Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du jeudi 27 mai 2021 à 16h30

Résumé de la réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Jeudi 27 mai 2021

La séance est ouverte à 16 heures 35

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition de M. Bertrand Camus, directeur général de Suez.

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La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences poursuit le cycle de ses auditions.

Nous accueillons à présent M. Bertrand Camus, directeur général de Suez depuis le 14 mai 2019.

Monsieur Camus, je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

M. Bertrand Camus prête serment.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

J'ai réalisé la majeure partie de ma carrière dans le secteur de l'eau, au sein du groupe Suez, non seulement à l'international, mais aussi à la tête de notre entité en France, avant de prendre la direction du groupe.

Concernant l'offre publique d'achat (OPA) de Veolia sur Suez, il est de notoriété publique que j'ai d'abord montré une opposition très forte à ce projet, car il s'agissait d'une offre non sollicitée et que le projet initial de Veolia aurait conduit au démantèlement de Suez, alors que Suez est, aujourd'hui encore, le numéro un mondial de l'eau, avec 145 millions d'habitants desservis sur la planète. Suez est une entreprise qui se porte bien et qui a une stratégie propre. Elle assure des missions essentielles et a une identité forte, fruit d'une longue histoire à laquelle nos collaborateurs sont attachés. En outre, le projet initial de Veolia sous-valorisait l'entreprise pour nos actionnaires et comportait des risques en termes d'emploi et de maintien de la concurrence, en particulier sur le marché français.

En septembre 2020, nous nous sommes battus pour faire valoir nos arguments auprès du conseil d'administration d'Engie, qui était alors notre actionnaire à hauteur de 32 %, et de l'État, lui-même principal actionnaire d'Engie avec près de 24 % des parts et un tiers des voix à son conseil d'administration. Force est de constater que nos arguments n'ont pas été pris en compte par le conseil d'administration d'Engie, qui n'a même pas daigné nous recevoir, ni moi ni Philippe Varin, pour entendre notre point de vue.

Cette première phase s'est achevée le 5 octobre, par la cession à Veolia du bloc de 29,9 % des parts de Suez qu'Engie détenait. Notre principal concurrent est donc devenu le premier actionnaire de l'entreprise. Dans les mois qui ont suivi, le conseil d'administration et l'équipe de direction ont tout fait pour défendre l'entreprise, sous le prisme de l'intérêt social, en essayant de respecter au mieux la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE. Nous avons essayé de trouver une solution permettant d'aboutir à un équilibre pour l'ensemble de nos parties prenantes : employés, clients, actionnaires.

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Quand avez-vous appris la décision d'Engie ? Avez-vous eu des contacts avec des membres du gouvernement durant la période que vous venez de décrire ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Nous avons compris qu'Engie comptait vendre sa participation à la fin du mois de juillet. D'après les discussions que nous avons eues avec le président d'Engie, cette opération était supposée se réaliser en fin d'année 2020 ou en début d'année 2021. Nous avions convenu de rechercher des investisseurs, pour racheter le bloc de 32 % qu'Engie mettrait à la vente.

Parallèlement, nous avons rencontré plusieurs responsables fin juillet, notamment M. Martin Vial, directeur général de l'agence des participations de l'État (APE), et le directeur de cabinet du Premier ministre. Nous leur avons parlé de notre société, de notre plan stratégique, de nos enjeux et du travail que nous menions pour identifier des investisseurs pour reprendre les actions d'Engie.

L'opération a finalement été lancée le 30 août au soir. Nous en avons été prévenus quelques heures auparavant. Pendant le mois de septembre, nous avons défendu notre cause auprès des responsables politiques et de leur cabinet. Nous avons fait savoir que Suez était capable de mener son projet de manière indépendante. Durant cette période, malheureusement trop courte pour trouver des investisseurs, nous avons bénéficié du soutien du ministre de l'Économie et de son directeur de cabinet, M. Emmanuel Moulin.

Une deuxième étape s'est ensuite ouverte. Notre stratégie a toujours été de préserver l'intégrité du groupe, en défendant l'intérêt social. Non seulement nous avons essayé de bloquer l'avancée de Veolia, mais nous avons également cherché des investisseurs pour nous accompagner et rééquilibrer les discussions. Veolia détenant 29,9 % des parts de Suez, nous étions conscients qu'une négociation devrait avoir lieu si nous voulions que les deux groupes se séparent.

Nous sommes parvenus à sécuriser un groupe d'actionnaires à la fin de l'année 2020. Nous avons tenté à plusieurs reprises d'entrer en discussion avec Veolia, mais cela n'a pas été possible. Le directeur du Trésor a également essayé de rapprocher les deux parties. De notre côté, nous avons toujours déclaré que nous étions prêts à discuter, pour trouver une solution. Il a néanmoins fallu faire monter la pression en mars et en avril, grâce à la vente de certains actifs en Australie et à la création d'une fondation, pour finalement réussir à entamer des discussions avec Veolia. La médiation a ainsi commencé la semaine précédant le 11 avril. Elle nous a permis d'obtenir un accord de principe le 11 avril.

Cet accord est relativement satisfaisant, compte tenu du rapport de force dans lequel nous nous trouvions à cette époque. En tant que mandataire social et responsable d'une entreprise comptant plus de 80 000 salariés, il était de ma responsabilité d'admettre la nécessité de trouver un accord, même si telle n'était pas mon vœu initial. L'accord trouvé le 11 avril a été finalisé le 14 mai dernier.

Par rapport à la situation de fin août 2020, nos actionnaires ont reçu une valorisation beaucoup plus en ligne avec la valeur de Suez et les garanties sociales ont été étendues à l'ensemble du périmètre français pour une durée plus longue (quatre ans pour les collaborateurs qui rejoindront Veolia et cinq ans pour ceux qui seront intégrés au nouveau Suez). En outre, le projet initial, qui prévoyait de ne vendre que les activités « eau » en France au fonds d'investissement Meridiam n'était pas satisfaisant du point de vue de la qualité de service offerte à nos clients et ne nous permettait pas de nous positionner en véritable concurrent sur le marché français, faute d'atteindre une taille critique et d'avoir accès à l'innovation.

Le nouveau Suez est aujourd'hui un ensemble pesant sept milliards d'euros et comptant 35 000 salariés dans le monde. Il restera le numéro un du recyclage et de la valorisation des déchets non dangereux en France et numéro deux dans le domaine de l'eau. Il aura une envergure internationale, avec une capacité d'intervention très étendue, s'appuyant sur des équipes locales, et sera capable de poursuivre ses investissements en recherche et développement, grâce à ses centres de recherche localisés en France. Nous serons donc en mesure de maintenir une véritable concurrence avec les autres acteurs sur le marché français. Outre les garanties sociales données aux salariés, ceux qui rejoindront le nouveau Suez pourront prendre des participations dans la société, puisque 10 % du capital leur sera réservé.

Cet accord permet à Suez de repartir de l'avant et de mettre fin au conflit qui l'opposait à Veolia. Un équilibre a été trouvé. Ainsi, Suez et Veolia, qui sont aujourd'hui concurrents, le resteront demain.

Permettez-moi désormais de dire quelques mots sur la ressource en eau. La gestion de la ressource est un enjeu fondamental pour les décennies à venir, notamment dans le cadre du changement climatique. Les problématiques de sécheresse et d'inondations font ainsi l'objet d'études.

Un changement drastique dans les usages de l'eau doit s'opérer. Chacun fait des efforts pour réduire sa consommation individuelle, mais il ne s'agit que d'une petite fraction de l'usage en eau. Les usages agricoles, notamment, sont importants. Un changement radical doit avoir lieu, pour faire face à l'évolution de la ressource.

Par ailleurs, la ressource a tendance à se fragiliser. Du fait du changement climatique, les débits d'étiage dans les rivières seront de 40 à 60 % plus faibles dans les vingt ou trente ans à venir, ce qui nous obligera à mieux épurer les effluents, pour maintenir la qualité de la ressource et protéger la biodiversité. Par conséquent, les changements au niveau des usages doivent s'accompagner d'investissements, pour faire face aux besoins et sécuriser l'approvisionnement en eau, que ce soit pour l'usage domestique ou les activités économiques.

Depuis une dizaine d'années, 6,5 milliards d'euros sont investis dans le petit cycle de l'eau chaque année en France, alors que, de l'avis des industriels, il en faudrait 9 à 10 milliards pour faire face à l'ensemble des besoins qui ont été identifiés. À titre personnel, je pense même qu'il faudrait investir davantage encore.

Sur ces sujets, il faut investir aujourd'hui, pour observer des effets à l'horizon 2030. L'anticipation est donc essentielle. Il me semble que nous stagnons, désormais, alors que la France avait pris de l'avance grâce aux agences de l'eau, aux entreprises et au système d'investissement qui avait été mis en place. Pourtant, l'urgence climatique nous impose d'agir rapidement.

Le Green Deal européen apparaît cependant comme une lueur d'espoir. D'ailleurs, les véritables progrès réalisés en France ces dernières années l'ont été grâce à l'Europe et à ses directives sur l'eau, les eaux usées ou encore les eaux de baignade. Un rapport sur l'hydrosphère rédigé pour l'Union européenne estime qu'il faudrait investir 500 milliards d'euros dans les dix ans à venir (dont la moitié en stations d'épuration) pour protéger l'ensemble des ressources – lacs, rivières, nappes souterraines.

En ce qui concerne les entreprises de l'eau, je considère que le fait de disposer de grands opérateurs professionnels est une chance pour notre pays. Il s'agit d'ailleurs d'une particularité à l'échelle mondiale. Les entreprises françaises ont su se développer à l'international, contrairement aux acteurs privés des autres pays. Ce phénomène s'explique par notre modèle très concurrentiel, qui pousse les entreprises à être toujours plus innovantes, à trouver des solutions sur mesure et à faire preuve de flexibilité dans les modèles contractuels. Avec des entreprises de cette taille, il est possible d'investir dans l'innovation et la recherche, ce qui est absolument nécessaire pour faire face aux défis susmentionnés.

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La presse relate que vous avez été reçu par M. Alexis Kohler à l'Elysée, avec M. Philippe Varin, le 2 octobre 2020. Cette rencontre a-t-elle bien eu lieu ? Sur quoi vos échanges ont-ils porté ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Nous avons effectivement été reçus par Alexis Kohler, le 2 ou le 3 octobre. Cette rencontre a eu lieu pendant les cinq jours de répit que nous avions obtenus, entre le 30 septembre et le 5 octobre, étant donné que nous avions reçu une lettre d'intention de la part d'Ardian pour développer une offre alternative. Ce rendez-vous était fixé de longue date. Nous avons fait le point sur la situation et avons exprimé notre point de vue, en soulignant que Suez se portait bien et qu'il pouvait poursuivre sa route seul, sous réserve que nous disposions de suffisamment de temps pour mobiliser des investisseurs et acheter les parts de Suez détenues par Engie.

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Des arguments vous ont-ils été opposés pour ne pas vous laisser le temps de le faire ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Non. Le conseil d'administration d'Engie a pris la décision de voter, le 5 octobre, la seule offre ferme qui lui avait été communiquée.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Non. Il nous a écoutés et a posé des questions, mais il ne s'est pas exprimé.

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Comment jugez-vous le rôle de l'Autorité des marchés financiers (AMF) dans ce dossier ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Nous nous sommes émus de certaines décisions, mais nous avons mené les recours nécessaires en temps voulu, pour les contester. Par exemple, nous n'avons pas compris que la vente de 29,9 % des parts ait été autorisée. Nous avons contesté cette position auprès de l'AMF, mais elle ne partageait pas notre point de vue. Nous avons ensuite fait appel, mais nous avons perdu. Posée sur le plan social, la même question avait donné lieu à une décision différente.

Au mois de mars, nous avons mis en œuvre notre fondation, pour parvenir à une négociation avec Veolia. À cette occasion, nous avons fait à nouveau fait valoir notre point de vue sur la décision de l'AMF.

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Selon vous, l'accord de M. Moulin était-il plus ou moins satisfaisant que celui qui a été signé le 11 avril, par le truchement de M. Mestrallet ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

La base de ces deux accords est la même. Les différences portent sur quelques actifs en Amérique. Il n'existe pas de différence fondamentale. Le contenu de 85 % de ces deux accords était le même.

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Comme vous l'avez dit en préambule, cet accord n'est pas celui que vous auriez souhaité initialement. Quels étaient les points les plus problématiques ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je me suis battu pour l'indépendance de Suez. Tel était mon objectif premier. Le fait est qu'il existait un rapport de force et qu'il fallait trouver un équilibre au niveau du prix de l'action, des aspects sociaux et du périmètre de l'entreprise. L'accord auquel nous sommes parvenus le 11 avril est le meilleur possible, compte tenu du rapport de force existant. J'ai voté en faveur de cet accord le 11 avril au soir. Il aurait été difficile d'obtenir mieux.

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Pourquoi n'étiez-vous pas présent le 11 avril, lors de la médiation ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

J'ai participé à toutes les discussions portant sur le périmètre de l'entreprise, avant la discussion du 11 avril, mais il a été décidé que la négociation serait menée au niveau des conseils d'administration.

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Vous n'avez donc pas été exclu de la médiation.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je n'ai pas participé aux discussions sur l'ensemble des sujets, mais j'ai voté en faveur de cet accord.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Oui.

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Le fait que vous-même n'étiez pas présent ne témoigne-t-il pas d'un certain déséquilibre ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

J'aurais aimé y participer, mais cela n'a pas été possible, eu égard aux conditions imposées pour mener à bien la négociation. Etant convaincu qu'il fallait trouver un accord rapidement, je m'y suis plié.

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Quelles personnalités le cabinet Equanim vous a-t-il proposées pour faire office de médiateur ? Pourquoi, parmi cette liste, avez-vous choisi M. Mestrallet ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je répondrai à cette question par écrit.

Depuis le début de l'année et l'offre alternative obtenue d'Ardian-GIP, notre volonté était de trouver des tiers de confiance pour mener à bien la négociation, étant donné que toutes les réunions directes entre Veolia et Suez s'étaient mal passées. Le directeur du Trésor a fait une tentative et le tribunal de commerce de Nanterre a proposé une médiation judiciaire, que nous avons appelée de nos vœux. Cependant, Veolia avait toujours refusé de faire appel à un médiateur de confiance.

J'ai appris l'existence d'Equanim au moment de sa création, en février 2021. À partir de la fin du mois de mars, Equanim a laissé entendre que Veolia était prêt à se lancer dans une médiation, sous réserve que le secret soit absolu. L'idée de recourir à Equanim a donc émergé à la fin du mois de mars, même si nous avions engagé d'autres actions pour faire monter la pression (vente d'actifs en Australie, mise en place de la fondation). Dès que j'ai su que Veolia était ouvert à une médiation avec Equanim, j'ai sollicité ce cabinet afin qu'il nous fasse des propositions et qu'il nous explique son fonctionnement. Plusieurs médiateurs nous ont été proposés, dont Gérard Mestrallet, qui a été désigné médiateur le 7 avril.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Oui. J'étais convaincu qu'il fallait faire vite. Or Gérard Mestrallet connaissait l'entreprise et en avait une vision à la fois financière et industrielle.

Je vous communiquerai davantage d'éléments par écrit.

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J'aimerais notamment connaître les montants facturés pour cette prestation, en plus des noms des personnes qui vous ont été proposées en tant que médiateur.

Le choix de Gérard Mestrallet s'est fait à l'insu du conseil d'administration et du comité ad hoc. Pourquoi avez-vous gardé le silence au sujet de cette médiation, alors même que les enjeux étaient suffisamment importants pour que le conseil d'administration soit mis au courant ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Le secret absolu était une condition de la réussite de cette médiation. Nous avons souffert de plusieurs fuites au cours des huit mois précédents. Si le nom d'Equanim avait été connu avant le début de la prestation, la médiation n'aurait jamais eu lieu. J'ai pris moi-même la décision, tout en sachant qu'il est de ma responsabilité de défendre l'intérêt social de l'entreprise et que nous avions été très clairs vis-à-vis du conseil d'administration quant au fait que nous cherchions des intermédiaires pour mener à bien la négociation. Le conseil d'administration a été informé une fois que la médiation avait abouti.

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Qui a décidé que seuls les présidents des conseils d'administration seraient présents à la rencontre du 11 avril ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Un mandat avait été donné à trois personnes du conseil d'administration pour mener à bien les négociations, à savoir le président du conseil, la présidente du comité d'audit et moi-même. À nous trois, nous avons décidé que le président du conseil et la présidente du comité d'audit prendraient part à la négociation, tandis que je resterais en retrait, mais disponible pour répondre à d'éventuelles questions.

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Vous avez donc vous-même décidé que seuls le président du conseil d'administration et la présidente du comité d'audit participeraient à la rencontre.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Non, ce n'est pas ma décision, mais j'ai accepté qu'il en soit ainsi.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Il fallait deux personnes pour chacune des parties, le président et un autre membre du conseil d'administration. Dans un contexte d'OPA, il revient au conseil d'administration de prendre la direction des opérations. Le management agit sous l'instruction du conseil d'administration.

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Il nous a été dit que M. Frérot aurait demandé que vous ne soyez pas présent à cette réunion.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Tel est bien ce que j'ai compris, effectivement. Je n'ai pas parlé à M. Frérot entre le 5 février et le lendemain de la signature de l'accord. J'ai cru comprendre qu'il avait posé cette condition pour entrer dans cette négociation.

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Quels ont été vos échanges avec M. Clamadieu depuis juin 2020 ? Vous êtes-vous trouvé, à un moment ou à un autre, dans une sorte de rapport de force avec lui ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Engie a changé d'avis à trois reprises concernant ce qu'il comptait faire de sa participation dans Suez. Le conseil d'administration d'Engie avait pris la décision, en décembre 2018, de soutenir le plan de Suez et d'étudier si des synergies opérationnelles étaient possibles. Après ma nomination en mai 2019, j'ai présenté le plan stratégique Suez 2030 et les administrateurs d'Engie l'ont approuvé. Fin 2019, Engie a envisagé d'acquérir la totalité de Suez, mais cela ne s'est pas fait.

J'étais régulièrement en contact avec Jean-Pierre Clamadieu, pour le tenir informé de la mise en œuvre de notre stratégie. Au premier semestre 2020, la COVID-19 est devenu notre principale préoccupation. Il nous a fallu assurer l'ensemble des services, à une période où nul ne savait vraiment ce qu'était cette maladie.

Nous avons ensuite eu des discussions avec notre actionnaire, qui poursuivait sa réflexion stratégique. Une semaine avant la fin juillet, Jean-Pierre Clamadieu m'indiquait que rien n'était décidé et qu'il faut attendre la réunion du comité stratégique pour en savoir davantage sur une éventuelle montée ou descente au capital, même si une sortie du capital restait l'hypothèse la plus probable.

Finalement, le conseil d'administration d'Engie a pris sa décision fin juillet et des déclarations ont été faites dans la presse. À l'époque, il nous a été dit que l'opération se ferait en bonne intelligence et qu'il ne s'agissait pas d'une priorité pour Engie. Nous avons alors commencé à chercher des investisseurs. Nous savions que Veolia était intéressé par ce rapprochement, mais nous pensions qu'un véritable processus serait mis en œuvre par Engie pour départager les investisseurs intéressés.

Nous avions rendez-vous le 7 septembre pour présenter notre montage financier à Jean-Pierre Clamadieu, mais nous avons appris l'offre de Veolia le 30 août. Le jeudi précédent, Jean-Pierre Clamadieu m'avait pourtant répété que les choses se passeraient en bonne intelligence.

Au mois de septembre, nos relations se sont légèrement tendues, car nous avons résisté à cette opération.

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Pourquoi le délai a-t-il été aussi bref entre l'annonce par Veolia de son intention de racheter les parts de Suez détenues par Engie, le 30 août, et la mise en œuvre de ce projet, le 5 octobre ? Que vous a dit M. Kohler à ce sujet ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

M. Kohler n'a pas fait de commentaires à ce sujet. Engie a reçu une offre inégalable et n'a pas voulu la laisser passer. Par conséquent, Engie n'a pas cherché à susciter des offres alternatives.

Le calendrier choisi était très opportuniste, puisque l'opération est intervenue alors que nous sortions à peine de la crise sanitaire. Les cours de l'entreprise étaient très affectés par le premier semestre. Nous avons ensuite démontré, grâce à nos résultats de fin d'année et du début 2021, la vraie valeur de l'entreprise.

Engie profitera d'une clause permettant de bénéficier d'un relèvement de prix. Si le process avait été plus encadré, peut-être que la valeur aurait été plus élevée.

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Vous avez dit à propos de cette OPA : « c'est un projet du passé, avec des méthodes du passé, on bute toujours sur le même problème, le démantèlement de Suez ». Vous avez finalement voté en faveur de l'accord du 11 avril. Pourquoi avez-vous changé d'avis ? En quoi estimez-vous que l'accord ainsi conclu ne prévoit pas le démantèlement de Suez ? Comment pouvez-vous garantir que les avantages sociaux seront maintenus pendant quatre ans, alors que, dans des situations similaires antérieures, de telles promesses n'ont pas été tenues ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Cette opération conduira à scinder en deux le groupe Suez. Cependant, la manière dont cela se fera a changé. Le 30 août, le point problématique concernait l'eau en France, qui devait être vendue. Pour le reste, Veolia reprenait les déchets, pour n'en garder qu'une partie et revendre le reste à d'autres acteurs. Les activités auraient donc été découpées en plusieurs morceaux, en France comme à l'international. Si nos activités s'étaient réduites à l'eau en France, nous n'aurions plus du tout joué dans la même catégorie. Pour être un acteur concurrentiel, il nous fallait avoir accès aux technologies et aux savoir-faire de construction, ainsi qu'aux savoir-faire digitaux. Or pour amortir les frais d'innovation et de développement, il faut avoir une surface suffisante. En outre, beaucoup des innovations que nous développons en France sont exportées à l'international, et réciproquement.

Entre le point de départ et celui d'arrivée, la taille et le périmètre d'activités ont changé, permettant à Suez de maintenir ses savoir-faire au sein du nouveau groupe, tout en disposant d'une projection à l'internationale suffisante pour continuer à les développer. Par ailleurs, les entités ne se retrouvent plus découpées en petits morceaux : soit elles rejoignent Veolia, soit elles restent dans le nouveau Suez. Malgré la scission du groupe, les filiales conserveront leur intégrité.

La question des garanties sociales est très liée à celle du périmètre. Avec un périmètre viable, pérenne, susceptible de se développer, il est plus facile de garantir l'emploi sur la durée. L'engagement a été pris de ne procéder à aucun départ contraint, pendant quatre ans pour Veolia et cinq ans pour le consortium. Nos activités sont très localisées, c'est-à-dire que le nombre de salariés est fixé dans les contrats de délégation de service public (DSP). La logique n'est pas du tout la même que celle de General Electric ou Alstom, qui s'inscrivent dans une compétition internationale. Nos métiers sont très liés aux contrats que nous signons avec les collectivités. Tant que la société est capable de continuer à signer des contrats, l'emploi est préservé. Si d'aventure nous perdons des contrats, l'entreprise qui prend le relais reprend également les salariés. Les engagements seront tenus.

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En 2017, 70 % des services publics d'eau potable faisaient l'objet d'une gestion directe, pour une population de 28 millions d'habitants, soit 42 % de la population française. Les services gérés en délégation représentaient, quant à eux, 30 % des services, mais couvraient près de 58 % de la population. Comment analysez-vous les évolutions en cours dans le domaine de la gestion de l'eau et la tendance à une remunicipalisation des services de l'eau ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

En réalité, les mouvements sont peu nombreux. Cependant, la loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a des effets importants, du fait des transferts de compétences vers les communautés de communes ou communautés d'agglomération. Les métropoles ont plutôt tendance à retourner en régie, à l'image de Paris, Bordeaux ou Lyon, mais les villes moyennes font preuve d'une grande stabilité au niveau des DSP, tandis que le milieu rural se caractérise par un grand nombre de régies. Cette situation est toutefois appelée à évoluer, puisque, compte tenu du transfert de compétences vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), le milieu rural et les villes moyennes se confondent.

Une première vague de retour en régie s'est produite au milieu des années 2010, dans le sillage de Paris, et une nouvelle vague s'annonce désormais, consécutivement aux dernières élections municipales, qui ont donné la victoire à des majorités pro-régie, comme à Lyon et Bordeaux, par exemple.

Les DSP concernent plutôt les centres urbains, qui connaissent une croissance de leur population. Voilà qui explique que le pourcentage de la population desservie par des DSP évolue peu.

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Le prix moyen du service de l'eau est passé de 3,78 euros par mètre cube en 2012 à 4,03 euros par mètre cube en 2017, pour une consommation de 120 mètres cubes par an, soit une augmentation de 6,6 %. Sur la même période, l'indice des prix à la consommation n'a gagné que 3 %. Selon vous, comment s'explique cette augmentation du prix de l'eau ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

La baisse des volumes est une tendance de fond. Or dans une industrie à coûts fixes, la baisse des volumes est compensée par une augmentation du tarif unitaire, pour amortir les réseaux et les usines. En outre, la part relative à l'assainissement a connu des augmentations importantes. Enfin, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l'assainissement est passée de 5,5 % à 10 % en 2014.

De manière générale, le prix dépend du niveau d'investissement. Investir permet de préparer l'avenir.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Il s'agit d'une tendance générale, qui s'explique par la conscientisation qu'il faut économiser l'eau. De plus, les appareils électroménagers consomment aujourd'hui moins d'eau que par le passé. La consommation baisse de 1 à 1,5 % par an depuis une quinzaine d'années. Cependant, il semblerait que la situation tende à se stabiliser, en lien avec le changement climatique.

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Le prix du service de l'eau (distribution et assainissement) est, en moyenne, 5,4 % plus cher en DSP qu'en régie publique, selon les données 2018 de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement. Comment expliquer cette différence de prix ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Le niveau d'investissement est un facteur prépondérant. Par ailleurs, les remises en concurrence entraînent toujours une baisse de prix, mais il faut se rappeler que le prix global n'est pas celui que touche le délégataire. En effet, une part revient au concédant, étant donné qu'il prend une partie des investissements à sa charge. Nous avons constaté ces dernières années que la part revenant au délégataire à tendance à baisser, alors que la part destinée à la collectivité progresse.

En outre, il existe un effet de distorsion. Les régies sont soit des systèmes municipaux de petite taille, où l'investissement est relativement faible, soit des systèmes de grandes villes, qui profitent d'économies d'échelle.

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Pourquoi la part dévolue au privé a-t-elle tendance à baisser depuis quelques années ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Les remises en concurrence expliquent ce phénomène. De plus, certains investissements ont tendance à être repris en direct par les collectivités, étant donné que la durée des contrats a diminué. Les appels d'offres concernent actuellement des concessions de huit à dix ans, contre trente ans par le passé. Il est donc préférable que la collectivité finance directement un investissement qui s'amortit sur trente ans. Les transferts de responsabilité d'investissement ont des effets sur le prix de l'eau.

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Comment la DSP peut-elle être plus favorable que la régie du point de vue des coûts de gestion, alors même que le délégataire est assujetti à l'impôt sur les sociétés, qu'il amortit sur la durée du contrat, qu'il a des objectifs de maximisation de son profit et qu'il supporte des rémunérations de siège ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

La DSP permet d'accéder à un savoir-faire mutualisé au niveau de l'entreprise. En France, Suez réalise 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Les coûts sont donc répartis sur une surface importante. L'innovation et le savoir-faire (gestion intelligente des réseaux, par exemple) permettent également d'optimiser la gestion. Par ailleurs, certains frais sont amortis sur la durée. Bien entendu, l'entreprise cherche à réaliser des profits, pour assurer sa rentabilité, mais il faut savoir que les contrats sont régulés avec des clauses de partage si la rentabilité est meilleure que prévu. Dans ce cas, la collectivité en bénéficie.

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Qui doit être en charge de la gestion des investissements dans la constitution et l'entretien des réseaux ? Les délégataires sont-ils les mieux placés pour réaliser ces investissements ou est-il plus efficace de les laisser à la main du délégant ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

La collectivité doit avoir une vision à long terme des besoins d'investissement pour assurer les services et préserver la ressource. Elle peut exécuter elle-même ces investissements ou les confier au délégataire.

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Quelle est la marge moyenne réalisée par Suez sur les contrats de DSP sur l'eau ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Elle est variable selon les contrats, mais elle est de l'ordre de 4 % du chiffre d'affaires, en moyenne. La marge est généralement plus importante quand des investissements sont portés par le contrat, de façon à les rembourser.

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Quel est le niveau de marge quand l'entreprise porte des investissements de long terme ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Tout dépend de la durée du contrat. La marge peut aller jusqu'à 15 %, avant amortissement des investissements. En marge nette post-investissements, les taux de marge sont sensiblement les mêmes que ceux dont j'ai déjà parlé.

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Quel est le taux de rentabilité par rapport aux investissements réalisés ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Les taux de rentabilité oscillent entre 7 et 8 %.

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Les collectivités territoriales vous semblent-elles disposer des moyens humains et financiers nécessaires lors des renégociations des contrats de concession ? Avez-vous constaté une évolution sur ce plan ces dernières années ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Les collectivités se sont beaucoup professionnalisées, sous l'effet de la loi NOTRe. La montée en compétences des EPCI est indubitable.

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Lors de nos précédentes auditions, certaines personnes ont affirmé qu'au moment de la renégociation d'un contrat ou de la fin anticipée d'un contrat à l'initiative du délégataire, les collectivités territoriales ont pu signer des avenants ou des clauses inversant l'avantage économique du contrat initial. Pourquoi et comment y remédier ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

D'après mon expérience, le processus est plutôt inverse. La tendance consiste à dire aux délégataires qu'ils seront mieux positionnés pour le prochain appel d'offres s'ils acceptent une baisse de leurs tarifs.

Les avenants font partie de la vie d'un contrat. La bonne pratique consiste à avoir une discussion ouverte avec la collectivité deux ou trois ans avant la fin du contrat, de façon à ne plus avoir besoin de discuter des investissements réalisés ou de l'équilibre économique, par exemple. La collectivité peut ainsi se concentrer sur ce qu'elle souhaite faire de son contrat. De tels avenants de fin de contrat sont fréquents.

Je n'ai pas d'avis sur l'affirmation que vous avez rapportée.

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La question de la réversibilité à l'issue des DSP est cruciale. Certaines collectivités ont dénoncé l'absence de fourniture d'une base de données à jour et font état de difficultés avec les actifs et logiciels propriétaires, après des décennies de délégation, ainsi que de l'impossibilité de contrôler le coût des investissements réalisés. Quelle est votre vision de la situation ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Cette question me semble dépassée. Ces situations ont existé, notamment quand des contrats duraient soixante ans, mais d'ici un an ou deux, il n'existera plus de contrat n'ayant pas été renouvelé. Tous les appels d'offres qui paraissent actuellement prévoient des dispositions pour que le délégant puisse décider de reprendre le service. De plus, la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dite loi Lemaire, garantit la mise à disposition des données à la collectivité qui en est propriétaire. La situation s'est beaucoup améliorée.

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Est-il déjà arrivé par le passé que les données fournies soient insuffisantes ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Oui. Cependant, il faut avoir l'esprit que les systèmes informatiques étaient moins performants qu'aujourd'hui.

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L'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement a fait état d'un taux de reconduction de 84 % des délégations d'eau. Considérez-vous qu'il existe une réelle concurrence ? Existe-t-il des accords de partage du territoire pour les grands acteurs privés ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Il n'existe pas d'accord de partage. La loi l'interdit. Le sortant bénéficie toujours d'un avantage, parce qu'il connaît le système et dispose de toutes les données, mais la concurrence joue à plein sur tous les appels d'offres.

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Quel bilan faites-vous de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin I, qui a limité la durée des contrats de DSP et institué une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable à leur signature ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je n'ai pas connu l'époque antérieure à la loi Sapin. Les pratiques actuelles sont celles de tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elles ont un effet bénéfique sur le niveau de concurrence.

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Quelles étaient les activités de Suez en Guadeloupe et quelles sont-elles aujourd'hui ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Nous sommes historiquement le premier acteur en outre-mer et nous y sommes très attachés. Cependant, nous sommes un acteur mineur en Guadeloupe, où nos prestations se résumaient à la vente d'eau en gros. Quand nous avons acquis la Nantaise des eaux, en 2015, nous avons repris le contrat de Marie-Galante, lequel se passe bien.

La situation est très critique en Guadeloupe : manque d'investissement, difficultés de paiement. Elle semble revenir à la normale, notamment grâce à la création du syndicat mixte ouvert (SMO). Il faut poursuivre dans cette voie, c'est-à-dire continuer à réparer les fuites et améliorer le recouvrement des paiements. Les équipes de Suez sont présentes pour aider le territoire dans cette phase. Nous avons ainsi fourni des missions d'assistance technique au préfet.

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Avez-vous candidaté à des appels d'offres pour des DSP en Guadeloupe ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Nous avons étudié un cahier des charges en 2015, mais nous avons décidé de ne pas répondre, car les conditions étaient inacceptables.

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je vous répondrai par écrit.

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Qui avait la responsabilité de l'entretien des réseaux d'eau potable en Guadeloupe ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

L'investissement est du ressort de la collectivité. À Marie-Galante, où nous sommes opérateurs, nous nous chargeons de l'entretien des réseaux. En ce qui concerne les autres territoires, je vous répondrai par écrit.

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Quelle sera votre situation personnelle à l'issue de l'OPA de Veolia sur Suez ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je suis mandataire social de l'actuel Suez. J'ai un devoir vis-à-vis de l'ensemble des parties prenantes, en particulier des équipes. Je ferai en sorte que ce projet soit mis en œuvre dans les meilleures conditions possibles, non seulement pour les équipes qui rejoindront le nouveau Suez, mais aussi pour celles qui intégreront Veolia.

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À votre sens, quel impact la fusion entre Veolia et Suez aura-t-elle sur le marché de l'eau et de l'assainissement en France ? Quelles seront les étapes du processus de validation du point de vue des autorités chargées du respect de la concurrence ? Les nouveaux Veolia et Suez seront-ils en concurrence effective sur le marché français de l'eau ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Rien ne changera en France. Le niveau de concurrence sera le même qu'auparavant, si ce n'est que Suez montrera sans doute plus d'appétit pour gagner des contrats.

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Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous estimez que rien ne changera en France ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Ni la situation des régies et des DSP ni la compétition entre les acteurs n'ont de raison de changer. En revanche, le marché pourrait évoluer s'il est décidé d'investir davantage dans le domaine de l'eau, afin de traiter les problèmes de fond que sont la sécurisation de la ressource et la protection de l'environnement.

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Voulez-vous dire que cette fusion n'aura pas d'incidence sur les DSP en France ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Il ne devrait effectivement pas y en avoir.

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Sous quelles conditions la fusion pourrait-elle avoir des incidences ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je ne vois pas comment elle pourrait en avoir. La France sera le marché prioritaire du nouveau Suez, avant qu'il ne se redéploie à l'international. Seuls des facteurs exogènes pourraient faire bouger les lignes. Je n'identifie pas de facteur endogène pouvant engendrer un changement en termes de niveau de concurrence sur le marché.

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La fusion suscite l'inquiétude des syndicats de Suez concernant les salariés. Certains ont même déposé des plaintes. Qu'en pensez-vous ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Les salariés sont particulièrement investis. Ils accomplissent leur métier avec passion et sont viscéralement attachés à l'entreprise. De nombreux salariés font toute leur carrière dans l'entreprise. Après l'émotion et la déception ressenties à l'annonce du projet de fusion, les équipes comment à accepter la situation et à se projeter dans l'avenir. Les inquiétudes sont compréhensibles. Il est normal que les partenaires sociaux restent vigilants quant au respect des engagements qui ont été pris.

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Certains syndicats, qui ont choisi de ne pas porter plainte, estiment qu'il revient au conseil d'administration de le faire. Pourquoi le conseil d'administration ne l'a-t-il pas fait ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

En l'absence d'éléments permettant de porter plainte, le conseil d'administration n'en a pas débattu. Nous avons porté devant les tribunaux tous les sujets fondés et justifiés.

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Pensez-vous qu'une telle fusion rendra nécessaire la création d'une autorité de régulation de l'eau et l'assainissement ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je suis sceptique. Il me semble préférable de mieux utiliser les dispositifs existants que de créer une nouvelle entité. Par exemple, toutes les régies ne remontent pas les données comme elles le devraient. Les agences de l'eau pourraient être mieux exploitées.

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Faudrait-il que l'État assiste les collectivités pour conclure des marchés de DSP et les contrôler ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

La montée en compétences des collectivités est réelle. Des cahiers des charges types sont validés par les autorités nationales. De plus, il existe des directives européennes, ainsi qu'une jurisprudence, pour encadrer cette activité. Je pense que les collectivités sont en mesure de mener à bien ces projets. Nous avons toutes les cartes en main pour conduire une politique ambitieuse sur l'eau. Il faut parvenir à faire fonctionner les entités existantes, plutôt que d'ajouter de nouvelles contraintes.

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L'association Consommation logement cadre de vie (CLCV) de Côte d'Or a révélé que 38,5 millions d'euros ont été facturés aux usagers de l'eau à Dijon, où Suez est délégataire, au titre de la redevance du domaine public. Pourquoi a-t-il été choisi de répercuter ce coût sur la facture des usagers, alors qu'il revient au délégataire de le payer ? Cette pratique est-elle courante dans les DSP dont Suez est partenaire ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je vous répondrai par écrit, car le sujet est très technique. Cet élément provenait du contrat originel, signé dans les années 1990, mais des changements législatifs sont intervenus entre-temps.

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En 2008, en Essonne, le Conseil de la concurrence a pointé les inconvénients pour les collectivités du monopole que vous exerciez et vous a condamné pour la pratique de rabais de couplage. Pourquoi n'avez-vous pas fait appel de cette condamnation ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Là encore, je vous répondrai par écrit.

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En 2021, vous dîtes être propriétaire des usines et des réseaux de transport d'Essonne. Or la jurisprudence reconnaît le caractère de bien de retour à tous les ouvrages essentiels à l'exercice du service public à l'issue d'un affermage. Pour quelles raisons le contestez-vous ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Ces biens n'ont pas fait l'objet d'un affermage. Nos prédécesseurs ont investi dans la création de l'usine dans les années 1970 et 1980, pour anticiper l'expansion de l'agglomération parisienne et le développement des villes nouvelles. Un système a été développé par l'entreprise, pour alimenter la troisième couronne de l'Essonne. Selon nous, ces équipements ne sont pas à considérer comme un bien de retour. Il s'agit d'un domaine privé. En revanche, nous sommes ouverts à la discussion avec les collectivités, pour trouver des solutions.

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Dans les procès-verbaux des négociations menées depuis novembre 2020, vous refusez de transmettre les valeurs nettes comptables des usines et réseaux de transport du réseau interconnecté du sud francilien, par souci de protéger le secret des affaires. En outre, vous affirmez que la valeur d'usage des ouvrages est très supérieure à leur valeur nette comptable, en raison des bénéfices durables attendus de leur exploitation prolongée. Comment justifiez-vous ces références au monde des affaires, alors qu'il s'agit d'une situation de monopole, d'un service public essentiel et que les investissements consentis sont depuis longtemps rentabilisés par les recettes, notamment de ventes en gros ? Le secret des affaires étant levé devant une commission d'enquête, pourriez-vous nous transmettre ces valeurs nettes comptables ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

Je vous répondrai par écrit.

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Pensez-vous qu'il faille encadrer la vente d'eau en gros ?

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Bertrand Camus, directeur général de Suez

La plupart de nos contrats de vente d'eau en gros ont fait l'objet de remises en concurrence. Tel a été le cas dans l'ouest parisien en 2015 et des discussions sont en cours dans le sud parisien. La décision d'encadrer la vente d'eau en gros revient au législateur. Je n'ai pas d'avis particulier à ce sujet.

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Je vous remercie, monsieur Camus. Nous attendons désormais vos réponses écrites à nos questions.

La réunion se termine à dix-sept heures cinquante-cinq.