Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Réunion du mercredi 8 décembre 2021 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • BAC
  • appartement
  • balcon
  • bruit
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  • halimi
  • rue
  • traoré
  • témoin
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La réunion

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Commission d'enquête Chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Mercredi 8 décembre 2021

La séance est ouverte à dix-sept heures cinquante-cinq

(Présidence de M. Meyer Habib, président)

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Nous auditionnons aujourd'hui une policière dont je tairais le nom. Nous avons souhaité vous entendre dans le cadre de notre commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement. Je vais directement vous donner la parole pour que vous nous expliquiez dans quelles conditions vous êtes intervenue. Vous étiez gardien de la paix la nuit du drame. Vous faites partie de l'équipage de la brigade anti-criminalité BAC 11. Vous étiez du deuxième équipage arrivé sur les lieux, aux alentours de 4 heures 28, soit sept minutes après le premier appel de la famille Diarra, et un peu plus de 3 minutes après l'arrivée du premier équipage de la BAC. Je voudrais que vous racontiez ce que vous avez vu et entendu, ainsi que les ordres qui vous ont été donnés par votre hiérarchie.

Je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Mme N. prête serment)

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Je précise que nous avons longuement lu votre audition auprès de l'officier de police judiciaire le lendemain des faits. Vous avez la parole.

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N, policière

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, je travaillais à la BAC de nuit. Je me trouvais en patrouille avec trois fonctionnaires. Un autre équipage de la BAC était aussi présent dans le 11e arrondissement. Aux alentours de 4 heures du matin, nous avons reçu un appel radio mentionnant des personnes séquestrées par leur voisin dans leur appartement. Comme nous n'étions pas engagés sur une mission, nous nous y sommes tout de suite rendus. Nous ne nous trouvions cependant pas à proximité de l'adresse. Lorsque nous sommes arrivés, le premier équipage BAC était déjà sur les lieux. Quand je suis descendue de la voiture, j'ai vu des personnes à la fenêtre de l'adresse qui avait été donnée lors de l'appel. Je me suis adressée à la personne qui se trouvait à la fenêtre. Je lui ai demandé si elle connaissait l'identité de la personne qui les maintenait sur place. Elle m'a répondu qu'il s'agissait de M. Traoré Kobili. Je suis entrée dans l'immeuble dont la porte était ouverte. J'ai rejoint mes collègues qui assuraient la sécurisation derrière la porte de l'appartement. Nous avons alors décidé de nous organiser.

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Entendiez-vous des bruits dans la maison au moment où vous êtes montée, vers 4 heures 28 ?

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N, policière

. Les faits remontent à quatre ans. Je m'excuse, car mes souvenirs ne sont pas très clairs. Mon audition auprès de la police judiciaire est sans doute plus précise que ce que je vous dirai aujourd'hui. Je ne me souviens pas avoir entendu de paroles. Je me souviens que mes collègues m'ont informée qu'ils avaient entendu quelqu'un parler en langue arabe.

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N, policière

. Non, pas du tout. J'ai rapidement eu pour mission d'aller chercher le matériel de protection balistique – notre équipement lourd – qui se trouvait dans le coffre du véhicule, afin de m'équiper et d'apporter ce matériel lourd aux fonctionnaires en sécurisation derrière la porte.

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Dans votre audition, vous indiquez : « à mon arrivée, j'ai perçu du bruit, comme des cris, du remue-ménage, que je ne peux identifier sur le moment, mais ce vacarme provenait d'assez loin. Une chose est sûre, ce n'était pas derrière la porte. » Je comprends que vous ne vous en souveniez pas, mais c'est ce qui est mentionné dans votre audition.

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N, policière

. Je vous raconte les faits dans l'ordre suivant lequel je les ai vécus. Quand je suis redescendue au rez-de-chaussée, j'ai entendu de gros bruits, mais je n'arrivais pas à comprendre leur origine. Ils ne provenaient pas de la porte de l'appartement puisque je venais d'y aller. Je suis allée dans la rue, mais cela n'en parvenait pas non plus. Je suis donc retournée dans le hall de l'immeuble et j'ai vu une porte qui menait à un jardin. Je l'ai ouverte, et j'ai constaté que le bruit venait de là.

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Nous nous sommes rendus sur place. Vous vous trouviez dans la cour-jardin, à une dizaine de mètres de la porte d'entrée de la rue de Vaucouleurs.

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N, policière

. J'étais au niveau de la porte d'entrée de ce jardin, j'entendais des bruits que je n'arrivais pas à identifier et je ne voyais pas d'où ils provenaient.

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Pourquoi n'êtes-vous pas complètement entrée dans la cour, pour mieux voir et entendre, puisque l'assassin était au balcon en train de massacrer Sarah Halimi qui hurlait à ce moment-là ?

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N, policière

. Je ne le savais pas. Vous le savez a posteriori, mais les cris que j'entendais à ce moment dans le jardin n'étaient ni des cris de femme ni des appels au secours. Un témoin me criait d'appeler la police. Il ne comprenait pas que j'étais fonctionnaire de police, car j'étais en civil. J'entendais des bruits, comme si quelqu'un cassait des meubles. Je ne suis pas entrée dans la cour, car j'étais seule à ce moment. Une petite avancée au-dessus de ma tête me protégeait, mais si je m'avançais, je m'exposais à recevoir quelque chose sur la tête. J'ignorais si l'individu était armé.

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Les fonctionnaires de police, dont je ne veux pas donner les noms, avaient reçu de la part de la famille qui leur avait envoyé les clefs l'information selon laquelle Traoré n'était pas armé. L'information ne vous avait peut-être pas été transmise. Il parlait en permanence. Beaucoup de témoins ont appelé le 17 et tous ont dit qu'il n'était pas armé. Vous ne le saviez apparemment pas. Parlez-nous des hurlements, des cris.

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N, policière

J'ignorais qu'il n'était pas armé. En outre, rien ne me disait qu'il n'avait pas trouvé une arme. Peut-être détenait-il une arme que personne n'avait vue. Tant qu'un individu n'est pas palpé et fouillé, je le considère comme armé. Sans être armé, il aurait aussi pu me jeter quelque chose sur la tête.

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Il a massacré une femme à poings nus pendant douze minutes. On peut attendre de la police qu'elle intervienne.

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N, policière

Je le comprends, monsieur, mais je ne le savais pas. Concernant les cris, j'entendais des bruits, du vacarme, que je n'arrivais pas à identifier, et un témoin qui me disait d'appeler la police.

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Qu'est-ce que du vacarme ? Personne ne parle de vacarme. Tous les témoins parlent des hurlements de Traoré et de Mme Halimi. Ils parlent de bruits de viande, de chair, de témoins, de hurlements, comme les cris d'un chat, qui baissent de plus en plus. Tout cela a duré plus de douze minutes. Vous parlez de vacarme. Vous n'êtes pas claire. Expliquez-moi exactement ce qu'est du vacarme.

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N, policière

. De la casse, quelque chose qui tape sur quelque chose.

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Ce vacarme ressemblait-il à un homme qui tape sur une femme ?

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N, policière

. Je ne le savais pas. Les bruits pouvaient par exemple s'apparenter à quelqu'un qui tape très fort sur une rampe, ou quelqu'un qui frappe quelque chose avec quelque chose. Excusez-moi, si j'avais su que M. Traoré Kobili était en train de frapper la victime, il est évident que je serais intervenue différemment.

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Avez-vous relu votre audition depuis que vous l'avez déposée, ou ces derniers jours ? Vous êtes sous serment.

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N, policière

Je n'y ai pas accès.

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Avez-vous parlé à votre hiérarchie ou à vos collègues avant cette audition ?

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N, policière

J'ai appelé le chef de patrouille ce jour-là pour savoir de quoi il s'agissait. Il m'a fait parvenir la saisine. Nous avions ce document en notre possession. En revanche, l'audition que j'ai faite à la police judiciaire est une pièce de procédure qui n'est pas transmise par la suite.

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Actuellement, le dossier est ouvert. Nous ne sommes pas dans le cadre d'une instruction. Le dossier est ouvert à tous, en tout cas aux avocats.

Vous dites : « j'ai demandé aux collègues en tenue s'ils avaient entendu les bruits. Ils m'ont répondu que oui, mais que pour eux cela ne pouvait provenir que de la rue parallèle. Puisque moi je les avais entendus de l'intérieur de l'immeuble et eux à l'extérieur, cela ne pouvait venir que de cet immeuble. Je suis entrée dans le hall du 26 rue de Vaucouleurs. J'ai vu une porte menant sur l'extérieur. J'y suis allée. J'ai constaté qu'il s'agissait d'une cour-jardin intérieure. Je me suis tout de suite rendu compte que les cris et les bruits que j'avais entendus auparavant provenaient de ce côté de l'immeuble » – là, vous dites clairement que vous entendez des cris – « Et là j'entendais distinctement de gros bruits comme des meubles qui se cassaient et des cris en arabe. Pour répondre à votre question, je n'ai pas entendu de cris de femme ». Une femme hurlait et ses cris ont réveillé tous les voisins, mais vous dites ne pas l'avoir entendue. « J'ai voulu savoir de quel appartement ça provenait. Le problème c'est que là où j'étais je me trouvais protégée par le soubassement d'un balcon. Si je me mettais dans le jardin pour voir la façade de l'immeuble, je me trouvais à découvert. » Vous êtes cependant appelée pour voir ce qui se passe, surtout en sachant que l'assassin n'était pas armé. « J'ai avisé mon chef de bord dans le hall pour qu'il me fasse venir du monde dans le jardin. » Puis : « j'ai demandé à cet homme s'il pouvait me dire quoi faire ». Vous parlez d'un corps qui semblait disloqué avec un linge plein de sang qui recouvrait son visage . « J'ai fait le rapprochement avec un bruit sourd que j'avais entendu. Je me suis dit qu'il fallait faire les premiers gestes de secours, le problème, c'était que le corps était à découvert. Elle était dans un angle de l'immeuble et pas sous le parapet d'un balcon. Je ne me suis pas sentie capable de tirer et de la mettre à l'abri. Il a fallu donc s'équiper de matériel lourd, à savoir de casques lourds, gilets lourds, lorsque je suis sortie dans la rue. » Ces propos interpellent. Je comprends que la situation était compliquée, parce que vous êtes une jeune policière. Vous n'êtes pas, tous les jours, confrontée à des femmes massacrées et défenestrées, en sang, dans une cour d'immeuble. Vous avez pu ressentir de la peur. Toutefois, pendant au moins douze minutes, la police était présente du début à la fin du massacre et personne n'est intervenu. C'est l'un des points que nous souhaitons comprendre. L'un de vos supérieurs hiérarchiques vous donnait des ordres. L'un de vos collègues a dit : « mes collègues vous diront que ce sont des cris d'homme, mais ce sont des cris de femme. » Lorsque nous l'avons auditionné, il a essayé de changer un peu ses propos, mais c'est ce qui est écrit sur la déposition de police. Comprenez-vous que nous nous posions ces questions ?

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N, policière

Je le comprends tout à fait. La famille de Sarah Halimi aimerait obtenir des explications. J'aimerais revenir sur certains points, notamment sur le fait que l'individu n'était pas armé.

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Vous m'avez dit que vous ne le saviez pas. Vos collègues le savaient.

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N, policière

Même si mes collègues m'avaient communiqué cette information, tant que je n'ai pas l'individu face à moi, j'ignore s'il n'a pas trouvé une arme dans le domicile.

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C'est peut-être une question que nous devrions nous poser sur l'intervention de la police. Vous êtes une jeune policière, mais je tiens à vous rappeler qu'après les attentats du Bataclan, le ministre de l'intérieur, à la suite d'une question en commission d'enquête que je lui avais posée sur l'intervention des primo-intervenants, avait demandé d'aller au contact. L'un de vos collègues policiers est entré dans le Bataclan sous les balles. Il y avait déjà cent morts. Avec un immense courage, accompagné par son collègue, il a tué le chef du commando. Je parle de tuerie de masse, pas de prise d'otages. En l'occurrence, il y avait des hurlements, une femme était en train de se faire frapper. D'après le nouveau protocole de la police nationale, mais vous ne le savez peut-être pas, nous aurions pu imaginer que la police aille au contact pour sauver la victime. C'est la raison pour laquelle la famille a hésité à déposer une plainte pour non-assistance à personne en danger.

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N, policière

Si j'avais entendu des cris de femme ou des appels au secours, je me serais exposée. Je n'ai entendu aucun cri de femme, aucun appel au secours sur cette intervention.

Je travaille depuis 2013 dans le 11e arrondissement. J'ai vécu de très près les attentats. Dans le cadre de la BAC, j'ai suivi une formation sur les tueries de masse animée par le policier que vous mentionnez. Lors d'interventions dans le cas de tueries de masse ou de séquestrations par un forcené, si nous n'entendons pas d'appel au secours ou de coups de feu, nous ne devons pas entrer dans les lieux. L'intervention des policiers pourrait déclencher chez l'auteur une réaction que nous voulons éviter. Notre mission première est de sécuriser les lieux et de donner le maximum d'informations aux services spécialisés.

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Que cherchiez-vous à sécuriser pendant qu'une femme se faisait massacrer ?

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N, policière

. Je l'ignorais. Vous avez cette information a posteriori.

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L'un de vos collègues a déposé devant un officier de police judiciaire : « mes collègues vont vous dire que ce sont des voix d'homme, mais ce sont des voix de femme » et tous les témoignages évoquent des hurlements, qui ont duré une éternité, car douze minutes sont une éternité lorsque quelqu'un se fait massacrer. Vous êtes arrivée avant 4 heures 30. L'acte débute aux alentours de 4 heures 29 ou 4 heures 30, et se termine entre 4 heures 42 et 4 heures 45. Tous les voisins étaient dehors. J'ai encore aujourd'hui parlé longuement avec un journaliste, M. Christophe Dansette, qui mentionne un troisième immeuble d'étudiants, où tous les témoins parlent des hurlements d'une femme qui se fait massacrer. Je ne mets pas en doute votre parole. Vous dites que n'avez pas entendu cela dans la cour.

Dans leurs dépositions, tous les policiers disent qu'ils avaient un vigik, comme s'ils s'étaient arrangés entre eux. Ils avaient pourtant la clef, selon le témoignage de la famille Diarra, qui rapporte avoir envoyé le vigik avec deux clefs, et selon le témoignage de Sofiane Si Bachir : « une femme à la fenêtre a fait signe aux policiers que nous n'étions pas concernés et cette même femme a jeté un trousseau de clefs par la fenêtre. Les policiers nous ont demandé de partir. J'ai alors compris qu'il y avait un problème dont Kobili était à l'origine ».

À la question « pourquoi n'avez-vous pas ouvert la porte ? », les policiers répondent « nous ne savions pas ». Je suppose que c'était la première fois que vous aviez affaire à un meurtre. Je ne comprends pourtant pas. Dès le lendemain du meurtre, des témoins rapportent : « c'était comme un chat et à la fin ça descendait de plus en plus. » Tous disent : « on n'entendait plus que de la viande sur laquelle on tapait ». Pourquoi les policiers parlent-ils de vigik, alors qu'il s'agit d'un trousseau de clefs. Ils n'avaient qu'à parler de clefs. Cela aurait été honnête, puis de dire : « je n'ai pas eu la présence d'esprit » ou « j'ai eu peur ». Nous sommes obligés de nous poser ces questions.

Un autre élément m'interpelle : vous avez rencontré Kobili Traoré la veille du drame. Vous déclarez dans votre audition : « la veille des faits, je suis intervenue devant cet immeuble, 30 rue de Vaucouleurs, justement par rapport à Kobili Traoré », que vous appelez « Kobili » dans le reste de votre audition. « La veille à 5 heures du matin, on a vu un individu identifié plus tard comme étant Kobili Traoré qui courait très vite. Il venait de la rue de Vaucouleurs et allait vers la rue Oberkampf. Lorsque nous l'avons rattrapé, il ne s'est pas laissé contrôler. Après vérification, il n'avait rien sur lui à part sa carte nationale d'identité. Nous avons fait le tour des véhicules et des commerces aux alentours, mais rien. Comme nous n'avions rien à lui reprocher, nous l'avons laissé libre. Une mention d'événement a été rédigée. » Racontez-nous cette interpellation de Traoré Kobili, que vous avez vu longuement la veille.

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N, policière

. La veille, je travaillais avec des fonctionnaires différents de ceux présents lors de l'intervention du 4 avril. J'étais la seule à avoir contrôlé Traoré Kobili la veille des faits. Pendant une patrouille, nous avons vu une personne qui courait très rapidement dans les rues du 11ème arrondissement. Nous nous sommes portés à sa hauteur.

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N, policière

Oui. Nous l'avons rattrapé et lui avons demandé de s'arrêter, mais il a refusé. Il n'est pas interdit de courir dans la rue, mais il semblait être en fuite. Il a essayé d'entrer dans une boulangerie qui était fermée, ce qui nous a laissé le temps de sortir et de l'attraper. Il ne s'est pas laissé faire, sans que nous comprenions pourquoi.

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N, policière

Il ne nous a pas porté de coup, mais il ne s'est pas laissé menotter. Nous avons réussi à l'immobiliser, il s'est calmé et nous avons procédé à son contrôle d'identité, puisqu'il n'avait pas commis d'infraction. Le temps du contrôle, nous avons essayé de comprendre ce qui l'avait conduit, selon notre ressenti, à fuir. Je me suis rendue à l'adresse de son domicile notée sur sa carte d'identité, il n'y avait rien de particulier. J'ai appelé les stations directrices des 10e et 19e arrondissements pour savoir si une agression avait été commise par un individu. Rien de particulier ne m'a été signalé. Nous l'avons passé au fichier et procédé aux vérifications habituelles. Nous n'avions rien à lui reprocher et l'avons donc laissé partir.

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Vous vous êtes donc rendu compte que c'était le même homme le lendemain.

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N, policière

. Lorsque j'ai entendu l'adresse de la famille séquestrée, j'ai tout de suite fait le lien avec Traoré Kobili, car c'était l'adresse à laquelle je m'étais rendue la veille. Dès que je suis sortie de la voiture, j'ai demandé à la personne séquestrée, que je voyais à la fenêtre, si elle connaissait le nom de la personne qui les détenait. Elle m'a donné son identité.

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Vous a-t-elle dit qu'ils étaient séquestrés ? Ils ne l'étaient pas réellement. Ils étaient réfugiés dans une pièce, et il les avait rassurés. Pour rentrer chez Mme Halimi, il devait passer par l'appartement de ses voisins qu'il connaissait, il y avait emmené les enfants la veille.

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N, policière

. L'appel mentionnait quelqu'un qui retenait ses voisins dans une pièce de l'appartement. J'ai pensé qu'il s'agissait d'une séquestration.

Je lui ai donc demandé si elle connaissait l'identité de la personne. Elle m'a dit : « c'est Traoré Kobili, mon voisin ».

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La défenestration a eu lieu entre 4 heures 43 et 4 heures 47. La police n'est intervenue qu'aux alentours de 5 heures du matin. Qu'avez-vous fait pendant ce temps ? Après la défenestration, vous étiez dans la cour. Vous aviez peut-être peur. Vous attendiez le matériel lourd. J'aimerais que vous reveniez sur ce moment.

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N, policière

. Le sentiment de peur est humain. Cependant, je ne peux pas dire que j'ai eu peur ce jour-là, contrairement à d'autres interventions. La peur ne m'a pas empêchée de faire quoi que ce soit. Nous ne comprenions pas la situation. Nous prenons des précautions lors de nos interventions, car si nous nous exposons et que nous sommes blessés, nous ne servons plus à rien.

Je me souviens très bien de l'image de la victime au sol. Cette image m'a vraiment choquée. En regardant le corps de Mme Halimi, nous comprenions immédiatement la violence dont elle avait été victime. Nous avons tout de suite compris qu'elle était sans vie au moment où elle est tombée. Puis les services de secours sont intervenus.

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. Ce n'est pas certain. Des témoins disent qu'elle continuait à respirer. Elle était en mort clinique, mais elle aurait rendu son dernier souffle dans le camion de pompiers.

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N, policière

. Excusez-moi, cette vision était d'une violence extrême.

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L'avez-vous examinée, touchée ou pris son pouls ?

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Vous ne savez donc pas si elle était morte ou non.

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N, policière

J'ai demandé à mes collègues ce que nous devions faire. Personne n'a pris d'initiative, car nous pensions qu'elle était sans vie, et il ne faut toucher à rien sur les scènes de crime.

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Il me paraît pourtant élémentaire de vérifier s'il est possible de sauver la victime. Des personnes défenestrées peuvent survivre. Il existe des méthodes médico-légales pour vérifier la mort d'un individu, au lieu de se reposer sur des impressions.

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N, policière

. J'étais déjà intervenue dans des cas de défenestration. Ce n'était pas la première personne défenestrée que je voyais. Même si je n'ai pas vérifié, la façon dont elle était positionnée au sol et le sang me laissaient, peut-être à tort, penser qu'elle était sans vie. Je sentais que je ne pouvais rien faire pour elle.

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Pendant très longtemps, ni vous, ni vos collègues ne sont intervenus.

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. Nous entendons vos propos. Vous avez eu l'honnêteté de reconnaître que vous avez entendu des cris derrière la porte, que vous êtes descendue. Vous avez fait l'effort d'aller vous rendre compte. Nous avons été sur place. Effectivement, vous êtes à couvert et vous avez pris la responsabilité de ne pas aller dans la cour pour voir ce qui se passait. Votre témoignage aujourd'hui fait cependant apparaître un élément nouveau qui ne figurait pas, de mémoire, dans votre audition. Vous évoquez un voisin qui vous dit d'appeler la police. Qu'avez-vous fait quand cette personne vous a interpellée ? Je pense qu'il s'agissait d'un voisin habitant rue du Moulin Joly, et qui avait vue sur le balcon de Mme Halimi. Il a assisté à la scène. Avez-vous demandé à ce voisin ce qui se passait ?

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N, policière

Bien sûr. Je lui ai dit que j'étais la police, mais il ne comprenait pas, car j'étais en civil. Il avait l'air très paniqué. Je lui demandais ce qu'il voyait, mais il ne me répondait pas. De ma position, je ne comprenais pas ce qui se passait. À ce moment, je suis sortie chercher des collègues, car je comprenais qu'il fallait que nous intervenions dans cette cour et que nous devions nous équiper pour nous protéger.

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Le drame de cette histoire est que personne n'est intervenu. Vous le dites toutefois avec beaucoup de justesse et d'honnêteté.

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N, policière

Je répète que nous ne savions pas ce qui se passait. Nous ne pouvions savoir que les faits se déroulaient dans un autre appartement que celui devant lequel nous étions.

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Il suffisait d'aller dans la cour, puisque tout le monde le voyait et que vous étiez devant.

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N, policière

Personne ne nous appelait au secours. Nous n'avions pas de raison de nous exposer. Nous allions intervenir, mais il fallait d'abord que nous nous équipions. Si nous avions entendu des appels au secours, il est évident que nous y serions allés. Je le répète : je n'ai pas entendu de cris de femme ni d'appel au secours.

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. Nous ne sommes pas là pour vous mettre en cause. Le problème est que le service qui recevait des appels téléphoniques savait qu'il y avait deux événements concomitants. Le premier appel concernait une séquestration et le second mentionnait quelqu'un qui se faisait frapper et tuer. La situation était tellement grave que l'agent de permanence a pris la responsabilité d'appeler la procureure, qui, informée des faits, a décidé de se déplacer avant la mort de Mme Halimi. Cependant, les personnes qui appelaient dans ce cadre vivaient 26 rue du Moulin Joly. L'agent au téléphone n'a pas compris qu'il s'agissait quasiment de la même adresse. Le drame demeure que si on était entré dans la cour pour voir, on aurait vu.

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Tous les témoins, y compris les étudiants, disent avoir entendu une femme en train de hurler. Comment une femme peut-elle se faire massacrer sans hurler ?

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N, policière

Je ne remets en question le témoignage de personne. J'aimerais que le mien ne soit pas davantage remis en cause. Je n'ai entendu aucun hurlement de femme. Si les témoignages sont justes et vrais, la seule explication selon moi est qu'ils l'ont entendue crier avant notre intervention.

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Le problème est que vous êtes arrivée avant que M. Traoré n'entre dans son appartement. Il n'avait pas commencé. Je ne mets pas en doute votre propos, j'expose des faits.

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. Je conçois aisément que quatre ans après les faits, il soit difficile de se remémorer le fil des événements, que les souvenirs que vous gardez soient choquants et que votre audition aujourd'hui représente pour vous un moment éprouvant. Nous ne cherchons certainement pas à stigmatiser, incriminer, ou dresser des procès d'intention à l'encontre de personne, et certainement pas à l'encontre des forces de l'ordre dont nous estimons à leur juste valeur le travail et l'engagement. Je le dis en toute sincérité. Toutefois, notre commission d'enquête tente de faire la lumière sur les faits et de participer modestement à la révélation de la vérité. Vous nous avez dit, et c'est également ce qui figure dans votre procès-verbal, que vous êtes entrée dans la cour-jardin. Vous avez tenté de voir d'où venaient les bruits que vous entendiez, même si vous restiez à couvert, ce qui rendait difficiles d'éventuelles découvertes de ce qui pouvait se passer, d'autant plus qu'il faisait nuit noire et que cette cour-jardin n'était pas éclairée. Vous avez également dit que vous avez à plusieurs reprises avisé votre chef de bord, resté dans le hall. Vous lui avez demandé de faire venir du monde. L'a-t-il fait ? Je crois comprendre que vous êtes restée assez seule, et que personne n'est venu vous rejoindre rapidement. À plusieurs, il aurait été possible d'appréhender la situation différemment.

Vous avez quitté vos collègues qui sécurisaient de l'extérieur la porte de l'appartement des Diarra où était supposée se dérouler une séquestration, pour descendre et récupérer les équipements lourds dans les coffres des véhicules. Cependant, nous comprenons mal le moment où vous vous êtes réellement munie de ces équipements lourds. En effet, un peu plus loin, nous apprenons que lorsque vous apercevez le corps atrocement disloqué de Mme Halimi, tombé dans la cour-jardin, vous n'en êtes toujours pas munie. À quel moment les équipements lourds sont-ils récupérés ? Quand les revêtez-vous ?

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N, policière

Je me suis en effet trouvée seule dans le jardin à un moment. J'essayais de communiquer depuis la porte du jardin avec mon chef de bord qui se trouvait dans le hall, ou plus loin, dans la rue. Il était en train de rendre compte à l'état-major de la situation par radio. L'état-major posait un grand nombre de questions. Le rôle du chef de bord est d'assurer la communication. Je me suis adressée à lui et je suis directement allée chercher des collègues pour gagner du temps. Je ne peux pas vous dire combien de temps tout cela a duré, mais cela m'a semblé très rapide.

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. Vous avez donc été rejointe par un ou deux collègues qui sont allés avec vous dans la cour.

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Vous étiez très rapidement six puis neuf, aux alentours de 4 heures 29. La deuxième BAC était composée de trois personnes, n'est-ce pas ?

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Il y avait déjà trois collègues sur place, puis vous étiez six. Quand sont arrivés les membres de la troisième BAC ?

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N, policière

Il n'y a pas eu de troisième BAC. Il s'agissait de policiers en tenue du 11e arrondissement. Je ne sais pas quand ils sont arrivés. Je les ai vus quand je cherchais l'origine de ce bruit. Ils se trouvaient dans la rue de Vaucouleurs.

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Quand vous êtes arrivés, étaient-ils déjà dans la rue ?

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N, policière

Peut-être. Il est en tout cas certain qu'ils étaient là quand je cherchais à comprendre l'origine du bruit.

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Quand vous avez parlé aux sœurs Diarra, qui étaient dans la rue ? Vous devriez vous en souvenir.

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N, policière

Non. Mon attention était focalisée sur l'intervention.

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N, policière

Ils étaient montés. Pendant une intervention, nous pensons à ce que nous devons faire nous-mêmes. Nous ne pouvons pas savoir où chacun se trouve à tout instant.

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Certains de vos collègues nous ont expliqué qu'il y avait des hommes à l'étage et que les autres étaient en bas.

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N, policière

S'ils l'ont dit, ce devait être le cas.

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. Pouvez-vous revenir sur les équipements lourds ?

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N, policière

Ma mission était de rapporter les équipements aux fonctionnaires en sécurisation derrière la porte et de m'équiper. Cependant, c'est à ce moment que j'ai entendu les bruits et je n'ai pas pu m'occuper de ma mission. Je suis allée chercher le matériel dès que je l'ai pu. Je précise que ce matériel pèse très lourd, je ne pouvais pas l'apporter en même temps à tous mes collègues. Certains d'entre eux, je crois, m'y ont aidée.

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. Quand vous avez entendu les cris, plutôt que d'aller vers les voitures pour en extraire l'équipement lourd, vous êtes donc allée voir dans la cour-jardin pour tâcher de comprendre ce qui se passait.

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N, policière

Oui. Le chef de bord rendait compte à l'état-major, et quand j'ai entendu les bruits, dans un court instant, j'ai essayé de comprendre ce qui se passait avant de rendre compte à mon chef de bord qu'il y avait du bruit et qu'il fallait faire venir des collègues.

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Vous parlez de bruits. Ce n'étaient pas des bruits, mais des cris, des hurlements. Les témoins que nous avons auditionnés, ainsi que des étudiants qui n'ont jamais été auditionnés par la police, parlent de hurlements de femme et de Traoré. Je prends acte que vous ne les avez pas entendus. Les témoins parlent en effet de coups, mais seulement à la fin, aux alentours de 4 heures 42. Nous parlons ici de la situation à 4 heures 30. Le souci tient au timing. Nous sommes certains de l'heure à laquelle vous êtes arrivés.

Vous dites dans votre audition : « nous avons eu pour instruction de nous rendre dans l'appartement de Kobili, car il était susceptible de rentrer chez lui par les balcons. Avec l'ensemble des collègues de la BAC 11, nous sommes allés dans l'appartement. Il y avait déjà des collègues en tenue que je ne connaissais pas. Nous avons sécurisé l'appartement. Deux personnes dormaient dont un enfant et une personne handicapée. Dans le salon se trouvaient un homme, une dame qui s'est présentée comme étant la mère de Kobili, et une jeune fille qui s'est présentée comme sa sœur. Cette dernière était particulièrement agitée, malgré nos injonctions, elle utilisait son téléphone, elle n'arrêtait pas de bouger. À un moment, une horloge a sonné, il s'agissait de l'heure de la prière. » Quelqu'un a-t-il essayé de regarder le téléphone de sa sœur ? Pourriez-vous nous en dire davantage sur la façon dont vous êtes entrés chez les Traoré ? Quand était-ce ?

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N, policière

Nous sommes entrés lorsque la BAC 75 N est arrivée pour former une colonne d'assaut afin d'entrer dans l'appartement et interpeller le mis en cause. Nous avons pensé que M. Kobili, du fait de la configuration des lieux, pouvait passer par les balcons et regagner son domicile. Nous sommes allés dans l'appartement où il vivait avec sa famille pour vérifier qu'il n'était pas rentré. Nous ignorions où il se trouvait. Nous, nous n'avons jamais vu Kobili Traoré.

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Pour le voir, il fallait évidemment aller dans la cour et personne n'y est allé.

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N, policière

Excusez-moi, j'aurais aimé que l'histoire soit différente. Tout s'est passé très vite. Je pense que même si nous nous étions avancés dans cette cour, malheureusement, nous n'aurions pas pu sauver Sarah Halimi.

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N, policière

Même si nous avions vu qu'il était en train de lui porter des coups sur son balcon, nous n'aurions pas pu faire usage de notre arme, car il était certainement au corps à corps avec la victime.

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Vous auriez pu aller les séparer, puisqu'il n'avait pas d'arme. Une voisine l'a proposé. Elle dit à la police « Vous pouvez entrer de mon balcon chez lui ». Il suffisait d'y aller à pied.

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N, policière

Nous n'avions pas cette information. Et surtout, nous ignorions que Kobili Traoré se trouvait dans un autre appartement que celui devant lequel nous intervenions. Nous n'aurions pas eu le temps de localiser l'appartement, de casser la porte et de l'en empêcher. Nous aurions évidemment aimé avoir toutes les informations et intervenir directement dans l'appartement.

Concernant l'intervention dans l'appartement de la famille de Traoré, la sœur n'était pas du tout coopérante. Elle ne respectait aucune des injonctions que nous lui donnions. En tout cas, elle a très certainement dû arrêter d'utiliser son téléphone en notre présence.

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Je vous remercie d'avoir témoigné sous serment devant notre commission, dont la vocation première, je le rappelle, est d'identifier des dysfonctionnements de la police et de la justice. L'objectif n'est pas de vous asséner de questions vous mettant éventuellement en cause, mais de vous interroger sur les procédures telles que vous les avez suivies et sur d'éventuels axes d'amélioration que vous pourriez nous préciser. M. le président, pendant l'audition, vous avez répété à deux ou trois reprises que madame, dans sa déposition à la police, parle du meurtrier en l'appelant Kobili. Je vous rappelle que le docteur Melman a appelé l'assassin « Kobili » pendant toute son intervention au cours de notre audition, ce qui m'a choquée.

Concernant la défenestration, vous n'avez pas pris le pouls de la victime. Le rapport d'autopsie confirme que le décès est intervenu du fait de la chute, ou peut-être un peu plus tard. Je n'ai pas directement vu la victime, mais j'en ai vu des photos et je peux comprendre que vous ayez pensé qu'elle était morte. Vous parlez non pas de cris, mais de vacarme. Le timing est court et complexe. Les témoins eux-mêmes font état de cris, puis uniquement de coups, parce que la victime, très rapidement, n'était plus capable de crier. L'acharnement est terrible, et il faut aussi imaginer – même s'il est cruel de le dire ainsi – le gabarit de Mme Halimi face à celui de M. Traoré. Il est envisageable qu'elle n'ait pas été en mesure de crier très longtemps.

Pensez-vous que des procédures différentes vis-à-vis de votre hiérarchie permettraient des interventions plus rapides, au moins au niveau des communications ?

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N, policière

Je me suis beaucoup demandé ce que nous aurions pu faire pour que Sarah Halimi ne subisse pas ce qu'elle a subi ce soir-là. Je pense que nous n'aurions pas pu l'empêcher avec les informations dont nous disposions. Une meilleure communication aurait été possible, mais elle n'aurait pas changé le déroulement de l'intervention.

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Permettez-moi, en tant que président de cette commission, de ne pas être d'accord avec vous ni avec Mme la rapporteure. Vous aviez les clefs. Il suffisait d'entrer. Il était en train de faire ses prières. Tout se serait arrêté. C'est ce que je pense au fond de moi-même. Personne ne peut me convaincre que tout s'est bien passé dans le meilleur des mondes, lorsqu'en présence de six policiers, une femme se fait massacrer pendant douze minutes à poings nus. Je le dis en audition publique, nous avons un vrai problème avec nos interventions. Une femme a été massacrée parce qu'elle était juive. Elle a hurlé pendant un long moment avant de ne plus en être capable en raison des coups qui lui étaient portés. C'est ce que nous a notamment expliqué la dame qui a appelé à 4 heures 37. Elle nous raconte ce drame et la non-intervention de la police, d'après elle. Il est donc évident qu'il était possible de faire mieux que ce que vous avez fait. Vous avez le droit de penser le contraire. J'essaie de rester logique, et je ne peux m'empêcher d'avoir des regrets, en raison, justement, de la rapidité avec laquelle la police est arrivée. Le QG est au courant. Les témoins appellent et disent ce qu'ils voient, minute par minute. Vous êtes arrivés si vite sur les lieux, que la situation est difficile à comprendre. Vous pensez, à titre personnel, que cela n'aurait rien changé et que la victime était morte. Dans le dossier, ce n'est pas aussi évident que vous avez pu l'imaginer. Elle était peut-être en état de mort clinique. On ne peut pas avoir un sentiment en regardant un corps pour dire que la personne est morte ou non.

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. Merci beaucoup, madame, d'être présente ce soir. Je peux imaginer votre difficulté à retracer votre intervention ce soir-là, compte tenu de la gravité des faits. Sachez que cette commission n'a pour but que de reprendre effectivement ce qui s'est passé pour identifier d'éventuels dysfonctionnements.

Lorsque vous entendez ce vacarme dans la cour, avez-vous le sentiment qu'il vient de l'appartement ou en tout cas de M. Traoré ? Nous disposons de la retransmission des conversations qui ont eu lieu entre la BAC 11 et votre supérieur. Il indique que l'homme frappe, qu'il crie, qu'il frappe dans les meubles et dans des portes. Sont-ce là vos propos qui sont ensuite retransmis par votre supérieur ? Pensez-vous à ce moment-là qu'il est seul sur ce balcon, ce qui expliquerait aussi la raison pour laquelle vous n'entendez pas de cris ?

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N, policière

Lorsque je suis dans cette cour, j'entends le bruit. Il est possible que le témoignage qui vous a été donné résulte de ce que j'ai pu dire. Lorsque je suis intervenue dans cette cour, il y avait des balcons de part et d'autre et en face de moi. Le bruit ne venait pas de là. Il venait des balcons qui se trouvaient au-dessus de ma tête, donc du 26 rue de Vaucouleurs. Je ne savais pas le balcon sur lequel cela se passait ni de qui il s'agissait.

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. Aviez-vous le moyen de communiquer avec vos collègues restés au troisième étage pour leur demander s'ils entendaient quelque chose ? Concernant le matériel dont vous disposez pour échanger sur place avec vos équipiers, et qui devrait aujourd'hui être amélioré, vous aurait-il aidé à communiquer avec eux ?

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N, policière

Nous sommes tous dotés de radios individuelles. Dans ce type d'interventions, pour ne pas encombrer les ondes, c'est le chef de bord qui communique. Si, en revanche, j'avais entendu un coup de feu ou des cris de femme, j'aurais saisi les ondes pour faire venir des collègues en priorité dans la cour. J'aurais demandé la priorité sur les ondes pour communiquer cet élément important. Dans ce cas précis, j'avais des collègues à portée de voix et mon chef de bord ne se trouvait pas très loin de moi. Je pouvais les interpeller pour qu'ils me rejoignent sans encombrer les ondes. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas passé de messages radio.

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. Dans ce vacarme, avez-vous entendu un homme crier ? Il a été rapporté que M. Traoré criait, notamment en langue arabe.

Les témoins disent que vos collègues sont arrivés avec des lampes torches. Pourriez-vous indiquer à quel moment ils sont arrivés ?

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N, policière

J'ai entendu du vacarme ainsi que le témoin qui me demandait d'appeler la police. Mes souvenirs sont flous, mais dans mon audition à la police judiciaire, puisque le président l'a rappelé tout à l'heure, j'ai mentionné quelqu'un qui parlait en langue arabe. Je ne serais pas capable de vous dire ce qu'il disait ni combien de temps il a parlé.

Je ne peux pas vous en dire davantage concernant l'arrivée de mes collègues avec leurs lampes.

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. Ma question portait aussi sur les lampes torches. Étant donné que vous étiez en BAC de nuit, aviez-vous une lampe torche ? Vous pouvez être amenés à vous trouver sur des scènes très sombres. Aviez-vous le moyen de braquer une lampe torche pour voir de quelle façade ou de quel immeuble provenait ce que vous entendiez ?

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N, policière

. Bien sûr. Je ne me souviens pas si j'ai sorti ma lampe torche à ce moment. Nous en étions équipés. La lampe torche est notre premier outil de travail la nuit. Elle peut cependant parfois nous desservir puisque celui qui éclaire s'expose à être vu. Nous l'utilisons cependant très souvent.

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Mme la policière, vous dites dans votre audition : « je me suis dit qu'il fallait faire les premiers gestes de secours. Le problème c'était que le corps était toujours à découvert. Il était dans un angle de l'immeuble et pas sous le parapet du balcon. » Si vous pensiez qu'il fallait faire ces gestes, vous pensiez donc qu'elle n'était peut-être pas morte.

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N, policière

Je me suis peut-être mal exprimée dans mon audition, puisque je décris aussi les lieux et l'endroit où se trouvait le corps. Je me serais sentie incapable de pratiquer des gestes de premiers secours sur Mme Sarah Halimi, au vu de l'état du corps. Il aurait fallu déplacer le corps pour effectuer ces gestes en toute sécurité, car nous ignorions où se trouvait le mis en cause et ce qu'il était susceptible de faire après avoir commis ce drame.

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J'ai écouté l'audio. L'homme qui crie d'appeler la police est M. Traoré. Deux témoins nous l'ont raconté. D'autres témoins ont peut-être dit d'appeler la police ou ont appelé la police directement. L'audio de M. Traoré démarre à peu près au moment de la défenestration. L'audition d'une des témoins est édifiante sur ce point.

D'autres témoins ont mentionné les cris « Allah akbar » et « sheitan », mais vous ne les avez manifestement pas entendus. Vous parlez seulement d'un homme qui parle en arabe.

Je vous remercie, Mme la policière, de cette audition. Je pose les questions que je porte au plus profond de moi-même, et j'essaie d'être factuel pour que la prochaine fois, si la situation devait se reproduire, la police intervienne à temps. Dans ce cas précis, la police sécurise l'immeuble, les escaliers, les voisins, les ascenseurs et la cour. Cependant, tout ce que je sais, c'est qu'une femme, parce que juive, a été massacrée après avoir été tirée de son lit et personne n'est intervenu. Au fond de moi-même, je n'ai de l'empathie que pour elle. Je vous remercie.

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La réunion se termine à dix-neuf heures cinq. Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Laetitia Avia, Mme Camille Galliard-Minier, M. Meyer Habib, Mme Constance Le Grip, Mme Florence Morlighem, M. François Pupponi