COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 13 mai 2020
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 30.
Nous allons évoquer les mesures prises au niveau européen pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire sur l'agriculture et l'alimentation. Le deuxième Conseil Agriculture et pêche depuis le début de la crise s'est tenu aujourd'hui, après un premier rendez-vous en mars, et alors que les ministres des vingt-sept États membres ont demandé, le 17 avril, l'adoption de nouvelles mesures d'intervention sur les marchés agricoles, ainsi que l'extension immédiate de nouvelles flexibilités aux États membres dans le cadre des deux piliers de la politique agricole commune (PAC). Monsieur le ministre, pourriez-vous détailler les principaux points abordés lors de ce Conseil ?
En ce qui concerne l'agriculture, l'Union européenne a réagi en trois temps face à la crise. En mars, la Commission a adopté différentes mesures afin que les États puissent, dans l'urgence, utiliser toute la flexibilité prévue par les règles sur les aides d'État. Elle a permis aux agriculteurs de bénéficier de prêts ou garanties à des conditions favorables et assoupli les contrôles. Elle a mis en place des corridors verts afin que certaines denrées alimentaires essentielles ne subissent pas de contrôles frontaliers de plus de quinze minutes.
Début avril, la Commission a annoncé une augmentation des avances sur les paiements des deux piliers de la PAC et une réduction des contrôles physiques. Fin avril, enfin, elle a accepté les nombreuses demandes de mesures de marché : aide au stockage privé pour les produits laitiers et la viande ; dérogations aux règles de concurrence permettant la création de cartels de crise dans les secteurs du lait, des fleurs et des pommes de terre.
Toutefois, de nombreux acteurs considèrent que ce n'est pas suffisant – le commissaire européen l'a lui-même reconnu. De nombreuses questions restent en suspens : quels moyens l'Union européenne peut-elle allouer aux mesures de soutien ? En effet, la majorité des fonds européens sont consommés et le budget 2021 n'est pas encore disponible.
Certains secteurs, comme la viticulture et l'horticulture, ne sont-ils pas insuffisamment soutenus par l'Europe ? Vous avez d'ailleurs annoncé, monsieur le ministre, un plan national de soutien à ces deux secteurs.
Après cinquante-cinq jours de confinement, nous faisons le constat que la chaîne alimentaire a tenu, de l'amont à l'aval, des producteurs aux transformateurs, jusqu'à la distribution. Une des priorités du Gouvernement était d'éviter la pénurie. Il faut donc saluer les acteurs de la deuxième ligne pour ce succès. La crise a contribué à modifier les habitudes de consommation de nos concitoyens – consommation plus locale, de produits français, meilleure appréhension du rôle des agriculteurs dans la chaîne alimentaire, etc. Espérons que cela perdurera…
Nous avons travaillé avec tous les acteurs des filières. La chaîne a tenu car les uns et les autres ont réalisé beaucoup d'efforts. Ainsi, les producteurs et les agriculteurs français ont fait preuve d'inventivité, d'agilité et de modernité : drives fermiers, achats à la ferme, nouvelles modalités de distribution de leurs produits.
De son côté, le Gouvernement a essayé de répondre présent : toutes les entreprises agricoles et de l'agroalimentaire ont bénéficié des mesures économiques – chômage partiel, prêts garantis, fonds de solidarité, etc. –, à hauteur de plus de 110 milliards d'euros.
Nous nous attelons désormais à des mesures plus ciblées pour certaines filières, en complément du plan de relance de l'économie. J'ai plaidé pour la réouverture très rapide de tous les marchés ; c'est maintenant le cas, dans le respect des mesures de distanciation et des règles sanitaires. Nous avons mobilisé les Français pour trouver de la main-d'œuvre agricole : 300 000 personnes se sont inscrites sur la plateforme et 15 000 ont été appelées et ont travaillé avec les agriculteurs. Nous n'avons pu atteindre les 48 000 dont l'agriculture française avait besoin car certaines activités nécessitent des personnels formés : s'il est simple de ramasser des fruits et légumes, ce n'est pas le cas pour travailler sur des arbres ou dans des vignes. Désormais, nous devons remobiliser la main-d'œuvre saisonnière.
Nous avons également trouvé des solutions conjoncturelles : au moment de Pâques, 100 % des agneaux abattus ont été vendus et consommés ; les fruits et légumes français ont été mis en avant dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) ; nous avons cofinancé des campagnes de promotion des fruits et légumes français ou des fromages AOP.
Si l'aide de l'Europe a été plus importante qu'en temps normal, elle n'est pas à la hauteur de la gravité de la crise pour le secteur agricole. Elle l'a été pour la pêche : la Commission a répondu de façon rapide, forte et ambitieuse et un Plan pêche a pu être cofinancé par l'Europe, la France et les régions françaises. Le secteur est reparti et, depuis hier, les marins qui partent en mer pour plus de sept jours sont tous testés.
Pour l'agriculture, la Commission a fait preuve d'immobilisme. Que s'est-il passé depuis le 13 mars et les premières annonces sur les aides d'État, l'assouplissement des contrôles et le report des télédéclarations jusqu'au 15 juin sans pénalité ? Le Conseil des ministres de l'agriculture qui s'est tenu il y a un mois a été décevant pour tous les États membres. En effet, l'Union européenne s'est bornée à proposer différentes mesures, en donnant la possibilité aux États de les financer eux-mêmes. Ce n'est pas acceptable, alors que cette crise est sans précédent ! L'Union européenne doit répondre présente. C'est pourquoi, avec mes homologues espagnol, italien et allemand, nous avons organisé des réunions bilatérales par téléphone pour essayer de faire bouger les choses. Mi-avril, ma rencontre avec le commissaire européen s'est plutôt bien passée. J'ai pu évoquer nos demandes pressantes – on parle de la survie de certaines filières, et non d'une aumône !
Face à l'immobilisme de la Commission, le 17 avril, c'est inédit, les vingt-sept États membres ont publié une déclaration commune plaidant pour une action rapide de l'Union européenne, des mesures de stockage ou de maintien des marchés.
Suite au Conseil de ce jour, nous avons obtenu des mesures de stockage pour les filières animales : 25 000 tonnes et 26 millions d'euros pour la viande bovine, 36 000 tonnes et 1 million d'euros pour la viande ovine et caprine, 140 000 tonnes et 14 millions d'euros pour le beurre, 100 000 tonnes et 10 millions d'euros pour les fromages, 90 000 tonnes et 6 millions d'euros pour la poudre de lait. Le coût total des mesures s'élève donc à 76 millions d'euros. On est encore loin du compte, d'autant que nous ne disposons d'aucune indication sur les modes de paiement.
L'Union européenne ne peut pas uniquement être celle des contraintes. Elle doit aussi être celle du dynamisme et de la solidarité face à une crise sans précédent. Les mesures de marché sont indispensables. En outre, lors du Conseil des ministres, j'ai plaidé pour davantage de mesures de stockage privé pour le veau, la volaille et les pommes de terre, et des moyens pour les filières viticole, brassicole et sylvicole. Elles ne peuvent faire les frais de cette crise sans soutien direct de l'Europe. Il ne peut s'agir de redéploiement de crédits nationaux ! J'ai également continué à plaider pour un fonds de compensation pour la viticulture, suite aux taxes décidées par l'administration Trump à l'automne dernier. La France a également demandé un mécanisme spécifique pour l'horticulture, particulièrement touchée.
Au nom du Gouvernement, j'ai annoncé que la France était opposée à l'utilisation de la réserve de crise que l'Europe nous a autorisés à utiliser. Cela reviendrait à faire financer les mesures d'urgence par les agriculteurs eux-mêmes ! Avec d'autres, j'ai réaffirmé l'importance de la stabilité du budget de la PAC. Comment expliquer aux agriculteurs, qui auront encore des difficultés de trésorerie en fin d'année, que les aides européennes risquent de diminuer de 4 % ? L'agriculture et l'agroalimentaire doivent être inclus dans le plan de relance européen.
Il faut que l'Union européenne accepte que les contrôles au titre de la PAC soient effectués en mode dégradé, les contrôles sur place étant encore difficiles et nos administrations se focalisant sur les contrôles sur pièces.
Enfin, je l'ai répété à mes collègues et au commissaire cet après-midi : la France n'apprécie pas qu'en pleine crise, l'Union européenne continue à vouloir signer des accords avec le Mexique, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Nous devons d'abord réfléchir ensemble à l'avenir du commerce international. Ne faut-il pas mettre en avant l'exception agricole, comme l'a demandé le Président de la République ? Nous ne pouvons plus continuer à échanger des vaches ou des produits agricoles contre des voitures ou des fusées.
La politique agricole commune doit rester une politique européenne de premier plan, mais également devenir une politique alimentaire commune et plus verte, avec l'instauration d'écoschémas – ou ecoschemes –, obligatoires pour les États et facultatifs pour les agriculteurs. Je me suis félicité de la présentation, la semaine prochaine, de la stratégie européenne Farm to fork – de la ferme à la fourchette –, levier de notre souveraineté alimentaire, alors que certains pays et certains groupes du Parlement européen voulaient la repousser.
Bien sûr, le commerce international ne va pas disparaître, mais nous souhaitons réfléchir à cette question fondamentale : dans quels secteurs devons-nous tendre vers l'autonomie totale ? La crise a mis en lumière la dépendance de certaines filières. Le Président de la République a évoqué les protéines végétales, qui devront faire l'objet d'un plan d'envergure. On peut également penser aux intrants au sens large, et peut-être à la volaille – nous en importons 50 %. Nous pourrions développer notre production de fruits et légumes : en début de saison, la France ne produit que 20 % de sa consommation totale de fruits et légumes frais et, au pic de sa production, que 50 % des fraises achetées par les Français. Nous devrions également analyser les différences entre importations et exportations hors Union européenne et au sein de celle-ci.
Il faut être pragmatique concernant le coût de la main-d'œuvre et l'harmonisation sociale européenne. J'en parle souvent avec mes homologues, notamment mon ami et collègue espagnol : les salariés agricoles espagnols ont, tout autant que les nôtres, envie de salaires supérieurs. Mon ministère doit s'atteler à l'analyse des différentiels de prix des produits : ainsi, la différence de prix entre un concombre français à six euros et un néerlandais à deux euros trente est-elle liée au coût de la main-d'œuvre ou à d'autres facteurs ?
La crise aura permis une prise de conscience et je n'ai aucun doute sur l'évolution : demain, il faudra sûrement produire et consommer différemment.
Cette crise historique nous invite à réfléchir à notre modèle agricole et alimentaire : il doit assurer à la France et à l'Europe sa souveraineté alimentaire, comme l'a demandé le Président de la République dès le début de la crise. Quand nous dépendons d'autres pays pour nous nourrir, nous nous mettons en danger : nous ne maîtrisons pas la qualité des produits alimentaires que nous importons et nous n'avons pas la main sur ces approvisionnements.
Cette crise épidémique a d'importantes et durables conséquences sur nos productions agricoles. L'évolution brutale des modes de consommation – du fait du confinement et de la fermeture de la restauration hors domicile – a déséquilibré de nombreuses filières et les échanges intracommunautaires. En conséquence, à la demande de nombreux États membres, dont la France, la Commission européenne a activé les mesures prévues dans le cadre de l'organisation commune des marchés et a autorisé le stockage privé pour les produits laitiers, la viande bovine, ovine, etc.
Face à l'urgence, nous devons reposer la question de l'intervention publique nationale et européenne. Pourtant, le 28 avril dernier, Phil Hogan, commissaire européen au commerce, a annoncé la conclusion d'un accord avec le Mexique, portant notamment sur 20 000 tonnes annuelles de produits bovins à droits réduits, alors que la viande mexicaine ne satisfait pas aux mêmes exigences sanitaires et environnementales que la viande européenne. Les négociations semblent également avancées avec la Nouvelle-Zélande, en particulier sur la viande ovine et certains produits laitiers.
En outre, durant cette crise, les prix de certaines filières, notamment la filière bovine, étaient complètement déconnectés de la loi de l'offre et de la demande : la demande des consommateurs était au plus haut, les importations en baisse et, pourtant, les prix à la production étaient au plus bas. En conséquence, les producteurs connaissent d'importantes difficultés de trésorerie. La crise a mis en évidence la fragilité structurelle de la filière. Il est fondamental de stabiliser les filières alimentaires européennes, avec une PAC ambitieuse. Il faut retirer tous les produits agricoles sensibles des négociations commerciales en cours.
Quelle est la position du Gouvernement sur l'accord européen avec le Mexique et le futur accord avec la Nouvelle-Zélande ? La crise du Covid-19 et la réforme de la future PAC n'appellent-elles pas un changement de logique de la politique commerciale européenne ? N'est-il pas temps de tirer les leçons de la crise ? Quelles réponses apporter en termes de structuration des filières ?
En outre-mer, les professionnels de la canne à sucre sont inquiets quant au renouvellement de l'aide d'État de 38 millions d'euros. La France est-elle prête à envoyer la notification à l'Union européenne ? Le cas échéant, comment débloquer la situation ? La campagne sucrière doit commencer au mois de juillet.
Au Pays basque, la main-d'œuvre saisonnière est pleinement au rendez-vous.
Que pensez-vous de l'accord commercial suspendant notamment les droits de douane pour les produits agricoles qui a été négocié par l'Union européenne avec le Mexique et qui inquiète grandement nos agriculteurs ? Faut-il continuer à négocier des accords de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie ?
Je vous remercie pour votre action en faveur de la réouverture de nos marchés.
Il ne faut pas en effet utiliser la réserve de crise européenne mais l'Union européenne doit se mobiliser pour aider directement un certain nombre de filières.
Les ventes ayant chuté dans la filière cidricole, qui trouve principalement des débouchés dans la restauration et le secteur du tourisme, peut-on espérer des aides directes et peut-on envisager une réorientation des aides européennes vers ces productions respectueuses de l'environnement et des paysages ?
Il est tout à fait possible de concilier autonomies nationale et européenne.
Cet accord avec le Mexique est un très mauvais signal. Quelle a été la position de la France ?
Quelles sont les convergences auxquelles le conseil des ministres européens est parvenu cet après-midi ? Comment la Commission européenne peut-elle donc continuer à camper sur ses positions ?
Je peux comprendre votre opposition à l'utilisation de la réserve de crise européenne – quelque 500 millions d'euros – mais ne serait-elle pas précieuse dans la situation que nous connaissons ?
Certaines règles de la PAC peuvent-elles entraver l'obtention des aides ?
Avez-vous discuté de l'augmentation de la dotation du Fonds européen d'aide aux plus démunis ?
La France souhaitant l'instauration d'un Fonds de compensation pour la viticulture, j'en conclus que vous ne considérez pas les mesures annoncées aujourd'hui comme un solde de tout compte.
Dans le cadre du programme national pour l'alimentation (PNA), les agriculteurs seront-ils soumis à des procédures bureaucratiques ou des mesures seront-elles prises au niveau de la filière s'agissant en particulier de la distillation des vins ?
Avez-vous évoqué le versant agricole du Brexit lors de la réunion des ministres européens de l'agriculture ?
Envisagez-vous des mesures incitatives pour les travailleurs saisonniers venant des pays de l'Est et de la péninsule ibérique ? Des mesures seront-elles prises pour faciliter la venue de ceux d'entre eux qui vivent en dehors de l'espace Schengen ?
Quels sont les critères et les contours des exonérations de charges prévues dans le secteur viticole ? Quid de la distillation des vins ? Que pensent vos homologues européens de la demande française d'instauration d'un Fonds de compensation et d'une réaffectation des crédits non utilisés dans le cadre de la gestion des programmes nationaux d'aide de l'OCM vitivinicole ?
Qu'en est-il de la nouvelle PAC et, en particulier, de son budget ?
Nombre de nos concitoyens ont découvert pendant la crise des produits locaux de qualité. Dans quelle mesure les aides de la PAC peuvent-elles être orientées vers l'agriculture biologique ou en direction des exploitations tournées vers le marché national et non vers l'exportation ?
Alors que l'on essaie de sauver des vies, d'alimenter nos concitoyens, de répondre à la crise sociale et économique, de promouvoir une souveraineté et une exception agricoles, il n'est pas acceptable de conclure des accords internationaux qui, demain, devront être modifiés. De toute façon, l'accord avec le Mexique devra entrer dans un processus de ratification. Il ne me semble pas raisonnable de continuer à discuter les accords avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie.
S'agissant de la nouvelle PAC, aucune discussion n'a repris. Si la transition avant son application dure plus d'un an, de quel budget disposerons-nous ? En tout état de cause, nous souhaitons que le budget de la PAC soit égal à celui qui a été dépensé aujourd'hui et nous nous opposerons à toute diminution.
La France demande une réouverture plus large du règlement « OCM » – mesures de gestion du marché et organisation économique – et une transition agro-écologique la plus large possible.
Les agriculteurs bio bénéficient quant à eux d'aides plus importantes dans le cadre de la PAC.
Nous ne sommes pas autorisés, en l'état, à reporter les crédits d'une année.
Nous devons être encore plus vigilants en ce qui concerne les premier et deuxième piliers de la PAC et je suis opposé à l'utilisation de la réserve de crise européenne, car cela revient à faire baisser les aides directes aux agriculteurs. Un acte de solidarité serait certes possible mais si les agriculteurs gagnaient bien leur vie et si ce secteur était plus florissant.
Les marchés représentent 30 % des ventes des produits frais et doivent tous rouvrir dans le respect des recommandations sanitaires.
Ce n'est pas parce que la filière cidricole est modeste que nous l'oublions. Elle a obtenu l'intégralité des mesures horizontales mais nous travaillons également à des exonérations de charges à hauteur de 50 %. Je ne veux pas, toutefois, de « passagers clandestins », qui bénéficieraient d'aides alors qu'ils n'en ont pas besoin. Nous avons fixé une clause de revoyure avec les petits producteurs dans quinze jours. Nous avançons ensemble, intelligemment, en fonction des situations.
Nous avançons également dans le secteur viticole bien que, s'agissant du Fonds de compensation, nous ne sommes pas suivis, les Allemands notamment considérant que les règles du marché doivent s'appliquer. Je continue à me battre.
La distillation de crise, en l'état, porte sur 2 millions d'hectolitres, avec un rachat par les États à 70 euros l'hectolitre. Je souhaite là encore une aide directe de l'Union européenne et nous nous bagarrons en ce sens.
Nous utiliserons 70 à 80 millions des crédits non utilisés dans le cadre de l'OCM vitivinicole.
Les paysans français ont besoin de la main-d'œuvre saisonnière et nous sommes en effet dépendants de l'étranger. Il est certain que les travailleurs algériens, marocains et tunisiens ne pourront pas venir mais je travaille à ce que les saisonniers intra-européens puissent le faire et j'espère une réponse positive.
S'agissant de la filière de la canne à sucre, des arbitrages doivent encore être rendus mais la demande de notification est faite et l'aide de 38 millions sera versée.
Pourriez-vous dresser le bilan agroalimentaire de l'accord économique et commercial global, le CETA, sur la filière bovine ?
Il semble que la doctrine européenne évolue avec la nouvelle présidente de la Commission et que le respect de l'accord de Paris devienne une clause essentielle pour les futurs accords que l'Union européenne aura à discuter. Or le Royaume-Uni ne veut pas entendre parler de cette clause.
Ma collègue Martine Leguille-Balloy souhaite savoir s'il est possible de rouvrir des discussions avec la Commission européenne afin de permettre les critères de préférence locale dans la commande publique de produits agricoles et alimentaires dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la fourchette » qui sera présentée prochainement par la Commission européenne.
Plusieurs secteurs de l'agriculture française font face à des problèmes majeurs en raison de la baisse des ressources humaines, de la diminution de la demande, de la guerre commerciale que mènent les États-Unis, et de circonstances exceptionnelles climatiques, comme l'épisode de gel qui a durement touché les viticulteurs du Var. Dans quels domaines pensez-vous pouvoir obtenir des aides européennes et dans quels délais ?
Nous devons prendre des mesures pour éviter l'effondrement de la filière de l'éthanol betteravier, d'autant que nous avons plus que jamais besoin de ses dérivés à usage sanitaire, solutions hydro-alcooliques et désinfectants dont la consommation a décuplé. Comment veiller à ce que toutes les capacités de stockage existantes soient mobilisées prioritairement pour stocker les volumes d'alcool français non consommés ? Où en est la France dans le processus de demande d'une clause de sauvegarde européenne ?
Le flux d'importation d'alcool risque de s'intensifier du fait de la baisse des prix. Quelles mesures sont instaurées assurant que ces éventuels volumes importés ne viendront pas occuper des capacités de stockage de notre pays et de l'Union européenne ?
La réponse de l'Union européenne et du Gouvernement a été importante pour sauver notre pêche. Alors que l'on parle d'une deuxième vague pour le virus, pour la pêche cette deuxième vague s'appelle le Brexit, chacun campant sur ses positions. Comment va se traduire la suite de ces négociations ? Peut-on espérer au final que ce soit une vaguelette ?
M. Pascal Lamy nous a alertés sur la pénurie alimentaire à court terme dans l'hémisphère sud puis dans l'hémisphère nord. Pensez-vous que l'Europe peut éviter cette pénurie alimentaire en mettant en commun ses atouts que sont la qualité de la production, la traçabilité et la sécurité alimentaire ?
Au début du confinement, vous avez lancé le dispositif « Des bras pour ton assiette » pour pallier la pénurie de main-d'œuvre dans le secteur agricole. Mais comme des postes sont restés vacants, le Gouvernement a décidé d'appliquer une dérogation à la fermeture des frontières pour les travailleurs étrangers qui peuvent, depuis le 11 mai dernier, venir en France travailler dans les exploitations agricoles. Avec un taux de chômage de 8,1 % de la population active en France et 2,5 millions de demandeurs d'emploi, n'est-ce pas le moment de réfléchir à une plus forte mobilisation de nos demandeurs d'emploi en élaborant un vaste plan de relance de l'emploi agricole ? Cela permettrait de susciter des vocations et ainsi d'assurer le renouvellement des générations d'agriculteurs dont on a beaucoup besoin.
Lorsque l'Union européenne conclut des accords de libre-échange au plus mauvais moment, on est en droit de vous demander ainsi qu'à vos homologues européens quel est le projet agricole du territoire européen. Lorsque l'on sait qu'un virus nous vient une fois de plus de Chine, on est en droit de poser des normes sanitaires, environnementales et sociales beaucoup plus fortes. Il est de notre responsabilité de vous encourager à taper du poing sur la table pour que l'Union européenne ne parle plus d'exception agricole mais de réciprocité et qu'elle engage des accords de libre-échange avec des pays dont les règles sont communes aux nôtres. Il faut un projet alimentaire de territoire au niveau européen.
Le cidre étant une production annuelle, la question de l'écoulement des stocks est importante. Des mesures de distillation seront certainement indispensables. Comment peut-on venir en aide à cette filière ?
Au vu des non-négociations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni sur les suites du Brexit, nous n'aboutirons pas à un accord facile sur la pêche. Si les Britanniques maîtrisent les zones de pêche, c'est nous qui contrôlons les lieux de destination, d'écoulement et de vente. Comment abordez-vous politiquement les possibilités de ripostes qui passent par une augmentation assez massive des droits de douane ? Y a-t-il d'autres façons de procéder ? Sentez-vous qu'il y aurait, parmi les autres gouvernements de l'Europe, une sensibilité partagée avec la nôtre ? Il serait désespérant que nous soyons dans l'incapacité pratique de réagir à cette expulsion de nos pêcheurs de leurs zones de pêche traditionnelles sans aucune contrepartie. Quelles sont nos armes ?
Alors que les beaux jours arrivent et que les éleveurs sortent leurs troupeaux, ils doivent déjà faire face à des attaques de loups. J'ai été alertée sur la menace de disparition des brigades mobiles d'intervention « Loup » qui ont prouvé leur efficacité. Quel est votre avis sur le sujet ? Comment va évoluer la position européenne à l'égard du loup ?
. Les moyens engagés par l'Union européenne ne sont pas suffisants pour certaines filières, moyens qui renvoient aussi aux programmes nationaux engagés de manière différente d'un État membre à l'autre, ce qui revient à récompenser les mauvais élèves, ceux qui n'ont pas eu suffisamment de projets.
Notre Commission de l'agriculture défend les différentes filières et le Parlement européen va être amené à se prononcer sur la filière vin au travers d'un acte délégué.
Le Parlement européen a voté une réforme de la réserve de crise pour la rendre indépendante des paiements directs. Au vu du contexte, sachant que le règlement de transition doit entrer en vigueur rapidement, êtes-vous prêt à soutenir cette réforme devant le Conseil ?
Le texte sur la stratégie de la biodiversité devrait être présenté en même temps que celui sur la stratégie de la ferme à la fourchette. L'Union européenne a une vraie ambition environnementale, les agriculteurs devant être la solution, non le problème. Mais comment voyez-vous l'accompagnement des agriculteurs, sachant que ces stratégies entraîneront des contraintes supplémentaires pour eux ?
Il n'est pas possible de modifier le code des marchés publics pour instaurer la préférence locale. D'autres solutions existent. Ainsi, la plateforme Agrilocal, utilisée par une quarantaine de départements, permet d'acheter à des producteurs locaux pour la restauration scolaire.
La Commission européenne a inclus le respect de l'accord de Paris aux conditions résolutoires de ses accords commerciaux, à la demande de la France. C'est une excellente nouvelle, nous attendons maintenant de constater sa mise en pratique.
Je comprends et je partage le raisonnement de Valérie Gomez mais je m'en tiens aux arbitrages sur lesquels je peux intervenir.
S'agissant de l'éthanol betteravier, le Gouvernement français est favorable au stockage d'alcool. La clause de sauvegarde est de la compétence de Bercy.
Nous avons décidé de mesures spécifiques pour la pêche, notamment des arrêts temporaires, pour échelonner les départs des bateaux. Avec les organisations de producteurs (OP), nous avons organisé des rotations pour le départ en mer des bateaux, ceux qui ne partent pas étant indemnisés à hauteur de 30 % de leur chiffre d'affaires.
Nous avons réactivé l'aide au stockage au bénéfice des OP et la compensation des pertes agricoles, et nous avons rouvert les parcours de pêche pour toute l'aquaculture et les entreprises piscicoles. Des plans de compensation ont été prévus dans les territoires ultramarins. Ces mesures ont été possibles car le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) avait été peu utilisé.
La pêche est partie intégrante du mandat de négociation de Michel Barnier. Nous savons que les discussions seront très difficiles, mais la pêche ne peut être la variable d'ajustement. Il n'y a aucune raison pour que les Européens arrêtent de pêcher dans les eaux britanniques, et il ne peut y avoir d'accord sur la relation future sans un accord sur la pêche qui ne doit pas se résumer à un accès aux zones de pêche britanniques contre l'accès des poissons britanniques à notre marché. L'accord doit être global.
L'Europe n'a pas connu de pénurie alimentaire, ni même de rupture d'approvisionnement de certains produits. Mais la situation mondiale est préoccupante, notamment en Afrique. Le Président de la République a proposé d'effacer la dette de l'Afrique pour lui donner tous les moyens de nourrir ses enfants. Notre aide passe par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), par l'Agence française pour le développement, et nous répondons aux demandes de nos amis africains pour les aider à organiser leurs filières agricoles.
Je suis favorable à la relance de la formation aux métiers de l'agriculture, c'est l'objet de l'opération « L'aventure du vivant ». Il faut que ces métiers soient un premier choix pour les jeunes, car ils sont accessibles et permettent de plutôt bien gagner sa vie.
Le projet alimentaire territorial européen, c'est la politique agricole commune (PAC). Il faut qu'elle évolue vers une politique agricole et alimentaire commune, pour améliorer la traçabilité, l'étiquetage, les normes sociales et fiscales. Il faut aboutir à une norme commune à l'Union européenne. Les pays de l'est de l'Europe y sont très favorables, car le double standard leur est préjudiciable.
Les accords internationaux ne pourront continuer à se négocier en vertu de mandats définis dans les années 1990, les négociations doivent être conduites de manière plus démocratique, avec des orientations politiques plus claires.
Le cidre, comme les bières des microbrasseries, sont des produits périssables, et nous allons trouver des solutions pour utiliser ces productions
Les brigades mobiles d'intervention « Loup » n'empêchent rien. Nous sommes favorables à la biodiversité, mais il faut la réguler.
La France est favorable à ce que la réserve de crise sorte du premier pilier pour constituer un budget indépendant des paiements directs. L'Espagne est favorable à l'utilisation de cette réserve car elle ne la consomme pas intégralement, mais la France utilise la totalité des crédits.
Avant de nous attacher à préciser les modalités d'accompagnement financier, nous devons trouver un accord sur les orientations. La réponse de l'Europe à la crise ne peut consister à réaffecter certaines lignes budgétaires, il faut des décisions politiques. La Commission a changé de position sur la pêche, elle peut aussi le faire en matière d'agriculture.
Le Royaume-Uni s'oppose à l'inscription dans le futur accord commercial d'une clause imposant le respect des accords de Paris. Comment parvenir à un accord sur la pêche dans ce cas ?
Les négociations sur le Brexit viennent de reprendre après trois mois entièrement consacrés à la gestion de la crise du Covid-19, comme celles sur le cadre financier pluriannuel. Le Gouvernement en suivra l'avancement avec la plus grande attention.
Je me félicite de votre condamnation de la finalisation hâtive du traité de libre-échange avec le Mexique, qui pourrait porter un coup très dur à nos éleveurs bovins. J'espère que vous lui barrerez la route, ainsi qu'au traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande.
Le programme « de la ferme à la fourchette » va imposer de nouvelles contraintes à nos agriculteurs. Quelles mesures préconisez-vous pour les aider ?
Le Parlement européen et le Parlement français seront amenés à se prononcer sur l'accord de libre-échange avec le Mexique. Je n'ai pas de doute sur le vote que vous exprimerez. J'ai clairement fait connaître mon opposition au calendrier retenu, et mon souhait d'insérer une exception agricole dans ces accords.
Le programme « de la ferme à la fourchette » sera un axe fort de la Commission européenne. C'est une évolution conforme aux aspirations des citoyens. Le monde agricole est lui aussi favorable à la transition agro-écologique et à la fin de la dépendance aux produits phytosanitaires. Les plus âgés de nos agriculteurs n'ont pas cette culture. C'est la raison pour laquelle tout le programme pédagogique des lycées agricoles est revu. Il faut unir les agriculteurs et la société civile autour de cette évolution. Le programme « de la ferme à la fourchette » offrira un grand souffle. Demain, dans une économie décarbonée, l'agriculture sera plus durable. Évitons de dresser les uns contre les autres. Le programme « de la ferme à la fourchette » n'est pas une contrainte : c'est l'avenir de notre agriculture.
La séance est levée à 18 h 15.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Vincent Bru, M. André Chassaigne, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. Michel Herbillon, M. Christophe Jerretie, Mme Nicole Le Peih, M. David Lorion, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Jean-Pierre Pont, M. Joaquim Pueyo, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye
Excusée. - Mme Frédérique Dumas
Assistaient également à la réunion. - M. Thierry Benoit, Mme Pascale Boyer, Mme Anne-France Brunet, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Antoine Herth, Mme Graziella Melchior, M. Hervé Pellois, Mme Sylvia Pinel, M. Dominique Potier, M. Jean-Bernard Sempastous, Mme Bénédicte Taurine, M. Nicolas Turquois
MM. Stéphane Bijoux et Gilles Lebreton, Mme Anne Sander, membres du Parlement européen