Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19
MERCREDI 3 JUIN 2020
La séance est ouverte à 15 heures.
Présidence de M. Richard Ferrand.
Mes chers collègues, alors que l'Assemblée a repris ses travaux selon des modalités plus classiques, dans le cadre d'un processus de déconfinement que l'on peut qualifier à ce stade de réussi, le moment est venu de dresser un premier bilan des travaux de la mission d'information, deux mois après le début de nos auditions.
Face à l'ampleur exceptionnelle de la crise, à son caractère sans précédent et à ses nombreuses dimensions, qu'elles soient sanitaires, sociales, économiques, d'ordre public ou encore internationales, nous avons mis en place un dispositif spécifique et inédit permettant à l'Assemblée nationale d'assurer totalement sa mission constitutionnelle de contrôle de l'action du gouvernement dans des conditions adaptées à l'état d'urgence sanitaire.
La Conférence des présidents a, en effet, décidé à l'unanimité, le 17 mars dernier, de créer une mission d'information associant à ses travaux l'ensemble des présidents de commissions permanentes, corapporteurs de la mission, les délégations ainsi que tous les groupes parlementaires de notre assemblée.
Le champ des travaux de la mission a été défini largement afin de prendre en compte toutes les dimensions de la crise de la covid-19. Toutefois, les travaux de la mission ont en priorité porté sur le suivi renforcé des mesures prises dans le cadre de l'urgence sanitaire, conformément à ce que prévoit la loi du 23 mars 2020, ainsi que sur la gestion de la crise sanitaire et ses orientations stratégiques.
Les travaux des commissions permanentes et des délégations ont eu ainsi vocation à s'articuler avec la feuille de route de notre mission, en abordant et approfondissant les sujets qui relèvent de leurs domaines de compétences respectifs. Elles ont notamment procédé à un suivi précis des 57 ordonnances prises en application de la loi du 23 mars.
L'ensemble des travaux considérables qui ont été conduits au cours des deux derniers mois ont fait l'objet d'une restitution devant la mission la semaine dernière. Ils seront annexés au rapport d'étape que nous examinons aujourd'hui.
Entre le 1er avril et le 26 mai, la mission d'information a procédé à 17 auditions. Elle a suivi de très près la gestion de la crise sanitaire en auditionnant les principaux acteurs impliqués, ainsi que les mesures de mise en œuvre de l'état d'urgence et leur application dans les territoires.
Au fil du déroulement de la crise, elle a également pris en compte les enjeux qui ont émergé, dans l'organisation du travail et dans celle des transports collectifs ou pour la réouverture progressive des écoles lors de la préparation et de la mise en œuvre du déconfinement. Enfin, la mission a entendu l'ensemble des partenaires sociaux afin de recueillir leurs propositions sur la préparation de l'après-crise.
Lors des travaux de notre mission j'ai eu à cœur d'associer l'ensemble des groupes ainsi que les députés non-inscrits. Je rappellerai que près des deux tiers de l'ensemble des questions posées aux personnes auditionnées l'ont été par des groupes de l'opposition.
La mission a d'abord effectué un contrôle renforcé de l'état d'urgence sanitaire. Elle s'est appuyée pour ce faire sur les documents transmis chaque semaine par le Gouvernement, récapitulant les mesures réglementaires prises en application de l'état d'urgence.
La mission a également eu accès à une plateforme déployée par le ministère de l'intérieur recensant les mesures prises par les préfets pour appliquer localement les mesures nationales, soit 2 268 arrêtés préfectoraux au total – hors prise en compte des arrêtés de réouverture des marchés pendant le confinement –, aménageant souvent dans un sens restrictif les déplacements et les ouvertures d'établissements ou procédant à des réquisitions de personnel et de laboratoires pour la réalisation des tests.
Ces arrêtés ont fait l'objet d'un bilan analytique et statistique hebdomadaire, mis en ligne sur la page de la mission.
J'en viens maintenant aux premières conclusions de nos travaux, et aux premiers enseignements que l'on peut en retirer.
Un premier constat s'impose : nous le savons tous, cette crise sanitaire est sans précédent et a conduit à prendre des mesures exceptionnelles, inimaginables il y a encore quelques mois. Je veux parler principalement du confinement de l'ensemble de nos concitoyens pendant huit semaines.
Mais elle se singularise aussi par le contexte de très grande incertitude scientifique, de débat voire de controverse, dans lequel les décisions de santé publique ont dû être prises. Les avancées de la science sont venues nuancer et parfois contredire les conclusions précédentes sur ce nouveau virus, sa contagiosité, ses modalités de transmission, les facteurs de risque.
Des inconnues demeurent quant aux mécanismes de sa diffusion sur le territoire, l'efficacité de tel ou tel traitement, le caractère protecteur ou non de la réponse immunitaire qui semble en passe d'être établie mais dont on ignore toujours la durée.
Il a donc fallu gérer l'urgence, dans l'urgence, mais surtout dans l'incertitude et prendre des décisions sur le fondement d'informations souvent incomplètes et parfois contradictoires.
Figure dans le rapport une chronologie détaillée des différentes mesures engagées dès le 10 janvier avec la diffusion d'un premier message du ministère des solidarités et de la santé aux agences régionales de santé (ARS) sur la conduite à tenir et la définition des cas de covid-19, puis la mobilisation successive des différents dispositifs de réponse à la crise, avec le centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales (CORRUSS), le centre de crise sanitaire, la cellule interministérielle de crise place Beauvau puis les principales étapes des semaines suivantes.
En parallèle, le choix a toujours été fait de s'entourer des avis les plus au fait de ces questions au moment de décider. Un conseil scientifique a été institué dès le 11 mars, puis consacré par la loi du 23 mars, afin de rendre des avis étayés par des données scientifiques, sur des questions concrètes de gestion de la crise. Le comité analyse, recherche, expertise (CARE) plus axé sur les questions de recherche et développement a été mis en place, en complémentarité avec le conseil scientifique, pour éclairer les pouvoirs publics sur les innovations scientifiques, thérapeutiques et technologiques. Mais, j'y insiste, la décision est restée dans les mains des décideurs politiques.
Deuxième point, le système de soins a tenu bon face à la vague épidémique. Grâce à la mobilisation exceptionnelle et à la capacité d'adaptation remarquable du système hospitalier, les établissements les plus sous tension ont été en mesure de prendre en charge l'afflux de patients atteints de formes graves du virus.
Dès le 6 mars, le plan blanc a été déclenché afin de déprogrammer les activités médicales non indispensables et ainsi de libérer des capacités d'accueil sur l'ensemble du territoire. Même si le point de rupture a été bien souvent approché, même si bien sûr personne ne peut oublier les décès liés à une maladie pour laquelle nous n'avons ni traitement avéré ni vaccin, ces efforts exceptionnels de la part des établissements et de leurs personnels, accompagnés par les autorités sanitaires et les préfets ont permis de faire face.
Comment ? En doublant les capacités en lits de réanimation, passées de 5 000 à 10 500 en quelques semaines ; en faisant appel à des personnels en provenance de zones moins affectées ; en organisant de façon inédite l'évacuation sanitaire de plus de 660 patients vers les hôpitaux les moins sous tension ou vers des pays frontaliers pour soulager ceux des régions du Grand Est et de l'Île-de-France.
Les médecins de ville, probablement moins associés qu'ils ne l'auraient souhaité à la gestion de la crise dans un premier temps, ont été fortement sollicités pour prendre en charge les formes les moins graves de la covid-19. Là aussi, une réponse innovante par rapport à nos pratiques antérieures a été trouvée par un recours massif à la téléconsultation : près de 500 000 ont été effectuées la dernière semaine de mars.
Enfin, la décision de confiner la population a atteint ses deux objectifs, à savoir limiter la pression exercée sur le système de soins et ralentir fortement la circulation du virus, en ramenant à moins de 1 son taux de reproduction – alors qu'il dépassait 3,5 avant le 17 mars.
Loin de moi l'idée de sous-évaluer les effets induits considérables du confinement sur la vie des Français, les risques associés, particulièrement sur les plans médicaux, psychologiques, sociaux et de violences intrafamiliales, ou encore ses conséquences sur l'activité économique nationale. Je pense particulièrement pendant cette période aux personnes âgées isolées mais aussi aux jeunes et aux étudiants.
Pour autant, le confinement a fait la preuve de son efficacité, en termes de maîtrise de l'épidémie, de la capacité des établissements à prendre en charge et de vies sauvées. Nous le voyons aujourd'hui, cet effort collectif nous permet maintenant d'aspirer à une vie « normale » – normale, mais dans le respect des consignes sanitaires.
Cette catastrophe sanitaire a aussi révélé des faiblesses, et la première d'entre elle, qui a été abondamment commentée, est l'insuffisance de nos stocks stratégiques d'équipements de protection, et notamment de masques. Le ministre de la santé l'a indiqué dès le début de la crise, les stocks de masques étaient très faibles, avec une centaine de millions de masques chirurgicaux et aucun masque FFP2 destiné aux personnels soignants.
Il nous appartiendra, dans le cadre des pouvoirs d'enquête, d'identifier en détail les processus et les décisions successives qui ont conduit à ce que ces stocks passent de 1,7 milliard de masques au début de 2009 à 100 millions d'aujourd'hui.
Mais le constat est clair : les stocks nationaux étaient insuffisants face à l'explosion des besoins, de même que ceux des établissements de santé.
Le Gouvernement a procédé à des réquisitions, a soutenu et développé les capacités nationales de production, et surtout il a passé des commandes massives, avec près de 4 milliards de masques commandés à ce jour dont 2,8 milliards de masques chirurgicaux et 1 milliard de masques FFP2.
La doctrine de reconstitution et de gestion des stocks stratégiques nationaux et la réorganisation de leur gestion devront nécessairement être des priorités à l'issue de la crise.
Ce sujet s'inscrit par ailleurs dans une problématique plus large, celle de notre dépendance à l'égard de l'extérieur pour les approvisionnements en produits indispensables – qu'il s'agisse des masques mais aussi des médicaments de réanimation ou encore de réactifs pour les tests de dépistage.
Lors d'une telle crise qui frappe simultanément de nombreux pays, la demande de ces produits a été multipliée alors que les capacités de production, notamment celles de la Chine, ont simultanément diminué. Cette configuration a beaucoup complexifié la gestion de la crise en ralentissant et en mettant sous tension les approvisionnements en équipements indispensables.
Ensuite, la mobilisation exceptionnelle du système hospitalier ne doit pas occulter la situation tendue dans laquelle il se trouvait avant la crise sanitaire, ce qui a imposé aux personnels des efforts d'autant plus importants. Le « Ségur » de la santé sera l'occasion de définir le cadre du plan d'investissement et de revalorisation de l'hôpital annoncé par le chef de l'État en mars dernier, et de mettre sur la table des sujets structurants, y compris en termes d'organisation territoriale.
Enfin, les semaines que nous avons traversées nous obligent à nous poser un certain nombre d'autres questions.
Premièrement, étions-nous prêts en termes de prévention et de suivi épidémiologique ?
Depuis la réorganisation des agences sanitaires et de santé en 2016, Santé publique France a une mission clef de suivi épidémiologique, mais a aussi un rôle à jouer dans la gestion d'une crise sanitaire, en particulier dans la mobilisation des moyens. La question des stocks stratégiques en équipements individuels de protection et les commandes effectuées par Santé publique France à la demande de l'État, la mobilisation des personnels de santé via la réserve sanitaire qui relève aussi de sa compétence, devront être expertisées plus avant dans le cadre de la suite de nos travaux.
En effet, et sans occulter les réussites, non seulement le suivi épidémiologique indispensable ne répond pas toujours au besoin de données opérationnelles sur le terrain pour réagir de façon appropriée, mais dans certains secteurs il a fait défaut. C'est le cas du recensement des décès dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui n'a commencé que quelques semaines après le début de la crise sanitaire, permettant mal dans un premier temps de prendre la bonne mesure du risque.
Deuxièmement, l'organisation de notre dispositif de lutte contre les crises sanitaires doit-elle être revue ?
Les agences régionales de santé et leurs délégations départementales sont-elles dimensionnées, organisées et équipées pour faire face à une situation d'urgence comme celle que nous avons connue ? Elles n'avaient pas été conçues pour cela et leur place dans le dispositif devra évoluer.
On a vu l'importance et le fonctionnement de ce qu'on a appelé le couple maire/préfet sur lequel le Gouvernement s'est appuyé pour décliner et adapter localement les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Les élus – au premier rang desquels les maires – ont garanti le fonctionnement des services municipaux et répondu aux besoins de leurs communes parfois par des décisions controversées. Finalement, ce sont souvent des solutions « cousues main » qui ont pu être mises en place avec les préfets.
Il reste qu'une révision du système en termes de prévention, d'anticipation de la crise et de réponse sur les territoires doit sans doute être opérée afin d'être mieux préparé pour réagir plus vite nationalement et de façon plus adaptée, localement.
Il nous faudra, en particulier, construire un dispositif dans lequel les responsables locaux, au premier rang desquels les élus des territoires, trouvent leur place aux côtés des préfets et des services de l'état. Ce sera un des objectifs de nos futurs travaux.
Dernier point que je voudrais aborder, les mesures majeures adoptées en réponse à la grave récession à laquelle nous sommes confrontés.
Le cumul inédit et mondial d'un choc d'offre et de demande augure de répercussions économiques sévères surtout pour les entreprises les plus fragiles et pour certains secteurs d'activité particulièrement touchés.
Très rapidement, un plan d'urgence d'une ampleur exceptionnelle, 110 milliards d'euros, a été axé sur le maintien dans l'emploi par l'activité partielle, des mesures de soutien en trésorerie aux entreprises pour leur permettre de passer le cap de la crise sanitaire et la garantie de l'État apportée à leur financement, la protection des secteurs stratégiques, et la création d'un fonds de solidarité pour les très petites entreprises. S'y ajoutent des aides à nos concitoyens les plus modestes.
Je ne reviens pas sur le détail de ces mesures que nous avons débattues et largement approuvées et qui seront prolongées par un plan de relance. Les conséquences économiques et budgétaires de la crise seront suivies par la mission dans la suite de ses travaux.
Mes chers collègues, je ne vais pas poursuivre plus longtemps. Je vous renvoie au rapport lui-même qui est complété, je le rappelle, des restitutions par les corapporteurs des travaux des commissions permanentes et, sans plus attendre, j'ouvre le débat.
La version du rapport que vous venez d'exposer nous ayant été transmise ce jour à treize heures neuf, il nous est donc difficile d'en avoir une vision précise. Cela étant, je constate sans en être surpris que cette version est clémente avec les gestionnaires de la crise. Je n'ai pas le sentiment d'y retrouver l'esprit des questions que j'ai pu poser, mais il s'agit sans doute de la règle du jeu.
Il me semble nécessaire que la commission d'enquête s'attache à aller plus loin dans les investigations pour mieux comprendre les dysfonctionnements survenus pendant la crise.
Ce virus a révélé la nocivité des politiques libérales menées durant des années, qui ont affaibli notre service public hospitalier ainsi que plusieurs outils dont nous avons pu auditionner les responsables au cours des travaux de notre mission.
Cela méritera d'être approfondi à la faveur d'une lecture plus précise du rapport, mais j'estime que, si la crise était effectivement d'une gravité exceptionnelle et d'une ampleur inédite et a surpris tout le monde, plusieurs choix et décisions ont produit des effets discutables – notamment en matière de stratégie sanitaire.
La commission d'enquête devra s'attacher à réellement éclairer ce qu'il s'est passé et les raisons de certaines décisions.
L'objet de la décision qui a été prise de doter la mission des pouvoirs d'une commission d'enquête est précisément d'aller plus loin. Le rapport que je vous ai présenté est un rapport d'étape établi au terme des auditions qui ont été conduites. D'autres étapes sont à venir et permettront d'éclairer mieux encore les Français.
Le fait de se doter des pouvoirs d'une commission d'enquête a en réalité un objectif spécifique. Pendant la première phase des travaux de la mission, j'ai ressenti une certaine frustration concernant notre capacité à avoir des débats et à interpeller nos interlocuteurs. En effet, la mission d'information avait vocation à suivre ce que le Gouvernement faisait des pleins pouvoirs que nous lui avions donnés, et à nous informer de l'évolution de la situation.
Elle a désormais deux rôles : un rôle d'évaluation et de contrôle visant à dessiner un système susceptible d'améliorer notre préparation aux crises, et un rôle de recherche de failles. Nous n'aurions jamais dû subir cette crise. Nous n'y étions pas préparés. Dans un État moderne, tout ceci aurait dû être prévu, et tout ceci était prévu. Cependant, de mauvaises décisions ont été prises par les responsables administratifs et politiques successifs. Des dysfonctionnements organisationnels et individuels se sont produits.
Pour nos auditions à venir, je souhaite que nous puissions participer avec le président et le rapporteur au choix des personnes auditionnées et en suggérer certaines, et qu'un temps de parole continu soit alloué par groupe et pour chaque intervenant. Les commissions d'enquête ont pour spécificité de pouvoir interroger les personnes auditionnées sous serment, sans qu'elles puissent se soustraire à leur convocation. Il faut que nous puissions approfondir les questions que nous posons, au-delà des une à deux minutes de temps de parole réglementaire. Nous avions décidé d'agir ainsi dans la commission d'enquête que j'ai présidée sur la grippe H1N1. De la sorte, nous avons pu identifier les dysfonctionnements de certains acteurs qui n'avaient pas été à la hauteur de leurs missions.
Je regrette l'aspect prématuré de la décision de la transformation en commission d'enquête, car elle ne nous laisse que six mois pour terminer le travail sachant que le calendrier législatif sera chargé en juillet et que le mois d'août est généralement peu productif. Pour augmenter le temps dont nous disposerons, la Conférence des présidents pourrait-elle décider de « neutraliser » le mois d'août afin qu'il ne soit pas comptabilisé dans les six mois ?
Si nous choisissions un autre mode de travail nous risquerions de choquer, car les Français sont nombreux à se demander pourquoi la gestion de la crise s'est moins bien passée chez nous qu'ailleurs. Des raisons structurelles l'expliquent, mais aussi sans doute des raisons organisationnelles dans l'appareil étatique lui-même.
Les règles de fonctionnement traditionnelles d'une commission d'enquête seront bien sûr mises en œuvre. Il est possible de « s'activer » en six mois, si on le souhaite.
Par ailleurs, la mission d'information pourra aller au-delà des six mois pour suivre les mesures prises. Les commissions seront saisies des conséquences des décisions gouvernementales. Ainsi, la commission des finances sera saisie du plan de relance.
Les points nécessitant des investigations et des témoignages sous serment seront traités dans les six mois qui viennent, mais la mission pourra également poursuivre ses travaux au long cours sur les autres sujets. Le fait de se doter de pouvoirs d'investigation devrait permettre de bien travailler.
Ce rapport d'étape est à l'image de ce qu'a été le travail parlementaire pendant le confinement : un travail surtout contemplatif. Il aurait difficilement pu en être autrement. L'étude engagée sur les conditions du travail parlementaire en situation dégradée sera à cet égard utile, dans l'hypothèse, non souhaitable, de la reproduction d'une telle situation.
J'ai demandé tôt la transformation de la mission en commission d'enquête, car les personnes que nous auditionnions ne nous livraient pas d'autres informations que celles que nous pouvions trouver dans les médias. Certains journalistes semblaient même parfois mieux informés que nous !
Cette commission d'enquête doit être mue par la volonté d'informer les Français. Il faudra revenir sur les responsabilités exercées depuis une dizaine d'années, sur les décisions prises et leurs conséquences. Nous devons cette transparence aux Français. Cet état d'esprit doit être partagé par tous.
Il serait peu compréhensible que la présidence de la commission ne souscrive pas à la convocation de certaines personnes dont nous suggérerions l'audition, comme cela s'est vu lors d'une précédente commission d'enquête, qui n'est pas allée à son terme. L'objectif général doit être de restaurer et de renforcer la confiance. Je crois en la matière à l'utilité du travail parlementaire.
Je n'ai pas eu le sentiment d'avoir vécu deux mois de contemplation. Si tel est votre cas, tant mieux pour vous et pour ceux que vous avez contemplés !
Le travail qui a été conduit par l'ensemble des commissions constitue une base utile pour permettre à la commission d'enquête d'exercer pleinement ses prérogatives et nous partageons bien le même objectif, qui est celui d'éclairer les Français.
Les pandémies de H5N1 et de H1N1, qui n'ont pas eu la puissance de celle d'aujourd'hui, ont conduit à la construction d'un plan antipandémique fondé sur la prévention et le plan blanc. Cela impliquait la constitution d'un stock de matériel médical – 1,5 milliard de masques en 2011, 6 000 respirateurs en sus des 5 000 existants, des millions de médicaments anti-infectieux, d'antibiotiques et de vaccins. Ce stock était conservé au sein de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ainsi que dans les pharmacies militaires – notamment celle de Chartres. Un système préventif existait donc, et le plan blanc permettait d'actionner tous les hôpitaux de France.
Or, cette stratégie a été démobilisée et le pays a été désarmé à l'arrivée de ce nouveau virus. Si elle avait été active entre décembre et mars, la force de la pandémie aurait-elle été moindre ? Ce n'est pas certain. Toutefois, des écarts importants s'observent lorsque l'on compare la France avec l'Allemagne ou la Corée du Sud – en nombre de lits, de personnels médicaux, ou de respirateurs.
La commission d'enquête devra analyser sur place ce qu'il s'est passé au sein de l'EPRUS, et se tourner vers les urgentistes pour comprendre pourquoi le plan appliqué n'a pas correspondu au plan blanc de 2010-2011 et pourquoi les soignants ont dû courir après le matériel pour pouvoir réagir. Elle devra également envisager une reconstruction du système, pour qu'il soit opérationnel en prévision d'éventuelles nouvelles crises.
Nous n'avons pas pu aller au fond des problèmes au cours de la mission d'information.
C'est tout l'enjeu de la commission d'enquête : aller plus loin, comprendre ce qu'il s'est produit et en tirer des enseignements utiles.
Je vous recommande de visionner les réunions de la commission d'enquête qui a porté sur la gestion de l'administration lorsque Mme Bachelot était ministre. Il est intéressant de voir comment certaines questions, posées parfois sous forme de jugements à l'emporte-pièce, sont révélatrices d'emballements plus partisans que pertinents.
J'ai du mal à entendre dire que notre travail a été contemplatif pendant le confinement. Ce terme est péjoratif pour nos collègues, de la majorité comme de l'opposition. La commission des affaires sociales a constitué des binômes majorité/opposition qui ont travaillé, dans les conditions sanitaires que nous savons et malgré les contraintes.
La mission d'information n'était pas une commission d'enquête. Elle n'avait pas pour but de désigner des responsables, mais de contrôler l'action du Gouvernement, d'étudier les modalités d'application des ordonnances et de travailler sur les thématiques que nous avions décidées. J'en veux pour preuve le travail de prospection que nous avons mené sur les EHPAD, à partir de remontées du territoire – c'est-à-dire des meilleures sources, vérifiables –, et dont la qualité est indéniable.
Je suis fière du travail produit par les parlementaires de la commission des affaires sociales pendant cette période difficile
Le terme était peut-être mal choisi, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la façon dont nous avons travaillé. En période normale, j'estime que nous avons un Parlement faible dans une grande démocratie, ce qui constitue un problème institutionnel majeur. Le confinement n'a pas démontré le contraire. Nous ne sommes pas restés inactifs, nous avons tous essayé de travailler le mieux possible dans une situation dégradée. Le Parlement, cependant, n'a pas donné la plénitude de ce qu'il pouvait faire. Je pense que nous aurions pu aller plus loin dans notre mission de contrôle, en transformant plus tôt la mission en commission d'enquête notamment. Je ne suis pas sûr que le rapport nous apporte des informations différentes de celles que nous pouvons obtenir par ailleurs. Sa lecture détaillée le démentira peut-être.
Je ne fais offense à aucun de mes collègues parlementaires, car beaucoup se sont sentis entravés et chacun se demandait comment être utile à nos concitoyens. Le président Ferrand n'aurait pas engagé de réflexion sur les méthodes de travail du Parlement si ce sentiment n'était pas largement partagé. Faisons de ce moment de faiblesse un moment de rebond.
Pour suivre de près le fonctionnement des parlements dans d'autres pays, je peux dire que l'Assemblée nationale est loin d'avoir été inactive et a été au contraire l'un des parlements les plus actifs au monde. Le travail mené dans nos commissions pour suivre en direct des dispositifs d'urgence complexes, coûteux, et évoluant chaque jour est à cet égard exemplaire.
Malgré des conditions matérielles dégradées, nous avons travaillé et obtenu des résultats. Ainsi, après avoir été alertés par M. Alain Griset sur le fait que le deuxième étage du fonds de solidarité n'était pas adapté et que la conditionnalité d'un prêt garanti par l'État empêchait de nombreux entrepreneurs individuels d'y avoir accès, nous avons fait remonter cette revendication, présentée dans le cadre du rapport. Or le ministre de l'économie et des finances a annoncé le 28 mai la suppression de cette contrainte.
Il est indispensable que cette mission d'information se transforme en commission d'enquête. Toutes deux se distinguent l'une de l'autre sur trois plans, à commencer par celui de la tenue des débats. Les auditions en mission d'information s'articulent autour des présentations des personnes auditionnées. La commission d'enquête nous dotera de capacités de réaction plus grandes, ce qui accentuera le dynamisme des échanges et nous permettra d'obtenir davantage de précisions dans les réponses qui nous seront données.
Le calendrier sera forcément resserré, le mois d'août étant « mis entre parenthèses ». La commission d'enquête devra s'installer rapidement pour que nous mettions à profit le temps qui nous sépare de l'été.
Si le champ d'application de la commission d'enquête est large, il est important que nous puissions aussi nous focaliser sur certains sujets précis – EHPAD, stocks de masques.
La méthode de fonctionnement de la commission d'enquête peut être différente de celle de la mission d'information, car il s'agit d'une phase différente à bien des égards.
En savons-nous plus sur la crise et ses conséquences économiques et sociales que nous en savions lors de l'installation de la mission d'information ? La réponse est oui ! Il n'y a que vous, monsieur Vallaud, pour imaginer que les journalistes en savaient plus que nous ! La meilleure preuve est qu'ils se sont informés à de nombreuses reprises en suivant les auditions que nous avons conduites et auxquelles nous avons participé ce qui nous mettait à l'abri du risque de la contemplation.
Il n'est pas utile de dénigrer la qualité du travail que nous avons accompli pour souligner la pugnacité qui sera la nôtre dans la conduite de cette commission d'enquête. Il s'agit de deux exercices différents. La mission d'information ne visait pas à chercher des responsabilités ni à pointer des erreurs, mais à veiller, en prévision de sa transformation en commission d'enquête, à ce que nous soyons armés pour travailler le plus pertinemment possible. Nous sommes effectivement mieux armés que nous ne le serions si la commission d'enquête prenait seulement naissance, sans le préalable de la mission d'information.
Dès que le président Abad nous a saisis pour que la mission se dote des pouvoirs de commission d'enquête, nous avons agi avec célérité. Nous avons étudié la question la semaine dernière. Un des groupes s'y est opposé, nous avons purgé cette question dans le respect du droit, le 2 juin au soir, et nous installons la commission ce jour.
J'interviens au nom du nouveau groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS), que je vous remercie d'accueillir.
Je n'ai pas pu regarder en détail le rapport qui nous a été transmis à treize heures neuf, mais ne suis pas sûre d'y apprendre beaucoup. Je le lirai néanmoins attentivement.
Pour avoir été sur le terrain, dans une région particulièrement affectée par la crise, j'ai pu mesurer la force des attentes des citoyens, dont les questionnements sont nombreux. Cependant, les professionnels de santé s'interrogent également. On a empêché 120 000 médecins libéraux d'exercer leur art en pleine conscience pendant cette crise. On n'a eu de cesse d'opposer les libéraux et l'hôpital, le public et le privé. Cette commission d'enquête sera attendue pour apporter un éclairage sur ces points.
Dans le cadre de la clémence dont mon rapport d'étape serait entouré, je vous signale que j'ai soulevé le point que vous venez d'exprimer, concernant la mobilisation tardive de la médecine de ville.
Ce n'est pas la première fois qu'une mission d'information remet son rapport sur table. J'ai disposé d'une semaine pour aboutir, avec les services de l'Assemblée nationale, à la rédaction d'une base de 150 pages. Il s'agit d'une base utile à partir de laquelle la phase 2 pourra s'opérer et approfondir certains points.
Je vous propose donc d'adopter ce rapport d'étape.
Les membres de la mission d'information adoptent le rapport de la mission.
Comme convenu lors de sa création, la mission a demandé à bénéficier pour six mois des prérogatives d'une commission d'enquête. L'opposition formulée contre cette demande ayant été rejetée mardi 2 juin, la mission bénéficiera pour six mois de ces prérogatives en vue de disposer des informations qu'elle jugera nécessaires sur la crise liée à l'épidémie de covid-19
Mes chers collègues, nous allons procéder à la nomination d'un rapporteur ainsi qu'à la nomination de celui ou celle qui présidera notre mission. Je céderai en effet ces fonctions pour la suite de nos travaux, comme je l'avais annoncé.
Il avait été convenu lors de la Conférence des présidents du 31 mars que nous désignerions un nouveau rapporteur issu du premier groupe de l'opposition au moment où la mission se dotera de pouvoirs d'enquête. C'est ainsi que j'ai reçu la candidature de M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti est élu rapporteur. En conséquence, M. Damien Abad le remplace au poste de vice-président.
Pour la fonction de président, j'ai reçu la candidature de Mme Brigitte Bourguignon.
Mme Brigitte Bourguignon est désignée présidente de la mission.
Je vous remercie. Je souhaite que la phase nouvelle qui s'ouvre sur la base déposée ce jour permette de mieux armer notre pays en cas de récidive d'une crise de cette nature.
J'avais cru comprendre que la transformation de la mission en commission d'enquête impliquait une évolution de sa composition. Je souhaite savoir si les présidents de commissions restent corapporteurs. Je ne souhaitais pas faire partie d'une commission d'enquête. Il y a beaucoup d'autres activités à mener et le groupe Les Républicains aurait pu être représenté autrement. Mais si je suis membre de droit, je ne le suis pas intuitu personae, mais ès qualités, ce dont je prends acte.
Les présidents de commissions restent corapporteurs de la mission d'information. La commission d'enquête est pour sa part dotée d'un rapporteur, M. Ciotti. La mission est constituée en commission d'enquête sur le champ défini par la saisine de M. Abad, et ses travaux se poursuivent sur les autres sujets. Sa composition reste inchangée. Ès qualités, vous êtes en effet irremplaçable !
Le même organe doit mener deux tâches en parallèle : la poursuite des travaux de la mission d'information, et les investigations de la commission d'enquête. Nous devrions nous concentrer sur le travail d'enquête, car nous disposons d'une durée contrainte de six mois pour ces travaux, alors que la mission d'information couvre de nombreux champs – en raison notamment de la présence des présidents de commissions parmi ses membres – qui sont traités par les commissions permanentes.
Néanmoins, le groupe UDI et Indépendants exprime une inquiétude. L'administration, par les pouvoirs que nous lui avons conférés, a légiféré par voie d'ordonnances au cours des trois derniers mois, bien davantage que l'Assemblée nationale ne peut le faire en dix-huit ou vingt-quatre mois. De nombreux textes sont donc appliqués sans que nous ayons pu en débattre ni en mesurer la portée. Les lois de ratification sont généralement formelles. Notre assemblée s'honorerait à chercher – pour partie à travers la mission d'information une fois le travail de la commission d'enquête mené à son terme et pour partie à travers les commissions permanentes – à y remédier.
Lorsque l'administration produit de la norme sans débat parlementaire, c'est-à-dire sans l'éclairage de terrain des élus, elle passe à côté de certains éléments. Ainsi, le prêt garanti par l'État a été accordé à toutes les entreprises sauf aux avocats, qui ne peuvent avoir recours à des prêts de trésorerie.
La mission d'information, appuyée sur les commissions, pourrait mener un travail de vérification et de contrôle, voire de proposition de modification de ce qui aura été fait dans le cadre de l'état d'urgence.
Monsieur le président, ne soyez pas sévère avec la commission d'enquête visant l'administration Bachelot, que j'ai présidée et dont M. Door était rapporteur.
Tout n'était pas enregistré, ainsi l'audition du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.
Vous avez raison, un procès politique a été conduit à l'époque par une grande partie de l'opposition, dont d'ailleurs la principale procureure est devenue ministre de la santé par la suite et a décidé de supprimer les achats de masques. La commission d'enquête a eu néanmoins l'intérêt de montrer que les raisons pour lesquelles le plan avait failli n'étaient pas celles qui étaient mises en avant dans le débat public. Le plan n'a pas échoué en raison d'un trop grand nombre de vaccins, mais parce que nous étions mal organisés pour leur distribution. Toutes les préconisations permettant d'éviter la reproduction de cette erreur ont alors été émises.
Le Parlement a fait le travail. Il n'en a été tenu aucun compte. Nous le paierons de 30 000 morts au moins et de centaine de milliards d'euros. C'est cela qui est frustrant, et c'est la raison pour laquelle j'insiste pour que notre travail contribue à prévenir la répétition des mêmes erreurs.
Le travail des commissions consiste justement à suivre et à contrôler les ordonnances. J'ajouterai que les débats de ratification ne sont pas toujours anodins. Lorsque la ratification des ordonnances réformant le code du travail a été discutée à l'Assemblée, des amendements de très vaste ampleur ont été déposés.
Nous pourrions toujours imaginer une Constitution différente de celle que nous avons, mais il appartient aux parlementaires de se saisir au maximum des prérogatives qui sont les leurs. Si cela était fait constamment et régulièrement par tous, nous n'aurions pas le sentiment d'être loin de la capacité d'agir.
Non. Je m'étais engagé devant la Conférence des présidents à ce qu'un nouveau rapporteur issu du premier groupe de l'opposition soit nommé lorsque la mission déciderait de se doter des pouvoirs d'une commission d'enquête, et à quitter la présidence de cette mission au bénéfice d'un autre collègue.
Quand pourrons-nous débattre du fonctionnement de cette commission d'enquête ? Le sujet est tellement vaste que nous sommes attachés à ce que l'on puisse investiguer plus particulièrement certains champs. Je déposerai pour ma part une demande de commission d'enquête sur la situation de la Seine-Saint-Denis, pour essayer de comprendre pourquoi le département le plus jeune de France est aussi celui qui a recensé le plus de morts du covid-19. C'est une question qui pourrait être traitée ici.
Une réunion de travail du bureau de la mission se tiendra dans les jours à venir, pour définir un calendrier et avoir un débat.
La commission d'enquête sera principalement circonscrite à des sujets sanitaires et à la question de la gestion de la crise, à l'aune de la feuille de route définie par le groupe Les Républicains. Sur les autres thématiques, la mission d'information a toute sa place.
La commission d'enquête portera effectivement sur la gestion sanitaire mais aussi sur les conséquences économiques et budgétaires de la crise comme cela a été acté lors de la présentation de la demande par M. Abad.
Merci à tous. Je souhaite à cette mission d'information dotée de pouvoirs de commission d'enquête de réussir parfaitement sa mission.
La séance est levée à seize heures.