Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 14h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • FCPE
  • enseignant
  • fédération
  • handicapé
  • porteur
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

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La réunion

Source

Jeudi 16 mai 2019

L'audition débute à quatorze heures trente-cinq.

Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de M. Rodrigo Arenas, co-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE), et Mme Isabelle Pinatel, administratrice.

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Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions par celle de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE), avec M. Rodrigo Arenas, son co-président, et Mme Isabelle Pinatel, administratrice, à qui je souhaite la bienvenue.

La FCPE est une association « loi de 1901 » reconnue d'utilité publique, présente sur l'ensemble du territoire, y compris dans les établissements français à l'étranger. Elle est la première fédération de parents d'élèves : en octobre 2018, elle a obtenu 11 % des voix aux élections des représentants des parents d'élèves aux conseils des écoles, et 42 % aux élections aux conseils d'administration des établissements du second degré. Elle est investie sur le sujet de l'école inclusive et a d'ailleurs constitué un réseau de référents handicap dans les établissements.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter serment, devant cette commission d'enquête, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Arenas et Mme Pinatel prêtent serment.

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Nous souhaitons la bienvenue à la FCPE. Notre commission d'enquête attache une grande importance à l'expertise des parents et à leur rôle dans la communauté éducative, notamment sur le sujet qui la concerne.

L'objet de cette commission est d'établir, avec l'ensemble des acteurs, un diagnostic partagé sur la mise en oeuvre de la loi de 2005, en mesurant ses avancées, mais aussi les obstacles qu'elle rencontre. Ce diagnostic est important : nous devons savoir d'où nous venons pour décider où nous allons. Il nous permettra d'élaborer, avec l'ensemble des acteurs, des propositions pour transformer le droit formel acté par la loi de 2005 en un droit réel, concret, pour les enfants et les familles.

Le champ couvert par notre commission embrasse la transition inclusive de la maternelle jusqu'à l'université, en passant par la formation professionnelle. C'est vous dire son étendue. Nous avons l'ambition de rédiger un acte II de la loi 2005, afin d'offrir des droits nouveaux aux enfants en situation de handicap.

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Isabelle Pinatel, administratrice de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

Je vous remercie de votre accueil. Cet exercice est nouveau pour moi. Je vais vous parler avec mes mots et mon coeur de maman.

La FCPE représente 280 000 adhérents qui, sur le terrain, au quotidien, mettent tout en oeuvre pour que les enfants en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers soient réellement pris en compte à l'école dans leurs spécificités.

Nous pensons que la notion d'inclusion doit être comprise dans son sens le plus large et qu'elle ne concerne pas uniquement les enfants en situation de handicap. Elle questionne la capacité de l'école à accueillir tous les enfants sans discrimination : les enfants allophones, les enfants de migrants, les enfants de familles éloignées de l'école dans les territoires, les enfants malades, les enfants souffrant de troubles de l'apprentissage, les jeunes d'orientation sexuelle ou d'identité de genre minoritaires.

Pour la FCPE, le rôle de l'école est d'accueillir et d'accompagner tous les élèves quelles que soient leurs spécificités. Or, nous l'observons sur le terrain, l'école reste encore très formatée. Malgré les nombreux efforts des équipes éducatives, les familles qui ont un enfant en situation de handicap font face à un véritable parcours du combattant pour le scolariser. Les difficultés qu'elles rencontrent engendrent une très grande souffrance, ce que nous ne pouvons accepter en tant que parents et représentants de la FCPE. Le mot « souffrance » ne devrait pas avoir droit de cité à l'école.

Il y a pourtant de la souffrance à l'école, et pas forcément où l'on croit. Les banlieues, bien sûr, concentrent un grand nombre de problèmes, mais d'autres situations génèrent de la souffrance. Je pense, par exemple, aux enfants intellectuellement précoces, dont la prise en compte est encore très à la traîne en France. Les enfants autistes sont, quant à eux, de mieux en mieux intégrés à l'école. Ce sont des enfants comme les autres, qui ont une richesse extraordinaire.

Au quotidien, le parcours administratif des parents d'enfants handicapés – tout du moins de ceux qui savent qu'il existe un parcours administratif – est insupportable. Il faut attendre des mois après le diagnostic – quand celui-ci a lieu, car il n'est pas rare de voir arriver en terminale des élèves en situation de handicap qui n'ont jamais été diagnostiqués.

L'idéal est quand le diagnostic intervient avant l'école ou à la maternelle. Il peut aussi survenir de manière plus tardive, au collège : mieux vaut tard que jamais. Il y aussi le cas de l'élève qui n'est jamais diagnostiqué ou celui de l'enfant qui ne va jamais à l'école.

Nous ne disposons pas de chiffres sur les enfants qui ne vont jamais à l'école. Je pense, en particulier, aux enfants déficients visuels, pour lesquels, dans mon département, l'Aude, il n'existe absolument aucune école, aucune unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) permettant de les accueillir. Personne, pourtant, ne me fera croire qu'il n'y a pas d'enfants déficients visuels dans ce département.

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Je suis justement députée de l'Aude. Je confirme qu'il n'y a pas d'établissement pour enfants déficients visuels.

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Isabelle Pinatel, administratrice de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

Notre inspecteur académique chargé du handicap et des élèves à besoins éducatifs particuliers (EBEP) ne ménage pas ses efforts, mais, sur le terrain, les familles ne sont pas toujours écoutées, ni surtout entendues.

Les élèves sont avant tout des enfants. Or qui connaît mieux un enfant que son père ou sa mère ? Bien souvent, que ce soit à la maternelle, à l'école primaire, au collège ou au lycée, lorsque des parents rencontrent un enseignant pour l'informer de leur intention de solliciter un diagnostic, il répond que les problèmes de leur enfant sont liés avant tout à son éducation. L'éducation a bon dos ! Nous connaissons nos enfants. Nous savons quand il y a quelque chose qui ne va pas. Nous demandons à être écoutés et à travailler avec les enseignants pour faire vivre la coéducation.

Les parents se heurtent souvent à des portes fermées dans les établissements, et pas seulement en raison du plan Vigipirate. Il est temps de faire évoluer la vision du handicap dans la société française. Le handicap n'est pas un problème, mais une richesse. Les enfants handicapés sont différents, mais ce sont des enfants. Nous sommes tous différents, mais ils le sont un peu plus.

À condition de reconnaître cette différence, de la comprendre et d'en faire une force pour le groupe, alors la scolarisation des élèves handicapés est un succès. Dans certains établissements, la communauté éducative pratique une véritable coéducation et met tout en oeuvre pour que les besoins de chaque enfant, quel qu'il soit, soient respectés et entendus. Nous sommes réunis aujourd'hui pour dire ce qui ne va pas, mais aussi pour souligner ce qui se passe bien.

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Je vous propose de passer maintenant aux questions.

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Je vous remercie, madame, pour votre contribution.

Les inégalités territoriales sont au coeur de notre mission. Quelles informations pouvez-vous nous communiquer à ce sujet ?

Les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) ont donné lieu à plusieurs expérimentations. Il est prévu de les généraliser avant le retour d'expérience. Qu'en pensez-vous ?

Avez-vous eu connaissance des annonces faites hier en Conseil des ministres par la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées de la création de 3 000 PIAL et du déploiement des ULIS, des unités d'enseignement en maternelle autisme (UEMA) et des unités d'enseignement externalisées (UEE) ? La FCPE a-t-elle été consultée ?

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Rodrigo Arenas, co-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour cette audition. Il est important, pour notre fédération, d'être reçue par le Parlement. Les lois qu'il s'apprête à voter auront des répercussions importantes sur les territoires et donneront aux parents un cadre juridique pour exiger l'application de leurs droits. Les moyens actuellement déployés sur le terrain ne sont pas toujours suffisants pour les garantir.

La prise en compte des enfants à besoins particuliers et, plus largement, de tous les enfants victimes de discriminations, est liée aux moyens déployés par les collectivités territoriales. Force est de constater, malheureusement, que les situations diffèrent fortement selon les départements et que les petits Français ne sont pas tous traités à la même enseigne, qu'il s'agisse des moyens alloués aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et au dispositif d'adaptation scolaire et de scolarisation des élèves porteurs de handicap (ASH), du nombre de personnels accompagnants mis à disposition dans les écoles, ou des dispositifs de formation proposés aux professionnels pour les aider à répondre aux besoins des élèves handicapés.

Il en découle une véritable rupture d'égalité républicaine. La vision uniforme de la classe ne correspond pas à l'hétérogénéité des situations qui attendent les élèves une fois sortis du système scolaire.

Les outils numériques sont devenus incontournables et la FCPE s'est depuis longtemps penchée sur leur usage. Nous savons que les enfants autistes sont tout à fait à même de s'y adapter, mais cette capacité n'est pas valorisée sur le plan scolaire. Non seulement on laisse penser au reste des élèves que les besoins particuliers des enfants autistes ne sont pas normaux, mais on leur fait croire qu'ils sont un frein au développement collectif de la classe. C'est tout l'inverse, ce dont chacun se rend compte une fois achevé son parcours scolaire.

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Voulez-vous dire qu'il ne faut pas seulement prendre en compte les besoins particuliers des enfants en situation de handicap, mais également leurs talents particuliers ?

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Rodrigo Arenas, co-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

L'école ne peut pas se contenter d'être uniquement dans la détection. Elle ne peut pas fonctionner comme une équipe de foot qui cherche à recruter des joueurs et qui attribue à chacun une place – défenseur, attaquant, gardien, etc. – en fonction de ses dispositions. Les élèves qui sont bons en maths sont dirigés vers la filière scientifique, ceux qui se distinguent en langues se voient proposer une autre voie, mais les enfants porteurs de handicap ne sont orientés nulle part.

Comme disait Albert Einstein, quand on demande à un poisson de grimper à un arbre, il pense toute sa vie qu'il n'a aucun talent. Nous en sommes là aujourd'hui. Il n'existe aucune orientation pour les élèves handicapés, ou alors une orientation intimement liée à la vision qu'a l'enseignant du handicap de l'élève.

Isabelle Pinatel a évoqué tout à l'heure les discriminations de genre. Il reste compliqué pour les élèves homosexuels de faire leur coming-out au lycée, ce qui pose également la question de l'inclusion scolaire. Ainsi l'intégration scolaire des enfants de migrants dépend-elle fortement des établissements dans lesquels ils sont accueillis.

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Je vous rappelle, monsieur Arenas, que la commission d'enquête se centre sur les enfants en situation de handicap. Les sujets que vous évoquez sont éminemment importants, mais ils ne sont pas au coeur de notre mission.

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Rodrigo Arenas, co-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

J'en conviens, mais il arrive que certains élèves cumulent les difficultés. C'est le cas, par exemple, d'un enfant porteur de handicap qui a une orientation sexuelle et une situation administrative qui ne correspondent pas à la norme. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, certains enfants sont à la fois issus d'une famille migrante et porteurs de handicap. Pour eux, les choses sont encore plus difficiles.

À la FCPE, nous accompagnons ces familles dans leur parcours administratif. Elles ont du mal à comprendre que l'attention des pouvoirs publics soit principalement portée sur le handicap de l'enfant, au détriment d'autres aspects importants. De ce point de vue, la question de la formation des enseignants est centrale. Ils ne sont pas suffisamment préparés à l'accueil des élèves aux situations compliquées.

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Isabelle Pinatel, administratrice de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

La FCPE, première fédération de parents d'élèves, n'a jamais été consultée sur les PIAL. Mme Sophie Cluzel, que nous avons rencontrée il y a près de deux mois, s'est engagée à ce que notre fédération intègre le groupe de travail créé sur ce dispositif. Nous attendons donc d'être contactés.

Une expérimentation est en cours dans le département de l'Aude, mais elle soulève de nombreuses questions. Au comité départemental de l'éducation nationale (CDEN), j'ai tapé du poing sur la table en tant que représentante de la FCPE : tout le monde parle du handicap, mais personne ne fait rien ! À ma demande, un groupe de travail a été créé sur le handicap, avec le soutien du préfet et de l'agence régionale de santé (ARS).

La première réunion a été organisée un lundi matin à 9 heures… Je travaille, je me lève à 4 heures du matin tous les jours et je suis bénévole. Je ne pouvais évidemment pas y assister. La participation des parents d'élèves est pourtant indispensable. Ce sont eux qui expliquent aux familles le fonctionnement de l'école. Ils ont une parole de parents et parlent le même langage qu'eux.

Le groupe de travail qui s'est réuni a discuté des PIAL, mais je n'y étais pas. Comment voulez-vous que j'explique ensuite ce dispositif aux autres parents ? Je ne suis pas en mesure de vous donner aujourd'hui mon avis à son sujet. La FCPE n'a pas été consultée.

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J'en référerai à mon préfet. Il n'est pas normal, en effet, de tenir une réunion sans les parents d'élèves.

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Isabelle Pinatel, administratrice de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

Le mot « coéducation » a été créé par l'éducation nationale. Comment les parents peuvent-ils aider les enfants en situation de handicap s'ils ne sont jamais, ou très peu, intégrés aux processus mis en place ?

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J'aimerais revenir sur l'accompagnement des parents et sur le déni du handicap, que vous avez évoqué, monsieur Arenas. Quand la communauté pédagogique alerte une famille sur le problème d'un enfant qui pourrait relever d'une situation de handicap, il n'est pas rare qu'elle se heurte à une forte résistance. La FCPE a-t-elle travaillé sur l'accompagnement des parents dans l'acceptation du handicap de leur enfant ?

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J'étais directrice d'école jusqu'à la veille de mon élection et je suis rapporteure spéciale des crédits de l'enseignement scolaire à la commission des finances. À ce titre, j'auditionne toutes les fédérations de parents d'élèves. L'Assemblée nationale s'apprête, dans le cadre du printemps de l'évaluation, à évaluer les politiques publiques. J'ai choisi quant à moi le thème de l'école inclusive et je serais intéressée de connaître votre évaluation de la politique qui lui est consacrée.

Pour rédiger mon rapport, j'ai conduit de nombreuses auditions et beaucoup travaillé sur les parcours des enfants, qui peuvent être multiples, selon notamment que le handicap est détecté avant ou pendant l'école. Je suis particulièrement préoccupée par la rupture entre le premier et le second degré. Quel est votre avis sur cette question ?

Quand j'étais directrice d'école, j'ai accompagné des enfants handicapés dans leur parcours scolaire, avec ou sans auxiliaire de vie scolaire (AVS). L'école est le lieu où l'on cherche à rendre autonomes tous les enfants. Malheureusement, lors de l'entrée en sixième, il n'est souvent plus question de plan d'accompagnement personnalisé (PAP) ou de programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) pour l'élève. Je rencontre souvent fin octobre des parents très inquiets.

Le passage dans le second degré est difficile pour tous les enfants. Ils cessent d'être les plus grands de l'école et doivent s'habituer à une manière de fonctionner totalement différente. Si la transition est délicate pour les élèves les plus fragiles, elle l'est encore davantage pour les enfants porteurs de handicap. J'ai souvent eu le sentiment que, pour eux, le premier trimestre de la sixième était perdu. Partagez-vous cette impression ?

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Nous avons reçu de nombreux témoignages de parents plongés dans le désarroi face aux embûches du parcours administratif qu'ils doivent suivre pour scolariser leur enfant. Ils expriment un fort sentiment d'abandon Dans mon territoire, la Seine-maritime, ces témoignages ont été si nombreux qu'ils m'ont conduit à déclencher la création de cette commission d'enquête. Un très grand nombre de parents ont quitté leur travail pour affronter ce parcours du combattant et faire face pendant l'instruction de leur dossier. Celle-ci peut prendre entre trois et dix mois pour aboutir à la notification de la MDPH.

La question des aidants et de leur statut, et des parents en situation d'aidants, est-elle une question qui vous préoccupe et sur laquelle vous avez des propositions ?

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La formation des enseignants, pour leur permettre d'enseigner à tous les élèves quels qu'ils soient, est un sujet qui, je le sais, tient à coeur à la FCPE. Toutefois, à l'école primaire et au collège, les professeurs sont si nombreux qu'il paraît difficile de tous les former. Êtes-vous associés à la formation des enseignants, et si oui comment ? Quelles sont vos attentes dans ce domaine ?

En ce qui concerne les ULIS, il m'a été rapporté que certains enfants qui y sont accueillis n'y auraient pas leur place et qu'ils s'y trouvent faute de pouvoir être admis dans d'autres établissements. Avez-vous la possibilité d'intervenir dans ce type de situation ? Les parents vous sollicitent-ils à ce sujet ? Quel est alors votre rôle ?

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Rodrigo Arenas, co-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

Nous sommes évidemment en contact avec les personnels accompagnants dans les écoles. La FCPE estime que la précarité de leur statut n'est pas propice à l'investissement humain et affectif qui fonde leur mission au quotidien. La faiblesse de leur rémunération et de leur formation nuit également au bon déroulement de leur travail.

Ces personnels accompagnants sont essentiellement des femmes, ce qui doit nous conduire à nous interroger sur la façon dont on considère le handicap en France. On parle souvent des « infirmières scolaires » et rarement des « infirmiers scolaires ». L'institution devrait réfléchir aux dénominations qu'elle utilise pour ce type de métiers, car il s'agit bien de métiers à part entière, qui impliquent la reconnaissance d'un savoir-faire, d'une expérience et un lien spécifique avec la formation, pour tenir compte des avancées de la recherche et de la science.

La FCPE a présidé à différentes rencontres avec les personnels accompagnants, souvent à l'initiative des syndicats qui les représentent. Ces femmes, puisque ce sont généralement des femmes, demandent la reconnaissance de leur statut, de leur métier et de leur rôle auprès des enfants.

Quant à la formation des enseignants, elle ne préoccupe pas seulement les parents d'enfants handicapés, mais tous ceux qui s'intéressent au handicap et qui considèrent comme une richesse pour leur enfant de rencontrer sur les bancs de l'école des enfants différents. Nous avons la prétention de croire que les fédérations de parents contribuent à changer le regard sur le handicap.

L'objectif, en formant les enseignants, n'est pas de former des experts dans l'accompagnement des enfants autistes ou dyslexiques. Il est simplement normal qu'ils sachent accompagner les élèves porteurs de handicap au même titre que les autres enfants. Nous devons en finir avec l'idée selon laquelle un enfant handicapé est source de problème dans une classe, parce qu'il demanderait une attention particulière et détournerait le professeur de son travail avec les autres élèves. Certains parents n'hésitent pas à affirmer que la présence d'un enfant handicapé dans une classe fait baisser le niveau des autres élèves !

Les parents d'enfants en situation de handicap sont confrontés à de nombreuses questions. Notre rôle est de leur proposer des modules de formation et des réunions d'information au sein de l'école, par exemple sur la dyslexie. La FCPE organise aussi des cafés parents et des conférences, et distribue des documents d'information. Nous voulons aider les parents à accepter le handicap à l'école et montrer qu'il ne se traite pas uniquement par une approche médicalisée.

La médicalisation de l'échec scolaire est généralisée dans notre pays. Quand leur enfant rencontre des difficultés à l'école, de nombreux parents consultent un médecin ou un psychologue pour obtenir un certificat médical. Ils trouvent un soulagement à expliquer les mauvais résultats de leur enfant par une dyslexie, une dyspraxie ou un trouble autistique. Tout parent se sent responsable de l'échec de son enfant. Le travail de coéducation évoqué par Isabelle Pinatel est dès lors central. Un handicap scolaire ne doit pas empêcher un enfant de s'intégrer dans une classe.

Dans certains territoires, les parents d'élèves de la FCPE sont invités à participer aux stages de formation des enseignants dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). Néanmoins, dans la grande majorité des ESPE, les parents n'y sont pas associés. Le système, du coup, est bancal. Bien qu'elle soit prévue par la loi, la coéducation peine à exister dans les écoles et les établissements de l'éducation nationale, car elle n'a aucune existence dans la formation des enseignants.

Comment aider les enseignants et les parents à travailler ensemble ? Voilà la question la plus importante. La FCPE considère que lorsque les parents sont associés à la vie de l'école, grâce au travail des fédérations notamment, alors tout est plus simple.

Plus les enseignants sont formés, plus les parents sont associés au projet éducatif de l'école, plus les fédérations et les associations sont impliquées dans l'accompagnement des enfants porteurs de handicap, plus ces élèves sont épanouis, parce qu'ils sentent autour d'eux un climat de bienveillance. Le handicap n'est plus alors une préoccupation ou une charge mentale ; il caractérise simplement des élèves aux besoins particuliers, qui nécessitent davantage de moyens que les autres pour avoir une scolarité harmonieuse. L'objectif de l'école est de rendre les enfants heureux, pas forcément d'en faire des élèves excellents. Mais sur ce point, la position de la FCPE est connue.

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Isabelle Pinatel, administratrice de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

Vous avez, monsieur le rapporteur, évoqué les parents qui cessent de travailler. Nous n'avons pas de préconisations particulières les concernant. J'aimerais simplement souligner que le handicap ne s'arrête pas quand l'enfant sort de l'école. Il pèse sur sa vie du moment où il se lève jusqu'au moment où il se couche.

Certains handicaps sont plus lourds que d'autres mais, bien souvent, la différence vient de la confiance. Certains établissements mènent de véritables politiques d'inclusion et de formation des enseignants. Ils mettent tout en oeuvre pour prendre en compte le handicap : ils essaient, ils proposent, ils associent les parents. D'autres, en revanche, ne font rien, par manque de volonté ou de moyens. Je ne leur jette pas la pierre, je le constate. Les situations sont évidemment différentes à la ville et en pleine campagne.

L'arrêt du travail est une question importante, mais je n'ai pas de solution à vous proposer aujourd'hui. Nous pourrions sans doute y réfléchir.

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Isabelle Pinatel, administratrice de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

S'agissant de la formation des enseignants, il y a tout à faire, selon moi, dans ce domaine. On nous demande régulièrement, dans les départements, de venir expliquer aux futurs professeurs le rôle des fédérations de parents d'élèves, en matière de coéducation notamment. Les formations proposées par l'éducation nationale ne sont pas suffisantes et les enseignants sont de plus en plus nombreux à compléter leur formation dans le secteur privé.

Former les enseignants à l'accompagnement des élèves handicapés, certes, mais à quels moments ? Les professeurs qui se forment pendant leurs heures d'enseignement sont-ils systématiquement remplacés ? Le sujet est complexe, car on ne peut évidemment pas accepter que la formation des enseignants se traduise, pour les élèves, par une rupture des apprentissages.

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Pouvez-vous nous parler des ruptures de parcours, mais aussi de l'organisation de la journée d'un élève handicapé ? Notre commission s'intéresse aux temps périscolaires tels que la cantine, les loisirs du mercredi et les activités sportives.

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Rodrigo Arenas, co-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

L'organisation de la journée dépend du handicap de l'enfant et de son type de scolarisation. En fonction de la prescription du médecin, il peut aller en classe uniquement le matin ou toute la journée. L'adaptation au rythme scolaire est toujours une question délicate.

Les ruptures de parcours ont été évoquées au sujet du premier et du second degré, mais elles concernent aussi l'insertion de l'élève dans la vie professionnelle. Qu'il soit porteur de handicap ne signifie pas qu'il n'aura jamais de travail. Des dispositifs alternatifs à ceux de l'éducation nationale sont souvent proposés à l'adolescence aux élèves handicapés. On a tendance actuellement à vouloir les sortir du milieu ordinaire pour les placer dans des établissements spécialisés.

L'inclusion des adolescents porteurs de handicap dépend des politiques menées par les collectivités territoriales, en particulier les régions, responsables de la formation et des filières professionnelles. Les écoles de la deuxième chance (E2C) sont un choix possible par rapport au parcours scolaire traditionnel, un choix qui relève de l'intimité de la famille et sur lequel nous n'avons que très peu de prise. L'intimité de la famille relève d'une autre dimension que les dispositifs réglementaires. C'est pourquoi la question des ruptures de parcours est si délicate.

Une chose est néanmoins certaine : les enfants handicapés et leurs familles sont victimes d'un plafond de verre. Il est vrai que les dispositifs offerts par l'éducation nationale ne sont pas toujours connus des parents – il faut être un expert pour tous les connaître –, mais les parents eux-mêmes s'interdisent d'en faire la demande, persuadés qu'ils ne conviendront pas à leur enfant et le mettront en échec. Pour ces parents surprotecteurs, toutes les étapes de la vie de leur enfant sont de toute manière vouées à l'échec : l'école, le collège, le lycée et la vie professionnelle.

Il y a pourtant un avenir possible pour les enfants en situation de handicap. Il faut le savoir, il faut y croire aussi. C'est sans doute ce qui manque aujourd'hui à l'école française, pour les enfants handicapés comme pour les autres : nous avons perdu le sens.

Qu'attendons-nous de nos enfants ? Au sein des différentes instances auxquelles nous participons, nous constatons combien il est difficile de répondre à cette question. Mais si nous ne savons pas ce que nous attendons des enfants sans difficultés particulières, comment le saurons-nous pour les enfants porteurs de handicap ? Les ruptures de parcours ne sont pas tant une question de dispositifs que de sens et de perspectives donnés à la trajectoire scolaire de l'enfant.

J'aimerais revenir sur le statut des parents obligés de quitter leur travail pour s'occuper de leur enfant. Leur situation, il faut le redire, est terriblement difficile ; elle l'est encore davantage lorsque l'enfant souffre d'un handicap moteur, ce qui pose des problèmes de logement. Bien souvent, ce sont les mères qui ne travaillent pas. Ces familles mériteraient de bénéficier d'un statut particulier. Elles finissent par reléguer au second plan leur propre avenir. Cette question concerne la société tout entière. La loi sur l'inclusion des enfants en situation de handicap mériterait d'inclure leurs parents. Ils subissent une double rupture et une double peine.

La plupart des parents d'élèves qui aident d'autres parents ont déjà connu le parcours du combattant de la scolarisation d'un enfant en situation de handicap. En Seine-Saint-Denis, une dizaine de parents de la FCPE consacrent toutes leurs journées à aider des familles dans leurs procédures administratives. Nous ne sommes pas autorisés à remplir les dossiers à leur place, et c'est bien ainsi, car ce travail aide les parents à prendre conscience de leur situation. Certains sont si démunis face à la lourdeur des procédures qu'ils échouent à bénéficier de leurs droits.

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Avez-vous entendu parler de la plateforme internet Invorm, créée par une maman ? Elle connaît actuellement un grand succès et vient d'être reconnue officiellement par le secrétariat d'État chargé des personnes handicapées. Elle apporte aux parents une aide précieuse pour connaître les dispositifs et remplir les papiers.

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Isabelle Pinatel, administratrice de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

Je ne connais pas ce site, mais il en existe un très grand nombre. On trouve également pléthore de livres sur le handicap. Le problème est qu'il se dit tout et n'importe quoi. Si les parents trouvaient à l'école toutes les informations dont ils ont besoin, ils n'auraient pas besoin de les chercher ailleurs, au risque d'obtenir des renseignements inexacts.

J'aimerais insister sur deux points. Le premier est qu'il faut commencer à détecter les enfants en situation de handicap dès la maternelle. Malheureusement, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) sont de moins en moins nombreux. J'ai été surveillante et j'ai déjà vu un élève arriver en troisième sans savoir lire. Comment est-il possible que ses difficultés scolaires n'aient pas été détectées plus tôt ? En France, nous faisons tout dans le désordre : la réforme du lycée, puis le collège, et la maternelle en dernier ! C'est pourtant là que tout commence. La maternelle est le chantier prioritaire.

Le second point sur lequel je voudrais vous interpeller concerne les enfants handicapés et à besoins éducatifs particuliers qui passent en conseil de discipline. Je n'ai pas trouvé de rapport sur ce sujet et j'aimerais savoir combien ils sont précisément à être concernés par cette procédure, qui vise purement et simplement à se débarrasser d'eux. Tel est mon avis de maman.

Dans le collège à côté de chez moi, la quasi-totalité des enfants passés en conseil de discipline ont été violents du fait d'un environnement inadapté. La semaine dernière, une accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH) et une enseignante n'ont rien trouvé de mieux que de ceinturer un élève atteint d'un trouble autistique. La loi prévoit un conseil de discipline chaque fois qu'une violence est exercée par un élève, mais je m'interroge, en tant que mère : où la violence commence-t-elle ? Nous avons réussi, lors du conseil de discipline consacré au cas de cet élève autiste, à sauver sa place dans l'établissement. Mais pour celui-là, combien en exclut-on ?

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Il n'appartient pas à la commission d'enquête de répondre aux questions que vous lui posez – c'est plutôt l'inverse. En outre, sa composition plurielle obligerait chacun de ses membres à vous donner son avis, ce qui pourrait être long. En revanche, rassurez-vous : l'incapacité de l'institution scolaire à prendre en charge les enfants en situation de handicap, ainsi que les discriminations, l'exclusion, la stigmatisation et la culpabilisation qu'entraîne cette incapacité, sont au coeur de la réflexion de notre commission d'enquête.

Nous avons sollicité l'éducation nationale et les différents ministres pour obtenir des éléments chiffrés, objectifs, étayés et consolidés. L'un des problèmes auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés est précisément que nous ne parvenons pas à approcher la vérité. À ce jour, nous n'avons toujours pas reçu de réponse du ministère de l'éducation nationale. Nous allons revenir à la charge, car il est dans l'obligation de nous l'apporter.

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Rodrigo Arenas, co-président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE)

Les portails en ligne créés pour informer les parents sont nombreux et bienvenus quand ils sont labélisés par l'État, ce qui atteste de la fiabilité des informations qu'ils contiennent. La simplification administrative menée par le secrétariat d'État est positive. Nous ne savons pas aujourd'hui jusqu'où elle ira, car le groupe de travail annoncé ne s'est pas encore réuni, mais elle est indispensable. Si elle permet aux familles de n'avoir pas à renouveler leur dossier tous les ans, nul doute qu'elle sera fort appréciée.

Sur toutes les questions liées au handicap, la FCPE constate un mouvement de privatisation rampante du service public. Les parents font de plus en plus appel à des professionnels du secteur privé. Ainsi, les quotients intellectuels (QI) n'étant plus détectés à l'école, les parents ont recours à des psychologues libéraux pour faire diagnostiquer leur enfant à haut potentiel. Le prix de la consultation avoisine les cent euros et le diagnostic n'est pas toujours reconnu par l'école.

Il est important que la détection des enfants en situation de handicap soit faite par le corps médical. Cette tâche ne saurait revenir aux enseignants. Hélas, les professionnels extérieurs à l'école ne sont pas toujours fiables. Certains disent aux parents ce qu'ils désirent entendre pour justifier la situation difficile de leur enfant en milieu scolaire. La puissance publique doit jouer son rôle pour réguler ce paysage parfois rocambolesque sur le terrain. Les parents sont confrontés à tout et n'importe quoi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous arrivons au terme de cette audition. Nous vous remercions pour vos témoignages et votre implication auprès des parents.

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N'hésitez pas à nous envoyer des contributions écrites pour compléter ces échanges. Vous pourriez ainsi nous éclairer sur une question que je n'ai pas eu le temps de vous poser : avez-vous connaissance de signalements de situations préoccupantes, à l'initiative des enseignants, concernent des enfants en situation de handicap ?

L'audition s'achève à quinze heures trente.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 14 heures 30

Présents. – Mme Jacqueline Dubois, Mme Nathalie Elimas, M. Sébastien Jumel, Mme Catherine Osson, Mme Cécile Rilhac, Mme Mireille Robert, Mme Sabine Rubin