport aux volumes pouvant y être prélevés. Nous sommes donc particulièrement vigilants s'agissant d'éventuelles intrusions salines. Nous implanterons trois nouveaux forages de surveillance, pour accroître notre connaissance de ce territoire.

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Comment les forages individuels sont-ils contrôlés ?

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Le BRGM n'est pas impliqué dans le processus d'autorisation des prélèvements. Celles-ci sont délivrées par l'administration, c'est-à-dire par les services territoriaux de l'État.

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Comment comptez-vous améliorer votre connaissance des aquifères, notamment dans les outre-mer ?

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Améliorer la caractérisation des aquifères dans les départements et régions d'outre-mer est un enjeu important, car ces situations sont très spécifiques. Nous développons des projets de caractérisation grâce à des moyens géophysiques aéroportés, en complément de l'implantation d'outils de mesure sur le terrain. Ces moyens permettent, non seulement, d'assurer un suivi de la problématique de l'eau, mais fournissent également des renseignements plus généraux sur la dynamique de ces territoires. Ainsi, en Martinique, le suivi des nappes d'eau profonde nous renseigne sur l'activité du volcan.

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Les besoins de caractérisation dépendent des territoires. Dans certains territoires d'outre-mer, il est nécessaire de mieux caractériser les aquifères en termes de qualité chimique, sachant que les problématiques de quantité et de qualité de l'eau sont intrinsèquement liées. Nous connaissons les polluants que nous sommes susceptibles de retrouver, en particulier en Guadeloupe et en Martinique, mais nous rencontrons également des problèmes liés à l'assainissement. En effet, la défaillance des systèmes d'assainissement peut avoir des conséquences sur les aquifères côtiers.

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Quels moyens vous manque-t-il pour améliorer votre connaissance des départements et régions d'outre-mer ?

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

En tant qu'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), le BRGM reçoit une partie de son financement des acteurs publics. La vitesse à laquelle nous avançons sur ces problématiques dépend de la priorisation faite par les pouvoirs publics s'agissant des demandes d'appui aux politiques publiques.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Notre principal financement est une subvention pour charge de service public, versée par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Une subvention pour charge de service public provenant du ministère de la Transition écologique, d'un montant moins important, s'y ajoute. Cette dernière concerne essentiellement la gestion des anciens sites miniers et des risques afférents. Nous profitons également de financements internationaux – dans le cadre de projets internationaux – européens – au travers des appels à projets auxquels nous répondons – ou français – comme l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

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En quoi les problématiques de quantité et de qualité de l'eau sont-elles liées ?

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Prenons l'exemple des nitrates. Quand la nappe est haute, le volume d'eau dans lequel les nitrates se diluent est grand, donc la concentration en nitrates diminue mécaniquement. Si le niveau d'eau baisse, la concentration en nitrates augmentera. Ce phénomène dépend des polluants et de leurs caractéristiques intrinsèques.

Les polluants qui se retrouvent dans les eaux souterraines sont les plus mobiles et les plus persistants. C'est la raison pour laquelle il est possible de trouver dans les nappes des polluants dont l'usage est banni depuis plusieurs années. En outre, il existe un risque que la nappe contamine elle-même la rivière ou la mer avec laquelle elle est en contact.

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Les aquifères de Guadeloupe et de Martinique sont-ils imprégnés de chlordécone ?

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Nous trouvons des concentrations non négligeables de chlordécone dans les captages d'alimentation en eau potable de Martinique et de Guadeloupe. L'eau est donc traitée avant de rejoindre le réseau d'alimentation en eau potable.

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Avez-vous identifié des réserves d'eau souterraine qui font l'objet d'une surexploitation liée à l'activité humaine ? Ces cas de surexploitation se font-ils dans le cadre légal ou réglementaire, dans le cadre de dérogations ou dans un cadre illégal ?

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Les cas de surexploitations ne concernent que certaines zones bien circonscrites. La surexploitation est le résultat d'un déséquilibre entre la recharge et les prélèvements. Nous parlons généralement de surexploitation pendant l'été, quand les cours d'eau sont en régime d'étiage.

Les cas de surexploitation sont relativement rares. La nappe de l'Éocène, dans le bassin aquitain, la nappe des sables infra-molassiques, dans le bassin de l'Adour, et la nappe des grès du Trias, en Lorraine, sont néanmoins concernées. Il peut arriver localement que certains bassins soient en tension, notamment les grands bassins sédimentaires.

Du fait de la gestion intégrée existant en France, le phénomène de surexploitation est relativement limité, en comparaison avec d'autres pays, en particulier hors de l'Europe.

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Existe-t-il des eaux souterraines dont la qualité est particulièrement dégradée en raison d'activités humaines identifiables ?

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Nos indicateurs dépendent des polluants auxquels nous avons affaire. Nous voyons apparaître des concentrations de pesticides, de résidus pharmaceutiques et, plus ponctuellement, de solvants. Pour autant, ces informations ne nous permettent pas de considérer que de grands nombres d'aquifères sont irrémédiablement contaminés.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Grâce à notre capacité analytique, nous sommes capables de détecter des substances chimiques présentes en faible quantité. Nous constatons ainsi un marquage des nappes phréatiques, c'est-à-dire que celles-ci conservent la trace des activités humaines qui se sont déroulées en surface. La présence de produits pharmaceutiques dans les eaux souterraines n'est pas liée à l'industrie pharmaceutique, mais aux traitements suivis par la population, qui les relâche ensuite dans les eaux usées. Ce marquage ne remet pas nécessairement en cause la potabilité de l'eau.

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Le BRGM considère-t-il qu'il existe un risque à court, moyen ou long terme s'agissant de l'aquifère de Vittel ?

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Un observatoire pourrait se mettre en place sous peu. Un suivi renforcé de cette nappe phréatique semble nécessaire, étant donné que nous constatons une baisse significative de son niveau. Une gestion collective raisonnée est indispensable. Autrement dit, il convient de veiller à préserver un équilibre entre les prélèvements et la recharge. Tel sera le rôle de l'observatoire qui devrait se mettre en place dans les mois à venir.

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

À Vittel, les prélèvements sont aujourd'hui en baisse et des solutions alternatives sont recherchées. L'observatoire étudiera l'ensemble des aquifères et pas seulement celui des grès du Trias. Une vision globale est nécessaire, car plusieurs masses d'eau sont concernées par les prélèvements.

Dans le nord de la France, nous avons constaté une pollution aux perchlorates, qui pourraient provenir d'anciennes munitions militaires ou d'engrais utilisés avant 1930. Il s'agit nécessairement de sources de pollution anciennes. Il faut trouver une solution à cette pollution diffuse, qui concerne de grands territoires.

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90 % de vos commandes d'études sont d'origine publique. Qu'en est-il des 10 % restants ? D'où les financements proviennent-ils et quels sont les sujets traités ?

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Nos financements privés sont à la fois nationaux et internationaux. Le BRGM travaille à l'étranger, en répondant à des appels d'offres souvent portés par les États eux-mêmes, notamment en Afrique. Une partie des études que nous menons concerne l'eau. Nous intervenons dans le cadre de contrats d'expertise passés avec des pays étrangers.

Sur le sol national, notre volume de travail pour les industriels de l'eau est assez limité. Il se répartit équitablement entre les trois grands acteurs de l'eau, qui nous sollicitent pour que nous les aidions à mettre en place des outils permettant de mieux gérer la ressource en eau.

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Les eaux souterraines en galeries minières sont-elles utilisées ? Cette eau stagne-t-elle dans les anciennes veines ou rejoint-elle la nappe phréatique ?

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Le BRGM est chargé du suivi des anciens sites miniers, sur lesquels des installations de pompage ou de traitement d'eau subsistent. Selon les situations, un pompage peut être pratiqué pour maintenir un niveau d'eau assez bas ou bien les exhaures peuvent être traitées, afin qu'elles n'aient pas de conséquences sur l'environnement. Parfois, de la géothermie est implantée. Tout est fait pour que l'impact sur l'environnement, et notamment sur les nappes phréatiques, soit le plus limité possible.

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. Comment est-il possible de contacter la banque nationale des prélèvements d'eau ?

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Il faut s'adresser au ministère de la Transition écologique et à l'Office français de la biodiversité (OFB), qui gèrent la banque nationale des prélèvements d'eau, avec l'aide des agences de l'eau.

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. J'aimerais récupérer des informations très ponctuelles et locales.

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Vous pouvez avoir accès à plusieurs bases de données, par l'intermédiaire du portail ADES. Vous obtiendrez ainsi des informations sur les niveaux piézométriques et sur la qualité de l'eau en fonction des territoires. Pour avoir des renseignements sur les prélèvements, il vous faudra consulter la banque nationale des prélèvements d'eau. Par ailleurs, un certain nombre d'informations sont accessibles via les systèmes d'information géographique sur les eaux souterraines (SIGES). Enfin, le site Eaufrance peut vous renseigner sur l'existence d'un schéma d'aménagement des eaux sur un territoire particulier, par exemple.

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Quel type d'alternatives est recherché à Vittel ? Pensez-vous que toutes les données dont nous venons de parler devraient être centralisées, afin de favoriser l'information citoyenne ? L'information citoyenne sur ce sujet vous paraît-elle suffisante ?

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Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

S'agissant de Contrexéville, nous souhaitons réunir, sur un même portail, toutes les informations sur l'ensemble des masses d'eau, afin de faciliter une gouvernance intégrée. Tel est l'objectif de l'observatoire. Il sera ainsi possible de définir les moyens nécessaires pour mieux apprécier la ressource prélevable et mieux la partager.

L'ensemble des données dont nous avons parlé est public, mais il faut consulter plusieurs sites pour y accéder. Le portail ADES recueille des informations de l'ensemble des acteurs qui fournissent des données piézométriques ou des données relatives à la qualité. L'objectif est de rendre ces données interopérables avec d'autres bases. Par ailleurs, des expériences ont été lancées pour collecter des données émanant de citoyens, mais celles-ci ne sont pas gérées de façon intégrée.

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Christophe Poinssot, directeur général délégué au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Le BRGM réfléchit à la manière de rendre plus facilement accessible l'information à l'ensemble de nos concitoyens. MétéEAU Nappes est un outil intéressant, à cet égard, même s'il ne concerne qu'un nombre limité de points du territoire, pour le moment. Notre objectif est bien de parvenir à couvrir l'ensemble du territoire.

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Je vous remercie. Je vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit au questionnaire qui vous a été envoyé.

L'audition s'achève à dix heures.