COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE
Mercredi 6 janvier 2021
La séance est ouverte à dix-neuf heures dix.
Nous accueillons Mme la ministre chargée des sports Roxana Maracineanu en inaugurant un nouveau fonctionnement pour nos auditions de ministres, avec une série de questions/réponses de trois minutes par groupe, sans propos liminaire. Je donne auparavant la parole à la rapporteure thématique pour les articles qui touchent au sport.
Je suis rapporteure thématique du chapitre V du titre I du projet de loi, dont l'article 25 est dédié au sport. Celui-ci a notamment vocation à transformer le système de tutelle de l'État en un système de contrôle, ce qui n'est pas anodin. Que changera concrètement la substitution du mot contrôle à celui de tutelle, dans la mesure où la mention selon laquelle « les fédérations sportives exercent leur mission en toute indépendance » est maintenue ? Quels sont les risques d'ingérence pointés dans l'avis du Conseil d'État ? Ce dernier estime aussi que le contrat de délégation conclu entre l'État et une fédération délégataire pourrait utilement comporter un engagement supplémentaire, issu de la charte olympique. Pourtant, l'alinéa 2 de l'article 50 de cette charte, selon lequel « aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique », n'a pas été repris dans la nouvelle rédaction du projet de loi. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
Enfin, une importante réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2021 entraîne l'intégration des services de la jeunesse et des sports avec ceux du ministère de l'éducation nationale, qui assureront le contrôle du nouveau système. Que pouvez-vous nous dire de cette nouvelle organisation qui prend effet au moment où nous débattons d'un projet de loi qui modifiera notre écosystème sportif ?
Avant de vous répondre, permettez-moi de vous présenter mes meilleurs vœux pour 2021. J'espère que cette année verra le sport reprendre sa place et ses droits sur le coronavirus et nous permettra de retrouver la cohésion sociale qui nous fait défaut. Lors des précédentes auditions, vous avez été nombreux à souligner le rôle central des associations et de nos clubs comme des vecteurs de citoyenneté, d'intégration, de mixité et de cohésion sociale. Lorsque la situation s'améliorera pour notre pays et pour le sport, notre société se portera mieux, elle aussi.
J'ai porté l'article 25 du projet de loi pour qu'il illustre la contribution du monde sportif aux enjeux de notre société et aux principes fondateurs de notre République que sont l'égalité, la liberté et la fraternité. De fait, le sport est la citoyenneté incarnée. Lorsqu'on est membre d'une association sportive, lorsqu'on pratique en club une activité qui permet la rencontre avec l'autre et lorsqu'on apprend la tolérance, c'est déjà un premier pas vers le vivre-ensemble. Nous voulions, au travers de cet article 25, réaffirmer et valoriser ce que font déjà les fédérations et les associations sportives en la matière.
Vous évoquez le risque que le nouveau contrôle sur les fédérations pourrait comporter. Ce n'est pas dans cette perspective que nous installons le contrat d'engagement républicain pour les associations et les fédérations. Au contraire, c'est une manière de leur accorder notre confiance et de montrer que l'État ne parviendra pas seul à créer ce pacte républicain. Nous atteindrons cet objectif avec les acteurs de terrain, les collectivités et les acteurs associatifs.
Le Président de la République a fait la promesse de renforcer l'autonomie des fédérations sportives, mais aussi de les responsabiliser. Au travers de ce nouveau contrat, qui ne sera pas le même pour les associations que pour les fédérations, nous souhaitons impliquer les fédérations au-delà de l'édiction des règles relatives au geste sportif, de l'attribution d'un titre de champion de France ou de la sélection des coéquipiers d'une équipe de France. Nous entendons les placer dans le champ de la protection de l'intégrité des pratiquants et de l'éthique du sport. Nombre de fédérations agissent déjà dans ce domaine, mais beaucoup n'y sont pas encore. Nous devons donc les accompagner au travers d'un véritable contrat, avec des engagements réciproques, des indicateurs et un contrôle régulier exercé par les agents du ministère. C'est ainsi que les fédérations iront dans le même sens que nous, dans le respect du pacte républicain.
Rares sont, en France, les lieux dans lesquels les citoyens peuvent encore forger du commun et construire la République. L'éducation nationale en est un, le mouvement sportif aussi. Dans un cas comme dans l'autre, il existe une tradition de transmission des valeurs et des principes républicains.
Dans notre pays, le mouvement sportif prend en charge près de 17 millions de licenciés, dont plus de la moitié sont des mineurs. Il offre à notre jeunesse l'apprentissage de la pratique disciplinaire sportive, mais aussi celui de valeurs positives et éducatives. La charte d'éthique et de déontologie du sport français établie par le CNOSF sur le fondement de l'article L. 141-3 du code du sport rappelle les valeurs fondamentales du mouvement sportif français : l'ouverture et l'accessibilité à tous, le respect du jeu, des règles, de soi-même, des autres et des institutions, l'honnêteté, la solidarité, la tolérance, l'égalité des chances et le refus de toute discrimination. Nous devons les préserver et protéger le mouvement sportif pour qu'il ne soit pas percuté par de nombreux sujets sociétaux comme les violences sexuelles, que vous combattez avec détermination, la pédocriminalité et, désormais, les atteintes aux principes de la République, le communautarisme et la radicalisation. Dans certains clubs, les femmes ne sont plus les bienvenues. Cela nous inquiète beaucoup, mes collègues Anne-Christine Lang, Fabienne Colboc, Stéphanie Atger et moi-même. Certains vestiaires deviennent des lieux de prière. Certains jeunes refusent de saluer en montant sur le tatami. Nous pourrions, hélas, multiplier les exemples. Le récent rapport de nos collègues Poulliat et Diard en parle excellemment. Nous devons pleinement outiller le mouvement sportif français pour lutter contre ces phénomènes, mais aussi contre ceux qui confondent l'espace sportif et l'espace cultuel ou l'espace politique. Notre mouvement sportif, nos terrains et nos clubs doivent redevenir des espaces d'émancipation républicaine dans lesquels chacun peut pratiquer le sport sans discrimination et sans influence communautaire.
Alors que l'article 25 du présent projet de loi redéfinit la relation entre l'État et le mouvement sportif, comment comptez-vous quantifier les atteintes aux principes de la République dans le sport ? Un amendement a récemment été voté à notre initiative à ce sujet.
Êtes-vous favorable à la transposition de l'article 50-1 de la charte olympique dans les statuts de l'ensemble des fédérations délégataires de service public qui préconisent la neutralité politique, philosophique et religieuse ?
Êtes-vous consciente des possibles effets pervers du changement de statut de fédération en celui de concession de service public ? Les fédérations ne risquent-elles pas d'être alors soumises aux règles de la commande publique, même si les financements fédéraux sont majoritairement de source privée ?
Que comptez-vous faire pour que le sport redevienne un véritable lieu de mixité ?
L'article 50-1 de la charte olympique s'applique pendant le temps des Jeux olympiques et paralympiques, ainsi qu'aux délégations des Jeux olympiques. Il ne faudrait pas, dans notre législation, multiplier les injonctions qui viendraient des codes internationaux des mouvements sportifs. Il importe, au contraire, de faire prendre conscience qu'en France, la spécificité de l'organisation du sport va plus loin que dans d'autres pays. Nous avons des fédérations délégataires de service public, ce qui n'est pas le cas partout, que nous pouvons emmener vers le respect des valeurs de la République. C'est ce que nous faisons dans ce projet de loi.
La neutralité lors des compétitions peut également être garantie par le principe de laïcité. En l'occurrence, les salariés d'une fédération délégataire de service public comme les membres d'une équipe de France sont soumis à cette neutralité. Dans l'espace public, les pratiquants sont également soumis au principe de laïcité. Nous devons veiller, grâce à des informations précises et concrètes remontant régulièrement du terrain, à ce qu'ils ne fassent pas de prosélytisme lorsqu'ils pratiquent dans le cadre d'un club ou d'une association.
S'agissant de la quantification des atteintes aux principes de la République et des données émanant du mouvement sportif quant au rôle du sport dans la radicalisation de certaines personnes, notre feuille de route relative à la prévention de la radicalisation dans le sport nous permet de mandater l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l'INHESJ, et le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, le CIPDR, afin de disposer d'une étude précise et fiable. Un échéancier a été élaboré afin que des points réguliers nous soient présentés. Une mission d'inspection générale a également été lancée en septembre. Nous nous appuierons aussi sur votre rapport.
Comment le sport, facteur d'intégration sociale et de vivre-ensemble, a-t-il pu être aussi touché par « des phénomènes de repli communautaire, de prosélytisme religieux et de radicalisation » pour citer l'avis du Conseil d'État ? Certains sports et certaines disciplines sont particulièrement concernés.
Dans notre rapport, notre 35ème préconisation consiste à redonner aux préfets l'agrément des associations sportives, comme c'était le cas avant l'ordonnance de 2015. Aujourd'hui, être affilié à une fédération vaut automatiquement agrément. Or les fédérations ne sont pas regardantes sur ce que font les associations, notamment s'agissant du respect du principe de laïcité – ce n'est d'ailleurs pas leur rôle. Le projet de loi prévoit que l'autorité administrative pourra retirer l'agrément en cas de non-respect du contrat d'engagement républicain. Comment l'administration pourra-t-elle retirer un agrément qu'elle n'aura pas elle-même donné ?
Pourquoi ne reprenez-vous pas l'alinéa 2 de l'article 50 de la charte olympique ? En quoi serait-il gênant que notre pays affirme qu'aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, un site ou un emplacement sportif ? Pourquoi ce précepte de l'olympisme ne pourrait-il pas s'appliquer à l'ensemble du sport ?
Toutes les associations sportives auront l'obligation de signer le contrat d'engagement républicain d'ici 2025. Elles feront l'objet d'un triple contrôle : celui des collectivités qui les financeront et avec lesquelles elles signeront ce contrat ; celui du préfet qui pourra leur retirer l'agrément ; celui des fédérations qui les auront affiliées, lesquelles seront tenues par un contrat de délégation renforcée signé avec le ministère. Nous concevons qu'un article comme celui de la charte olympique que vous évoquez fasse partie du règlement intérieur des fédérations. Celles-ci seront fortement motivées, par le contrat de délégation nouvelle génération, à l'intégrer. La plupart l'ont d'ailleurs déjà fait.
Le fait que des clubs sportifs soient liés à des mouvements religieux ou politiques n'est pas nouveau, dans notre pays. C'est même une tradition très ancienne, qui s'est plutôt atténuée depuis quelques décennies.
Le sport peut participer à la reconquête républicaine. Partagez-vous le point de vue selon lequel cette reconquête passe par une extension du territoire de neutralité, notamment aux équipements sportifs ? Comme le soulignait François Baroin, il convient de faire progresser ce périmètre dans la mesure où les équipements sportifs et culturels sont exploités par des associations financées par l'État ou les collectivités. Pensez-vous que les dirigeants de clubs et les animateurs sportifs doivent faire en sorte de renforcer le principe de neutralité ?
Par ailleurs, il est question d'une stratégie nationale visant à promouvoir les principes du contrat d'engagement républicain. L'alinéa 24 de l'article 25 du projet de loi explique que les fédérations délégataires, le cas échéant en coordination avec les ligues professionnelles, élaboreront des « stratégies ». Ce terme n'est-il pas un peu faible ? Ne faut-il pas se fixer des objectifs et marquer plus fortement les principes ? Une stratégie peut se décliner durant plusieurs années, tandis que les élus que nous avons auditionnés ont exprimé une notion d'urgence, que nous retenons.
S'agissant des conditions de la protection de l'intégrité physique et morale des personnes, en particulier des mineurs, le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'État. Les services de votre ministère ont-ils déjà réfléchi à ces modalités ? Qui vérifiera que les conditions de cette protection sont réunies ? Avec quels moyens ? Comment ceux-ci seront-ils déployés ?
Nous favoriserons la reconquête républicaine en proposant plus de sport dès le plus jeune âge, par exemple dans le cadre scolaire, mais aussi en faisant venir davantage de pratiquantes et de pratiquants dans les associations sportives. Cela va aussi dans le sens de la mixité que nous attendons et à laquelle nous incitions par de véritables mesures et des financements. Nous voulons également que ces institutions soient dirigées en mixité, et que nous trouvions autant de femmes que d'hommes à leur tête.
Conformément à la loi, la laïcité doit être respectée par les pratiquants dans l'espace public – qu'il s'agisse d'un gymnase, d'une piscine ou d'une rue. Que l'on soit majeur ou mineur, fille ou garçon, on doit pouvoir pratiquer comme on est. Ne sont soumis au principe de neutralité, par la délégation que nous accordons aux fédérations, que les salariés de ces dernières, les organisateurs des compétitions nationales et les sélectionnés en équipe de France. Les pratiquants quant à eux, y compris leurs encadrants et leurs éducateurs, sont soumis comme tout un chacun au principe de laïcité qui existe dans notre République.
Nous devons agir ensemble pour sensibiliser et mieux former tous les éducateurs et les bénévoles, qui sont parfois les employeurs de ces éducateurs. C'est ce que nous faisons, en lien avec le CIPDR qui dispense les premières formations et le ministère des sports qui anime, avec une mission nationale, un réseau de référents citoyenneté, laïcité et lutte contre la radicalisation. Nous comptons près de 250 référents dans les fédérations, les établissements sportifs, les CREPS – centres de ressources, d'expertise et de performance sportive – et les écoles de l'INSEP, l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance. Nous animons ce réseau avec de la formation, pour répondre aux questions que se posent les éducateurs lorsqu'ils sont en face d'un fait religieux. L'objectif est de les aider à mieux observer d'éventuels changements ou une radicalisation et, le cas échéant, à les signaler. Cette action a débuté. Un logiciel unique permettra aux éducateurs et aux bénévoles de signaler les radicalisations et les violences sexuelles qu'ils auront observées. Le signalement au ministère des sports sera ainsi plus fluide, avec une coopération renforcée avec le ministère de l'intérieur.
En somme, le rôle du ministère des sports est de comprendre ce qui se passe sur le terrain et de le signaler au ministère de l'intérieur pour multiplier les contrôles quand c'est nécessaire.
L'article 6 du projet de loi renforce l'encadrement des subventions attribuées aux associations par les collectivités, afin de s'assurer que ces moyens sont employés dans le respect des principes républicains. D'une part, toute demande se fait par l'intermédiaire d'un formulaire administratif Cerfa. D'autre part, la charte des engagements réciproques entre l'État, les collectivités territoriales et le mouvement associatif, signée en 2014, est décrite dans son préambule comme « un acte solennel fondé sur les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité ». De nouveaux éléments figurent dans le projet de loi, comme le rejet de la haine et la sauvegarde de l'ordre public. Qu'apporte cet article 6 ?
De quels moyens dispose votre ministère pour contrôler que les associations respectent leurs obligations en matière de laïcité ? Combien de contrôles ont déjà été réalisés et combien d'autorisations, d'agréments ou de subventions ont-ils été remis en cause au titre du non-respect des principes et valeurs de la République ?
Enfin, qu'apporte la modification du code de la sécurité intérieure pour limiter et lutter contre les violations par des groupements portant atteinte à la légalité républicaine par leur fonctionnement et leurs activités ? L'alinéa 6 de l'article L. 212-1 prévoit déjà des solutions, en des termes très précis.
Je ne répondrai que partiellement à vos questions, pour la partie relative à l'article 25 du projet de loi. La modification du code du sport concerne les associations. Aussi nous semblait-il important de compléter le descriptif du formulaire Cerfa avec la notion de protection des publics érigée en valeur de la République. Le non-respect des valeurs mentionnées dans le Cerfa permet de fermer les structures, le cas échéant. Pour les fédérations, il n'est pas question d'un Cerfa avec une case à cocher, mais d'un véritable contrat avec des objectifs. C'est à ce titre que le code du sport et le ministère des sports auront un grand rôle à jouer.
Il ne s'agit pas d'inciter les fédérations à avoir une stratégie, mais de définir avec elles un contrat articulé autour de trois thématiques. Nous travaillons avec l'Afnor pour élaborer un référentiel dit Afnor SPEC, qui permettra d'ici l'été 2021 aux fédérations et aux ligues professionnelles de garantir l'intégrité de leurs institutions et des compétitions sportives qu'elles organisent, mais aussi pour les pratiquants qu'elles accueillent. Des orientations ministérielles leur seront communiquées, et elles pourront choisir d'atteindre un niveau compris entre 1 et 5. Des rendez-vous réguliers et un dialogue de gestion très poussé seront organisés entre le ministère des sports et ces fédérations pour voir dans quelle mesure elles respectent ces normes et si elles vont au-delà du rôle qui leur est imparti dans l'imaginaire collectif et qui consiste à organiser des pratiques sportives. En l'occurrence, si elles jouent un rôle sociétal affirmé, elles recevront davantage de financements et participeront de manière plus marquée aux politiques publiques des différents ministères. En somme, il ne s'agira pas simplement d'inciter les fédérations à avoir une stratégie, sans aucun regard sur leurs activités. Au contraire, le travail de nos agents du ministère des sports consistera à les accompagner dans la définition de cette stratégie, à l'évaluer avec des indicateurs et à observer la façon dont elle est déclinée au quotidien au sein des associations affiliées.
J'observe qu'il n'y a pas de représentant des groupes Agir ensemble et UDI et Indépendants.
Le monde du sport n'échappe pas au risque de radicalisation. Il constitue même un terreau favorable à son développement, dans certains cas. Vous avez déclaré en septembre dernier, à la suite de l'excellent rapport d'information parlementaire de nos collègues Diard et Poulliat, que ce phénomène repose sur des on-dit et des éléments figurant dans des livres qui paraissent, sans données objectives pour le mesurer. Il est vrai qu'il est difficile de quantifier cette radicalisation multiforme dans les clubs. Néanmoins, constatez-vous une montée de clubs communautaires, notamment dans le football ? Confirmez-vous l'infiltration de personnes radicalisées dans les sports de combat, avec un risque d'entrisme ? Quant aux pratiques sportives émergentes qui ne sont pas encore officialisées par le ministère des sports, elles posent difficulté car elles sont moins faciles à contrôler.
Êtes-vous favorable à l'extension du champ des enquêtes administratives de sécurité pour les éducateurs sportifs, en raison de leurs liens directs avec des publics par définition jeunes et vulnérables ?
Les pratiques émergentes sportives ou associées au sport, comme le e-sport, sont prises en compte par l'étude de l'INHESJ et du ministère des sports relative aux phénomènes de radicalité.
Lors de la création des CLIR, les cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire, le 27 novembre 2019, 127 des 380 000 associations sportives étaient identifiées comme étant en relation avec une mouvance séparatiste, parmi lesquelles 29 tenues par l'islam radical. Nous avons contrôlé 207 établissements recevant du public et fermé cinq d'entre eux, plutôt pour des raisons administratives mais aussi parce qu'une problématique de radicalisation avait été détectée. C'est la raison pour laquelle nous devons aller plus loin dans cette politique de repérage – que l'État ne saurait conduire seul –, de sensibilisation et formation des éducateurs et des bénévoles. Les signalements peuvent être effectués en contactant le numéro vert de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste, l'UCLAT, directement sur la plateforme PHAROS ou encore avec le futur logiciel SIGNAL. Il importe que nous nous puissions nous appuyer sur ces relais, qui sont au contact de la jeunesse et des phénomènes de radicalisation qui peuvent voir le jour dans le monde associatif. L'objectif est de multiplier les remontées d'informations, d'agir main dans la main avec le ministère de l'intérieur et d'aller plus loin, le cas échéant.
Quels nouveaux outils législatifs ce texte apporte-t-il ? De quels éléments concrets d'observation le ministère des sports dispose-t-il pour quantifier les phénomènes qui sont à la source de ce projet de loi ? Si ces phénomènes existent, quelle est leur réalité sensible ? Sont-ils ultra minoritaires ou en développement ? Certes, le sport communautaire existe. Mais dans notre pays, l'histoire du sport s'est constituée autour du mouvement ouvrier, des églises, du patronage et des amicales laïques. Ce phénomène est plutôt déclinant, même s'il existe encore. Qu'en est-il exactement ? Il faut entrer dans le détail.
Je constate qu'il existe un problème dans les sports de combat. Sans doute convient-il que les services de renseignement et de police s'y intéressent. Ce sujet vous dépasse. Le mouvement sportif est désarmé, si vous m'autorisez cette expression, pour constater que ces sports deviennent le prétexte à des regroupements dans une autre visée. Dans la mesure où nous travaillons de manière très impressionniste, je crains que nous ne sachions plus vraiment de quoi nous parlons. C'est la raison pour laquelle je voudrais savoir ce que vous constatez, et avec quels outils. Il serait dommage que vous n'en ayez pas, ce qui signifierait que nous travaillons à l'aveugle. La presse a souvent pointé du doigt le mouvement sportif comme étant l'un des lieux de radicalisation. Qu'en est-il ?
Si le contrat d'engagement républicain était adopté, les clubs seraient-ils vraiment en capacité de transmettre les valeurs de la République ? Souvent, les bénévoles n'ont pas tous les outils pour le faire. Il faut les aider. À défaut, ils ne transmettront qu'une version light de ces valeurs républicaines. La République ne consiste pas seulement à apprendre la Marseillaise à nos enfants.
Enfin, vous avez indiqué que les fédérations sportives s'engageaient déjà, pour la plupart, à respecter l'article 50 de la charte olympique. Mais celle-ci n'est pas sans poser problème. Ainsi, elle n'autorise aucune sorte de manifestation ou de propagande politique, religieuse ou raciale dans l'enceinte olympique. On peut soutenir cette idée, mais je suis aussi de ceux qui applaudissent quand des sportifs prennent position contre le racisme. Je n'apprécie pas que le mouvement sportif se lave les mains du contexte politique dans lequel il évolue.
Initialement, l'intitulé du projet de loi était la lutte contre les communautarismes et le séparatisme. Il a changé depuis, de même que la composition du texte avec l'apport de l'article 25 relatif au sport. Je suis fière qu'il s'agisse désormais d'un projet de loi confortant les principes de la République. Le sport et l'association sportive sont déjà des lieux d'éducation à la citoyenneté, précisément parce qu'on y apprend les valeurs de tolérance et de rencontre de l'autre et parce qu'on y arrive tel qu'on est, avec ses différences de culture, d'origine, de culte et de personnalité. C'est ce qui fait la richesse de ces associations, qui rassemblent des personnes très différentes les unes des autres autour du maillot sportif, de la couleur de la ville ou du drapeau français. C'est ce que nous voulions préserver. Aussi ce projet de loi est-il un moyen de valoriser ce que nombre de fédérations et de clubs sportifs font déjà, parfois sans le savoir, sans le dire et sans que cela soit suffisamment reconnu. Le contrat de délégation nouvelle génération valorise ce qu'un club apporte à la société et à l'individu au-delà des règles et des gestes sportifs. C'est un moyen de présenter le sport sous son aspect sociétal dont nous sommes tous convaincus, mais à l'égard duquel les acteurs sportifs ne se sentent pas assez reconnus.
C'est aussi une manière d'orienter nos politiques vers un plus grand soutien des associations, en particulier dans certains territoires plus défavorisés dans lesquels le sport peut remplir le rôle d'éducation à la citoyenneté, de rattrapage des inégalités sociales et du vivre ensemble et en parfaite mixité. Je suis donc heureuse que le sport et les fédérations sportives aient pu trouver leur place dans ce projet de loi et dans la représentation de ce que pourra être le pacte républicain de demain.
Nous devons aussi veiller, dans certaines disciplines, à ce que le sport reste l'objet unique des associations sportives et à ce que rien ne prenne le pas sur lui lors des rassemblements. Le séparatisme – religieux, politique ou idéologique – est dangereux pour tout le monde, surtout pour notre jeunesse.
Le sport est un lieu de citoyenneté, et les sportives et les sportifs sont aussi des citoyennes et des citoyens. Par ailleurs, la charte olympique n'a pas que des qualités. Pendant des décennies, par exemple, elle a interdit la pratique sportive aux femmes dans les compétitions olympiques. Les récentes prises de parole de sportifs de haut niveau concernant le racisme ou d'autres sujets sont respectables et ne devraient pas être interdites.
Auparavant, le ministère avait les moyens de retirer l'agrément d'une fédération dont les pratiques étaient contraires à l'éthique. Une convention permettait de tisser des liens entre l'État et les fédérations. Quelle sera la place du contrat par rapport à cette convention ? Alors que les conventions sont signées entre les fédérations et l'ANS, l'Agence nationale du sport, ce contrat sera-t-il passé entre les fédérations et le ministère ?
Si un club sportif a des pratiques contraires à l'éthique, notamment des pratiques de radicalisation, quelle sera la responsabilité de la fédération qui aura signé le contrat ? Toutes les fédérations n'ont pas les outils nécessaires pour suivre les pratiques de leurs clubs.
L'étude d'impact appelle notre attention sur le fait que certaines fédérations ne pourraient pas se soumettre aux nouvelles conditions d'octroi de la délégation, notamment l'élaboration d'une stratégie nationale visant à promouvoir et préserver les principes et objectifs du contrat. Avez-vous plus de précisions ? Quelles sont les fédérations qui seront en incapacité de faire face aux exigences du contrat ?
Les fédérations signeront le contrat de délégation nouvelle génération avec le ministère, et la convention d'objectifs et de moyens avec l'ANS. Il y aura donc inévitablement un lien, que nous sommes en train de travailler, entre ces deux actes. Par ailleurs, le contrat de délégation ne restera pas à la main et à la responsabilité des seules fédérations. Étant déchargés de la convention d'objectifs et de moyens grâce à l'ANS, nous avons, avec nos agents du ministère, la capacité et la liberté de nous concentrer sur cette mission régalienne qui consiste à veiller à la protection des publics – qu'il s'agisse des instances fédérales ou des clubs, des compétitions ou des pratiquants. Le référentiel Afnor SPEC nous permettra d'accompagner et d'aider ces structures, qui pourront faire du sur-mesure. La charte des 15 engagements éco-responsables pour les organisateurs d'événements et gestionnaires d'équipements fonctionne déjà ainsi : chacun se fixe ses propres objectifs, en accord avec le ministère. Certes, nous voudrons que les objectifs des fédérations soient le plus ambitieux possible, mais nous prendrons en considération leurs moyens financiers et humains de déploiement. Un lien très fort existera entre le nombre de conseillers techniques sportifs mis à disposition et la stratégie de protection des publics des fédérations concernées.
Ce contrat de délégation ne touchera pas uniquement aux principes de la République, mais aussi à la protection des publics, à la lutte contre les violences sexuelles et à la démocratie dans le sport et les fédérations. Ce sera un outil très complet, que nous serons heureux d'installer grâce à la loi. Il ne s'agira pas de l'imposer. C'est la raison pour laquelle nous travaillerons avec les fédérations pour proposer du sur-mesure.
Depuis 2016, un décret introduit dans le code du sport des dispositifs obligatoires relatives aux droits et devoirs des sportifs de haut niveau lorsqu'ils arrivent en équipe de France et représentent leur fédération au niveau international. Je publierai un décret complémentaire dans les prochains mois, pour intégrer les devoirs des sportifs de haut niveau en faveur du pacte républicain, comme le nécessaire respect des symboles de la République, mais aussi la possibilité de s'exprimer et d'être écoutés par les instances.
Il est indiqué, dans le projet de loi et son analyse, que le ministère des sports souhaite renforcer sa mission régalienne. Comment peut-il le faire, en passant d'une tutelle à un contrôle simple via un contrat avec les fédérations ?
Vous évoquez une charte pour les joueurs professionnels. Est-ce à dire que nous ne verrons plus ces derniers effectuer des signes religieux au cours des rencontres sportives ?
Comment le texte que vous nous proposez permettra-t-il de lutter concrètement contre les clubs communautaires ou radicalisés ? Comment un préfet pourra-t-il retirer un agrément donné par une fédération ? Cette disposition est ambiguë.
Pensez-vous que la neutralité doit être étendue aux bénévoles qui encadrent les enfants, pour garantir leur intégrité morale ?
Le droit et la loi garantissent déjà la neutralité dans l'espace public, grâce au dispositif supplémentaire que nous mettons en place y compris dans le monde associatif, et spécifiquement dans le monde sportif. Je ne vois pas comment nous pourrions imposer la neutralité aux bénévoles d'une association. La loi est ce qu'elle est. C'est à vous qu'il revient de décider s'il y a lieu de revenir sur ce principe. À titre personnel, je ne pense pas que tel soit le cas. L'illustration par des exemples me semble suffisante. Nous devrons aussi faire attention aux images diffusées à la télévision. Souvent, un amalgame est fait entre les sportifs qui représentent l'équipe de France, sélectionnés par une fédération délégataire et tenus à la neutralité par les deux décrets qui seront prochainement modifiés, et les sportifs professionnels membres de clubs. Il s'agit parfois des mêmes personnes, mais dans des situations différentes. Il faudra s'assurer que la distinction est bien faite.
Nous serons en mesure de renforcer notre mission régalienne de protection des publics dans la mesure où nos agents du ministère pourront davantage s'y consacrer. Jusqu'à présent, ils accordaient des subventions et aidaient le CNDS, le Centre national pour le développement du sport, à distribuer de l'argent pour soutenir le monde associatif. Maintenant que l'ANS instruit ces dossiers et que les fédérations nous aident dans la diffusion des subventions, les agents du ministère peuvent se concentrer sur la protection des publics. Pour citer cet exemple, la réforme que nous menons permettra de positionner plus fortement les conseillers techniques sportifs dans les thématiques d'éthique, d'intégrité et de respect des valeurs de la République. C'est aussi avec des moyens humains que nous atteindrons cet objectif, de même qu'avec cette nouvelle relation aux fédérations que le Président de la République a voulu placer sous le signe de la confiance et de l'autonomie, en passant d'un régime de tutelle à un régime dans lequel nous accordons notre confiance tout en renforçant les contrôles. En cas de dérives, des procédures disciplinaires seront proposées par les fédérations. Des évaluations seront effectuées par le ministère des sports à partir des indicateurs que nous aurons définis ensemble dans le contrat de délégation.
Aucune concession ne saurait être faite s'agissant des valeurs de la République. Les dirigeants des fédérations, que nous avons consultés, en sont convaincus et sont tout autant motivés que nous à lutter contre les séparatismes et toute sorte de discrimination qui pourrait exister dans le sport.
La séance est levée à vingt et une heures cinq.
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République
Réunion du mercredi 6 janvier 2021 à 19 heures
Présents. – M. Saïd Ahamada, Mme Stéphanie Atger, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, M. Olivier Falorni, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Perrine Goulet, Mme Marietta Karamanli, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, M. Ludovic Mendes, Mme Valérie Oppelt, M. Frédéric Petit, M. François Pupponi, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, Mme Laurianne Rossi, M. François de Rugy, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet