Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 10h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission entend Mme Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d'enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur la structuration de la filière de la forêt et du bois et ses performances économique et environnementale.

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Le rapport de la Cour des comptes a été demandé par notre commission, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il traite de la structuration de la filière de la forêt et du bois et de ses performances économique et environnementale. Ce thème d'étude avait été suggéré à la commission par Mme Émilie Cariou et M. Hervé Pellois.

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Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

La demande de la commission portait sur trois axes : une présentation des enjeux économiques et environnementaux de la filière de la forêt et du bois ; sa structuration et la coordination entre ses différents acteurs ; les outils de planification mis en place et les soutiens mobilisés, notamment fiscaux. L'enquête a porté exclusivement sur la métropole, en raison des délais impartis et des spécificités de la filière en outre-mer. Plus de 140 interlocuteurs ont été interrogés et les rapporteurs se sont déplacés dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté.

Cette enquête s'est appuyée sur une communication de la Cour au Sénat, datée de novembre 2014. Ses principaux constats demeurent d'actualité, à commencer par la dispersion des moyens publics consacrés à la filière, ou encore son insuffisante structuration.

Les rapporteurs se sont appuyés sur un comité de référents, composé de cinq experts, réuni à deux reprises. De janvier à mars 2020 s'est tenue la phase de contradiction. La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de la transition écologique et solidaire, ainsi que la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ont été entendues, ainsi que l'Office national des forêts (ONF), le Centre national de la propriété forestière (CNPF) et l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture. En ce qui concerne les acteurs privés, les rapporteurs ont entendu le président du comité stratégique de filière et les trois organismes interprofessionnels que sont France bois forêt (FBF), France bois industries entreprises (FBIE) et France bois régions (FBR).

Les difficultés rencontrées par la filière concernent l'ensemble des acteurs. Le potentiel économique est notamment insuffisamment exploité. Traditionnellement, la fonction économique de la forêt permet d'assurer ses autres rôles. Néanmoins, cet équilibre s'est progressivement rompu. La crise structurelle révèle un manque d'intégration entre l'amont et l'aval. Elle se traduit par un déficit commercial croissant, qui représente 7 milliards d'euros en 2018. Il s'agit du deuxième poste de déficit commercial de la France après les hydrocarbures. La France exporte ainsi du bois brut et importe du bois transformé.

L'amont forestier ne représente que 14 % de la valeur ajoutée de la filière. En raison de son morcellement, d'une modernisation insuffisante et du manque d'attractivité de ses métiers, il ne parvient pas à répondre aux besoins de l'industrie. Des menaces croissantes pèsent par ailleurs sur le renouvellement de la ressource forestière, en raison du réchauffement climatique et de l'excédent de gros gibier.

L'aval de la filière regroupe des secteurs industriels très divers. Le bois destiné à la construction représente un tiers de la valeur ajoutée de la filière et porte l'essentiel de son potentiel de développement. Ses limites tiennent à l'inadaptation des produits français transformés, au-delà du marché de la maison individuelle.

Le secteur de l'ameublement et celui du papier-carton souffrent également d'un déficit de compétitivité, qui représente les deux tiers du déficit commercial de la filière. Le bois énergie fait pour sa part face à la concurrence des technologies fossiles, plus compétitives. La fiscalité compense insuffisamment ce différentiel.

Les enjeux environnementaux représentent à la fois une opportunité et une contrainte. La filière est au cœur de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle permet notamment la séquestration de carbone et des émissions moindres grâce à la substitution à des procédés moins performants.

Les préoccupations croissantes de préservation de la biodiversité imposent des prescriptions coûteuses et contraignantes à la filière. Les acteurs doivent également prendre en compte les usages récréatifs des forêts, qui entrent parfois en contradiction avec leur activité.

La gouvernance de la filière apparaît par ailleurs éclatée. Les organisations interprofessionnelles de l'amont, de l'aval et de l'échelon régional ont poursuivi des logiques différentes, voire opposées. Des progrès se sont fait jour, avec la création en 2014 du comité stratégique de filière, qui s'attache à promouvoir des projets fédérateurs, même si le niveau d'intégration demeure modeste. Une veille économique mutualisée a également été mise en place depuis le début de l'année.

L'État lui-même ne parvient pas à définir une politique coordonnée. La filière n'est ainsi la priorité d'aucun ministère. Du fait de la faiblesse du pilotage interministériel, les soutiens dont elle bénéficie manquent de stabilité et de lisibilité, malgré de nombreux outils de planification. La succession rapide des plans hypothèque le travail de suivi et d'évaluation. Par exemple, les documents de gestion durable ne concernent que la moitié des surfaces.

La filière bénéficie d'un soutien public qui atteignait plus de 1,16 milliard d'euros par an en moyenne entre 2015 et 2018. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation conduit la politique forestière, mais le ministère de la transition écologique et solidaire en est le premier financeur, avec 600 millions d'euros. Ces sommes sont cependant presque exclusivement consacrées au bois énergie, alors même que le bois de construction crée le plus de valeur.

Les aides pour l'amont apparaissent insuffisantes et inadaptées aux défis de la forêt, et notamment de son renouvellement. Seuls 3 % des aides fiscales sont ainsi dédiés à la gestion dynamique des forêts. Un quart des exonérations fiscales relève d'une vision patrimoniale, les trois quarts restants soutenant le bois énergie.

Les soutiens dont bénéficie l'aval relèvent de politiques industrielles qui dépassent la filière. Si différents outils spécifiques ont été développés, ils gagneraient à l'être davantage.

La structuration du secteur est impérative, mais doit être le fait des acteurs eux-mêmes, et notamment des interprofessions. La filière fonctionne mieux au niveau régional que national. Cette évolution doit être confortée, car les enjeux diffèrent souvent d'un massif à l'autre.

Les recommandations du rapport sont regroupées autour de deux axes. Le premier vise à préserver la ressource forestière et à soutenir les industries de transformation du bois. La recommandation n° 1 propose ainsi la création d'un fonds d'aide au repeuplement, qui pourrait atteindre une centaine de millions d'euros par an et serait confié à l'Agence de la transition écologique (ADEME). Il pourrait être abondé par les fonds existants, trop dispersés. La simplicité et la lisibilité des aides apparaissent comme des conditions essentielles au succès de ce fonds.

Dans cette perspective, la recommandation n° 2 prévoit la généralisation des annexes vertes. De même, la recommandation n° 6 prévoit l'extension au secteur forestier de l'expérimentation des paiements pour services environnementaux.

La recommandation n° 3 vise à évaluer l'efficacité des dépenses fiscales liées aux droits de succession et à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), accordées aux propriétaires forestiers. Les contrôles exercés pour s'assurer que les contreparties des exonérations sont bien respectées sont pour l'heure peu dissuasifs.

La recommandation n° 4 souligne la nécessité de mesures visant à limiter les dégâts du grand gibier en forêt. Il convient notamment de s'assurer de la bonne exécution des plans de chasse.

La recommandation n° 5 propose la mise en place d'un troisième fonds bois par la Banque publique d'investissement (Bpifrance), orienté vers le secteur de la construction.

Le second axe de recommandation vise à promouvoir une politique de filière cohérente, au plus près des territoires et à l'écoute des citoyens. Il apparaît notamment essentiel de renforcer la coopération interministérielle et de valoriser la mise en œuvre des dispositifs à l'échelon territorial. L'ONF doit également être conforté.

Enfin, la communication auprès du grand public sur la gestion durable des forêts doit être améliorée. Une étude sur l'acceptabilité des coupes de bois apparaît notamment prioritaire pour éclairer l'ampleur réelle des contestations.

La recommandation n° 7 prévoit ainsi de conditionner chaque extension de l'accord interprofessionnel sur la cotisation interprofessionnelle étendue (CIE) à une évaluation de l'efficacité des dépenses financées et de la gouvernance de FBF.

La recommandation n° 8 vise à renforcer la coordination entre les réseaux du CNPF et des chambres d'agriculture, au sein des services communs « valorisation du bois et territoire ».

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Il pourrait sembler que les dépenses fiscales visant à encourager la consommation de bois comme énergie entrent en contradiction avec les objectifs environnementaux.

Par ailleurs, une suppression du dispositif dit Sérot-Monichon qui permet de réduire la valeur à laquelle s'appliquent les droits dus en cas de transmission ne risquerait-elle pas d'encourager des coupes de bois dans le seul but de minorer les droits de succession ?

Avez-vous interrogé les organisations interprofessionnelles de la filière quant à leur appétence à créer une cotisation interprofessionnelle unique ?

Enfin, la surface forestière demeure morcelée, malgré des politiques d'incitation à la concentration. Or, l'industrie du bois exige une taille critique. Ne s'agit-il pas d'un problème essentiel pour cette filière ?

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Vous regrettez que la politique forestière ne soit la priorité d'aucune administration centrale et appelez à un pilotage interministériel renforcé. Vous doutez néanmoins qu'il puisse survenir. Peut-être y aurait-il lieu de rapatrier une partie des moyens humains et budgétaires vers le ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Quel rôle souhaiteriez-vous voir jouer à l'ONF et au CNPF ?

Enfin, il existe trois interprofessions différentes, qui semblent rencontrer des difficultés à se coordonner. Nous souffrons ainsi d'une grande faiblesse au niveau européen, qui profite aux producteurs de résineux d'Europe du Nord.

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Vous soulignez le caractère paradoxal d'une opinion publique française de plus en plus sensible aux enjeux environnementaux, mais qui ne considère plus cette filière professionnelle comme attractive et tend à assimiler toute exploitation du bois à une entreprise de déforestation. Il faudrait ainsi des initiatives politiques déterminées.

Pourriez-vous détailler vos constats et recommandations concernant la vente de bois ? Est-il vrai que les contrats d'approvisionnement ne concernent aujourd'hui que 20 % des forêts publiques ? L'achat de bois sur pied, qui apparaît archaïque, semble générer des tensions et des pratiques à la limite de la légalité.

Enfin, comment l'ONF et le CNPF pourraient-ils mieux articuler leur action ? Par ailleurs, avez-vous rencontré les organisations syndicales de l'ONF ? Les visions de ses cadres et de ses agents de terrain peuvent en effet largement diverger.

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Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

Le soutien au bois énergie n'est pas contradictoire avec la stratégie française de lutte contre le réchauffement climatique. Une forêt à l'équilibre est en effet neutre sur le plan du carbone, qu'elle rejette par décomposition du bois mort autant qu'elle en capte par la croissance de sa biomasse. Une forêt en expansion pourra donc à terme stocker davantage de carbone.

La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), y compris dans sa version révisée de 2019, met ainsi largement l'accent sur le bois énergie. Mais cette stratégie n'est valide qu'à condition que la forêt se renouvelle correctement. Or, il existe de nombreuses incertitudes à long terme en la matière. La durée nécessaire pour résorber la dette carbone temporaire dépend de nombreux facteurs et son calcul ne fait pas consensus.

De même, les installations énergétiques doivent être performantes pour un rendement efficace et leur taille doit être adaptée aux ressources et aux besoins locaux. Des installations surdimensionnées exigent en effet des importations de bois qui peuvent être issus d'exploitations non durables et détériorent le bilan carbone lors de leur transport.

Les exonérations partielles de droits de succession et d'imposition sur la fortune immobilière, dont le coût s'élevait à 84 millions d'euros en 2018, avaient initialement pour but d'éviter les coupes excessives et de garantir une gestion durable de la forêt. Néanmoins, certaines conditions prévalant à leur création ont évolué.

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Catherine Périn, conseillère-maître

Le régime qui encadre l'exploitation des forêts privées s'est en effet renforcé. Les propriétaires qui souhaitent procéder à des coupes importantes en dehors du cadre fixé par les documents de gestion durable doivent obtenir une autorisation administrative. Le risque de coupes excessives pour des raisons fiscales est donc limité.

Le respect de ces conditions est cependant peu contrôlé, faute de moyens des services déconcentrés. Ces derniers n'ont en outre pas connaissance des suites réservées par les services fiscaux à leurs constats d'infraction.

L'assiette des biens forestiers inclut parfois des propriétés qui n'ont pas vocation à faire l'objet de ces exonérations. Elle peut donc être considérée comme un mode de calcul de l'impôt, plutôt que comme une dépense fiscale. Le retour sur investissement s'étale en effet sur plusieurs générations de propriétaire, ce qui justifie de ne retenir dans l'assiette imposable que 25 % des parcelles.

Néanmoins, il est nécessaire d'évaluer le coût et l'utilité de ces dépenses fiscales et de renforcer le contrôle du respect des engagements de gestion durable.

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Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

Nous avons également exploré la piste de la création d'une cotisation interprofessionnelle étendue (CIE). Les deux organisations interprofessionnelles nationales n'y sont du reste pas opposées. Néanmoins, elles souhaitent chacune que leur mode de financement actuel soit celui finalement retenu. FBF souhaite ainsi la généralisation d'une cotisation interprofessionnelle étendue. FBIE considère pour sa part qu'elle ne serait pas adaptée à ses membres et promeut l'adoption d'une taxe unique pour l'ensemble de la filière. Les taxes affectées offrent en effet à ses yeux plusieurs avantages. Leur collecte est réalisée par l'État, alors que celle de la CIE représente un coût significatif pour les organisations interprofessionnelles. Par ailleurs, les importations sont assujetties à la taxe, mais ne le seraient pas à la CIE. Un certain nombre d'organismes de l'aval serait en outre concerné par une cotisation, alors qu'ils ne relèvent pas directement de la filière forêt bois.

Les CIE sont fréquentes au sein des filières agroalimentaires et sont privilégiées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Le modèle habituel pour les filières relevant des ministères financiers est cependant celui de la taxe affectée. En l'état, le choix entre ces deux modèles n'apparaît pas prioritaire. Cependant, l'utilisation des fonds perçus par le biais de la CIE doit être évaluée, comme le prévoit la recommandation n° 7.

Le morcellement des forêts privées explique les difficultés persistantes de l'amont forestier. Mais aucune solution simple ne se dégage. Une première approche consisterait à favoriser le regroupement en propriété, mais elle n'est pas la plus prometteuse. En effet, les efforts de regroupements sont rapidement annulés par des morcellements renouvelés lors de successions.

La voie qui doit être privilégiée est le regroupement en gestion. De nombreuses structures existent en la matière, qui permettent la mutualisation d'une partie ou de l'intégralité de la gestion. Il faudrait néanmoins simplifier ces outils. Une autre piste consisterait à conditionner l'éligibilité aux diverses aides pour les petites surfaces à l'adhésion à un plan de gestion concertée. Il est en effet impossible de mettre en œuvre une gestion durable sur de petites surfaces. Le principal frein en la matière est l'absence de volonté des propriétaires de s'engager dans une gestion active de leur forêt.

La Cour des comptes n'a pas souhaité se prononcer sur la prise en charge de la filière par un ministère plutôt qu'un autre. Cela relève en effet d'un choix politique. Un rapatriement des moyens du ministère de la transition écologique et solidaire au ministère de l'agriculture et de l'alimentation ne modifierait pas les équilibres internes.

De plus, la politique forestière concerne tant de ministères qu'une coordination efficace paraît incontournable. La question des moyens humains se pose principalement au niveau des services déconcentrés. Les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et les directions départementales des territoires (DDT) assurent largement la coordination interministérielle. Mais en deçà d'un certain niveau, il est impossible de maintenir une compétence suffisante de façon homogène sur le territoire. Dans certains départements, le suivi de la forêt ne repose que sur deux ou trois agents.

Au niveau central, il semble possible d'améliorer la coordination interministérielle, sans revenir sur la répartition des moyens et des attributions. Les directeurs généraux auditionnés par la Cour se sont déclarés ouverts à l'idée d'un comité des directeurs. De nombreux interlocuteurs se sont par ailleurs montrés favorables à la création d'un comité interministériel placé auprès du Premier ministre. Mais la Cour émet des réserves sur la multiplication de ces comités.

Nous n'avons pas rencontré les organisations syndicales de l'ONF, car notre enquête n'était pas un contrôle organique de l'office.

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Jérôme Perdreau, auditeur

L'ONF a un rôle structurant sur la filière, avant tout à travers son activité d'exploitation. Il réalise lui-même des travaux et dispose de 9 000 agents. Ses standards de pratique ou de contrôle se répercutent sur l'ensemble de la filière. Une attention particulière doit néanmoins être portée à la fragilité des petits entrepreneurs de travaux forestiers, qui ont besoin de visibilité sur le volume des commandes. Par ailleurs, l'ONF joue un rôle moteur pour développer des modes de contractualisation qui donnent davantage de visibilité aux entreprises de l'aval sur la disponibilité en bois. Il en va de même en ce qui concerne l'adéquation de l'offre de bois aux besoins des entreprises.

Le rôle de l'ONF tient également dans le développement des relations public-privé, historiquement très séparés. Dans cette perspective, l'implication de l'ONF comme du CNPF est évidente en matière de recherche, ce qui bénéficie à l'ensemble de la filière. Mais il est nécessaire d'aller plus loin, notamment en favorisant des expérimentations de terrain à grande échelle.

Sur les modes conjoints de commercialisation, outre la contractualisation, l'ONF peut jouer un rôle structurant en organisant des ventes de bois communes sur certains territoires.

Enfin, il existe un dispositif ancien, les contrats dits Audiffred, qui permettent à des propriétaires privés de confier leurs forêts en gestion à l'ONF. Ce dispositif est resté marginal, car trop complexe et contraignant. L'ONF n'a du reste que peu d'appétence pour le développer. Mais il existe sans doute en la matière une marge pour améliorer l'articulation public-privé, à condition que l'ONF parvienne à trouver un équilibre économique solide et soutenable.

Le premier défi du CNPF est d'assumer la montée en charge de ses fonctions régaliennes, notamment de l'agrément et du suivi des documents de gestion durable. Les exigences environnementales sont nécessairement plus importantes et les documents sont de plus en plus complexes à élaborer, en raison des risques croissants, notamment climatiques. Leur nombre va par ailleurs vraisemblablement croître avec l'abaissement du seuil minimum.

En matière environnementale, le CNPF a un rôle majeur à jouer. Il a commencé à le faire, à travers l'initiative du label bas carbone. De même, pour renforcer le caractère prescriptif des normes environnementales dans les documents de gestion durable, le rapport recommande la généralisation des annexes vertes. Plus généralement, le CNPF doit s'attacher à la refonte des schémas régionaux de gestion sylvicole, qui sont pour l'heure peu prescriptifs. Enfin, il doit clarifier sa communication, pour augmenter son efficacité. Il doit parvenir à se positionner comme le centre de ressource essentiel de la forêt privée.

Le dispositif mis en place depuis 2017 constitue un véritable progrès en matière d'articulation avec les chambres d'agriculture. Il s'agit d'un dispositif de concertation, qui offre une visibilité sur l'utilisation des centimes forestiers revenant aux chambres d'agriculture. Ces dernières récupèrent environ 5 millions d'euros par an de la fraction forestière de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TATFNB). Ce dispositif ne va cependant pas assez loin. La gouvernance est assez lourde, sans permettre une visibilité sur toutes les actions de ces deux réseaux. Par ailleurs, ce dispositif n'a pas fait évoluer la répartition des crédits et des moyens, toujours affectés selon des bases historiques. Le réseau des chambres d'agriculture est ainsi très morcelé.

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Christine de Mazières, conseillère-maître

Il existe un manque de structuration en ce qui concerne les ventes de bois. Bien qu'elle soit parfois utile, notamment lorsqu'il s'agit de bois de très grande valeur, la vente de bois sur pieds demeure un facteur de défiance entre acheteurs et vendeurs. Les efforts de contractualisation initiés depuis une dizaine d'années apparaissent importants.

Nous avons également constaté un morcellement des entreprises de travaux forestiers. Une certification de ces travaux pourrait contribuer à améliorer les pratiques de vente. D'une manière générale, la certification du bois demeure insuffisante et doit être encouragée.

Une mission avait été confiée à M. Jean-Yves Caullet, président de l'ONF, sur le rapprochement entre les interprofessions. Elle avait néanmoins conclu que l'amont et l'aval n'étaient pas prêts à une fusion. Le principal défi aujourd'hui est de faire coopérer ces acteurs, notamment les trois organisations interprofessionnelles. Lorsque nous les avons auditionnées conjointement, elles ont pris l'engagement d'organiser un séminaire pour élaborer des stratégies communes. Il n'existe en effet à ce jour aucune action conjointe au niveau européen.

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Le dépérissement de nos forêts est massif, en raison du réchauffement climatique et d'attaques de parasites. Il correspond à une surface estimée à trente-cinq fois celle de Paris. Avez-vous envisagé de vous appuyer sur le label bas carbone et d'obtenir des financements privés sur la base de compensations volontaires ?

Par ailleurs, ne conviendrait-il pas d'harmoniser les très nombreux documents sur lesquels reposent les orientations forestières prises par chaque région ?

En outre, nombreux sont ceux qui prônent de conditionner les avantages fiscaux forestiers à des garanties écologiques. Néanmoins, nous constatons la faiblesse des contrôles et le manque de suites données par les services fiscaux. Avez-vous des recommandations méthodologiques pour renforcer les contrôles ?

Enfin, la Cour a-t-elle envisagé la fusion du CNPF et de l'ONF en une agence unique ?

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Alors que l'ONF a tenté de se diversifier, la Cour des comptes a souvent critiqué ses filiales, qui ne relevaient pas de son cœur de métier et qui mobilisent des capitaux sans nécessairement garantir de rentrées. Avez-vous évolué dans votre analyse ?

Le phénomène d'artificialisation des sols et l'achat de terres agricoles par des investisseurs étrangers, surtout chinois, se sont développés, ce qui pose des questions de souveraineté. Quelles sont vos recommandations en la matière ?

Enfin, vous avez évoqué le regroupement des forêts domaniales et privées. Qu'en est-il des forêts communales ?

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La forêt française est privée à 74 % et elle est souvent extrêmement morcelée. Comment rendre financièrement intéressant pour les acteurs privés d'investir dans ce secteur dont le rendement n'est que d'environ 1 % ?

Par ailleurs, vous soulignez le besoin d'une meilleure coordination interministérielle. Néanmoins, pourquoi ne pas placer la politique forestière dans les mains des régions ?

En outre, ne serait-il pas possible de rendre les forêts écocertifiées éligibles au marché du carbone ?

Une partie de la rentabilité importante et régulière des forêts est liée aux locations de chasse. Aussi, aucune sanction n'a été prévue en cas de non-respect du bas de la fourchette des plans de chasse. Il conviendrait peut-être d'en prévoir.

Enfin, par rapport à votre recommandation n° 8, ne conviendrait-il pas plutôt de décharger les chambres d'agriculture des forêts, pour les confier aux centres régionaux de la propriété forestière (CRPF), ou de fusionner ces derniers et les chambres d'agriculture ?

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Une des raisons expliquant l'importance du déficit commercial est la chute de la production du papier carton et de l'ameublement en France ces vingt dernières années. Avez-vous des recommandations en la matière ?

Vous décrivez plusieurs freins au renouvellement des ressources forestières, notamment les risques climatiques et sanitaires. Ne faudrait-il pas accroître les moyens de prévention de ces risques naturels pour la forêt et rendre cette dernière éligible aux dispositifs d'indemnisation des catastrophes naturelles ?

Enfin, vous soulignez la nécessité d'un meilleur contrôle des contreparties des exonérations fiscales. Avez-vous des recommandations plus précises en la matière ?

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Une privatisation rampante de l'ONF est en marche, au détriment de ses agents, de moins en moins nombreux. Est-ce cela que de le conforter dans son rôle structurant pour la filière ?

L'exploitation de plus en plus intense de la ressource forestière n'est-elle pas antinomique avec sa préservation ?

La valeur ajoutée de la production forestière n'est pas toujours localisée sur le territoire concerné. Comment lutter contre ce phénomène, qui nous fait exporter du bois brut pour importer du bois transformé ?

Enfin, la forêt capte le carbone mais ne procure aucun avantage aux territoires où elle est située. Quelle recommandation pourriez-vous formuler en la matière ?

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Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

La création d'un fonds de repeuplement constitue notre première recommandation. Les aides doivent être simples d'accès et conditionnées. Nous n'excluons pas les financements à travers le label bas carbone, s'ils permettent la création d'un véritable marché, mais nous avons préféré préconiser un apport par les quotas des enchères carbone.

Les autres sources de financement sont principalement privées, mais leur ordre de grandeur apparaît réduit. Le mécénat ne représente ainsi qu'un million d'euros par an pour l'ONF.

Nous n'avons pas fait de l'harmonisation des documents de planification une préconisation. Néanmoins, il convient plutôt de n'en utiliser qu'un nombre réduit, en les harmonisant et en les évaluant. La frénésie de création de documents de planification a démontré sa stérilité.

L'évaluation des dépenses fiscales consacrées à la forêt est un sujet important. Le Parlement ne cesse de les réclamer. Mais il n'existe pas à ce jour d'évaluation sérieuse. Nous ne souhaitons cependant pas condamner le dispositif dit Sérot-Monichon, qui prend en compte le faible rendement des forêts.

Les rôles de l'ONF et du CNPF diffèrent. L'ONF est un opérateur, qui gère les forêts domaniales. Le CNPF est au contraire un régulateur, qui vise à ce que la forêt privée, très morcelée, atteigne néanmoins une certaine efficacité. Leur fusion serait mal reçue par les propriétaires privés. Je rappelle du reste que nous n'avons pas réalisé un contrôle organique de l'ONF, aussi me garderai-je d'apprécier l'utilité de ses filiales.

Nous avons abordé le sujet des achats de forêts, notamment étrangers, en examinant les leviers de la politique foncière agricole et forestière. Nous réalisons actuellement son contrôle et tant que celui-ci n'est pas achevé, je ne peux développer cette question.

La gestion de nombreuses forêts communales est confiée à l'ONF. Je ne suis pas sûre qu'il s'agisse aujourd'hui d'un sujet premier dans les difficultés de structuration de la filière.

Nous n'avons pas formulé de recommandation sur les moyens d'encourager l'investissement privé dans la forêt. Cette question est difficile, car il ne peut s'agir que d'investissements de très long terme.

Avant de songer à décentraliser la politique forestière, il me semblerait déjà souhaitable que nous puissions aller plus loin dans la déconcentration. La décentralisation conduirait à des politiques qui n'auraient aucune unité. Or, cette unité apparaît nécessaire pour l'amont comme pour l'aval. Une certaine latitude doit néanmoins être laissée aux régions, notamment pour les dynamiques de regroupement en gestion.

Je ne suis pas opposée à l'idée de rendre éligibles directement des forêts écocertifiées au dispositif de certificat. Nous avons préféré préconiser d'autres outils, notamment financiers, afin de limiter les importations.

Il serait naturellement possible de mettre en œuvre des sanctions pour le non-respect du bas de la fourchette des plans de chasse. Mais les préfets peuvent déjà choisir de s'affranchir de ceux-ci. Nous avons conscience que les baux de chasse peuvent être plus intéressants financièrement que les rendements à plus long terme.

Nous nous sommes interrogés sur une fusion des CRPF avec les chambres d'agriculture. Il nous a cependant semblé, puisqu'une initiative de coordination s'était fait jour en 2017 après nos recommandations de 2014, qu'il était difficile d'y renoncer dès 2020. Mais le rapport indique clairement que dans quelques années, au terme de l'évaluation, il faudra fusionner ces réseaux. Le choix de conserver l'un ou l'autre sera délicat, mais devra être fait.

Un plan de relance de la filière papier-carton et de l'ameublement est en cours d'élaboration dans le cadre du conseil national de l'industrie. Nous constatons néanmoins qu'il est sans doute trop tard en ce qui concerne la filière papier-carton. Pour l'ameublement, il faudrait accepter que les productions françaises soient certifiées. Dans ces conditions, certains groupes internationaux pourraient accepter de relocaliser des emplois.

Nous nous rendons compte que la forêt est menacée par les risques naturels. Leur prévention est un sujet général.

Nous n'avons pas précisé la manière de réaliser le contrôle des engagements pris en contrepartie des exonérations fiscales. En effet, il ne me semble pas qu'il incombe à la Cour de détailler les processus qui permettraient aux directions départementales de finances publiques (DDFiP) et aux DDT d'échanger entre elles. Nous avons cependant indiqué que les moyens de ces dernières devaient être suffisants pour assurer ce travail.

Je me garderai de formuler des observations sur le constat de M. Jean-Paul Dufrègne d'une privatisation rampante de l'ONF. Néanmoins, le rapport rappelle clairement les enjeux de la transformation du bois en France. Nous recommandons notamment la création d'un troisième fonds forêt.

Enfin, notre recommandation n° 2 traite précisément du service environnemental des forêts. Nous avons en effet demandé que les sujétions imposées à la forêt fassent l'objet de compensations financières, au sein du fonds créé dans le cadre du plan biodiversité.

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À l'intérieur de la filière bois existent des filières spécifiques à certaines essences. Avez-vous réalisé leur diagnostic ?

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Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) ne pourrait-il être mieux coordonné avec la filière ?

Par ailleurs, la coordination de la politique de la forêt et du bois au niveau européen ne pourrait-elle également être améliorée ?

Enfin, la Corse souffre de surcoûts significatifs dans ce domaine. Avez-vous des recommandations particulières à destination de la filière bois de cette île ?

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Ne faudrait-il pas décentraliser la politique forestière au niveau des intercommunalités ? Par ailleurs, les associations foncières pastorales sont-elles de bons outils pour la gérer ?

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Pour remédier à des problèmes d'attractivité, pensez-vous qu'il soit pertinent d'envisager la création d'une académie des métiers du bois et de la forêt ?

La Corse est la région la plus boisée de France, mais l'exploitation y est limitée, notamment par des difficultés d'accès. Un développement spécifique de la filière dans l'île est-il dès lors envisageable ?

Enfin, vous notez que le bois pourrait être favorisé pour la construction, au vu de son efficacité énergétique. Néanmoins, il est pénalisé par les méthodes de calcul non actualisées des fiches de déclaration environnementale et sanitaire des matériaux (FDES). Quel rôle la filière pourrait-elle jouer dans les objectifs de rénovation énergétique des bâtiments ?

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Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes

Nous n'avons pas mené d'analyse détaillée des différents types d'essences et de leur exploitation.

Notre recommandation de création d'un troisième fonds bois porté par Bpifrance doit toucher non seulement la maison individuelle mais également l'ensemble du secteur du bâtiment. Ce fonds doit par ailleurs être soutenu par la commande publique. La coordination avec le secteur du BTP est donc importante, bien qu'elle existe déjà.

Une coordination de la politique forestière au niveau européen est certes souhaitable, mais nous ne pouvons attendre de nouvelles réglementations européennes pour agir. Nous avons montré que des leviers existaient et qu'il fallait les utiliser.

Il est difficile d'envisager une décentralisation au niveau des intercommunalités. Certains domaines forestiers dépassent en effet largement ce périmètre. Notre priorité va au regroupement en gestion. L'association foncière pastorale est l'une de ses modalités.

Je pense que les problèmes d'attractivité des métiers de la forêt ne sont pas liés à des difficultés de formation. Aussi, la création d'une académie dédiée ne contribuerait pas nécessairement à faire évoluer la situation. Ces métiers sont peu attractifs, car leurs conditions sont difficiles et peu acceptées des jeunes générations. Ils sont notamment exposés à une accidentologie assez élevée et la technicité requise augmente avec les exigences environnementales. Il n'existe pas de solution simple mais il est important de mieux communiquer autour de ces métiers.

Nous ne nous sommes pas rendus en Corse et n'avons pas mené d'investigations détaillées. Une déconcentration plus poussée est peut-être là encore souhaitable. Mais le problème de la Corse tient avant tout à l'accessibilité de ses forêts, qui rend son exploitation coûteuse.

Permalien
Christine de Mazières, conseillère-maître

La révision de la réglementation environnementale 2020 est un sujet très important. Elle incitera le secteur du BTP à utiliser davantage de matériaux bio-sourcés. D'autres filières que celle du bois se sont engagées pour obtenir des certifications environnementales très avancées. Il est donc important que les interprofessions de la filière bois se mobilisent pour faire reconnaître l'ensemble des critères environnementaux et sanitaires qui lui sont propres. Les FDES doivent ainsi être révisés pour prendre davantage en compte les avantages du bois, notamment en termes de recyclage.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 10 heures 45

Présents. - M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Charles de Courson, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Nicolas Forissier, M. Joël Giraud, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, M. Jean-Paul Mattei, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Claudia Rouaux, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

Excusés. - M. Damien Abad, M. Saïd Ahamada, M. David Habib, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Éric Woerth

Assistait également à la réunion. - Mme Sabine Rubin