Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Réunion du jeudi 6 janvier 2022 à 10h30

Résumé de la réunion

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Commission d'enquête Chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Jeudi 6 janvier 2022

La séance est ouverte 10 heures 35

(Présidence de M. Meyer Habib, président)

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Mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter une magnifique année 2022. Après une année 2021 compliquée et alors que nous vivons encore des moments difficiles, nous avons tous besoin d'unité, de santé et de sérénité. Faisons en sorte que la France brille de mille feux !

Notre commission d'enquête se réunit pour la dernière fois, après quelques mois de travaux consacrés à la terrible affaire du meurtre de Mme Sarah Halimi.

Je rentre de Jérusalem. J'ai tenu à me rendre, pour la première fois de ma vie, sur la tombe de la victime. J'étais accompagné de ses enfants, et j'ai pleuré. Tous les témoignages que nous avons entendus nous ont montré à quel point cette femme, mère de famille, médecin et directrice de crèche, vivant très simplement, était la bonté même. Elle est maintenant sous terre, parce qu'elle a été massacrée pendant quinze minutes avant d'être défenestrée. Le hasard fait que son caveau se trouve à quelques dizaines de mètres de ceux de Jonathan Sandler, de ses deux enfants Arieh et Gabriel, et de la petite Myriam Monsonego dont on commémorera, dans quelques semaines, les dix ans de l'assassinat à bout portant par un barbare islamiste – je crois d'ailleurs que le Président de la République se rendra à Toulouse à cette occasion. Un peu plus loin se trouve également la tombe d'Ilan Halimi, sur laquelle je m'étais recueilli il y a quelques mois aux côtés d'Éric Danon, ambassadeur de France en Israël, ainsi que celles des quatre victimes de l'Hyper Cacher, tuées alors qu'elles faisaient leurs courses de shabbat. Alors que le cimetière est immense, toutes ces victimes françaises se trouvent réunies dans un tout petit périmètre. La seule personne tuée pour son identité juive à être enterrée en France est Mireille Knoll – j'étais d'ailleurs à son enterrement, auquel assistait également le Président de la République. Pendant que je me recueillais sur la tombe de Sarah Halimi, j'ai pris un engagement : celui de tout faire pour comprendre pourquoi elle est morte, déterminer s'il y a eu des dysfonctionnements et permettre d'éviter un tel drame si pareille situation devait se reproduire. Au début, je ne connaissais pas grand-chose à cette affaire, mais j'en sais aujourd'hui beaucoup. Rien n'est jamais parfait mais, avec mon équipe, j'ai examiné chaque détail et essayé de rendre ce qui était approximatif le plus précis possible.

Nous examinons donc aujourd'hui le rapport de Mme Florence Morlighem. Le premier rapporteur, M. Didier Paris, ici présent, a démissionné – ce que je regrette, car nous avions de bons rapports. C'est le plus calmement possible que je vais vous livrer mon intime conviction : j'ai l'impression que, même dans le cadre de cette commission d'enquête, on a voulu ne pas aller au bout. On me répète en permanence qu'on ne refait pas un procès. J'en conviens, et je le dis depuis le premier jour : il y a eu un jugement, en première instance, en appel et en cassation, qui nous oblige. Mais la justice est faillible et je suis persuadé, au plus profond de moi-même, qu'elle a effectivement failli. Même si les règles de droit ont sans doute été respectées, ma conviction, que partage le grand rabbin de France, est que la justice s'est trompée, de manière involontaire. J'espérais que notre commission d'enquête transpartisane permettrait d'y voir plus clair.

Je tiens à remercier les quatre-vingts parlementaires qui ont accepté de cosigner la proposition de résolution tendant à la création de cette commission d'enquête. Après un long parcours, nous y sommes arrivés ! Je regrette cependant le faible nombre de députés de la majorité parmi les cosignataires. On me répond que le Parlement a adopté un projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Certes, ce texte est important – je l'ai d'ailleurs voté –, mais il ne résout en rien les dysfonctionnements constatés dans cette affaire, pas plus qu'il n'explique les invraisemblances et les mensonges auxquels nous avons été confrontés. Je regrette également que ni les socialistes, ni les communistes, ni les insoumis n'aient participé, ne serait-ce qu'une minute, à nos travaux. Je ne sais pas pourquoi – il faudrait le leur demander. Est-ce parce que notre commission d'enquête se penchait sur le meurtre d'une femme à cause de son identité juive ? Est-ce parce qu'elle était présidée par Meyer Habib, député français, juif et sioniste ?

En un jour et demi, je n'ai pas eu le temps de lire le projet de rapport en détail, d'autant que la journée d'hier a été très chargée, mais je l'ai parcouru avec attention, du début à la fin, et j'ai pris quelques notes. Je ne pourrai pas le voter. Je suis déçu et peiné : on a essayé de cacher, de camoufler les choses.

J'avais des doutes sur le fait que les cris de Mme Halimi puissent être entendus par les policiers : je me suis donc rendu sur place mais vous n'avez pas voulu m'accompagner. J'ai appelé personnellement certains d'entre vous et j'ai envoyé un mail à tous les membres du bureau de la commission. Finalement, quatre membres du bureau étaient présents, ainsi que deux journalistes, un cameraman et un expert judiciaire près la cour d'appel de Chambéry que j'ai mandaté pour me remettre un rapport d'expertise. La seule chose qui m'intéresse, au-delà de toute autre considération, c'est la vérité – nous y sommes attachés, au plus profond de nous-mêmes, et c'est ce qui nous a poussés à devenir députés. Nous ne pouvons pas afficher une version édulcorée de cette vérité. Lorsque nous nous sommes rendus sur place, nous avons pu constater avec certitude qu'il était impossible de ne pas entendre, quel que soit l'endroit où l'on se trouvait, des cris qui ont duré entre douze et quatorze minutes – je note au passage que de nombreux chiffres cités dans le projet de rapport sont faux. Mes deux officiers de sécurité, qui étaient présents eux aussi, me l'ont également confirmé. Aussi, quand des policiers affirment qu'ils n'ont rien entendu alors qu'ils étaient dans la cour ou derrière la porte de l'appartement des Diarra, ils ne disent pas la vérité. J'aurais tellement voulu que vous soyez là, vous qui êtes des députés honnêtes ! Heureusement, tout a été filmé et l'affaire n'est pas terminée.

Je vous invite à lire les procès-verbaux. Lorsque la juge demande à M. Traoré si la porte-fenêtre était « un peu ouverte » ou « beaucoup ouverte », l'intéressé répond qu'elle était « un peu ouverte ». Lorsqu'elle lui demande s'il a bien vu une Torah en entrant dans l'appartement, il répond qu'il a effectivement vu une Torah et un chandelier juif. Or il n'y avait aucun de ces objets au domicile de Mme Halimi, et un expert judiciaire a constaté que la porte avait été forcée – sans que l'on puisse savoir, bien évidemment, si cela s'est produit le jour des faits. Les portes des appartements des familles Traoré et Diarra ont été ouvertes avec un Door-Raider, et non avec une clé, même si M. Traoré en possédait une. Il était absolument impossible que la victime ait laissé la fenêtre ouverte ; elle était totalement barricadée chez elle. Le meurtre était donc prémédité. Ce n'est pas par hasard que M. Traoré est entré chez Mme Halimi : il a préparé son coup, déposé des affaires et fait ses ablutions.

Une voisine musulmane, policière – une femme extraordinaire –, a expliqué devant notre commission d'enquête que Mme Halimi s'était confiée à elle, quarante-huit heures avant le drame, et qu'elle lui avait dit combien elle avait peur de Traoré. Elle-même, policière armée, avait peur de cet individu. Elle m'a d'ailleurs téléphoné après son audition pour me dire que Kobili Traoré, qu'elle connaissait depuis trente ans, n'était pas fou et qu'il venait encore très régulièrement dans le quartier – son frère l'avait encore aperçu quelques semaines auparavant – pour fanfaronner auprès de son équipe.

Nous n'avons pas réussi à auditionner tous les amis de Traoré. Pour certains, on nous a répondu qu'on ne savait pas où ils habitaient – ils habitent en réalité dans le même immeuble. Nous avons un témoignage audio de la gardienne.

Vous nous direz que nous avons refait une enquête. Il ne s'agit pas de cela : nous avons voulu voir s'il y avait eu des dysfonctionnements. On nous dit que les policiers n'ont pas entendu de cris : ce n'est pas vrai ! Une femme a crié pendant quatorze minutes mais ils ne sont pas intervenus. Toute l'instruction a été faite à décharge. Lorsque l'expert psychiatre a conclu à une altération partielle du discernement de l'assassin, la juge a demandé que soit réalisée une autre expertise, sans même que la défense ni qui que ce soit ne l'ait réclamé !

Quand je lis ce projet de rapport, je suis terriblement déçu. Tout a été édulcoré. Je ne donnerai qu'un exemple : comment peut-on encore laisser croire qu'il y a un doute sur le fait que les policiers disposaient d'une clé ou d'un vigik ? Les membres de la famille Diarra ont déclaré qu'ils leur avaient jeté un trousseau de clés, ce qu'ont reconnu un policier et un témoin. Les déclarations les plus importantes sont celles des témoins, qui ont eu l'impression que le massacre avait duré une heure, mais le projet de rapport les évoque à peine. Il commence d'ailleurs par remettre en cause notre commission d'enquête et proposer une modification du fonctionnement de ce type d'instance…

Arrêtez de pester, madame la rapporteure ! Je vous donnerai la parole tout à l'heure.

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Il vaudrait mieux que je présente mon rapport avant que vous vous exprimiez ! Vous parlez déjà à charge.

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Il y a des règles ! Après mon propos liminaire, vous prendrez le temps que vous voudrez. Mais arrêtez de pester ! Votre attitude est incroyable. Respectez les règles !

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Sans vouloir vous faire offense, j'ai attendu jusqu'à aujourd'hui pour vous remettre un dossier. Je tenais à votre disposition une clé USB que vous n'êtes jamais venue chercher. Le dossier, vous ne le connaissez pas.

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Arrêtez, monsieur le président ! C'est scandaleux !

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C'est vous qui êtes scandaleux, monsieur Paris. Dès le premier jour, vous avez mis en cause François Pupponi. Vous m'avez dit : « Celui-là, je le connais… »

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Moi, mis en cause ? Qu'est-ce que j'ai à voir là-dedans ?

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Vous mentez, en plus !

Je ne voulais pas engager une polémique. C'est la dernière fois que notre commission d'enquête se réunit, et j'essaie de vous expliquer pourquoi je ne voterai pas ce rapport qui n'en est pas un. Je n'ai pas pu aller jusqu'au bout. Je n'ai pas pu auditionner l'une des juges d'instruction, ce qui me paraissait pourtant fondamental, ni les amis de M. Traoré – l'individu chez qui il a dormi, les autres personnes qu'il fréquentait, les responsables de la mosquée, les membres de sa famille… Des policiers anonymes m'ont appelé pour m'inciter à auditionner une autre personne qui a subi d'énormes pressions. Ce dossier a été émaillé de nombreuses erreurs, évidemment involontaires – des erreurs initiales de la police, puis des mauvaises décisions prises par la justice dans la conduite de l'enquête. Le rapport en parle un peu. Je ne dis pas qu'il est entièrement mauvais, mais qu'il ne va pas au bout des choses.

Depuis le début, on a essayé de tout verrouiller. Ainsi, je ne voulais pas que l'audition des membres de la famille Diarra se tienne à huis clos, parce qu'elle me paraissait fondamentale et que ces personnes ne faisaient l'objet d'aucune menace. J'avais demandé que les visages soient simplement floutés, mais on m'a répondu que c'était techniquement impossible : j'ai alors décidé de prendre des notes que j'ai rendues publiques. Je ne savais pas que je ne pouvais pas le faire immédiatement, qu'il fallait que soit rédigé un compte rendu et que soit respecté un délai de six jours, comme pour les auditions de certains témoins. M. Paris, alors rapporteur, m'a écrit ; je lui ai répondu et il a démissionné de sa fonction. Le président de l'Assemblée nationale a été informé de cette situation et je lui ai également répondu. Je transmettrai toutes les lettres que nous avons échangées, parce que cette affaire ne fait que commencer et qu'un film sera réalisé. Certaines personnes me disent que ce drame est une nouvelle affaire Dreyfus.

L'assassin retourne très régulièrement sur les lieux et l'un des psychiatres a déclaré qu'il pourrait repasser à l'acte. Il faut que justice soit rendue pour que de tels faits ne se reproduisent pas.

Pour ce qui me concerne, j'ai essayé de faire toute la vérité sur cette affaire, à laquelle j'ai consacré trois mois de ma vie, mais mon action s'arrête ici. J'ai cru comprendre que la famille de Mme Halimi avait décidé de continuer à se battre : c'est son problème, pas celui de notre commission d'enquête dont la mission se bornait à faire la lumière sur les dysfonctionnements de la police et de la justice. Nous ne pourrons pas faire revivre Mme Halimi, mais l'honneur de la France serait de faire en sorte que de tels drames ne se reproduisent plus. C'est en tout cas ce que l'on attend des parlementaires que nous sommes.

Je donne maintenant la parole à Mme la rapporteure, avant que chacun d'entre vous puisse intervenir pour apporter à notre commission d'enquête la contribution qu'il souhaite.

C'est incroyable ! Nous n'avons même pas pu aller au bout…

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Monsieur le président, vous m'avez donné la parole. Je vous prie donc de ne pas m'interrompre, et de me laisser parler jusqu'à la fin de mon intervention.

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Parce que vous vous êtes exprimé à charge contre mon avant-propos avant même que je l'aie prononcé !

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Je ne réagissais pas à votre avant-propos mais à votre projet de rapport.

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Cette réunion marque donc la fin des travaux de notre commission d'enquête. C'est l'occasion pour moi de vous présenter mes conclusions, dont certains ont déjà pu prendre connaissance puisque le projet de rapport a été mis en consultation mardi après-midi.

Au préalable, j'aimerais faire le point sur ces six mois de travaux qui ont été, à de nombreux égards, particuliers au regard du déroulement habituel des commissions d'enquête. Vous le savez, j'ai remplacé Didier Paris après que le président a diffusé sur les réseaux sociaux des propos tenus à huis clos par des témoins, qu'il accusait par ailleurs d'avoir menti, remettant publiquement en cause leur statut de victimes. Il n'a pas été facile d'arriver ainsi au milieu des travaux, mais je me suis attachée à remplir avec la plus grande rigueur ma fonction de rapporteure, et je remercie sincèrement nombre de nos collègues de leur participation à nos travaux ainsi que de leur soutien.

Jusqu'au dernier moment, j'ai souhaité respecter le principe du droit de tirage accordé aux groupes d'opposition, qui peuvent demander chaque année la création d'une commission d'enquête. J'ai donc donné mon accord à la tenue de toutes les auditions, y compris lorsque je n'étais pas convaincue de leur utilité. Je ne me suis opposée qu'à trois reprises aux demandes de M. le président : contre l'organisation d'une pseudo-reconstitution dans l'immeuble de Mme Halimi, que nous avions déjà visité précédemment, car tel n'est pas le rôle d'une commission d'enquête ; contre la tenue de nouvelles auditions à la toute fin de nos travaux, pendant la période de Noël, alors que je devais achever la rédaction de mon rapport ; contre la publicité des auditions des témoins qui craignaient pour leur sécurité. Je souhaite d'ailleurs que les comptes rendus des auditions des personnes entendues à huis clos ne soient pas publiés, comme cela avait été convenu avec elles.

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Cette commission s'assignait une mission presque impossible : enquêter sur une affaire judiciaire sans refaire le procès. Or il ne suffisait pas de répéter que nous ne faisions pas le procès pour échapper à la tentation de remettre en question chacune des décisions prises par notre justice. Je considère pour ma part que mon rôle de rapporteure m'oblige à la retenue : je ne me prononcerai donc à aucun moment sur le sens des décisions prises par les juges chargés de ce dossier. Je n'entrerai pas dans un débat pour savoir si M. Traoré était réellement irresponsable, s'il a commis un acte terroriste ou s'il avait prémédité son geste. La justice a répondu à ces questions, et je respecte cela.

J'ai souhaité m'en tenir à examiner s'il y a eu des dysfonctionnements de la justice et de la police, dans le seul but d'éviter qu'un tel drame se produise à nouveau. Il est confortable, cinq ans plus tard, de regarder les événements et de dire qu'il aurait fallu faire comme ci ou comme ça. Ce qui est intéressant, c'est de comprendre pourquoi cette affaire a suscité une telle incompréhension et de réfléchir à la façon de corriger ce qui n'a pas fonctionné.

Effectivement, tout ne s'est pas déroulé comme cela aurait dû. Ceux qui ont lu le rapport ne pourront pas m'accuser d'avoir voulu protéger la police ou la justice. Au contraire, je salue ce qui a été bien fait et je relève les dysfonctionnements que j'ai cru remarquer.

Faire ce travail n'ouvre pas tous les droits. Avant de présenter mes constats et propositions liés à l'affaire dite Sarah Halimi, vous me permettrez de m'attarder un instant sur les enseignements que nous devons tirer de cette commission d'enquête. Je regrette qu'elle ait trop souvent ressemblé à un énième degré de juridiction, par la nature des personnes interrogées et des questions posées. Je regrette aussi la partialité de certaines personnes auditionnées, qui n'avaient aucun lien avec l'affaire, et de certains propos remettant en cause le travail de nos forces de police et les accusant de mensonge ou de manipulation.

Une commission d'enquête reste un organe parlementaire : elle ne peut pas faire de reconstitutions – encore moins sans l'accord de sa rapporteure – ni viser à chercher des éléments susceptibles de nourrir une quelconque demande de révision ou procédure engagée à l'étranger. Elle n'est pas non plus une tribune politique ou un outil de communication. Hélas, la diffusion des auditions à la télévision et sur les réseaux sociaux a conduit à théâtraliser nos réunions aux dépens de la qualité des échanges. C'est pourquoi je propose de réviser l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires pour éviter que ces commissions d'enquête ne viennent à remettre en cause un jugement définitif et pour préciser les règles de publicité applicables aux auditions de simples témoins.

Ces conditions de travail, parfois difficiles, ne m'ont pas empêchée de mener ma tâche à bien, et je crois que nous avons su tirer le plus d'enseignements possible des informations que nous avons recueillies. Je vais procéder chronologiquement en parlant de l'intervention de la police, puis de la conduite de l'instruction, avant d'évoquer la question des expertises et de la déclaration d'irresponsabilité.

S'agissant de l'intervention de la police, mon rapport expose le déroulement des faits. Il faut mettre au crédit des policiers le fait qu'ils sont arrivés rapidement sur les lieux, qu'ils ont pu se placer vite derrière la porte de l'appartement de la famille Diarra et qu'ils ont sécurisé le bâtiment. Ils ont manifestement mis en œuvre la doctrine applicable en matière de séquestration – puisque c'était le motif de leur intervention –, qui consiste à stabiliser la situation, à attendre des renforts et à n'intervenir qu'en cas de nécessité. Il s'agissait de policiers expérimentés intervenant dans un contexte difficile à deux titres. D'une part, nous étions dans une période de très haute menace terroriste, et le fait que M. Traoré profère des incantations en arabe appelait la plus grande vigilance dans l'intervention. Il a été beaucoup répété que M. Traoré n'était pas armé mais rien ne permettait de savoir, par exemple, s'il avait une ceinture d'explosifs qui aurait pu faire une dizaine de victimes. D'autre part, les policiers n'avaient absolument pas connaissance des lieux, dont nous avons pu voir sur place qu'ils étaient complexes – les deux immeubles adjacents ne communiquent que par les balcons. Cela étant, le constat est terrible puisque, alors qu'une dizaine de policiers étaient sur les lieux, le meurtre de Sarah Halimi n'a pas pu être évité.

Je tire quatre enseignements de nos auditions.

Premièrement, la police s'est trouvée dans l'incapacité de lier les différents appels d'urgence reçus pour informer les policiers sur place du déroulement des faits.

Deuxièmement, le bâtiment n'a pas été suffisamment sécurisé, puisque personne n'avait été placé dans la cour alors même qu'on pouvait y entendre du bruit.

Troisièmement, les policiers ne sont pas intervenus pour prodiguer les premiers soins à la victime après sa chute, attendant une dizaine de minutes pour que les pompiers arrivent et procèdent aux tentatives de réanimation.

Quatrièmement, il m'apparaît surprenant qu'une intervention se soldant par un tel échec n'ait fait l'objet d'aucune investigation de la part de la hiérarchie policière.

Je ne souhaite pas désigner des coupables. Même si des choix réalisés dans l'urgence et la confusion se sont révélés des erreurs a posteriori, il est impossible de refaire l'histoire cinq ans plus tard. Compte tenu de la rapidité du déroulement des faits, il est peu probable que Mme Halimi aurait pu être sauvée.

Cette affaire nous donne toutefois l'occasion d'insister sur quelques réformes nécessaires. Certaines ont déjà été engagées par le Gouvernement – je pense notamment au fait de doter les services de police et de secours de badges d'accès universels aux immeubles, ou encore à l'amélioration de l'équipement radio des policiers. Il me semblerait également utile de préciser la doctrine à suivre dans les affaires de séquestration, s'agissant de l'exigence de sécurisation des lieux et de l'assouplissement du critère de nécessité d'intervenir. En outre, il conviendrait de renforcer la formation des policiers aux premiers secours lorsqu'ils doivent attendre l'arrivée des pompiers ou du SAMU.

J'en viens à l'enquête et à l'instruction judiciaires. Le premier constat est simple : il n'y a pas eu de violation du code de procédure pénale. Les règles ont été respectées. D'ailleurs, toutes les décisions de la juge d'instruction ont été confirmées en appel, devant la chambre de l'instruction, puis en cassation. Par ailleurs, François Molins et Jean-François Ricard nous ont clairement expliqué pourquoi il n'était pas possible de qualifier les faits d'acte terroriste, au regard des critères habituellement retenus. Cette rigueur dans l'application des règles est nécessaire car la forme lie le fond. S'agissant de la reconnaissance du caractère antisémite des faits, la procédure a effectivement été ralentie par l'impossibilité d'entendre M. Traoré pour des raisons médicales, mais si ce dernier avait été entendu malgré tout, la chambre de l'instruction aurait invalidé sa mise en examen et toute la procédure aurait dû repartir de zéro.

En revanche, il est vrai que le code de procédure pénale laisse aux juges d'instruction une marge d'appréciation dans l'exercice de leur office et que, dans cette affaire, il apparaît que la juge a généralement choisi de faire les actes d'instruction « a minima » en refusant la reconstitution, en n'insistant pas sur l'exploitation du téléphone et en refusant d'échanger avec certains avocats. J'ai voulu démontrer, dans mon rapport, que la justice a donné le sentiment qu'elle s'était désintéressée de ce drame, notamment en raison des troubles psychiatriques du mis en cause. Même si cela n'a rien changé à la décision finale, l'opinion publique a été choquée de la manière dont cette affaire a été instruite. Nous devons le prendre en compte, non seulement en expliquant que l'État de droit impose des règles précises, mais aussi en formulant des pistes d'amélioration, sans remettre en cause la qualité du travail des magistrats, lesquels sont bien souvent submergés de dossiers.

Du point de vue des recommandations, les auditions ont mis en évidence des interprétations différentes de l'article 80 du code de procédure pénale qui définit le rôle du juge d'instruction. Il semble donc utile de préciser la marge dont dispose le juge d'instruction pour retenir des circonstances aggravantes dès la première mise en examen et ainsi éviter de perdre du temps en devant ressaisir le parquet – notamment dans le cas où la personne ne peut être auditionnée.

Je voudrais également proposer, comme l'a suggéré le garde des sceaux, de formaliser la possibilité pour les parties et leur conseil de demander un entretien avec le juge d'instruction afin d'échanger sur les actes d'instruction en cours : cela atténuerait le sentiment de se faire imposer des décisions sans explication.

Enfin, il serait intéressant que la chancellerie, peut-être avec l'appui d'une mission parlementaire, élabore une nouvelle circulaire sur la place des victimes dans le procès pénal, notamment au stade de l'enquête et de l'instruction. Même si beaucoup a été fait, notamment pour formaliser l'audience devant la chambre de l'instruction, dans ce type d'affaire, qui aboutit à une absence de procès, la justice doit faire preuve d'une empathie et d'une capacité d'écoute particulière envers les parties civiles.

Concernant la déclaration d'irresponsabilité pénale, le rapport revient naturellement sur les expertises psychiatriques et leur importance dans cette affaire si sensible. Il m'a paru important de rappeler que, dans ce dossier, toutes les expertises psychiatriques prévues par la loi avaient été réalisées.

Dans le rapport, j'insiste sur le fait que M. Traoré a été considéré immédiatement comme en proie à un délire et dans un état incompatible avec la garde à vue par le docteur Joachim Müllner à l'Hôtel-Dieu, qu'il a été examiné ensuite à l'Institut psychiatrique de la préfecture de police puis par plusieurs médecins dans le premier hôpital où il a été placé avant d'être transféré à l'hôpital de Villejuif en unité pour malades difficiles (UMD). Son placement, à la demande du préfet, en hospitalisation complète dans un premier hôpital psychiatrique apparaît donc tout à fait régulier. Il y a eu un consensus sur le diagnostic médical dès ce stade. L'état de santé de M. Traoré n'était ni compatible avec la garde à vue ni avec un premier interrogatoire par les juges d'instruction. Je me suis efforcée de décrire la procédure qui doit être suivie lorsque, au cours d'une garde à vue, une personne apparaît comme dangereuse pour autrui et pour elle-même et j'ai rappelé les étapes qui conduisent quelqu'un à être hospitalisé sans son consentement.

Il est apparu à la suite de l'audition du docteur Joachim Müllner et de deux des psychiatres qui ont examiné M. Traoré au cours de l'instruction que la multiplication des examens médicaux réalisés par des psychiatres permet d'aboutir à un diagnostic partagé. Cela réduit le risque d'erreur et constitue une garantie, aussi bien pour le patient que pour la puissance publique qui doit ordonner l'hospitalisation.

La réalisation de plusieurs expertises au cours de l'instruction a suscité des débats. Il faut comprendre que la demande d'une seule expertise, dans un tel dossier, aurait été vivement contestée. Théoriquement, une expertise suffit pour qu'un juge d'instruction demande l'application de l'article 122-1 du code pénal mais il est courant que plusieurs soient réalisées. Par ailleurs, les parties civiles peuvent demander une contre-expertise. Il ne m'a donc pas paru possible de dire que la réalisation de trois expertises dans un délai d'un peu plus d'un an témoignait d'un problème dans le fonctionnement de la juridiction.

Dans ce dossier, la première expertise réalisée par le docteur Daniel Zagury présentait une conclusion contradictoire avec le diagnostic. Le diagnostic médical d'une bouffée délirante aiguë étant établi, l'abolition du discernement était certaine. Le docteur a ensuite conclu qu'il était possible de considérer le discernement comme seulement altéré et non aboli. Cette conclusion rendait M. Traoré éventuellement accessible à une sanction pénale dans la mesure où le meurtrier ne pouvait être dans l'ignorance totale des effets du cannabis.

Ce n'est pas la raison principale qui a poussé la juge d'instruction à demander une deuxième expertise à un collège d'experts comprenant le docteur Paul Bensussan. Cette deuxième expertise a été demandée à la suite du deuxième interrogatoire de M. Traoré, la juge s'interrogeant sur l'évolution de son état de santé. La troisième expertise, quant à elle, a été ordonnée à la suite d'une demande des parties civiles.

En ce qui concerne la procédure ayant conduit à la déclaration d'irresponsabilité pénale devant la chambre de l'instruction, la procédure s'est déroulée conformément aux règles prévues par la loi du 25 février 2008. L'audience devant la chambre de l'instruction a permis aux avocats mais également aux psychiatres de s'exprimer. Les parties civiles étaient conviées en personne ; seuls leurs conseils s'y sont rendus. Il y a eu un débat sur les trois expertises, à la fois sur la base des conclusions rendues mais également à la suite de l'expression des médecins à l'audience. Le diagnostic médical porté par les sept psychiatres qui ont examiné M. Traoré a été unanime. Il est important de le rappeler.

La chambre de l'instruction a appliqué une jurisprudence constante en matière d'irresponsabilité pénale et s'est fondée sur les conclusions convergentes de deux des trois expertises, qui concluaient à une abolition totale du discernement. La Cour de cassation a validé l'ensemble de la procédure devant la chambre de l'instruction et n'a pas contesté l'application du droit par celle-ci. Comme l'a rappelé le procureur général François Molins, la reconnaissance de l'irresponsabilité pénale prime sur d'autres considérations. Ainsi, la Cour de cassation a déjà estimé qu'une personne souffrant de schizophrénie pouvait être déclarée pénalement irresponsable même s'il était établi qu'elle avait prémédité une agression.

Dans le rapport, je souligne que les juges d'instruction, comme les juges dans les formations de jugement, ne sont pas tenus par les conclusions des experts. C'est ce qu'ont rappelé les magistrats que nous avons auditionnés et ce que prévoit le code de procédure pénale. Néanmoins, les expertises, notamment en matière médicale, permettent d'éclairer l'instruction et aident les juges à forger leur opinion.

Sur ce sujet, le rapport contient trois recommandations. La première prévoit l'information des médecins qui examinent des personnes gardées à vue pour savoir si leur état est compatible avec la mesure : je souhaiterais que leur soient communiqués les procès-verbaux de garde à vue afin qu'ils aient une idée, même sommaire, des raisons pour lesquelles la personne a été appréhendée et puissent ainsi mener un examen plus précis.

La deuxième vise à autoriser les juges des libertés et de la détention, les préfets et les psychiatres qui doivent statuer sur le maintien de la mesure d'hospitalisation sans consentement à se voir communiquer le résultat des expertises réalisées lors de la procédure judiciaire, jusqu'à ce que la juridiction qui a statué sur l'irresponsabilité pénale ait été dessaisie.

La troisième concerne la levée de la mesure d'hospitalisation d'office : je souhaiterais que soit prévue la saisine du procureur de la République territorialement compétent lorsque le préfet met fin à la mesure d'hospitalisation sous contrainte d'une personne déclarée irresponsable par la justice. Le procureur pourrait alors demander une expertise psychiatrique complémentaire et saisir le juge des libertés et de la détention afin qu'il statue par ordonnance sur le maintien ou la main levée de la mesure.

La difficulté identifiée par la commission est qu'une déclaration d'irresponsabilité pénale fait passer la personne mise en cause de l'institution judiciaire à l'institution médicale. Le lien entre la juridiction d'instruction ou de jugement et les établissements d'accueil semble alors difficile à maintenir car ils sont dans des temporalités différentes. Il m'a semblé néanmoins important de rappeler que la mission première des établissements accueillant des malades souffrant de troubles psychiatriques est de les soigner et qu'il existe un contrôle administratif et judiciaire de la mesure d'hospitalisation sans consentement. C'est le lien entre ces deux démarches que je souhaite voir amélioré.

Un dernier mot : les experts en psychiatrie sont de moins en moins nombreux sur les listes auprès des cours d'appel et les expertises demandées sont à la fois chronophages et mal rémunérées. Des recommandations sur ce sujet beaucoup plus général excéderaient le champ de notre commission mais nous ne pouvons qu'espérer qu'un plus grand nombre de psychiatres puissent être sollicités et que leurs expertises soient mieux rémunérées.

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J'ai participé à plusieurs commissions d'enquête parlementaires, mais je n'ai jamais vécu une telle expérience, observé une telle tension, assisté à de telles mises en cause. Je tiens à le dire en introduction : je trouve affligeant que, sur une affaire aussi sensible, alors que nous avons été mandatés par l'Assemblée nationale pour faire la lumière sur d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police, le rapport qu'il nous est demandé d'adopter commence par expliquer qu'il faut réformer les commissions d'enquête !

Sur le fond, madame la rapporteure, la première partie consacrée à l'intervention de la police est surréaliste. Comment pouvez-vous omettre d'évoquer des éléments aussi graves que les appels des témoins à la police, qui disaient que Mme Halimi était en train de se faire tuer, ou la déposition, sous serment, de la policière qui se trouvait sur place, ainsi que son audition par la commission d'enquête ? Ces éléments ne figurent pas dans la chronologie des faits, p. 12 du rapport. Nous sommes pourtant là au cœur de ce que je considère comme un dysfonctionnement majeur de la police. Pourquoi les occulter ?

Les premiers policiers arrivés sur les lieux ont entendu les cris. La policière, qui se trouvait derrière la porte de l'appartement de la famille Diarra a entendu les cris ; elle est descendue dans la rue Vaucouleurs et a demandé à ses collègues s'ils avaient entendu des cris ; ceux-ci lui ont dit qu'ils avaient bien entendu des cris mais qu'ils provenaient de l'autre immeuble ; elle leur a répondu que c'était impossible ; puis elle s'est rendue dans la cour et a entendu des bruits, comme si quelqu'un cassait des meubles. Elle précise, dans sa déposition, qu'elle est restée à couvert, et qu'une personne l'a interpellée en lui disant « il est en train de la tuer, appelez la police ! ». Elle explique ne pas avoir bien compris ce qu'on lui disait et qu'elle n'a donc rien fait.

Pourquoi cette policière n'est-elle pas intervenue, pourquoi n'est-elle pas sortie dans la cour ? Par peur, peut-être – on peut le comprendre. Il n'en reste pas moins que les policiers qui étaient sur place ont entendu les cris et qu'ils ne sont pas intervenus. C'est là que réside le principal dysfonctionnement. Or cela n'apparaît pas dans votre rapport.

Rédiger un rapport d'enquête parlementaire, madame la rapporteure, ne se limite pas à reprendre les déclarations du préfet Cadot.

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Il est normal que le préfet défende ses troupes, mais malgré tout le respect que j'ai pour lui, j'estime qu'il nous revient de dire que, malheureusement, ce n'est pas comme ça que ça s'est passé.

Mon sentiment est que les policiers ont compris qu'ils avaient fait une erreur lorsqu'ils ont découvert le corps de Mme Halimi ; ils ont alors élaboré une version policière selon laquelle ils n'avaient pas entendu les cris. Mais la policière a confirmé qu'elle avait entendu des cris et qu'elle avait cherché d'où ils provenaient. Je pense que cela aurait dû figurer dans le rapport ; la lecture de la partie consacrée à l'intervention de la police me met très mal à l'aise.

S'agissant de la partie consacrée à l'enquête et à l'instruction judiciaires, je considère que le contenu du rapport est conforme à la réalité, excepté sur un point.

La juge d'instruction a expliqué, sous serment, à la commission d'enquête, qu'elle ne pouvait pas retenir le caractère antisémite du crime car l'audition de M. Traoré n'était pas possible. Pourtant, quand elle l'a auditionné le 18 juillet, M. Traoré a expliqué que lorsqu'il est entré dans l'appartement de Mme Halimi, il est devenu fou en voyant la Torah et le chandelier, a pensé que c'était Satan et s'est mis à la frapper. Si ce n'est pas de l'antisémitisme, qu'est-ce donc ? Il aurait fallu écrire dans le rapport que la juge d'instruction a auditionné M. Traoré dès le mois de juillet et que, sur la base de ses déclarations concernant le chandelier et la Torah, elle pouvait le mettre en examen pour antisémitisme. Il faut expliquer que la juge d'instruction s'est trompée – volontairement ou non – et que, devant la commission, elle n'a pas donné le bon déroulement des faits. C'est fondamental.

Encore une fois, il y a, dans ce rapport, des omissions qui ne sont pas acceptables. Pourquoi ne voulez-vous pas parler des témoins qui disent avoir vu Mme Halimi se faire tuer sur le balcon ? Pourquoi ne parlez-vous pas de cette policière qui reconnaît avoir été interpellée par un de ces témoins ?

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Elle demande que son témoignage ne figure pas dans le rapport !

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Pour conclure, je veux vous donner mon sentiment : je ne crois pas qu'il y ait eu un dysfonctionnement de la justice. La justice a bien fait son travail, avec rigueur, mais sans humanité aucune. Sur une affaire aussi compliquée, un sujet aussi délicat et dramatique, il est choquant d'entendre la juge d'instruction ne parler que de code pénal, sans faire montre d'empathie envers la famille. Il ne s'agit pas d'un dysfonctionnement, mais d'une personne qui a fait son travail sans humanité. Elle a respecté le droit mais n'a pas été capable de se rendre sur place pour voir ce qui s'était passé. Je crois que si elle l'avait fait, elle aurait compris qu'il y avait eu préméditation. Elle a refusé de rencontrer la famille de la victime, les sentiments des uns et des autres ne la concernent pas, seul compte le code pénal. C'est effrayant, mais on n'ira pas, dans un rapport parlementaire, lui reprocher sa personnalité.

En revanche, je suis convaincu qu'il y a eu un dysfonctionnement chez les policiers. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Mais si nous ne le soulignons pas dans le rapport, alors nous n'aurons pas fait notre travail.

Les policiers se sont loupés à deux reprises. La première fois, on peut le comprendre : il était 4 heures du matin, ils ont mal compris ce qui se passait – c'est humain. Mais ensuite, lorsqu'ils ont réalisé leur erreur, ils ont imaginé un scénario et menti lors de la première audition en expliquant que s'ils n'étaient pas intervenus, c'est qu'ils n'avaient rien entendu. Depuis, ils sont tenus par ce mensonge.

Je vous fais part encore une fois de mon malaise vis-à-vis de la partie consacrée à l'intervention de la police. Elle ne me convient pas : ce que nous avons lu et entendu doit apparaître dans le rapport. Je n'ai rien à dire sur la partie judiciaire, hormis le fait qu'il faut préciser que l'audition du 18 juillet aurait dû déboucher sur une mise en examen pour antisémitisme.

Sur la forme, les recommandations concernant le fonctionnement d'une commission d'enquête doivent apparaître à la fin. Un rapport sur le fonctionnement des autorités judiciaires et policières ne peut pas commencer par la critique de notre propre fonctionnement ! D'autant que vos deux propositions, madame la rapporteure, consistent à empêcher les parlementaires de s'occuper de décisions de justice : la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau n'a-t-elle pas servi à quelque chose ? Les députés ont le droit d'aller voir si la justice française fonctionne bien, c'est même leur rôle, et je regrette que vous cherchiez à le limiter.

J'ajouterai un dernier point. Il convient de signaler dans le rapport l'attitude de la deuxième juge d'instruction, qui s'est permis de faire la leçon aux députés…

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…en sous-entendant qu'ils étaient débiles et incapables de comprendre un dossier d'enquête et de justice. Ce n'est pas admissible. Une juge d'instruction qui est convoquée par une commission d'enquête parlementaire n'a pas à qualifier le travail des parlementaires, elle est là pour répondre à leurs questions !

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Ce n'est que la deuxième commission d'enquête parlementaire à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, après celle sur les attaques à la préfecture de police de Paris, mais malgré ce peu d'expérience, je suis amère et marrie d'avoir vu nos travaux régulièrement entachés par des prises à partie. S'agissant d'une affaire aussi tragique, qui me fend le cœur à chaque fois que je l'évoque, j'aurais souhaité que nous nous montrions tous de bonne volonté, soucieux de comprendre et d'accepter autrui, malgré nos différences de tempérament et d'approche du travail parlementaire.

J'ai lu le rapport de A à Z, y compris l'introduction. Beaucoup des propositions vont dans le bon sens, je peux les faire miennes et le groupe Les Républicains peut s'y retrouver. Toutefois, nous avons été choqués de constater que les deux premières recommandations concernent la révision de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et ont pour objet de contraindre, ou de corseter, davantage le travail de la représentation nationale en matière de commissions d'enquête. Je sais ce que signifie la séparation des pouvoirs – nous avons d'ailleurs reçu ces dernières semaines beaucoup de leçons, par écrit et par oral, sur le respect strict de ce principe et l'autorité de la chose jugée. Mais est-il acceptable de faire figurer dans les premières pages du rapport des propositions qui visent, encore une fois, à embrigader des parlementaires disposant déjà de peu de latitude dans ce domaine ? Les députés du groupe Les Républicains, qui ont participé à ces travaux en faisant montre de disponibilité et de bonne volonté, ne le pensent pas.

Nous regrettons que la partie consacrée à l'intervention de la police et celles relatives à la justice ne soient pas traitées de la même façon ; c'est l'une des raisons pour lesquelles nous ne voterons pas en faveur du rapport.

La partie consacrée à l'intervention de la police contient des éléments intéressants. Certaines phrases, remarques, ou même adjectifs, ne sont pas employés par hasard mais je regrette que bien des passages ne soient pas suffisamment mis en lumière et que l'ensemble manque singulièrement de relief. Ainsi, le C de la première partie est intitulé « Un respect strict de la doctrine d'intervention ayant conduit à un échec de l'opération ». Le mot « échec » n'est pas anodin mais le constat semble s'évaporer dans le développement, dont le ton est nettement atténué. Vous écrivez en conclusion, madame la rapporteure, que vous avez été « surprise par l'absence d'investigation interne de la part de la police nationale » sur cette intervention, alors que c'est bien d'un dysfonctionnement majeur qu'il conviendrait de parler. Cette euphémisation des propos, qui semble procéder d'une stratégie peu claire, se trouve en décalage avec le ressenti des députés Les Républicains et engendre, il faut le dire, une frustration certaine.

De la même manière, dans la partie consacrée à la conduite de l'instruction et intitulée « Une surprenante absence d'exploitation du téléphone », vous détaillez les raisons pour lesquelles les téléphones trouvés au domicile de M. Kobili Traoré n'ont pas été saisis et vous concluez que « cette attitude a pu laisser penser à un manque d'investissement des enquêteurs dans la recherche de preuves ». Dont acte. Je partage votre surprise et j'estime que vous auriez dû qualifier cela de dysfonctionnement.

Si l'on ajoute à cela les difficultés de communication et de partage d'information entre les équipes contactées au 17 et au 18, on dresse un tableau qui permet à toute personne honnête de considérer, sans vouloir accabler ou incriminer les forces de l'ordre – dont je respecte infiniment le travail –, que de réels dysfonctionnements se sont produits. Nous aurions souhaité qu'ils soient franchement mis en avant.

Concernant la partie judiciaire et la conduite de l'instruction, le rapport évoque le choix des deux juges de ne pas procéder à une reconstitution, choix que vous qualifiez de contestable ; il l'est au plus haut degré et cela devrait être beaucoup plus mis en lumière. Un rapport de commission d'enquête peut contenir des messages visibles et assumés.

En revanche, vous ne parlez pas du tout du fait que les deux juges ne se sont pas déplacées sur les lieux. Or si l'on comprend – vous le détaillez dans le rapport et la juge Ihuellou nous l'avait dit – que la reconstitution soit une procédure longue, complexe et coûteuse, surtout quand le meurtrier est placé en unité spécialisée, un tel déplacement, en revanche, est beaucoup plus léger. Nous aurions dû écrire clairement que nous ne comprenons pas, et que nous considérons comme un dysfonctionnement, que les deux juges en cosaisine n'aient même pas eu l'idée d'envisager cette démarche.

Selon le procureur Molins – je le lui ai fait répéter à deux reprises quand nous l'avons interrogé –, dès lors qu'il y a cosaisine, c'est que l'affaire est « complexe et sensible », d'après ses propres termes. Comme il me l'avait dit, « nul besoin d'avoir fait de longues études » pour comprendre ce caractère immédiatement complexe et sensible. Voilà pourquoi, je le répète, le rapport devrait souligner de manière très claire et assumée que le fait que les deux juges n'aient même pas envisagé le déplacement est un réel et grave dysfonctionnement, un manquement.

Le rapport contient par ailleurs des développements juridiques très intéressants sur l'irresponsabilité pénale et ses implications, notamment en matière de préméditation, et sur la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, ainsi que sur la distinction, subtile pour les non-juristes mais tout à fait intéressante, entre l'imputabilité et la culpabilité. Mais ces passages masquent peut-être l'incapacité du rapport à mettre en avant de manière évidente et assumée le constat de dysfonctionnements graves, de manquements et de failles.

Le groupe Les Républicains formulera des propositions précises sur plusieurs sujets, y compris sur la reconstitution ou la possibilité pour les parties d'être entendues par un juge dans ce genre d'affaire, pour muscler la liste actuelle des préconisations.

Vu la présentation et la rédaction du rapport, vu la formulation et l'ordre même de ses douze propositions, nous ne nous y reconnaissons pas et nous ne pouvons donc pas le voter.

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J'ai éprouvé un grand intérêt à suivre les travaux de cette commission d'enquête, la première dont je fasse partie. Je remercie les rapporteurs et le président, même si – je veux le dire en face à notre ami Meyer Habib – j'ai été quelquefois gêné de ses prises de position et du fait qu'il m'a donné l'impression d'avoir très envie de démontrer certaines thèses.

Le rapport est-il une proposition ou est-ce une version à laquelle on ne peut plus toucher ?

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Chacun pourra apporter sa contribution, mais il sera voté tel qu'il est aujourd'hui.

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D'accord.

Je ne suis pas ici en tant que député La République en marche ; je n'ai pas eu de consigne ; j'ai tout de suite accepté, sans rien demander à mon groupe, de signer la demande de création de la commission d'enquête.

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Oui, vous êtes l'un des trois députés La République en marche à l'avoir cosignée ; cinq ou six ont signé, puis retiré leur signature.

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Je me suis immédiatement engagé car cela me semblait important. Je ne représente pas mon groupe, à la différence de ma collègue Constance Le Grip, et il n'y aura pas de consigne de vote – y en aurait-il une que je m'en affranchirais. Ce rapport, en effet, n'est pas politique.

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Je faisais référence à votre propos concernant le groupe Les Républicains. Je ne sais pas si vous avez une consigne de vote…

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Je suis par ailleurs assez d'accord avec ce qu'a notamment dit François Pupponi : peut-être faudrait-il renvoyer en fin de liste les éléments proposés au début et éviter de corseter le Parlement.

Nous en avons discuté : j'étais fermement opposé à l'idée d'aller rencontrer le meurtrier et même à celle de se rendre sur place, car c'était une manière de refaire l'enquête. Toutefois, l'intervention de François Pupponi, essentiellement fondée sur les témoignages des policiers, était intéressante, et peut-être pourrait-on être plus interrogatif quant aux modalités de l'intervention policière.

Pour le reste, je suis plutôt d'accord avec le travail qui nous est présenté. À titre personnel, s'il était possible d'y apporter ces modifications, je voterais le rapport des deux mains.

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C'était pour moi aussi la première commission d'enquête et j'ai trouvé l'exercice vraiment intéressant.

Je ne pensais pas prendre la parole, mais j'aimerais rappeler le cadre de notre discussion : il s'agit du vote d'un rapport. Les prises de position de François Pupponi ou de Constance Le Grip sont très intéressantes et, sur certains points, nous pouvons nous rejoindre. Mais ces interventions critiques, en posant la question de savoir s'il faut voter ou non le rapport, pourraient faire que nous sortions de cette commission d'enquête, dont il a justement été rappelé qu'elle n'avait pas toujours été facile à mener, sans produire de rapport, et on nous en fait en quelque sorte porter la responsabilité.

Vous avez décidé de créer cette commission d'enquête ; c'est une très bonne chose. Mais la façon dont elle a fonctionné, les difficultés concernant certaines auditions doivent nous inviter à tous nous demander ce qui n'a pas marché et à prendre chacun notre part de responsabilité. On nous charge en permanence, alors que nous avons participé aux travaux de bonne volonté – j'ai assisté à beaucoup d'auditions qui m'ont passionné.

Il me semble important que la commission d'enquête se conclue par un rapport. Il faut donc que nous votions le rapport, quitte à l'amender ensuite – car ce qu'ont dit François Pupponi, Constance Le Grip et Richard Lioger est intéressant. Cela fait partie de la richesse de nos travaux. Il n'y a pas de consigne de groupe : on ne vient pas comme député La République en marche, mais parce que l'on a envie d'apporter sa contribution. Le pire serait de sortir d'une commission d'enquête qui a connu des dysfonctionnements et a été compliquée à vivre sans, en plus, avoir voté de rapport.

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J'ai intégré cette commission d'enquête en ayant en tête les faits tels qu'ils avaient pu nous être rapportés, dont nous avions pu lire le récit, et l'effroi qu'ils avaient évidemment suscité en chacun de nous ; mais aussi en essayant, ce qui n'est pas facile dans ce genre de cas, de n'avoir aucun a priori sur ce qui s'était passé et de le comprendre, notamment grâce aux nombreuses auditions conduites.

J'entends les remarques de Constance Le Grip sur les mots choisis dans le rapport et sur le fait que celui-ci pourrait être plus clair ou plus virulent concernant ce que nous avons ressenti lors de certaines auditions. Toutefois, je partage le point de vue de Sylvain Maillard : nous avons besoin de sortir de cette commission d'enquête avec un rapport voté, pour montrer le travail que nous avons accompli, les nombreuses auditions qui ont été menées, pour rendre public ce que les témoins auditionnés nous ont dit et pour formuler des préconisations qui me paraissent importantes vu ce que nous avons constaté.

Je n'ai malheureusement pas pu participer à l'ensemble des auditions. Je n'arrive pas à déterminer clairement s'il y a une responsabilité, où elle se situe, et si le meurtre de Sarah Halimi aurait pu être évité. Je comprends la réserve de la rapporteure, notamment vis-à-vis d'éventuels dysfonctionnements de la police. Je me rappelle l'audition du brigadier, celle du préfet de police, le contexte de l'époque, notamment le risque d'attentats. Concernant la manière dont les forces de l'ordre sont intervenues et la chronologie des faits, nul ici ne pourrait ni ne saurait dire que, si l'intervention s'était déroulée autrement, l'issue aurait pu être différente. On ne peut pas l'affirmer au terme des travaux de la commission d'enquête, car on ne le sait pas !

On peut noter certains faits, s'en étonner, comme l'absence de reconstitution et de déplacement sur les lieux, qui concerne d'éventuels dysfonctionnements judiciaires ; il n'en va pas de même s'agissant de l'intervention policière. Car si on dit cela, on pourra également le dire à propos de bien d'autres affaires et on remet en cause l'engagement de nos forces de l'ordre en général. Cher collègue Pupponi, si vous pensez sincèrement que les policiers ont menti…

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…alors faites un signalement article 40.

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Chacun est libre de le faire en tant que parlementaire.

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Je ne sais pas qui est « on », mais si certains députés ici présents pensent que des policiers qui parlaient sous serment ont délibérément menti ils sont libres de le faire, eux qui soutiennent nos forces de l'ordre au quotidien.

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J'ai bien un cas de conscience à ce sujet.

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Pour ma part, je ne le ferai pas, parce que je n'en ai pas la conviction.

J'ai été très frappée par l'audition du brigadier. Il a essayé d'être le plus honnête possible, il était sincèrement très affecté par ce qui s'est passé. Il nous a dit qu'en vérité, compte tenu du déroulement des faits et des modalités de son intervention, ce n'est pas dans l'affaire Sarah Halimi qu'il est intervenu, mais dans l'affaire Diarra. C'est à partir de ce témoignage que j'ai compris, ce que la lecture des faits ne m'avait pas permis jusque-là, qu'il y avait en fait deux affaires distinctes et que cela a rendu toute collaboration impossible. Peut-être – je ne suis pas policière – faut-il donc améliorer la façon dont les choses fonctionnent. Mais je ne voterais pas un rapport qui affirmerait que le dysfonctionnement est volontaire de la part des policiers ou que ces derniers ont menti.

Je le répète, sortir de cette commission d'enquête sans voter de rapport me paraîtrait une erreur pour nous tous. Nous devons montrer que la commission d'enquête a eu lieu, même si l'on a pu parfois regretter le climat ou le déroulement de ses travaux, et qu'elle débouche sur des préconisations. Chacun de nous est libre – non tenu par son groupe – d'ajouter des recommandations – je crois que nous avons jusqu'à lundi pour le faire –, voire, si vous considérez, monsieur Pupponi, que cela relève de l'article 40 du code de procédure pénale, d'aller plus loin.

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Nous avons le droit, individuellement ou en tant que groupe, d'ajouter une contribution.

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Avant de redonner la parole à ceux qui me l'ont demandée, j'aimerais revenir sur quelques points précis du rapport.

On lit page 24 : « Aux yeux de votre rapporteure, cette opération ne présente pas de dysfonctionnement des services de police. » Pour moi, cette seule phrase est absolument dramatique. Elle veut tout dire. C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne voterai pas ce rapport.

Page 21, on lit la citation suivante : « à 4 heures 35, le brigadier-chef de la BAC s'est rendu dans la cour », etc. Ce dossier, je le connais par cœur. Une femme a apporté un témoignage dont je veux absolument qu'il figure dans le rapport, le cas échéant en n'indiquant son nom que par des initiales ou même en le supprimant complètement. Le témoignage des témoins doit être dans le rapport. Si on ne l'y met pas, c'est dans le but de masquer.

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C'est moi qui parle ! On ne vous a pas interrompue !

(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

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Vous n'avez pas à donner de leçons, madame Bergé. Vous êtes venue à une réunion sur quatre ! Ne me dites pas d'être calme : chacun parle comme il a envie de parler, avec son style !

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On s'en occupe. Vous ne perdez jamais le nord, on l'a vu à votre parcours politique !

On sait qu'à 4 heures 37 cette femme a passé un appel. Elle nous a raconté qu'elle s'est levée, qu'elle entendait des cris, qu'elle a cherché ses lunettes, couru dans la maison. Cela prend au moins deux minutes. Elle a été réveillée par le hurlement. Donc comment quelqu'un peut-il dire qu'il était dans la cour à 4 heures 35 et n'a rien entendu ?

Mes chers collègues, je veux que l'on dépassionne les choses. (Rires sur les bancs du groupe LaREM.) Je sais, c'est peut-être mon défaut, cette passion que j'ai au fond de moi ; elle m'a servi et desservi au cours de ma vie ; elle est telle qu'elle est.

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Essaie juste de ne pas mettre en cause les gens !

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Je ne mets personne en cause. On me dit « du calme » ; je n'ai pas à recevoir de leçons. J'essaie de dépassionner le débat, même si c'est difficile pour moi. Rendez-vous sur la tombe de Mme Halimi, vous comprendrez !

J'aimerais revenir à des faits précis. À 4 heures 35, le brigadier-chef s'est rendu dans la cour et dit n'avoir rien constaté sur les balcons. C'est un mensonge sous serment. Parce qu'à 4 heures 37 il y a eu quatre appels d'un témoin qui raconte qu'elle s'est réveillée en entendant des hurlements de femme. Elle nous l'a dit. Avez-vous assisté à son audition, madame Bergé ?

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Alors pourquoi dites-vous « non » ? Il fallait être là, vous auriez entendu !

Je réponds à Richard Lioger concernant l'audition de Traoré. Didier Paris voulait la faire, moi aussi, la nouvelle rapporteure aussi. Nous ne l'avons finalement pas faite, mais j'en parle très peu, y compris dans la lettre que je vous ai envoyée, car, au fond de moi, je me dis que ce n'était peut-être pas si important que cela et que c'était très problématique. J'ai moi-même certains doutes, peut-être – c'est compliqué. Mais, je vous le répète, quand la policière musulmane, sa voisine, qui le connaît depuis des dizaines d'années, nous dit que Traoré n'est pas malade, qu'il sort, qu'il vient très régulièrement fanfaronner avec son équipe de trafiquants de drogue, ça me pose un problème.

Pourquoi ai-je appelé Sylvain Maillard pour qu'il vienne sur place ? Je sais que tu es un garçon foncièrement honnête, Sylvain, doué d'une empathie particulière – tu présides le groupe d'études sur l'antisémitisme au sein de cette assemblée. Si je t'ai appelé, c'était pour lever tout doute. Mais quatre des membres de la commission, ici présents, les deux policiers qui m'accompagnaient – mes officiers de sécurité –, les deux journalistes qui étaient là, mes deux collaborateurs parlementaires et l'expert judiciaire auprès du tribunal de Chambéry – dont je demande à nouveau que l'expertise soit versée au rapport – ont constaté qu'il était impossible, y compris derrière la porte des Diarra, de ne pas entendre ne serait-ce qu'un seul cri. Il aurait fallu que vous soyez là. Nous avons filmé notre simulation, et l'enregistrement sera diffusé, mais ce n'est pas la même chose que de l'entendre directement. Je l'ai avec moi, je peux vous le faire écouter ! Soit on veut la vérité, soit on ne la veut pas ! Il y avait neuf policiers sur place cette nuit-là ; un seul cri s'entend, et la victime a hurlé pendant douze à quatorze minutes ! Dans la cour, tout est amplifié. D'ailleurs, dans l'enregistrement réalisé par le deuxième témoin, à partir de 4 heures 45, on entend tout. On ne pouvait pas ne pas entendre les hurlements d'une femme battue à mort !

Il y a donc bien eu mensonge sous serment, comme le disait François Pupponi, puisqu'il est dit que personne n'a entendu une femme. La policière nous a confié avoir subi des pressions énormes de sa hiérarchie pour ne pas venir témoigner devant notre commission d'enquête. Tous les policiers ont été briefés avant de venir. Je vous rappelle cette phrase : « Mes collègues vont vous dire qu'il s'agissait d'une voix d'homme, mais c'était une voix de femme. » Ce policier honnête a entendu une voix de femme. Il n'était pas possible de ne pas l'entendre, mais ils se sont dit ensuite qu'ils allaient prétendre ne pas l'avoir entendue, car, sinon, il y aurait non-assistance à personne en danger. C'est grave !

Veut-on le cacher ? Alors on va le faire, mais, un jour ou l'autre, la vérité sortira. Tout n'est pas terminé. Nous aurons arrêté, mais la famille non. Je veux la vérité ! Je sais, Richard, ma passion, qui m'accompagne dans tous les aspects de ma vie, sert parfois, mais peut desservir ; je m'en excuse.

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Tu n'as pas à t'en excuser, mais c'est toi, ta cause que cela pourrait desservir !

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Mais j'essaie d'être honnête. Je suis comme je suis. Personne n'est parfait !

J'ai eu la chance d'être réélu, à contre-courant, et d'avoir participé à neuf commissions d'enquête depuis que je siège dans cette assemblée, dont les plus tragiques, sur le Bataclan et sur l'Hyper Cacher. Je sais comment tout cela fonctionne, et je suis triste, car jamais une commission d'enquête n'a procédé à aussi peu d'auditions que la nôtre. Il est vrai que nous n'avons commencé que mi-septembre, puis qu'il y a eu les vacances. Dans un premier temps, je n'ai eu aucun mal à faire procéder aux auditions : j'ai fait une première liste, la rapporteure a tout validé. Ensuite, on n'y est plus arrivés. Pourquoi ? Je ne le sais pas. J'ai demandé que l'on entende la juge cosaisie ; cela me paraissait indispensable. Je voulais surtout réentendre les témoins, mais la police ne nous aide pas, car elle ne veut pas que nous les entendions. D'où cela vient-il ? J'ai posé la question à la policière : elle m'a dit que cela ne venait pas du commissariat, mais de plus haut.

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Parce qu'elle avait peur ! Elle m'a téléphoné pour me le dire après. Elle a appelé son médecin, qui m'a contacté pour me prévenir qu'elle cherchait à me parler. Vous croyez que je mens ? Je vous dis la vérité ! Peut-être certains ne veulent-ils pas l'entendre !

J'ai appelé Sylvain Maillard, membre du bureau, pour qu'il vienne, j'ai demandé la même chose à la rapporteure et à tous les membres du bureau, parce que je voulais en avoir le cœur net. Non pas pour procéder à une reconstitution – je n'ai jamais prononcé ce mot –, simplement pour savoir si on pouvait ne pas entendre les cris d'une femme battue à mort, que les témoins ont entendus. Or on ne le pouvait pas. Donc, je le répète, les policiers qui nous ont dit ne pas avoir entendu des cris de femme pendant toutes ces minutes ont menti sous serment. « Malgré des affirmations répétées », écrit la rapporteure page 23, « rien ne démontre que les forces de l'ordre […] ont menti sous serment devant la commission ». Mais quelqu'un qui dit ne pas avoir entendu ces cris – sans savoir qui en était l'auteur – ment sous serment.

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Je le mentionnerai dans ma contribution, sachant qu'à titre personnel, je ne voterai pas le rapport.

Il nous aurait fallu un ou deux mois de plus pour peaufiner notre travail, pour réentendre le fameux témoin qui habite l'immeuble – est-ce que je vous en ai parlé ?

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Alors ce sera la vingt et unième ! Nous n'avons entendu ni Traoré ni aucun de ses proches – ni ses sœurs, ni sa mère, ni ses trois amis. Est-ce que, oui ou non, cela aurait permis de savoir s'il y a eu des dysfonctionnements ? Oui ! On est en plein dans le sujet !

La rapporteure m'a dit des choses lorsque nous nous sommes vus pour la première fois, en tête à tête ; elle dit aujourd'hui exactement l'inverse. Elle a le droit de changer d'avis, elle a tous les droits ; chacun est dans son rôle, je ne juge pas. Je veux simplement la vérité. On ne peut pas cacher la vérité.

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Je n'ai rien à dire sur la deuxième partie du rapport, plutôt bien. Mais le rappel des faits, dans la première partie, me gêne. Page 12, on peut lire « 3 heures 30 : M. Traoré quitte l'appartement (…). 4 heures 22 : premier appel à police secours d'une des filles de la famille Diarra (…). Entre 4 heures 25 à 4 heures 30 : arrivée du premier équipage de la BAC (…). Entre 4 heures 30 et 4 heures 35 : M. Traoré passe par le balcon (…). Entre 4 heures 40 et 4 heures 45 : défenestration de Mme Halimi (…). »

Mais vous n'évoquez pas dans ce rappel des faits les appels à police secours pour signaler que Mme Halimi est sur le balcon.

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Mais ce n'est pas dans le rappel des faits page 12. C'est surréaliste car c'est fondamental dans la chronologie des faits. Dans un « rappel des faits », on n'oublie pas des faits aussi importants ! En outre, page 22, vous citez la policière tout en modifiant les termes du procès-verbal (PV) de son audition. Ce n'est pas admissible.

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Vous lui faites dire « Quand je suis redescendue au rez-de-chaussée, j'ai entendu de gros bruits, mais je n'arrivais pas à comprendre leur origine », alors qu'elle déclare « à mon arrivée au troisième étage, derrière la porte des Diarra, j'ai perçu du bruit, comme des cris, du remue-ménage, que je ne peux identifier sur le moment, mais ce vacarme provenait d'assez loin. Une chose est sûre, ce n'était pas derrière la porte . ». Vous ne le mettez pas dans le rapport ! Elle poursuit : « je redescendais pour tenter de voir d'où provenaient les bruits en question ». Elle continue : « je suis donc redescendue et je me suis rendue côté cour. J'ai demandé aux collègues en tenue s'ils avaient entendu les bruits et accessoirement les cris. Ils m'ont répondu que oui, mais que pour eux cela ne pouvait provenir que de la rue parallèle et donc pas de l'appartement des Diarra. Puisque moi je les avais entendus de l'intérieur de l'immeuble et eux à l'extérieur, cela ne pouvait venir que de cet immeuble. Je suis entrée dans le hall du 26 rue de Vaucouleurs. J'ai vu une porte menant sur l'extérieur. J'y suis allée. J'ai constaté qu'il s'agissait d'une cour-jardin intérieure. Je me suis tout de suite rendu compte que les cris et les bruits que j'avais entendus auparavant provenaient de ce côté de l'immeuble »). Cette policière entend les cris de Mme Halimi, elle le reconnaît et on ne le met pas dans le rapport. Reprenez l'audition et relisez !

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La policière n'entend pas que du bruit, elle entend aussi des cris, et vous ne le mettez pas ! Reprenez au moins sa déclaration in extenso ! Dans le PV, la policière déclare entendre des cris. Elle dit même : « un témoin en face me dit : ʺ appelez la police, appelez la police ʺ parce qu'il voit ce qui se passe et je n'ai pas voulu aller dans la cour voir ce qui se passait ». C'est là le dysfonctionnement.

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Vous pouvez comprendre que j'ai entendu des gens sous serment ?

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Ce qui est certain, c'est qu'ils ont été briefés !

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Pourquoi oublier l'audition devant la police judiciaire, où tout est dit ?

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Si tout est dit, pourquoi cette commission d'enquête ?

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Parce qu'on a découvert qu'ils avaient entendu des cris et ne sont pas intervenus.

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Je vous répète ce qu'a dit Aurore Bergé : si vous pensez qu'il y a eu dysfonctionnement, signalez-le !

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On sait qu'il y a eu dysfonctionnement. Est-ce pour ne pas faire de peine aux policiers qu'on ne dit rien ? Peut-on au moins ajouter au rapport que les policiers ont entendu des cris ?

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Je vous remercie pour cette restitution. J'ai un sentiment d'inachèvement et l'impression que le calendrier des auditions a accéléré sur la fin car il fallait rendre un rapport.

J'ai lu attentivement et annoté l'exemplaire du rapport dont je dispose. La procédure pénale et le code pénal ont bien été respectés. Mais, madame la rapporteure, je ne retrouve dans vos propositions ni votre analyse, ni vos interrogations. Ainsi, page 24, vous ne tirez pas les conclusions de l'insuffisance de communication sur le terrain, puisque la police intervient initialement pour une séquestration, puis prend conscience qu'il s'agit d'autre chose. Au-delà de la peur du voisinage, on a l'impression d'une sidération des forces de l'ordre qui a conduit à une perte de chance pour Mme Halimi. J'aurais souhaité que nous fassions des propositions en la matière, notamment au regard de tous les outils communicationnels à disposition des forces de l'ordre.

En outre, vous êtes « surprise par l'absence d'investigation interne de la part de la police nationale » mais vous ne faites pas non plus de proposition, d'où mon sentiment d'inachèvement. Est-ce lié à votre conviction, qui l'a emportée sur une logique d'objectivation de l'enquête ? Ou est-ce par volonté d'évitement ? S'il y a eu des dysfonctionnements, ce n'est pas faire injure à nos forces de l'ordre que de les souligner.

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Il s'agit de respecter une mémoire et la douleur de la famille, tout en évitant que de tels faits ne se répètent.

Pourquoi parler d'erreurs manifestes dans le rapport, et non de négligence ? Pourquoi ne pas répondre à cette question : y a-t-il eu négligence quand on reprend les faits a posteriori ?

Vous rappelez que Mme Halimi a été « frappée à mort puis défenestrée ». J'aurais été plus prudent car on ne sait pas si elle était morte quand elle a été défenestrée.

Je suis surpris que votre première proposition vise à réduire nos prérogatives. Une commission d'enquête doit avoir les coudées franches et être totalement indépendante. Vous évoquez la séparation des pouvoirs et la force de la chose jugée. Mais l'indépendance du parlementaire s'exprime dans ses prérogatives d'enquête… Qui peut en tirer profit ? Certainement pas la vérité. C'est probablement ce qui me fera m'abstenir car nous devons garder les outils de notre autonomie et notre pouvoir.

Un mot de sémantique, vous parlez d'hospitalisation d'office alors que, depuis juillet 2011, il s'agit de « soins psychiatriques sur décision du représentant de l' État ».

Le rapport comprend un paragraphe très complet sur la psychiatrie légale. J'aurais aimé que nous formulions une proposition en termes de formation, visant à l'harmonisation et à l'évaluation des pratiques. Pour cela, il faut que chaque faculté dispose d'un département de psychiatrie légale, comme c'est le cas dans les autres pays européens. Il conviendrait d'insérer la psychiatrie légale au sein des programmes du Conseil national des universités (CNU) pour les disciplines médicales, odontologiques et pharmaceutiques, soit au sein de la sous-section 03 – médecine légale et droit de la santé – de la section 46 – santé publique, environnement et société – soit au sein de la sous-section 03 – psychiatrie d'adultes ; addictologie – de la section 49 – pathologie nerveuse et musculaire, pathologie mentale, handicap et rééducation.

Si tous les psychiatres ont diagnostiqué une bouffée délirante aiguë, tous n'étaient pas d'accord s'agissant de l'altération ou l'abolition du discernement, donc de la responsabilité pénale.

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Je remercie tous ceux qui se sont investis dans la commission d'enquête. Même s'il m'a parfois énervé, je remercie également le président pour sa flamme qui nous a permis d'aller un peu plus loin, de comprendre, de ressentir.

Je remercie la rapporteure qui a pris le dossier en cours de route ; elle mérite toute notre reconnaissance. Vous semblez très attentive à nos remarques, et sensible à certaines d'entre elles. Pouvez-vous retoucher votre rapport avant sa publication ou doit-on le voter en l'état et transmettre nos contributions ?

Nous devions rechercher les éventuels dysfonctionnements de la police et de la justice. Va-t-on répondre qu'il y en a eu, ou pas ?

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Mon intime conviction – même si j'ai été moins présent que la plupart d'entre vous – c'est qu'il y a eu dysfonctionnement de la police, voire de la justice. Des faits ont été rapportés. Certes, il y a la vérité judiciaire, mais il y a aussi la vérité. J'ai fait de la médecine, pas une thèse. Mais ma conviction profonde est que, si cela avait mieux fonctionné, peut-être Madame Halimi ne serait-elle pas morte.

Il ne s'agit pas de juger qui que ce soit mais, si les réactions avaient été différentes, Mme Halimi aurait peut-être eu une chance de s'en sortir. Si les juges avaient eu les moyens de mieux comprendre ce qui s'est passé en amont de cet acte horrible, si la justice était allée voir sur place comment les faits se sont déroulés, peut-être la vérité judiciaire aurait-elle été un peu différente.

Reste le problème des psychiatres et des responsabilités – chacun pense ce qu'il veut des témoignages. De par mon expérience de médecin, je sais la fragilité de ces derniers – les gens de justice le savent aussi. Malgré ces fragilités, il faut avancer, et rendre une décision afin que la justice passe, pour les victimes, pour la société comme pour les coupables.

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Je crois que vous exprimez ce que beaucoup expriment. Il est vrai que nous avons peu parlé de psychiatrie.

J'attendais tellement de ce rapport et j'aurais tellement voulu qu'il soit voté à l'unanimité, sur la base de faits avérés et mis en lumière par la commission d'enquête. Beaucoup de députés se sont particulièrement investis et sont honnêtes, mais le rapport est à l'image de l'enquête de police et de l'enquête judiciaire, à décharge en permanence.

Vous indiquez que « les conclusions proposées par le docteur Daniel Zagury paraissent donc problématiques dans la mesure où une appréciation médico-légale s'est substituée à une appréciation médicale. ». C'est pourtant lui qui aurait permis le renvoi de Traoré en cour d'assises ! C'est un des experts psychiatres les plus éminents en France, intervenu dans un nombre incalculable d'affaires. Lors du meurtre du disc-jockey Sébastien Selam, il avait estimé que le meurtrier était irresponsable au vu de ses antécédents psychiatriques – le caractère antisémite du meurtre n'a été reconnu qu'ultérieurement par le Président Macron.

C'est donc une preuve supplémentaire que ce rapport est intégralement à décharge ! Des députés de tous bords estiment d'ailleurs qu'ils ne peuvent pas le voter…

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Si je comprends bien, nous devons adopter, ou pas, le rapport en l'état.

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Que se passe-t-il si le rapport n'est pas adopté ?

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S'agissant des experts psychiatres, les collèges comprennent des pontes de la psychiatrie française comme Rouillon, épidémiologiste des troubles psychiatriques, Coutanceau, cité dans de nombreuses affaires, ou Guelfi, un des pères des traités de la psychiatrie française. Il s'agit donc de grands noms de la psychiatrie française, en activité ou honoraires, d'universitaires qui ont marqué des générations de jeunes psychiatres et qui ont la main sur le programme de l'enseignement de la psychiatrie dans notre pays.

La proposition n° 12 me semble complexifier un dispositif qui l'est déjà en prévoyant la saisine du procureur de la République territorialement compétent lorsque le préfet met fin à la mesure d'hospitalisation sous contrainte d'une personne déclarée irresponsable par la justice et en lui donnant la possibilité de demander une expertise psychiatrique complémentaire et de saisir le juge des libertés et de la détention afin qu'il statue par ordonnance sur le maintien ou la main levée de la mesure. En effet, le préfet saisit déjà le juge des libertés avant de procéder à la fin d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte. Quel est l'intérêt de votre proposition d'autant que beaucoup de préfets sont déjà particulièrement frileux pour lever ce type de mesure, et que le dispositif est médicalement et judiciairement très jalonné ?

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J'ai exprimé ma conviction mais n'ai pas dit que je n'allais pas voter le rapport.

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Je me souviens de ce policier en retraite que nous avons auditionné. Il a clairement exprimé que, depuis, les choses avaient changé pour assurer un meilleur suivi.

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Dans l'affaire qui nous intéresse, s'agit-il d'un dysfonctionnement, d'un manque de moyens ou d'une mauvaise organisation ? Je ne saurais le dire, mais l'intervention policière n'a pas abouti alors que cela aurait, éventuellement, pu sauver Mme Halimi.

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Ce matin, une demi-heure avant notre réunion, j'étais dans mon bureau avec François Pupponi et j'ai appelé un policier, vice-président d'un syndicat de policiers, dont je tairai le nom, qui m'avait sollicité hier par texto.

Il nous a expliqué qu'il avait suivi tous les débats et estimait qu'il y avait eu beaucoup de dysfonctionnements. Il a défendu ses collègues en expliquant qu'ils ont eu peur d'intervenir car, en cas de problème, ils passent en conseil de discipline et la hiérarchie ne les soutient jamais. C'est pourquoi je n'accuse personne et estime que, s'il y a eu dysfonctionnement, il est involontaire.

À la question à laquelle elle devait répondre, la commission répond non mais, moi, je dis « oui » !

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S'agissant des difficultés de communication entre les services de police, de nouveaux équipements radio sont en cours de déploiement. En outre, la proposition n° 4 du rapport vise à engager une réflexion sur les modalités de transmission des informations entre les différents niveaux de commandement et d'intervention afin de s'assurer qu'elles arrivent rapidement aux personnes sur place. Ce n'est donc pas un sujet que j'ai occulté.

L'enchaînement rapide des faits figure page 17 du rapport. Entre quatre heures trente-neuf et quatre heures cinquante et une, les horaires varient selon les témoignages. Je dois en tenir compte et ne peux m'appuyer sur un seul témoignage. Peut-être n'avons-nous pas suffisamment auditionné mais j'ai accepté d'organiser l'audition de personnes qui n'avaient rien à voir avec l'affaire – nous devions, je vous le rappelle, enquêter sur d'éventuels dysfonctionnements de la police et de la justice.

Pourquoi ai-je proposé une révision de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ? Peut-être car je n'ai pas pu effectuer ma mission tout à fait sereinement et peut-être aussi parce que M. Paris a dû démissionner. Il ne s'agit pas de réduire nos attributions, mais d'encadrer les commissions d'enquête en tenant compte des nouveaux moyens de communication.

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Monsieur Pupponi, ne m'interrompez pas ! J'ai laissé tout le monde s'exprimer.

On n'est pas non plus mandatés pour refaire l'enquête, monsieur Pupponi ! On n'est pas mandatés pour faire des reconstitutions !

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Je suis venue la première fois parce que j'estimais utile d'y aller pour comprendre. Je n'ai pas eu besoin d'y retourner la deuxième fois car il est évident que, quand on crie sur le balcon, c'est audible de partout.

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Je n'ai pas eu besoin d'y retourner de nuit. J'avais compris.

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Si vous l'avez compris, alors dites-le dans le rapport ! Cela signifie que les policiers mentent sous serment.

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Je me base sur les auditions des policiers. Vous les remettez en question, faites-le dans vos contributions. Elles figureront à la suite de mon rapport. Vous êtes libres ! Si vous voulez charger la police, faites-le.

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Je vis avec des policiers vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis sept ans, je les respecte !

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Je les respecte aussi et je ne vous autorise pas à remettre en question mon appréciation, ni à sous-entendre que j'aurais subi des pressions !

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Si tout le monde le souhaite, nous allons voter. Je rappelle que, dans l'écrasante majorité des commissions d'enquête, les rapports sont adoptés à l'unanimité, ce qui ne sera manifestement pas le cas. Je le regrette.

Conformément à l'article 144-2 du règlement de l'Assemblée nationale, je vais mettre le rapport aux voix.

La commission adopte le rapport et autorise sa publication.

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Je demande également la publication dans le rapport des comptes rendus, anonymisés, des auditions des témoins. Il convient de voter aussi sur ce sujet.

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La rapporteure souhaite reprendre la parole.

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Concernant les auditions à huis clos, la demande de non-publication concerne les auditions de M. Attal, de la famille Diarra, d'un premier et d'un second témoin des faits. Ce dernier m'a contactée suite à son audition. En raison de la teneur de cette dernière et de la manière dont elle s'est déroulée, il refuse absolument que son témoignage soit publié.

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Je l'ai eu il y a quelques jours, après vous…

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Le premier témoin m'a demandé la même chose suite à la publication sur la page Facebook de M. Attal du procès-verbal de police mentionnant son identité.

Vous voterez ainsi en votre âme et conscience. Moi également.

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Nous ne sommes pas là pour masquer la vérité. Nous pouvons anonymiser les témoignages mais ils sont fondamentaux – ils expriment le fait qu'on a entendu crier et hurler. On ne peut pas ne pas les mettre dans le rapport !

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Non, ce sont les témoignages devant la commission d'enquête !

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Alors que pour les policiers, ce sont les témoignages de police qui comptent !

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À chaque audition, j'ai bien précisé qu'il y aurait un compte rendu et que les témoignages seraient publiés, si besoin anonymisés.

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Si on veut arriver à faire un travail collectif efficace, il est gênant que ces témoignages évoquant les cris ne figurent ni dans le rapport, ni en annexe. On veut occulter ce point !

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Il faut que cela figure dans le rapport ou que les témoignages soient insérés en annexe. Si cela ne figure nulle part, nous n'aurons pas bien fait notre travail.

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Monsieur le président, je voudrais la parole ! Ça suffit !

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Vous êtes compliquée, Madame la rapporteure ! Vous allez l'avoir ! Vous insultez le président ! Il fallait que nos collègues soient plus présents aux auditions.

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On a été prévenus la veille ! Il y a parfois eu jusqu'à quatre modifications !

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Je demande qu'on vote sur l'insertion des témoignages, anonymisés, au rapport.

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Pour votre parfaite information, le témoignage du second témoin avait été publié. Il a été retiré à sa demande.

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Mais il a été retiré à sa demande. M. Paris était rapporteur lors de l'audition de M. Attal et de la famille Diarra. En tant que rapporteure, je me prononce s'agissant du premier et du second témoin. Votons, cela ne sert à rien de poursuivre ces débats.

La commission n'autorise pas la publication des comptes rendus d'auditions tenues à huis clos.

La réunion se termine à midi quarante. Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Présents. – Mme Aurore Bergé, Mme Sandra Boëlle, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Meyer Habib, M. Brahim Hammouche, M. François Jolivet, Mme Constance Le Grip, M. Richard Lioger, M. Sylvain Maillard, M. Didier Martin, Mme Florence Morlighem, M. Didier Paris, M. François Pupponi

Excusés. – Mme Camille Galliard-Minier, M. Julien Ravier