Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 15h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 15 h 15.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

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Mes chers collègues, notre très intéressante réunion de ce matin a été analysée par les interprètes comme particulièrement franche et honnête. Tout à l'honneur d'une réunion parlementaire, elle pourrait enseigner aux diplomates l'art de la franchise.

Examen, ouvert à la presse, et vote sur deux projets de loi :

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (n° 3016) (M. Christian Hutin, rapporteur)

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Cette convention est un accord bilatéral de sécurité sociale. Il est exemplaire en ce qu'il apporte une réponse pragmatique à des situations rencontrées par des organisations internationales ayant leur siège en France.

L'accord vise à améliorer la situation, en France, des personnels contractuels de l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (IESUE) en leur permettant de s'affilier au régime de sécurité sociale qui lui est propre, au lieu de se voir imposer une affiliation à la sécurité sociale française, souvent pour un court laps de temps, comme le prévoyait l'accord signé en 1979. Ces agents auraient ainsi un droit d'option sur le choix de leur régime de couverture sociale.

Au travers de cet accord, la France souhaite répondre au besoin de flexibilité de cette organisation internationale. Ses agents accomplissent des carrières marquées par une grande mobilité et aspirent à une continuité de leur suivi médical quel que soit le pays de l'Union européenne où ils travaillent. Ce n'est pas parce que l'on est mobile professionnellement que l'on doit être un intermittent de la santé.

Il convient également de veiller à ce qu'une mutation en France ne crée pas une rupture de traitement par rapport aux personnels du même organisme travaillant dans d'autres pays de l'Union européenne. Cet accord participe donc de l'attractivité du territoire français en alignant le régime de sécurité sociale des personnels de l'IESUE sur ceux en vigueur dans les autres organisations de l'Union européenne.

Le sujet réunit donc une préoccupation sociale et une préoccupation géopolitique d'affirmation de la sécurité.

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Je tiens à dire au préalable que la réunion de ce matin a montré comme notre commission, depuis cinq ans, s'est hissée à la hauteur de ce qu'elle devait être. En son sein, chacun peut s'exprimer et nous avons noué avec bon nombre de pays des contacts de qualité. Je tiens à en remercier vivement le président Bourlanges, sa prédécesseure et tous les administrateurs de la commission, sans lesquels nous ne sommes rien.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui autorise l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre la France et l'IESUE, héritier de l'Institut d'études de sécurité de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), organisme subsidiaire de l'UEO, qui a été dissoute en 2010, en raison du transfert progressif d'une partie de ses missions à l'Union européenne.

L'IESUE a pour objectif de contribuer au développement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), y compris de la politique européenne en matière de sécurité et de défense. Il a pour principale mission de fournir des analyses et d'organiser des débats afin de contribuer à la formation de la politique de l'Union européenne. Dans ce contexte, il joue également le rôle d'interface entre les experts et les responsables européens à tous les niveaux. Son siège est à Paris – nous avons cette chance, car ce n'est pas le cas de tous les organismes européens – et il dispose d'un bureau de liaison à Bruxelles.

Pourquoi signer ce nouvel accord de sécurité sociale avec l'IESUE ? Premièrement, il convient de se conformer au droit européen, qui a évolué. Une décision du Conseil de l'Union européenne du 18 juillet 2016 a instauré un nouveau règlement relatif au personnel de cet institut, qui prévoit notamment la possibilité pour ses agents contractuels de s'affilier à son régime de protection sociale au lieu de la sécurité sociale française. En vertu de l'article 14 de ce règlement, l'application de ce droit d'option est subordonnée à l'entrée en vigueur d'un accord bilatéral entre l'Institut et les autorités nationales compétentes, c'est-à-dire notre commission et l'Assemblée nationale, autorisant la mise en œuvre d'un tel accord. En conséquence, ce nouvel accord bilatéral de sécurité sociale a été conclu afin de fixer les modalités d'exercice de ce droit d'option. Ce dernier étend également le champ du régime autonome de protection sociale de l'IESUE aux risques de maladie, de maternité, d'invalidité, de décès, d'accident du travail et de maladie professionnelle.

Deuxièmement, un nouvel accord se justifie également parce que l'accord de 1979 n'est plus adapté du tout à la spécificité des conditions d'emploi des dix-huit agents du siège à Paris. Ce sont souvent des expatriés mobiles qui se retrouvent dans une situation extrêmement compliquée s'ils ont le malheur d'être souffrants au cours de leurs contrats, qui sont de courte durée. Une couverture privée prenant en charge également les soins reçus hors de France leur permettra notamment de pouvoir consulter un médecin là où ils le souhaitent dans le monde et de continuer à être suivis par leur médecin de famille dans le pays de leur choix.

Cette prise en charge répond mieux aux besoins des personnels expatriés, en termes de remboursement mais également de délais d'affiliation, l'assurance maladie française ayant parfois un délai de réponse beaucoup plus long que d'autres régimes – ceux du privé sont plus rapides. En outre, les agents de l'Institut basés à Bruxelles bénéficiant déjà de ce régime, cette extension du régime autonome de protection sociale à de nouveaux risques constitue une mesure d'harmonisation pour les agents de l'Institut : s'ils optent pour le régime privé, tous les personnels de l'Institut auront désormais accès aux mêmes prestations et remboursements et seront ainsi beaucoup plus tranquilles.

Cela participerait à l'attractivité de Paris puisque nous souhaitons que l'IESUE y reste. De plus, dans un contexte où son budget est réduit du fait du départ des Britanniques, l'entrée en vigueur de cet accord lui permettrait de réaliser des économies significatives, tout en ayant un très faible impact financier pour l'assurance maladie française.

Pour conclure, cet accord est loin de constituer une singularité dans les conventions signées par la France : sur les quatre-vingts organisations internationales établies en France, vingt-sept accords de sécurité sociale ont été identifiés, auxquels s'ajoutent les accords de siège de certaines organisations internationales, prévoyant également une exemption de sécurité sociale.

Nous ne pouvons que voter le projet de loi : si l'accord international ne concerne que dix-huit personnes, il participe dans l'esprit au fait qu'un certain nombre d'institutions européennes restent en France.

Mon groupe pourrait cependant – encore que cela ne soit pas sûr – demander un débat, jeudi prochain, sur cet accord international, dans la mesure où il touche un organisme conseillant l'Europe en matière d'investissements et de défense, ce qui permettrait au Parlement de parler quelque peu du contrat des sous-marins. Nous nous réservons le droit d'évoquer ce sujet en séance publique, ce qui ne nous empêche nullement de voter ce projet de loi puisque cet accord me semble tout à fait légitime.

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Je salue le travail du rapporteur qui permet de souligner l'intérêt d'adopter ce projet de loi : il s'agit, en effet, de se conformer à la réglementation européenne, le règlement applicable au personnel de cet institut ayant été modifié par une décision du Conseil européen de 2016.

L'extension du droit d'option en matière de régime d'affiliation à la sécurité sociale des agents contractuels de l'Institut est essentielle au vu de la spécificité de leur mission, caractérisée par des contrats courts et une forte mobilité.

La France a également intérêt à la mise en œuvre de cet accord parce qu'elle renforcera effectivement l'attractivité de Paris, où se trouve le siège de ce même institut. Comme le souligne votre rapport, notre État hôte doit se montrer à la hauteur des responsabilités qui incombent à ce statut, notamment en prenant en compte les besoins de ses agents. D'un point de vue pragmatique, il faut pouvoir les accueillir dans les meilleures conditions, pour résister à la concurrence de Bruxelles et couper ainsi court aux velléités visant à y délocaliser l'Institut. Le projet de loi permet de pérenniser la localisation de son siège en France.

Vingt-sept sur les quatre-vingts organisations internationales établies en France sont régies par des accords de sécurité sociale. L'accord répond donc aux intérêts de l'Institut comme à ceux de la France. C'est la raison pour laquelle le groupe La République en marche est naturellement favorable à son adoption et votera donc le projet de loi.

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Je m'associe à la captatio benevolentiae du rapporteur adressée au président ainsi qu'à nos administratrices et à nos administrateurs : elle est parfaitement justifiée. Pour ce qui est de son rapport, je ne dirai, pour faire court, que : « Merci et bravo ! »

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Je m'associe à ces louanges et exprime ma reconnaissance au rapporteur pour le travail qu'il accomplit dans cette commission. Son rapport ne laisse aucune ambiguïté concernant l'introduction d'un droit d'option au bénéfice des agents contractuels de l'IESUE, c'est-à-dire la possibilité pour eux de choisir leur régime de sécurité sociale en s'affiliant, s'ils le souhaitent, au régime de protection sociale de l'Institut plutôt qu'à la sécurité sociale française.

Alors qu'un nouveau règlement européen modifie le cadre juridique s'appliquant à l'Institut, il nous revient de voter un nouvel accord bilatéral qui tient compte de ces évolutions. Si l'accord initial de 1979 autorisait déjà une dérogation à l'application de la législation française en matière de pensions et de prestations familiales, ses personnels demeuraient assujettis au régime français en matière d'assurance maladie, d'accidents du travail, de maladies professionnelles, de maternité, d'invalidité et de décès. Dans les faits, ce nouveau texte, qui abroge et remplace celui signé en 1979, permettra donc de tenir compte de l'extension du régime autonome de protection sociale à ces risques, bien que l'affiliation les concernant demeure, bien sûr, optionnelle.

L'IESUE est une agence qui joue un rôle central dans le développement de la PESC mais aussi dans l'élaboration de la politique européenne de sécurité et de défense. À l'heure où il est plus que jamais primordial pour la France de se montrer attractive pour les travailleurs qualifiés, ce nouvel accord constitue une garantie supplémentaire de l'attractivité de Paris dans le cadre de l'accueil de cet organisme.

C'est donc sans surprise que le groupe Démocrates votera en faveur de ce projet de loi.

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Votre présentation a eu, monsieur le rapporteur, le mérite de mettre en lumière cette agence autonome de l'Union européenne installée à Paris. Il apparaît doublement légitime de nous pencher sur cet accord afin de tenir compte des évolutions du cadre juridique s'appliquant à l'IESUE et de prendre en considération les besoins spécifiques de ses employés.

Notre discussion peut également être l'occasion de faire le point sur l'attractivité de notre pays pour les institutions internationales. En effet, à l'issue du Brexit, il a été question de la venue en France ou dans d'autres pays de l'Autorité bancaire européenne (ABE) et de l'Agence européenne des médicaments (EMA). La première est désormais bel et bien installée désormais à La Défense et la seconde à Amsterdam, aux Pays-Bas.

En tout état de cause, nous voterons le projet de loi sur la base de cet excellent rapport.

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Monsieur le rapporteur, il fallait le faire : vous l'avez fait, et brillamment ! Notre groupe ne voit, bien évidemment, aucune objection à adopter ce projet de loi qui ne constitue finalement que la régularisation attendue d'une situation.

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Je dissocierai le rapport, qui est excellent, de l'accord. Je le dis d'emblée, nous voterons ce projet de loi. Reste que, amoureux et défenseur de la sécurité sociale, j'aurais beaucoup aimé que la référence internationale et européenne en la matière soit française.

Je regrette que notre sécurité sociale soit plus longue à réagir que des assurances privées. Les pouvoirs publics français doivent donc prendre le rapport de Christian Hutin en considération, car il plaide pour son amélioration afin qu'elle constitue un des éléments de l'attractivité de notre pays pour des institutions internationales. C'est cela aussi, la France ! Celles qui viennent s'installer en France doivent le faire aussi parce que nous avons une bonne protection sociale et un bon système de santé. Tout cela a bien existé à une époque de notre histoire, mais s'est dégradé. Notre groupe rêve, agit et lutte pour retrouver ces joyaux de notre République.

En attendant, il faut permettre à chacun de se soigner et d'être remboursé, sans avoir à subir ce qui m'est arrivé : ayant un trou de cinq ans entre mes deux mandats de député, il m'a fallu un an pour repasser du système de sécurité sociale de l'Assemblée nationale au régime général de la sécurité sociale et pour faire valoir mes droits ! J'imagine donc ce que cela doit être pour des travailleurs internationaux en contrat court. Il est donc plutôt bien que ce dispositif existe. Malgré ces bémols, notre groupe votera en faveur de l'accord.

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Je remercie Liliana Tanguy d'avoir lu le rapport avec autant de lucidité et d'intelligence, Didier Quentin pour son humilité, Bruno Fuchs pour la qualité de ses analyses teintées de l'esprit critique propre au journalisme, Alain David pour sa fidélité au mouvement socialiste et Jean-Michel Clément pour son habituelle brillante concision.

Je donnerai raison à Jean-Paul Lecoq : j'ai vu des types couverts de contrats de sécurité sociale – j'étais médecin de clubs de foot –, mais à l'inverse, on peut faire face à une carence. Lorsque ma carrière politique prendra fin, dans un an, je ne sais pas ce que sera ma couverture sociale et je n'aurai peut-être d'autre solution que de devenir l'ayant droit de ma femme – qui m'aime encore, fort heureusement. Prendre des responsabilités politiques, sans garantie de protection, peut représenter une difficulté. Heureusement, j'ai pu bénéficier de la sécurité sociale de l'Assemblée nationale lorsque je suis tombé gravement malade. Sans doute faudrait-il veiller à ce que les organismes spécifiques accélèrent les procédures d'ouverture des droits. Ce rapport pourra témoigner que nous sommes un poil en retard par rapport à d'autres organismes privés.

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Le problème ne se situe pas entre le système public et les assurances privées, monsieur Lecoq, il se pose lorsqu'il s'agit d'affilier des personnes expatriées. Si l'organisme en question a dû bâtir un système, c'est parce qu'il devait gérer les droits de personnes provenant de plusieurs États ; les systèmes publics, en France et ailleurs, ne sont pas familiarisés avec ce type de gestion. Cet accord constitue donc une réponse pragmatique à une situation réelle ; il n'y a pas de dimension idéologique dans le choix qui vous est proposé, mais simplement la nécessité de faire face.

L'attractivité de la place de Paris n'est pas un argument idiot : les personnes doivent pouvoir s'installer en France pour y travailler en toute sérénité, sans risquer de se trouver dans une situation précaire.

La commission adopte l'article unique du projet de loi sans modification.

Projet de loi autorisant l'approbation de la déclaration relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais (n° 3596) (M. Lénaïck Adam, rapporteur)

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L'accord intergouvernemental entre dix-huit États membres de l'Agence spatiale européenne (ASE – ESA en anglais), conclu le 4 décembre 2017, définit les responsabilités et obligations liées à l'exploitation des nouveaux lanceurs développés par l'Agence spatiale européenne et du lanceur Soyouz, exploité par le Centre spatial guyanais (CSG). Il s'agit de pérenniser les financements et de donner un cadre juridique rénové aux étapes d'exploitation des nouveaux lanceurs. Il s'agit aussi de conférer des responsabilités accrues aux industriels français, ArianeGroup, et italien, Avio, face à Arianespace, qui assure le service de lancement. Au-delà de ces dispositions techniques, cet accord vise à renforcer la compétitivité des lanceurs européens et donc du CSG. Il participe à la construction d'une autonomie stratégique de l'Union européenne dans un domaine où la concurrence internationale s'accroît fortement, avec l'arrivée sur le marché des sociétés privées américaines et d'États comme la Chine, et bientôt l'Inde. L'espace est un domaine particulièrement stratégique pour notre défense, notre sécurité, notre économie – l'économie numérique en particulier –, notre recherche appliquée et fondamentale ainsi que pour nos capacités d'observation et de communication. Le CSG est sans doute le meilleur accès à l'espace dans le monde, il faut le reconnaître. La France y exerce des responsabilités particulières et mobilise des moyens financiers et humains très importants. Cet accord, qui s'appliquera jusqu'à la fin 2035, me semble donc conforter notre position.

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Une première version de la déclaration avait été adoptée le 30 mars 2007 ; la seconde version, que nous examinons aujourd'hui, date du 4 décembre 2017. La phase de négociation s'est déroulée entre 2015 et 2017 et l'accord réunit dix-huit des vingt-deux États qui composent l'ESA.

Pour comprendre l'importance de cet accord, il faut mesurer le caractère stratégique du Centre spatial guyanais pour l'Europe et la France.

Le CSG dispose de trois lanceurs : Ariane 5, Vega et Soyouz. Utilisé depuis 1996, Ariane 5 est un lanceur lourd, capable de viser n'importe quelle orbite – basse, moyenne, géostationnaire, de libération – et de placer des charges allant jusqu'à 20 tonnes. Ce lanceur emblématique est considéré comme un des plus fiables au monde. Il a effectué son cent dixième vol en juillet, soit le deux cent cinquante-quatrième vol de la famille Ariane.

Soyouz est un célèbre lanceur russe intermédiaire, dont le premier lancement au CSG remonte à 2011. Il peut transporter des satellites de 5 tonnes en orbite basse et de 3 tonnes en orbite géostationnaire. Actionné pour la première fois en 2012, Vega est un lanceur léger qui répond à la demande croissante de satellites de petite taille envoyés en orbite basse.

En 2022, deux nouveaux lanceurs, Ariane 6 et Vega-C, seront exploités au CSG. Le projet Ariane 6 a été pensé, depuis 2014, pour réduire la durée et le coût des procédures de lancement. Les méthodes de fabrication ont été simplifiées et les performances techniques accrues. Le projet a nécessité la construction, entre 2015 et 2020, d'un nouvel ensemble de lancement ultramoderne. Celui-ci comprend notamment une « cathédrale » d'acier, haute de 100 mètres et pesant 6 000 tonnes – le poids de la Tour Eiffel –, une structure innovante qui encadrera le lanceur et se rétractera au moment du lancement grâce à des chariots alimentés par plus de cent moteurs.

Les lanceurs européens, plus spécifiquement Ariane, sont le symbole de la politique spatiale européenne, qui s'est construite progressivement depuis les années 1970 et a été marquée par de nombreux succès. Entre 1988 et 2003, Ariane 4 a profité des deux tiers des lancements commerciaux dans le monde, loin devant les États-Unis.

Grâce au CSG, l'Europe a occupé et occupe encore une place de premier plan sur le marché mondial des services de lancement. Le CSG permet aussi l'envoi de programmes européens de manière autonome, comme Galileo, le système de positionnement par satellite européen, et la sonde Rosetta – la première à avoir approché une comète et à y avoir placé un atterrisseur.

Le CSG offre ainsi à l'Europe un accès autonome à l'espace. Or cet accès est de plus en plus stratégique : de nombreuses technologies civiles et militaires dépendent des satellites. Les activités spatiales ont également un effet de levier sur des secteurs économiques variés, notamment grâce à l'exploitation des données spatiales.

Le CSG est aussi indispensable pour la France et joue un rôle majeur pour le développement économique de la Guyane. Il s'étend sur 660 kilomètres, entre les communes de Kourou et de Sinnamary, au nord de la Guyane. Son activité représente 15 % du PIB du territoire guyanais. Environ 450 entreprises et 4 600 emplois sont liés au secteur spatial. Le CSG est également un acteur majeur du tourisme guyanais. Hors période de covid-19, les touristes assistent aux lancements, visitent les installations et le musée de l'Espace. En 2019, 25 000 personnes avaient visité le CSG.

Ces activités sont d'autant plus précieuses que le contexte économique et social en Guyane est difficile. Au premier trimestre 2021, le taux de chômage atteignait 12,7 %. Pourtant, pour beaucoup de Guyanais, la poursuite des activités spatiales a pu paraître incertaine. Le projet Ariane 6 a été retardé par des problèmes techniques et par la crise sanitaire : les lancements ont été interrompus entre les mois de mars et d'août 2020 et le chantier Ariane 6 sol a été ralenti.

Surtout, l'industrie spatiale européenne est confrontée à une concurrence internationale croissante. Les acteurs spatiaux institutionnels et commerciaux sont plus nombreux que par le passé. De nouveaux acteurs issus du secteur privé, venus de la Silicon Valley et des GAFAM, ont développé leurs activités spatiales en reprenant les méthodes de l'industrie digitale et sont devenus, à l'image de SpaceX et de Blue Origin, incontournables. Rappelons toutefois que ces acteurs sont en partie financés par la NASA et par le département américain de la défense. Ils bénéficient de contrats publics et de transferts de technologies.

En parallèle, la demande de satellites a évolué : elle se concentre désormais sur l'orbite basse, avec des satellites plus petits, parfois organisés autour de constellations, comme ceux du projet Starlink de SpaceX.

Face à cette concurrence internationale très forte, l'industrie spatiale européenne n'apparaît pas encore assez compétitive. Ainsi, elle ne dispose pas d'une technologie de lanceur réutilisable telle que celle, très médiatisée, de SpaceX.

Dans un tel contexte, l'actualisation de la déclaration du 30 mars 2007 apparaît indispensable. Elle assure un cadre juridique pour l'exploitation des lanceurs européens.

La phase d'exploitation des lanceurs comprend la fabrication des lanceurs, leur intégration, les opérations de lancement et les activités de commercialisation. De plus, pour les futurs lanceurs Ariane 6 et Vega-C, l'exploitation comprend les activités nécessaires pour maintenir la conformité des systèmes de lancement aux accords d'exploitation pertinents élaborés dans le cadre de l'ESA.

L'innovation principale de la déclaration de 2017 est présentée dès la section I. L'accord donne plus de responsabilités aux deux maîtres d'œuvre industriels, ArianeGroup et Avio, pour l'exploitation des lanceurs Ariane 6 et Vega-C. Celle-ci n'est plus confiée uniquement au fournisseur de services de lancement, Arianespace, comme c'est le cas pour Ariane 5, Vega et Soyouz. Les maîtres d'œuvre industriels deviennent responsables de la fabrication et de l'intégration de leur lanceur et devront assumer les risques de l'exploitation commerciale. L'accord prend ainsi acte de la montée en puissance des maîtres d'œuvre industriels dans l'exploitation des lanceurs.

Le reste du texte reprend très largement la version antérieure de 2007. Il affirme à nouveau un principe de préférence d'utilisation des lanceurs européens pour les missions institutionnelles. Si ce principe est nécessaire pour défendre le spatial européen, on peut regretter qu'il ne soit pas véritablement contraignant pour les parties. La France s'est ici heurtée à la réticence d'autres États.

Comme dans la version de 2007, la section II de l'accord prévoit que l'ESA s'assure de l'application du texte.

De même, le régime de responsabilité prévu à la section IV est maintenu. La France, qualifiée d'« État de lancement », assume ainsi encore une part très importante de la responsabilité financière en cas de dommage causé à un tiers. Pour les lancements Ariane, le gouvernement français supporte même l'intégralité de la charge financière.

La section V de l'accord précise que le texte entrera en vigueur lorsque deux tiers des parties de 2007 auront notifié par écrit au directeur général de l'ESA qu'elles acceptent de devenir partie. Au début du mois, seuls six États sur dix-huit avaient ratifié la déclaration : l'Autriche, la Belgique, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse. Pour les États qui deviennent partie, la déclaration de 2017 se substituera à l'accord antérieur de 2007 et restera en vigueur jusqu'en 2035.

Cet accord intergouvernemental vient réduire les incertitudes qui pèsent sur l'activité du CSG à moyen terme en sécurisant le cadre juridique portant sur la phase d'exploitation des lanceurs. Pour maintenir l'activité du CSG à long terme, les États membres de l'ESA devront toutefois continuer à s'engager pour l'Europe spatiale. Ils devront financer des projets toujours plus innovants pour résister à la concurrence internationale, en particulier des acteurs privés américains.

Les dernières annonces de l'ESA, qui prévoit un nombre minimal de lancements institutionnels pour les trois premières années d'exploitation d'Ariane 6 et de Vega-C, étaient nécessaires. Je vous invite à voter sans réserve en faveur de l'approbation de cet accord.

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Nous avons l'habitude de prendre de la hauteur au sein de notre commission, mais c'est particulièrement vrai aujourd'hui !

Ce projet de loi autorise l'approbation d'une « déclaration », qui est en réalité un véritable accord intergouvernemental. Il lie les parties, fixe un cadre juridique d'action et d'engagement commercial et définit certaines responsabilités, notamment sur le plan environnemental, qui nous est cher.

Ce texte précise au président du Centre national d'études spatial (CNES) son pouvoir de police sur un site où des installations Seveso seuil haut voisinent avec la population et une biodiversité fragile. Notons qu'en trente ans, on a compté 300 lancements, et aucun accident. Le Centre spatial guyanais représente 15 % du produit national brut de la Guyane, ce qui est important.

Faut-il rappeler que l'Agence spatiale européenne n'est pas une agence de l'Union européenne ? C'est une agence intergouvernementale, indépendante juridiquement, dont les membres ne font pas obligatoirement partie de l'Union européenne. Il va toutefois de soi que l'Agence coopère avec l'Union européenne. Les trois principaux pays concernés par les programmes de lancement sont la France, l'Allemagne et l'Italie, et tous trois participent à cet accord.

Les objectifs de l'accord sont multiples. Il précise, tout d'abord, les entités chargées de l'exploitation des lanceurs. C'est un accord très significatif, qui prend acte de l'activité grandissante des maîtres d'œuvre industriels dans l'exploitation des futurs lanceurs européens. Tout en prévoyant un principe de préférence d'utilisation des lanceurs européens pour les missions institutionnelles des États parties, il n'entrave pas la concurrence et respecte les règles commerciales.

Cet accord instaure un régime de responsabilité internationale pour les opérations de lancement au Centre spatial guyanais. C'est un mandat de supervision globale qui est confié par les États parties au CSG.

Il renforce la France, grand pays du spatial, en tant qu'État de lancement pour l'ensemble des lancements opérés depuis notre site guyanais. Il organise également l'exploitation industrielle des lanceurs développés par l'ASE ; c'est le fondement juridique de l'activité économique du secteur des services de lancement.

Nous menons, avec Jean-Paul Lecoq, une mission d'information sur la diplomatie spatiale et nous savons combien il est difficile d'arriver à un accord de ce genre au niveau international : nous ne pouvons donc que le saluer. Je suis toulousain, je suis chauvin – presqu'autant que les Bretons – et patriote. Toulouse est une terre de rugby – un ballon ovale en terre spatiale et économique. C'est un pays qui transforme le rêve en possible. C'est cela, l'aventure du spatial : l'infini !

Notre groupe votera ce texte.

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Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la qualité de ce rapport sur un sujet qui vous touche de près, puisque c'est dans votre belle circonscription, dans le beau département d'outre-mer de la Guyane, que se trouve le CSG.

Le général de Gaulle avait coutume de dire qu'il vaut mieux prendre de la hauteur, parce qu'il y a moins de monde. Vous, vous nous avez fait prendre de l'altitude, mais on s'aperçoit qu'il y a de plus en plus de monde dans l'espace !

Avec l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du spatial, notamment SpaceX, une collaboration en matière de recherche avec la Russie, première puissance spatiale, reste-t-elle fondamentale ?

La stratégie européenne de développement d'Ariane 6 ne risque-t-elle pas d'évincer le spatial européen du marché mondial, compte tenu des orientations de SpaceX vers la réutilisation des lanceurs ?

Mon « patriotisme européen » m'incite à vous demander comment vous interprétez l'absence persistante du principe de préférence européenne pouvant contraindre les clients, institutionnels ou non, à choisir les lanceurs européens ?

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Si la France, et plus largement l'Europe, occupe une place de premier ordre dans le domaine de la recherche spatiale, c'est grâce au Centre spatial guyanais, qui nous permet de disposer depuis plus de quarante ans d'un accès indépendant à l'espace. Mais, alors que de nombreuses et profondes mutations ont affecté le secteur spatial au cours des dernières années, il s'agit désormais d'aller plus loin afin de garantir notre autonomie, en termes d'accès et d'exploitation de l'espace.

D'une part, la concurrence est plus forte que par le passé, du fait de la multiplication des acteurs spatiaux, institutionnels et commerciaux. D'autre part, la multiplication des applications spatiales et la diminution du coût d'accès à l'espace font également évoluer la demande. Face à cet état de fait, force est de constater que l'industrie spatiale européenne manque encore de compétitivité. Cette situation a d'ailleurs été aggravée par la crise sanitaire, qui a fortement affecté les économies des pays européens, tout comme l'activité du centre spatial. Pour accroître sa compétitivité et maintenir sa position de port spatial européen, il est donc essentiel que le Centre spatial guyanais puisse faire preuve de polyvalence, en diversifiant les types de lanceurs exploités.

Nous sommes réunis pour approuver la déclaration de 2017, un accord intergouvernemental signé par dix-huit États membres de l'Agence spatiale européenne, dont l'objectif est de définir un cadre juridique commun pour la phase d'exploitation des trois lanceurs du CSG. Le texte réaffirme un principe de préférence non contraignant d'utilisation des lanceurs européens pour les missions institutionnelles. Sur ce point, nous regrettons que la nouvelle déclaration n'introduise pas une réelle contrainte. Certains de nos partenaires européens y sont encore réticents, mais l'introduction d'un réel principe de préférence européenne marquerait un pas de plus vers notre autonomie stratégique.

À l'heure où l'espace constitue l'un des principaux théâtres de la concurrence internationale, cet accord marque donc une nouvelle étape importante dans l'exploitation des lanceurs Ariane, Soyouz et Vega. Son approbation permettra d'accroître notre autonomie dans le domaine spatial, en réduisant par là même notre dépendance à l'égard des autres puissances, à commencer par les États-Unis. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ce texte.

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Monsieur le rapporteur, merci d'avoir expliqué clairement l'atout stratégique que représente, pour la France et l'Union européenne, le fait de bénéficier d'un outil comme le Centre spatial guyanais.

L'actualité des dernières semaines, notamment la course à l'espace à laquelle se livrent les sociétés des milliardaires Jeff Bezos, Elon Musk ou Richard Branson, illustre la concurrence exacerbée qui entoure les lanceurs. Comme vous, monsieur le rapporteur, le groupe Socialistes et apparentés déplore que le principe de préférence européenne pour les missions institutionnelles ne soit que peu contraignant. Nous prenons bonne note des spécificités de l'accord de 2017, qui reprend en grande partie les lignes directrices de l'accord précédent de 2007 et nous convenons qu'il sera important d'étudier prochainement l'actualisation de l'accord entre la France et l'ESA concernant le Centre spatial guyanais. En tout état de cause, nous voterons ce projet de loi.

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Le groupe Libertés et Territoires considère, lui aussi, qu'il est nécessaire que le Centre spatial guyanais maintienne sa position parmi les leaders du lancement dans le monde et qu'il se modernise pour faire face à la concurrence. Le CSG n'est pas important seulement pour la Guyane, il l'est aussi pour notre pays, car il lui permet d'être une puissance spatiale de premier plan, et indépendante.

Sa proximité avec la ligne de l'équateur, qui facilite le lancement des satellites géostationnaires, et le fait qu'il soit dans une zone à l'abri des cyclones tropicaux, en font un site de lancement idéal, moins coûteux que des sites plus éloignés. Par ailleurs, le Centre spatial guyanais permet à l'Europe d'accéder à l'espace de manière autonome, sans dépendre des États-Unis. Les différentes versions d'Ariane se sont imposées comme les lanceurs les plus compétitifs sur le marché mondial et représentent la moitié des lancements des satellites actuellement dans l'espace. Mais, comme chacun sait, la course à l'espace est de plus en plus difficile et elle est relancée par l'arrivée d'acteurs étatiques – États-Unis, Chine, Russie –, mais aussi d'acteurs privés, qui ont des moyens surdimensionnés par rapport aux enjeux. Dans cet esprit, il est primordial que l'Union européenne, conduite par la France dans ce domaine, puisse développer ses activités spatiales pour maintenir son rang de puissance de premier plan et conserver son indépendance. J'ajoute que les avancées en matière de recherche dépendent du travail réalisé par nos ingénieurs autour de ces projets de lancement.

Il est nécessaire de maintenir l'unité européenne dans le domaine spatial, à l'heure où l'Europe se divise sur bien des sujets. Il ne faudrait surtout pas que nous perdions pied. Or nous nous inquiétons de la concurrence intra-européenne que pourrait susciter des projets de microlanceurs nationaux visant à lancer des microsatellites. En Allemagne, des industriels ont présenté, le 6 septembre, un projet qui devrait démarrer en 2023 et qui a pour but de transformer un navire situé dans la mer du Nord en site spatial pour microlanceurs. Ce projet pourrait, avec d'autres, concurrencer le site de lancement guyanais et il entre en contradiction avec les principes posés par cette déclaration. Aussi nous interrogeons-nous sur les discussions diplomatiques qu'entretient la France avec l'Allemagne à ce sujet. Les discussions avec nos partenaires, comme chacun sait, n'aboutissent pas toujours aux résultats escomptés...

Nous nous associons aux regrets que vous avez formulés concernant l'absence d'un véritable principe de préférence européenne contraignant pour les parties lorsqu'elles choisissent un lanceur. Les questions que je voulais vous adresser ont déjà été posées par Didier Quentin.

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Ce projet de loi, qui clarifie les responsabilités et les tâches effectuées à Kourou, semble tout à fait utile pour mettre de l'ordre et préparer l'avenir des lanceurs européens. Les députés communistes le voteront donc, mais cela ne les empêchera pas de débattre.

Nous regrettons, comme le rapporteur, que rien n'ait été fait pour contraindre les États parties à choisir un lanceur européen pour leurs lancements institutionnels ou commerciaux. Imagine-t-on un seul instant la Chine ou les États-Unis acheter une Ariane 5 pour mettre en orbite un de leurs satellites ? Cette absence de préférence commerciale est révélatrice de la confusion européenne dans le secteur spatial. Alors que l'espace est devenu une gigantesque structure de télécommunications, doublée d'une infrastructure d'observation de la planète, l'Europe est, comme toujours, un nain politique incapable de comprendre les enjeux sous l'angle de l'intérêt européen et des nations qui la composent. Aux États-Unis, les entreprises comme SpaceX sont très largement subventionnées pour proposer des innovations de rupture, comme les lanceurs réutilisables. Il ne viendrait à l'esprit d'aucun Américain de mettre en concurrence leurs lanceurs avec un lanceur étranger. Grâce à ce protectionnisme, les lanceurs réutilisables ont permis de diviser les coûts de lancement par vingt : le coût d'une mise en orbite est passé de 200 000 dollars le kilo en 2010 à 10 000 dollars en 2021.

Parallèlement à l'apparition des lanceurs réutilisables, des recherches payées par le contribuable américain ont permis de diviser par cent le coût des satellites, qui est passé de 30 millions de dollars pièce à 300 000 dollars. Grâce à ces deux nouveautés cumulées, l'envoi de milliers de satellites en orbite basse a pu être programmé, de façon à couvrir le globe d'internet et donc à maîtriser une infrastructure de télécommunications à l'échelle globale. Ces constellations de satellites envahissent le ciel. SpaceX compte envoyer 40 000 satellites en orbite et la constellation chinoise sera composée de 13 000 satellites. Pour vous donner une idée, 1 100 satellites ont été envoyés entre 1974 et 2018 ; 2 500 l'ont été depuis 2019 et près de 50 000 le seront d'ici à dix ans. Ces chiffres donnent le tournis. Telle est la réalité du secteur aujourd'hui et, face au dynamisme américain et chinois, les Européens sont incapables de s'allier pour n'utiliser que des lanceurs européens. Il nous reste donc du travail.

Or ce n'est pas tout. Ces infrastructures spatiales vont devenir la clé de voûte de la distribution d'internet dans le monde, et les États qui n'en sont pas dotés risquent de devoir payer pour pouvoir utiliser ces constellations étrangères, abandonnant au passage leur autonomie et leur souveraineté. Plus nous attendons, plus les constellations de satellites étrangères surchargeront l'orbite basse, et moins il y aura de place pour une infrastructure européenne. En l'absence de droit international contraignant sur ce sujet, rien n'interdit à une entreprise privée, soutenue par un État, d'envoyer suffisamment de satellites sur une orbite pour la rendre inutilisable par d'autres acteurs. Certaines orbites vont donc être privatisées, laissant de moins en moins de place aux retardataires.

La cohabitation dans l'espace risque d'être complexe et de favoriser les tensions géopolitiques. Il serait temps que les Européens travaillent enfin à avancer ensemble. Avec Pierre Cabaré, nous vous soumettrons bientôt les résultats de notre mission d'information. C'est un sujet passionnant et essentiel, qui mérite que la France s'y penche. Nous espérons que la présidence française de l'Union européenne permettra quelques avancées dans ce domaine.

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Chacun sent bien que ce sujet soulève des questions absolument essentielles pour l'avenir. Nous attendons les conclusions de votre mission d'information avec beaucoup d'impatience et de curiosité.

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Je vous remercie pour vos interventions. Nous nous rejoignons puisque nous avons tous à cœur, ici et partout où nous représentons le pays, de défendre l'intérêt suprême de la France et de l'Europe. Nous déplorons tous que le principe de la préférence industrielle ne soit pas inscrit dans cette déclaration. Il serait pourtant logique, et dans l'intérêt de tous, d'affirmer ce principe. Comment contraindre des pays qui, déjà aujourd'hui, ne jouent pas toujours le jeu vis-à-vis de l'ESA ? D'autant que les États ont souvent envie d'aider leurs entreprises à développer leurs projets de lanceurs de microsatellites. Or, s'ils s'engagent à n'utiliser que les lanceurs construits au niveau européen, ils seront un peu coincés.

S'agissant de la collaboration avec les Russes autour de Soyouz, je vous répondrai que c'est comme dans n'importe quelle entreprise. Parfois, lorsqu'on n'est pas capable de tout faire, on s'associe, on fusionne, afin de trouver un équilibre. La dynamique de dialogue et de coopération internationale qui existe avec la Russie en Guyane doit se poursuivre, car elle ne pose pas de problème à l'heure qu'il est.

Il est vrai qu'Ariane 6 a pris du temps et que ses concurrents se sont lancés dans des technologies plus avancées. Mais ses méthodes de fabrication ont été simplifiées et ses performances accrues. Ariane 6 sera donc capable d'envoyer des satellites en constellations comme le fait SpaceX. En tout cas, il est vraiment essentiel d'investir dans l'innovation et de ne pas nous reposer sur nos acquis si nous ne voulons pas être à la traîne : les Chinois font désormais des trains à grande vitesse qui sont plus rapides que nos TGV. En matière spatiale, il faut travailler sur le caractère réutilisable de nos fusées.

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur. Votre rapport a aiguisé notre appétit et nous avons hâte d'en lire d'autres sur cette intéressante question de l'espace.

La commission adopte l'article unique du projet de loi sans modification.

La séance est levée à 16 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Lénaïck Adam, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pierre Cabaré, M. Jean-Michel Clément, M. Alain David, M. Michel Fanget, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Fiona Lazaar, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Nicole Le Peih, M. Didier Quentin, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy

Excusés. - Mme Sandra Boëlle, M. Pierre Cordier, M. Christophe Di Pompeo, M. Éric Girardin, M. Jean François Mbaye, Mme Isabelle Rauch, Mme Sira Sylla, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse