COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences
Mardi 22 juin 2021
La séance est ouverte treize heures cinquante-cinq.
(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)
La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition de M. Jacques Gillot, ancien président du conseil général de la Guadeloupe, ancien sénateur.
Nous poursuivons aujourd'hui les auditions de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, consacrées à la situation et à la gestion de l'eau en Guadeloupe.
Nous recevons aujourd'hui M. Jacques Gillot, ancien maire du Gosier, ancien président du conseil général de la Guadeloupe de 2001 à 2015, ancien sénateur.
Tout d'abord, je tiens à apporter une précision importante : à la suite d'un problème au sein du secrétariat de la commission d'enquête, la convocation à une audition la semaine dernière n'a pas pu vous parvenir et vous n'avez donc pas pu y répondre. Le secrétariat et la commission d'enquête vous renouvellent leurs excuses et la commission se réjouit de pouvoir vous entendre aujourd'hui.
Je vous remercie de nous déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
M. Jacques Gillot prête serment.
Je vous remercie d'avoir dissipé la rumeur selon laquelle j'aurais failli à mes obligations en ne répondant pas à votre invitation.
Le dossier de l'eau revêt une importance capitale et même vitale pour toute la population guadeloupéenne.
Élu maire du Gosier en 1989, conseiller régional en 1992, puis conseiller général en 1994, j'ai présidé le conseil général de 2001 à 2015. La commune du Gosier appartenait au Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG).
En 2001, la stratégie du conseil général, compétent en matière d'eau agricole, visait, d'une part, à renouveler la totalité des canalisations du réseau d'irrigation, car les agriculteurs souffraient, et d'autre part, à augmenter la capacité de stockage par la création de barrages, dont celui de Dumanoir, de 700 000 m3, qui a réellement amélioré l'irrigation. À partir de 2010, les conflits avec les agriculteurs à propos de l'eau dans le nord de la Grande-Terre ont cessé, sauf en cas de sécheresse.
Cette eau agricole a permis, grâce à un phénomène de solidarité, de compenser certains déficits en eau potable. Nous avons ainsi vendu de l'eau au SIAEAG et aux usines de Belin à Port-Louis, réglant le problème de l'eau potable dans la zone. Aujourd'hui, les tours d'eau ont cessé dans le nord de la Grande-Terre, grâce à l'implantation d'usines construites à l'initiative du conseil général.
Ce n'est pas un tribunal qui réglera les problèmes d'eau en Guadeloupe, mais l'implication, l'engagement et le courage politique des élus.
La commune du Gosier, membre du SIAEAG, délègue certains de ses conseillers municipaux pour siéger au sein de ses instances, mais cela n'a jamais été mon cas. Nos délégués nous livraient des rapports de l'activité du SIAEAG.
À l'époque, nous ne maîtrisions pas les problèmes de l'eau au SIAEAG, car la multinationale à laquelle il avait délégué la gestion de l'eau s'occupait de tout. Nous nous contentions d'observer, sans exercer de contrôle effectif.
Dans le cadre d'une délégation de service public (DSP), le délégataire détient tous les pouvoirs, dont celui de maintenir en état les canalisations et de récolter les redevances des usagers. Les délégués du Gosier n'étaient pas en mesure d'exercer une vigilance suffisante pour contrôler le travail du délégataire.
J'ai commandé, en tant que président de l'office de l'eau, une étude, à une entreprise indépendante compétente, sur le coût du remplacement du réseau d'eau. Son état, de plus en plus obsolète, expliquait le manque d'eau potable de la population.
Je ne me rappelle plus le montant exact, plusieurs milliards d'euros sans doute. Nous avons, à l'époque, estimé nécessaire un apport financier de tous les responsables, et surtout de l'État qui aurait dû nous accompagner.
Certains élus ont fait preuve d'incohérence, craignant qu'au cas où les problèmes d'eau seraient résolus, le mérite en revienne à Jacques Gillot, en tant que président de l'office de l'eau. C'est dommage.
Quand vous êtes-vous rendu compte que le contrôle du délégataire posait problème ? Qu'avez-vous mis en œuvre pour rétablir sur l'entreprise en question une forme de contrôle ?
Compte tenu des problèmes d'eau potable constatés, il fallait améliorer la situation. J'ai usé des prérogatives de l'office de l'eau, qui exerce la police de l'eau, pour commander l'étude dont je vous ai parlé.
J'ai organisé une réunion avec le conseil général, le conseil régional, l'État et les gestionnaires de l'eau. Nous avons convenu de la nécessité d'organiser une gestion unique de la production et de la distribution d'eau et de nous montrer plus vigilants sur ce sujet.
N'étant pas en première ligne pour traiter de l'eau potable, nous attendions un effort, surtout de la part de l'État, pour qu'en tant que principal contrôleur de la DSP, il contrôle mieux la multinationale qui faisait la pluie et le beau temps dans la gestion de l'eau.
De notre côté, nous sommes intervenus, sans succès. Il conviendrait de se demander pourquoi certains n'ont pas suivi notre politique. Je tiens à votre disposition l'étude que j'ai mentionnée. La création d'usines de dessalement y était envisagée, pour augmenter la production d'eau potable.
Je pense qu'à l'époque, la multinationale en charge de la DSP se comportait comme le patron de la gestion de l'eau en Guadeloupe. Tout le monde a depuis pris conscience de l'inefficacité de l'État dans sa mission de contrôle du dossier de l'eau.
Lors de précédentes auditions, il nous a été rapporté que votre fils travaillait pour la Nantaise des eaux. Quand et dans quelles circonstances y a-t-il été embauché ?
Mon fils, ingénieur chimiste, diplômé de l'école nationale supérieure de chimie de Paris, a commencé à travailler à la Nantaise des eaux en 2009. Après son stage de fin d'études à la Générale des eaux en Guadeloupe, dont le directeur a estimé son comportement très intéressant, mon fils a envoyé des curriculum vitae à Veolia, Suez, et la Nantaise des eaux, entre autres et a eu la chance d'être embauché à la Nantaise des eaux, où il travaille toujours.
En 2010, il y a eu un petit problème. Mon fils l'a su lorsqu'il a été placé en garde à vue en 2012. Les dirigeants de la Nantaise des eaux l'avaient affecté à une entité à son insu. Je pense qu'une tentative a eu lieu de le manipuler, afin d'exercer des pressions sur lui. Il y a lieu de se demander pour quelle raison.
Je n'ai jamais rencontré le moindre dirigeant de la Nantaise des eaux et n'ai appris ce que je vous expose que du fait d'indiscrétions suite à l'enquête à laquelle mon fils a été mêlé. J'ai déjà été auditionné par le juge qui s'est occupé de l'affaire.
Aucune entreprise soumissionnaire n'a porté plainte contre la procédure d'attribution de marché à la Nantaise des eaux parce qu'elle se serait sentie lésée. Le directeur de la Générale des eaux, si j'en crois certaines indiscrétions, a même déclaré que tout s'était très bien passé.
Seul le procureur général de la République a déposé une plainte. J'ignore comment il a su que mon fils travaillait pour une entreprise avec laquelle j'avais peut-être un conflit d'intérêts. Nous avons tout fait dans les règles. Ne voulait-il pas annuler le marché conclu avec la Nantaise des eaux pour qu'il revienne à la Générale des eaux ?
Je n'en dirai pas plus, car l'instruction suit son cours. En tant qu'ancien parlementaire, je dois respecter le secret de l'instruction.
Lors de la mise en place de cette DSP, nous nous sommes efforcés de prendre une décision cohérente. Nous avons passé un marché avec une entreprise indépendante pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO). Un ou deux mois avant le début de cette procédure, nous avons recruté, au conseil général, un nouveau directeur spécialisé pour mener à bien ces dossiers, à la différence d'autres gestionnaires de l'eau n'ayant jamais mis en place de ressources humaines pour contrôler les entreprises délégataires de service public.
Pour éviter tout conflit, je me suis complètement écarté de ce dossier en déléguant mon pouvoir à mon premier vice-président. Je n'ai jamais pris part à l'attribution du marché. Selon les textes, je ne devais même pas intervenir dans le règlement du délégataire.
Le marché d'eau d'irrigation a été attribué à la Nantaise des eaux à partir de 2010. Pourquoi ce changement ? La Générale des eaux ne donnait-elle pas satisfaction ?
Je ne saurais vous le dire, n'ayant pas pris part à la décision. En réalité, j'ai ainsi anticipé l'obligation d'abstention, votée en 2013. C'est mon vice-président qui a permis au conseil général de payer les éventuels déficits de cette DSP.
Peut-être faudrait-il poser la question à l'entreprise indépendante, que j'ai mentionnée tout à l'heure. Elle bénéficie de la confiance de la quasi-totalité des concessionnaires d'eau de France. Sans doute la Générale des eaux n'a-t-elle pas présenté un dossier d'aussi bonne qualité que la Nantaise des eaux.
Quoi qu'il en soit, dans le nord de la Grande-Terre, aujourd'hui, les agriculteurs bénéficient d'une eau d'irrigation dans les meilleures conditions et les habitants ne subissent pas de tours d'eau, à la différence de ceux qui résident dans le périmètre du SIAEAG. Le conseil général a donc opéré un choix judicieux.
Une tentative a eu lieu de me faire rencontrer des dirigeants de Veolia à Paris. Il était question, au cas où mon idée d'une gestion unique de l'eau aboutirait, de passer par une société d'économie mixte (SEM) semi-publique. J'ai refusé tout rendez-vous avec des représentants de Veolia. Il n'entrait pas dans ma stratégie de recourir à une SEM impliquant l'une de ces multinationales qui nous ont causé tant de mal.
M. Desplan.
Vous avez participé, en 2014, à la négociation relative au départ de Guadeloupe de la Générale des eaux. Pourquoi avoir accepté que cette multinationale parte avec 14 millions d'euros, en signant des clauses juridiques de non-poursuite ? Comment l'analysez-vous aujourd'hui ?
Lors de la réunion qui s'est tenue à la préfecture, à l'initiative du préfet de l'époque, il a été question, pour éviter une crise sociale, que nous participions à l'indemnisation de la Générale des eaux. L'ancien ministre des Outre-mer a déclaré, lors de son audition, qu'il avait pris à sa charge la totalité de la somme, parce que Jacques Gillot tergiversait.
Un conflit social de grande ampleur se déroulait à ce moment-là. Je ne voulais pas payer une entreprise ayant, je le répète, causé tant de mal. Je me suis toutefois vu contraint d'entrer dans la stratégie de règlement de la Générale des eaux, sous peine de m'entendre reprocher la crise sociale en cours. Du fait de mes réticences, le président du conseil régional de l'époque a déclaré : « je prends tout ».
En tant que responsable, je n'étais pas seul. Lors du départ de la Générale des eaux, il y a eu une combine au niveau du personnel. À nos yeux, il fallait accompagner les employés de la Générale des eaux et non cette société en tant que telle. J'avais compris que la Générale des eaux voulait partir. Pourquoi ? Qui a abouti à l'estimation de 14 millions d'euros ? Le conseil général y est resté étranger. Pourquoi la réunion s'est-elle déroulée à l'initiative de la préfecture ?
Il faudrait à présent s'interroger sur certains points. Pourquoi des mandatements d'office, d'un montant de 13 millions d'euros, ont-ils visé le SIAEAG, au profit de la Générale des eaux ? Les mandatements d'office sont du ressort du préfet, qui y procède sur conseil de son autorité de tutelle. Je veux dire par là que le préfet agit en tant que représentant de l'État.
Malgré vos réticences vis-à-vis de l'indemnisation de la Générale des eaux, y avez-vous participé, au nom du conseil général ?
J'ai assisté à la négociation, car on m'y avait convié. Or j'ai pour habitude d'accueillir favorablement toutes les invitations qui me sont adressées dans le cadre de mes responsabilités politiques.
Je ne pense pas que le conseil général ait finalement payé la Générale des eaux. Nous avions dit que nous participerions à l'indemnisation, quand le président du conseil régional, désireux d'exercer une pression sur moi, a déclaré qu'il payerait, parce que M. Gillot hésitait sans que l'on comprenne pourquoi.
Je n'ai pas voulu affirmer, lors de cette réunion à la préfecture, qu'il fallait pénaliser la Générale des eaux, de crainte de provoquer un désordre. La préfète Marcelle Pierrot pourrait vous confirmer que nous avons discuté, en privé, des responsabilités du SIAEAG, convenant qu'il n'était pas le seul fautif dans cette affaire.
Je suis prêt aussi à répéter tout ce que l'ancien ministre m'a confié en privé, s'il le faut, même si l'audition de ce jour garde avant tout une visée constructive.
Je ne suis pas là pour procéder à de la délation. Nous sommes tous, en tant qu'élus, responsables de ces dysfonctionnements, de ce drame dû à notre laxisme autant qu'à celui de l'État, qui a œuvré au bénéfice de la Générale des eaux.
Qui a cherché à vous faire rencontrer des responsables de Veolia dans l'hexagone et pour quelle raison ?
Avant le départ de la Générale des eaux, d'aucuns se demandaient comment convaincre cette société de rester, car nous n'avions pas la possibilité, en Guadeloupe, de gérer l'eau. Nous n'avons jamais compris que les structures de gestion de l'eau où siégeaient des élus n'aient pas recruté de spécialistes de ce domaine.
Le SIAEAG a tenté, à un moment donné, d'évincer la Générale des eaux en passant un marché avec une autre entreprise. Le contrôle de légalité, effectué par la préfecture, l'a annulé. La Générale des eaux a donc poursuivi ses activités dans l'ancien cadre de la DSP. Bien que je ne dispose pas d'éléments concrets, il me semble que la DSP s'est prolongée sans appel à la concurrence.
Vous devriez vous inquiéter. Combien de DSP ont-elles été ainsi prolongées sans mise en concurrence par le truchement du contrôle de légalité, du ressort de l'État ?
J'ai refusé de rencontrer les représentants de Veolia, bien que mon chef de parti m'ait enjoint à y aller. Celui qui a voulu me les présenter n'est autre que M. B… Je ne peux pas donner son nom, puisqu'il est mort. Je ne me suis jamais entretenu avec les responsables de la Générale des eaux ni de la Nantaise des eaux. D'aucuns voulaient me noyer dans une stratégie pour que je maintienne en place la Générale des eaux car, à l'époque, Jacques Gillot faisait partie des élus à l'ascendance croissante en Guadeloupe. La parole et l'attitude de Jacques Gillot comptaient à ce moment-là.
Je ne suis pas allé au rendez-vous qui m'a été proposé pour ne pas qu'il soit possible de prétendre ensuite que je m'y étais rendu. Mon téléphone garde les traces de ces invitations. De hauts responsables m'ont incité à y donner suite. J'ai refusé, car je nourrissais des arrière-pensées sur cette multinationale.
Selon vous, pourquoi l'État a-t-il failli à sa mission de contrôle ? Quelles relations entretenait-il avec la Générale des eaux ?
Il faut aller plus loin. Les réponses à votre question doivent se trouver au niveau parisien. Le rôle de Veolia au niveau des élus et des gouvernements est connu, de même que sa puissance dans le domaine de l'eau.
Nous ne possédions pas la force suffisante pour engager une action personnelle. Au risque que mes propos me créent des problèmes, le suivi, l'accompagnement par l'État, pour ne pas dire plus, d'une multinationale comme Veolia, nous réduisait pratiquement à l'impuissance. Si tous nous l'avions voulu, solidairement, nous aurions toutefois réussi à faire plier cette multinationale pour qu'elle réalise un travail plus intéressant sous un contrôle plus efficient de l'État.
Le moment ne me semble pas venu de me livrer à de la délation. Tous, nous sommes responsables. Aucun de nous, élus, ne peut affirmer qu'il ne s'occupait pas de la gestion de l'eau. Tous, nous y étions impliqués, aussi bien au conseil général ou régional que dans les communes. Nous aurions dû agir pour tenter au moins de redresser cette multinationale.
Qu'entendez-vous par le rôle de Veolia auprès des élus et du gouvernement ? En quoi est-il connu ?
Cette multinationale a ses entrées. Elle s'appuie sur des réseaux au niveau des gouvernements, et pas seulement le gouvernement actuel. Vous n'ignorez pas la puissance de ce genre de multinationales dans notre pays. Nous ne disposons pas de preuves concrètes, mais le fait est connu. Nous savons comment les lobbys interviennent et qui est capable de contrecarrer des décisions intéressantes de la population et de ses élus.
Savez-vous s'il existe des risques de pollution au chlordécone des terres agricoles du nord de la Grande-Terre par de l'eau d'irrigation en provenance de la Basse-Terre, insuffisamment filtrée ?
J'ai entendu parler de ces risques mais n'ai pas été informé des conclusions de l'étude consacrée à la question. L'eau agricole distribuée est traitée au charbon actif, efficace contre le pesticide que vous mentionnez. Jusqu'en 2015, il n'est pas parvenu à ma connaissance que l'eau, aussi bien agricole que potable, puisque nous vendons de l'eau potable à l'usine de Belin et au Lamentin, soit contaminée au chlordécone.
Le questionnaire que vous m'avez adressé m'a d'ailleurs inquiété. Une plainte a-t-elle été déposée à ce sujet ? Connaissant les usagers, je pense qu'ils s'y seraient déjà résolus, si un problème de pollution avait surgi.
Pourriez-vous nous communiquer des éléments précis attestant la responsabilité de la Générale des eaux dans la situation actuelle de l'eau en Guadeloupe ?
Les résultats sont là. La Générale des eaux était responsable du renouvellement des canalisations. Je ne dispose pas d'éléments concrets. Simplement, elle n'a pas rempli ses obligations de délégataire au niveau du SIAEAG ni dans les autres structures qui lui avaient délégué la gestion de l'eau.
La population en souffre aujourd'hui. Le drame vient du délégataire qui, pendant quarante ans, n'a pas accompli son travail. Il n'est pas normal que les canalisations soient aussi défectueuses. Quelqu'un devait pouvoir les remplacer. Je connais le dossier car, au conseil général, nous avons procédé au remplacement du réseau d'irrigation, dont l'état devenait néfaste à l'agriculture en Guadeloupe.
Cette société est partie en raison d'un début de prise de conscience de certains élus. Elle a perdu un marché que, d'après ses responsables, elle n'aurait pas dû perdre. Elle ne pensait pas qu'une autre structure monterait un dossier convaincant, à même de l'emporter sur sa propre candidature.
Les réseaux locaux et nationaux de la Générale des eaux ont dû lui faire sentir que le mécontentement de ses agents et de la population allait croissant. Ses employés venaient nous trouver, car ils ne souhaitaient plus travailler pour cette société qui ne fournissait pas les services attendus, y compris par rapport à son personnel.
La Générale des eaux a saisi l'opportunité de récupérer des indemnités de 13 millions d'euros, au montant en réalité supérieur, car le problème du SIAEAG n'est toujours pas réglé.
Qui en aurait déposé une ? Peut-être les élus. Mais dans ce cas, ils auraient dû aussi porter plainte contre l'État. Croyez-vous que nous avions ce courage ? Pensez-vous que nous aurions formé un front uni ? Certains élus de Guadeloupe soutenaient les responsables de la Générale des eaux.
Je suppose qu'il est inutile que je vous demande qui soutenait la Générale des eaux, parmi les personnalités politiques du département.
Vous obtiendrez la réponse en analysant la situation. Je fais l'objet d'une procédure que je ne comprends pas. Un marché a été passé. Personne ne s'est plaint. Or un procureur général décide de porter plainte contre moi pour conflit d'intérêts. Personne en Guadeloupe, hormis les camarades politiques à qui je l'avais dit, ne savait que mon fils travaille pour la Nantaise des eaux. Il souffre de difficultés. Il est autiste. D'aucuns ont voulu me détruire. J'en ai déjà souffert. Je veux à présent rétablir la vérité, mais je ne puis aller plus loin.
C'est un camarade politique, le neveu d'un ami, M. Alexandre. J'ai tout mis en œuvre pour que M. Hernandez siège au conseil municipal du Gosier. Comme il manifestait l'envie de s'occuper de la gestion de l'eau, nous l'avons délégué au SIAEAG, dont il est devenu le président, élu par ses pairs du conseil d'administration.
Ce conseil votait aussi les délibérations relatives au montant des fêtes, en particulier les Journées de l'eau qu'organisait M. Hernandez. J'y ai participé en tant que président du conseil général, car je réponds toujours favorablement aux invitations à représenter les institutions où je siège. De même, je me suis rendu aux garden-partys de M. Sarkozy et de M. Chirac. Quant à M. Hollande, lui aussi un camarade politique, il me recevait assez rapidement.
M. Hernandez et moi avons cheminé ensemble, puis les choses se sont gâtées. Il a mené une campagne contre moi en 2015 avec MM. Lurel et Cornet. Je ne lui en ai toutefois pas tenu rigueur, pensant qu'il cherchait des alliés pour l'accompagner au SIAEAG. J'entends à présent dire que M. Gillot l'aurait abandonné. Je ne vois pas en quoi. Il n'a jamais été autre chose qu'un camarade politique, que j'ai aidé à devenir conseiller général, et conseiller municipal au Gosier.
Jamais. Chaque année, je me rendais à Saint-Domingue pour mes loisirs, deux fois par an. Je n'y suis plus retourné depuis dix ou douze ans. Vous savez pourquoi.
Ceux qui voyageaient aux frais du SIAEAG appartenaient à son conseil d'administration. Je n'ai jamais été convié à quelque voyage que ce soit.
Où, selon vous, sont passées les sommes réglées par les usagers pour la réparation et le renouvellement des réseaux ?
Il est difficile de répondre à ce genre de questions. Je ne pense pas que de l'argent payé par les administrés ait disparu. Aujourd'hui, le SIAEAG fait face à des difficultés dues à un manque de recettes, parce que les abonnés, y compris de grandes sociétés, ne règlent pas la redevance.
Le délégataire, dans le cadre d'une DSP, se paye sur les recettes. Le SIAEAG intervient sur le déficit. C'est donc la société qui récoltait les recettes du SIAEAG qui pourrait répondre à votre question. Personne d'autre ne peut affirmer qu'il a pris l'argent du SIAEAG.
Les sommes réglées par les usagers ont dû revenir à ceux qui travaillaient pour le SIAEAG, et notamment le délégataire.
Le problème vient de ce que nous ignorons quel montant a disparu. Il manque un dossier complet sur cette affaire.
Il nous a été signalé que certaines institutions ne payaient pas leur eau, notamment la région et le département. Qu'avez-vous à dire à propos des factures d'eau du département ?
Je sais que ni l'hôpital ni Cap Excellence ne payaient leurs factures d'eau. Je ne sais ce qu'il en est de la région et du département. J'ai présidé le conseil général de 2011 à 2015. Il ne m'a pas été rapporté qu'il ne réglait pas son eau. Je vous le dis en toute honnêteté. En revanche, lors de la fameuse réunion où il a été établi qui devait de l'argent au SIAEAG, il s'est avéré que ni l'hôpital ni Cap Excellence ne réglaient leurs factures.
La réunion se termine à quatorze heures cinquante-cinq.