COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 5 juillet 2017
La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente)
La commission des affaires sociales procède à l'examen des articles du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 4)
Mes chers collègues, nous en venons à l'examen des articles du projet de loi.
Article 1er : Dispositions relatives à l'articulation des normes et à la négociation collective
La Commission est saisie de deux amendements identiques, AS84 de M. Loïc Prud'homme et AS172 de M. Pierre Dharréville.
Ce premier amendement traduit notre rejet en bloc de la méthode du Gouvernement, comme nous l'expliquions dans l'argumentaire développé hier soir en présence de la ministre.
Ce projet de loi est soumis au Parlement à la hâte alors que son ampleur exigerait un examen détaillé et approfondi. L'empressement du Gouvernement à faire adopter ce projet de loi d'habilitation ne se justifie pas plus que le choix de la méthode des ordonnances.
Nous avons donc déposé de nombreux amendements visant méthodiquement à supprimer chaque article et alinéa de ce projet de loi. C'est une manière de contester la méthode utilisée – j'ai du reste observé, lors des débats de ces derniers jours, que nous n'étions pas les seuls à la remettre en cause.
Il ne vous surprendra pas qu'à mon tour je défende un certain nombre d'amendements de suppression.
L'article 1er de ce projet de loi n'est autre que l'amplification de la loi El Khomri, qui a suscité un grand mouvement de rejet dans l'opinion. Les organisations syndicales ont soulevé de lourdes réserves à l'égard de ce projet. Pourtant, sans prendre la peine d'évaluer les effets de cette réforme, et alors que certaines dispositions de la loi travail ne sont pas encore pleinement entrées en vigueur, voilà déjà un nouveau projet pour élargir la brèche et habiliter le Gouvernement à réécrire des pans entiers du code du travail.
Nous maintenons que cet article prévoit la généralisation de l'inversion de la hiérarchie des normes, en donnant la primauté à l'accord d'entreprise, au détriment de la loi. Or c'est parfois au niveau de l'entreprise que le rapport de force est le plus défavorable à un certain nombre de salariés.
La primauté de l'accord d'entreprise deviendrait désormais le principe dans tous les domaines, à l'exception de ceux dans lesquels il serait, par exception, impossible de déroger à l'accord de branche. Si des annonces ont été faites par voie de presse, rien n'indique encore ce que le Gouvernement compte faire, mais tout laisse à penser que nous nous dirigeons vers une remise en cause du fruit de nombreuses conquêtes sociales.
Sous prétexte de renforcer le dialogue social en favorisant la décentralisation de la négociation collective, il s'agit en réalité d'affaiblir la protection sociale avec des codes du travail « à la carte » pour chaque entreprise. Nous ne pouvons souscrire à une telle entreprise de démantèlement des acquis sociaux ; c'est pour cette raison que je vous propose de supprimer l'article 1er.
Vos arguments reflètent le positionnement politique global de vos deux groupes. Fort du vote de confiance intervenu hier, je suis tout aussi logiquement défavorable à ces amendements de suppression. En accordant sa confiance au Gouvernement, l'Assemblée a légitimé la méthode retenue : dépôt d'un projet de loi d'habilitation et concertation avec les partenaires sociaux. Il est temps que ce texte vive et suive son chemin, mais je suis bien sûr prêt à répondre aux amendements qui portent sur le fond, de quelque groupe qu'ils émanent.
Je saisis cette occasion pour dire que si la grande majorité des amendements déposés sur ce texte recueillera malheureusement un avis défavorable, c'est principalement par souci de respecter la méthode mise en place. En effet, certains amendements tendent à inscrire « en dur » dans le texte des dispositions sur lesquelles la concertation est lancée – la ministre a pu s'exprimer largement sur le sujet –, tandis que d'autres cherchent à préciser, dans un sens ou dans l'autre, le sujet soumis à la concertation avec les partenaires sociaux. Dans ces deux cas, toutes les propositions dont l'effet est de restreindre le champ de cette concertation vont à l'encontre des objectifs poursuivis, qui consistent en particulier à définir de nouveaux espaces de négociation avec ces partenaires sociaux. Ce serait à mon avis contre-productif.
La Commission rejette les amendements.
Elle est saisie de l'amendement AS50 de M. Loïc Prud'homme.
La plupart des Français ne mesurent pas les enjeux de ce projet de loi, car le Gouvernement organise méthodiquement la confusion en nous noyant sous une pluie de truismes depuis quelques jours. Le dialogue social ne peut se faire dans la négation complète des rapports de force, qui doivent au contraire être assumés calmement. Il est nécessaire de prendre le temps du débat parlementaire, mais également celui de l'explication vis-à-vis de nos concitoyens. Combien d'entre eux sont au courant de ce qui est en train de se passer ? Combien connaissent l'ampleur de ce projet de loi ? Nous exigeons que le débat parlementaire soit respecté et que les députés aient le temps de s'installer pour engager un débat apaisé, comme ce sujet le mérite.
Cet amendement, comme les précédents, procède d'un positionnement politique global. Vous souhaitez supprimer l'alinéa 1 ; mon avis est défavorable car je souhaite que ce texte suive son chemin.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS52 de M. Loïc Prud'homme.
Toujours le même motif : rien ne justifie la méthode du Gouvernement sur ce projet de loi.
Je crains de ne pas être original : avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment…
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS73, de M. Adrien Quatennens.
L'article 1er vise à habiliter le Gouvernement à réécrire la totalité des dispositions du code du travail pour consacrer la primauté des accords d'entreprise sur les conventions et accords de branche nationaux, professionnels et interprofessionnels, au détriment des salariés. Le renversement de la hiérarchie des normes que pourrait opérer le Gouvernement en se fondant sur cet article, qui l'habilite à faire de l'entreprise le centre de la négociation sociale, plonge les salariés dans une incertitude juridique qui leur est dommageable.
En s'appuyant sur cet article, le Gouvernement pourrait également placer les petites et moyennes entreprises dans une situation concurrentielle interne au territoire national en leur supprimant la possibilité de se référer à un droit conventionnel de branche commun à leur secteur. Il s'agit d'une aggravation de l'inégalité des droits entre salariés, alors que la loi se doit de protéger et promouvoir leur égalité.
Par ailleurs, cet article aboutit à un désarmement des services de l'État dans le contrôle de l'application des normes du travail en créant un droit du travail différent par entreprise que les services compétents ne pourraient intégralement appréhender et contrôler.
Cet article va à l'encontre d'autres dispositions du projet de loi d'habilitation, notamment celle qui, au 2° d, habiliterait le Gouvernement à accélérer la procédure de restructuration de branches professionnelles en modifiant des éléments de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. Or l'exposé des motifs de l'article 13 du projet de loi « El Khomri » de cette loi précise que l'objectif est de renforcer la place essentielle de la branche dans le droit du travail.
La restructuration des branches tend notamment à renforcer les possibilités de négociation à cet échelon, à créer un socle commun de droits applicables aux salariés et à réguler la concurrence entre les entreprises. Reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective d'entreprise au détriment de la négociation de branche et nationale introduit une incohérence profonde dans le projet de loi et annule le bénéfice de la restructuration.
Les branches représentent l'échelon le plus approprié de la négociation collective, permettant d'atteindre un équilibre entre le général et le particulier adapté à la réalité d'un secteur.
Au contraire, la suprématie de l'accord d'entreprise consacre le triomphe du particulier sur le général dont les salariés seront les premières victimes. Le droit du travail, né de la nécessité de rétablir l'équilibre dans le rapport de force nécessairement inégal entre le salarié et l'employeur, est ici affaibli. Inscrire dans la loi la primauté de l'accord d'entreprise est un pied-de-nez à l'histoire, les parties prenantes à la négociation n'étant pas sur un pied d'égalité, cela ne peut déboucher que sur l'avènement d'un droit du travail à géométrie variable. Au contraire, renforcer le poids des branches, afin que chacune d'entre elle atteigne une masse critique, permettrait d'enrichir notre droit du travail en élargissant le champ de la négociation.
La logique libérale qui préside à l'élaboration de cet article, et de ce texte en général, repose sur un postulat idéologique nullement démontré empiriquement, selon lequel assouplir les contraintes sociales pesant sur les entreprises faciliterait l'embauche. Les toutes dernières études, notamment celle de l'INSEE de juin 2017, tendent même à démontrer le contraire puisque les barrières liées à la réglementation – et pas seulement celle du travail – ne sont citées que dans 18 % des cas et arrivent en quatrième position. Sans garantie aucune du bénéfice économique d'une telle politique de l'emploi, cet article, à l'image du projet de loi d'habilitation, organise la course au moins-disant social, y compris entre les entreprises françaises d'un même secteur.
Le présent amendement restaure le principe de la hiérarchie des normes sociales suivant le principe de faveur dans le cadre des différents niveaux de négociations collectives, afin de maintenir l'existence d'un ordre public social. Cette hiérarchie implique que les accords et conventions ne puissent déroger, dans un sens moins favorable au salarié, aux accords ou conventions de niveau supérieur selon l'ordre croissant suivant : accords d'entreprises, accords ou conventions de branche, accords nationaux professionnels, accords nationaux interprofessionnels.
Vous soulevez un aspect assez technique, la hiérarchie des normes, bien qu'il ait clairement été établi hier et ce matin que celle-ci n'était nullement remise en cause. Vous introduisez en plus ici le principe de faveur.
Rappelons sur ce point qu'il n'est nullement question de s'affranchir des règles légales et du principe de faveur : les dispositions d'ordre public constituent un socle auquel il n'est pas possible de déroger par voie d'accord, qu'il s'agisse d'un accord de branche ou d'entreprise. Vous ne serez donc pas surprise que j'émette un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS29 de M. Francis Vercamer.
Notre groupe ne s'oppose pas à la place centrale donnée à la négociation collective, notamment en entreprise. Mais il nous semble nécessaire de rappeler que la négociation en entreprise ne doit pas créer de concurrence déloyale entre ces dernières.
Il est important de placer un garde-fou dans cet article, notamment au regard de l'alinéa 3, en garantissant que les accords d'entreprise ne peuvent pas fausser la concurrence. En conséquence, il faut reconnaître le rôle régulateur de l'accord de branche.
L'idée de conforter la branche dans son rôle de régulation économique et sociale ne me semble pas contradictoire avec les orientations retenues par le Gouvernement, mais il n'est pas utile de le préciser à ce stade. Je n'y suis pas opposé sur le fond, et je comprends votre logique, même si l'on peut craindre que le terme de « concurrence loyale et non faussée » n'introduise un biais dans le rôle régulateur des branches – nous en avons parlé ce matin dans nos auditions. Il s'agit d'une notion très économique, qui renvoie au contrôle exercé par l'autorité de la concurrence sur les secteurs économiques. Avis défavorable.
Nous avons abordé ce sujet hier lors de la discussion générale. Le rôle régulateur de la branche est en effet très important, sur le plan social comme sur le plan économique. C'est notamment le cas en matière de concurrence étant donné les disparités de taille des différentes entreprises.
Sur ce sujet, la concertation avec les partenaires sociaux a enrichi notre approche ; c'est la raison pour laquelle nous avons porté le nombre de domaines couverts par les branches de six à douze. Nous avons renforcé ce qui peut se faire au sein de l'entreprise et au sein de la branche. Dans un certain nombre de secteurs, la branche devra jouer le rôle de régulateur principal.
Dans les domaines où les branches ont la faculté de verrouiller les dispositions en cas d'accord entre les représentants des travailleurs et les représentants des syndicats de salariés, sont prises en compte la dimension sociale, mais également la dimension d'équité entre les salariés comme entre les entreprises. C'est en tout cas la jurisprudence, si l'on peut dire, en tout cas la pratique des branches, et nous avons renforcé la capacité à signer les accords d'entreprise et les accords de branche en étendant les domaines explicitement prévus par la loi pour lesquels la discussion de branche est nécessaire. Cela va de pair avec la concentration des branches, qui va permettre au dialogue d'être effectif. Il ne sert à rien de l'écrire dans la loi si toutes les branches ne s'en saisissent pas. Avec 200 branches, toutes pourront se saisir du champ qui leur sera reconnu dans la loi, et de façon plus large qu'auparavant. Je partage donc l'avis du rapporteur.
La précision apportée par l'amendement de M. Vercamer me semble intéressante, même si j'entends bien les arguments de la ministre : lorsqu'il n'y aura plus que 200 branches, nous aurons effectivement un système un peu différent. Mais aujourd'hui, nous en avons encore plus de 700… Je pense donc que la précision proposée est intéressante et qu'il est bon de la faire figurer dans la loi. Nous voterons donc cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS177 de M. Pierre Dharréville.
Cet amendement a pour objectif de limiter le champ des ordonnances relatives à l'articulation des niveaux des négociations.
La nouvelle articulation proposée, qui s'inscrit dans le sillage de la loi El Khomri, généralise la primauté donnée aux accords d'entreprise au mépris des normes d'ordre public et des accords de branche.
De telles dispositions, qui tournent le dos au principe de faveur sur lequel s'est construit le droit du travail, ouvrent la voie à une négociation de régression au service de l'extrême flexibilité, préjudiciable aux salariés ainsi qu'aux entreprises. J'en veux pour preuve les propos de M. Alain Griset, président de l'U2P, dans une entrevue donnée au journal Les Échos le 14 juin dernier : « Dans les entreprises de moins de vingt salariés, que nous représentons, l'accord d'entreprise ne peut pas être la règle. » Toutes les réformes engagées depuis vingt ans en matière de droit du travail n'ont eu d'autre objet que de promouvoir une négociation dérogatoire au niveau de l'entreprise. Malheureusement, nous en connaissons le résultat pour les travailleurs : augmentation de la charge de travail sans augmentation de salaire, développement des horaires à la carte, flexibilité accrue et, au final, affaiblissement de la protection garantie par la loi.
Au contraire, nous avons besoin d'un rétablissement de la hiérarchie des normes et d'un renforcement de la négociation de branche pour éviter des pratiques d'optimisation sociale, et même de pwofitasyon sociale, pour reprendre un terme de chez nous…
Je comprends l'inquiétude des défenseurs de l'amendement, mais je répète qu'il n'y a pas d'inversion de la hiérarchie des normes.
L'objectif est de privilégier le principe de subsidiarité, qui doit permettre une élaboration de la norme au niveau le plus adapté, souvent celui de la plus grande proximité avec les salariés : l'établissement ou l'entreprise. Il ne faut renvoyer au niveau de la branche que les thématiques que l'entreprise n'est pas à même de gérer à son niveau : je pense au dispositif des garanties collectives, pour lesquelles la branche est plus légitime que l'entreprise.
Cette inversion ne revient pas à nier le principe de faveur et l'ordre public social. Les règles d'ordre public légal constituent le socle de garanties auxquelles il ne sera pas possible de déroger, ni par accord de branche ni par accord d'entreprise.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS110 de M. Adrien Quatennens.
L'alinéa 1 de l'article 1er vise à habiliter le Gouvernement à réécrire la totalité des dispositions du code du travail pour consacrer la primauté des accords d'entreprise sur les conventions et accords de branche, nationaux professionnels et interprofessionnels, au détriment des salariés. Le renversement de la hiérarchie des normes que pourrait opérer le Gouvernement en se fondant sur cet article, qui l'habilite à faire de l'entreprise le centre de la négociation sociale, plonge les salariés dans une incertitude juridique qui leur est dommageable.
En s'appuyant sur cet article, le Gouvernement pourrait également placer les petites et moyennes entreprises dans une situation concurrentielle interne au territoire national en leur supprimant la possibilité de se référer à un droit conventionnel de branche commun à leur secteur. Il s'agit d'une aggravation de l'inégalité des droits entre salariés, alors que la loi se doit de protéger et promouvoir leur égalité.
Par ailleurs, cet article aboutit à un désarmement des services de l'État dans le contrôle de l'application des normes du travail en créant un droit du travail différent par entreprise que les services compétents ne pourraient intégralement appréhender et contrôler.
Cet article va à l'encontre d'autres dispositions du projet de loi d'habilitation, notamment celle qui, au 2° d), habiliterait le Gouvernement à accélérer la procédure de restructuration de branches professionnelles en modifiant des éléments de la loi n° 2016-1088 précitée. Or, l'exposé des motifs de l'article 13 du projet de loi « El Khomri » de cette loi précise justement qu'il vise à renforcer la place essentielle de la branche dans le droit du travail.
La restructuration des branches vise notamment à renforcer les possibilités de négociation à cet échelon, à créer un socle commun de droits applicables aux salariés et à réguler la concurrence entre les entreprises. Reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective d'entreprise au détriment de la négociation de branche et nationale introduit une incohérence profonde dans le projet de loi et annule le bénéfice de la restructuration.
Les branches représentent l'échelon le plus approprié de la négociation collective, permettant d'atteindre un équilibre entre le général et le particulier adapté à la réalité d'un secteur.
Au contraire, la suprématie de l'accord d'entreprise consacre le triomphe du particulier sur le général dont les salariés seront les premières victimes. Le droit du travail, né de la nécessité de rétablir l'équilibre dans le rapport de force, nécessairement inégal, entre le salarié et l'employeur, est ici affaibli. Inscrire dans la loi la primauté de l'accord d'entreprise est un pied-de-nez à l'histoire, les parties prenantes à la négociation n'étant pas sur un pied d'égalité cela ne peut déboucher que sur l'avènement d'un droit du travail à géométrie variable. Au contraire, renforcer le poids des branches, afin que chacune d'entre elle atteigne une masse critique, permettrait d'enrichir notre droit du travail en élargissant le champ de la négociation.
La logique libérale qui préside à l'élaboration de cet article, et de ce texte en général, repose sur un postulat idéologique nullement démontré empiriquement, selon lequel assouplir les contraintes sociales pesant sur les entreprises faciliterait l'embauche. Les toutes dernières études, notamment celle de l'INSEE de juin 2017, tendent même à démontrer le contraire puisque les barrières liées à la réglementation – et pas seulement celle du travail – ne sont citées que dans 18 % des cas et arrivent en quatrième position. Sans garantie aucune du bénéfice économique d'une telle politique de l'emploi, cet article, à l'image du projet de loi d'habilitation, organise la course au moins-disant social, y compris entre les entreprises françaises d'un même secteur.
Le présent amendement vise à restaurer le principe de la hiérarchie des normes sociales suivant le principe de faveur dans le cadre des différents niveaux de négociations collectives afin de maintenir l'existence d'un ordre public social. Cette hiérarchie implique que les accords et conventions ne puissent déroger, dans un sens moins favorable au salarié, aux accords ou conventions de niveau supérieur selon l'ordre croissant suivant : accords d'entreprises, accords ou conventions de branche, accords nationaux professionnels, accords nationaux interprofessionnels.
Sur le principe de faveur, votre amendement nous ramènerait à la situation applicable avant la loi de 2004, puisqu'il rétablirait un strict principe de faveur au niveau des accords d'entreprise. Depuis 2004, et les lois de 2008 et 2016, il est possible de déroger par accord d'entreprise aux règles prévues dans les accords de branche – ce qui ne signifie pas pour autant qu'il soit possible de négocier tout et n'importe quoi au sein de l'entreprise.
Votre raisonnement ne tient absolument pas compte de l'existence d'un socle légal d'ordre public, auquel il n'est pas question de déroger. C'est dans ce socle que figurent l'ensemble des principes qui garantissent les droits et la protection des salariés.
Prenons l'exemple des durées maximales de travail. Depuis la loi de 2016, il est possible de déroger par voie d'accords d'entreprise aux durées maximales de travail prévues par la branche. Mais, en tout état de cause, les durées maximales légales d'ordre public s'appliquent : ainsi la durée maximale hebdomadaire de quarante-huit heures est d'ordre public. C'était le cas avant 2016 et ça le reste.
Avis défavorable.
Plusieurs amendements soulèvent un sujet de fond : fait-on confiance ou pas au dialogue social ? Avec ce projet de loi, nous faisons le pari que le dialogue social apporte une valeur économique et sociale aux entreprises, aux salariés et au pays, à différents niveaux. Reste ensuite à trouver la bonne articulation entre la loi, dans laquelle on trouve le socle des normes d'ordre public s'imposant à tous et les principes généraux, ce qui est de la responsabilité de la branche et ce qui ressort des accords au sein de l'entreprise.
Sur ce plan, nous avons élargi le champ des branches. Par exemple, nous avons ajouté la reconnaissance du parcours de carrière et de la formation des représentants syndicaux. C'est un sujet important, car nous ne pouvons souhaiter un dialogue social renforcé sans permettre aux acteurs de se former, de se préparer et de poursuivre une carrière professionnelle. C'est typiquement le genre de sujet que nous avons ajouté à la suite des concertations, pour passer de six à douze sujets explicites. Des questions comme celles de la mutualisation des systèmes de prévoyance ou de formation professionnelle sont de toute évidence du ressort de la branche ; il en va de même pour les classifications, les salaires minimums, et bien d'autres encore. Mais il en est d'autres sur lesquelles elle peut s'abstenir, pour de raisons d'urgence, par exemple, ou encore la nécessité de prendre en compte la diversité des secteurs d'activité, des types de métiers, ou la spécificité des entreprises. C'est précisément cette articulation qui constitue l'ossature de la loi.
Reste que le point de départ fondamental est la question de savoir si le dialogue social apporte de la valeur. Si l'on pense que c'est le cas, on discute de ce qui peut relever plutôt de la branche ou plutôt de l'entreprise ; encore faut-il en faire le pari. Mais si l'on croit que la loi peut, depuis Paris, entre l'Assemblée et le Gouvernement, définir tout ce qui se passe dans toutes les entreprises tous les jours, cela relève d'une autre conception, assez bureaucratique, et qui n'est pas la nôtre.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS171 de M. Adrien Quatennens.
L'exposé sommaire de cet amendement est identique ; je ne vous ferai pas l'affront de relire ce que nous venons de vous dire déjà deux fois. (Sourires) Vous avez compris notre objectif : ces amendements doivent permettre au débat d'exister.
Hier, dans l'hémicycle, le Premier ministre a annoncé que les moyens ne seraient pas illimités. Visiblement, les belles paroles, elles, le sont. Nous n'avons droit qu'à un exposé de bonnes intentions, mais derrière cette façade se cache, vous ne pouvez pas le nier, une dureté sociale sans nom. Le dialogue social et la confiance sont autant de paris. En tant que ministre du travail, vous n'êtes pas là pour faire des paris – à plus forte raison aussi hasardeux – mais pour prendre des décisions ; or celles que vous prenez nous semblent dangereuses.
Je ne répéterai pas non plus mes argumentaires. J'ai bien compris la cohérence de vos amendements ; avis défavorable.
Le pari de la confiance se fonde sur la réalité de terrain. Il y a, autour de nous, dans nos circonscriptions, tous les atouts requis pour un dialogue social constructif, capable d'apporter de la valeur et de la justice sociale. Il ne s'agit pas d'un pari hasardeux, mais de l'affirmation de la confiance dans le fait que l'expérimentation et la réalité du terrain l'emporteront sur l'idéologie.
Le pays est prêt, les entreprises sont prêtes, et nous faisons confiance aux organisations d'employeurs et aux organisations syndicales de salariés pour mener ce débat à tous les niveaux, branches et entreprises, contribuer à la norme sociale et faire progresser nos entreprises, les salariés et le pays.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS204 de M. Adrien Quatennens.
Cet amendement a pour objet de réinstaurer le principe de faveur et de le sanctuariser dans le texte.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS208 de M. Adrien Quatennens.
Nous demandons la suppression de l'alinéa 3, pour les mêmes motifs que ceux développés dans les amendements précédents.
Vous allez clairement à l'encontre de la démarche du Gouvernement, en particulier de la concertation menée avec les partenaires sociaux, dont nous avons eu un exemple ce matin. En proposant de supprimer la fin de l'alinéa 3, vous souhaitez revenir à la situation antérieure à 2004. J'ai déjà expliqué pourquoi un tel retour ne me semble ni souhaitable, ni possible. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de deux amendements identiques, AS161 de M. Adrien Quatennens et AS196 de M. Pierre Dharréville.
Le b) du 1° de l'article 1er habilite le Gouvernement à autoriser des dispositions moins contraignantes pour les petites entreprises que pour les grandes, dans une même branche. Cette possibilité permettrait aux grandes entreprises, qui peuvent beaucoup peser dans la négociation de branche, de diminuer les droits conventionnels des salariés de leurs sous-traitants au sein de la même branche afin d'exercer une pression à la baisse sur les prix de ces derniers. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'alinéa 4.
Vous évoquez la fragilité des petites entreprises ; or cet alinéa prévoit justement de protéger leurs spécificités en rendant possible un aménagement des règles applicables aux TPEPME dans le cadre des conventions et accords de branche.
Cette méthode de différenciation permet de tenir compte des spécificités et des problématiques particulières aux petites entreprises. Il serait dommage d'abandonner cette piste avant de l'avoir explorée. Avis défavorable.
Mme la ministre a parlé de faire confiance au dialogue social, mais je suis quelque peu surpris qu'elle nous présente cette vision un peu naïve, fondée sur une logique économique, dont nous constatons chaque jour les dégâts dans la société – je l'ai fait dans ma circonscription à de multiples reprises au cours des derniers mois et des dernières années. Cette pétition de principe est très insuffisante. Les pouvoirs publics ne peuvent se contenter de laisser faire la main invisible du marché et refuser d'intervenir dans ces rapports de force réels qui sont à l'oeuvre dans la société, dans le monde économique, dans les entreprises elles-mêmes.
Quant au refus du principe de faveur, la possibilité d'y déroger par accord d'entreprise rend la négociation de branche supplétive. Du coup, la place de la loi s'en trouve fragilisée.
Avec l'alinéa 4, le Gouvernement veut permettre l'adaptation dans certaines entreprises, notamment les TPE-PME de certaines clauses de l'accord de branche ; certaines entreprises pourraient donc y déroger, mais le Gouvernement ne donne aucune définition de ce que peut être une petite entreprise – nous avons d'ailleurs débattu ce matin avec un certain nombre de représentants des employeurs. De même aucun critère de dérogation n'est énoncé, ce qui laisse toute latitude à l'exécutif pour rendre optionnelle l'application des accords de branche. Au-delà de cette rédaction hasardeuse, une telle mesure nous semble dangereuse, car elle implique un droit du travail à la carte selon les entreprises – nous en avons aussi discuté hier –, ce qui favorise le dumping social au sein d'un même secteur d'activité. Un certain nombre d'acteurs économiques que j'ai rencontrés s'en inquiètent. C'est la porte ouverte à un éparpillement du droit du travail, au détriment des droits des salariés des petites entreprises, au détriment des petites entreprises elles-mêmes.
On le répète beaucoup depuis hier – encore tout à l'heure –, il faut prendre en compte la diversité de taille et de situation des entreprises. C'était d'ailleurs l'objet d'un amendement que nous avons rejeté mais qui, sur le fond, procédait de cet esprit. Il importe donc que les accords de branche puissent prévoir, dans certains cas, des dispositions adaptées à la taille des entreprises ; je pense notamment aux entreprises de moins de onze salariés et, dans certains cas, de moins de cinquante salariés. Les conventions collectives nationales des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment font déjà de l'effectif un critère d'application de leurs stipulations.
Une piste intéressante, assez largement évoquée dans le cadre de la concertation et envisagée par un certain nombre de branches, serait, dans des accords-types, non de déterminer dans le détail ce qui se passe dans l'entreprise mais de donner, dans le cas des TPE, des points de repère de nature à simplifier la vie des entreprises en leur offrant la souplesse nécessaire pour discuter avec les représentants du personnel des conditions de mise en oeuvre.
Une intelligence pragmatique s'impose. Il nous semble donc important non seulement d'inviter les branches à vérifier, chaque fois qu'elles négocient un accord, que la situation des petites entreprises est bien prise en compte, au besoin en prévoyant des adaptations sur certains points. Il faut qu'elles en aient la possibilité, et même le réflexe, d'autant que le regroupement des branches permettra des négociations plus riches et la diversité des entreprises couvertes par un accord sera encore plus grande ; il sera encore plus nécessaire de prendre en compte la diversité de ce réel.
Je relève dans les propos de Mme la ministre une contradiction flagrante : d'un côté, il s'agit de faire confiance au dialogue social ; de l'autre, nous allons inscrire dans la loi le réflexe que devraient avoir les acteurs du dialogue social : le réflexe de penser aux petites entreprises. Si l'on fait confiance au dialogue social, on fait confiance à l'intelligence des acteurs de branche et il n'est pas nécessaire d'inscrire de telles dispositions dans la loi !
La Commission rejette les amendements identiques.
Puis elle se saisit des amendements identiques AS57 de M. Loïc Prud'homme, AS148 de M. Joël Aviragnet et AS178 de M. Pierre Dharréville.
L'amendement AS57 vise à supprimer l'alinéa 5. Selon nous, malgré les explications données par Mme la ministre et M. le rapporteur, rien ne justifie ni la méthode, ni l'empressement du Gouvernement. L'ampleur des réformes proposées mérite un examen plus approfondi.
Notre amendement AS148 tend également à supprimer l'alinéa 5 de l'article 1er.
Sous une formulation apparemment neutre, selon laquelle il s'agirait d'harmoniser et de simplifier le régime juridique de la rupture du contrat de travail en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat de travail issues d'un accord collectif, est rouvert un débat bien connu dont cette même commission et cette même assemblée furent déjà le théâtre lors de l'examen du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. Je ne développerai pas les arguments qui, à l'époque, avaient conduit un certain nombre d'entre vous, chers collègues, à rejeter la substitution du motif personnel au motif économique du licenciement en cas de refus par le salarié des nouvelles conditions issues d'un accord collectif. Je voudrais simplement rappeler les conséquences d'une telle substitution : l'abandon du motif économique permettrait à l'employeur de se défaire de son obligation de reclassement et priverait le salarié de tout contrat de sécurisation professionnelle ou de congé de reclassement. Conséquence supplémentaire, le salarié serait ainsi privé d'une allocation-chômage d'un montant de 75 % du salaire brut de référence ; le taux de remplacement tomberait à 57 %.
Nous sommes opposés à une telle modification. Est-ce vraiment là, madame la ministre, monsieur le rapporteur, votre conception d'une réforme équilibrée ?
Le texte prévoit de modifier le régime juridique de la rupture du contrat de travail en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat issues d'un accord collectif. Sont notamment visés les accords d'aménagement du travail, de maintien dans l'emploi et, pire, les accords de développement de l'emploi connus sous le nom d'accords de compétitivité.
Le salarié qui refuse ses nouvelles conditions de travail bénéficie actuellement d'un droit au licenciement économique et d'un contrat de sécurisation professionnelle, qui permet une meilleure indemnisation chômage, tandis que l'employeur est tenu à une obligation de reclassement. Qu'en sera-t-il demain avec l'adoption de ce texte ? Sous le prétexte d'harmoniser et de simplifier, les termes employés laissent entendre que tout refus par le salarié de se voir imposer de nouvelles conditions de travail, qui marquent le plus souvent une régression – baisse de la rémunération ou augmentation du temps de travail –, suffira à justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse. L'objectif, nous le voyons, est de sécuriser les employeurs tout en précarisant les salariés par la réduction des protections légales dont ils bénéficient. Vous rendez encore plus fragiles, plus vulnérables et plus captifs ceux qui le sont déjà, et qui mériteraient, à ce titre, d'être au contraire protégés. Pour toutes ces raisons, nous demandons, par notre amendement AS178, la suppression de cet alinéa.
Ces trois amendements, émanant de trois groupes différents, se rejoignent. Comme je l'explique dans le projet de rapport qui vous a été remis, plusieurs types d'accord emportent des conséquences sur la durée du travail et la rémunération du salarié. Ils sont d'ailleurs visés par le texte du projet de loi : les accords de réduction du temps de travail, les accords de modulation du temps de travail, les accords de maintien dans l'emploi et, catégorie apparue plus récemment, les accords de préservation et de développement de l'emploi. Des dispositions spécifiques à chaque catégorie sont applicables si le salarié refuse l'application de cet accord ; en fait, il y a autant de régimes que de types d'accord. Selon moi, cette situation n'est satisfaisante ni pour les employeurs ni pour les salariés, dont le sort et l'accompagnement diffèrent selon le type d'accord concerné.
Une harmonisation serait donc plus que bienvenue. Je suis donc défavorable à ces trois amendements.
Il faut en fait distinguer deux sujets. D'une part, effectivement, l'accord collectif l'emporte-t-il sur le contrat de travail ? L'entreprise est-elle une addition d'individus ou existe-t-il une communauté de travail, régie par des règles communes ? Le problème est déjà abordé dans différentes lois.
D'autre part, que se passe-t-il si quelqu'un refuse que lui soit appliqué l'accord collectif ? Aujourd'hui, pour des raisons plutôt historiques, nous avons empilé, depuis l'an 2000, quatre régimes différents d'articulation entre le contrat de travail et l'accord d'entreprise. Ils correspondent aux quatre types d'accord évoqués par M. le rapporteur : accords de réduction du temps de travail ; accords d'aménagement du temps de travail ; accords de maintien dans l'emploi ; accords de préservation de l'emploi. Les sujets traités par ces accords sont proches, mais ils n'en sont pas moins soumis à quatre procédures différentes, ils comportent des clauses obligatoires différentes et n'offrent pas les mêmes types de contreparties ni les mêmes modalités d'accompagnement. Les accords de mobilité viennent encore complexifier l'ensemble, avec des enjeux partiellement communs aux autres. Disons-le honnêtement : c'est un peu un maquis dans lequel ni les entreprises ni les salariés concernés ne se retrouvent ; à moins de disposer de conseils juridiques compétents, il est très difficile aux uns comme aux autres de savoir dans quel cas de figure ils se trouvent et quelles en sont les conséquences.
La disposition que les auteurs des amendements veulent supprimer vise justement à clarifier les contreparties garanties aux salariés et à renforcer la lisibilité des régimes à appliquer dans le cadre des négociations collectives sur ces sujets, dans l'intérêt tant des entreprises que des salariés. Nous souhaitons donc harmoniser le contenu de ces accords, leur impact sur le contrat de travail, les modalités de rupture en cas de refus de l'accord par le salarié et, enfin, les modalités d'accompagnement prévues. Cela s'inscrit dans un effort plus général en vue d'améliorer l'accès au droit réel, en favorisant sa lisibilité et par la simplification. Il faut que les salariés comme les entreprises puissent s'y retrouver dans ces situations extrêmement complexes, souvent proches les unes des autres. Évidemment, nous tiendrons compte de l'existant : il s'agit non pas de supprimer des droits mais d'harmoniser.
Je suis donc défavorable à ces amendements identiques.
Une harmonisation peut se faire « par le haut » ou « par le bas ». J'ai du mal à concevoir qu'un salarié trouve avantage à n'avoir droit ni au congé de reclassement ni à un taux de remplacement brut de 75 % de son salaire. Vous-même aurez en tout cas quelque difficulté à le soutenir. Si vous nous annoncez qu'il s'agira d'une harmonisation par le haut et que le motif économique sera retenu en toutes circonstances, avec toutes les garanties qui l'accompagnent… Je ne crois cependant pas que ce soit ce que vous proposez.
Nous avons abordé le sujet dans le détail dans le cadre de la concertation. Harmoniser suppose effectivement de trouver une formule pertinente. La concertation a abouti à l'idée, d'une part, qu'il fallait que ce soit une rupture sui generis, qui est protectrice, et, d'autre part, que nous retenions, pour l'accompagnement, une logique d'abondement du compte personnalisé de formation. Ce sont les deux choses qui sont ressorties de la concertation, avec des droits supplémentaires, finalement, dans l'accompagnement.
Mais je pense que la lisibilité permet une évolution plutôt favorable. Il y a une certaine convergence de vues sur ce sujet.
Deux points m'inquiètent dans cet alinéa. D'une part, un licenciement économique sera requalifié en licenciement pour motif personnel ; d'autre part, l'accord d'entreprise primera, alors qu'actuellement les modifications du contrat de travail qui en sont issues doivent être acceptées par le salarié. Cela m'interpelle…
La Commission rejette les amendements identiques.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AS151 de M. Joël Aviragnet.
C'est un amendement de repli. Nous proposons de ne supprimer que les mots « le cas échéant », qui manifestent bien une certaine imprécision quant à la finalité de vos propositions, qui contrevient aux règles constitutionnelles. Vous avez indiqué l'état de la concertation avec les organisations syndicales, madame la ministre, mais il aurait été utile de préciser davantage les intentions du Gouvernement, qui n'apparaissent pas clairement à la lecture de l'article.
J'entends bien, cher collègue, que vous voudriez que certaines choses soient précisées. Cependant, supprimer les mots « le cas échéant » reviendrait tout simplement à contraindre le Gouvernement à harmoniser et simplifier le contenu des accords visés à cet alinéa 5. Le Gouvernement se propose de ne procéder à de telles modifications justement que « le cas échéant », c'est-à-dire seulement lorsque les modifications apportées par ailleurs au régime du refus du salarié ou à son accompagnement, ainsi qu'aux conditions de recours, obligent à modifier ce que doit contenir l'accord. Peut-être serait-il un peu paradoxal d'accorder sur ce point l'habilitation la plus large possible au Gouvernement…
Je suis donc défavorable à votre amendement.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur : mon intention n'était pas de durcir la position du Gouvernement mais de souligner l'imprécision de la rédaction de cet article, comme de beaucoup d'autres, préjudiciable à la clarté du débat parlementaire.
Le Conseil d'État a jugé que c'était précis et donc suffisamment clair.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS184 de M. Pierre Dharréville.
Les alinéas 6 à 8 de cet article 1er participent d'une autre logique du projet de loi : l'affaiblissement du rôle du juge du travail.
Le texte proposé par le Gouvernement prévoit de limiter le contrôle du juge sur les accords collectifs en inversant la charge de la preuve et en réduisant les délais de contestation d'un accord. Il s'agit donc de conférer une présomption de licéité aux accords collectifs. Ce faisant, un accord illicite s'imposerait à défaut de contestation dans un délai, au demeurant non défini, qui, s'il est bref, risque de ne pas permettre la contestation.
Le texte permet également à un juge déclarant illicite un accord de ne pas en tirer immédiatement les conséquences et de permettre à l'accord de produire des effets juridiques dans une période temporaire dont la durée n'est pas non plus définie.
Alors que ce projet de loi entend renvoyer à la négociation d'entreprise l'édiction de l'essentiel des normes sociales, on mesure à quel point ces dispositions sont dangereuses, car elles permettraient à un employeur d'imposer en toute impunité des clauses régressives et illégales aux salariés. Nous pourrions y voir la volonté de contourner le juge dans le but unique de sécuriser les décisions de gestion des employeurs.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer ces dispositions, avec l'espoir d'obtenir un jour un avis favorable…
Je crains de vous décevoir, cher collègue : je suis défavorable à cet amendement.
J'entends toutefois ne pas me dérober à la discussion sur les points que vous soulevez, mais vous pourrez retrouver les trois considérations suivantes dans mon projet de rapport.
Tout d'abord, en ce qui concerne la licéité de la norme édictée par voie d'accord collectif, la jurisprudence tend aujourd'hui à reconnaître aux acteurs de la négociation collective une légitimité par principe. Puisque vous êtes sensible au rôle de juge, sachez donc qu'il est ici question de tenir compte de l'évolution de la jurisprudence.
Ensuite, il s'agit de sécuriser l'application des accords collectifs au regard des possibilités de dénonciation par les organisations syndicales et professionnelles. Il s'agirait de fixer à cinq ans la durée du délai de prescription, sans revenir sur la possibilité que conserve à tout moment un salarié de former un recours contre une stipulation dont il estime qu'elle lui fait grief.
Enfin, le juge peut déjà moduler dans le temps l'effet de ses décisions. Rien de nouveau n'est introduit de ce point de vue. Il est simplement prévu de codifier cette possibilité afin de la sécuriser.
Je prendrai un exemple pour montrer la réalité de ce besoin de sécurisation au regard des délais de contestation. Il faut que ceux-ci soient connus, réduits et harmonisés, il faut aussi permettre au juge de moduler les effets de sa décision dans le temps : les conséquences peuvent s'en trouver sensiblement modifiées.
L'annulation assez longtemps après sa conclusion d'un accord négocié sur les forfaits jours a entièrement bouleversé la situation financière de petites entreprises, sans qu'elles aient le temps de renégocier. En pareil cas, une entreprise peut être complètement déstabilisée, sans que les salariés y gagnent quelque chose. Une meilleure prise en compte des effets serait d'ailleurs conforme à la logique des partenaires sociaux signataires : il faut revenir à l'intention, et prévoir des délais qui permettent le cas échéant aux partenaires sociaux de se saisir de la question et de remplacer l'accord annulé.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS117 de M. Adrien Quatennens.
Jusqu'à présent, le juge peut se prononcer de sa propre autorité sur la légalité d'un accord d'entreprise. Cet article autorise le Gouvernement à prendre une ordonnance qui obligerait un salarié, dans le cadre d'un procès avec son employeur, à prouver la non-conformité d'un accord d'entreprise sans que le juge puisse se saisir lui-même de la question.
Dans cet article, et d'ailleurs dans l'ensemble du projet de loi d'habilitation présenté par le Gouvernement, les droits des salariés ne sont pas les seuls à être supprimés. Le Gouvernement souhaite également restreindre les possibilités offertes au juge de compenser le déséquilibre inhérent au contrat de travail de sa propre autorité. Ce n'est pas seulement le droit du travail qui est attaqué par ce texte, c'est aussi une part du pouvoir de l'autorité judiciaire.
Le juge devant conserver toute sa latitude d'appréciation de la légalité des accords, notre amendement vise à supprimer l'alinéa 6.
Je ne répéterai pas que ce que j'ai répondu tout à l'heure à M. Dharréville sur le même sujet. Je suis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS123.
L'amendement AS123 vise à supprimer l'alinéa 7.
Vu la logique inhérente à l'ensemble du texte, l'aménagement envisagé consistera probablement en une réduction des délais dans lesquels un salarié ou ses représentants peuvent former devant le juge un recours et contester la légalité d'un accord d'entreprise. Cette réduction serait source d'insécurité juridique pour les salariés.
Les effets d'un accord d'entreprise peuvent mettre du temps à se traduire concrètement dans la relation entre le salarié et l'employeur. Il convient donc de laisser un délai suffisant pour permettre la contestation d'un accord.
J'ai répondu tout à l'heure à M. Dharréville sur le même sujet. Je suis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement AS128
L'amendement AS128 vise à supprimer l'alinéa 8.
Les effets dans le temps des décisions seraient obligatoirement modulés au détriment des salariés puisqu'actuellement cette possibilité n'est pas ouverte au juge et que les salariés sont les premiers bénéficiaires des jugements prud'homaux.
Il me semble que le juge a toujours la possibilité de moduler… Pour le reste, je ne répéterai pas les arguments que j'ai opposés tout à l'heure à M. Dharréville. Je suis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient aux amendements identiques AS66 de M. Loïc Prud'homme, AS153 de M. Joël Aviragnet et AS185 de M. Pierre Dharréville.
L'amendement de suppression AS66 est motivé par la méthode choisie par le Gouvernement. Cela dit, je profiterai de l'examen des amendements de ce type pour apporter quelque éclairage supplémentaire.
Depuis quelques jours, les questions que nous posent les médias se précisent un peu. Grâce à notre incessant travail d'agitation politique, à l'Assemblée comme ailleurs, la petite musique de ce qui est en train de se préparer commence à se faire entendre dans le pays, de même qu'il commence à être su que cela se fait en plein été, à la va-vite, et que nous sommes tous assignés à résidence ici, pour adopter un projet dont ni le Premier ministre ni la ministre ne sont parvenus à nous expliquer en quoi il était si urgent de l'adopter. À vous entendre, il s'agit – nous l'avons bien compris – de lutter contre le chômage, mais j'ai démontré que la baisse des droits des salariés n'induit pas celle du chômage. Tout doucement, l'idée se répand dans le pays. Sachez que vous êtes toutes et tous regardés de près.
L'amendement AS153 a également pour objet de supprimer l'alinéa 9 de l'article 1er.
Le rôle vital des représentants du personnel dans l'entreprise, en particulier celui du comité d'entreprise au regard de ses attributions dans le champ économique, a fait l'objet d'un renforcement au cours de la précédente législature et leur efficacité s'est trouvée améliorée, notamment par la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 et la loi dite Rebsamen de 2015. La première a créé la base de données économiques et sociales (BDES) que le Gouvernement entend, par cet alinéa 9, faire évoluer ; la seconde a procédé à un changement majeur en réunissant l'ensemble des informations et consultations annuelles du comité d'entreprise, au nombre de dix-sept, au sein de trois grandes consultations annuelles portant sur les orientations stratégiques de l'entreprise, sur la situation économique et financière de l'entreprise, et sur la politique sociale de l'entreprise, l'emploi et les conditions de travail.
L'examen de ces dispositions, il y a deux ans à peine, avait permis de trouver un équilibre entre la nécessaire dynamisation du dialogue social et la préservation des prérogatives des instances de dialogue, lesquelles assurent une expression collective des salariés. Rouvrir ce chantier alors que la réforme vient à peine d'entrer en vigueur ne nous paraît pas opportun. Ce serait même une source d'instabilité juridique pour les entreprises.
En outre, cet alinéa semble faire fi de la convention C135 de l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant les représentants des travailleurs, ratifiée par la France le 30 juin 1972. Son article 5 prévoit que « lorsqu'une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu'il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les représentants élus, d'une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d'autre part ».
Enfin, pour ce qui est de la base de données économiques et sociales, outil d'anticipation et d'information à disposition des représentants du personnel, il ne faudrait pas que cet alinéa aboutisse à relancer les débats difficiles que nous avons pu avoir en commission des affaires sociales ou dans l'hémicycle, notamment sur l'égalité professionnelle, sujet qui tient à coeur au Gouvernement.
Le texte permet ici à chaque entreprise d'adapter par accord la périodicité et le contenu des négociations annuelles obligatoires et des consultations, et ce au-delà des limites actuelles. Aujourd'hui, la périodicité des négociations annuelles obligatoires, par exemple celles sur les salaires ou l'égalité professionnelle, peut être adaptée par accord, la seule restriction étant qu'elles doivent avoir lieu au moins tous les trois ans – avant la loi Rebsamen, ce devait être tous les ans. Ce que vous appelez « assouplissement » est en réalité un durcissement, et si ce durcissement devait entrer en vigueur, cela signifierait que les négociations annuelles obligatoires deviendraient quasi optionnelles, au détriment des droits des salariés dans l'entreprise, qui devraient parfois attendre plusieurs années la revalorisation de leur rémunération ou l'amélioration de leurs conditions de travail.
Cette disposition offre une illustration supplémentaire du paradoxe, de la contradiction, du double discours du Gouvernement quant à ses objectifs. S'il prétend, en paroles, renforcer le dialogue social, il fournit en réalité des armes de destruction juridique massive pour condamner les obligations de négociation et de consultation en permettant leur étalement dans le temps. Cela nous semble contraire au bon sens. Il est plutôt urgent de renforcer les prérogatives des syndicats et des représentants du personnel pour l'acquisition de nouveaux droits sociaux dans l'entreprise. Et ce n'est pas en diminuant les droits des syndicats et des travailleurs que l'on va provoquer le bien-être dans l'entreprise. Aujourd'hui, les méthodes les plus modernes de management se fondent précisément sur les droits des salariés et sur le bien-être au travail. Ce sont les entreprises qui y recourent qui obtiennent les mêmes résultats. Vous faites donc fausse route.
Les mots ayant encore un sens, je veux simplement préciser que nous ne sommes pas « assignés à résidence », nous sommes des députés en session, qui travaillent, en l'occurrence en session extraordinaire. Je tenais à apporter cette rectification. Par ailleurs, les parlementaires présents ici sont tous responsables de leurs actes et de leurs votes, tout est transparent, retransmis, et nous n'avons donc pas besoin de nous répandre ailleurs.
Nous serons d'accord, monsieur Nilor, pour considérer que le bien-être au travail est un élément d'épanouissement, mais je ne pense pas que cet alinéa 9 contrevienne à cette idée que nous partageons manifestement tous deux – et sans doute avec d'autres membres de cette commission.
Ces amendements identiques prévoient de supprimer l'alinéa dont l'objet est de permettre à l'accord collectif d'adapter la périodicité des consultations et négociations obligatoires dans l'entreprise, leur contenu et celui de la BDES. Effectivement, la loi dite Rebsamen a déjà ouvert la possibilité de procéder à des adaptations en la matière par voie d'accord d'entreprise. Il s'agit donc d'aller plus loin afin de permettre une amélioration de la qualité de la négociation collective et des consultations des instances représentatives du personnel, et sans doute un approfondissement de ces échanges dès lors que le choix des sujets sera plus adapté aux spécificités de chaque entreprise.
Par ailleurs, et à titre personnel, je ne comprends pas l'argument selon lequel cette disposition contreviendrait à la convention C135 de l'OIT. Il n'est effectivement pas prévu de retirer quelque compétence que ce soit aux délégués du personnel ou aux délégués syndicaux.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
Donner plus de possibilités de discuter de l'agenda social entre partenaires sociaux, ce n'est pas réduire leurs droits, c'est au contraire permettre plus d'implication, moins de formalisme et plus de droits réels. Cela ne change rien aux obligations, notamment à l'obligation de conformité à la loi. Pouvoir, dans une entreprise, entre partenaires sociaux, discuter du rythme et du contenu de l'agenda social permet plus d'avancées qu'un formalisme en apparence sécurisant.
Prenons un premier exemple : un certain nombre d'entreprises ont réussi à atteindre l'égalité des salaires entre les hommes et les femmes. C'est une obligation légale, mais nous n'y sommes pas encore, même à travail égal. Toutes celles qui y sont parvenues l'ont fait sur un agenda pluriannuel, car c'est très difficile en une seule année. Tant qu'on en reste à discuter année par année, on a toujours une bonne excuse pour dire qu'on ne va pas y arriver ! Sur trois ans, il est difficile de prétendre que c'est impossible. C'est d'ailleurs pourquoi de nombreuses organisations syndicales demandent aujourd'hui cette flexibilité en matière d'agenda social. Il est des plans d'action pluriannuels qui sont plus volontaristes que des plans annuels successifs.
Deuxième exemple : PSA à Rennes a passé un accord triennal dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO), et en même temps un accord de compétitivité. De l'avis même des organisations syndicales, cette discussion d'ensemble de l'agenda social a rendu l'entreprise suffisamment compétitive pour qu'elle rachète Opel.
N'allez pas imaginer que les représentants du personnel et les organisations syndicales accepteraient de différer de trois ans une mesure qu'il serait possible de prendre dans l'année ou en deux ans ! Ils savent ce qu'est la défense des salariés. La réalité, c'est qu'il est parfois plus intéressant de mettre en place un plan volontariste sur deux ou trois ans en se donnant rendez-vous pour un suivi annuel. Une négociation pluriannuelle sur trois ans a souvent plus de force que trois négociations annuelles. L'alinéa 9 ouvre une possibilité en la matière sans rien changer aux obligations prévues actuellement.
Je rassure enfin les députés qui s'inquiètent de la conformité de cet alinéa à l'article 5 de la convention n° 135 de l'OIT. Cette disposition ne vise pas à diminuer des droits mais, au contraire, à donner une faculté supplémentaire aux partenaires sociaux. Cela explique que le Conseil d'État ait considéré qu'elle n'était pas contraire à la convention.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement AS131 de M. Adrien Quatennens.
Madame la présidente, je voulais simplement dire tout à l'heure que cette session extraordinaire n'a pas de bornes connues…
L'amendement AS131 vise à substituer aux mots « la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires, ainsi que d'adapter le contenu et les modalités de fonctionnement de », les mots : « une périodicité plus fréquente et un contenu plus large que ceux prévus par la loi des consultations et des négociations obligatoires, ainsi que d'élargir le contenu et d'améliorer l'accès des représentants des salariés à ».
Les consultations périodiques obligatoires sont nombreuses et dépendent du type d'institution représentative du personnel (IRP) considérée. Les principales concernent le comité d'entreprise. Elles constituent la traduction du principe de participation des travailleurs à la gestion de leur entreprise, inscrit à l'alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946. Permettre la modulation de la périodicité et du contenu de ces consultations par voie d'accord, c'est remettre entre les mains des entreprises les mesures d'application de ce principe constitutionnel.
Les négociations obligatoires concernent des sujets d'une importance cruciale pour les salariés. Les thèmes obligatoirement posés sur la table chaque année sont : les salaires effectifs, la durée effective du travail, l'organisation du temps de travail, l'intéressement, la participation et l'épargne salariale, la protection sociale complémentaire des salariés, l'égalité femme-homme, le handicap, l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi, la pénibilité, le droit d'expression, la qualité de vie au travail, la conciliation entre vie syndicale et vie professionnelle. D'autres thèmes doivent être négociés tous les trois ans.
Le contenu des négociations obligatoires est actuellement prévu par la loi. Le Gouvernement pourrait s'appuyer sur cet article pour laisser aux entreprises la liberté de fixer le contenu de la négociation. Des thèmes aussi importants que les salaires, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou les conditions de travail pourraient tout simplement disparaître de la table des négociations si ces sujets étaient vidés de leur contenu.
Il est actuellement possible de déroger à la périodicité des négociations par voie d'accord, mais uniquement dans une limite fixée par la loi en passant d'un à trois ans ou de trois à cinq ans. Cette disposition permettrait au Gouvernement de prendre une ordonnance laissant à la libre appréciation des négociateurs la périodicité des négociations sans encadrement par la loi. Ainsi, ces sujets d'une importance cruciale pour les salariés pourraient n'être plus négociés que très rarement puisque le projet de loi d'habilitation ne prévoit aucune limite à l'adaptation de la périodicité des négociations.
La base de données économiques et sociales (BDES) donne aux IRP le droit d'accès aux données relatives à l'entreprise. Lorsque des négociations et des consultations ont lieu, elle est censée mettre sur un pied d'égalité le chef d'entreprise, qui a accès à toutes les données, et les IRP qui n'ont accès qu'à cette base. Il existe donc déjà un déséquilibre dans le droit positif.
Le contenu de cette base de données est actuellement fixé par la loi. Le Gouvernement souhaite être habilité à prendre une ordonnance permettant de modifier son contenu et ses modalités de fonctionnement sans qu'aucune garantie ne soit apportée quant à l'amélioration de cet outil au profit des salariés. Il souhaite également pouvoir autoriser son adaptation par voie d'accord. Rien n'interdirait donc à l'employeur, sous couvert d'un accord signé dans les conditions très larges prévues par la présente loi d'habilitation, de retirer aux IRP l'accès à des données essentielles pour l'ensemble des consultations et négociations, ce qui déséquilibrerait encore d'avantage le rapport de force.
L'amendement AS131 vise à encadrer le Gouvernement pour que les ordonnances qu'il souhaite prendre ne puissent qu'être favorables aux salariés.
Je rappelle que le temps de parole pour la défense initiale d'un amendement est limité à deux minutes…
Avis défavorable. Après avoir défendu un amendement de suppression de l'alinéa 9, M. Quatennens propose de modifier le dispositif dans un sens qui va à l'encontre de la piste que le Gouvernement entend explorer.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS132 du même auteur.
L'article 45 de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social prévoit que « la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l'entrée en vigueur de la présente loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs ». L'alinéa 10 vise à habiliter le Gouvernement à supprimer les garanties de non-rétroactivité des dispositions législatives prises dans la loi de 2004. Nous entendons maintenir ces garanties en supprimant cet alinéa.
Avis défavorable. Cet amendement défend une position politique globale visant à supprimer un alinéa qui permet la mise en oeuvre des ordonnances.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS72 de M. Loïc Prud'homme.
L'amendement AS72 vise à supprimer l'alinéa 11. Selon nous, rien ne justifie ni la méthode ni l'empressement du Gouvernement à faire examiner ce projet de loi par le Parlement dans de telles conditions.
Avis défavorable. Il s'agit uniquement d'une question rédactionnelle puisque l'alinéa 11 ne constitue que l'introduction des dispositifs qui suivent.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de trois amendements identiques AS133 de M. Adrien Quatennens, AS154 de M. Joël Aviragnet, et AS186 de M. Pierre Dharréville.
L'amendement propose de supprimer l'alinéa 12 qui vise à favoriser la négociation dans l'entreprise avec des élus ou des salariés au détriment du délégué syndical. Cet alinéa est en contradiction avec l'article 2 qui prévoit « de favoriser les conditions d'implantation syndicale et d'exercice de responsabilités syndicales ». Ce texte pose donc un problème de cohérence.
Le délégué syndical, représentant de son organisation syndicale dans l'entreprise, est le négociateur par défaut. En son absence, il est possible de négocier avec les élus, mandatés ou non par une organisation syndicale (OS) et enfin avec des salariés mandatés par les OS. Ces possibilités sont limitées à certaines matières et encadrées par des validations syndicales etou par voie de référendum dans l'entreprise. Avec ce projet de loi d'habilitation, le Gouvernement aurait la possibilité d'ouvrir autant qu'il le souhaite les possibilités de recourir à des négociateurs non syndiqués ni même élus. Il pourrait s'agir d'élus ou de salariés proches de l'employeur. La notion de « facilitation » est suffisamment floue pour qu'on ne puisse déduire la voie que le Gouvernement souhaite emprunter.
« Faciliter » les possibilités de négocier pour d'autres acteurs que le délégué syndical aurait pour conséquence d'inciter l'employeur à ne pas favoriser l'implantation d'une organisation syndicale dans son entreprise puisqu'il pourrait utilement remplacer le délégué syndical par un autre négociateur. Je rappelle que les élus bénéficient d'une protection moins importante, d'un appui moindre et d'une formation de moins bonne facture que le délégué syndical. La qualité des négociations et la protection des travailleurs s'en trouveraient nécessairement amoindries.
Cet alinéa, aux contours très flous, semble vouloir relancer le débat sur le recours à la consultation des salariés dans l'entreprise. La loi Travail avait pourtant tranché ce débat dans son article 10 en généralisant le principe de l'accord majoritaire au niveau de l'entreprise et en introduisant la possibilité de consulter directement les salariés pour valider cet accord lorsque celui-ci n'a pas recueilli l'aval d'une majorité de syndicats représentatifs dans l'entreprise. Un calendrier précis avait été arrêté.
La généralisation des nouvelles règles de validité des accords d'entreprise s'applique déjà aux accords de préservation ou de développement de l'emploi. Depuis le 1er janvier 2017, elle s'applique aux accords collectifs qui portent sur la durée du travail et sur les repos et les congés, et, à compter du 1er septembre 2019, elle s'appliquera à l'ensemble des autres accords collectifs.
Je rappelle au Gouvernement qu'il lui a été demandé de remettre au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2018, un rapport faisant le bilan de la mise en oeuvre de ces nouvelles règles de validité des accords conclus au niveau de l'entreprise.
Ainsi que le préconise le Conseil d'État dans son avis rendu le 22 juin dernier sur le texte que nous discutons, il serait opportun d'attendre la remise de ce rapport avant de légiférer dans la précipitation. Cela permettrait de garantir la stabilité législative et réglementaire nécessaire aux entreprises et d'éviter l'inflation législative, conformément au voeu exprimé par le Président de la République lui-même. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa.
Nous sommes tous convaincus qu'il faut faire confiance au dialogue social, mais cela ne signifie pas qu'il faille avoir confiance dans la pagaille sociale.
Avec cette disposition de l'article 1er, le Gouvernement entend faciliter la négociation d'un accord en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise. Ce projet de loi d'habilitation vise ainsi à faire sauter les derniers garde-fous salutaires qui empêchent des élus sans étiquette de signer des accords sur des sujets aussi importants que le temps de travail, la santé, la sécurité, la préservation de l'emploi…
Comment imaginer qu'une telle mesure puisse renforcer le dialogue social ? Nous sommes persuadés qu'elle va plutôt le court-circuiter.
Loin de favoriser le développement de la présence des organisations syndicales dans l'entreprise, l'objectif inavoué de telles dispositions est, une fois de plus, de permettre le contournement des syndicats et l'affaiblissement de leur pouvoir dans la défense des salariés. Nous ne pouvons partager cette vision des choses.
Avis défavorable. Ces trois amendements visent à supprimer un alinéa qui fait explicitement référence à une disposition du code du travail précisant la façon dont sont conduites les négociations en l'absence de délégué syndical. Rien n'indique dans le projet de loi d'habilitation que le Gouvernement souhaite limiter les compétences actuelles des délégués syndicaux ; l'alinéa 12 se contente de faire référence aux entreprises qui n'en ont pas désigné. Je n'arrive pas à suivre le raisonnement qui justifie ces amendements.
Nous avons entendu ce matin des partenaires sociaux nous expliquer qu'il n'y avait pas toujours de représentant syndical dans les petites entreprises. Il me semble pourtant important que ces dernières puissent entrer dans le champ de la négociation collective, c'est en tout cas ma conception du dialogue social.
Avis défavorable. Nous ne sommes pas confrontés à un débat théorique sur la présence des délégués syndicaux dans l'entreprise, mais à une question pragmatique : Alors que, depuis 1982, toutes les entreprises de plus de dix salariés sont censées compter des délégués syndicaux, on en trouve seulement dans 4 % des entreprises de onze à cinquante salariés, 39 % des entreprises de cinquante à trois cents salariés, 83 % des entreprises de trois cents à cinq cents personnes, et 93 % des entreprises de plus de cinq cents salariés. Autrement dit, malgré les efforts de tous, le problème n'a donc pas été résolu depuis 1982.
La question n'est pas de limiter les droits des délégués syndicaux, mais d'agir concrètement pour la large majorité des petites entreprises qui n'en ont pas. Devons-nous nous contenter de faire le constat que la situation n'est pas réglée depuis plusieurs décennies ? Les partenaires sociaux ont eux-mêmes admis que la technique du mandatement ne fonctionnait pas. Il faut nous montrer inventif. Pour faire avancer le dialogue social, nous devons trouver une solution pragmatique et efficace, y compris pour les petites entreprises.
Nous sommes actuellement en pleine concertation sur le sujet avec les partenaires sociaux. Dès la semaine prochaine, nous en aurons tiré les conclusions, et je pourrai vous décrire en séance publique le schéma auquel nous pensons pour les ordonnances. En tout cas, nous n'irons pas dans le sens d'un découragement de la syndicalisation ; il faut encourager la syndicalisation, mais une syndicalisation qui marche et qui corresponde à un vrai dialogue social dans l'entreprise. Nous sommes face à une sorte de véritable défi d'ingénierie sociale : il faut trouver en la matière une solution simple, pragmatique et qui fonctionne.
La disposition que les amendements visent à supprimer est seulement destinée à permettre que le fruit de la concertation sociale et de nos débats trouve sa place dans les ordonnances. Nous ne devons pas rester sur un constat d'échec partagé depuis des décennies.
La Commission rejette ces amendements.
Elle en vient à l'amendement AS17 de M. Gérard Cherpion.
Il vise à compléter l'alinéa 12 par les mots : « notamment par des élus non mandatés ; ».
Pour que le dialogue social puisse avoir lieu, il faut ouvrir le plus grand nombre de possibilités et élargir le champ des participants potentiels. J'ai conscience que le problème se pose surtout dans les petites et très petites entreprises.
Votre amendement est satisfait car les élus non mandatés peuvent déjà, dans certaines conditions, négocier des accords dans l'entreprise. Ils sont donc concernés par les dispositions du projet de loi d'habilitation au même titre que les salariés mandatés.
L'adoption de l'amendement contraindrait le Gouvernement et les partenaires sociaux à se pencher en priorité sur la négociation des accords collectifs avec des élus non mandatés. Comme l'indiquait Mme la ministre hier soir, il est préférable que toutes les options restent ouvertes à ce stade de la concertation. D'où mon avis défavorable.
Aujourd'hui, le mandatement est obligatoire, mais cette solution ne marche pas. Différentes hypothèses sont sur la table pour dégager une solution pragmatique qui fonctionne. J'invite M. Cherpion à retirer son amendement afin que nous puissions discuter de ce sujet la semaine prochaine en séance à partir des éléments concrets issus de la concertation.
Ce matin, les organisations syndicales, en particulier celles qui représentent l'artisanat, nous ont confirmé que les toutes petites entreprises, celles qui comptent deux, trois ou quatre salariés, étaient bien confrontées à de réels problèmes pour trouver des délégués syndicaux. Il faut trouver une solution adaptée.
Les propos de Mme la ministre m'incitent à retirer mon amendement. Il faut toutefois trouver une solution, et nous veillerons lors des débats dans l'hémicycle à ce que le dialogue social soit le plus large possible. Nous devons revenir sur la question du mandatement qui constitue le problème de fond.
L'amendement est retiré .
La Commission est saisie des amendements identiques AS134 de M. Adrien Quatennens, AS156 de M. Joël Aviragnet, et AS179 de M. Pierre Dharréville.
Le droit positif permet déjà de faire valider un accord par référendum même si seulement 30 % des organisations syndicales représentatives sont signataires du projet d'accord. Une importante liberté est laissée à l'employeur pour définir les modalités d'organisation de cette consultation. Il subsiste quelques voies de recours ouvertes aux organisations syndicales représentatives non-signataires devant le juge, mais elles sont déjà très limitées.
L'alinéa 13 vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures limitant les possibilités de contestation des accords d'entreprise. Cela aurait pour conséquence de marginaliser encore davantage le rôle des organisations syndicales dans l'entreprise. Cet alinéa est donc contradictoire avec l'article 2 du projet de loi d'habilitation qui prévoit « de favoriser les conditions d'implantation syndicale et d'exercice de responsabilités syndicales ». Nous proposons de lever cette contradiction en supprimant l'alinéa 13.
Les organisations syndicales ayant recueilli au moins 30 % des suffrages peuvent d'ores et déjà, sans que l'obligation leur en soit faite, demander la consultation des salariés afin de légitimer les accords conclus. Cette disposition vise simplement à débloquer la situation en ouvrant la possibilité de consulter les salariés lorsqu'un accord a été conclu par des organisations ayant recueilli entre 30 % et 50 % des suffrages.
L'alinéa 13 est particulièrement vague. Il pourrait laisser entendre que la procédure de consultation des salariés serait déclenchée à la seule demande de l'employeur alors même que le Gouvernement doit rendre au Parlement un rapport d'évaluation de l'application des nouvelles règles de majorité applicables aux accords portant sur la durée du travail, les repos, les congés, ainsi qu'aux accords de préservation ou de développement de l'emploi. Ce rapport nous permettrait d'évaluer l'opportunité de généraliser par un nouvel acte législatif les nouvelles règles de validité à l'ensemble des accords collectifs. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa.
Notre amendement AS179 a pour objet de supprimer l'habilitation donnée au Gouvernement de « faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord ».
Personne ne peut avoir une vision absolument idyllique du monde de l'entreprise ! Malheureusement, celle-ci n'est pas toujours un lieu de débat serein et neutre, totalement libéré des rapports de subordination et de domination.
La volonté du Gouvernement est en réalité de reconnaître le référendum d'entreprise à l'initiative de l'employeur afin de valider un accord collectif. Une telle mesure conduirait à remettre en cause l'existence même des organisations syndicales au sein des entreprises en favorisant leur contournement.
Je conclus par une hypothèse qui n'est pas totalement une boutade. Imaginons un chef d'entreprise gaulliste, il en existe encore : devra-t-il démissionner si les résultats d'un référendum ne sont pas ceux qu'il attendait ?
Je ne peux qu'être défavorable aux trois amendements de suppression de l'alinéa 13 qui habilite le Gouvernement à faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord d'entreprise. Contrairement aux collègues qui ont défendu ces amendements, je fais une lecture positive de cette disposition. La consultation en question n'a pas vocation à contourner les syndicats. Elle a été rendue possible par la loi très récemment, et les exemples d'application sont très positifs. J'y vois plutôt une deuxième chance donnée à la négociation collective en cas de blocage partiel du dialogue social au sein d'une entreprise.
Je suis favorable à toutes les dispositions présentées par le Gouvernement qui viseront à faire avancer la négociation collective et à trouver de nouveaux terrains de négociation. Autoriser les syndicats à recourir à la consultation des salariés me semble constituer l'une des modalités possibles.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine l'amendement AS18 de M. Gérard Cherpion.
À l'alinéa 13, après le mot « salariés », je propose d'insérer les mots : « par l'employeur ».
L'extension du champ de l'accord majoritaire, qui permet de renforcer la légitimité des accords conclus, peut parfois créer des situations de blocage dans certaines entreprises. C'est d'ailleurs pourquoi la loi du 8 août 2016, dite « loi Travail », avait prévu la possibilité de valider des accords signés par des organisations syndicales représentant plus de 30 % des suffrages aux élections professionnelles et approuvés par une majorité de salariés.
La loi réserve actuellement l'initiative du recours à la consultation directe auprès des salariés aux seules organisations syndicales, ce qui introduit un déséquilibre dans la négociation au détriment de l'employeur. Il est souhaitable de permettre à ces derniers de recourir à cette consultation des salariés. Cette disposition serait particulièrement utile pour les petites entreprises.
Avis défavorable. Je recherche moi aussi le point d'équilibre dans ce projet de loi ; or l'introduction de cet amendement reviendrait à restreindre très fortement le champ de l'habilitation car, tel qu'il est rédigé, il ne laisserait à l'ordonnance que la possibilité de donner l'initiative de la consultation des salariés aux employeurs. Je fais confiance aux discussions en cours pour fixer les modalités de cette consultation.
J'essaie de ne pas reprendre systématiquement l'argument de la concertation en cours mais, en l'occurrence, ce sujet est également sur la table ces jours-ci. Dès la semaine prochaine, je pourrai vous présenter ce que le Gouvernement envisage d'inscrire dans les ordonnances.
Je vous donne régulièrement des nouvelles de la concertation afin que le débat soit le plus riche possible et que le mandat que vous nous donnerez soit le plus précis possible. Sur le sujet que vous évoquez, monsieur Cherpion, nous avons encore besoin de quelques jours…
Si l'on avait pris un peu plus de temps pour travailler sur ce texte, je crois que nous ne rencontrerions pas ce type de problème.
Cela dit, après avoir entendu vos arguments, je retire mon amendement. J'en déposerai un identique en séance si vous n'avez pas trouvé de solution d'ici à la semaine prochaine.
L'amendement est retiré .
La Commission examine les amendements AS135 de M. Adrien Quatennens, AS157 de M. Joël Aviragnet, et AS187 de M. Pierre Dharréville.
L'amendement AS135 vise à supprimer l'alinéa 14.
La loi du 8 août 2016 a déterminé une entrée en application progressive de l'accord dit « majoritaire », c'est-à-dire de l'accord signé par les OSR pesant plus de 50 % dans l'entreprise. À défaut, c'est la procédure « minoritaire » validée par référendum qui s'applique. Cette entrée en application s'étend jusqu'en 2019. La loi d'habilitation permet de rapprocher cette échéance.
Les modalités d'application de l'accord majoritaire sont variables. Dans certains cas – fusion des institutions représentatives du personnel, accords modifiant les règles de négociations périodiques –, on exige 50 % des suffrages exprimés, dans d'autres, 50 % des suffrages exprimés pour les seuls syndicats représentatifs. Ces modalités permettent de parvenir à un accord plus facilement. Si elles étaient étendues à tous les accords, il serait plus simple pour l'employeur de fusionner les institutions représentatives du personnel ou de négocier moins souvent sur les douze thématiques de la négociation obligatoire parmi lesquelles les salaires, l'égalité professionnelle ou la pénibilité.
Avec l'alinéa 14, que notre amendement AS187 vise à supprimer, le Gouvernement entend modifier « les modalités d'appréciation du caractère majoritaire des accords collectifs ». Il compte ainsi reporter l'application de la règle selon laquelle un accord collectif n'est valide que s'il réunit 50 % des suffrages exprimés. Une telle mesure va à l'encontre du renforcement de la légitimité syndicale et nuit, d'une certaine façon, à la qualité du dialogue social.
Avis défavorable, mais je crois que je vais vous surprendre : la loi actuelle prévoit que tous les accords doivent être majoritaires à partir du 1er septembre 2019… Nous avons introduit cette disposition afin de pouvoir discuter avec les partenaires sociaux de la possibilité d'anticiper sur cette date et non de retarder l'entrée en vigueur du dispositif. Dès lors que nous misons sur le dialogue social, il est cohérent de renforcer l'accord majoritaire.
Si cette disposition donnait lieu à la rédaction d'une ordonnance – je rappelle que toutes les dispositions de la loi d'habilitation ne seront pas nécessairement suivies d'une ordonnance –, il s'agirait d'avancer la mise en oeuvre du dispositif relatif à l'accord majoritaire.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
La Commission examine l'amendement AS81 de M. Adrien Quatennens.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 15 de l'article 1er. Selon nous, rien ne justifie la méthode utilisée par le Gouvernement ni son empressement à faire examiner ce projet de loi par le Parlement dans de telles conditions.
Avis défavorable. J'ai compris, au cours des échanges que nous avons eus ce matin, que la réduction du nombre de branches était plutôt consensuelle.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS136 de M. Adrien Quatennens.
Notre amendement propose de rédiger ainsi l'alinéa 15 : « d) Revenant sur la procédure de restructuration des branches professionnelles et modifiant la section VIII du chapitre Ier du titre VI du livre II de la deuxième partie du code du travail et l'article 25 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels dans un sens garantissant que le droit conventionnel retenu soit le plus favorable aux salariés ; ».
Le d) du 2° de l'article 1er vise en effet à habiliter le Gouvernement à prendre une ordonnance permettant l'accélération de la restructuration des branches. Or le dispositif de restructuration engagé par la loi du 8 août 2016 traduisait déjà une volonté de forcer les branches à négocier leur fusion, sous peine d'être fusionnées d'autorité par décision gouvernementale. L'article 25 de la loi El Khomri prévoit ainsi le délai de mise en oeuvre de la fusion forcée en cas d'absence de négociation de nouvelles conventions de branche. Ce délai est de trois ans à compter d'août 2016, soit d'ici au mois d'août 2019 ; avant cette date, le Gouvernement ne peut, sauf exception, procéder à la fusion des branches d'autorité.
Or ce délai pourrait être réduit par la loi d'habilitation, permettant ainsi au Gouvernement de fusionner plus facilement les branches, par exemple en supprimant les obligations de consultation de la Commission nationale de la négociation collective ou en limitant le droit accordé aux organisations syndicales de proposer un projet alternatif. Cette fusion pourrait se faire au détriment des droits des salariés et être effectuée d'autorité par le Gouvernement dans des délais très brefs.
L'amendement AS136 vise, au contraire, à donner plus de temps à la négociation au niveau des branches, afin d'aboutir à une fusion concertée que les représentants des salariés et des employeurs pourront s'approprier pleinement, et à harmoniser par le haut les droits des salariés.
Avis défavorable. J'ai déjà indiqué pourquoi il me paraissait préférable d'accélérer, plutôt que de ralentir, la restructuration des branches. Quant à l'harmonisation par le haut des droits des salariés, elle relève de la responsabilité des partenaires sociaux habilités à négocier les accords et conventions collectives de branche et non du processus de restructuration des branches en tant que tel.
Avis défavorable. Cet amendement m'étonne car, actuellement, faute de restructuration, dans certaines branches, on ne négocie sur rien. Les droits des salariés seront donc mieux protégés une fois la fusion réalisée, puisque l'ensemble des branches seront alors actives. Leur responsabilité sera, de fait, renforcée. Par ailleurs, la loi ne nous autorise pas – ce serait du reste absurde - à nous passer de l'avis de la Commission nationale de la convention collective ; la procédure de consultation n'est pas modifiée.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques AS137 de M. Adrien Quatennens et AS159 de M. Joël Aviragnet.
L'amendement AS137 vise à supprimer l'alinéa 16 de l'article 1er. Le 3° de cet article vise, en effet, à supprimer la commission composée de praticiens et d'experts instituée par la loi du 8 août 2016 et qui avait pour objet d'étudier une refondation de la partie législative du code du travail. Cette commission, composée à parité d'hommes et de femmes, devait être associée aux travaux des organisations syndicales de salariés et d'employeurs et du Haut Conseil du dialogue social.
En supprimant cette commission, le Gouvernement disposera de toutes les marges de manoeuvre possibles pour mener à bien sa « refondation » du droit du travail en France. Pour réussir son coup de force social, il veut s'assurer qu'aucune institution ne pourra contester sa vision des choses. Il fait ainsi preuve d'autant de respect vis-à-vis de cette commission que vis-à-vis de la représentation nationale. Cet alinéa est symptomatique de la dérive pharaonique de la monarchie présidentielle. (Sourires.)
La commission de refondation du code du travail, composée d'experts et de praticiens des relations sociales, disposait de deux ans, à compter de la promulgation de la loi « Travail », pour réécrire, en lien avec les organisations syndicales, le code du travail selon une architecture en trois parties : ordre public, champ de la négociation collective, règles supplétives.
Après avoir très largement débattu de cette question, la précédente assemblée avait arrêté une méthode claire et rigoureuse pour élaborer une réécriture qui permette d'améliorer l'articulation des niveaux de négociation, comme le souhaite le Gouvernement, sans jamais remettre en cause les principes fondamentaux garantis par notre code du travail. Par l'alinéa 16, qui tend à supprimer purement et simplement la commission de refondation du code du travail, le Gouvernement nous dévoile sa méthode, qui tient en deux mots : précipitation et impatience.
Avis défavorable. Il me semble que la méthode du Gouvernement est plutôt celle de la concertation. Cette concertation est en cours, et elle consiste à écouter, comme la commission de refondation du code du travail avait vocation à le faire. Dès lors, il me semble nécessaire de maintenir l'alinéa 16.
Je rappelle que la commission de refondation du code du travail avait pour mission de préciser les règles qui sont impératives, celles qui relèvent de la négociation et celles qui sont supplétives. D'une certaine façon, c'est ce que nous allons faire dans la loi d'habilitation et les ordonnances ; une partie du code du travail sera ainsi réécrite et simplifiée. Dès lors, maintenir cette commission n'aurait guère de sens : dans la mesure où l'on est directement dans le droit « dur », on n'a pas besoin de passer par deux ans de concertation pour faire un rapport qui aboutirait à une loi dans trois ans.
La Commission rejette ces amendements.
Puis elle adopte l'article 1er sans modifications.
Après l'article 1er
La Commission est saisie de l'amendement AS6 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement tend à autoriser l'employeur ou les syndicats signataires d'un projet d'accord qui a fait l'objet d'une opposition des syndicats représentatifs à faire trancher le différend par le personnel dans le cadre d'une consultation obéissant aux règles énoncées à l'article 10 de la loi dite El Khomri.
Avis défavorable, pour une raison de méthode et pour une raison de fond. Tout d'abord, vous proposez de préciser « en dur » le sens d'une réforme que le projet de loi propose de faire à la suite d'une concertation avec les partenaires sociaux. Ce faisant, vous préjugez du résultat de cette concertation, dont il n'est pas certain qu'elle ira dans le sens de votre amendement. Sur le fond, vous revenez sur le principe de l'accord majoritaire, dont la mise en place est, selon moi – et la ministre l'a confirmé –, indispensable pour assurer la légitimité des accords d'entreprise.
J'entends bien l'argumentation de M. le rapporteur, mais cet amendement correspond à une situation bien précise. Emmanuel Macron avait annoncé, lors de la campagne pour l'élection présidentielle, qu'il ferait preuve de pragmatisme. Or, récemment, l'entreprise Smart s'est retrouvée dans une situation de blocage parce que les syndicats étaient opposés à un accord pourtant souhaité par la très grande majorité des salariés. Je suis prêt à retirer cet amendement si vous nous proposez une solution concrète susceptible de résoudre un tel problème.
La question que vous soulevez relève davantage des ordonnances que du projet de loi d'habilitation. Or, la concertation, en cours de finalisation, doit s'achever cette semaine. Nous serons donc en mesure de vous dire, la semaine prochaine, ce que nous avons retenu de la concertation sur ce point et ce que nous envisageons de faire dans le cadre des ordonnances. Le débat pourra alors avoir lieu au fond, sur une base plus concrète.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS5 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement a pour objet d'autoriser les employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés pourvues d'institutions représentatives du personnel mais privées de délégué syndical, à signer des accords collectifs directement avec ces institutions, quel que soit le thème abordé. Il tend également à autoriser les employeurs des entreprises de cette taille dépourvues à la fois de délégué syndical et d'institutions représentatives du personnel à faire approuver directement par les salariés, à la majorité des deux tiers, des projets portant sur l'intégralité des thèmes abordés dans le code du travail. Dans tous les cas de figure, l'accord ainsi conclu devra être envoyé à la DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) qui devra exercer un contrôle de légalité dans les deux mois.
Enfin, l'amendement prévoit que, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés, l'employeur pourra toujours, s'il le souhaite, conclure un accord avec un salarié mandaté dans les conditions de droit commun.
J'ai bien compris que l'amendement de notre collègue lui avait été inspiré par son expérience et sa connaissance des entreprises, mais, nous l'avons déjà évoqué, il soulève un problème de méthode. Sur le fond, je rappelle que les dispositions du projet de loi d'habilitation doivent pouvoir répondre aux problèmes liés au mandatement et au dialogue social dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Avis défavorable, donc.
Êtes-vous défavorable à mon amendement pour une question de méthode ou pour des raisons de fond ?
La Commission rejette l'amendement.
Article 2 : Nouvelle organisation et renforcement du dialogue social dans l'entreprise
La Commission est saisie des amendements identiques AS42 de M. Loïc Prud'homme et AS173 de M. Pierre Dharréville.
Nous proposons de supprimer l'article 2, pour les motifs que nous avons déjà exposés : la méthode utilisée par le Gouvernement et son empressement à faire examiner le projet de loi par le Parlement.
L'amendement AS173 tend à supprimer l'article 2. En effet, à peine deux ans après la loi dite Rebsamen, qui a déjà modifié profondément les règles du dialogue social dans l'entreprise, cet article tend à réorganiser l'ensemble des institutions représentatives du personnel et à refondre les règles de négociation. D'un côté, à l'article 1er, on donne davantage de poids à la négociation d'entreprise et, de l'autre, on en enlève aux institutions représentatives du personnel, ce qui pourrait apparaître comme contradictoire.
Sur le fond, cette fusion est une des mesures qui ont été le plus contestées par les organisations représentatives des salariés lors de leur audition par notre commission, ce matin. De fait, le principe d'une instance unique impliquerait, à terme, la disparition des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, fondus dans un même organisme. Ce projet de fusion suscite, en outre, des inquiétudes concernant la santé et la sécurité, qui sont des questions majeures, non seulement dans l'industrie mais dans l'ensemble des entreprises – je pense aux débats de ces dernières années sur la santé au travail et le harcèlement. Les craintes sont immenses de voir ces questions noyées dans les discussions qui se dérouleront au sein de l'instance unique : tout porte à croire qu'on leur accorderait beaucoup moins d'importance et que les droits des salariés seraient amoindris dans ce domaine.
Vous prétendez renforcer le dialogue social, mais cette mesure conduirait à l'affaiblir et à réduire les prérogatives des représentants du personnel. Par ailleurs, elle remettrait en cause le monopole syndical en matière de négociation des accords en permettant à la nouvelle instance unique de disposer des attributions normalement dévolues aux délégués syndicaux.
De telles dispositions vont affaiblir, selon nous, la présence des syndicats et des institutions représentatives du personnel dans les entreprises, au détriment des droits des salariés et de la nécessaire représentation collective de leurs intérêts.
Avis défavorable. Je ne vous étonnerai pas, monsieur Dharréville, en vous disant que je n'ai pas la même lecture que vous de l'article 2… Je soutiens pour ma part que le projet de loi d'habilitation vise plutôt à renforcer la formation des représentants du personnel et à mieux les associer aux décisions à prendre dans l'entreprise, qui reste une communauté de vie. En outre, l'instance résultant de la fusion présentera l'avantage – et j'en parle en connaissance de cause – d'assurer une forme de continuité entre les discussions qui se déroulent dans chacune des instances actuelles.
Votre remarque sur la santé et la sécurité au travail est intéressante, mais je ne crois pas, pour ma part, que les partenaires sociaux perdront en professionnalisme en la matière. J'ai, du reste, remarqué, à titre personnel, qu'ils se montraient souvent intéressés par les formations qui peuvent leur être proposées dans les domaines de l'hygiène et de la sécurité – et, ce matin, j'ai interrogé les représentants des organisations de salariés sur ce point. Ma lecture de l'article 2 est donc plutôt positive, dans la mesure où il permettra à chacun des représentants des salariés d'agir de manière plus pertinente.
Enfin, vous avez évoqué la question du monopole syndical. Là encore, je n'ai pas la même interprétation de cette disposition que vous : il n'y a aucune volonté de contourner le délégué syndical ou de remettre en cause le monopole syndical. Il s'agit plutôt de le revaloriser, car nous avons besoin de partenaires sociaux implantés et compétents pour avoir des échanges de qualité au sein de l'entreprise ou de la branche.
La Commission rejette ces amendements.
Puis elle examine l'amendement AS89 de M. Loïc Prud'homme.
Même argumentation : nous proposons la suppression de l'alinéa 1 de l'article 2, pour des raisons de méthode.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques AS9 de M. Loïc Prud'homme et AS180 de M. Pierre Dharréville.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'amendement AS91 tend à supprimer l'alinéa 2.
L'amendement AS180 a pour objet de réduire quelque peu le champ d'application de l'article 2. Tout à l'heure, vous avez dit, madame la ministre, qu'il ne fallait pas restreindre celui de la concertation, mais il s'agit bien, ici, du champ de l'habilitation ; d'où ce type d'amendements.
L'alinéa 2 de l'article 2 tend à fusionner au sein d'une seule instance les institutions représentatives du personnel. Au-delà de la remise en cause du droit de tous les salariés à une représentation collective, je souhaiterais vous alerter sur les conséquences que pourrait avoir une telle mesure. Outre la disparition du CHSCT en tant qu'entité autonome et, partant, du contrôle spécialisé des conditions de travail et de sécurité, et celle des délégués du personnel, élus de proximité chargés de relayer les revendications des salariés auprès des employeurs, selon la taille des entreprises concernées, les protections spécifiques dont bénéficient les représentants du personnel en matière de licenciement ne seront plus, en raison de la limitation du cumul des mandats successifs, que temporaires, de sorte que l'on peut s'interroger sur la capacité qu'ils auront de s'affirmer pleinement face à l'employeur. Le droit des élus du personnel à disposer d'une expertise indépendante dans le cadre des procédures d'information et de consultation pourrait également être remis en cause. Dès lors, quels moyens les représentants du personnel auront-ils pour peser, dans les échanges qu'ils auront avec leur direction, sur les décisions économiques ou la politique sociale ?
Une telle mesure affaiblirait encore les droits des salariés face à leur employeur. C'est pourquoi je propose de supprimer l'alinéa 2 de l'article 2.
Avis défavorable. Je n'ai pas lu dans le projet de loi que la fusion impliquerait la disparition des prérogatives des instances actuelles. J'entends votre inquiétude, mais il ne s'agit pas de supprimer des compétences ; il s'agit de les réunir, de les mutualiser, pour leur donner plus d'efficacité et de pertinence.
Le sujet, vous l'avez dit, est important. Il ne s'agit nullement d'affaiblir la discussion dans l'entreprise, au contraire. Regrouper les trois institutions d'information et de consultation permettra à l'instance résultant de leur fusion, donc aux représentants du personnel, de bénéficier d'une vision complète des choses et d'intervenir en connaissance de cause sur les aspects économiques et sociaux. Nous souhaitons en effet favoriser un dialogue à la fois social et économique qui prenne en compte la marche des affaires, la conquête des marchés, l'organisation du travail, les conditions de travail, la formation ainsi que les problèmes du quotidien. La qualité des débats s'en trouvera, me semble-t-il, renforcée car on aura, de part et d'autre, une vision complète de l'entreprise et de son fonctionnement au quotidien. Il n'est évidemment pas question de remettre en cause les compétences et les prérogatives actuelles du CHSCT notamment, qui doivent être entièrement transférées à la nouvelle instance. C'est un élément extrêmement important, non seulement pour les salariés mais aussi pour les entreprises, car la qualité de vie au travail contribue à l'efficacité. Les discussions que nous avons actuellement avec les partenaires sociaux portent principalement sur les moyens, les champs de compétence, la possibilité d'ester en justice, etc.
Par ailleurs, dans le projet de loi, la fusion ne concerne que les trois instances d'information et de consultation, car nous avons considéré que les délégués syndicaux jouaient un rôle de négociation, de nature différente. Ainsi, ils ne pourront faire partie de la nouvelle instance que si eux-mêmes le demandent dans le cadre d'un accord d'entreprise, afin de pouvoir disposer d'un pouvoir de négociation plus important. Tel sera certainement le cas dans un certain nombre d'entreprises, mais pas dans la majorité d'entre elles pour l'instant. C'est pourquoi il ne nous a pas paru pertinent d'inclure automatiquement les délégués syndicaux dans ce regroupement.
En tout état de cause, la nouvelle instance contribuera à simplifier le dialogue social dans sa forme et à le renforcer sur le fond.
La Commission rejette ces amendements.
Elle en vient ensuite à l'examen de l'amendement AS162 de M. Joël Aviragnet.
Compte tenu des éléments de réponse apportés aux deux amendements précédents, je me dis que celui-ci a peut-être quelque chance de prospérer. Il s'agit de substituer, au début de l'alinéa 2, au mot : « Fusionnant » le mot : « Regroupant ».
L'article 2 fait écho à l'article 14 de la loi relative au dialogue social et à l'emploi de juillet 2015. Depuis sa création, la Délégation unique du personnel (DUP) est un réel succès, puisqu'elle concerne plus de 60 % des entreprises de 50 à 200 salariés disposant d'une instance représentative du personnel et, selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), 24 % des entreprises de 200 à 300 salariés.
Dans les entreprises de plus de 300 salariés, un accord collectif majoritaire peut déjà procéder au regroupement des instances représentatives du personnel, qu'il s'agisse de deux d'entre elles ou des trois. L'instance ainsi créée exerce l'ensemble des attributions des institutions qu'elle regroupe en leur lieu et place.
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, il est désormais possible de mettre en place une DUP en y intégrant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Il s'agit d'un regroupement, et en aucun cas d'une fusion. Au sein de la DUP, chaque institution – délégués du personnel, comité d'entreprise et CHSCT – conserve ses attributions. Substituer le mot « regroupant » au mot « fusionnant » permettrait ainsi de garantir les prérogatives de chaque institution, tout en respectant l'esprit du texte.
Je n'ai évidemment pas la même lecture de cet article que M. Vallaud. Il y a bien une distinction entre le regroupement, tel qu'il existe dans le cadre de la délégation unique du personnel et que notre collègue a très bien explicité, et la fusion qui, ainsi que Mme la ministre vient de l'expliquer, procède d'une vision plus globale. Le regroupement dans lequel les différentes instances sont juxtaposées ne correspond pas à l'ambition que nous nous sommes fixée dans ce projet de loi d'habilitation. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS20 de M. Gérard Cherpion.
Cet amendement tend à insérer, à l'alinéa 2, après la première occurrence du mot : « instance », les mots : « par accord collectif d'entreprise ou d'établissement ». Il convient en effet de préciser que la fusion ne pourra se faire que par accord collectif pour permettre à chaque entreprise d'adapter la composition et les missions de ses membres en fonction de ses caractéristiques sociales et techniques.
Avis défavorable. À ce stade, une telle mesure aboutirait à restreindre les possibilités offertes au Gouvernement dans le projet de loi d'habilitation. Je souhaite, pour ma part, que le champ de la concertation soit le plus large possible, et je ne voudrais pas que l'on en préempte les résultats.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS30 de M. Francis Vercamer.
Par cet amendement, nous proposons que les ordonnances précisent les seuils à partir desquels l'instance unique de représentation du personnel sera mise en place. J'en profite pour évoquer le problème posé par les autres seuils, ceux de dix et vingt, que j'ai évoqués hier et sur lesquels je ne peux déposer d'amendement car cela élargirait le champ de la loi. J'en appelle donc à Mme la ministre pour que le Gouvernement en dépose un à ce sujet.
J'ai bien compris la préoccupation de M. Vercamer concernant les effets de seuil, qu'il a évoqués à plusieurs reprises. L'approche n'est pas la même dans le projet de loi d'habilitation, et vous avez perçu que la fusion pourra intervenir indépendamment de ces effets de seuil. Cependant, il va de soi que cette question doit être traitée dans les ordonnances, mais cela relève effectivement de la responsabilité du Gouvernement. En l'espèce, nous devons laisser les choses se faire. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques ASAS94 de M. Loïc Prud'homme et AS181 de M. Pierre Dharréville.
Rien, selon nous, ne justifie ni la méthode employée par le Gouvernement ni son empressement à faire examiner le projet de loi par le Parlement dans de telles conditions. L'ampleur des réformes proposées mérite que celui-ci les examine de manière sereine et exhaustive.
L'alinéa 3 de l'article 2 vise à confier à la nouvelle instance unique des prérogatives en matière de négociation des accords. Cette disposition, qui a fait l'objet, ce matin, de remarques de la part des organisations syndicales, aura pour effet – je maintiens cette lecture du texte, monsieur le rapporteur – de supprimer le monopole syndical en matière de négociation, faisant droit ainsi à une demande récurrente du MEDEF. Elle mettra également fin à une distinction fondamentale entre le rôle de représentation des élus du personnel et le pouvoir de négociation, à terme, des délégués syndicaux désignés par les organisations syndicales. Elle risque donc d'affaiblir l'indépendance d'un certain nombre de représentants du personnel, liés à l'employeur par leur contrat de travail, alors que le mandat syndical garantit une forme d'indépendance et une formation dispensée par les organisations syndicales.
Ce texte semble ainsi obéir à deux logiques antinomiques. Alors que le projet de loi prône une décentralisation de la négociation collective en faisant confiance aux acteurs de terrain, il oeuvre dans le même temps à affaiblir les acteurs du dialogue social.
Enfin, j'avoue ne pas percevoir la plus-value produite par la fusion des différentes instances ni les droits nouveaux qu'y gagneront les salariés.
Je sais, pour avoir travaillé dans plusieurs établissements différents, que les représentants du personnel sont souvent curieux de ce qui a pu se dire dans les instances autres que celle dans laquelle ils siègent. À cet égard, la fusion pourrait répondre à leurs attentes et accroître l'impact de leurs décisions, voire de leurs réflexions. Je suis donc évidemment défavorable à ces amendements. L'objectif de la nouvelle instance, loin de réduire leurs prérogatives, est de permettre aux représentants du personnel d'avoir une vision exhaustive et plus complète de l'entreprise.
La Commission rejette ces amendements.
La Commission en vient à l'examen de l'amendement AS21 de M. Gérard Cherpion.
Il s'agit de compléter l'alinéa 3 par les mots « y compris en l'absence de délégué syndical », afin de permettre aux entreprises qui n'ont pas de délégués syndicaux de s'appuyer sur leurs représentants élus et leurs délégués du personnel pour faciliter le processus de négociation et de conclusion d'accords.
Votre amendement est très clairement satisfait, puisque l'habilitation couvre les cas où il n'y a pas de délégué syndical. Qui plus est, il oriente l'issue de la concertation en cours entre le Gouvernement et les partenaires sociaux en les obligeant à convenir d'une position sur ce point. Ce n'est pas un bon signal. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS96 de M. Loïc Prud'homme.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 4, car rien ne justifie la méthode employée par le Gouvernement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS165 de M. Adrien Quatennens.
Cet amendement vise à renforcer le principe de participation des salariés à la gestion de leur entreprise, conformément à l'article 8 du préambule de la Constitution de 1946.
Cet amendement crée de la rigidité et des obligations inutiles. Il est préférable de prévoir des mesures incitatives qui visent à encourager les entreprises à mettre en place des dispositifs associant mieux les salariés aux décisions de l'entreprise. Avis défavorable.
Dans les entreprises où les délégués syndicaux et l'employeur décident par accord de fusionner les quatre instances de représentation, la question se posera automatiquement. Il faut donc laisser évoluer les choses, et le texte en l'état me semble suffisamment ouvert pour que les acteurs s'en saisissent si besoin est. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS146 de M. Adrien Quatennens.
Le 4° de l'article 2 vise à améliorer la participation et la représentation des salariés dans les organes délibérants des entreprises ; cet amendement vise à mieux cadrer les marges de manoeuvre du Gouvernement en donnant aux salariés un droit de veto sur certaines mesures concernant les décisions stratégiques des entreprises.
Cette rédaction restreindrait considérablement le champ de l'habilitation et empêcherait notamment le Gouvernement en concertation avec les partenaires sociaux, de décider d'une augmentation des administrateurs salariés ou d'étendre le champ des entreprises soumises à la mesure, ce qui serait, de mon point de vue, très dommage. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS33 de M. Francis Vercamer.
L'alinéa 5 de l'article 2 précise les conditions de représentation et de participation des salariés dans les organes d'administration des sociétés dont l'effectif dépasse certains seuils. Ces seuils ne déterminent pas pour autant le nombre d'administrateurs au conseil d'administration, puisque c'est l'assemblée générale qui en décide, ce qui fait que si le nombre d'administrateurs est limité, les salariés peuvent s'y retrouver majoritaires. Nous proposons donc de limiter le nombre de salariés administrateurs à 30 % des effectifs du conseil d'administration, afin d'éviter qu'ils détiennent une majorité de blocage.
Ma lecture diverge de la vôtre, et je considère qu'il est positif, et consensuel, de laisser ouverte la possibilité d'améliorer les conditions de représentation des salariés dans les conseils d'administration et de surveillance de certaines sociétés.
Vous proposez d'instaurer un plafond de représentation, ce qui limite la latitude des négociations en cours, sachant par ailleurs que les administrateurs salariés ne disposent pas au sein des conseils du droit de vote sur tous les sujets dans ces instances. Je fais confiance à l'intelligence collective et à la responsabilité des chefs d'entreprise pour éviter que l'on en arrive à des situations de blocage. Avis défavorable.
Nous touchons là à ce qui est peut-être le coeur du problème : sur quoi se fonde le pouvoir des uns et des autres au sein de l'entreprise, est-ce sur le capital ou sur le travail ? Nous soutenons la proposition de la France insoumise d'instaurer un droit de veto pour les salariés ; M. Vercamer veut, au contraire, limiter le pouvoir des salariés de peser sur les décisions stratégiques des entreprises. L'un des enjeux du XXIe siècle est précisément de faire progresser le pouvoir des salariés dans les entreprises en diminuant celui des actionnaires et des propriétaires.
On a tendance à se focaliser sur les entreprises du CAC40 en oubliant les nombreuses entreprises familiales où il n'y a que quelques actionnaires, membres de la famille. Avec ce genre de dispositions, on est en train de les tuer toutes !
La Commission rejette l'amendement.
J'aimerais appeler votre attention, madame la présidente, sur le fait que, malgré des améliorations, le système informatique de l'Assemblée ne permet plus de retrouver certains amendements déposés sous la précédente législature. C'est dommage.
Monsieur Hetzel, l'administration me confirme que les amendements déposés sur les textes déjà examinés sont toujours disponibles et visibles sur le site de l'Assemblée et se tient à votre disposition pour vous aider à y accéder.
Nous poursuivrons l'examen du texte lors de la prochaine séance.
La séance est levée à dix-neuf heures cinq.