Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • comportement
  • electric
  • intelligence
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  • renouvelable
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  • électrique

La réunion

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La séance est ouverte à 17 heures 20.

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Nous accueillons avec un peu de retard et avec toutes nos excuses, puisque le vote en hémicycle nous a malheureusement retardés, les représentants du groupe Schneider Electric M. Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable et Mme Aurélie Jardin, directeur des affaires publiques et partenariats.

Le groupe Schneider Electric est le leader mondial dans les métiers de la distribution électrique, présent sur les différents continents. Votre métier étant ce qu'il est, il apparaît logique que vous caractérisiez la transition énergétique d'un point de vue mondial comme une augmentation de la demande d'énergie et en premier lieu, d'électricité. Ce sont en tout cas les informations que nous avons recensées sur votre site Web et j'espère que vous ne me détromperez pas.

Votre conviction s'appuie sur des considérations de fond : l'urbanisation croissante, la numérisation des entreprises et de la société, la décarbonation de l'énergie et enfin l'électrification des transports.

Les produits et solutions que vous proposez donnent une réponse technologique aux préoccupations d'efficacité énergétique qui font partie de notre champ de recherche, ce qui vous permettra d'alléger votre présentation en liminaire. Utiliser moins d'énergie à même niveau de performance intéresse autant le bâtiment, résidentiel ou non, que l'efficacité opérationnelle dans l'industrie.

De même, vous garantissez une solution technique aux préoccupations relatives à la stabilité des réseaux électriques rendus plus compliquée par l'utilisation de sources d'énergies renouvelables intermittentes. Doit-on voir dans la numérisation le garant du bon accomplissement de la transition énergétique ? Peut-être aurez-vous l'occasion, lorsque vous aurez la parole, de creuser ce sujet. La numérisation elle-même ne suppose-t-elle pas de disposer de centres de données informatiques de plus en plus denses et performants entraînant une augmentation des besoins en électricité avec une électricité abondante et à prix raisonnable ? N'est-ce pas également l'un des aspects de ce que le groupe Schneider Electric qualifie de, je cite, « paradoxe énergétique », soit trouver un juste équilibre entre la nécessité de réduire l'empreinte carbone de la planète et le droit inaliénable de chacun de disposer d'une énergie de qualité, ce que l'on pourrait réduire à concilier l'environnement et le pouvoir d'achat ou la compétitivité ?

Mais qu'est-ce qui caractérise une énergie de qualité ? Cette notion ne recouvre-t-elle pas également la sécurité d'approvisionnement ou l'absence de rationnement, la liberté dans le choix du moment des usages, le prix n'aggravant pas le poids relatif des dépenses d'électricité en fonction du revenu des ménages ? Nous n'oublierons pas la compétitivité, les consommateurs, les industriels, l'environnement et le pouvoir d'achat. Monsieur Vermot Desroches, nous allons vous écouter pour un exposé liminaire de 10 minutes si vous y parvenez. Ensuite, les membres de la commission d'enquête qui se sont déplacés vous interrogeront à leur tour, avec d'abord les questions de notre rapporteure Mme Meynier-Millefert.

Madame le directeur des affaires publiques, souhaitez-vous également prendre la parole ?

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Aurélie Jardin, directeur des affaires publiques

. Éventuellement pour apporter des compléments.

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Dans ce cas, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander à tous deux de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez s'il vous plaît lever la main droite et dire « Je le jure ».

(M. Vermot Desroches et Mme Aurélie Jardin prêtent serment.)

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Merci. Madame et Monsieur les directeurs. La parole est à vous.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

. Bonjour à tous. Je remercie M. le président, Mme la rapporteure et toutes les équipes ici présentes pour cet accueil et pour nous écouter dans le cadre de cette commission d'enquête. Monsieur le président, vous avez fait une présentation assez précise de ce que pouvait être Schneider Electric, me permettant d'aborder plus rapidement le sujet. Je rajouterai quelques mots pour confirmer la réalité de l'entreprise.

Schneider Electric, comme son nom l'indique peu, est une entreprise française qui opère aujourd'hui dans tous les pays du monde. Elle réalise un chiffre d'affaires d'environ 25 milliards et compte 144 000 collaborateurs. Elle est présente en France, son pays historique, avec environ 1,7 milliard de chiffre d'affaires l'an dernier et plus de 16 000 collaborateurs répartis dans 28 sites industriels, 27 sites tertiaires, 3 centres de logistique, 28 agences commerciales et de nombreux points de vente des produits Schneider Electric (près de 1 500). C'est le pays cœur et clé de Schneider Electric. On peut dire qu'il n'y a pas un manager de cette entreprise dans le monde qui ne connaît pas Grenoble, le lieu historique en tout cas d'une composante de Schneider Electric, qui est Merlin Gerin, mais aussi, bien évidemment, le Nord Isère où se situe notre centre de logistique mondial (le second se trouvant d'ailleurs en Normandie), deuxième site où Schneider Electric est très présent, nos centres de recherche étant situés à la fois dans la région grenobloise, à Carros, en Normandie et à Angoulême.

Hors France, plus de 2 000 ingénieurs français contribuent à ses actions de R&D. C'est de là qu'une bonne partie de ses projets sont mis en œuvre, ce qui fait qu'elle est aujourd'hui le leader mondial plus ou moins incontesté du management de l'énergie et donc de l'ambition de faire fonctionner ensemble, pour accélérer, la transition énergétique et le digital.

J'ajoute que les deux dernières acquisitions de Schneider Electric, Invensys et Aveva, donnent à cette entreprise, dans un cadre assez connexe à notre propos mais qui n'en est pas au cœur, qui est l'industrie du futur, la capacité d'accompagner l'ensemble des acteurs industriels mondiaux dans cette démarche indispensable d'intelligence artificielle et de nouveau modèle, y compris de consommation énergétique puisque l'industrie du futur est bien sûr positionnée sur le sujet.

Par rapport à la question posée ici quant à savoir s'il fallait faire un propos liminaire, Schneider Electric s'inscrit dans une logique assez complexe qui associe énergies renouvelables, efficacité énergétique et intelligence et digital. L'enjeu des énergies renouvelables n'est jamais aussi bien compris que lorsqu'il est lié à la question de l'efficacité énergétique active ou réputée intelligente pour amener à une évolution des comportements, qui seront probablement un peu différents demain de ce qu'ils étaient hier. Je vous donnerai deux exemples d'une démarche qui quitte des technologies où Schneider Electric a l'habitude de prendre la parole pour parler des comportements. On aura beau faire toutes les évolutions technologiques que l'on veut, si les comportements n'évoluent pas, on ne pourra pas avancer comme on le souhaite.

Si on s'éloigne un instant de la question énergétique, il me semble que le comportement au niveau mondial nous fait passer d'un XXe siècle linéaire à un XXIe siècle circulaire et que la question des réseaux énergétiques se pose dans ce cadre. Qu'est-ce que j'entends par passer d'un XXe siècle linéaire à un XXIe siècle circulaire avec l'intervention du digital au milieu de cette démarche ? Au siècle passé, tout était pensé de manière assez linéaire dans la vie : j'apprenais, je travaillais et j'en profitais. J'habitais à un endroit, j'allais travailler ailleurs et je prenais mes vacances ailleurs. Il y avait un producteur d'alimentation par exemple, un transporteur ou un distributeur, je consommais, il y avait des déchets et cela s'arrêtait là ; c'était vrai aussi pour les produits blancs. Sur l'ensemble des démarches que je viens d'expliquer, on est dans une démarche bien plus circulaire où on apprend, on travaille et on profite à chaque moment de la vie, ce que de nombreux dispositifs permettent de faire aujourd'hui. On aime co-worker à l'endroit où on habite et y vivre des activités de loisirs, ce qui fait que dans le monde entier, beaucoup de démarches de réappropriation des rives, des berges du fleuve qui traverse les grandes villes sont à l'œuvre. En outre, concernant la nourriture, on voit aujourd'hui beaucoup d'actions pour manger plus local et être attentif à un certain nombre d'aspects liés.

Est-ce que cette question pénètre le champ de la question énergétique au niveau mondial ? Est-ce que ce comportement très différent de tous les acteurs, qui veulent être à la fois le consommateur et l'acteur-consommateur, avoir un avis sur leur manière de consommer et pourquoi pas participer même à la production, est un sujet qui arrive sur les enjeux énergétiques ? Probablement oui et probablement après les autres sujets. De manière générale, le comportement de l'ensemble des consommateurs sur beaucoup de sujets, qui n'a pas encore touché profondément la question de l'énergie, est en train de la toucher, davantage dans d'autres pays qu'en France pour des raisons qui ne sont pas tout à fait liées à cette évolution des comportements mais parce que l'électricité en France est d'un niveau, d'une qualité et d'un prix assez différents de tout ce qui se passe ailleurs dans les pays matures et encore plus dans les pays non matures. Dans les autres pays, probablement que le cumul de cette évolution des comportements ainsi que la nécessité, dans cette indépendance, d'assurer un accès à l'énergie d'une meilleure qualité, pousse par exemple, particulièrement dans les pays nord-américains mais aussi en Europe et surtout dans le Nord européen comme dans les pays où on manque d'électricité, à promouvoir des solutions de minigrids, solutions qui deviennent technologiquement matures. De grands acteurs tels que l'aéroport de New York sont en train de se munir de leurs propres minigrids pour être indépendants sur leur production énergétique. La situation de la France peut être considérée comme étant profondément différente, ce pourquoi ces technologiques qui s'implantent partout dans le monde n'ont pas à s'implanter dans ce pays. Reste à considérer, en particulier pour les champions industriels européens et particulièrement français, la nécessité d'être présents dans le monde entier dans ces solutions nouvelles qui attirent leurs clients et pour lesquelles nous avons une certaine expertise et un leadership reconnu, et la manière dont on peut réunir en France la qualité qui est la nôtre, en particulier sur l'électricité distribuée, et néanmoins rester à la pointe du progrès et des évolutions tels que le monde les connaît dans la consommation énergétique.

Je voudrais rajouter un autre point pour illustrer cette démarche. Au moment où nous parlons, 300 machines se connectent sur Internet toutes les secondes. Internet connecte aujourd'hui un peu plus de machines ou de solutions que de personnes. Nous savons qu'Internet connecte 5 à 6 milliards de personnes. À l'échelle de 2050, 50 milliards de machines se connecteront directement sur Internet pour converser avec l'homme et pour converser entre elles. L'émergence plus soutenue des énergies renouvelables n'a probablement de sens que parce que la prévisibilité de la production des énergies renouvelables en amont s'améliore profondément et qu'en aval, la capacité de consommer pour un certain nombre de consommations au moment où l'énergie renouvelable le permet est un grand facteur de réduction des émissions de carbone et d'adaptation du réseau dans un dialogue entre l'offre et la demande qui n'a jamais existé précédemment. La distribution électrique du XXe siècle est une distribution linéaire. On produit quelque part et si possible, le plus loin possible des grandes villes et des lieux de consommation, on transfère, on distribue et il y a un consommateur final, pour revenir à la définition que je présentais tout à l'heure. Comme sur tous les autres actes de consommation, l'électricité de demain (le numérique va le permettre) rentre dans un mode plus circulaire où chacun est amené à être dans un dialogue entre l'offre et la demande, avec des systèmes que nous mettons en œuvre et qui permettent de faire des choix entre le réseau, la batterie et l'énergie renouvelable produite pour consommer moins et mieux.

La question du prix est importante ; elle n'est pas tout à fait essentielle en tout cas pour un certain nombre d'acteurs dans le monde qui décident d'auto-consommer pour avoir une certaine indépendance sur le sujet et une compréhension pour ne pas être uniquement l'acteur final, quitte à, au moment de l'investissement, n'être pas tout à fait dans une logique dont le seul critère est financier.

J'ajouterai un deuxième point que l'on observe dans les installations mises en œuvre, qui montre cette évolution sociologique des consciences et des comportements lorsqu'on parle d'autoconsommation. Schneider Electric a très longtemps été un très grand promoteur de l'efficacité énergétique active et exclusivement cela, expliquant que le meilleur rendement pour celui qui veut réduire sa consommation énergétique consiste à installer ce type de solution (ce qui est toujours vrai), car la rentabilité au regard du coût (moins de 15 € le m²) et de l'efficacité est la plus grande. Force est de constater que pour un habitant, une famille ou, dans certains lieux, des quartiers (d'où l'importance de pouvoir expérimenter cette démarche), un producteur agricole ou, de manière plus vaste, celui qui met une partie de sa contribution et de sa réflexion dans la production, dans l'autoconsommation, gagne une intelligence et un intérêt à la démarche qui lui font, bien plus que n'importe qui d'autre, s'intéresser à la démarche d'efficacité énergétique. Un éventuel surcoût dans l'installation d'autoconsommation sera très rapidement gagné car celui qui auto-consomme a une intelligence de la consommation et une capacité à se prêter au jeu qui va lui apporter, en termes d'efficacité énergétique et de choix de consommation, une compréhension de ce qui chez lui, lorsqu'il s'agit d'un résident ou dans son bâtiment, etc., consomme et à quel moment et comment mieux organiser sa vie et ses consommations, ce qui lui permettra d'avoir un intérêt sur le sujet.

Schneider Electric participe à de nombreux grands programmes européens liés à la réduction de la précarité énergétique, en particulier avec les acteurs français dans le cadre de Rénovons mais aussi avec Ashoka pour repérer en Europe les meilleurs acteurs qui contribuent à réduire la précarité énergétique chez 10 % des ménages français et européens. On pourrait considérer que parce que, comme le dit Schneider Electric, « Life is on », la vie est meilleure quand on est connecté à de l'électricité, etc., les gens vont utiliser ces solutions non pas pour réduire la consommation énergétique mais pour consommer autrement.

Ce qui est certain et que l'on peut prouver aujourd'hui, c'est que les personnes en précarité énergétique sont très heureuses des 100, 200 ou 300 € de réduction dont elles bénéficient en faisant de l'efficacité énergétique. Lorsqu'un pays tel que la Grande-Bretagne, voisine de la France, installe un plan de déploiement de solutions d'autoconsommation pour 1,5 million de foyers aux fins de réduire la consommation énergétique des personnes, d'une part par la production directe qu'elle va utiliser et d'autre part en raison de l'intelligence que cela lui donne sur sa consommation, nous voyons là une solution que nous pouvons dès à présent, puisqu'elle est expérimentée dans un pays voisin, mieux comprendre et évaluer pour apporter des solutions un peu différentes.

Pour nous, la réflexion pour l'avenir sur les énergies renouvelables ou l'énergie de manière générale ne peut pas être saucissonnée avec d'un côté une réflexion sur l'efficacité énergétique, d'un autre côté une réflexion sur l'intelligence de la consommation et d'un troisième côté les énergies renouvelables et leur pertinence dans le réseau énergétique.

1) C'est en prenant les trois ensemble que l'on peut arriver à une évolution du système énergétique cohérente avec l'évolution des comportements de nos concitoyens au regard de toutes les autres consommations.

2) Lorsqu'une installation individuelle de panneaux photovoltaïques pour l'autoconsommation est faite directement et s'accompagne d'efficacité énergétique, cela permet l'efficience d'une part de la réduction de la consommation énergétique et d'autre part des coûts dont nous avons parlé.

3) En observant nos voisins et pas seulement les Anglais, dont j'ai cité l'exemple, on pourrait même considérer que ce type de solution permet de rentrer sur un sujet précis et complexe qui est la précarité énergétique. Les personnes en précarité énergétique habitent dans deux cadres très différents. Dans le cas de celles qui vivent dans des lieux isolés, des habitats de banlieue lointaine ou souvent mal construits, on peut considérer que l'usage photovoltaïque pour accompagner leur consommation est assez simple à installer. Pour les habitants des centres-villes, les questions sont probablement un peu différentes mais l'usage des toits sur ce sujet n'est pas nul.

4) Quand on est une entreprise technologique, on est attentif à poser la discussion sur les solutions qui existent en 2019. Dans cette réflexion, rien ne nous empêche, pour rester agile à la fois dans notre analyse et dans notre vision, d'accélérer les innovations et les prix. Il y a dix ans, le kilowattheure photovoltaïque était dix fois plus cher qu'aujourd'hui. On assiste désormais à un certain plateau du prix des installations photovoltaïques et avec ce plateau dans le monde, y compris en France (la ferme de Cestas près de Bordeaux permet de le dire), on arrive à des prix de parité qui permettent d'installer une réflexion sur ce sujet.

5) L'ensemble de ces installations dans des expérimentations que Schneider est en train de mener par exemple dans des systèmes scolaires et dans les Pays de la Loire, témoigne d'une dimension éducative qui permet de répondre aux questions indispensables en sachant que ces questions ne se posent pas uniquement dans le cadre d'une évolution technologique.

Il y a dix ans, le Smartphone et les applications dont on parle aujourd'hui n'existaient pas et le renouvelable était dix fois plus cher. Poser une réflexion aujourd'hui sur le sujet permet d'avoir une image du stade auquel nous sommes rendus ; il ne faut cependant pas oublier le film qui fera que, dans dix ans, les évolutions technologiques et de prix seront telles qu'il faut se laisser la possibilité d'aller plus loin et de faire en sorte que la France ne soit pas intégralement isolée dans le concert de la technologie internationale et des acteurs industriels qui permettent d'installer partout dans le monde des nouvelles solutions liées aux comportements évolutifs des personnes, qui prennent probablement mieux et plus en compte l'ensemble des questions liées au changement climatique et à la biodiversité et la mobilisation des jeunes de cette dernière année partout dans le monde, susceptibles d'apporter des comportements nouveaux assez rapidement dans toutes les familles en France et ailleurs.

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Merci Monsieur le président. Merci pour vos propos liminaires. Votre constat de la nécessité de prendre en compte la dynamique de toutes ces filières émergentes est un souci pour nous qui essayons d'évaluer et de faire le bilan des coûts notamment, de l'acceptabilité, de la manière dont nos politiques ont été menées à présent ; c'est un souci pour nous d'arriver à concilier l'historique et le passé et d'ajouter à ce constat pour le prendre dans sa globalité avec les sujets prospectifs. La prospective prend aussi en compte les projections qu'on veut bien arriver à faire et notre difficulté est d'arriver à être sûrs de ce que nous aurons dans l'avenir.

Nous avons fait des paris par le passé qui ne se sont pas avérés aussi justes que ce que nous aurions pu penser. Aujourd'hui, quelles garanties avons-nous sur les projections de baisse des prix, d'amélioration des systèmes, etc., que nous pouvons faire à ce jour ? Nous avons besoin de le quantifier dans cette commission d'enquête, qui cherche à être aussi rigoureuse que possible sur l'ensemble des coûts et des impacts.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

C'est une excellente question, à laquelle je pense que personne aujourd'hui ne peut apporter de réponse définitive. On peut néanmoins apporter quelques éléments à prendre en compte.

Le premier élément est probablement très à distance de votre question mais paraît très contributif si on reste strictement sur le périmètre africain. En effet, on pense qu'en 2030, 600 millions d'Africains n'auront toujours pas l'électricité, en n'oubliant pas, dans ce chiffre, qui est une mauvaise nouvelle, d'écouter la bonne nouvelle, c'est-à-dire que le même nombre d'Africains auront acquis l'électricité dans le même temps.

La croissance démographique africaine est telle que même si ce même nombre de personnes n'ont pas l'électricité, beaucoup d'autres en obtiennent l'accès. 300 000 villages africains aujourd'hui n'ont pas d'électricité. Schneider Electric a implanté une solution de minigrid qui a été mise en valeur dans le cadre du One Planet Summit, se trouvant sur l'un des lieux où habitait une personne qui avait rencontré au moment du lancement de l'Alliance solaire internationale le Président de la République. L'installation de ces minigrids présente une pertinence économique. C'est une capacité technologique mature aujourd'hui. Le fait que des entreprises comme les miennes se mettent à implanter des minigrids et à en vendre par milliers dans tous les pays d'Asie du Sud-Est, d'Inde et d'Afrique témoigne d'une évolution profonde des technologies, jusqu'à maintenant du moins. Il se peut que ce soit différent à l'avenir mais l'histoire montre que cette évolution des technologies va toujours vers la réduction des coûts. Des solutions qui étaient installées de manière expérimentale jusqu'à il y a quelques années se déploient aujourd'hui ailleurs dans le monde de manière assez massifiée par des grandes recherches de contrats de plusieurs dizaines ou centaines de minigrids à installer à peu près au même moment.

Le retour de cette logique, qu'on appelle la reverse economy, fait que ces évolutions technologiques joueront forcément un rôle, y compris dans les pays matures comme les nôtres. La qualité du réseau électrique, son prix et la stabilité de l'électricité en France ne sont atteints nulle part ailleurs dans le monde. Si vous faites une analyse des coupures d'électricité dans le monde, vous verrez qu'aucun autre pays du monde, même des pays très développés, n'atteint les résultats de la France. Il faut bien considérer que la réflexion qui est la nôtre est liée à un réseau bien plus pertinent, de meilleure qualité et peu émetteur en carbone, très différent des autres.

On peut considérer que pour répondre aux enjeux de climat dans la transition énergétique, il est nécessaire à tous les autres pays :

- de bouger technologiquement et de faire autrement leur production électrique

- comme nous, de faire le plus rapidement possible un transfert vers l'électricité de tout autre type de consommation bien plus émettrice de carbone.

Il peut apparaître bon que la France ne soit pas complètement en dehors de ces évolutions technologiques et industrielles, y compris pour son avenir, quand le Parlement, le pays décide d'arriver à une part de nucléaire à 50 %. Soit en autoconsommation, soit dans des systèmes plus collectifs, les énergies renouvelables deviennent pertinentes.

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C'était intéressant pour moi de vous poser cette question car une entreprise n'a pas la même gestion du risque dans l'investissement que peut avoir l'État quand ses politiques réfléchissent. C'est par conséquent intéressant de savoir quels critères et quelles certitudes vous aviez pour dire que ce sont des filières d'avenir, notamment en France.

Pour simplifier vos propos, concrètement, êtes-vous en train de dire que parce qu'on a une stabilité ici, on est en train de passer à côté du match qui se joue ailleurs ou au contraire qu'on arrive à le jouer ailleurs et que cela reviendra chez nous ?

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Je dis que le match se joue ailleurs avec beaucoup de champions et particulièrement des champions français si vous ajoutez les distributeurs énergétiques français très présents, y compris sur les champs étrangers et particulièrement en Afrique. Des concepteurs français de briques technologiques de ces évolutions, tels que Schneider Electric, jouent un rôle pertinent partout dans le monde. Par conséquent, ils peuvent dire que ce rôle pertinent partout dans le monde permet de contribuer à l'évolution du mix énergétique français et à associer des comportements des Français aux comportements évolutifs de l'ensemble des citoyens de la planète.

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Iriez-vous jusqu'à dire que notre exceptionnelle stabilité française en termes de réseau énergétique, de notre capacité d'approvisionnement continu, etc. est un frein à une forme d'innovation en France ?

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

J'irais jusqu'à dire que c'est une superbe opportunité pour vivre l'évolution (mais pas dans les mêmes contraintes) et nous installer plus précisément, car ce système permet, là où l'autre ne le permet pas, un usage plus intelligent de l'électricité et une croissance dans l'efficacité énergétique du bâtiment et des énergies renouvelables, sujet connexe à celui d'aujourd'hui. En rassemblant les deux, nous avons probablement la capacité d'être vraiment plus efficaces que dans beaucoup d'autres pays dans le monde. Notre système français nous permet d'être très vite pertinents pour faire ensemble un management intelligent de l'énergie, particulièrement dans le bâtiment tertiaire, si ce n'est, entre parenthèses, la difficulté due au fait que la France a légiféré il y a très longtemps sur la mise en place de l'efficacité énergétique dans le bâtiment tertiaire mais qu'au moment où nous parlons, les décrets d'application de ces lois n'étaient pas encore passés.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Je vous promets que dans mon expérience de plus de dix ans, voilà dix ans que j'entends « C'est en cours ».

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Sauf si un jour on ne peut plus faire de décret parce que la loi est trop ancienne.

Le sujet me paraît devoir être pensé différemment par les Français. Plutôt que considérer que la grande qualité de notre réseau électrique puisse être perçue comme un défaut ou une capacité à nous amener en retard, cette volonté de mêler dans une même discussion technologique et comportementale les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique du bâtiment, particulièrement accrue par les formes dynamiques et intelligentes de l'efficacité énergétique digitale, pourrait au contraire aboutir à une plus forte position du pays et des entreprises et notamment de leur électricien d'installation, par rapport à beaucoup d'autres pays, y compris européens.

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Dans votre propos liminaire, vous avez dit que le côté « connecté » était une opportunité pour les plus précaires. Ce n'est pas souvent ce que l'on entend dans le sens où les précaires sont plutôt victimes de fractures de connectivité. Savoir que vous retourniez ce sujet comme étant une opportunité pour ces publics m'intéresse car on pense souvent que les publics les plus précaires n'auraient pas accès à cette high-tech, qui serait réservée à d'autres publics. Ce serait intéressant que vous puissiez en parler.

Pourriez-vous me dire également si vous voyez aujourd'hui des freins qui pourraient être facilement levés au niveau du développement de l'autoconsommation ou de l'innovation en matière d'effacement, d'intelligence sur le pilotage des systèmes tels que vous les avez énoncés ?

Dernier point : vous mettez clairement l'humain au cœur de vos politiques. C'est un sujet sur lequel on s'interroge souvent. On entend beaucoup que l'intelligence artificielle fonctionne jusqu'à ce que l'humain s'en mêle, que la domotique est parfaite lorsque tout est réglé mais se dérègle dès que l'humain rentre dans le bâtiment. Comment arrivez-vous à développer des solutions d'intelligence qui savent apprendre tout en prenant en compte l'humain dans leurs systèmes ?

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Schneider Electric est très engagé dans la démarche « Rénovons les passoires énergétiques ! » avec l'ensemble des acteurs associatifs de cette démarche et dans la démarche d'Ashoka au niveau européen pour repérer tous les acteurs qui concourent à la précarité énergétique. Il faut par conséquent être précis sur le sujet. Cette discussion concerne précisément des personnes en précarité énergétique (soit 10 % des Européens et des Français, plus de 60 millions de personnes au niveau européen et 6 millions de Français). Il y a une petite différence sémantique entre les personnes en situation de précarité énergétique et les personnes en précarité.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Elles se recoupent mais pas intégralement et il faut faire attention à ce non-recoupement.

Par ailleurs, les expériences que nous menons avec l'ensemble des ONG avec lesquelles nous travaillons, telles que Habitat et Humanisme ou Un Toit pour Tous à Grenoble, tendent à nous démontrer que lorsque les personnes en précarité énergétique ont accès à la fois à une conscientisation sur ce qu'elles consomment, sur le fait qu'un degré de plus engendre une augmentation de 10 à 15 % de plus de leur consommation énergétique et qu'un système intelligent leur permet de consommer au plus juste de leurs besoins, en ne consommant par exemple que dans la pièce dans laquelle ils se trouvent par un système facile à mettre en œuvre qui dépasse largement ce qu'on était capable de faire dans le passé avec les thermostats, ces personnes sont les premières à utiliser au mieux ces solutions pour réduire leur consommation de 15 % et gagner une augmentation de reste à vivre de 100, 200, 300 ou 400 euros suivant les personnes.

J'ai la conviction que cet outil de pilotage de la consommation qui est donné aux personnes en précarité énergétique est un immense avantage pour elles, qui ont un grand intérêt à être le plus précis possible pour consommer le moins possible et réduire leur facture.

Concernant les freins à l'autoconsommation, notre pays est très régulé, très réglementé, particulièrement sur la manière de penser sur tous ces enjeux. Nous en savons davantage lorsque d'année en année, le Parlement légifère pour dire quels sont les produits d'efficacité énergétique qu'il faut mettre en œuvre et qui, appelant la déduction fiscale, sont les plus pertinents. Dans ce pays, les acteurs qui portent cette réglementation sont en particulier ceux de l'ADEME ; ils apportent aux Français les renseignements nécessaires qu'ils demandent pour pouvoir avancer avec une certaine confiance. Pour l'autoconsommation, un sujet très connexe, en tout cas pour les citoyens, un certain nombre d' incentives publiques sont indispensables afin que, après vérification (qui revient à l'acteur public), des promotions puissent être appliquées pour que les gens souhaitent le faire.

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Votre argumentation contient un point que je n'ai pas exactement saisi. Vous avez vanté la stabilité et le prix de l'électricité en France et la qualité de ce système linéaire tout en expliquant que le XXIe siècle serait un siècle circulaire avec des modifications, des énergies intermittentes et donc la nécessité d'avoir recours au numérique pour gérer l'offre et la demande d'électricité. Très logiquement, en présence d'un système qui produit une électricité à moindre coût avec une certaine qualité d'énergie, la question qu'on doit se poser est : « Pourquoi changer ? » et surtout, « Vaut-elle le coup ? »

Je vais subdiviser ma question : même si le coût des minigrids baisse, ne va-t-il pas à un certain moment rétroagir sur le coût de l'électricité ?

En outre, j'ai été quelque peu interpellé lorsque vous avez dit qu'on s'améliorait dans la prédictivité des ENR. Sur le solaire, on sait à peu près quand cela va se produire. Cependant, j'ai cru comprendre lors d'autres auditions qu'en matière d'éolien, le foisonnement n'était pas aussi clair et doté d'un certain degré d'aléatoire.

Ma troisième sous-question porte sur le coût de la transformation du système linéaire. Une fois qu'on s'y engage, je ne pense pas qu'on puisse avoir un système semi-linéaire et semi-circulaire. Si vous pensez que c'est possible, vous nous expliquerez pourquoi mais si on fait la transformation totale, on devra se poser la question de savoir, si on a déjà engagé des milliards d'euros pour permettre au système d'être géré de manière circulaire, si cela en valait la peine et si on débouchera sur une électricité moins chère avec une meilleure qualité de service qu'aujourd'hui, où nous n'avons pas de coupure d'électricité en France.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Ce sont des questions courtes qui pourraient mériter de longues réponses.

Je vais seulement répondre avec une comparaison qui n'est pas raison. Je ne suis pas historien mais je suis sûr qu'on devrait pouvoir trouver entre 1990 et 1995 à l'Assemblée Nationale une telle commission d'enquête qui s'est demandée, alors que le système linéaire du téléphone filaire fonctionnait bien, s'il y avait un intérêt à promouvoir le téléphone portable. Je suis certain que cette question a dû être traitée pendant dix ans et que si pendant ces dix ans, quelqu'un avait essayé d'évaluer le coût d'investissement pour que le téléphone portable fonctionne partout avec des réseaux différents sur le territoire national, la grande réponse à cette question aurait été : « Écoutez, on a un téléphone filaire qui marche très bien, qui n'a aucune limite. Je ne vois pas pourquoi le comportement des gens, et plutôt du troisième âge, serait amené à changer. » J'ai dit que comparaison n'était pas raison mais je pense néanmoins que nous ne sommes pas si loin de ce sujet.

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Permettez-moi d'objecter. Le téléphone portable amène un service supplémentaire par rapport au téléphone filaire. La grande raison, c'est que je peux téléphoner à peu près d'où je veux, là est la différence. Pour reprendre l'électrique, avant j'avais l'électricité quand j'arrivais chez moi, demain aussi, il n'y a pas de différence. La partie gestion qui fait qu'on amène l'électricité est assez neutre. Peu m'importe que cela passe par un système numérique qui calcule en temps réel l'offre et la demande ou par de grosses turbines qui produisent en continu. À la limite, la seule chose qui peut faire la différence est le prix, le fait de savoir si ma facture d'électricité a été divisée par deux. Mais comme l'a vu cette commission d'enquête, la facture d'électricité est plutôt à la hausse depuis dix ans. Je comprends ce que vous voulez dire dans le mode d'organisation, mais dans la qualité de service ou dans la plus-value, je n'ai pas compris au bout du compte.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Ce qui est certain, c'est que sur un tableau avec des chiffres, vous avez raison et j'ai tort. Sur un tableau avec des chiffres, lorsque l'on considère strictement le réseau électrique français, il n'y a aucune raison de changer la situation dans laquelle nous sommes et il vaut mieux une production centralisée comme la nôtre. Or dans ce tableau avec des chiffres, on oublie beaucoup d'éléments, notamment le comportement des gens, y compris le vote de dimanche dernier des jeunes et leur vision sur ces sujets, et les technologies telles qu'elles sont capables de changer la donne. On est au milieu du gué de l'évolution de ces technologies invitant chacun à être en capacité d'auto-consommer.

Je ne suis pas celui qui a proposé que le toit de rénovation de la cathédrale de Paris soit en cellules photovoltaïques mais cette proposition a eu lieu, ce qui signifie que certaines personnes sont susceptibles de considérer cette idée dans l'architecture. On parle aujourd'hui de cellules photovoltaïques telles qu'on les pense historiquement au moment où se réfléchissent dans beaucoup de laboratoires dans le monde des façades photovoltaïques, des peintures photovoltaïques et des vitrages photovoltaïques. Nous connaissons la technologie et nous savons qu'elle sera totalement différente dans les dix ans qui viennent. Je sais, Monsieur le président, que si nous nous retrouvons dans dix ans, le sujet dont nous parlerons, soit les énergies renouvelables, n'aura plus rien à voir avec ce qu'il est aujourd'hui. Il n'existait pas il y a dix ans. Cette commission d'enquête il y a dix ans serait apparue ubuesque.

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Il y a dix ans, nous avions dépensé 40 milliards de moins.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Pour être plus précis, il me semble que l'évolution technologique est là. Notre système est d'une qualité telle que nous ne sommes pas obligés de réfléchir dans l'urgence ni de porter son évolution car nous sommes dans des situations très complexes.

Il y a un vote et des engagements français au milieu des réglementations européennes et la part que la France a à jouer dans l'évolution de son mix énergétique est une décision qui nous appartient. Elle amène un certain nombre de décisions, y compris sur la part de nucléaire dans le mix.

Si celle-ci doit être réduite dans le mix, il faut bien que quelqu'un d'autre se mette à sa place. Schneider réfléchit avec Microsoft à des lieux pertinents pour l'intelligence artificielle dans le bâtiment et dans le réseau électrique à des moments tout à fait particuliers dans l'accélération de ces technologies. Au fond, la question énergétique est plus un orgue qu'un piano. Vous avez raison, sur le piano central, nous avons la meilleure solution mondiale. Sur l'orgue, il faut pouvoir faire jouer tous les claviers.

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Je reconnais volontiers que faisant partie de la commission des finances, je fais davantage confiance à la réalité qu'aux convictions futures. Vous avez soulevé le problème environnemental. À la différence d'autres experts qui sont venus, vous considérez que le déploiement des énergies vertes électriques est bon pour le climat.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Oui.

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Ce qu'a commencé par dire ici le président de la CRE, c'est que cela n'avait aucun impact sur le CO2. Or d'autres experts sont venus ici.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Je les ai tous écoutés.

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Dans ce cas, pourriez-vous s'il vous plaît nous expliquer votre opinion ?

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Nous tournons autour du même sujet. Nous avons un bon système qui doit évoluer. Vous avez une entreprise en face de vous qui utilise les technologies les plus reconnues au niveau mondial pour faire de l'efficience dans l'usine, dans le bâtiment, dans la maison et dans le réseau. Ces technologies que l'on met sur le marché, dont on voit l'évolution dans les vingt dernières années et dont on sait déjà penser l'évolution dans les dix années qui viennent, nous amènent à penser que la France, qui a beaucoup d'avantages que vous avez cités, pourrait, parce que c'est un champion mondial de l'électricité, continuer à être à la fois innovante et profiter de la solution dont elle dispose.

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Vous ne répondez pas à ma question. En quoi cela profite-t-il au climat ? J'ai bien compris que la France avait une carte à jouer au plan industriel.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Pour reprendre votre argument, pour profiter au climat, il faut que la France, plus que d'autres, fasse un transfert le plus rapidement possible vers quasiment le tout-électrique français possible, y compris dans le transport. D'ailleurs, si on veut mêler notre question et la question du climat, en particulier avec la force de nos avantages, la France plus que d'autres peut probablement passer directement vers le tout-électrique et mettre des investissements dont vous avez raison de dire qu'ils doivent être les plus pertinents possibles, y compris pour la finance publique, strictement dans ce qui permet de passer aujourd'hui vers le tout-électrique. Ce faisant, on crée un autre mix, dans lequel les énergies renouvelables joueront un rôle capital.

L'intelligence artificielle d'amont et d'aval permet d'avoir des énergies renouvelables plus prédictives demain qu'elles ne l'étaient hier. C'est vrai du soleil mais le soleil ne permet pas le même ensoleillement partout dû aux nuages, etc. C'est vrai aussi de l'éolien. Nous allons apprendre et nous sommes déjà en train d'apprendre beaucoup plus en ce moment que par le passé. Cette intelligence permettra de faire en sorte que la plupart ou une bonne partie de nos installations consomment au moment où ces énergies renouvelables produiront l'énergie.

Il existe évidemment la question de la batterie et je salue les travaux européens sur le sujet mais la circularité du dialogue offre-demande nous amène à penser le sujet autrement que nous le pensions hier.

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Je vais être obligé d'abandonner certaines questions car Mme Battistel veut en poser mais si je résume, cela concerne les transports notamment, avec une massification électrique.

Je vais vous poser trois questions. Vous avez dit qu'à un moment donné, il était possible de faire cohabiter le système linéaire et le système circulaire, soit le système ancien et le système nouveau. D'après vous, quelle part de système circulaire centré sur les ENR pourrait-on avoir dans le total du mix énergétique si on suit votre proposition ?

Deuxièmement, ne pensez-vous pas que si on développe massivement l'autoconsommation, les citoyens ne paieront plus une facture d'électricité mais une facture de réseau ? Pensez-vous d'ailleurs que la prédictivité permette à tout moment de garantir qu'on ait de l'électricité et qu'il n'y ait pas de black-out ?

Enfin, vous avez beaucoup parlé d'autoconsommation et de personnes qui gèrent leur budget énergétique mais quand vous voyez des ménages qui ont des problèmes de surendettement, pensez-vous que tout le monde est capable de piloter son énergie et de la suivre sur Internet ou cela dépend-il aussi de la sociologie des usagers ?

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Merci pour toutes ces questions. Je n'ai pas les éléments ici et Schneider n'intervient pas pour la première question. Je ne saurais pas vous répondre sur ce qui est possible dans le cadre des travaux des énergéticiens français et du mix.

Pour la troisième question, l'exemple pertinent de ce que font les Anglais pour que les familles en précarité énergétique, avec l'installation d'énergies renouvelables qui leur est proposée dans la proximité de leur bien pour réduire leur consommation énergétique, semble très bien fonctionner. Cela apporte une réponse à votre question : les Français, probablement plus que d'autres dans le monde, considèrent moins que le comportement des consommateurs a à voir avec le progrès. Notre pays préfère probablement la réglementation à l'évolution des comportements, différence assez visible partout en Europe.

Oui, je pense qu'une bonne partie des personnes en précarité énergétique ont tout à fait la capacité de piloter des systèmes de contrôle de la consommation de leur bâtiment de plus en plus simples, comme le sont de plus en plus un certain nombre d'applications. Il existe une fracture numérique en France. Il ne me semble pas qu'on peut l'appeler à la rescousse pour dire que la question du numérique ne peut pas être un outil pour accompagner des personnes en précarité énergétique.

Pour répondre à l'autre question, maintenant que la plupart des gens ont installé chez eux un compteur intelligent (qui ne sera probablement pas le dernier), ce compteur permet entre autres de faire passer un signal-prix, un signal carbone et les installations dans les maisons savent tout à fait aujourd'hui entendre ce signal-prix et ce signal carbone pour changer les usages et les adapter.

L'autoconsommation engendre un moins grand appel au réseau, qu'il faut payer autrement. Une évolution des tarifs et en particulier du prix du réseau par rapport au prix de l'énergie est un sujet qu'il faut mettre sur la table de la discussion et de la négociation.

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Nous allons maintenant entendre Mme Battistel, suivie de Mme O'Petit. Au passage, seuls 2 % des personnes équipées d'un compteur Linky font du pilotage.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Aujourd'hui, oui, bien sûr. C'est normal car dans le pilotage de Linky, il n'y a pas de signal-prix.

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Merci Monsieur le Président. Marie-Noëlle Battistel, députée de l'Isère. Je connais un peu votre entreprise. Je voulais tout d'abord m'excuser d'être arrivée tardivement mais je présidais dans la salle d'à côté l'audition du ministre de Rugy sur une autre mission qui s'appelle « les freins à la transition énergétique », qui recoupe quelquefois les sujets de notre audition.

Je voulais juste réagir sur deux sujets, notamment sur la question que vous évoquiez lorsque je suis arrivée, soit la solidité et la sûreté de notre système électrique et de nos réseaux. Mme la rapporteure a posé une question un peu provocatrice en demandant si finalement, cela ne constituerait pas un frein à l'innovation.

Dans le cadre de l'autre mission, nous sommes notamment allés en Allemagne la semaine dernière et je peux vous dire qu'on nous envie cette sécurité, cette solidité. La France occupe aujourd'hui une place centrale en Europe qui lui permet, par le biais des interconnexions qui se développent avec les autres pays, d'être un peu au cœur de l'évolution des transitions énergétiques dans les différents pays et au service de l'Europe. Comme vous l'avez dit, c'est plutôt une chance. Cela n'empêche pas d'être innovants et de ne pas rester sur notre sécurité sans évoluer.

Concernant le changement comportemental des citoyens, je crois qu'il y a aujourd'hui un vrai engouement pour l'autoconsommation et l'autoproduction et nous ne pouvons pas être à la traîne à cet égard. Il faut l'accompagner et en être partie prenante. Notre intelligence est mise à la disposition de cette transition énergétique. Il s'agit simplement de trouver le bon équilibre entre ces nouvelles énergies : cette énergie qu'on appelle décentralisée et l'énergie centralisée, qui est plus historique dans notre pays. Cette énergie centralisée est toujours et sera de plus en plus l'assurantiel de l'énergie décentralisée mais on peut aussi, à certains moments, penser que l'énergie décentralisée est l'assurantiel de l'énergie centralisée. Pour moi, c'est extrêmement complémentaire, l'une ne doit pas entraver l'autre mais ces évolutions doivent être menées de concert.

On peut d'ailleurs s'interroger sur ce qu'est l'énergie décentralisée. Nous possédons un très grand parc photovoltaïque. C'est de l'énergie localisée mais aussi centralisée. L'hydraulique fait aussi partie de ces énergies. Je sais que ce n'est pas à vous d'y répondre mais à mon avis, il faudra, pour trouver cet équilibre, une vigilance particulière sur le maintien de la péréquation tarifaire, qui est une vraie richesse de notre système français et qui permet et a permis depuis très longtemps d'avoir des financements sur la précarité énergétique grâce auxquels tout le monde peut avoir l'électricité chez soi.

La question du TURPE se posera évidemment puisqu'il arrivera un moment où il y aura assez peu de consommation et beaucoup de frais de réseau mais chacun doit comprendre que même si on l'utilise très peu, il faut qu'il soit en bon état au moment où on en a le plus besoin. C'est un peu le débat récurrent des résidences secondaires et du réseau d'eau.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Schneider Electric, que je vous remercie d'avoir invité à cette audition, n'est ni producteur ni distributeur d'électricité. Vous avez en face de vous une entreprise française qui accompagne. Quand on parle de l'agenda des solutions depuis la COP21, le métier de Schneider Electric partout dans le monde et ici en France, son pays clé, consiste à apporter des technologies. Nous le faisons dans le cadre d'une réalité assez nouvelle quand on connaît l'histoire de Schneider Electric, qui est le mix de cette transition énergétique et de cette révolution digitale. Nous apportons des solutions à des prix acceptables qui n'ont jamais existé par le passé.

Je confirme ce que l'un et l'autre avez dit et que je pense, qui est que la France a, par son réseau électrique du moment, un formidable atout. Ce formidable atout ne doit pas nous amener à rester au niveau de cet atout sans penser à l'avenir et ne peut pas être un frein au progrès. Le progrès passe par l'évolution des comportements, que l'on peut particulièrement repérer dans la jeune génération, dans son acceptation ou pas d'un certain nombre d'énergies, dans sa volonté de changement et d'être en tout point acteur et consommateur. On le repère dans beaucoup de ces actes de consommation. Il n'y a aucune raison que l'acte de consommation énergétique à moyen terme ne soit pas porté de la même manière que les autres. Il convient donc d'évoluer sur ce sujet, comme il convient d'être à la hauteur des engagements que nous avons pris.

L'intelligence de l'ensemble de nos outils et de ce comportement va probablement permettre de faire un peu plus confiance à l'évolution des comportements des familles et des habitants dans cette démarche car on sent qu'ils ont envie de se mobiliser. Les outils sont là. Au passage, il n'y aurait aucune question d'autoconsommation s'il n'y avait pas cette évolution des comportements.

L'atout que représente notre réseau devrait nous amener à être dans un moment où, en France, personne ne s'intéresse à l'autoconsommation. Vous savez comme moi, et plus que moi dans les contacts que vous avez dans vos circonscriptions, que ce n'est pas vrai et que les gens s'y intéressent.

Il faut faire de cet atout technologique de l'histoire du pays une capacité d'aller plus vite vers le tout-électrique et vers une vision tout à fait renouvelée de ce qu'est la rénovation du bâtiment. On veut rénover plus de 700 000 bâtiments par an ; il faudrait vouloir rénover plus d'un million de bâtiments par an. On est difficilement auprès de 300 000, dans une vision historique que la rénovation n'est que celle du passif. Sur ce sujet, il faudrait aussi mêler ce que l'on dit sur les énergies renouvelables et ce que l'on peut dire sur le management intelligent de l'ensemble des consommations du bâtiment pour parfois avoir, à des coûts d'investissement bien moindres (on parle d'investissements de 10 à 15-20 euros par m² là où de manière traditionnelle, on en aurait entre 150 et 300 concernés par de la rénovation), des performances d'efficacité quasiment à la même hauteur, soit entre 20 et 30 %.

C'est tout un ensemble qu'il faut voir. Le progrès actuel des comportements et des technologies doit nous amener à réfléchir au fait que l'atout du réseau qui est le nôtre aujourd'hui nous permet de tenir tous ces sujets à la fois et d'être probablement le pays exemplaire dans le monde dans le passage au tout-électrique dont on parle de plus en plus (avec notamment le véhicule électrique à moyen terme). Ce faisant, on aura réglé un certain nombre de sujets.

Si nous n'avons pas le projet de faire évoluer l'électricité dans le mix, l'ensemble des discussions que nous avons aujourd'hui ne sont pas utiles. Si nous pensons que le stade auquel nous sommes arrivés du point de vue des technologies, des comportements et des nécessités face au basculement du climat et de la biodiversité nous impose de vivre autrement, alors il me semble que la question d'une meilleure acceptation et de votre contribution à faire en sorte qu'elle soit la plus grande possible et qu'elle s'accélère, quand on voit que les prix des énergies renouvelables sont aujourd'hui à parité, est indispensable.

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Ce n'est pas une question mais une interrogation et une peur à la fois. Je vous écoute, c'est très intéressant. Nous avons une responsabilité énorme mais vous aussi. Effectivement, il faut changer pour devenir tout-électrique, pourquoi pas ? Mais attention.

Je suis députée de l'Eure, de la cinquième circonscription, la plus proche de Paris (à 60 km de Pontoise). On pourrait croire qu'il n'y a pas tant de personnes en difficulté mais c'est faux. C'est vraiment une circonscription avec de gros problèmes, avec à la fois une clientèle parisienne plus ou moins bobo de classe moyenne supérieure sur une partie de cette circonscription du côté de Vernon, et de l'autre côté, sur le plateau du Vexin, une population en très grande difficulté. Je vous assure qu'à l'heure actuelle, ils ne sont absolument pas en capacité de gérer cela eux-mêmes. Ils auraient envie de payer moins cher mais j'ai trois permanences pour les recevoir dans toute ma circonscription, je côtoie toutes ces personnes qui ne peuvent pas se déplacer, qui sont en grande difficulté, y compris des jeunes. Vous parliez des jeunes tout à l'heure. Dans la ruralité et dans ma circonscription, les jeunes ne se sont pas déplacés. Ce ne sont pas du tout les mêmes. Votre responsabilité consiste à ne pas rater cela. Il faut que cette transition se fasse mais pas trop vite, afin que tout le monde puisse se l'accaparer. Nous n'avons pas le droit d'essuyer le même échec que pour le téléphone portable, qui ne passe pratiquement pas chez nous. À l'heure actuelle, nous n'avons aucune difficulté sur l'électricité. Si implanter une nouvelle technologie comporte une seule difficulté supplémentaire, cela ne sera pas possible. Votre responsabilité est là. Je vous suis mais attention à ne pas aller trop vite et à ne pas être aussi optimiste au regard des problèmes car il y en a encore.

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Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric

Je dirai juste deux choses : dans cette commission d'enquête, nous avons un très grand biais qui est métropolitain. Si nous avions une réflexion plus poussée sur les territoires d'Outre-mer, là où le réseau n'a pas la qualité qu'il a en métropole, l'ensemble des questions que nous nous posons seraient plus essentielles et même stratégiques. Nous ne pouvons pas complètement l'enlever d'une discussion lorsque nous la portons à l'Assemblée nationale.

Deuxièmement, il faut entendre la question de cette transition. Il y a ceux pour qui il faut l'accélérer, qui sont d'ailleurs de très loin les plus grands consommateurs. Pour tous les autres, la question d'accompagnement se pose.

Enfin, sur cette question d'accompagnement, on parle de technologie mais pas de formation. On n'a plus le temps de le faire mais cette transition est aussi de nature à réduire les coûts d'achat d'énergie à l'étranger et à les transformer par de l'emploi en France.

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Merci pour cette non-réponse à cette non-question. Je vous remercie pour votre venue.

La séance est levée à 18 heures 30.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 17 h 20

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, Mme Claire O'Petit, M. Vincent Thiébaut

Excusés. - M. Xavier Batut, M. Christophe Bouillon, Mme Véronique Louwagie