Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Réunion du mercredi 8 septembre 2021 à 14h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • bureaux
  • consulaire
  • correspondance
  • internet
  • procuration
  • électeur
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La réunion

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Audition de M. Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français, à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (ministère de l'Europe et des affaires étrangères).

L'audition débute à 14 heures 30.

Présidence de M. Pacôme Rupin, vice-président.

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Mes chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence du président de la mission d'information, M. Xavier Breton, qui ne peut être parmi nous en raison des journées parlementaires de son parti.

Nous auditionnons cet après-midi M. Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

L'organisation pratique des scrutins impliquant les Français vivant à l'étranger apparaît comme un banc d'essai pour des solutions innovantes : le vote par anticipation et le vote par internet, par exemple, ont été utilisés pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE). Nous souhaiterions tirer le bilan de ces expériences, du point de vue de la sécurité des scrutins ou de l'effet sur la participation des électeurs, étant entendu que la situation des Français de l'étranger est spécifique par rapport à celle des résidents de métropole.

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Importante, la mission d'information fait suite aux résultats bien décevants de la participation lors des dernières élections. Il nous est apparu utile d'interroger le fonctionnement et les modalités du vote des Français qui résident à l'étranger. Pourriez-vous, monsieur le sous-directeur, nous présenter les différentes modalités qui leur sont ouvertes ? Disposez-vous de statistiques concernant le recours à celles-ci ? Quels en sont les difficultés et les avantages respectifs, en termes d'organisation, de coûts, d'implications logistiques et de risques de fraude ?

Quel bilan peut-on dresser de la mise en œuvre du vote par internet lors des élections consulaires de 2014 et de 2021 ? Observez-vous des tendances significatives dans les variations importantes des taux de participation d'une circonscription consulaire à l'autre ?

Les circonstances exceptionnelles qui avaient entraîné le report des élections consulaires de mai 2020 à mai 2021 ont-elles influé sur le niveau de la participation ?

Quelle appréciation portez-vous sur la connaissance du rôle du conseiller des Français de l'étranger (CFE) et de délégué consulaire par les électeurs ? Comment ces fonctions pourraient-elles, selon vous, être mieux valorisées ? La diffusion et la distribution de la propagande électorale sont-elles adaptées aux spécificités liées aux lieux de résidence des Français de l'étranger ?

Serait-il possible – et souhaitable – d'étendre la faculté de voter par internet à d'autres échéances électorales ?

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Au sein de la sous-direction des Français de l'étranger, nous sommes amenés à organiser les cinq types de scrutins auxquels peut être appelée cette population, qui compte 1,37 million d'inscrits sur les listes électorales consulaires : élections présidentielle, législatives, européennes et des CFE, et consultations référendaires.

Fixées par la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, les modalités de vote offertes aux Français de l'étranger sont à géométrie variable en fonction des scrutins. Il en existe quatre : à l'urne, par procuration, par correspondance postale et par internet, ces deux dernières ne s'appliquant pas à tous les scrutins.

Génériques, les deux premières sont ouvertes pour tous les scrutins. Le vote par correspondance postale, modalité dont le périmètre va en se restreignant, n'est ouvert que pour la seule élection des députés des Français de l'étranger. Le vote par internet, lui, est proposé pour deux élections : celle des CFE et celle des députés des Français de l'étranger. Nous avons mis en œuvre cette modalité pour les élections consulaires de mai 2021, et cela sera également le cas à l'occasion des élections législatives de mai et juin 2022.

S'agissant de la répartition de la participation en fonction des options proposées, j'ai ici quelques statistiques que je pourrai compléter si vous le souhaitez. Pour l'élection présidentielle, c'est assez simple, puisque sont ouverts, comme en France, le vote à l'urne ou par procuration. Pour les standards d'élections organisées à l'étranger, la participation est assez élevée, même si elle reste, bien sûr, en dessous du niveau national : en 2012 et en 2017, elle a oscillé entre 40 % et 45 %. Cela signifie que près d'un électeur sur deux inscrit sur les listes électorales consulaires vient voter à cette occasion.

Pour les élections législatives, les taux de participation observés en 2012 et en 2017 ont oscillé entre 17 % et 20 %, soit un peu moins de la moitié de la participation nationale. Lors du scrutin de 2012, 45 % des électeurs ont voté à l'urne, 53 % par internet et seulement 2 % par correspondance. Pour les élections législatives de 2017, le vote par internet n'avait pas été proposé ; 94 % des électeurs ont voté à l'urne et 6 % par correspondance.

Pour les élections européennes, qui se sont déroulées selon le schéma général des seuls votes à l'urne et par procuration, le taux de participation s'est élevé, en 2014, à 11 %, contre un peu plus de 42 % au niveau national et, en 2019, à 18 %, contre plus de 50 % au niveau national, soit nettement en dessous de ceux observés en métropole et outre-mer.

Concernant les élections consulaires, la participation totale aux deux derniers scrutins de 2014 et de 2021 a assez peu varié : 16,6 % en 2014 et un peu plus de 15 % en 2021. Même si la perte est effectivement de 1,5 %, compte tenu du contexte et du décalage des élections, retrouver des chiffres aussi proches de ceux de 2014 était incertain.

L'enseignement très intéressant à tirer a trait à la distribution du vote entre urne et internet, qui a radicalement changé entre ces deux scrutins. En 2014, 57 % des électeurs ont voté à l'urne et 43 % par internet ; en 2021, 15 % des électeurs ont voté à l'urne et 85 % par internet. Il faudra, bien sûr, analyser les raisons de cette évolution, les deux facteurs principaux ayant probablement été la crise sanitaire, qui a incité à éviter les déplacements dans les bureaux de vote, et l'appropriation grandissante du vote par internet.

Les avantages et inconvénients respectifs des différentes modalités de vote se comparent d'abord du point de vue technique. Le vote à l'urne et le vote par procuration, en tant que modalités de droit commun, relèvent de la mécanique habituelle, même si, à l'étranger, elles posent parfois des défis logistiques, notamment pour installer des bureaux de vote.

Le vote par correspondance et le vote par internet sont nettement plus compliqués techniquement. Le premier présente plusieurs difficultés, la première étant un risque de fraude non négligeable et donc de détournement éventuel. Je note d'ailleurs qu'il a été écarté en France depuis 1975 précisément pour cette raison. Deuxième difficulté, le vote par correspondance est éminemment tributaire de la qualité et de la fiabilité des services postaux locaux et présente, de ce fait, des résultats extrêmement variables. Ainsi, en 2017, dans les zones où ces services fonctionnent bien et où l'électeur ne vivait pas très loin d'un bureau de poste, c'est-à-dire en Europe ou en Amérique, ce vote a bien marché ; en Afrique ou au Moyen-Orient, les taux de déperdition ont été, en revanche, très élevés. Une troisième difficulté est liée au mode d'emploi très spécifique du vote par correspondance : le bulletin de vote doit être glissé dans une enveloppe de scrutin, elle-même glissée, avec la copie d'une pièce d'identité, dans une seconde enveloppe qui doit être signée. Lors du dépouillement, on constate qu'en moyenne un quart des votes n'est ni exploitable ni comptabilisable dans la liste d'émargement. Il s'agit donc d'une modalité de vote compliquée et potentiellement génératrice de nombreux contentieux. C'est ainsi qu'en 2018, le vote par correspondance a fait partie du faisceau d'irrégularités retenues par le juge électoral pour décider de la tenue d'une élection législative partielle.

Quant au vote par internet, c'est une modalité assez compliquée à mettre en œuvre pour des raisons purement techniques. Notamment, il doit garantir la sécurité, répondre à certains critères pour être homologué et être suffisamment fiable dans des environnements très différents, ce qui le rend tributaire, dans chaque pays, des opérateurs de télécommunications. On sait néanmoins faire aujourd'hui, même si cela demande un important travail technique préparatoire. Cela a très bien fonctionné lors des élections consulaires, et nous espérons qu'il en sera de même s'agissant des élections législatives de 2022.

A-t-on observé des variations entre circonscriptions en matière de participation ? Les chiffres des élections consulaires de mai 2021 ont rendu compte d'un taux de participation inférieur à 1 % des inscrits dans soixante-trois bureaux de vote – il est vrai qu'au cours de cette élection, 2,13 % seulement des inscrits ont voté à l'urne. Cela nous a d'autant plus surpris que ce chiffre a été observé dans des pays où précisément le dispositif de bureaux de vote était très étoffé. Dans la circonscription de Lausanne, notamment, huit bureaux de vote avaient été ouverts et le taux de participation a été de 0,5 %. Dans d'autres villes où nous nous étions interrogés sur la nécessité de maintenir un bureau de vote, comme Bilbao ou Gérone en Espagne, Namur en Belgique ou Mayence en Allemagne, les taux de participation ont de la même façon été de l'ordre de 0,5 %. La mise à disposition de bureaux de vote ne serait donc pas une garantie de participation.

À l'inverse, quelques bureaux de vote, en Biélorussie, aux Comores, au Burkina Faso ou au Salvador se sont singularisés par une participation supérieure à 10 %, voire 20 %, mais ils ne concernaient qu'une portion extrêmement réduite d'électeurs. Quelques pays combinent un nombre d'électeurs inscrits assez important et une participation assez élevée : il s'agit en général de pays à communautés binationales, comme le Liban, le Maroc, l'Algérie, la Mauritanie, le Niger ou le Sénégal, où les taux de participation sont deux à quatre fois plus élevés qu'au niveau mondial.

Il est impossible d'exclure que les circonstances exceptionnelles qui ont motivé le report des élections consulaires de mai 2020 à mai 2021 aient influé sur la participation : elles ont été préparées dans une très grande incertitude, et ce jusqu'au dernier moment. Ces circonstances ont nécessairement joué. Deux facteurs conduisent cependant à tempérer ce constat, le premier étant la perte de 1,5 % de participation entre 2014 et 2021, soit une baisse aux proportions très limitées. Le deuxième indicateur, c'est le nombre de candidatures aux élections consulaires qui est passé de 396 en 2014 à 546 en mai 2020 pour, finalement, aboutir à 605 en 2021, date à laquelle ces élections ont été reportées. Cette augmentation témoigne d'un particulier engouement pour ce scrutin.

Par ailleurs, il est évident que le rôle des conseillers des Français de l'étranger est mal connu, même si les textes sont très clairs. Nous aurions trois pistes de réflexion pour mieux faire connaître leur action.

Tout d'abord, nous avons l'impression que le ministère des Affaires étrangères est le seul interlocuteur des élus. C'est logique, car ces élections sont du ressort du secrétariat d'État de M. Jean-Baptiste Lemoyne, mais de nombreux sujets mériteraient d'être portés au niveau interministériel. Je vous donne deux exemples. Le premier est celui des certificats de vie. Bien évidemment, nous sommes en contact avec la direction de la sécurité sociale ou le groupement d'intérêt public Union retraite pour faire évoluer les règles, mais, là encore, le sujet doit être porté au niveau des ministères concernés. Le deuxième exemple est celui du renouvellement des titres d'identité de nos compatriotes établis hors de France. La double comparution personnelle, si elle ne pose pas de problème particulier en France, peut être beaucoup plus compliquée à appliquer à l'étranger. Nous essayons d'aménager cette obligation, par l'intermédiaire des consuls honoraires ou des tournées consulaires, mais l'on nous demande régulièrement d'être encore plus flexibles. Nous en discutons avec le ministère de l'Intérieur mais les élus pourraient aussi y réfléchir avec les autres administrations.

Il faudrait ensuite définir de quelle manière l'Assemblée des Français de l'étranger pourrait s'approprier ces sujets interministériels. Elle a déjà commencé puisque des représentants de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ou du GIP Union retraite sont régulièrement invités à ses travaux, mais, au-delà, il serait intéressant de recueillir l'avis du ministère de l'Économie sur certains sujets de fiscalité ou celui du ministère des Armées sur l'adaptation de la journée défense et citoyenneté à l'étranger. Si je puis me le permettre, je vous suggèrerais d'étudier avec l'Assemblée des Français de l'étranger comment porter au niveau interministériel les difficultés que rencontrent les Français de l'étranger.

Enfin, même si j'ai bien conscience que beaucoup d'élus consulaires ont une autre activité et n'ont pas toujours le temps, ni les ressources, voire le goût, de communiquer plus amplement, il serait souhaitable que certains ne s'en tiennent pas à la seule mise à disposition d'une adresse internet pour échanger. Bien sûr, cette possibilité a le mérite de permettre une discussion sans intermédiaire mais parfois, en fonction des situations ou de la disponibilité des élus, l'usage des médias sociaux ou le partage d'une feuille d'informations permettrait de mutualiser les efforts d'élus de même sensibilité. Des Français de l'étranger demandent en effet que les élus communiquent davantage autour de leurs actions.

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Avez-vous des pistes pour améliorer la diffusion des différents documents électoraux ? Que pensez-vous de l'ouverture du vote par anticipation dans des territoires qui sont vastes mais comptent peu d'électeurs ? Comment simplifier le vote par procuration des Français de l'étranger ?

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Nous aurions tout intérêt à dématérialiser la propagande électorale, comme c'est le cas pour l'élection des conseillers des Français de l'étranger, car la propagande est très compliquée à organiser du fait des contraintes logistiques dont je vous ai parlé et des délais à respecter. Très souvent, des Français contactent les consulats pour se plaindre, à juste titre, d'avoir reçu les plis contenant la propagande électorale et les professions de foi après le scrutin.

S'agissant du vote par anticipation, nous savons à présent que ce dispositif fonctionne. L'étendre serait intéressant, pas forcément pour augmenter le nombre de votants mais pour offrir plus de possibilités à ceux qui souhaitent voter. L'obstacle est surtout de nature juridique. Ainsi, cette modalité n'est pas proposée pour les élections présidentielle et législatives, car le juge électoral pourrait considérer que l'égalité de traitement est rompue entre les Français de l'étranger, qui pourraient voter par internet ou par anticipation, et les autres. Il reste que ce dispositif fonctionne correctement et attire puisque, lors des dernières élections consulaires, 85 % des électeurs l'ont choisi. Je mettrai cependant un bémol à cette appréciation car nous sommes, une fois encore, tributaires de prestataires extérieurs, qu'il s'agisse des opérateurs internet ou des opérateurs SMS, ce qui nous impose parfois de faire du sur-mesure dans certains pays pour sélectionner un autre prestataire, ce qui pourrait poser problème lors de scrutins nationaux.

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En ce qui concerne la cybersécurité, quelles mesures prenez-vous pour assurer la sincérité des scrutins ?

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Si l'on décide de retenir le dispositif du vote par internet, c'est qu'un test grandeur nature a été réalisé et que le dispositif a été certifié et homologué par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Un cahier des charges est ensuite défini avec le prestataire. Les serveurs sont installés dans des locaux contrôlés par le ministère des Affaires étrangères afin de limiter au maximum les risques de cyberattaque. Des systèmes de clés permettent de verrouiller l'ouverture du scrutin et la constitution de la liste d'émargement du vote par internet. La procédure est, en général, supervisée par l'ANSSI et le bureau de vote électronique, qui comprend des représentants des élus et des services techniques et qui est présidé par un membre du Conseil d'État.

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Pouvez-vous nous garantir la totale sécurité de ces scrutins ? C'est en effet l'une des raisons pour lesquelles certains pays ont préféré ne pas renouveler l'expérience du vote par internet.

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Les phases de test visent à s'assurer de la robustesse du système grâce à une analyse des risques et, le cas échéant, des attaques dont il a pu être la cible. C'est d'ailleurs parce que le système n'a pas été jugé suffisamment fiable en 2017 qu'il n'a pas été mis en œuvre. Le dispositif que nous proposons aujourd'hui nous permet de mesurer le niveau de risque et de prendre la décision de renoncer au vote par internet si le contexte ne s'y prête pas.

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C'est un peu grâce à vous que je suis ici puisque je fais partie des heureux bénéficiaires de l'organisation des élections à l'étranger. J'ai vécu comme électeur les différentes étapes que vous avez décrites, de 2008 à 2017, puis en tant que candidat et ensuite au titre de coorganisateur, car nous avons été associés à l'organisation des scrutins qui ont suivi, en particulier les élections consulaires.

Vous réalisez un excellent travail dans un environnement particulièrement complexe. En témoigne le nombre de votants aux élections consulaires, qui se sont déroulées essentiellement par voie électronique, puisqu'il est comparable à celui des élections précédentes malgré la situation très tendue dans certains pays du fait de la crise sanitaire.

Comment faire pour que les Français de l'étranger votent davantage ? Pourrions-nous nous inspirer des exemples étrangers pour faire évoluer les scrutins nationaux ?

Nous devons relever un défi, celui d'inciter les Français et les Françaises à s'inscrire au registre et à aller voter. Nous devons également numériser la propagande électorale à l'étranger pour ne pas nous retrouver dans des situations ridicules où les électeurs reçoivent leurs documents après le scrutin. À cet égard, les élections consulaires se sont bien passées. Cependant, gardons à l'esprit que, si l'on reçoit la propagande par internet et que l'on consulte internet, le tirage au sort des listes peut vous placer face à une très belle photographie du président Emmanuel Macron sur une liste fantoche dont ni le Président de la République ni le mouvement majoritaire n'ont approuvé l'existence. L'intégrité des listes est un vrai défi d'autant plus difficile à relever que ce n'est en général qu'ensuite que l'on peut s'assurer que la liste présentée est bel et bien soutenue par le candidat ou le mouvement dont elle se réclame. Nous en avons fait l'expérience à l'occasion d'élections qui me sont chères, à Montréal. Cela dit, la mise à disposition du matériel électoral sur internet et le vote électronique, toutes précautions prises, se sont très bien prêtés aux élections consulaires. Je reconnais toutefois bien volontiers que, si l'on doit annuler une élection consulaire, personne n'en mourra. Ce serait autrement plus compliqué si les votes par internet de 1 300 000 personnes pour l'élection présidentielle se trouvaient falsifiés.

S'agissant du vote par correspondance, vous avez relevé que le risque de fraude était élevé. Comme je suis aussi Canadien, je voterai par correspondance aux élections canadiennes dans quelques semaines. Ces élections sont sûres et très bien organisées. Je pense que c'est aussi le cas aux États-Unis où un tiers des Américains ont voté par correspondance à la dernière élection présidentielle. Nous pouvons réunir les conditions d'un vote par correspondance sécurisé. Le principal défi pour nous tient aux délais puisqu'une seule semaine sépare le premier du second tour des élections législatives en France, contre deux semaines pour celles qui concernent les Français de l'étranger. Or une seule semaine ne suffit pas pour acheminer le matériel. Le vote par correspondance fonctionne bien dans la quasi-totalité des pays, il n'y a pas de raison qu'il n'en aille pas de même chez nous, quitte à simplifier la procédure, en nous inspirant du modèle canadien. Pour ma part, j'y suis favorable. Nous pourrions nous inspirer de l'expérience de l'ouverture anticipée des bureaux aux Français de l'étranger pour les votes sur le territoire national. Je vous renvoie à l'exemple de la dernière élection présidentielle aux États-Unis. Nous devrons réfléchir à l'ouverture des bureaux par anticipation ou à distance – voter dans un bureau autre que celui dans lequel on est inscrit.

Enfin, pourriez-vous nous aider à faire remonter, de la part des consulats, des pratiques de vote intéressantes de pays dans lesquels vous êtes présents ? Vous êtes en effet un centre d'observation exceptionnel des modes électoraux du monde entier.

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Je transmettrai votre demande. Deux pistes me semblent intéressantes pour encourager la participation. Tout d'abord, nous gagnerions à mieux informer nos concitoyens des nouvelles modalités d'inscription sur les listes électorales, qui ont évolué depuis l'instauration du répertoire électoral unique. Alors qu'auparavant, il était impossible de voter si l'on avait laissé passer la date couperet du 31 décembre précédant le scrutin, il est à présent possible de s'inscrire jusqu'au sixième vendredi avant le premier tour. Ce système, beaucoup plus souple, devrait faciliter l'inscription des jeunes électeurs mais aussi le vote de tous ceux qui changent de circonscription ou s'établissent à l'étranger.

Pour favoriser l'inscription, nous menons des campagnes traditionnelles en essayant de la rendre la plus attrayante possible. Par exemple, certaines formalités administratives, dans les consulats, sont soumises à des tarifs différents selon que l'on est inscrit ou pas. L'écart n'est pas très important mais c'est une manière d'indiquer qu'il y a tout intérêt à s'inscrire. Les personnes inscrites ont également accès à des communications relatives à la sécurité. Bref, nous essayons de faire comprendre aux Français de l'étranger que l'inscription n'est pas qu'une simple formalité, qu'elle peut leur faciliter les démarches administratives dans certains pays.

Concernant les procurations, le régime qui s'applique aux Français de l'étranger est plus souple puisqu'ils peuvent émettre des procurations pour une durée de trois ans, ce qui est plus long que celles établies en France, et ils peuvent en avoir trois, contre deux en France. Sans doute des améliorations peuvent-elles être apportées, même si les enjeux organisationnels sont importants. Ainsi, il est aujourd'hui possible d'établir une procuration pour une personne inscrite sur la même liste électorale consulaire mais pas nécessairement dans le même bureau de vote. Une personne habitant en Chine pourrait, par exemple, donner une procuration pour quelqu'un qui habite au Vietnam, ce qui répondrait à certaines situations familiales ou à des configurations particulières.

Un problème se pose effectivement avec les candidatures conformes à toutes les formalités – présentations, mentions, dimensions, couleurs – mais qui font état d'une affiliation ou d'un soutien qui n'est pas avéré de la part de formations politiques ou de fondations qui peuvent apporter un surcroît de notoriété. La liste est parfois enregistrée, puisque nous sommes obligés de le faire, tout en sachant que le contenu ne correspond pas à l'étiquette. Dans ce cas-là, nous sommes saisis par les formations politiques ou les fondations concernées qui, ensuite, peuvent exercer des recours.

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La presse fait souvent état de piratages au sein des entreprises et des administrations. À l'occasion des élections, en France, en Europe et dans le monde, nous avons eu également écho d'ingérences étrangères.

À propos du vote électronique, vous avez vous-même évoqué ce problème qu'est le recours à des sociétés privées – je note que le canton de Genève a développé en 2003 une solution interne. En France, l'ANSSI a déploré la faiblesse relative du pilotage technique du marché en raison du manque de compétences du ministère des Affaires étrangères pour conduire de grands projets informatiques. Est-il raisonnable de s'appuyer sur une entreprise privée pour organiser le vote électronique de nos concitoyens pour des élections dont l'enjeu est local ? Ne serait-il pas préférable que l'État se dote de moyens supplémentaires afin de développer un outil public ? Si oui, quelle agence devrait s'en occuper ?

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Ma réponse sera nécessairement incomplète puisqu'il faudrait avoir l'avis de responsables de systèmes informatiques.

L'idéal serait d'évidence une complète internalisation, maîtrisée de A à Z. Nous avons constaté, depuis les élections consulaires de 2014, combien l'organisation d'un vote électronique est un métier nécessitant les services d'opérateurs spécialisés. Pour les élections législatives de 2022, l'organisation a été confiée à Docapost, qui intervient déjà auprès de fédérations professionnelles ou de syndicats. Cela prend du temps. Nous y travaillons depuis déjà trois mois et nous avons élaboré deux phases de tests grandeur nature ainsi que de nombreuses homologations. De tels savoir-faire sont relativement rares et aucune administration française ne dispose de ressources internes pour mener à bien ce type d'opérations.

En cas d'évolution des politiques publiques, l'ANSSI serait un interlocuteur privilégié, car elle dispose de l'expertise nécessaire pour juger de la robustesse d'un système face à d'éventuelles attaques et des ressources adéquates pour conduire ce type de projet techniquement très complexe. Autant nous sommes capables de créer rapidement un système de démarches en ligne, comme nous l'avons fait avec le passe sanitaire pour les Français de l'étranger, autant les Affaires étrangères ne peuvent pas répondre, en interne, aux impératifs de sécurité du vote électronique.

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Pourquoi ne serait-il pas possible, lors d'une inscription sur Ariane, de cocher simplement une case pour s'inscrire, le cas échéant, sur une liste ?

J'ai particulièrement apprécié votre analyse sur le vote des Français établis à Lausanne, qui se sont très peu déplacés. Habitant à Thonon-Les-Bains, participant donc du bassin lémanique, j'ai le sentiment que la démocratie française se réfléchit sur la démocratie semi-directe suisse, ce qui expliquerait un niveau de participation aussi faible.

À cela s'ajoute, comme vous le dites, l'entre-soi du ministère des Affaires étrangères et des « consulaires » alors que les enjeux peuvent dépasser leurs périmètres. Je suis l'élue d'une circonscription binationale qui comprend un domaine skiable binational. Lorsque la Suisse ouvre les stations et que la France les maintient fermées en raison du covid, il est difficile aux Français qui vivent en Suisse de considérer que leurs élus les soutiennent. Si le consul général est très lié à l'ambassadeur, il ne l'est pas forcément, par exemple, au sous-préfet de Thonon-Les-Bains alors qu'ils partagent une agglomération commune. Nous souffrons d'un manque d'interactions.

Lors du premier confinement, le préfet de Haute-Savoie nous a tout de même expliqué que les Suisses ne devaient pas entrer dans le département alors qu'ils vivent à un kilomètre de la frontière et qu'ils font leurs courses chez nous ! Les commerçant ont dû protester à la suite de la baisse de leur chiffre d'affaires pour que la préfecture s'aperçoive que nous avons tout de même quelque chose en commun. Tout cela illustre les réflexes du ministère des Affaires étrangères et le manque d'interactions entre les différents ministères en ce qui concerne les Français de l'étranger.

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Ariane est en effet un outil efficace dont nous encourageons évidemment l'utilisation, mais ce dispositif concerne les seuls voyageurs qui partent pour très peu de temps. Ce serait très bien s'il suffisait à des voyageurs qui, finalement, s'installeraient à l'étranger, de cocher une case pour s'inscrire sur le registre électoral. Peut-être l'élaboration d'une passerelle est-elle envisageable.

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Il serait en effet utile de comparer les modalités électorales utilisées dans d'autres pays pour leurs citoyens résidant à l'étranger.

Il le serait également d'examiner la situation, en termes de cybersécurité, dans les pays où la démocratie n'est pas la règle. Par exemple, comment parvenez-vous à organiser nos élections en Biélorussie ? Quels outils utilisez-vous pour lutter contre la propagande, les fake news et les ingérences ?

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

La comparaison existe dans les deux sens puisque nombre de pays observent que le vote par internet (VPI) fonctionne et nous demandent comment nous procédons.

Dans les pays auxquels vous faites allusion, nous privilégions le plus possible le vote à l'urne, donc les bureaux de vote au sein d'emprises consulaires et diplomatiques ou d'écoles françaises, afin de pouvoir en assurer la sécurité. Nous évitons les emprises extérieures, qui présentent moins de garanties pour l'installation d'équipements tiers ou les accès.

Les éventuelles tentatives de désinformation ou de perturbations du vote par internet sont détectées à Paris. Le poste peut également disposer d'indicateurs permettant de signaler l'activité de certaines officines.

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Sans doute pourrait-on s'interroger sur le nombre de procurations possibles en France. Je me suis fait, à deux reprises, le plaisir de voter quatre fois à l'élection à laquelle j'étais candidat mais, au-delà, tout ce qui peut simplifier l'accès aux bureaux physiques – ouvertures anticipées, procurations simplifiées et plus nombreuses – doit être étudié.

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Comme nous le disions ce matin lors de l'audition du co-président du Conseil national du numérique, nous devons simplifier l'accès aux procurations et multiplier ces dernières tout en garantissant absolument la sincérité et l'infaillibilité des votes. Nombre d'électeurs reculent, en effet, dès lors qu'il faut se rendre dans un consulat, un commissariat ou un tribunal d'instance.

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Je rappelle que les modalités de vote par procuration ont récemment évolué puisqu'il est désormais possible d'avoir deux procurations, peut-être bientôt trois, mais gardons tout de même à l'esprit qu' in fine, seule la personne qui en dispose sait ce qu'elle fait : tout système a ses limites ! Néanmoins, lorsque la confiance règne – ce que suppose tout scrutin – cette possibilité est très utile.

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

L'établissement de procurations pour les Français de l'étranger est évidemment fondamental mais certains d'entre eux se heurtent à des difficultés dues à l'éloignement d'un consulat. Nous avons prévu un certain nombre de dispositifs pour limiter ce type d'inconvénients, dont les tournées consulaires : le consulat envoie des représentants pour recueillir les demandes de passeports, de cartes d'identité et, souvent, de procurations. Elles n'ont lieu, toutefois, qu'une ou deux fois par an, dans certaines régions, et elles mobilisent des agents qui ne sont, dès lors, plus présents au consulat.

Nous disposons également de 400 consuls honoraires. Ceux qui sont de nationalité française – c'est le cas de la très grande majorité – sont habilités à recueillir des procurations.

Enfin, le développement des téléprocédures permet de simplifier la saisie des données, le but ultime étant l'identité numérique, qui permettra d'établir des procurations à distance grâce à l'authentification de la personne qui les demande. C'est un chantier pour les dizaines d'années à venir.

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Lors des élections régionales, je devais voter pour ma fille mais sa procuration n'est pas arrivée à temps J'ajoute que ce dispositif est très complexe, même pour l'ingénieure que je suis ! L'écriture en « français facile à lire et à comprendre » ne pourrait-t-elle être utilisée en l'occurrence ?

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Il est vrai que 25 % de votes par correspondance « nuls » pour des raisons formelles, c'est énorme ! Un travail doit être accompli pour que les modalités de vote soient compréhensibles et qu'il puisse être effectivement tenu compte du choix exprimé.

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Sébastien Jaunet, sous-directeur de l'administration des Français à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Un travail de simplification s'impose, en effet : parfois, lorsque je regarde certains formulaires, je suis le premier surpris ! En l'occurrence, le ministère de l'Intérieur coordonne les efforts en ce sens et nous sommes associés à son travail puisque les Français de l'étranger sont concernés. La téléprocédure permet de simplifier les choses, mais il est sans doute possible d'aller plus loin en faisant en sorte que, si l'usager fait fausse route lorsqu'il remplit le formulaire, l'anomalie lui soit signalée.

La table ronde s'achève à 15 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Jacqueline Dubois, Mme Monique Iborra, Mme Marion Lenne, M. Roland Lescure, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Pacôme Rupin, M. Stéphane Travert

Excusés. - Mme Jacqueline Maquet, M. Sylvain Templier, M. Charles de la Verpillière