Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19
Présidence de M. Julien Borowczyk, président de la mission d'information
Mes chers collègues, nous portons une attention particulière à la question de la prise en charge des personnes âgées pendant la crise sanitaire, en établissement et à leur domicile. Dans les deux cas, l'épidémie de coronavirus a posé des problèmes nouveaux auxquels les services n'étaient pas toujours préparés et pour lesquels ils ont souvent été obligés de réaliser des adaptations dans l'urgence.
Avant de vous écouter, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires imposant aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, je vous invite à lever la main droite et à dire : « je le jure ».
(Mme Florence Arnaiz-Maumé prête serment.)
J'ai l'honneur de représenter le SYNERPA, premier syndicat national des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des services à domicile privés pour personnes âgées. Nous fédérons 2 700 membres, associations et entreprises, dont près de 2 000 EHPAD, 600 services à domicile et 200 résidences services seniors. Regroupant plus de 130 000 lits sur tout le territoire pour plus de 100 000 salariés, nous avons une représentativité dans des conventions collectives. Créé en 2001, le SYNERPA représente depuis vingt ans le secteur du grand âge privé.
Concernant la crise du covid-19, je distinguerai quatre grandes phases en incluant celle que nous vivons.
Le SYNERPA ayant des adhérents dans le monde entier, dont certains déjà touchés, en Chine, puis en Italie, nous avons été informés dès le mois de janvier de ce qui se passait à Wuhan, à savoir le confinement et la création de zones covid et de zones non covid dans les établissements.
Le 4 février, nous écrivons à Mme Agnès Buzyn pour demander les protocoles à mettre en place, la conduite à tenir et l'organisation d'un débat sur le sujet afin de nous préparer. Début février, la France est encore loin de la prise de conscience qui aura lieu un mois plus tard. Nous n'obtenons pas de réponse. Mi-février, j'appelle un conseiller avec qui j'ai coutume de travailler, mais il n'a pas plus d'informations à me communiquer. Puis Mme Buzyn quitte son poste, le 22 février. Dès le lundi 24 février, quand nous apprenons que la Lombardie est confinée, nous proposons à nos adhérents d'introduire immédiatement des mesures barrières, des filtrages aux entrées et les protocoles habituels lors des épidémies de grippe. Nous nous tournons de façon plus virulente vers l'État. Je commence à m'exprimer dans les médias pour demander la définition de protocoles et une visibilité dans la conduite à tenir. À la fin de la semaine du 24 se produit un incident qui nous terrasse : la réquisition des masques. Nos adhérents appellent leurs fournisseurs, qui ne peuvent plus les livrer. Un vent de panique s'empare des établissements, d'autant que la crise commence à poindre dans le Grand Est, en Bourgogne-Franche-Comté, puis autour de Strasbourg, d'où nous avons très vite des remontées étonnantes sur la situation dans quelques établissements.
De fin février à début mars, nous attendons des protocoles, car nous ne savons pas quoi faire. La réquisition interdit d'acheter des masques, ce qui nous met en grande difficulté, même si nous comprenons qu'il s'agit d'en éviter la vente en pharmacie. À l'époque, l'idée est de les concentrer dans le champ sanitaire d'abord sur les soignants, puis dans les EHPAD.
Le 3 mars, M. Olivier Véran nous réunit. La deuxième période commence, après une prise de conscience un peu lente, entre début février et début mars. Avec les services de l'État, nous commençons difficilement à appliquer un dispositif. Entre mars et avril, nous entamons un parcours du combattant sur plusieurs grands sujets. Le premier concerne les mesures barrières et le confinement en chambre. Au nom du SYNERPA, je me permets de demander un confinement en chambre, parce que les adhérents me disent que cela a été efficace en Chine et en Italie. Nous demandons à nos adhérents d'appliquer les mesures barrières de suspension de visites et de confinement, un peu avant les protocoles d'État. Ceux-ci interviendront le 10 mars, pour les suspensions de visite, et le 15 mars, pour le confinement en chambre.
Le confinement en chambre sera, non pas imposé – il ne le sera jamais –, mais vivement recommandé, ces deux mots étant écrits en gras et soulignés dans le protocole, le 30 mars. Pendant un mois, on se demande si le confinement n'est pas une solution trop difficile et l'on demande l'avis du Comité consultatif national d'éthique. Rendu fin mars, il permettra à l'État de soutenir le confinement en chambre.
Cela a permis d'isoler les résidents pour tenter de comprendre ce qui se passait. À ce moment-là, la maladie frappe très fort. Les symptômes sont violents et présentent une variabilité extraordinaire : en l'espace de quelques jours, des personnes vont bien, puis moins bien, puis de nouveau bien, avant de décéder. Nous enregistrons des symptômes que nous ne connaissons pas, proches de la grippe et de la gastro-entérite. Nous n'apprenons que mi-mars ou fin mars que les chutes sont aussi un symptôme. On découvre la maladie en la prenant de plein fouet, surtout dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté, où la vague arrive d'abord.
Nous rencontrons alors les premières tensions au sujet des masques. Dans les quinze premiers jours, on se les arrache littéralement, parce que tout le monde a peur d'en manquer. C'est le premier d'une suite de combats. Nous nous mobilisons avec l'ensemble des fédérations pour signer un courrier demandant la déréquisition des masques. Le 20 mars, le ministre annonce la libération des masques vers les EHPAD : cette mesure s'applique immédiatement, avec une livraison hebdomadaire pour tous les EHPAD et services à domicile. Il faut reconnaître que l'ingénierie était extraordinaire. Il aura peut-être fallu attendre trois semaines, mais en deux jours à peine, les adhérents ont reçu leurs bons et ont pu directement aller chercher leurs masques. Cette procédure de dons de masques par l'État prendra fin le 30 septembre. Elle aura duré du 20 mars au 30 septembre, aussi bien en EHPAD qu'en service à domicile.
Se pose ensuite, début mars, le problème des transferts hospitaliers, notamment dans le Grand Est et en Franche-Comté, avec un secteur sanitaire embolisé et un « 15 » qui peine à répondre. Dans les premiers jours de mars, on nous rapporte, en Bourgogne-Franche-Comté, des refus d'hospitalisation, des répartiteurs débordés, très peu de lits, trop de demandes. Les EHPAD étant considérés comme un lieu de soins, nous n'apparaissons pas comme prioritaires. Nous savons aussi qu'il peut y avoir des difficultés d'intubation pour des personnes de grand âge. Nous ne portons pas alors de jugement, mais des transferts n'ont pas lieu, ce qui nous oblige à garder des gens très malades, en sorte que le taux viral dans les EHPAD du Grand Est reste très élevé durant de nombreuses semaines.
Quand le covid-19 entre en EHPAD – sachant tout de même que nombre des 7 000 établissements ont été épargnés –, il peut entraîner vingt à quarante décès. À partir du 27 mars se pose le problème des transferts hospitaliers. Olivier Véran demande aux agences régionales de santé (ARS) de mettre en place les filières gériatriques. Force est de reconnaître que, dès le lendemain, les annonces ont été suivies d'effet. Toutes les ARS ont ouvert des filières gériatriques, c'est-à-dire des centres de soin qui n'étaient pas utilisés, notamment dans les régions où la vague n'arrivait pas. Dans toutes les régions de France, nous avons pu transférer des patients, grâce au soutien des établissements de soins de suite et réadaptation (SSR) et de la filière sanitaire : nos malades ont été accueillis dans des filières parallèles dédiées, et non dans les groupements hospitaliers de territoire ou les centres covid, ce qui a fluidifié la situation.
Le dernier problème, c'est qu'on nous a immédiatement imposé de ne faire que trois tests par établissement. On devait demander les tests au centre covid le plus proche – il n'y en avait que 138, début mars – et attendre qu'il nous envoie les écouvillons et la notice. Nous devions faire les prélèvements, les renvoyer et attendre les résultats, sur trois personnes seulement puisque, après avoir déclaré trois personnes positives, nous étions considérés comme un établissement covid, obligé de prendre des mesures particulières de confinement et de soins. Techniquement, le confinement est difficile à mettre en œuvre, car un EHPAD n'a pas l'habitude de fonctionner en permanence par étage et par service en chambre : très vite, nous avons donc renoncé à demander des tests.
Vers le 6 avril, Olivier Véran tient une conférence de presse pour annoncer que les EHPAD seront prioritaires dans l'accès aux tests. Là encore, dès le surlendemain, les adhérents font remonter qu'ils peuvent enfin bénéficier de tests pour tous leurs résidents et tous leurs personnels. Nous sommes encore en confinement, la population ne demande pas de tests et cela va très vite. En un mois et demi, la plupart de nos adhérents sont parvenus à tester tous leurs résidents et tous leurs salariés car les laboratoires ne sont pas embolisés comme aujourd'hui.
Le 6 mai marque le début de la troisième période. Les établissements sont de nouveau sous contrôle. La situation s'apaise grâce aux tests, aux transferts, à la meilleure connaissance de la maladie et au fait que nous disposons d'équipements de protection individuelle (EPI). Nous entrons en phase de semi-déconfinement, puisqu'à partir de fin avril, on commence à réorganiser les visites des familles. Entre mai et juillet, on évolue vers le déconfinement. L'État nous fixe pour mission de rouvrir les EHPAD aux visites vers le 11 juillet, par un processus filant, région par région, en fonction de la circulation virale. Cela s'est d'autant mieux déroulé que l'État était très présent. Un milliard d'euros a été dédié au secteur des EHPAD pour financer les surcoûts, les primes et les pertes de recettes, puisqu'il n'y avait eu aucune entrée durant cette période dans l'ensemble du secteur. La post-crise est assez rassurante.
Malheureusement, début août, et c'est la quatrième période, des clusters réapparaissent. On nous indique qu'il y a peu de décès et beaucoup de porteurs asymptomatiques. Il faut dire qu'en testant tout le monde, on découvre parfois 70 % de personnes asymptomatiques dans un EHPAD. Nous ne le savions pas en mars, puisqu'on ne testait que trois personnes, dix au maximum. Par la généralisation du test, on découvre un grand nombre de porteurs peu symptomatiques et asymptomatiques. Jusqu'à la semaine dernière, on ne nous signalait plus de décès. Aujourd'hui quelques EHPAD en déclarent de nouveau, parfois jusqu'à une vingtaine.
Dans cette quatrième période, nous ne savons pas du tout ce qu'il en sera de la reprise épidémique. Quelle que soit sa force, nous souhaitons être prioritaires pour les tests, parce qu'entre le mois d'avril et le mois de septembre, tout a changé : nos concitoyens se font beaucoup tester. Quand un cas est déclaré en EHPAD, il faut attendre plus de cinq jours pour que l'ensemble des résidents et des salariés soit testé, et cinq jours supplémentaires pour obtenir le résultat du test. Pendant ces dix jours, soit on reconfine ponctuellement, soit on prend le risque majeur d'une nouvelle flambée. Nous demandons à être prioritaires pour l'accès aux tests, comme les personnes symptomatiques. Nous voulons savoir comment, à partir du 30 septembre, les EHPAD et les services à domicile auront accès aux protections, aux gants et aux masques, puisque la distribution cessera à partir de cette date et qu'ils devront en supporter eux-mêmes la charge. Si cela reste possible pour les EHPAD, qui perçoivent une dotation soins, les services à domicile n'en ont aucune et se trouvent dans une situation financière si critique que certains d'entre eux disent qu'ils ne pourront pas financer leurs masques à partir du 1er octobre.
Parce que les symptômes de la grippe, de la gastro-entérique et du covid-19 sont proches, nous abordons cet automne avec une grande angoisse. Nous avons demandé la vaccination obligatoire des personnels des EHPAD, mais nous n'avons encore obtenu aucune réponse. Nous avons également demandé l'organisation d'une campagne active de vaccination contre la grippe, mais nous n'avons pas de retour non plus.
Nos personnels ayant énormément souffert, les ressources humaines sont devenues un problème majeur. Le secteur est traumatisé à tous les échelons. Des salariés déclarés positifs au covid-19 doivent entrer en septaine. Beaucoup déclarent forfait, ne veulent pas revivre cela, ont peur. En matière de ressources humaines, nous rencontrons des difficultés jamais connues. En Occitanie, la situation est très difficile et des directeurs doivent compléter des plannings dont un tiers des effectifs est manquant. Nous avons demandé un renfort spécifique à l'État. Nous relançons les plateformes covid, mais tous les soignants sont en poste, puisqu'aucune opération ni aucun soin n'a plus repoussé. Nous n'avons pas suffisamment de bras pour affronter une deuxième crise.
Puisque vous avez décrit quatre séquences, je vous poserai quatre questions.
Nous avons évolué à mesure que nous découvrions la pathologie. Il fallait trois tests pour déterminer un cluster en EHPAD. Nous considérions, par homologie avec la grippe, qu'après le dépassement d'un certain seuil épidémique, toute personne dite symptomatique était porteuse du virus. Je l'ai vécu moi-même en tant que médecin traitant en EHPAD. Du point de vue éthique, l'isolement et le confinement étaient difficiles à gérer. Comment l'avez-vous fait matériellement, notamment pour les personnes atteintes de troubles cognitifs, qui déambulent et sont difficiles à isoler ? Vous avez expliqué que, dans nombre d'établissements, on compte désormais 70 % de cas positifs et que c'était peut-être déjà le cas en avril : si tel avait été le cas, et si vous l'aviez su, comment auriez-vous fait pour isoler deux tiers des résidents, sans compter les personnels ?
Une doctrine de 2013 impose aux employeurs de disposer d'un stock dit « stratégique » d'équipements de protection, en particulier de masques, pour les cas d'épidémies d'infections graves. Vous avez évoqué les réquisitions, mais la doctrine de 2013 prescrivait un stock suffisant pour plusieurs semaines. Aviez-vous connaissance de cette doctrine ? Puisque les départements sont en charge de l'action médico-sociale, aviez-vous eu, en amont, des réunions avec les départements à propos de la constitution et de la prise en charge de stocks d'équipements de protection ?
Le turnover des personnels dans les établissements peut être une source de contamination. En tant qu'acteurs privés, pouvez-vous proposer des salaires attractifs ?
Dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche, je demande une vaccination plus systématique contre la grippe, même si je ne souhaite pas la rendre obligatoire de crainte de provoquer une défiance. Entendez-vous organiser une campagne massive de vaccination dans vos établissements, voire prendre en charge le vaccin pour les soignants ?
Le confinement des personnes atteintes de troubles cognitifs pose évidemment des problèmes éthiques, mais il nous apparaît vite que la question cruciale est la protection des résidents. Nous décidons donc de conseiller le confinement à nos adhérents. D'autres fédérations font le choix de demander un avis au Comité consultatif national d'éthique, qui l'a rendu fin mars. Notre choix était stratégique. Nous avons fait le choix du confinement en chambre très tôt, parce qu'au moment où nous ne pouvions pas transférer les résidents, où nous n'avions pas de test, où nous avions peur de manquer de masques, cela nous semblait être la seule solution. Il a fallu plusieurs jours aux directeurs pour mesurer ce qu'impliquait de faire du service et de l'accompagnement uniquement en chambre, d'avoir des locaux communs presque vides et d'organiser des visioconférences. C'était une façon entièrement différente de travailler. Avant d'aboutir à la conclusion que le confinement en chambre était la meilleure solution, nous avons tenté les zones covid et non covid – nous n'imaginions absolument pas, alors, que nous pouvions avoir 70 % de porteurs asymptomatiques ! Très vite, même ceux qui ont tenté de créer deux zones ont été débordés et y ont renoncé. En effet, une zone covid doit être complètement étanche et notre bâti ne s'y prête pas. La vague est arrivée tellement vite qu'en pleine réflexion, tout le monde a fait le choix du confinement en chambre, y compris les établissements que nous ne représentons pas.
Les personnes présentant des troubles cognitifs ont donné lieu à des discussions cornéliennes, notamment au sein de notre commission soins, qui s'est réunie deux fois par semaine pendant douze semaines. Comment l'imposer à des résidents qui ne savent pas ce qu'est le covid et qui veulent continuer à vivre librement ? Les unités protégées ont été protégées un peu différemment. Nous avons demandé aux responsables de l'État si, lorsque le covid entre dans une unité protégée, on peut aller jusqu'à enfermer la personne concernée. La question éthique était posée. Personne n'était heureux d'être confiné, mais quand on sait pourquoi on le fait, on l'accepte. Quand on ne comprend pas pourquoi on est obligé de rester dans sa chambre, cela devient difficile. Je n'ai pas de réponse à vous apporter sur la façon dont cela a été fait. Chacun a géré comme il a pu.
Concernant la doctrine de 2013, je sais que les établissements sont censés avoir trois à quatre semaines de stock. C'était le cas, nous n'avons pas été pris en défaut.
Lorsque la réquisition est annoncée, le 3 mars, les établissements se tournent vers leur fournisseur, qui leur répond qu'il ne peut plus rien leur vendre. Chacun n'a plus que trois semaines de stock et les tensions apparaissent. Nous avons vécu trois semaines de vols de masques et de violence entre des directions qui comptaient les masques et le personnel qui en voulait davantage. Nous avons réduit les horaires de nos personnels administratifs à quatre à cinq heures de travail afin qu'ils n'aient à porter qu'un seul masque. Des ARS ont voulu venir nous prendre des masques, ce que nous avons refusé. Éclate alors une guérilla pour obtenir des masques FFP2, les seuls à protéger vraiment. Nous avons bien des masques pour trois semaines mais les semaines passent à une allure extraordinairement rapide et l'angoisse monte. Le 20 mars, alors que les établissements n'ont plus qu'une semaine de masques, la distribution est annoncée, juste au bon moment. Je l'ai dit à maintes reprises : à ma connaissance, aucun établissement n'a manqué de masque. Le SYNERPA a créé une bourse aux masques et les grands ont aidé les petits, parce que les établissements arrivaient tout de même, par leur mairie, par des entreprises, par des dons, à récupérer des masques.
Pour l'avenir, on nous demande trois semaines de stock, mais nous encourageons nos adhérents à en avoir pour six semaines. Malheureusement, les locaux ne s'y prêtent pas : il faut beaucoup de place pour stocker six semaines d'équipements de protection individuelle.
Le protocole « masques » déployé pendant la crise demande aux EHPAD et aux services à domicile d'avoir trois semaines de stock à partir du 1er octobre.
Vous m'avez interrogée sur le rôle éventuel des départements. Au commencement de la crise, notre réflexe immédiat est de se tourner vers les ARS. La plupart d'entre elles organisent très rapidement des conférences téléphoniques ou des visioconférences hebdomadaires avec les établissements. Des relations extrêmement suivies se mettent en place dès la deuxième semaine de mars avec les ARS. Tout au long de la crise, elles auront été très présentes.
. Ma question portait plutôt sur la période qui a précédé la crise. Les collectivités territoriales, départements et ARS, avaient-elles travaillé avec vous à la préparation d'une éventuelle crise ?
. Non : avant la deuxième semaine de mars, nous n'avons pas de relation avec les ARS ou avec les départements à ce sujet.
La problématique du personnel et des salariés comme la valorisation des rémunérations sont de vastes sujets peu en lien avec la crise. Le SYNERPA a signé une convention collective unique comportant depuis 2003 une grille de classification qui évolue chaque année. Nous négocions en permanence avec les partenaires sociaux. Depuis la création de la convention collective, il y a plus de quinze ans, le point est régulièrement revalorisé. Nous avons la particularité d'être organisés en deux tranches : il y a une première négociation sectorielle avec les partenaires sociaux, puis les entreprises, notamment celles de taille importante, engagent elles-mêmes une deuxième négociation. Nos grilles de rémunération évoluent chaque année. Néanmoins, ces métiers en forte tension nécessitent une restructuration et une réflexion sur l'évolution des rémunérations. C'est en partie ce qui est en train de se faire avec le Ségur de la santé. Au début, nous n'étions pas dans son spectre mais, après maintes discussions, nous avons obtenu d'y entrer. L'intégralité du secteur sanitaire et des EHPAD est donc concernée par le Ségur. Nous attendons de connaître l'ensemble du dispositif, mais nous savons que la mise en place d'un plan pour les métiers de notre secteur est dans le viseur du ministère de la santé. Cela est devenu urgent, car la crise a créé des traumas supplémentaires et généré l'angoisse de revivre des situations similaires, ce qui éloigne un peu plus les vocations. C'est un vrai sujet dont j'espère que vous pourrez vous saisir dans les mois à venir.
Enfin, nous avons demandé que la vaccination antigrippale devienne obligatoire. Nous lançons chaque année des campagnes sur ce thème. Si le taux de vaccination des personnes âgées est très bon, entre 80 et 90 %, celui des salariés, lui, plafonne entre 20 et 30 %. Certains établissements s'organisent pour obtenir le vaccin, vacciner eux-mêmes et faire de la vaccination sur le lieu de travail : dans ce cas, le taux de vaccination peut monter à 50 %, mais les réticences restent importantes.
. Dans cette crise terrible qui touche encore notre pays, nous avons eu à déplorer plus de 14 000 décès de personnes âgées, dont 3 748 à domicile et plus de 10 500 en établissement, ce qui me conduit à aborder l'un des sujets les plus graves que notre mission d'information ait à traiter. Vous avez mentionné une difficulté d'accès aux soins à l'hôpital et indiqué que des transferts qui n'avaient pu être opérés vous avaient contraints à garder des malades en établissement, accélérant ainsi la circulation du virus. Vous dites avoir recueilli des témoignages ou des signalements de vos adhérents. L'ont-ils fait par écrit, par mail ? Pourriez-vous quantifier cette situation que vous avez mesurée sur le terrain ?
. Nous n'avons malheureusement pas de chiffres consolidés, et nous n'enregistrons pas les conversations de nos adhérents. À l'époque, nous fonctionnons à flux tendus et beaucoup d'échanges se faisaient oralement, notamment les appels au secours. À peine pourrions-nous exhumer quelques mails. Les remontées sont peu nombreuses et concernent principalement le Grande-Est et la Bourgogne-Franche-Comté, car c'est là que débute la crise. De plus, je rappelle que c'est une période de congés : des salariés des ARS sont en congé jusqu'au 6 mars. Très vite, on nous rapporte des délais d'accès au « 15 » supérieurs à cinq ou six heures : nous adressons alors des notes au plus haut niveau de l'État pour demander à utiliser un autre canal. Toute la population passant par le 15, lorsqu'un répartiteur reçoit l'appel d'un médecin coordonnateur d'un EHPAD, il peut considérer que le transfert n'est pas nécessaire, précisément parce qu'un médecin s'occupe déjà du malade. Peut-être aussi que les chances de survie des patients dont on demandait le transfert étaient plus faibles.
Je ne veux pas porter de jugement, mais des adhérents des régions de Strasbourg et de Mulhouse nous appellent à cette époque pour signaler des problèmes de transfert. D'ailleurs, l'ARS d'Île-de-France, qui n'a été frappée par l'épidémie que plus tard, a tiré les leçons de cette expérience : elle a énormément anticipé et nous a ouvert des lieux de soins, demandant au secteur sanitaire de s'impliquer. Les partenariats du SYNERPA avec d'autres groupes de cliniques ont permis d'accélérer le rythme. À partir du 20 mars, nous obtenons l'ouverture des filières gériatriques. Les difficultés de transferts, qui n'ont pas été massives, ont eu lieu dans les zones géographiques tendues qu'étaient la Bourgogne-Franche-Comté et le Grand Est, ainsi qu'en Île-de-France – mais dans une moindre mesure – et autour de Lyon. Les tensions s'apaisent autour du 20 mars.
Au mois de mai, dans une interview à la revue Actualités sociales hebdomadaires, vous dites : « Si Olivier Véran n'avait pas pris des mesures concernant les gestes barrières, les masques et les filières gériatriques, nous aurions eu beaucoup plus de décès. Mais on peut quand même se demander si nous n'en aurions pas eu moins si toutes ces mesures avaient été mises en place dès le 15 février. Nous avons pris du retard. » Cette phrase est lourde de sens : vous considérez donc que le retard a coûté des vies ?
. Ma formulation était volontairement floue : on peut se demander ce qui serait arrivé si l'ensemble des mesures cocréées avec l'État à partir du 3 mars avaient été prises dès le 4 février. La flambée aurait peut-être été aussi importante, mais peut-être pas.
Ce que je peux vous dire, c'est que lorsque nous écrivons au cabinet ministériel le 4 février, nous n'avons pas de retour. Quand nous découvrons, le 20 février, que le guide méthodologique de préparation au risque épidémique ne concerne que le secteur sanitaire et que le mot EHPAD n'apparaît qu'une ou deux fois, à la quatre-vingt dix-huitième page, que rien n'est prévu pour nous, la pression monte vraiment. Nous comprenons que le secteur sanitaire est organisé, mais quid du secteur médico-social ?
Si nous avions eu des protocoles ou s'il y avait eu moins de flottement entre le 20 février et le 6 mars, peut-être aurions-nous pu gérer différemment la crise en Bourgogne-Franche-Comté et dans le Grand Est qui enregistrent, avec l'Île-de-France, les taux de décès les plus élevés. La violence s'est concentrée sur ces trois régions, même si en Nouvelle-Aquitaine, en Occitanie ou en PACA, nous avons eu des cas très difficiles.
En visite dans un EHPAD, le Président de la République a indiqué qu'il ne voulait pas isoler de nouveau nos aînés. La question est complexe du point de vue éthique et du point de vue sanitaire. L'isolement a été une mesure utile mais vous avez-vous-même évoqué la difficulté du confinement en chambre. Compte tenu de la dégradation des chiffres, cette position, qui s'inscrit dans une stratégie de protection allégée par rapport à ce qui était en vigueur en mars ou en avril, vous paraît-elle pertinente ? L'isolement des établissements et l'interdiction des visites vous paraissent-ils nécessaires ou impossibles à appliquer ?
Nous l'avons dit et même écrit depuis plusieurs semaines à Olivier Véran et à Brigitte Bourguignon : nous ne sommes pas favorables au retour généralisé du confinemenent en chambre, et aucune autre fédération professionnelle ne le demande. La situation ne l'exige pas. Certes, nous voyons se développer des cas de covid mais, la semaine dernière, on dénombrait 130 clusters pour 7 000 EHPAD. Toutefois, nous souhaitons, comme le propose le protocole « rebond épidémique » publié le 11 août par l'État, avoir la possibilité de reconfiner provisoirement, au cas par cas, lorsque le covid est de nouveau présent, dans l'attente des résultats. D'où l'importance d'obtenir très rapidement des tests pour calibrer le soin en EHPAD. Nous ne prônons pas le confinement généralisé mais, si la situation sanitaire se dégrade dans une région, ou si la situation d'un EHPAD devient difficile, nous voulons pouvoir décider, avec l'équipe pluridisciplinaire et le médecin coordonnateur, et en en informant l'ARS, le département, la mairie, les résidents et les familles, la suspension provisoire des visites, voire un reconfinement provisoire en chambre, le temps de connaître le résultat des tests et de savoir qui est atteint et qui ne l'est pas. Il faut des solutions sur mesure, région par région, EHPAD par EHPAD. Les familles, traumatisées par le confinement en chambre, redoutent la suspension des visites. Nous sommes obligés de trouver un équilibre entre le risque sanitaire et le besoin de continuer à vivre et de garder le lien.
Je sais, par mes responsabilités départementales que, fin février, le département des Alpes-Maritimes se proposait de fournir aux EHPAD des masques FFP2 dont il disposait dans ses stocks, mais ils ont été réquisitionnés. Combien d'établissements ont été réquisitionnés ? Des EHPAD ont-ils dû donner des masques FFP2 aux hôpitaux ?
Début mars, les ARS envoient un questionnaire aux établissements pour connaître leurs stocks de masques, au motif d'anticiper les besoins de chaque EHPAD. En tout début de crise, cela a servi à des hôpitaux qui manquaient gravement de masques FFP2, une fois le centre hospitalier de Vannes, une autre fois le centre hospitalier de Colmar ou de Mulhouse. Des décomptes sont faits et nous suggérons à nos adhérents de ne pas répondre aux demandes de l'ARS, pour ne pas subir de réquisitions. Aucun EHPAD ne m'a dit avoir été réquisitionné. Il y a eu des tentatives très localisées, sur une période courte, de la part des ARS pour faire face à des problèmes graves, mais pas de réquisition généralisée.
On a le sentiment que les services de soins à domicile ont été les derniers maillons de la chaîne, qu'ils ont été très peu pris en compte par les pouvoirs publics.
La grande différence entre un EHPAD et un service à domicile, c'est sa structuration. L'EHPAD est un lieu mi-hébergement, mi-soignant. Nous avons tous les attributs d'un hébergement hôtelier, mais aussi un forfait dépendance du département et un forfait assurance maladie de l'ARS. Nous sommes mieux outillés, parce que nous obtenons régulièrement des masques contre la grippe grâce à nos fournisseurs attitrés. Les services à domicile ont la particularité d'être régis par la loi du 2 janvier 2002 et d'être dépourvus de budget soins. Relevant des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) et non des services des soins infirmiers à domicile pour personnes âgées (SIAD), ils sont totalement déconnectés de l'ARS et de l'assurance maladie. Ils ne fonctionnent que par les budgets de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) des départements. Il n'y a aucune passerelle entre le soin et les services à domicile.
Plus la crise avance et plus on constate que les services à domicile sont encore plus démunis que les EHPAD, car ils n'ont pas les stocks de masques et ils ne peuvent plus en acheter puisque la réquisition s'applique à tous. Tout le monde s'organise pour leur donner des masques. Certains départements ont œuvré pour en trouver et en livrer coûte que coûte, d'autres ne sont pas intervenus. In fine, au moment de la distribution, on obtient que les services à domicile aient des masques, mais ils doivent passer par les pharmacies où ils perdent des heures dans les files d'attente pour aller chercher neuf masques par salarié. Finalement, nous parvenons à les raccrocher au dispositif EHPAD. À partir du 20 mars, ils obtiennent également une distribution gratuite de masques par les ARS, au niveau des groupements hospitaliers de territoire. Ils sont alors intégrés dans le dispositif mais il est vrai que les services à domicile ont une difficulté structurelle, parce qu'ils n'ont pas de composante soins. Dans la doctrine du SYNERPA – et je sais que nous sommes les seuls à le faire –, nous proposons de changer le statut des SAAD pour en faire de véritables services d'aide et de soins à domicile cogouvernés par le département et l'ARS, sur le modèle des EHPAD qui, quoi qu'on en dise, a permis une certaine forme de modernité dans les vingt dernières années.
Je vous prie d'abord de témoigner tout notre soutien aux personnels des EHPAD. J'ai constaté un double retard, d'abord sur les masques. Lors d'une séance de questions au Gouvernement, le 3 mars, on m'a répondu qu'il ne restait que 110 millions de masques dans le stock national. Des commandes ont été faites, mais les livraisons sont arrivées tardivement, à partir de fin mars, début avril. Il faut dire qu'à l'époque, l'utilité du masque n'était pas prouvée, d'après le directeur général de la santé…
Le second retard concerne le dépistage. L'ARS m'avait répondu qu'il n'était pas utile de tester tous les soignants, ni tous les résidents, alors que je le considérais comme une évidence en milieu fermé. Ceux qui ont été élus locaux connaissent les EHPAD, puisqu'ils sont placés sous leur responsabilité.
Pourquoi a-t-il fallu attendre aussi longtemps pour connaître le nombre de décès dans les EHPAD ? On nous présentait chaque soir le baromètre malheureux de la situation, mais il a fallu attendre le début du mois d'avril pour que soient distingués les décès relevés en EHPAD et ceux relevés dans les services d'hospitalisation.
Enfin, convient-il de revoir les relations entre les directions des EHPAD et les médecins, qu'ils soient coordonnateurs ou médecins de ville et, pour ce faire, faut-il modifier la loi ?
À mon tour de vous demander de vous faire l'interprète de nos remerciements auprès de vos personnels qui se sont exceptionnellement mobilisés. Dans la loi sur le grand âge et l'autonomie annoncée pour 2021 par le Président de la République, nous aurons à répondre au choc anthropologique révélé par la crise.
Vous avez parlé d'un vent de panique au commencement de la pandémie. Étiez-vous prêts ? Une seconde vague a été annoncée : comment vous y êtes-vous préparés ? Quelles leçons avez-vous tiré de la première vague et quels stocks avez-vous pu constituer ?
D'une manière générale, dans la perspective des débats à venir, quel regard portez-vous sur le modèle de l'EHPAD ? Comment envisager la gestion de la perte d'autonomie et de la fin de l'existence ?
Que pensez-vous du modèle de l'EHPAD, de son personnel, de son encadrement et de son architecture ? Une crise comme celle que nous connaissons doit servir à tirer des conclusions et à se projeter dans l'avenir. Je considère que ce modèle est devenu obsolète et que la crise l'a fait bien sentir.
Quelles mesures avez-vous pris pour éviter un nouveau retard en matière de livraison de masques ? J'ai l'impression que vous attendez tout de l'État, alors que vous représentez un secteur qui a l'habitude de s'organiser par lui-même. Avez-vous constitué des stocks de masques ? Mettez-vous tout en œuvre pour éviter de nouveaux retards en cas de deuxième vague ?
Les études sur le retentissement de la crise dans les EHPAD confirment que les conseils départementaux ont été particulièrement absents. Votre réponse consistant à dire que l'État n'intervient pas et qu'il n'y a pas de forfaits soins est insuffisante. Au moment où les départements revendiquent la compétence intégrale en matière d'autonomie, ce dysfonctionnement mérite d'être noté, non pas pour désigner des boucs émissaires, mais pour corriger les carences constatées dans les services de soins à domicile.
J'accueille vos remerciements et je suis sûre que les équipes, les directions d'établissement et les adhérents que je représente y seront extrêmement sensibles.
J'ai déjà mentionné le double retard pour les masques et les dépistages et je n'ai pas de réponse particulière à faire. Nous avons, comme vous, entendu qu'il n'y avait que 110 millions de masques au début de la crise et nous avons connu des difficultés d'approvisionnement tout au long de celle-ci.
S'agissant de l'utilité des masques, nous avons toujours revendiqué l'application stricte des protocoles infirmiers, c'est-à-dire leur utilité dans toutes les circonstances liées à cette maladie. Nous n'avons jamais eu le moindre doute à ce sujet. Nous avons d'ailleurs très tôt fait part de notre position aux autorités en rappelant qu'il fallait doter les personnes au contact du virus de masques FFP2. Cela n'a pas toujours été le cas, loin s'en faut, puisque la majorité des masques distribués, notamment aux services de soins à domicile, étaient des masques chirurgicaux.
La gestion de la procédure de décès en cas d'épidémie a traumatisé pour toujours les personnels des EHPAD. Après vingt ans de secteur, je ne savais pas que les épidémies de ce type imposaient une mise en bière immédiate même si beaucoup de soignants le savaient. Nous ne nous étions pas rendu compte de la violence du dispositif qui impose de ne faire aucun soin et de mettre la personne immédiatement en bière afin d'éviter toute contamination post-mortem. Dans certains cas, les familles ont pu venir, mais pas toujours. Certaines n'ont pas été prévenues, car personne n'était en mesure de le faire. Heureusement, ce ne furent que des cas ponctuels, mais ils ont été très traumatisants pour les personnels, les directions et les familles. Nous devons nous acclimater à cette procédure mortuaire très difficile. De plus, nous avons rencontré des difficultés avec les pompes funèbres, chacun voulant plus de masques pour soi. Tout était sujet à dissension.
Avant la crise, il n'a jamais existé d'outil de comptage des décès en EHPAD au jour le jour. La canicule aurait pu nous y inciter mais cela n'a pas été le cas. La déclaration de décès peut s'effectuer par deux voies : par formulaire papier CERFA à la mairie ou par voie électronique. La deuxième option étant peu utilisée, la déclaration de décès reste artisanale et met beaucoup de semaines à remonter. De l'établissement à la mairie, c'est rapide, puisque cela doit être fait sous vingt-quatre heures, mais de la mairie aux autorités chargées d'effectuer le comptable national, cela prend énormément de temps. En mode de fonctionnement normal, il faut un an et demi à deux ans pour avoir les vrais chiffres de la mortalité en EHPAD. D'ailleurs, pendant la crise, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a cessé le comptage des décès de 2018 pour se pencher sur le comptage des décès de 2020. Pendant la crise, l'État a très rapidement créé ce nouveau dispositif. Après un bug la première semaine, tout s'est mis en place, et les remontées ont été relativement efficaces, surtout pour la deuxième partie de crise.
Les rapports entre les médecins coordonnateurs et les directions sont bons. La problématique de l'EHPAD, c'est que le médecin coordonnateur est financé à hauteur de 0,30 équivalent temps plein (ETP). Pour cent salariés, nous avons un médecin à temps très partiel, financé en tarif partiel à environ 0,30 ou 0,50. On peut arriver à 1 ETP en tarif global, mais c'est très peu. Dès lors, un médecin coordonnateur doit avoir deux ou trois sites, ce qui est épuisant. De plus, il est difficile de les intégrer dans un dispositif au sein duquel ils ne sont pas à temps plein. Il conviendrait de changer soit son temps de travail, soit ses missions. Il a douze ou treize missions dont le nombre augmente chaque année, mais on n'étend pas son temps de travail.
Nous n'attendons pas tout de l'État, bien au contraire. C'est d'ailleurs une caractéristique du secteur privé. Mais quand un arrêté de réquisition est pris et qu'on ne peut plus acheter de masques, il faut bien se tourner vers les pouvoirs publics qui ont réquisitionné pour savoir à quel moment on pourra de nouveau acheter des masques. En janvier, il n'y a pas une anticipation forte de l'achat de masques : on est sur une grippe légère.
Les établissements, aujourd'hui, sont surstockés. En plus de la distribution d'État, la plupart des établissements que je représente ont d'ores et déjà des stocks bien supérieurs à ce qui est demandé. Mais, à partir du 1er octobre, la livraison des masques aux établissements ne sera plus financée par l'assurance maladie. Nous avons estimé le coût de la protection covid en équipements de protection individuelle à 40 000 euros par an et par EHPAD. Qu'en sera-t-il, au 1er octobre, du financement de ces 40 000 euros de masques ? Soit il sera assuré par l'assurance maladie et nous pourrons faire l'avance des fonds, à condition que ces masques soient intégrés dans la dotation soins des établissements – c'est-à-dire que vous le votiez ou qu'un décret modifiant le décret de 2001 le permette. Soit il ne sera plus pris en charge par l'assurance maladie et, dans ce cas, qui devra l'assumer ? Est-ce au résident de financer le port du masque en permanence ? Si la section hébergement est financée par le tarif hébergement, cela pèse soit sur la section soins, soit sur la section dépendance, soit sur la section hébergement.
Si nous avions les mêmes facilités pour les tests, nous pourrions faire beaucoup de choses. Nos opérateurs ont acheté des tests salivaires et des machines pour les traiter. Ils investissent dans le monde entier pour obtenir des possibilités supplémentaires de tests, ce qu'ils ne sont pas du tout obligés de faire. Nous consacrons beaucoup de moyens pour faciliter l'accès prioritaire aux tests, mais nous ne pouvons pas le faire sans l'aide de l'État. Certes, nous avons notre part à accomplir en tant qu'opérateurs, mais l'État a la sienne. Les masques et les tests relèvent de sa responsabilité.
S'agissant de la pertinence du modèle de l'EHPAD, il convient de rappeler le profil des résidents que nous accueillons. Trois grandes offres existent pour le grand âge : l'EHPAD, l'aide à domicile et les résidences services seniors, ou résidences autonomie, modes d'hébergement pour personnes âgées autonomes, parfois en difficulté physique mais jamais psychique. De nouveaux types d'hébergement se développent pour la personne âgée autonome, qui est majoritaire en France puisque 80 % des personnes âgées de plus de 85 ans restent à domicile jusqu'à la fin de leur vie – et 20 % seulement vont en EHPAD. La plupart choisissent le domicile, d'autres, le nouveau mode d'hébergement qu'est la résidence autonomie ou la résidence services seniors, qui offre un vrai logement, complété par une possibilité d'accès aux services. Ce type d'hébergement est appelé à se développer.
Nous rêvons tous de rester à domicile, mais cela n'est pas toujours adapté pour les personnes en perte d'autonomie psychique forte, car l'aidant et la famille ne peuvent pas compter sur une offre intégrée : les SAAD et les services soignants ne sont pas toujours très coordonnés et il faut, pour adapter le logement, faire appel à d'autres services encore. La moyenne d'âge en EHPAD est de 85 ans et 50 à 60 % des résidents présentent des troubles cognitifs importants. Au regard du parc mondial des établissements pour personnes âgées, nous pouvons être très fiers de ce que nous avons réalisé en France. Nous avons des opérateurs dans de nombreux pays et nous faisons des voyages d'étude. À notre sens, la qualité d'hébergement dans les EHPAD français, dans des chambres individuelles, est très bonne en comparaison de ce qui se fait dans d'autres pays. Certes, on voudrait plus d'individualité dans du collectif.
Nous partageons le constat que les EHPAD ont été les oubliés du début de crise en ce qui concerne les masques et les transferts à l'hôpital.
Comment le décret du 28 mars, qui facilite l'usage du Rivotril injectable, a-t-il été perçu dans vos établissements ? Son usage a-t-il été augmenté et, si oui, dans quelle proportion ?
Les familles ont rencontré des difficultés pour obtenir des informations sur l'état de leurs parents ou grands-parents dans les EHPAD. On avait l'impression d'un huis clos. C'était un peu : « Silence, on meurt sans obsèques ! L'ARS a-t-elle donné des consignes – voire menacé certains employés – pour ne pas communiquer sur les décès et les contaminations ?
Nous sommes un certain nombre de parlementaires à exercer des métiers dans le secteur médico-social. Étant moi-même infirmière libérale, c'est un secteur que je connais très bien.
Mme Stéphanie Rist, qui a dû s'absenter, souhaitait vous interroger sur la prise en compte des difficultés à vivre le confinement pour les familles et pour les patients.
La doctrine de 2013 prévoit que chaque employeur s'organise comme il veut pour protéger ses salariés. Vous estimez que seul le masque FFP2 est efficace face au covid-19, alors que la direction générale de la santé dit que le masque chirurgical, le lavage des mains et les gestes barrières sont suffisants. Dans ces conditions, on ne comprend pas ce qu'il vous paraît le plus important de stocker, ni ce que vous avez stocké et en quelle quantité. Vous estimez la dépense à 40 000 euros par an pour un EHPAD de cent personnes. À 15 centimes le masque, cela en fait 750 par jour !
En réserve sanitaire, j'ai eu la chance de recevoir et de lire tous les jours la lettre du SYNERPA. Alors que les infirmiers des EHPAD et les médecins coordonnateurs se plaignaient déjà de recevoir trop d'informations, cet éclairage complémentaire était-il vraiment nécessaire ? N'aurait-il pas fallu redimensionner cette communication que, pour ma part, j'ai trouvé un peu pesante ?
Vous n'avez pas évoqué l'utilité des ARS pour complémenter les personnels manquants lorsque se sont multipliés les arrêts de travail liés à la présence du covid-19 dans les établissements où de nombreux patients et soignants étaient touchés. Ils ont pourtant été très présents. Je peux en témoigner en PACA où nous avons eu dans des établissements privés jusqu'à 70 à 75 % de personnels manquants.
Je reviendrai une nouvelle fois sur la doctrine de 2013, sur laquelle notre mission d'information a besoin d'être éclairée. Nous avons reçu M. Louis Gautier, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. En fonction entre 2015 et 2018, il a bien communiqué cette doctrine au niveau des ministères, en faisant même un rappel en 2016. Le secteur privé avait-il connaissance de cette doctrine ?
J'ajouterai qu'il était écrit que toute entreprise devait fournir des équipements de protection à ses employés.
. Pendant combien de semaines ?
Au sujet du Rivotril, je ne peux rien vous répondre. Je vous propose d'interroger nos médecins et de vous transmettre une note sur les traitements particuliers administrés pour lutter contre le covid-19. Du 6 mars à la mi-mai, nous avons tenu des commissions « soins » deux fois par semaine. Nous avions besoin des médecins pour leur connaissance du terrain. Nous écoutions leurs débats sur les traitements, notamment sur l'hydroxychloroquine et les anticoagulants. Juristes de formation, nous étions moins aguerris sur ces questions. Au fur et à mesure, une doctrine médicale a commencé à poindre en EHPAD, mais je n'ai pas plus d'éléments à vous fournir.
L'information aux familles doit toujours être un élément clé. Dans les trois premières semaines de la crise, lors de la première vague, sur les 7 000 EHPAD, plus de 50 % n'ont pas été touchés. 40 % ont été durement touchés et 5 % très durement touchés. C'est dans ces établissements que l'on a relevé les cas dont nous avons largement entendu parler. Ce sont ces établissements qui ont vécu des jours très difficiles, avec des dizaines de décès en deux à trois semaines. Dans ces EHPAD, il a été difficile, à la fois, de contenir le virus, de tenter d'accompagner les personnes vers le soin et la mort et d'informer toutes les familles en temps réel. Cela a pu, dans certains cas, être un raté. Dans toutes nos communications aux adhérents, nous rappelons l'extrême importance d'anticiper la communication avec les familles et de la rendre la plus régulière possible afin qu'elles aient une bonne connaissance de ce qui se passe.
À aucun moment l'ARS ne nous a interdit quelque communication que ce soit. De toute façon, sans doute ne l'aurions-nous pas écoutée. Je n'ai pas d'information selon laquelle l'ARS aurait refusé que l'on témoigne. En revanche, les EHPAD préféraient que l'ARS prenne en charge la communication.
La communication du SYNERPA a été largement saluée et il n'est pas rare que des protocoles que nous avons-nous-mêmes rédigés se retrouvent dans les protocoles d'État. Nous avons non seulement accompagné, mais aussi anticipé. Nous avons fait le choix de rendre notre communication la plus large possible, y compris en direction des établissements qui ne sont pas adhérents et de ceux qui n'ont pas de fédération, parce qu'il nous semblait important que le résultat de notre action soit connu. Nous avons eu un grand nombre de retours positifs. Il est facile de se désinscrire d'un emailing SYNERPA. C'est ce que nous recommandons aux adhérents ou à toute personne qui trouverait notre communication pesante.
Je n'ai pas connaissance du protocole. En revanche, le masque est un outil précieux contre la grippe. Tous nos stocks sont liés à l'activité grippale et leur nombre correspond à un approvisionnement normal pour un hiver normal. Ce protocole ne mentionne pas de délai précis. La plupart des adhérents avaient trois semaines de stock, ce qui paraît normal en début de crise, quand on n'a pas été alerté sur la nécessité d'en acheter beaucoup. Peut-être aurions-nous dû.
Pour avoir contribué, comme médecin régulateur, au « 15 », dans la Loire, département le plus touché en nombre de personnes, je puis témoigner que nous n'avons jamais refusé une hospitalisation dans aucune des gardes que j'ai faites. Ce n'est pas un argument, mais mon expérience que je verse au dossier. Avez-vous des chiffres de refus d'hospitalisation en réanimation ou en prise en charge hospitalière classique ?
Doit-on réviser notre vision de l'EHPAD ? Il y a manifestement un hiatus entre des services hospitaliers qui pensent que l'EHPAD est très médicalisé et les EHPAD qui ne le sont peut-être pas assez ? A-t-on glissé de l'unité de soins de longue durée (USLD) à l'EHPAD ou de l'EHPAD à l'USLD ?
. Nous n'avons pas recensé les cas, nous avons uniquement recueilli des alertes. Je le répète, le phénomène a toujours été très localisé, aucunement généralisé, et il n'a concerné que le tout début de la crise. C'est d'ailleurs ce que nous fait remonter la fédération hospitalière de France, qui a un accès plus rapide aux résultats sanitaires. L'EHPAD privé, associatif et commercial n'étant pas affilié directement à un groupement hospitalier, a peut-être plus de mal à obtenir des transferts, faute de lien immédiat et régulier.
Vous avez dit que nous n'avions pas fait état des renforts en ressources humaines. Une intéressante action commando a été engagée à partir de la mi-mars pour l'hospitalisation à domicile en EHPAD, pour les soins palliatifs en EHPAD et pour le soutien des filières gériatriques. Des plateformes renfort covid ont été créées par toutes les ARS, où pouvait s'inscrire tout soignant voulant porter de l'aide dans les EHPAD. Pendant les trois à quatre semaines où nous en avons eu besoin, nous avons obtenu des renforts en personnels. Dans le Grand Est, où c'était plus difficile, des départements ont envoyé du personnel à un de nos adhérents. Nous leur demandons d'ailleurs de les remettre en place, parce que la problématique des ressources humaines est devenue la plus forte.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19
Réunion du mardi 22 septembre 2020 à 17 heures
Présents. - M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, M. Jean-Pierre Door, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Monique Iborra, Mme Sereine Mauborgne, M. Bertrand Pancher, M. Jean-Pierre Pont, M. Boris Vallaud
Assistait également à la réunion. - M. Nicolas Démoulin