Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ANSES
  • saisine
  • santé-environnement
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  En Marche    MoDem    Agir & ex-LREM  

La réunion

Source

La séance est ouverte à quinze heures vingt.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous accueillons le président et la vice-présidente de la commission spécialisée sur les risques environnementaux du Haut conseil de la santé publique.

M. Denis Zmirou, vous présidez cette commission. Vous êtes professeur honoraire de médecine. Vous avez été directeur scientifique de l'agence française de sécurité sanitaire environnementale, qui est devenue l'ANSES, et avez dirigé le département santé et environnement de travail de l'École des hautes études en santé publique de Rennes.

Mme Francelyne Marano, vous êtes professeure émérite de biologie cellulaire à l'Université de Paris. Vous avez présidé le conseil scientifique de l'agence de sécurité sanitaire environnementale. Vous êtes vice-présidente de la commission spécialisée sur les risques environnementaux du Haut conseil de la santé publique, lequel apporte son expertise aux pouvoirs publics en lien avec les agences sanitaires pour la gestion des risques sanitaires, ainsi que la conception et l'évaluation des politiques de prévention et de sécurité sanitaire.

(M. Denis Zmirou et Mme Francelyne Marano prêtent serment).

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Je propose de présenter les fonctions et les activités du Haut conseil de santé publique dans le registre de la santé et de l'environnement, et de vous faire part de notre point de vue quant à l'amélioration du dispositif d'élaboration et de conduite des politiques publiques dans ce domaine.

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

En tant qu'acteur de longue date de la santé environnementale, nous nous félicitons de la mise en avant de cette problématique essentielle.

Le Haut conseil de santé publique succède au Conseil supérieur d'hygiène publique de France qui a été créé au milieu du XIXème siècle à la suite du mouvement hygiéniste né, notamment, des interventions de Louis Pasteur. Le Haut conseil de santé publique a été créé par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, laquelle restructurait les différentes instances, instituts et agences concernant la santé publique. Cependant, il n'a réellement commencé à travailler qu'en 2007.

Ses missions consistent à contribuer à l'élaboration, au suivi annuel et à l'évaluation pluriannuelle de la stratégie nationale de santé (SNS), à fournir aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires, l'expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires, à la conception et l'évaluation des politiques et stratégies de prévention en matière de sécurité sanitaire, ainsi que de fournir aux pouvoirs publics des réflexions prospectives et des conseils sur les questions de santé publique. La santé environnementale a été intégrée d'emblée aux missions du Haut conseil de la santé publique, comme elle l'était dans celles du Conseil supérieur d'hygiène publique de France.

Le Haut conseil de la santé publique est organisé en quatre commissions spécialisées, à savoir Maladies infectieuses et émergentes, Maladies chroniques, Risques liés à l'environnement et Système de santé et sécurité des patients, et en trois groupes de travail permanents, dont l'un concerne la politique de santé de l'enfant. Il se compose d'une centaine de membres experts bénévoles sélectionnés par une commission sur la base d'un appel à candidatures, puis désignés par arrêté ministériel.

La gouvernance du Haut conseil est assurée par le collège, qui compte des experts nommés selon la même procédure que pour les commissions, un président et les présidents des différentes commissions spécialisées et des groupes de travail permanents. Le collège devant lequel passent tous les avis et rapports du Haut conseil de la santé publique veille au respect de la charte de l'expertise sanitaire. Le président est garant du travail du Haut conseil et de ses avis.

Un secrétariat général permanent composé de quatorze personnes, qui sont essentiellement des chargés de mission de haut niveau et des ingénieurs de sécurité de médecine de santé publique, assure le fonctionnement d'ensemble et apporte une aide aux commissions spécialisées et aux groupes de travail. En effet, selon les saisines, sont créés des groupes de travail réunissant, en s'assurant de l'absence de conflits d'intérêts, des experts extérieurs sélectionnés par le Haut conseil, qui ont tous fait des déclarations publiques d'intérêts (DPI).

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

La commission spécialisée sur les risques liés à l'environnement (CSRE) comprend vingt-deux membres relevant des trois grandes catégories suivantes :

– des scientifiques des sciences de la vie et de la santé (toxicologues, épidémiologistes, hygiénistes) ;

– des experts des sciences humaines et sociales (économistes, anthropologues, juristes, sociologues, politistes) ;

– des représentants des sciences de l'ingénieur.

Nous avons besoin de ce caractère multidisciplinaire qui est très singulier au sein du conseil scientifique. Dans nos champs d'expertise, nous répondons à des saisines, voire nous nous autosaisissons, pour donner des avis concernant des textes réglementaires, des projets de décret, d'arrêté ou de bonnes pratiques professionnelles au travers d'instructions, ou nous procédons à des expertises sur des sujets thématiques. En 2014, nous avons été sollicités pour apporter un jugement sur les bonnes manières d'utiliser des insecticides contre le Chikungunya en Guyane. Ce scénario s'est reproduit un an et demi plus tard avec le Zika. Ce type d'action nous demande six mois, voire un an et au-delà, selon l'ampleur du dossier.

Nous faisons appel à des groupes de travail, membres de la commission, et à des experts extérieurs. Nous procédons à des consultations publiques sur un certain nombre de dossiers mobilisant des enjeux extrêmement variés qui ne sont pas entièrement couverts par les auditions de personnes extérieures.

Nous venons d'achever une consultation publique sur l'élaboration d'un outil harmonisé de qualification de la qualité d'un habitat, en termes de santé et de bien-être, nommé Domiscore, qui s'établit sur le modèle du Nutri-Score. Ce site a été consulté par 3 500 personnes et il a donné lieu à 200 propositions documentées d'amélioration dont nous nous saisirons, pour finaliser cet outil et le rendre public fin octobre. L'analyse des risques est donc au cœur de nos métiers.

Le deuxième champ est l'évaluation des politiques publiques dans le domaine santé-environnement, c'est-à-dire les plans et les programmes thématiques.

L'évaluation du PNSE2, en 2013, a représenté un an de travail, qu'il s'agisse d'auditions, de collecte des données et d'analyse des plus pertinentes d'entre elles. Les moyens d'évaluation du PNSE3 n'ayant pas été anticipés, nous en avons rétrospectivement construit les indicateurs et nous avons rendu un rapport « d'évaluabilité » en 2016. Nous avons procédé de même sur la deuxième stratégie nationale des perturbateurs endocriniens (SNPE2).

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Parmi les questions qui nous ont été transmises, sont abordées les interactions entre le PNSE et la stratégie nationale de santé (SNS). Le Haut conseil doit procéder à son évaluation, formuler des propositions en vue d'établir le plan national de santé publique (PNSP).

Dans le passé, la santé environnementale était relativement absente de la stratégie nationale de santé. Grâce au travail réalisé au sein de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » (CSRE), nous avons formulé des propositions pour la stratégie nationale de santé 2018-2022, suite à une saisine de la direction générale de la santé. Le groupe de travail concerné a repris à son compte les propositions formulées, de sorte que la SNS actuelle comprend un volet relatif à la problématique santé-environnement. Aux termes du préambule de la SNS, l'exposition aux polluants et aux toxiques est considérée comme l'un des grands problèmes à prendre en compte pour une politique de santé, avec les inégalités socio-territoriales environnementales, la question des risques émergents comme les perturbateurs endocriniens, les nanotechnologies et d'autres technologies émergentes, ainsi que le changement climatique sur la santé.

Notre rapport à la DGS insiste sur quatre types de risques : la pollution de l'air, la pollution de l'air intérieur, les pesticides et les perturbateurs endocriniens. Le Haut conseil a évalué les indicateurs de la SNS. Le rapport afférent, qui date de 2019, est consultable sur son site Internet. Le PNSP 2017-2020, qui met en avant la prévention en matière de santé publique, souligne la nécessité de lutter contre les inégalités et d'offrir un environnement favorable à la santé, aux différents âges de la vie. Dans le cadre du PSNP, il a été proposé un site, nommé Agir pour bébé, dédié à l'exposition de la toute petite enfance aux facteurs environnementaux potentiellement dangereux pour la santé du petit enfant.

Le PNSP propose également une campagne de communication visant à informer la population sur les risques des produits chimiques dans les produits de consommation courante. Cette demande a été adressée à Santé publique France et à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). La mise en place du portail d'information est en cours.

Peut-être pouvons-nous y lier les propositions récemment formulées à propos de deux décrets en application de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire quant à une information sur les produits contenant des perturbateurs endocriniens, mais un travail considérable reste à effectuer à cet égard.

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Dans le champ santé-environnement, le métier distinctif du Haut conseil de santé publique est l'analyse du risque, c'est-à-dire le conseil aux pouvoirs publics quant aux meilleurs moyens de maîtriser un risque identifié.

L'identification des risques est effectuée par Santé publique France ou l'ANSES selon les sujets. Ce travail d'évaluation du risque et d'appréciation des impacts pour la santé des populations, y compris animales, se situe en amont. Nous nous situons en aval et nous nous interrogeons, lorsque le risque a été identifié, sur les moyens à optimiser pour le maîtriser, le réduire, voire le faire disparaître. Une partie de ce métier et de ces champs disciplinaires se recoupe avec le précédent, et une autre part est tout à fait distincte.

Je citerai trois exemples pour illustrer mon propos. En juin, nous avons validé un avis portant sur la qualité de l'air intérieur. Depuis dix ans, nous nous prononçons périodiquement sur les valeurs limites de présence de tel ou tel polluant dans l'air intérieur en établissement recevant du public (ERP) ou à l'intérieur des domiciles. En l'espèce, il s'agissait du trichloréthylène, qui est un composé chimique volatile principalement issu d'anciens sites industriels, lesquels présentent une pollution accumulée dans les sols pouvant aboutir à des concentrations très élevées en cas de dégazage faute de ventilation suffisante dans les bâtiments d'ERP et les domiciles qui y sont construits. Il s'agissait de s'interroger sur les concentrations posant véritablement problème, occasionnant un risque pour la santé, ainsi que sur le délai maximum tolérable de dépassement, qui est parfois très élevé, et les moyens d'ingénierie, de ventilation ou d'aspiration d'air extérieur.

En 2019 et en 2020, nous avons été saisis des risques liés à l'exposition des populations aux ultraviolets, en particulier les enfants et les travailleurs en extérieur, ce qui a nécessité la mobilisation de compétences disciplinaires afin de caractériser la nature du danger et la façon de procéder, y compris en matière de gestion des risques professionnels.

Nous venons de rendre un avis sur un projet de décret, portant sur l'une des dispositions de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 10 février dernier, où figure une obligation s'appliquant aux industriels qui mettent sur le marché, apportent ou mettent en vente des produits pouvant contenir des substances hautement préoccupantes, notamment des perturbateurs endocriniens. Deux décrets sont en préparation sur lesquels notre avis a été sollicité.

Pour autant, il est peu probable que le consommateur souhaitant connaître les produits susceptibles d'être des perturbateurs endocriniens de différentes catégories consulte un site Internet le renvoyant vers celui de l'agence européenne des produits chimiques ou interroge l'application développée par la Commission européenne avec les industriels auxquels il est demandé de bien vouloir informer, ce qui prendra des semaines, voire des mois dans le meilleur des cas.

Comme pour le Nutri-Score, nous avons préconisé la présence d'une étiquette visible, simple et colorée sur la face avant du produit permettant de graduer la présence de différentes catégories de perturbateurs endocriniens. Une contravention de cinquième catégorie s'applique aux récalcitrants qui refusent d'appliquer les dispositions du décret, laquelle est passée en frais généraux et n'a aucun impact réel sur la population. Dans cette discussion, nous avons apporté l'aide de juristes afin d'être beaucoup plus incitatif.

Ce cœur de métier ne se superpose pas à celui de l'ANSES ou de Santé publique France, mais se traduit en conseils en aval. Ensuite, la décision politique interviendra, ou non, en fonction de ces conseils et recommandations.

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Nous avons formulé cette demande d'étiquetage dans le cadre de la préparation du PNSE4. L'un des groupes de travail relatif aux risques émergents et physiques que je présidais préconisait cet affichage sur tous les produits, de façon plus large que pour les perturbateurs endocriniens. Il faut espérer que cette mesure puisse aboutir et qu'elle soit lisible et compréhensible par la population. Le décret nous paraissait insuffisant.

Si nous voulons avoir une bonne connaissance de l'impact des expositions sur la santé, il nous faut faire appel à l'expertise scientifique de spécialistes très différents, à savoir des expologues afin de mesurer les produits chimiques et les agents physiques et biologiques dans l'environnement, des toxicologues qui étudient les mécanismes d'action des polluants environnementaux sur la santé humaine, des écotoxicologues qui analysent les impacts environnementaux, en particulier sur les écosystèmes, des épidémiologistes qui étudient l'impact sur les populations. Il nous faut aussi une relation avec les médecins dans la recherche clinique et faire appel aux sciences humaines et sociales, c'est-à-dire des sociologues, voire des économistes. Cette approche de la connaissance en santé environnementale relève obligatoirement d'un travail pluridisciplinaire qui se pratique dans les programmes de recherche européens et nationaux.

La démarche multi-acteurs vaut aussi à l'égard des industriels, des travailleurs, de l'environnement de travail, lequel ne peut plus être séparé du milieu général comme par le passé, mais également des consommateurs, des riverains d'activité et des ONG environnementales qui ont joué un rôle majeur dans la prise de conscience par la population et sont des interlocuteurs essentiels pour nous.

L'approche est également pluri-institutionnelle avec le niveau européen pour les réglementations, mais également l'échelon national, régional et local. L'ensemble de ces aspects doit être pris en considération dans toute réflexion sur la gouvernance.

Des concepts ont émergé à partir de ces réflexions qui datent d'une vingtaine d'années. L'un d'eux consiste à faire entrer la santé, notamment environnementale, dans les politiques publiques, sans se contenter de la réglementation sur les produits chimiques et l'agriculture, mais aussi en ce qui concerne l'urbanisme. Suite à une saisine sur cette question, le Haut conseil de la santé publique a rendu son rapport voici deux ans.

L'autre aspect très important est le concept One Health, selon lequel la santé de l'environnement, à savoir la biodiversité et les écosystèmes, est absolument liée à la santé humaine. La crise du COVID-19 montre à quel point il est nécessaire de revoir un certain nombre d'éléments à ce sujet.

Le concept d'exposome a émergé de la réflexion sur ces expositions. Ce terme, qui a été conçu par Christopher Wild lorsqu'il était directeur général du centre international de recherche sur le cancer, signifie que nous sommes exposés, au cours de notre vie, à des environnements susceptibles d'être responsables d'effets à long terme. L'impact au cours de la vie fœtale a également été pris en compte dans cette réflexion sur la façon de considérer les maladies chroniques qui sont certainement associées à ces expositions.

L'ensemble de ces aspects doit être pris en compte pour concevoir des actions et des programmes visant à maîtriser les risques environnementaux avérés ou suspectés, ce qui est complexe. Toutefois, la réflexion arrive à un niveau de maturité qui devrait permettre d'avancer dans ce domaine.

Il convient de travailler en interministériel et de prendre en compte l'ensemble des parties prenantes. J'ai participé au Grenelle de l'Environnement, lequel a apporté des éléments supplémentaires à la réflexion. Les plans nationaux santé-environnement ont été élaborés sur ce modèle, ce qui n'est malheureusement pas toujours suivi d'effets, bien que des progrès aient été réalisés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre exposé nous permet de nous rendre compte de la complexité du système. La problématique d'amélioration des politiques publiques présente de multiples visages. Vous venez de décrire la gouvernance scientifique qui s'est mise en place avec cette multidisciplinarité des chercheurs universitaires et des enseignants. Il est relativement réconfortant de constater que chacun s'est mis en ordre de marche dans la mesure où il s'agit d'approches systémiques requérant une mobilisation simultanée.

Nous avons compris que l'ANSES et Santé publique France se situent en amont de la politique de prévention des risques. Quelle différence établissez-vous entre le risque et le danger avéré ?

Vous intervenez en aval en tant qu'équipe volante en situation de crise, lorsque le risque a été démontré et que des solutions doivent être rapidement trouvées. Vous avez fait l'objet de centaines de saisines au fur et à mesure que nous étions confrontés à la pandémie de COVID. Quelle est l'efficacité de ce système ? En amont, des mesures ne pourraient-elles pas être prises systématiquement en situation de crise ? Compte tenu du nombre d'expositions, quelle est la marge d'erreur en ce qui concerne la couverture des besoins ? Parvenez-vous à répondre à toutes les demandes de sorte que le filet de sécurité soit totalement assuré pour protéger la population ? En définitive, il s'agit d'une évaluation de votre efficacité dans le système, de sa résistance et sa résilience.

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Le Haut conseil de la santé publique n'intervient pas uniquement en urgence. Nous sommes très inspirés par le principe de précaution. Un grand nombre de saisines et d'auto-saisines portent sur des sujets qui ne sont pas complètement avérés, mais fortement suspectés. Les perturbateurs endocriniens sont classés en différentes catégories, à savoir avérés, supposés et suspectés. La France, en tant qu'État au sein de l'Union européenne, se bat pour la reconnaissance et la classification de perturbateurs endocriniens, au même titre que les cancérogènes, selon la terminologie suivante : certain, probable et possible. Nous formulons des préconisations, même lorsque le risque n'est pas encore produit, mais vraisemblable et sur des objets qui ne sont pas encore totalement stabilisés afin d'éviter qu'ils se produisent. Nous répondons « présents » dans ce genre de situation où l'on a le plus besoin de nous.

Effectivement, le dispositif est complexe. Il existe quatre grandes fonctions d'appui aux politiques publiques dans le champ santé-environnement, à savoir :

– la recherche, qui consiste à améliorer nos connaissances sur les menaces ;

– la documentation de l'état de la qualité des milieux et de l'imprégnation des populations par un certain nombre de substances dangereuses, avec la surveillance de la qualité de l'air et de l'eau, l'inventaire des sites pollués, mais également des études spécifiques comme la mesure de l'imprégnation des femmes enceintes et des nouveau-nés et l'étude Esteban de Santé publique France ;

– la mobilisation des différentes familles d'expertise, à savoir celle de Santé publique France sur la surveillance de l'état de santé de la population, celle de l'ANSES, avec l'évaluation du risque et la caractérisation des dangers pour l'homme et les animaux, et celle du Haut conseil de la santé publique, consistant à identifier les moyens de réduire la menace, celle qui s'appuie sur une série d'organismes techniques, comme le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), l'institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), l'agence de la transition écologique (ADEME) et l'institut national de recherche et de sécurité pour la préservation des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), et celle qui s'appuie sur les sciences de l'ingénieur ;

– le portage du dispositif d'élaboration et de pilotage des plans de santé-environnement et des plans thématiques.

Ce schéma commence à « maturer » et chacun entre en écho avec les autres, même si d'indispensables zones de recoupement demeurent. Les acteurs qui sont maîtres d'œuvre de chacun des domaines sont identifiés de manière complémentaire.

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

La CSRE compte un représentant de l'ANSES, de Santé publique France, de l'institut national du cancer (INCa) et de l'IRNS, ce qui offre une possibilité de concertation. Par ailleurs, une concertation est menée au moins une fois par an entre le Haut conseil, incluant les représentants des commissions intéressées, et la direction générale de l'ANSES afin de faire le point des différentes saisines en cours et d'organiser une collaboration assurant une réelle complémentarité.

Il nous faut parfois attendre que l'ANSES ait terminé ses études pour pouvoir répondre à une saisine. Il y a deux ou trois ans, une saisine sur les valeurs de gestion des nanoparticules de dioxine de titane dans l'environnement a nécessité que nous attendions la communication des valeurs toxicologiques de référence par l'ANSES pour pouvoir formuler des propositions de gestion pour les travailleurs des usines fabricant ou utilisant ce genre de produits. Il est important d'avoir à l'esprit que ces différentes structures travaillent ensemble.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle suite a-t-elle été donnée au rapport du Haut conseil de santé publique de décembre 2016 ? Comment les propositions d'objectifs à atteindre ont-elles été prises en compte dans la mise en œuvre du PNSE3 ?

Comment évaluez-vous globalement la prise en compte du PNSE3 dans les plans régionaux ? Comment l'action n° 20, dont vous êtes partenaire, a-t-elle été conduite concrètement ?

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

J'ai participé de façon très active en tant qu'expert à l'élaboration et au suivi des trois plans nationaux santé-environnement. Étant vice-présidente de la CSRE, je n'ai pas participé à leur évaluation.

Le premier plan a été élaboré sur la base d'une commission d'orientation uniquement composée d'experts. Il comportait des actions à destination des milieux de travail. Le PNSE2 a été construit sur la base des discussions intervenues dans la Table ronde santé-environnement du Grenelle de l'Environnement où a été proposée la poursuite des plans nationaux santé-environnement. Ce deuxième plan a ainsi été élaboré à partir des travaux d'une commission reprenant la forme des Tables rondes du Grenelle de l'Environnement avec toutes les parties prenantes. Le Groupe santé-environnement (GSE) a été mis en place à cette occasion et a joué un rôle important. Peut-être pourrons-nous reparler de la façon de procéder pour qu'il ait une réalité autre que le fait des bonnes volontés qui le constituent. Le troisième plan national santé-environnement a été élaboré de façon très complexe avec un comité d'appui scientifique constitué d'experts, que j'ai présidé, et, parallèlement, différents groupes de travail constitués de toutes les parties prenantes, ce qui est essentiel dans ce domaine.

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

La France présente une large gamme de compétences scientifiques, mais le champ santé-environnement dispose de ressources raisonnablement limitées. Ma collègue Francelyne Marano et moi-même nous sommes accordés sur le fait qu'elle s'implique à titre universitaire dans l'élaboration et la contribution au GSE, ainsi qu'à l'élaboration des plans, mais aucunement dans le processus d'évaluation. Pour ma part, en tant que responsable de l'évaluation de ces plans, je m'interdis de participer à la discussion sur leur contenu et leur élaboration. Nous sommes très attentifs à la notion de lien et de conflit d'intérêts.

Les conditions précipitées d'élaboration du PNS3 ont conduit le gouvernement à constater son caractère inévaluable en l'état. Pourtant, nous avions présenté le rapport d'évaluation du PNSE2 un an auparavant, en identifiant la façon de construire un plan permettant d'en évaluer l'impact, les succès et les échecs. Les PNSE sont très asservis à la stratégie de communication gouvernementale, ce qui constitue une faiblesse majeure. Le Haut conseil de santé publique a été saisi d'un travail rétrospectif de construction et d'énonciation d'objectifs spécifiques et d'indicateurs de résultats permettant d'évaluer le plan lorsqu'il sera achevé ou en cours d'achèvement. Telle est « l'évaluabilité » du PNSE3 que nous avons produite selon le calendrier indiqué.

En décembre 2018, lorsque j'ai participé à la présentation du programme de préparation du PNSE4, je me suis enquis de l'évaluation du PNSE3, auprès de personnes « haut placées » dans le dispositif d'élaboration. Or nul n'avait pensé à véritablement s'appuyer sur une analyse des résultats, même partiels, du PNSE3 pour contribuer à l'élaboration du PNSE4. L'idée selon laquelle nous ne pouvons continuer à établir de grands plans successifs sans envisager leur articulation n'a pas encore « percolé » au sein de l'ensemble des administrations compétentes. C'est pourquoi nous avons refusé d'évaluer le PNSE3, alors que l'élaboration du PNSE4 était déjà largement avancée, ce que notre statut d'instance indépendante constituée de bénévoles nous permet.

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Nous avons proposé de dresser un bilan des actions menées depuis vingt ans, et quinze ans pour les plans, dans le domaine de la santé environnementale. Cette saisine, dont il était déjà question depuis quelques mois, nous est parvenue avant l'été, en raison de la pandémie de COVID-19. Par conséquent, nous initions ce travail qui nous conduira à rendre un rapport début 2022. Nous avons le choix des thèmes sur lesquels nous travaillerons, mais l'esprit ne réside pas tant dans l'évaluation des plans eux-mêmes que dans la manière dont ils ont permis une amélioration des expositions et de la santé des populations, mais également de ce qui a été opéré dans le domaine de la recherche.

Malheureusement, nous constatons une régression au niveau de l'agence nationale pour la recherche (ANR) puisque les appels à projets dévolus au champ santé-environnement et santé-travail qui existaient lors de sa création ont disparu au profit des appels à projets du programme Blanc. Au cours des dernières années, les classements concernant le domaine santé-environnement n'ont pas été très propices à ses équipes. L'ANSES dispose d'un appel à projets qui lui est propre, mais qui est très orienté vers l'aide aux évaluations de risques et aux saisines qui lui sont soumises « en rafale » par les différents ministères, en particulier le ministère de la transition écologique. Pour notre part, nous en demandons l'élargissement.

Le groupe de travail qui a été mis en place est composé de membres de notre commission, mais également des autres commissions du Haut conseil, orientées vers les maladies chroniques, voire les maladies infectieuses, puisque la problématique des zoonoses se pose actuellement de façon très sérieuse. Il conviendra d'évaluer les actions qui apparaissaient dans les plans précédents. Alors que le PNSE4 devrait être publié au cours des deux mois à venir, il nous est demandé de rendre des avis sur les indicateurs globalisés début 2021.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vos propos complètent ce que nous avons pu entendre des représentants institutionnels qui ne sont pas entrés jusqu'à ce niveau de détail et semblaient tout à fait satisfaits du déroulement des opérations.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je n'ai pas obtenu de réponse concernant le PNSE3 et l'action n° 20 qui consiste à évaluer l'intérêt des temps de dépistage de l'imprégnation au mercure, dépistage actuellement mené chez les femmes enceintes dans certaines zones à risque, chez les femmes en âge de procréer, voire chez les enfants de moins de sept ans, dans l'ensemble des zones à risque.

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

La question de l'imprégnation par le mercure, qui se pose de longue date, est associée au sujet des sites et des sols pollués, ainsi que des zones où existait une possibilité de pollution par le mercure.

S'agissant de l'orpaillage et de la pollution par le mercure en Guyane, le Haut conseil a été saisi de la problématique de l'exposition au mercure des populations locales précaires, en particulier les Amérindiens. Le rapport est en cours d'élaboration. La partie concernant le mercure est rédigée. Cette question complexe est traitée de longue date en Guyane au travers de nombreux plans et d'actions dont les résultats sont un peu décevants, bien que soit constatée une diminution de l'imprégnation.

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Consécutivement à cette action du plan, la Société de toxicologie clinique a produit un rapport contenant des propositions en ce qui concerne la surveillance des femmes enceintes et la réduction de leur exposition. Voici un an, nous avons été saisis par la direction générale de la santé, en lien avec la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) de Guyane.

L'objet de la saisine consiste à appréhender les facteurs contribuant le plus fortement aux inégalités sociales, ethniques et territoriales de santé en Guyane, parmi lesquels figurent ceux liés :

– à l'environnement : l'accès à l'eau, l'assainissement, les intoxications au plomb et au mercure, lequel touche très singulièrement les Amérindiens ;

– aux maladies infectieuses sur le territoire ;

– à la périnatalité, la santé reproductive et l'égalité des genres sur le territoire ;

– au régime alimentaire et à la nutrition de ces populations.

Nous y travaillons depuis un an et avons rédigé un rapport de quatre-vingts préconisations, d'analyse et de bilan. Si la pandémie l'autorise, nous nous rendrons en délégation en Guyane la première semaine de novembre afin d'y rencontrer les acteurs. Nous espérons pouvoir rendre la totalité de ce rapport en mars 2021, après validation interne. Nos propositions sur ce sujet sont très novatrices, mais s'appuient sur les résultats des travaux conduits après les préconisations du PNSE.

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Depuis près de vingt ans, de nombreuses études d'imprégnation ont été réalisées. Le groupe de travail mis en place pour répondre à cette saisine comprenait les spécialistes du domaine, qui ne font pas partie du Haut conseil de santé publique, mais nous ont permis de répondre, dans la mesure du possible, aux questions posées par la direction générale de la santé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comment améliorer le pilotage opérationnel des plans nationaux santé-environnement ? Quelles propositions la commission d'enquête pourrait-elle formuler pour améliorer la gouvernance et son application dans les territoires ? Dans le cadre de ces propositions, quel rôle le GSE jouerait-il ? Il a été dit qu'il avait fourni un travail considérable avec un retour qui n'est pas toujours proportionnel à l'investissement de toutes les personnes qui apportent leur contribution bénévolement. Comment envisagez-vous cet éventuel repositionnement ? Quels sont les risques les plus graves de santé environnementale ? Quelles seraient les priorités à prendre en compte à court terme ?

La COVID nous a tous désorientés. La réparation des impacts du réchauffement climatique sur la santé et la réapparition de pandémies et de virus que nous croyions éteints devraient-elles faire partie des priorités des plans nationaux santé-environnement ?

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Ce que nous allons vous présenter n'engage que nous en tant qu'experts et n'a pas été discuté au sein du Haut conseil de santé publique, mais résulte largement de discussions avec nos collègues au sein des commissions CSRE. En outre, huit ou neuf membres de la CSRE ont activement participé au groupe de crise COVID-19 qui a dû répondre à ces saisines.

Nous proposons un office français de santé environnementale (OFSE) sur le modèle de l'office français de la biodiversité, qui a permis de fédérer et de donner une gouvernance au domaine des études sur la biodiversité, en fusionnant un certain nombre de structures. Notre idée consisterait dans la mise en place d'un dispositif du même type pour la santé environnementale. Elle n'est pas nouvelle, puisque des propositions de ce genre ont déjà été formulées au sein du GSE lors de la création de l'agence française de la biodiversité.

Cet office doit être une instance interministérielle (santé, environnement, travail, agriculture, économie) assurant les missions suivantes :

– exploiter, valoriser et rendre accessibles les données produites par les systèmes d'information pertinents en santé environnementale, dans la mesure où nous rencontrons de grandes difficultés en matière d'exploitation des informations regroupées dans les quarante bases de données existantes ;

– assurer le financement de la recherche en santé environnementale en complément du programme national de recherche environnement-santé-travail (PRN EST) de l'ANSES qui est « fléché » vers ses missions propres. Il s'agirait de reprendre ce qui se faisait antérieurement et qui a disparu dans le cadre de l'ANR. Cet office pourrait orienter les priorités de recherche, voire lancer des appels à projets comme l'office français de la biodiversité ;

– soutenir les doctorants ;

– porter les processus d'élaboration et de pilotage des plans nationaux PNSE, plan national santé publique (PNSP), voire plan santé au travail (PST), les stratégies nationales et avoir un regard sur les plans régionaux santé-environnement (PRSE). Il s'agit d'intégrer les fonctions actuelles du GSE qui n'ont pas de réalité institutionnelle ;

– assurer une veille stratégique et prospective.

Ces missions s'opéreraient en interaction avec les organismes qui assurent les fonctions d'expertise et les organismes de recherche.

J'insiste à nouveau sur le fait que le Haut conseil de santé publique ne nous a pas mandatés pour formuler une telle proposition.

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Le calendrier ne permettait pas d'organiser un échange pluridisciplinaire, mais nous sommes très confiants. Notre grande expérience sur le sujet est complémentaire. Cette proposition ne hérissera pas nos collègues et amis, mais peut occasionner un certain nombre de frictions avec des institutions existantes. Cependant, vous connaissez notre indépendance

Il ne s'agit pas de remplacer Santé publique France, ni l'ANSES ou le Haut conseil de la santé publique, mais de combler un besoin d'organisation, de portage et de fonctions qui se trouvent actuellement en jachère et sont désorganisées. Il est notamment question de ce qui a trait à ce portage dans l'élaboration du plan national et des plans thématiques dans le champ santé-environnement, qui est fragile et présente un caractère informel qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Il est inacceptable de poursuivre dans ces conditions.

Il semble nécessaire d'organiser des étapes clairement identifiées dans le processus d'élaboration d'un plan qui pourrait se prolonger sur une sixième année. La première étape consiste à évaluer le plan en cours dès la fin de la quatrième année en s'appuyant sur les bases de données du futur office de santé environnementale qui assurera la fonction d'animation, d'exploitation et de mise à disposition des très nombreuses données existantes. Ce travail d'évaluation du plan d'une durée de huit à dix mois sera effectué par le Haut conseil de santé publique.

En deuxième partie de la cinquième année, le produit de l'évaluation du plan en cours sera remis à quatre catégories de parties prenantes, à savoir :

– les organismes de recherche qui détermineront les priorités ;

– les grands établissements actuellement en charge de l'expertise en appui aux politiques publiques de santé-environnement et qui ont une connaissance intime de la situation : ADEME, ANSES, Santé publique France, INERIS, INRS. Mais cela peut tourner au plaidoyer pro domo, une lecture dans une logique propre à ces établissements ;

– les différentes formes de réflexion de la société civile. La consultation citoyenne peut constituer une bonne base, mais l'expérience du GSE réside dans les ONG, les partenaires sociaux et les autres groupements professionnels, par exemple du monde de l'agriculture ;

– les territoires, qui ont un regard singulier sur la réalité de leur terrain : régions grandes métropoles, les maires ruraux…

La mission de l'office français en santé-environnement consisterait à synthétiser ces quatre rapports publics, en lien avec les administrations, avant arbitrage politique, lequel devra se justifier de ce qu'il reprend ou non et s'inscrire dans une perspective stratégique, annonçant les priorités (réduire les inégalités sociales territoriales et environnementales), l'interface avec les plans, plans énergies et biodiversité, et les montants financiers dédiés à chaque action.

En dehors du PNSE1, aucun plan n'a fait l'objet d'engagements financiers.

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

L'absence d'affichage des financements ne signifie pas qu'il n'y en a pas eu. Il s'agissait de décisions prises au niveau des services de l'État, en fonction d'une hiérarchisation qui n'était pas forcément celle qui était souhaitée par les différentes parties prenantes, mais qui répondait aux besoins du moment. Il ne s'agissait pas systématiquement de mauvais choix. Toutefois, aucune lecture n'étant possible, nous ne pouvions procéder à cette évaluation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je reprendrais nombre de points que vous proposez, puisque j'ai présidé cette instance très active, mais qui n'a pas d'existence officielle.

La plupart de la trentaine de plans sectoriels existants bénéficient de sommes considérables, comme le plan contre l'autisme avec 400 millions d'euros, alors que seuls 40 millions d'euros sont affectés au plan nutrition santé. Nous n'avons jamais réellement obtenu l'explication de ces disparités. Chaque thématique ayant le vent en poupe fait l'objet d'un plan sectoriel et d'injection financière sans interrogation préalable sur les interconnexions avec les autres plans existants ni sur la cohérence globale du système.

Quid de ces plans silos ? Comment les repositionnez-vous par rapport à cette méthodologie et ce brouillon de réorganisation que vous venez d'exposer ?

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Les plans silos doivent être pris en compte dans le travail de cet office français de la santé environnementale. Il suffit de lire les premières pages du PNSE3 pour constater l'intrication de ces plans avec la santé environnementale.

Par ailleurs, certaines actions du PNSE3 sont des plans, comme le plan Chlordécone et le plan Micropolluants dans l'eau. Le groupe de suivi de ces actions que j'ai présidé durant quatre ans émettait des rapports sur l'avancée du plan Chlordécone, du plan résidus médicamenteux dans l'eau ou micropolluants dans l'eau. Nous rapportions également au GSE, dont nous dépendions, sans aucune structuration. Les recommandations considérées comme intéressantes étaient prises en compte, mais à la bonne volonté. Par conséquent, une structuration est nécessaire avec une évaluation des avancées ou des manques et une possibilité de retour, sur les remarques formulées, de la part les pouvoirs publics qui ont en charge ces plans, ce qui n'était pas le cas au sein du GSE.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Que conviendrait-il d'améliorer en matière de prévention et d'actions spécifiques à destination des enfants et des jeunes ?

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Je ne voudrais pas donner l'impression de me défausser, mais j'ai beaucoup de scrupules à répondre à cette question. La définition des priorités ne peut être établie par un expert seul.

J'ai évoqué les quatre regards sur les priorités, lesquels sont tout autant légitimes les uns que les autres. Il s'agit également d'un choix politique. Peut-être pourrions-nous nous appuyer sur l'avis que porteraient les établissements publics d'expertise, ce qui n'épuise pas le sujet. Il est probablement plus fondé scientifiquement, mais il faut aussi tenir un discours à la population afin de rendre acceptables des actions dont certaines peuvent coûter à telle ou telle catégorie. Avec les Gilets Jaunes, nous avons pu constater les conséquences de l'augmentation du prix des produits carbonés. L'absence de prise en compte de la manière dont les actions peuvent être acceptées, comprises et intégrées par différentes parties prenantes conduit à l'échec. J'ai des idées, mais je ne perçois pas la légitimité de dire ce qu'il convient de faire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous allons vous donner la chance de ne pas aller trop au-delà de vos repères éthiques. Pouvez-vous apporter une réponse à la question de la prévention ?

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

La prévention est très clairement affichée. Dans le domaine de la santé environnementale, la priorité est donnée à la prévention des risques environnementaux pour la petite enfance, ce qui figure au PNSP. Cette démarche requiert des moyens et de la formation.

Pour une bonne prévention dans le domaine de la santé environnementale, il est nécessaire que les acteurs qui interviennent, en particulier auprès des enfants, soient formés afin de pouvoir leur transmettre les principes d'une alimentation et d'une vie saines et de les mettre en garde sur le risque lié aux écrans. Concernant la prévention auprès des parents, il faut que les personnels de santé, à savoir les médecins, les puéricultrices, les infirmiers et les infirmières, soient capables de mettre en exergue le caractère essentiel de la prévention dans le domaine de la santé-environnement durant la grossesse et la petite enfance afin d'éviter l'apparition ultérieure de pathologies chroniques. Les données scientifiques montrent que les risques pris au cours de la vie fœtale ou de la petite enfance se transforment en maladies chroniques vingt ou trente ans plus tard.

Dans ce domaine, alors que tous les plans nationaux santé-environnement comportaient des actions sur les programmes de formation, nous ne sommes pas parvenus à mettre cette démarche en place de façon systématique, qu'il s'agisse des médecins, des infirmiers, des puéricultrices, ainsi que des enseignants. La formation se fait au cas par cas, en fonction des universités.

Au-delà de la formation initiale, des formations continues doivent être mises à la disposition des personnels qui ont conscience d'un besoin de connaissance. Au sein de mon université, j'ai créé le Master Toxicologie-Environnement-Santé qui acceptait en formation continue des personnes souhaitant se réorienter.

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Le droit à l'information des citoyens en tant que consommateurs, travailleurs et riverains doit être gravé dans le marbre et concrétisé.

Dans les exemples précédemment cités, vous constaterez que nous nous sommes largement inspirés de la démarche Nutri-Score. Cette approche est fondamentale. Nous rêvions qu'elle soit d'emblée réglementaire et obligatoire, ce que les groupes n'ont pas rendu possible, mais la société civile s'en saisit, ce qui aboutira à une obligation, faute de quoi les consommateurs se méfieront du produit.

Nous avons évoqué l'étiquetage sur les produits de consommation avec le II de l'article 13 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi AGEC) et le décret portant sur les perturbateurs endocriniens, ce qui doit s'appliquer à toutes les substances chimiques : CMR, allergisantes, irritantes et les perturbateurs endocriniens. Il convient qu'un dispositif permette, lors de l'acte d'achat, de prendre connaissance des informations sans les interdire. Ce droit à l'information constitue un élément de prévention majeur. Nous vivons dans un monde qui présente une série de risques. Donner accès à l'information selon laquelle certains produits offrent une meilleure qualité du point de vue de la santé, aux consommateurs et aux travailleurs qui manipulent ces produits constitue un acte de prévention majeur.

Permalien
Francelyne MARANO, vice-présidente de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

Grâce à l'information, la prévention signifie que l'individu est acteur et ne doit pas simplement subir.

J'ai omis de mentionner des acteurs qui sont importants en matière d'information en santé environnementale et dont la formation n'intègre sans doute pas suffisamment d'éléments dans ce domaine, à savoir les ingénieurs agronomes. Une évolution s'est faite au cours des dernières années, mais pour parvenir à une transformation de l'agriculture productiviste et de l'élevage actuels, il faut que ceux qui sont formés pour devenir les cadres dans ces domaines, quel que soit leur niveau, reçoivent une formation dans les lycées agricoles.

Je citerai également les urbanistes et les architectes qui doivent être formés dans la perspective d'une meilleure prise en compte de ces aspects dans la structuration des villes. C'est pourquoi nous avons demandé la prise en compte de ces aspects santé-environnement dans les PLU. Néanmoins, il faut que les acteurs du domaine soient formés en amont.

Ces éléments seront sans doute rediscutés et proposés dans le PNSE4, mais la démarche a été initiée avec le PNSE1. Un groupe de travail spécifique a été mis en place en ce qui concerne la formation et l'information avec des acteurs divers, dont des représentants de la conférence des présidents d'université. Il nous est opposé que les programmes sont chargés, ce qui a été récurrent pour les médecins.

Permalien
Denis Zmirou, président de la commission spécialisée « risques liés à l'environnement » du Haut conseil de la santé publique

L'analyse du risque, qui est majeure, est totalement sous-dimensionnée en termes de ressources pour conseiller les pouvoirs publics sur les enjeux. C'en est même ridicule. La différence d'échelle est celle-ci : 1 500 à l'ANSES et 22 au Haut conseil de la santé publique.

L'audition s'achève à dix-sept heures.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 15 heures

Présents. - Mme Annie Chapelier, M. Yannick Haury, Mme Sandrine Josso, Mme Élisabeth Toutut-Picard

Excusés. - M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Nathalie Sarles