Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du mercredi 12 mai 2021 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • DSP
  • assainissement
  • régie

La réunion

Source

COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Mercredi 12 mai 2021

La séance est ouverte à dix-huit heures.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

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Mes chers collègues, nous concluons notre session d'audition de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences en recevant la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), en la personne de son délégué général, M. Tristan Mathieu.

Après avoir travaillé pour Veolia, vous dirigez ce syndicat professionnel et le centre d'information sur l'eau depuis 2011.

Je vous donnerai la parole pour une intervention liminaire d'environ 10 minutes, qui précédera notre échange sous forme de questions et réponses. Vous pourrez compléter vos déclarations par écrit.

Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc, Monsieur, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

M. Mathieu prête serment.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Notre fédération regroupe des opérateurs gérant les services publics d'eau et d'assainissement. Ces opérateurs interviennent après mise en concurrence. Certaines entreprises comptent 50 salariés, d'autres plus de 10 000 personnes. Elles gèrent les deux tiers des services publics d'eau en nombre d'abonnés. Ces entreprises interviennent en France et à l'international, qui représente les deux tiers de leur activité. Elles comptent également 640 points d'embauche sur l'ensemble du territoire français. Pour leur part, la plupart de leurs salariés se consacrent à la recherche et développement, pour un total d'environ 900 chercheurs et des investissements atteignant 140 millions d'euros.

Un service public d'eau et d'assainissement se double toujours d'une autorité organisatrice. Celle-ci a pour mission de définir le niveau d'investissement nécessaire, la politique sociale du service public de l'eau – décider si elle souhaite ou non aider les plus démunis à payer leurs factures d'eau – ainsi que la politique en matière de qualité de service. Elle peut également faire appel à un opérateur. Celui-ci peut être issu du privé – délégations de service public (DSP), concessions – ou du public (régies).

Depuis la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin, les opérateurs privés sont soumis à une mise en concurrence. Un contrat de concession lie alors l'autorité organisatrice à son opérateur privé, qui disposera de plusieurs missions, notamment en ce qui concerne l'atteinte d'un certain niveau de performance. Une régie municipale peut quant à elle être gérée de différentes manières. Il est par exemple possible de créer des sociétés publiques locales. Ces régies font également appel à des entreprises privées, la France comptant une filière d'excellence en la matière.

À propos de gestion, le secteur de l'eau en France fait l'objet d'une régulation, opérée par des opérateurs de la sphère publique. De plus, les conditions d'exercice ont fortement évolué par rapport à il y a 20 ans. La durée des contrats s'est par exemple nettement réduite, des sociétés dédiées ont été créées au niveau local et les indicateurs de performance sont devenus systématiques. Les contrôles s'effectuent également tout au long de la durée du contrat, aussi bien à travers les rapports annuels que les contrôles quotidiens des collectivités. Nous disposons ainsi d'outils performants, qui ont permis de maintenir la totalité des services publics d'eau et d'assainissement durant la crise de la Covid-19. Au final, la DSP reste largement recherchée par les collectivités locales.

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Comment expliquez-vous le fort recul des DSP, une majorité de communes préférant adopter une gestion directe ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Une majorité de services publics a toujours été gérée en régie directe. Pour leur part, les DSP interviennent plutôt sur des services publics plus importants, apportant de l'eau potable à deux tiers des Français.

L'activité des entreprises de l'eau n'a connu aucune variation majeure au cours des dernières années. Nous observons tout de même certains cas de retour en régie, qui ne sont pas anormaux selon moi. Nous défendons en effet la liberté de choix de la collectivité vis-à-vis de son opérateur, ainsi que la réversibilité des modes de gestion. En France, 700 contrats de DSP arrivent chaque année à échéance. Or dans environ 95 % des cas, une nouvelle DSP est conclue. Ce mode de gestion fait ainsi l'objet d'une forme de plébiscite.

Il arrive cependant que dans certaines collectivités, le maire ou le président opte pour la régie. De notre point de vue, la réversibilité des modes de gestion doit être facilitée. L'élu optant pour une régie devra toutefois réfléchir à ce qu'apporteront ces acteurs privés au service au cours des dix années à venir.

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Combien la France compte-t-elle de DSP ? Il me semble que leur nombre a été divisé par 2 en 20 ans.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Il me semble que leur nombre s'élève à 7 000. Nous vous enverrons un rapport détaillé sur le sujet. S'il est vrai que les DSP sont désormais moins nombreuses, elles opèrent des services de plus en plus conséquents. La loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a en effet augmenté les périmètres des autorités organisatrices, réduisant de fait le nombre de contrats.

Actuellement, les opérateurs privés gèrent les services publics d'eau de 64 % des Français, ce chiffre ayant peu évolué au cours des dernières années. Si les retours en régie sont régulièrement évoqués, les cas de contrats passant d'une régie à une DSP le sont en revanche nettement moins. Pour ce qui est de l'assainissement, nous observons que les DSP ont tendance à augmenter.

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Si la France compte aujourd'hui 7 000 DSP, leur chiffre atteignait 14 000 il y a 20 ans. Nous assistons donc à un vrai recul de ce mode de gestion.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Cette tendance se vérifie nettement moins en matière de population desservie ou de chiffre d'affaires des entreprises de l'eau. De son côté, la ville de Paris a choisi de confier la distribution de son eau potable à une régie, mais la production et l'assainissement de l'eau étaient déjà concernés par cette régie. À l'inverse, des communes de la région stéphanoise passeront de la régie à la DSP.

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Lors des auditions précédentes, il a été affirmé que chaque appel d'offres de DSP de l'eau potable recevait en moyenne moins de deux réponses. Comment l'expliquez-vous ? Peut-on dans ce cas réellement parler de concurrence effective ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Le marché français compte chaque année entre 500 et 700 appels d'offres, soit environ 10 % des contrats arrivant à échéance. Dans le même temps, entre 1 000 et 1 500 offres de DSP sont formulées chaque année. Nous dénombrons en moyenne 2 offres pour 3 candidats. Il serait donc préférable que la concurrence se densifie. Les collectivités locales devraient ainsi se poser la question de la complexité des cahiers des charges ou de la longueur du temps de réponse. Il faut également que les candidats soient mis dans de bonnes conditions. Il serait également judicieux d'indemniser les offres non retenues. Cette mesure permettrait d'aider les petits et moyennes entreprises (PME) à y répondre.

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Certaines des personnes que nous avons auditionnées ont suggéré que Suez et Veolia s'étaient réparti le marché français et ne se faisaient donc pas concurrence. Qu'en pensez-vous ? Connaissez-vous des exemples de marchés qui seraient passés de l'une à l'autre de ces deux sociétés ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

La concurrence ne se résume pas à Suez et Veolia. Saur est par exemple un grand groupe très actif sur le marché. Pour sa part, Aqualter s'occupe actuellement du service d'eau et d'assainissement de la métropole de Chartes, qui était auparavant géré par Veolia.

Il n'y a pas eu de répartition du marché, les contrats changeant de main étant monnaie courante. Par exemple, l'assainissement de la ville de Bordeaux était auparavant géré par Suez et l'est désormais par Veolia. La métropole de Lille a également connu le même scénario. La ville de Toulouse présente quant à elle une situation inverse. De tels exemples ne manquent pas.

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Selon mes informations, les DSP desservaient 75 % de la population il y a 20 ans, contre environ 61 % actuellement. Je vous invite à vérifier ces chiffres.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Je m'y engage.

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Quelle est votre position en ce qui concerne l'offre publique d'achat (OPA) de Veolia sur Suez ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Ces deux entreprises sont des membres importants de la FP2E. Les accords actuellement discutés ont pour objet de maintenir à l'identique la part de Suez sur le périmètre français. Il n'y a donc selon moi aucune crainte à avoir concernant sa capacité à demeurer un concurrent tout aussi solide. Il était en effet essentiel de préserver un niveau de concurrence équivalent sur le marché français.

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Vous ne craignez donc pas une baisse du niveau de concurrence sur les marchés, ni une dégradation de l'efficacité de la gestion des DSP.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

L'activité de Suez continuera d'être assise sur l'eau et les déchets. L'entreprise conservera également ses centres d'expertise. De toute façon, les autorités de la concurrence ont la charge de vérifier le dossier.

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Pensez-vous qu'une telle fusion rende nécessaire la création d'une haute autorité pour réguler le domaine l'eau et de l'assainissement ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Nous n'avons pas de position arrêtée sur ce sujet, qui pose la question de la régulation du secteur. Nous abordons d'ailleurs cette question avec de nombreux acteurs, notamment l'Institut de la gestion déléguée (IGD).

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a établi avec les régulateurs européens une quinzaine de missions d'un service public de l'eau. En France, ces missions sont déjà toutes assumées par la sphère publique. Un régulateur doit par exemple s'assurer de la bonne marche de la concurrence. Or il existe une autorité française et une autorité européenne en charge de cette question. Un régulateur doit également vérifier la validité des comptes, ce dont s'occupent les chambres régionales des comptes, à la fois en régie et en DSP. Un régulateur doit par ailleurs étudier la qualité de l'eau et la performance.

En France, ces missions de régulation sont déjà toutes assumées mais il n'existe pas de régulateur unique. La question est donc de savoir si la création d'une autorité centrale apporterait de la valeur ajoutée. Celle-ci s'occuperait à la fois des opérateurs publics et privés. Si l'État souhaite s'orienter vers ce type de schéma, il devra alors retirer aux chambres régionales des comptes la vérification des comptes des délégataires et de collectivités, reprendre à l'autorité de la concurrence la supervision du marché, etc.

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Selon vous, l'écart de prix de l'eau entre régie et DSP est-il significatif ? Comment la DSP peut-elle présenter des coûts de gestion plus favorables, étant donné que le délégataire est assujetti à l'impôt sur les sociétés, pratique un amortissement tout au long de la durée du contrat, présente un objectif de maximisation de son profit et supporte des rémunérations de siège ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Nos entreprises présentent le meilleur rapport qualité-prix. En effet, la concurrence régnant entre les opérateurs les oblige à être productifs. Il s'agit d'un important critère de stimulation. À l'inverse, nous pouvons nous demander comment une collectivité en régie peut réussir à obtenir des prix compétitifs face à des entreprises mutualisant leurs achats et leurs moyens. En tout état de cause, la différence de prix a été divisée de manière spectaculaire, atteignant désormais 5 % selon l'Office français de la biodiversité (OFB). De son côté, 60 millions de Consommateurs affirme que les DSP maîtrisent mieux les prix que les régies.

Je précise qu'une DSP n'est pas obligée d'amortir sur la durée des contrats. En effet, des montants restant à amortir peuvent servir à confier des investissements à l'opérateur.

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Selon vous, la recherche de profit des entreprises du secteur a-t-elle un impact sur le prix de l'eau ? Pouvez-vous nous donner le montant total des dividendes versés par les membres de votre fédération à leurs actionnaires en 2019 et en 2020 ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

La DSP constitue un cercle vertueux permettant d'attribuer une mission avec des objectifs de performance et de qualité d'eau, après mise en concurrence. Le prix se base ainsi sur des éléments concrets. La rémunération de l'entreprise dépend quant à elle de son efficacité. Or les entreprises privées de l'eau protègent mieux la ressource que les entreprises publiques, affichant 2 ou 3 points d'écart au niveau des rendements de réseaux. D'après la direction générale de la santé (DGS), elles présentent également une eau de meilleure qualité. Au final, elles dégagent un résultat positif, qui est remis en jeu lors de la prochaine mise en concurrence, expliquant les baisses de prix.

Concernant le montant des dividendes, nous ne collectons pas cette information. Il faudrait donc s'adresser directement aux entreprises. Ces dividendes sont en tout cas opérés au niveau des groupes, dont l'activité internationale est liée à d'autres métiers que ceux de l'eau.

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Une personne auditionnée a affirmé que les entreprises de l'eau et de l'assainissement avaient profité d'un marché français captif et relativement non concurrentiel. Elles ont alors pu extraire des rentes ayant soutenu leur développement international, occasionnant une hausse des prix. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Je ne suis pas d'accord. De nos jours, les entreprises qui exportent développent souvent des technologies à l'international, pour ensuite les rapatrier sur le sol français. Ce n'est en effet pas en France que ces entreprises ont appris à réutiliser les eaux usées, ni à gérer les nouvelles pauvretés ou les flux de migrants. Je suis en tout cas fier que nous disposions de champions français dans le domaine de l'environnement. Durant la crise de la Covid-19, les opérateurs internationaux se sont même tournés vers nous pour nous demander comment gérer un service public.

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Que voulez-vous dire lorsque vous soulignez que les entreprises membres de votre fédération offraient le meilleur rapport qualité prix ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Environ 700 appels d'offres sont lancés chaque année. Sur ce total, la moitié des collectivités procèdent systématiquement à une comparaison avec la régie. Sur cette moitié, 99 % choisissent finalement la DSP. De notre côté, nous pensons que les deux modes de gestion sont valables et constituent une chance pour la France.

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Selon vous, qui doit financer les investissements sur les réseaux afin de limiter les fuites ? Lors des différentes auditions, il est apparu que la DSP ne permettait pas d'obtenir un renouvellement plus important.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Ce sujet est lié à la maîtrise d'ouvrage. Il n'est en effet pas possible de se doter d'autorités organisatrices fortes sans reconnaître que c'est à elles de définir la politique d'investissement patrimonial. Une fois ce travail accompli, elles peuvent choisir de transférer une partie de la réalisation à une entreprise privée dans le cadre d'une concession, ou bien de s'en occuper elles-mêmes avec des marchés publics. De leur côté, les associations d'élus considèrent que la définition de cette politique patrimoniale leur appartient. Dans l'immense majorité des cas, l'entretien est en revanche confié à l'opérateur privé, qui détient l'obligation d'alimenter les consommateurs 24 heures sur 24. À l'issue des Assises de l'eau, un consensus général s'est en tout cas dégagé concernant l'existence d'un sous-investissement chronique et donc la nécessité d'augmenter le niveau d'investissement en France.

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Comment justifier que le domaine de l'eau fasse partie des secteurs exclus de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ? Les DSP de ce domaine ne sont par conséquent pas soumises au droit commun de la passation des DSP.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

À l'origine, il était prévu que la directive couvre l'ensemble des secteurs de l'eau et de l'assainissement. L'Allemagne a toutefois obtenu qu'elle ne s'applique pas à l'eau potable. Le but était que les Stadtwerke (services publics municipaux) ne puissent pas être concurrencés par les entreprises de l'eau. J'y vois un signe de la performance de nos entreprises. De son côté, la France présente en revanche un régime commun de mise en concurrence des concessions d'eau et d'assainissement.

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Au cours de nos auditions précédentes, il a été indiqué que certaines entreprises baissaient leurs prix lors des renouvellements de contrats, pour ensuite les augmenter une fois le contrat conclu. Êtes-vous d'accord avec ce constat ? Que pensez-vous de la préconisation visant à interdire les renégociations de contrats de DSP sauf motif d'urgence durant les trois premières années du contrat, afin de restreindre les avenants abusifs ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Je ne vois aucune raison d'interdire les collectivités locales de signer des avenants aux contrats sur des concessions de service public. Cette possibilité leur offre en effet de la souplesse pour adapter le contrat à des circonstances particulières.

Certaines études ont observé l'effet des avenants sur les résultats des opérateurs. Il est alors apparu que plus les avenants étaient nombreux, moins les résultats étaient importants. Dans le même temps, beaucoup d'avenants sont à l'initiative des collectivités mais leur nombre tend à diminuer.

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Lors de nos auditions, plusieurs acteurs ont déploré un manque d'information en cas de passage de DPS vers la régie. Un acteur nous a même expliqué qu'il n'avait pas reçu les plans des réseaux lors de ce passage. Un tel cas vous paraît-il possible ? Que faudrait-il mettre en place pour véritablement permettre la réversibilité ? La question du recours à des logiciels propriétaires a également été abordée.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Ce cas de défaut de transmission des plans de réseaux à la collectivité n'est pas normal. La loi prévoit d'ailleurs des dispositions permettant aux collectivités de disposer d'un certain nombre de données avant l'échéance du contrat, rendant possible la réversibilité. De toute façon, l'accès aux plans du réseau doit en permanence être disponible.

Ces derniers temps, je n'ai entendu aucune grande collectivité revenue en régie ou ayant changé d'opérateur se plaindre de ne pas avoir reçu les données. J'ai au contraire plutôt l'impression que la réversibilité est bien comprise et se déroule de manière fluide.

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Plusieurs acteurs nous ont pourtant signalé un manque de réversibilité.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Je suis disponible pour échanger avec eux afin d'étudier leur cas.

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Certains acteurs dénoncent le fait que les sociétés d'économie mixte à opération unique (SEMOP) ne seraient destinées qu'à donner l'impression d'une reprise en main par le public, le secteur privé pouvant pourtant détenir jusqu'à 66 % des droits. Comment envisagez-vous l'équilibre entre public et privé ? D'aucuns affirment également que les SEMOP sont utilisées pour contourner la durée maximum des contrats s'appliquant aux DSP.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Une SEMOP opérant en DSP ne peut pas légalement s'affranchir de la durée maximum des contrats. Dans le cadre d'une SEMOP, certains élus peuvent intégrer la société opérant le service. Cette solution ne résout pas tous les problèmes, mais certains élus souhaitant davantage être intégrés à la gestion du service peuvent avoir intérêt à créer une SEMOP.

Le plus long contrat de concession en France dans le domaine de l'eau et de l'assainissement affiche une durée 10 fois supérieure à la moyenne. Il est détenu par une société publique locale. Je ne pense pas que les SEMOP devaient reproduire ce genre de situations, étant assujetties au droit de la commande publique. Actuellement, la France en compte en tout cas une dizaine et cet outil présente selon moi certains intérêts.

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On nous a affirmé que l'osmose inverse basse pression (OIBP) constituait une fuite en avant technologique qui coûtera extrêmement cher aux usagers, le tout pour une qualité de l'eau déjà assurée. De plus, cette technologie est destinée à des eaux non potables, qui doivent donc être reminéralisées. Ne pensez-vous donc pas que l'OIBP impactera la DSP de manière négative ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Sur toutes les catégories de communes et toutes les unités de distribution, nous affichons des taux de conformité supérieurs à ceux des opérateurs publics. Ce résultat s'explique par le fait que nous apportons des solutions technologiques.

En France, il existe encore un vrai besoin d'augmenter la qualité de l'eau distribuée, car des centaines de milliers voire des millions de personnes n'ont pas accès 24 heures sur 24 à une eau de qualité. Ce problème devra être résolu si nous souhaitons réduire la fracture sociale. La question n'est donc pas de faire le procès de la technologie mais de vérifier qu'elle est opérée dans de bonnes conditions et qu'elle n'impacte pas le prix de l'eau de manière trop importante. De plus, l'eau en bouteille demeure 400 fois plus chère que celle du robinet, alors qu'elle est souvent achetée par les familles les plus modestes. Si la technologie permet à ces familles de se tourner vers l'eau du robinet, son effet sera bénéfique. En outre, je reste convaincu que le SEDIF a les moyens de disposer d'une vision claire de ce qui doit être accompli en la matière.

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L'enjeu du débat est de déterminer si nous sommes prêts à investir des centaines de millions d'euros dans une technologie extrêmement coûteuse qui impactera le prix facturé aux usagers, plutôt que d'agir sur les causes des pollutions. Ce sujet soulève également les questions de l'accès des personnes à l'eau, du renouvellement des réseaux, ainsi que des fuites.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

La solution passera par une combinaison de mesures préventives et curatives. Nous avons par exemple conclu un partenariat avec les chambres d'agriculture, afin de tenter de réduire les intrants sur les captages.

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Faut-il encadrer les modalités de revente entre gestionnaires de l'eau en gros ? Ces reventes permettent-elles au délégataire d'améliorer la rentabilité de sa gestion et de constituer des marchés captifs ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

La FP2E ne traite pas ce sujet. Je pense toutefois que les autorités organisatrices devaient au moins jouer un rôle de partie prenante au sujet de la vente de l'eau en gros.

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En 2017, lors d'une audition menée dans le cadre de la mission d'information sur la ressource en eau, vous aviez déclaré que le principe de pollueur-payeur devait impérativement être conservé. Comment pourrait-il être renforcé ?

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Si nous souhaitons pratiquer la prévention, les acteurs doivent être incités à ne pas polluer, en adaptant la fiscalité en conséquence. Afin de renforcer ce principe, nous devons veiller à ce que toutes les charges de dépollution n'incombent pas uniquement à la facture d'eau et au consommateur, notamment pour relever les défis liés au changement climatique.

Il est également nécessaire de s'intéresser à la question des micropolluants, en analysant leur provenance, par exemple par l'adoption d'une fiscalité des producteurs ou des metteurs sur le marché. Ce financement pourra venir en contribution des services publics d'eau potable, afin d'aider les collectivités à traiter les micropolluants. De nombreux débats se sont tenus sur le sujet, notamment en ce qui concerne les mégots de cigarette.

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Merci d'avoir pris le temps de réponse à notre commission d'enquête. Je vous invite, si vous le souhaitez, à compléter vos propos par écrit.

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Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

Nous vous répondrons très volontiers par écrit.

La réunion se termine à dix-huit heures cinquante-cinq.