Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq

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Nous accueillons ce matin une délégation d'INTERFEL, l'interprofession des fruits et légumes bien connue des parlementaires. Nous en accueillons M. Laurent Grandin, son président, M. Daniel Sauvaitre, son secrétaire général, et M. Louis Orenga, son directeur général.

Après un propos liminaire, vous entendrez, messieurs, les questions des membres de la commission. Je suis pour ma part accompagné de Grégory Besson-Moreau qui est le rapporteur de notre commission. Il a été désigné pour élaborer le rapport relatif au rôle et aux pratiques de la grande distribution dans les relations commerciales.

Mais, avant toute chose, je dois vous demander, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de prêter serment.

MM. Laurent Grandin, Daniel Sauvaitre et Louis Orenga prêtent successivement serment.

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Laurent Grandin, président de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

L'interprofession des fruits et légumes frais n'intègre dans son champ que les catégories de produits libellés dans son appellation ; elle n'intègre pas, par conséquent, les fruits et légumes transformés.

Cette interprofession a pour caractéristique de ne pas comporter d'outil industriel de transformation entre le produit et le client. Ainsi, il n'y a pas de goulet d'étranglement, ni de tendance du dispositif de prix à être fixé par un outil industriel de concentration. Elle a pour autre caractéristique quasi unique d'être une interprofession longue qui se compose de quatorze organisations : les producteurs, les représentants de la distribution sous toutes ses formes, mais également les représentants de la restauration collective et les organisations représentant les introducteurs et les importateurs sur le marché national. Dans ce contexte, nous avons adopté une organisation en collèges. Elle donne à chacun un droit de veto, ce qui évite l'imposition de décisions qui ne seraient pas souhaitées par la totalité des familles. De manière claire, c'est un système démocratique qui préside aux destinées de l'interprofession.

L'interprofession finance par ailleurs, dans le cadre des missions prévues dans son organisation commune de marché (OCM) de rattachement, deux structures : le Centre technique interprofessionnel puisque, après la disparition de la taxe fiscale affectée (TFA), les professionnels se sont engagés collectivement à sauver leur centre en le finançant sur leurs deniers ; l'Agence d'information sur les fruits et légumes (APRIFEL), qui permet à la filière d'entretenir des relations avec le monde scientifique et les associations de consommateurs, parties prenantes de cette agence. Sans ces dernières, les comités d'APRIFEL ne peuvent prendre aucune décision. Cela veut dire qu'il n'y a pas de décision qui sorte de ces comités, dans les domaines sociétaux, sans qu'elle ait été validée par les organisations de consommateurs et par le comité scientifique de cette agence. Voilà la façon de fonctionner d'INTERFEL.

Du point de vue de la gouvernance, notre interprofession s'organise en commissions. Pour le sujet qui nous occupe aujourd'hui, il est traité par une commission « Économie », co-présidée par un représentant de l'amont et par un représentant de l'aval, en l'espèce un représentant de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Quant au représentant de l'amont, il est présent à mes côtés. Il s'agit de M. Daniel Sauvaitre. Au sein de cette commission « Économie », un groupe de travail est dédié aux relations commerciales.

Concernant la loi EGAlim, nous avons regretté, dans un premier temps, que chaque interprofession n'ait pas été conviée à la phase constitutive des états généraux de l'alimentation. Néanmoins, l'intervention du Président de la République à Rungis a remis en selle, si on peut le dire, les interprofessions, car le président a souhaité leur confier des plans de filière, plans qui ont été remis dans des délais records au Président et au ministre de l'agriculture. On avait en effet un peu réfléchi à ces questions auparavant.

L'intérêt des plans stratégiques de filières résidait pour nous dans la capacité d'intégrer les spécificités économiques de notre filière dans les textes réglementaires. On constate, à ce jour, que les textes sont cependant restés très généralistes et ne donnent que très peu la possibilité à notre filière que soient prises en compte la spécificité des produits frais, et tout particulièrement des caractéristiques liées au secteur des fruits et légumes.

À ce jour, nous qui sommes issus du secteur des produits frais ne connaissons pas, comme les acteurs de l'agro-industrie, des négociations annuelles sur les prix. Il n'y a pas de négociation annuelle dans notre secteur. Nous ne participons pas au face-à-face entre les industriels et la FCD.

Par ailleurs, le décret concernant la contractualisation instituée par la loi de modernisation agricole n'a été abrogé qu'il y a moins d'un mois. Cela a des conséquences, puisqu'il s'agissait d'une contractualisation obligatoire, contrairement à celle qui est aujourd'hui prévue par les textes pour les fruits et légumes. Ainsi, nous ne pouvions pas commencer à mettre en oeuvre des contrats proposés par l'amont avant que ce décret fût abrogé. Je pense qu'il faut avoir ce point à l'esprit.

Par exemple, nous venons tout récemment de publier un guide sur les relations contractuelles dans la filière. Ce guide est validé par l'ensemble des organisations professionnelles qui composent INTERFEL. Cette publication aurait pu avoir lieu beaucoup plus tôt si nous n'avions pas dû attendre l'application du texte sur la contractualisation et l'assurance de sa conformité avec les dernières ordonnances qui viennent d'être publiées. Ce guide crée les conditions favorables pour atteindre l'objectif de 30 % de contractualisation d'ici fin 2022. Car tels sont les objectifs prévus dans nos plans de filière. Il s'agit d'un engagement collectif. Nous nous sommes déjà mis d'accord, à quatorze familles professionnelles, sur la façon dont on procéderait.

Nous avons signé un accord avec ces quatorze familles, dont la grande distribution et les grossistes, pour que nous atteignions 30 % de contrats dans les cinq ans, en conformité avec la loi EGAlim. Il s'agit tout de même d'un engagement fort. Je me suis assuré, avant de venir ici devant vous, que les familles professionnelles concernées avaient bien exprimé de nouveau leur volonté en ce sens. Je puis aujourd'hui vous dire que j'ai reçu de ces familles professionnelles l'engagement que cet objectif de développement sera tenu.

Présidence de Mme Cendra Motin, vice-présidente de la commission d'enquête.

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Je suis producteur, secrétaire général d'INTERFEL et je copréside la commission économie de l'interprofession.

Notre commission « Économie » traite des relations commerciales. Comme le président vient de l'évoquer, il ne s'agit pas de négociations commerciales, mais bien de relations commerciales. L'ensemble des familles professionnelles se saisit de toutes les difficultés qui peuvent apparaître dans la chaîne qui va de la production jusqu'à la mise sur le marché et à la vente au détail. Nous voulons améliorer ce qui peut l'être par consensus, en arrivant à produire des accords.

Nous avons ainsi publié un guide des relations commerciales, résultat d'un travail de l'ensemble des familles professionnelles. Nous nourrissons le regret de ne pas avoir suffisamment pu faire valoir, dans la loi EGAlim, les spécificités qui sont celles du secteur des fruits et légumes frais. Comme vous le savez, nos productions sont tellement météo-sensibles que la fluctuation, à la vente comme à la production, amène sur les marchés des fluctuations de cours et de volume fondant la nécessité du travail que nous conduisons à INTERFEL.

Ainsi, pas plus tard qu'avant-hier, nous avons été saisis d'un début de crise sur la fraise gariguette et sur la tomate. Immédiatement, nous allons agir, un peu à la manière de ce qu'il se passait il y a un siècle sur la place du village, quand on se rendait compte que la récolte était trop bonne et la vente un peu faible : nous battons le rappel au niveau national, pour vanter la qualité du produit concerné et son faible niveau de prix. Voilà ce que nous allons faire, sans doute dès aujourd'hui.

S'agissant de la mise en oeuvre de la loi EGAlim, la nécessité de construire des indices nous pose difficulté. Comme nous gérons 130 produits, il nous est totalement impossible de définir des prix de revient pour chacun d'entre eux, d'autant plus qu'il y a autant de prix de revient que d'entreprises et de régions. Nous nous employons à produire des indicateurs d'éléments de coût de revient qui permettent aux opérateurs, dès lors qu'ils débattent de la formation du coût et qu'ils contractualisent, de pouvoir être éclairés sur les éléments qui évoluent, de telle sorte que les deux parties ne puissent pas ignorer les fluctuations importantes de certains éléments de coût de revient.

J'en viens à une question sensible, à savoir la mesure technique qui fixe le seuil de revente à perte (SRP) à 110 % du prix d'achat du produit. On ne peut, sur le fond, qu'approuver cette mesure. En effet, elle oblige à dégager de la marge sur certains produits, autorisant à en faire moins sur les nôtres, ce qui les rend plus attractifs. En revanche, il y a, dans les fruits et légumes, de nombreux produits pour lesquels les prix psychologiques s'établissent à 0,99 euro. Or, avec le SRP, s'il veut conserver le niveau antérieur de 0,99 euro, le distributeur est amené à appeler son producteur pour lui demander de baisser son prix, au motif qu'il veut toujours afficher 0,99 euro, mais doit désormais respecter le coefficient. Ce souci temporaire subsistera jusqu'à ce qu'on le moyen de déplafonner ces prix psychologiques.

Mais, dans l'immédiat, l'instauration d'un SRP a plutôt exercé une pression sur la production. Des informations nous sont remontées, selon lesquelles les producteurs se sont ainsi trouvés dans des situations un peu difficiles.

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Monsieur Grandin, vous êtes le directeur de TerreAzur, qui appartient au groupe Pomona, leader français des grossistes en fruits et légumes. Ses produits vont à la grande distribution. Alors que notre commission d'enquête porte sur les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs, je voulais donc savoir si votre parole peut être libre aujourd'hui, et connaître le pourcentage de chiffre d'affaires actuel de votre entreprise qui est lié à la grande distribution.

Concernant la commission économie d'INTERFEL, je voulais savoir quel est, dans le collège qui la constitue, le pourcentage de personnes représentant la grande distribution.

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Nous avons eu l'occasion de recevoir un certain nombre de producteurs représentant différents syndicats ou différentes professions. Pour ce qui est des fruits et légumes, nous avons beaucoup entendu parler de vente directe des producteurs auprès de la grande distribution. J'aurais donc voulu savoir comment votre interprofession accompagne spécifiquement ce mouvement qui, s'il n'est pas majoritaire, est tout de même relativement répandu. Que faites-vous pour accompagner alors les producteurs face à la grande distribution ?

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Quelle est votre appréciation par rapport à la grande différenciation qui existe dans vos produits, entre les produits issus de l'agriculture et les autres ? Est-ce qu'il y a, de la part de la grande distribution, des inquiétudes à avoir sur les produits issus de l'agriculture biologique ?

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Laurent Grandin, président de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Le groupe Pomona est un groupe centenaire qui est à 100 % familial. Il n'est pas coté en Bourse. Comme directeur de TerreAzur pour l'Île-de-France, j'étais spécialiste de la restauration. En effet, TerreAzur constitue sans doute l'une des plus grandes entreprises de France, et peut-être d'Europe, pour la distribution de fruits et légumes en direction de la restauration. Dans ces fonctions, je n'étais donc pas confronté directement, je tiens à le dire, à la grande distribution.

Cela ne veut pas dire qu'un pourcentage de l'activité de Pomona n'est pas fait avec les grands magasins spécialisés (GMS). Mais ce pourcentage est relativement marginal au regard de l'activité d'ensemble de Pomona, activité tournée vers la restauration et vers les métiers de bouche, donc plus vers l'activité de détail traditionnelle que vers la grande distribution.

Aujourd'hui, comme les règles ou les lois n'ont pas encore pu commencer à se mettre en place dans notre secteur et qu'il n'y a pas de négociation annuelle, la négociation avec la grande distribution s'opère de gré à gré. Nous ne connaissons pas de difficultés spécifiques, sachant que les grossistes sont des contributeurs un peu marginaux dans le dispositif de distribution. Car l'essentiel des achats est effectué par les centrales d'achat. Nous ne faisons ainsi que compléter une offre soit d'opportunité, soit de spécificité, au sein de la grande distribution. Nous sommes donc moins touchés frontalement par les produits de masse.

Au niveau de la société Pomona, je n'ai donc pas de remarque particulière à formuler. Mais je ne suis bien sûr pas le dépositaire de la vérité dernière, ni le président de Pomona. Cela se saurait ! Je ne parle qu'u niveau du périmètre d'activité que je connais et dans lequel j'exerce.

Concernant la vente directe des producteurs et ce qu'on pourrait peut-être qualifier de relocalisation des productions de manière générale, il s'agit d'un phénomène qui s'amplifie de manière considérable. Pour la partie que je connais le mieux, à savoir la restauration, il prend très largement le pas sur la diffusion des produits issus de l'agriculture biologique, laquelle peine à se développer en restauration collective pour des questions de coût. Je vous rappelle qu'en effet, sur les dix premiers produits de la restauration, le bio coûte 70 % plus cher que le produit conventionnel. Il faut avoir ces chiffres en tête pour mieux voir combien la marche à gravir est élevée.

Par contre, l'approvisionnement local se développe bien. À INTERFEL, nous avons un principe, tant pour le bio que pour la vente directe : nous n'opposons ni les agricultures ni les circuits. Dans la logique du guide auquel nous avons travaillé et sur lesquels les quatorze familles professionnelles d'INTERFEL se sont mises d'accord, nous avons créé les conditions nécessaires pour faciliter la mise en oeuvre des dispositions de contractualisation là où c'était souhaité. Car, du point de vue de la typologie de nos produits, certains sont prévisibles et d'autres non. La gestion des produits stockables est plus prévisible que celle des produits extrêmement exposés.

Or, pour nouer un contrat, il faut être au moins deux. Il faut qu'un souhait s'exprime. D'ailleurs, la loi EGAlim a renversé le dispositif primaire de la loi de modernisation économique (LME). À notre avis, elle remet ainsi les choses dans le bon sens de la marche. Mais, pour l'heure, et pour les raisons que j'évoquais, nous n'avons pas encore reçu de proposition de contrat de la part de l'amont. Cependant, le guide auquel nous avons travaillé collectivement a précisément pour objet de faciliter l'émergence d'un dispositif conforme à la loi, loi qui n'est pas toujours facile à décrypter pour un producteur individuel.

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Louis Orenga, directeur général de l'Association interprofessionnelles des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Le président d'INTERFEL, lorsqu'il est élu, ne représente plus sa famille professionnelle. Nos statuts font que, dès que le président de l'interprofession est élu, il perd sa qualité de représentant de la famille professionnelle dont il est issu. Une autre personne est nommée et élu pour représenter ladite famille. Le président perd également son droit de vote au sein du conseil, de manière à ce que le président puisse bien représenter l'institution et qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur sa représentativité.

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Quant à la constitution de la commission « Économie », comme je vous l'ai dit, elle est coprésidée à la fois par l'amont, que je représente, et par un membre du FCD. Ainsi, le secteur de l'amont et la grande distribution coprésident la commission. Parmi les membres, chaque famille professionnelle est représentée à égalité. Il y a donc un parfait équilibre.

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Et, au niveau de la commission économistes, y a-t-il un droit de véto des membres, au sein du collège ? Comment est-ce que cela fonctionne ?

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

La commission, en tant que telle, n'a pas de pouvoir de décision. Elle transmet des propositions au conseil d'administration, pour ce qui relève du conseil d'administration. Ou bien où elle transmet des propositions à la Conférence des organisations professionnelles nationales (COPN), c'est-à-dire aux présidents des familles professionnelles. Pour nombre de décisions, ils décident à l'unanimité. Chacun, y compris les plus petites familles professionnelles, dispose ainsi d'un pouvoir de blocage des décisions.

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Est-ce la commission « Économie » qui décide aussi des indicateurs de coûts de revient ?

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Si nous indiquons des indicateurs de coûts de revient, ils sont soumis à l'appréciation de l'ensemble des participants, dont la FCD.

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C'est-à-dire que si l'indicateur du coût de revient de la pomme ne plaît pas à la FCD, qui représente la grande distribution, elle peut émettre un vote négatif et dire non à l'indicateur de coût de revient ?

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

En théorie, en effet. Mais, comme je vous l'ai indiqué, l'interprofession ne sait pas se mêler de l'élaboration d'un prix de revient de la pomme… Je suis également président de l'Association nationale des pommes et poires. Le prix de revient de la pomme est un indicateur très important, qui permet de savoir à partir de quand on perd de l'argent et à partir de quand on en gagne. Mais pas plus.

Sur un pommier, vous récoltez des fruits dont une partie, pour ne pas être gaspillée, va servir à faire de la compote et être vendue très en dessous du prix de revient, peut-être à 5, 10 ou 15 centimes. L'arboriculteur va donc vivre de pommes les plus belles et les plus attrayantes, qu'il peut vendre à deux euros le kilo. Chacun va ainsi avoir pour stratégie de réussir en moyenne, année après année, et non pas forcément pour une année donnée, à dépasser son prix de revient. Sinon, l'entreprise disparaît.

Mais la notion de prix de revient est quelque chose qui est tout à fait impossible à approcher en termes de moyens ou bien à approcher collectivement. Cela évite à la FCD de devoir contrer telle ou telle analyse de notre part.

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Pour vous, même si c'est dans les statuts d'INTERFEL, cela ne vous dérange donc pas que, dans la commission économie, votre client ait un droit de véto. Pensez-vous vraiment que les statuts sont bien écrits ?

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Eux-mêmes se retrouvent autour de la même table que leurs fournisseurs autour de la table. Mais nous ne siégeons pas en tant qu'entreprise fournisseur ou en tant qu'entreprise cliente. La FCD elle-même n'a pas d'autorité sur ses composantes entreprises. Nous évoluons plutôt dans une dimension collective et syndicale.

Nos discussions visent justement –c'est toute la force de l'interprofession– à dépasser une défense stricte de notre marge individuelle. Nous nous efforçons de rappeler certes l'existence des règles et de l'économie de marché, mais en essayant, collectivement, de voir où il y a des frictions ou des améliorations à apporter. Je puis vous assurer que chacun y met de la bonne de volonté et peut même quelquefois se retrouver à devoir porter, à sa propre famille professionnelle, des messages qui ne sont pas simples. Tel est l'effet du travail collectif que de rapprocher les points de vue.

Au contraire, le quotidien peut nous conduire avoir des débats assez violents entre producteurs et distributeurs, car la formation des prix est un combat quotidien. Dans ce contexte-là, nous ne sommes pas dans un monde de bisounours…. Chacun défend chaque centime.

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Louis Orenga, directeur général de l'Association interprofessionnelles des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Pratiquement, cela fait plusieurs années que personne n'a exercé son droit de véto, pas plus la FCD que notre famille professionnelle. Telle est la force dissuasive du droit de véto. Il est justement utile pour qu'on ne l'utilise jamais et pour que les organes soient prêts, dans le dialogue interprofessionnel, arrive à trouver une solution efficace pour toutes les parties. Comme directeur général, je ne me souviens pas, spontanément, que son droit de véto n'ait jamais été utilisé de la part de la FCD.

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Laurent Grandin, président de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Cela nous oblige au consensus. En outre, nous ne gérons pas de prix.

Nous ne nous trouvons pas dans une situation comparable à celle du secteur du lait ou de la viande, où des outils de concentration de l'offre industrielle mettent en relation directe le producteur et le distributeur. Nous ne nous occupons pas, quant à nous, du prix. Nous avons seulement créé des outils qui facilitent le calcul du prix de revient en fonction de la situation de chaque producteur. Les indicateurs ont été mis au point par l'équipe technique d'INTERFEL, qui se base sur les indicateurs publics et sur des indicateurs prouvés. La FCD a, comme tous les autres membres, un droit de parole et d'intervention sur ces travaux, mais, sur ces questions, je n'ai jamais vu la FCD réintervenir sur les indicateurs proposés par les services techniques d'INTERFEL.

Je conclurai sur les produits issus de l'agriculture biologique. Nous avons un comité en charge du bio, qui couvre le sujet et est élargi à énormément d'invités. Cela permet d'avoir des échanges dans une formule souple. J'ai compris qu'il y avait une inquiétude, parce que la grande distribution a pris ce sujet à bras-le-corps. Alors que certains étaient partis un peu plus tôt, d'autres arrivent seulement sur ce marché. Il se développe et la question de la disponibilité des produits sur le territoire français se pose. C'est plutôt, à mon avis, une bonne nouvelle parce que, pour qu'un marché se développe, il faut de nouveaux acteurs.

Aujourd'hui, la principale question qui se pose est celle de la conversion. La loi Egalim la règle en partie, au travers de l'approvisionnement de la restauration collective. Accorder aux agriculeurs en phase de conversion un accès préférentiel à la restauration collective leur garantit une marge financière pendant cette période de conversion. Mais cela constitue aussi une facilité pour les producteurs en ce que, grâce à la lisibilité de leurs perspectives entre le moment où ils décident de passer au bio et le moment où ils peuvent enfin se servir de la certification.

Cela nous amène à un problème plus général en France, problème qui n'affecte pas uniquement les produits bio. Une demande importante est de moins en moins satisfaite localement en France. Nous autres producteurs avons ainsi perdu un certain nombre de parts de marché, y compris sur ces marchés intérieurs. Tout le travail qui nous reste à faire collectivement, c'est d'essayer de localiser sur le territoire tout ce qui peut l'être.

Cela ne signifie pas que nous soyons fermés aux échanges. Je rappelle que nous comptons dans nos rangs les introducteurs et les importateurs, comme les gens qui font du commerce. Mais il y a une formule à trouver pour arriver au bon équilibre entre les offres qui complètent la production nationale et notre production de proximité, qui doit être soutenue lorsque c'est possible.

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Permettez-moi de commencer par rappeler l'objectif de notre commission d'enquête : comprendre les relations commerciales qui existent entre la grande distribution et ses fournisseurs, soit un ensemble d'acteurs dont INTERFEL fait partie, puisqu'elle représente l'une des interprofessions. Cet objectif s'inscrit dans le sillage des états généraux de l'alimentation et de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole, qui a été adoptée dans la foulée et dont les textes d'application se mettent peu à peu en place. Il consiste à répondre à la question suivante : en quoi les relations commerciales permettent-elles de mieux partager la valeur ajoutée entre les filières amont et aval et d'assurer les revenus des agriculteurs tout en garantissant une alimentation saine, sûre et équilibrée ?

L'interprofession que vous représentez n'est pas en mesure, nous avez-vous dit, d'agir sur l'un des leviers qui permettraient d'atteindre ces objectifs, car vous ne pouvez pas déterminer les coûts de production et, ce faisant, participer à l'inversion de la formation des prix. Je m'interroge donc sur la manière dont l'interprofession pourrait contribuer à améliorer les relations commerciales pour y parvenir.

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Ma question est technique : je crois comprendre que le transfert du risque s'opère à réception. Votre guide comprend d'ailleurs des indicateurs non par produit mais par coût global de production. Vous y évoquez à plusieurs reprises la notion de pénalité logistique, qui a trait au transfert du risque, qu'il s'agisse du transport ou encore de l'état dans lequel arrivent les fruits et légumes. Cependant, une personne précédemment auditionnée nous a expliqué que la grande distribution joue beaucoup sur ce point : lorsque des fruits et légumes ne lui semblent guère vendables, elle estime par exemple qu'une pénalité logistique s'applique et, à ce titre, demande le remboursement de ce qu'elle a payé – puisque le paiement intervient toujours avant la mise en vente des fruits et légumes.

Réexpliquez-nous cela, car ce n'est pas clair. Mes deux questions sont précises : la grande distribution joue-t-elle sur les pénalités logistiques pour ne pas être correcte avec les producteurs ? Quand a lieu le transfert du risque ?

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Au cours des vingt dernières années, le nombre de producteurs a diminué de près de 50 % en France. Le marché dépend désormais des importations à hauteur de 40 % environ. Quelle est la position de l'interprofession concernant l'arrivée sur le territoire national de fruits et légumes importés et produits en licence complète d'utilisation de produits phytosanitaires proscrits en France ?

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Le SRP, nous avez-vous dit, monsieur le secrétaire général, est une bonne chose mais sa mise en place est difficile dans le secteur des fruits et légumes avec un prix de 99 centimes – à quoi la grande distribution vous répond que pour appliquer le SRP, il faut baisser les prix de 10 %. Expliquez-nous donc précisément ce qui se passe lorsque la grande distribution vous parle non pas de qualité et de produits, mais de prix, ce prix de 99 centimes qui, selon elle, plaît à ses clients. Que lui répondez-vous ? Si vous refusez de baisser le prix, vous menace-t-elle de déréférencement – si déréférencement il y a pour ce type de produits – et vous annonce-t-elle qu'elle préférera les pommes polonaises, au hasard, aux pommes françaises ? En somme, je voudrais connaître le détail des relations commerciales que vous entretenez avec la grande distribution lorsqu'elle vous impose un prix de 99 centimes quelle que soit la qualité du produit.

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Toutes ces questions – certaines très directes – sont liées. Nous avons constaté une évidence : tant que l'un des opérateurs de la grande distribution maintient dans son magasin tel ou tel prix psychologique, l'autre, ne voulant pas que son magasin se vide car il pratique un prix psychologique différent, retourne vers le producteur en exigeant qu'il assure la même production à un moindre prix pour que le coefficient antérieurement fixé s'applique – quitte à augmenter éventuellement le prix sur d'autres produits. Cette situation concrète est d'une complexité infinie puisque la négociation se fait entre un metteur en marché et un responsable d'achats dont le service marketing a fixé le prix du produit concerné. C'est là qu'intervient l'interprofession : elle fait remonter les informations concernant la réalité de la mise en oeuvre du SRP, qui a un effet négatif immédiat sur la production.

Compte tenu de la colère qui monte, la grande distribution passe à son tour le message aux enseignes en leur demandant de prendre garde et de sortir des prix psychologiques qu'elles pratiquent, faute de quoi le risque de clash pourrait se concrétiser. Voilà la réalité sur le terrain. Face à la situation du quotidien, l'interprofession réalise un travail collectif pour tenter de s'extirper de ce moment technique, qui n'est pas censé durer car, tôt ou tard, les prix psychologiques finissent par changer. En attendant, nous nous trouvons dans une zone de turbulences assez violentes.

Quant au risque de déréférencement, il fait, lui aussi, partie d'un quotidien qui n'est pas nouveau. La relation entre les opérateurs commerciaux est toujours faite de rapports de force. Dans la filière des fruits et légumes, cependant, le nombre d'opérateurs qui se plaignent vivement du comportement de la grande distribution diminue car les intérêts des uns et des autres sont liés ; la grande distribution ayant de son côté besoin de marchandises de qualité. Autrement dit, le rapport de force n'est pas à sens unique comme on l'imagine parfois : à l'inverse, lorsqu'une production a le vent en poupe, les prix montent et cette hausse se répercute par force sur les prix de la grande distribution, comme vous l'ont peut-être dit les représentants de la filière porcine.

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Vous faites donc remonter les informations. Soit ; cela revient en quelque sorte à répondre à quelqu'un que l'on enverra un courrier qui réglera tout. Envoyer un courrier ou faire remonter l'information est une chose ; la réalité des montants perçus par le producteur en est une autre. Vous nous dites que vous faites remonter l'information sur le prix à 99 centimes. Le législateur – ou du moins une grande partie d'entre nous – a instauré le SRP. Avez-vous réussi à le faire appliquer, oui ou non ? Qui sont ceux qui l'ont refusé ? Nous devons connaître leurs noms. Est-ce Leclerc ? Intermarché ? Carrefour ? Système U ? Casino ? Nous sommes dans une commission d'enquête : tout témoignage mensonger peut être puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 euros. Je vous repose donc la question : nous devons savoir quelles pressions exerce la grande distribution pour que le SRP ne s'applique pas. Avez-vous baissé vos prix de 10 % ? Vous a-t-on demandé de réduire de 10 % le prix de la pomme moyennant une hausse de 20 % de celui de la fraise pour que chacun soit content ? Ne tournons pas autour du pot : je ne suis pas ici pour envoyer un courrier.

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Je ne crois pas tourner autour du pot en vous disant que cette pratique ne concerne pas l'ensemble des volumes. Le SRP a été appliqué et le coefficient multiplicateur de 1.10 a été respecté. Je dis simplement qu'il a conduit, compte tenu des stratégies commerciales, à ce que cette pression soit exercée pour certains fruits ou légumes.

L'interprofession se contente de faire remonter l'information, dites-vous. Précisons qu'elle se trouve tout de même placée sous la surveillance d'une autre autorité puissante, l'autorité de la concurrence. Les producteurs – j'en suis un – vivent dans une contradiction permanente entre le législateur qui veut leur donner les moyens d'imposer des prix meilleurs pour qu'ils vivent mieux et l'autorité de la concurrence qui, elle, est prête à dépêcher la gendarmerie s'il apparaît la moindre forme d'entente ou s'il lui semble que les prix pratiqués ne sont pas le résultat d'une confrontation entre deux entités libres à qui il appartient de former les prix à l'abri de toute pression extérieure.

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Laurent Grandin, président de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

La grande distribution en tant que telle n'existe pas. Dans le secteur des fruits et légumes, la pression qu'elle exerce est beaucoup moins forte qu'ailleurs parce que ses parts de marché n'y sont pas de 80 % ou 90 % mais plutôt de 60 %, les autres opérateurs représentant 40 % du marché. Autrement dit, le marché ne se dessine pas entre deux opérateurs, les producteurs d'un côté et la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) de l'autre.

S'agissant du SRP, les dommages sont marginaux : il ne s'agit que de quelques actions pré-engagées que nous nous employons à résoudre avec la grande distribution. Lorsque nous avons été saisis de ce sujet, nous avons formulé deux propositions.

Les représentants de la FCD au sein d'INTERFEL sont intervenus auprès des enseignes – car ce sont bien les enseignes qui font du commerce, et non la FCD elle-même, qui ne les fédère d'ailleurs pas toutes – pour alerter sur le risque existant. D'autre part, INTERFEL a proposé la création d'un groupe de travail de la commission « Économie » sur le SRP. Notre rôle, en effet, est de faciliter les choses et de créer les conditions de la consommation. Nous ne réglons pas les problèmes de prix car c'est interdit – nous ne le souhaiterions d'ailleurs pas – et nous dépendons de l'OCM des fruits et légumes. En revanche, nous sommes saisis d'un certain nombre de sujets, qui peuvent aussi concerner les expéditeurs ou les grossistes, par exemple – ce fut le cas lorsque s'est posée la question des rabais, remises et ristournes. Nous avons fait en sorte que les différents acteurs travaillent ensemble et avons abouti à la rédaction d'un guide de bonnes pratiques qui éclaire les dispositions de la loi.

En clair, nous n'intervenons que lorsque survient une difficulté technique. La FCD, quant à elle, n'est pas en mesure de régler à elle seule la question du négoce des enseignes, de même que nous ne conduisons pas d'activité de négociation commerciale, mais seulement de relation et de facilitation des échanges.

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Passons aux autres questions posées : la logistique et les importations.

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Il a en effet été question des importations, de la pomme polonaise et de notre capacité à construire un prix à partir du prix de revient. Comme vous l'avez peut-être lu dans la presse, la Pologne, précisément, a une production très excédentaire et ne sait pas quoi faire de ses fruits, lesquels arrivent désormais à Rungis à des prix qui sont inférieurs de 50 % à 70 % aux nôtres. Nous sommes en Europe : le marché est libre. Le défi, pour les producteurs, consiste à conserver la valeur de nos fruits en identifiant leur origine française et en assurant leur qualité et leur variété. La réalité, cependant, est celle-ci : il est difficile de proposer son prix de revient à un acheteur qui a le choix entre ce que lui offre un producteur français et des produits 50 % à 70 % moins chers. Je me rends régulièrement sur place pour voir comment les choses se passent : la digue est en train de rompre. Nous avons maintenu le marché intérieur français à des niveaux spectaculairement plus élevés qu'ailleurs en Europe, puisque nos prix de revient sont plus élevés mais, encore une fois, la digue cède.

Certes, les normes de production ne sont pas les mêmes. Dans ce domaine, INTERFEL n'intervient pas : c'est plutôt à telle ou telle famille de juger opportun d'activer la clause de sauvegarde de sorte que les règles imposées aux producteurs français le soient également à ceux dont nous importons les fruits. De ce point de vue, c'est plutôt au législateur qu'il appartient de nous aider à ce que ne soient pas importés en France des fruits et légumes produits moyennant un coût de revient moins élevé et selon des modes de production que nous n'acceptons plus de nous autoriser. L'interprofession a ce débat avec les familles d'importateurs qu'elle représente également.

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Laurent Grandin, président de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Comme de nombreux acteurs publics et politiques, INTERFEL défend l'idée selon laquelle ces questions doivent faire l'objet d'une harmonisation européenne. Étant donné les conditions de production des fruits et légumes italiens, espagnols ou français, nous vivons en fait de dérogations. Autrefois, les limites maximales de résidus étaient fixées par pays ; aujourd'hui, elles le sont à l'échelle de l'Europe. Nous prônons l'harmonisation dans tous les domaines.

Sur le plan environnemental, il sera toujours très difficile d'imposer les clauses de sauvegarde, plus aisées à appliquer pour des motifs d'ordre sanitaire. Nous ne voulons pas de surtransposition et souhaitons l'harmonisation des décisions de façon à éviter une fausse concurrence par le biais des produits phytosanitaires.

Il a été demandé à quoi sert INTERFEL dans le cadre des plans de filière. Avant toute chose, l'interprofession ne peut agir que dans les limites autorisées par le cadre européen : la décision, qui relevait initialement du code rural, dépend désormais de l'OCM. Nous avons écrit les plans de filière et conduisons des travaux qui permettent d'éclairer et de baliser le chemin pour parvenir à des solutions. Je rappelle que les plans de filière d'INTERFEL prévoient 50 % de production à haute valeur environnementale (HVE) dans les cinq prochaines années, et 30 % de contractualisation – soit un niveau élevé pour la filière des fruits et légumes. Nous nous sommes en outre engagés en faveur du développement du bio. La force de cet engagement, c'est qu'il n'est pas le résultat d'une pression mais d'une volonté collective assumée par tous les acteurs. Nos engagements seront tenus, comme ils l'ont toujours été ; c'est la force du collectif.

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Le guide que vous avez publié est très précis sur toutes les questions logistiques. Pouvez-vous répondre à ces deux questions essentielles : quand s'opère le transfert de risque ? Qu'en est-il des demandes de remboursement formulées pour des motifs logistiques alors qu'il s'agit en réalité de produits qui, se vendant mal, ne conviennent pas à l'acheteur ?

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Nous avons précisément essayé de clarifier la situation par accord. Le transfert de risque se fait dès l'instant où l'agréeur reçoit la marchandise, constate qu'elle est conforme et la paie aux conditions établies, ou qu'elle est non conforme, auquel cas il la rejette. C'est aussi clair que cela. Au quotidien, néanmoins, des frictions peuvent se produire ici ou là. Tout notre travail sur ce point extrêmement sensible a justement consisté à clarifier ce qui peut justifier un refus et, par conséquence, le retour de la palette. Nous sommes sortis du système de rabais, remises et ristournes précisément pour éviter que les agréeurs, considérant que le produit n'est pas conforme, demandent une réduction de prix ; les choses ne se font plus comme cela. Il faut désormais rejeter ou accepter la palette ; aucune négociation n'est possible après l'agréage, qui ne peut servir de base à une nouvelle modification du prix. La seule décision à prendre est celle de la conformité ou non du produit.

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Oui : retour à l'envoyeur.

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Si : la non-conformité du produit aux critères du bon de commande.

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

C'est la personne qui réceptionne la marchandise et qui doit, à réception, faire valoir les éventuels éléments de non-conformité auprès de son fournisseur. Au-delà d'un certain délai, il est trop tard pour affirmer que la qualité ne correspond pas au niveau attendu. Concrètement, l'« agréage » se fait lors du déchargement du camion : l'agréeur examine la marchandise et décide de la prendre ou non. Notre travail a consisté à clarifier cette phase du processus pour éviter que des abus ne soient commis et que des prétextes soient utilisés à tort et à travers.

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Laurent Grandin, président de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

La filière s'est dotée de protocoles, notamment d'un partenariat qui prend la forme d'une convention signée par les syndicats de la filière aval et la direction générale de la concurrence. Ce partenariat prévoit la formation des agréeurs, qu'assure en grande partie le centre technique des fruits et légumes. Ces protocoles prévoient des normes ainsi qu'une analyse phytosanitaire.

La première règle est donc celle de la mise en conformité aux normes. Les produits peuvent certes présenter des défauts qualitatifs ou un calibre non conforme, car le paramètre qualitatif n'est pas le seul à pouvoir justifier un rejet de la marchandise.

Quoi qu'il en soit, le transfert de risque et de responsabilité survient dès lors que le produit entre chez l'acheteur, que ce soit la grande distribution, un grossiste ou un détaillant.

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Prenons un autre exemple : un petit producteur de fraises du Sud-Ouest envoie sa production à Lille. À réception, l'opérateur de grande distribution décide, en raison d'un calibre non conforme, de ne pas accepter la marchandise – et de ne pas la payer. Que se passe-t-il alors ? Y a-t-il retour à l'envoyeur ou la réexpédition coûte-t-elle si cher que le producteur décide, ayant déjà perdu sa production, de ne pas la récupérer ? D'autre part, comment caractérise-t-on le fait que la fraise n'est pas bonne ? Sur une base visuelle – photographie ou autre – qui permettrait de justifier d'un problème grave dans la palette concernée ? Il nous a en effet été dit que certains magasins, qui n'arrivent pas à écouler leurs fraises, par exemple parce qu'il fait mauvais temps, finissent par refuser des palettes faute de pouvoir les vendre. Quel est votre avis ?

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Les questions logistiques sont importantes, en effet. Ma question portera sur les calibres des fruits et légumes, qui peuvent varier d'une année à l'autre et dont la taille peut ne pas forcément convenir à un distributeur. Quelles relations entretenez-vous avec vos clients sur ce point de friction éventuel ?

Autre chose : sur le site d'INTERFEL, je vois une multitude d'associations et de sigles. Cet excès n'est-il pas finalement une faiblesse ? Vous êtes si nombreux que l'on y perd son latin. Êtes-vous bien armés pour répondre à la grande distribution ? Le pruneau, le bigarreau d'industrie, le chou à choucroute… Le nombre considérable d'associations ne vous affaiblit-il pas lors de la formation des prix avec la grande distribution ?

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Laurent Grandin, président de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

En réponse à la question sur la fraise, il s'agit de démarches privées qui ne relèvent pas des interprofessions. Les signes de qualité reconnus sur le plan européen sont peu nombreux et la France y a ajouté la haute valeur environnementale (HVE), qui est une réponse assez adaptée puisqu'elle certifie l'agroécologie. C'est le sigle montant, qui permet aussi de différencier les produits français de produits de pays tiers n'appliquant pas cette certification. La multiplication des sigles n'émane pas de l'interprofession.

Il y a très peu de chances qu'un petit producteur de fraises du Sud-Ouest envoie sa production à la grande distribution pour une raison simple : pour servir les plateformes de la grande distribution, il faut des volumes. Le petit producteur en question ne pourra donc pas servir un supermarché se trouvant dans le Nord. S'il sert un magasin à proximité, il se charge souvent lui-même de la livraison et, en cas de problème, le règlement peut se faire en direct avec l'acheteur.

Cela étant, il existe une tendance à la normalisation européenne – souvent d'origine française – sous la forme de normes CEE-ONU correspondant à des critères de qualité. Ces critères peuvent porter sur l'évolution des fruits – la fraise, par exemple, est un fruit exposé qui peut être touché par le développement rapide de maladies, au point que les fraises sont expédiées saines et réceptionnées le lendemain dans un état de mauvaise qualité. Le calibre – de la pomme, par exemple – peut aussi poser problème. Il se pose également des questions de conformité gustative. Les fraises immangeables, par définition, ne sont pas acceptées. Je n'exclus pas, sur certains marchés difficiles, qu'il puisse exister des pressions à la marge, mais nous disposons de mécanismes de gestion de ces cas par le prix : le marché présente une certaine élasticité entre les volumes et les prix qui permet de procéder à un ajustement des deux côtés.

Nous sommes désormais dans un régime européen commun de normalisation et l'« agréage » se fait dans toutes les entités, qu'elles soient de la grande distribution ou non, afin de libérer la propriété et le risque.

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La question du rapporteur portait plutôt sur les moyens de contrôle dont dispose le producteur en cas de refus d'agréage et sur le sort que réserve la grande distribution aux produits non agréés qui ne tiendraient pas le choc d'un renvoi. En clair, comment le producteur est-il protégé face aux problèmes liés à l'agréage ?

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

L'agréage se fait à l'entrée de la marchandise dans le magasin et le fait que le distributeur ne parvienne pas à vendre le produit ne le dispense pas de le payer : il est alors trop tard pour qu'il revienne sur le contrat passé. La question de la dégradation en rayon est de son ressort – et il a toujours la possibilité d'informer son producteur des pertes éventuellement subies. Les professionnels de part et d'autre sont tenus d'entretenir ces relations permanentes. Lorsqu'un distributeur renvoie des palettes pour un oui ou pour un non, le producteur peut tout aussi bien le mettre au pain sec : le mécanisme fonctionne dans les deux sens. S'il connaît des pertes de recettes en raison des litiges excessifs d'un distributeur, le producteur s'adressera à d'autres distributeurs – faute de quoi il risque de disparaître. D'un côté comme de l'autre, il est difficile de sortir durablement de cette logique en exerçant des pressions inacceptables ou hors-jeu. Il est impossible d'empêcher tel ou tel acteur de mal se comporter ici ou là mais ces écarts ne sont pas viables dans la durée. Nous ne produisons pas des boulons, mais des fruits et légumes dont chacun connaît leur fragilité.

J'en viens à la question des calibres. Dans le secteur de la pomme, par exemple, le marché segmente les valeurs en fonction des calibres. Or chaque année, la récolte est assez aléatoire, même si nous passons notre temps à essayer de réguler le nombre de fruits par arbre de manière à les valoriser au mieux. Il arrive néanmoins que les pommes soient trop grosses ou trop petites. Nous avons alors un dialogue collectif au sein de l'interprofession pour sensibiliser à la spécificité de la récolte de pommes et inciter les opérateurs à accepter de modifier leur offre pour tenir compte de la réalité. Malgré le temps consacré au dialogue collectif, il arrive que des difficultés apparaissent.

En outre, la part des importations dans nos assiettes de fruits et légumes ne cesse d'augmenter – et ce n'est pas fini ! À ce stade, néanmoins, nous parvenons par ce dialogue constant avec la grande distribution à maintenir les fraises, pêches, nectarines ou pommes françaises à une valeur supérieure au niveau du marché européen. Les tensions sont inévitables et parfois graves mais en moyenne, comme le montrent les chiffres, nous maintenons, dans le cadre d'accords avec la grande distribution et grâce à des éléments d'identification – vergers éco-responsables, indications géographiques protégées, « Origine France » et ainsi de suite – des niveaux de prix à la production supérieurs au marché. C'est de plus en plus difficile, cependant, puisque nos importations sont croissantes. Nous craignons donc que la production soit mise à mal car cette tendance ne va pas s'inverser.

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Le fait de bien manger est tout de même un argument !

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Daniel Sauvaitre, secrétaire général de l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (INTERFEL)

Nous l'espérons, mais c'est le consommateur qui décide.

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Louis Orenga, directeur général de l'Association interprofessionnelles des fruits et légumes frais (INTERFEL)

En effet, la décision ultime appartient au consommateur et c'est un élément important d'environnement des relations commerciales : il faut répondre aux attentes et aux demandes sociétales. De ce point de vue, l'information du consommateur peut être un outil favorable aux bonnes relations commerciales. L'interprofession regrette que les textes d'application d'une loi récemment adoptée par le Parlement en vue d'instaurer des espaces d'information sur les chaînes publiques – afin d'expliquer les mécanismes aux consommateurs pour en faire des arbitres plus éclairés – ne soient jamais sortis.

De ce fait, nous ne sommes pas en mesure de mettre en oeuvre collectivement une information claire et susceptible, indirectement, de créer un environnement favorable à ce que l'interprofession agisse dans le cadre d'accords interprofessionnels – qui peuvent eux aussi contribuer à créer un environnement favorable aux relations commerciales. Nous sommes très attentifs à ce climat général. Nous faisons donc une nouvelle fois appel à vous pour que ces propositions puissent se traduire dans les faits, dans l'intérêt de bonnes relations commerciales dans le secteur.

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Croyez-moi, les députés qui ont adopté la loi en question s'emploient à en garantir la bonne application, notamment dans le cadre d'une mission de suivi sur le sujet, en veillant à ce que les décrets soient pris en temps voulu pour que la volonté du législateur soit respectée. Je vous remercie.

La réunion s'achève à dix heures quarante.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 9 h 35

Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Yannick Kerlogot, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Cendra Motin, M. Hervé Pellois, M. André Villiers

Assistait également à la réunion. - M. Sylvain Maillard