COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 28 octobre 2020
La séance est ouverte à vingt-et-une heures.
La commission procède, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (seconde partie), à l'audition de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie.
Mes chers collègues, nous poursuivons ce soir l'examen, pour avis, de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, après une journée marathon. Je remercie chaleureusement Mme la ministre de nous venir présenter les crédits de la mission Santé et d'avoir accepté de décaler, au dernier moment, l'horaire de cette audition.
L'exercice 2020 a été, vous l'imaginez, fortement marqué par la gestion de la crise sanitaire et je crois pouvoir vous dire, sans me tromper, qu'elle sera encore, en 2021, au cœur des sujets de préoccupation dans le domaine de la sécurité sanitaire.
Dans ce bref exposé liminaire, je vous propose de dresser les traits saillants de deux programmes de la mission Santé : le programme 183 Protection maladie et le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins.
S'agissant du programme 183, le Gouvernement a mis en place en 2020 des mesures destinées à accentuer les efforts sur la gestion des dispositifs, la régulation des dépenses associées et renforcer les contrôles dans le cadre de programmes d'action ambitieux. Ainsi, les projets de centralisation de l'instruction des demandes d'aide médicale de l'État (AME) et de traitement de factures de soins urgents permettront de renforcer l'efficacité de la gestion des dispositifs. Afin de mieux garantir l'accès aux droits, pour ceux qui en ont besoin, les actions de lutte contre les abus, les détournements, ont également été renforcées, notamment à travers l'introduction d'un délai de trois mois de séjour irrégulier avant de demander l'AME, l'obligation de déposer une primo-demande d'AME en personne à la caisse d'assurance maladie, la détection des dissimulations de visa, grâce à l'outil Visabio, qui permet de vérifier que le demandeur ne dispose pas d'un visa, ce qui le rendrait inéligible à l'AME – puisqu'en situation régulière.
Un décret en cours de signature prévoit par ailleurs d'appliquer un délai d'ancienneté à l'AME de neuf mois pour la délivrance de certaines prestations programmées ou d'exiger un accord préalable du service de contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie pour les cas qui ne peuvent attendre ce délai. L'année 2021 sera consacrée à la pleine mise en œuvre et au suivi de ces mesures. Les prévisions de dépenses, vous le comprenez aisément, sont néanmoins supérieures aux prévisions de 2020 dans la mesure où les dépenses, au cours de l'année écoulée, ont été exceptionnellement faibles en raison de la crise sanitaire.
Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins se voit assigner trois objectifs : prévenir le développement de pathologies le plus tôt possible ; assurer à toute la population un égal accès aux soins dans l'ensemble du territoire ; préparer, coordonner et piloter les opérations de gestion de crise sanitaire. La prévention et l'éducation pour la santé sont aussi au cœur des politiques du programme. Leur efficacité se mesure à court, moyen et long terme. De fait, les indicateurs réunis pour l'objectif n° 1, « Améliorer l'état de santé de la population et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé », permettent notamment de mesurer l'efficacité de la politique de prévention par le dépistage des cancers, la prévention et la lutte contre le tabagisme, tout comme la priorité donnée à la couverture vaccinale.
Par ailleurs, un plan national de santé publique a été élaboré pour la première fois dans une configuration interministérielle en 2018, dans le cadre du comité interministériel pour la santé. Présenté le 26 mars 2018par le Premier ministre Édouard Philippe, ce plan est l'outil indispensable pour rendre opérationnel le premier axe de la stratégie nationale de santé. Il fait de la prévention la pierre angulaire de la transformation de notre système de santé et marque le renforcement de la promotion de la santé, de l'éducation à la santé chez les plus jeunes et l'intervention du service sanitaire. La richesse de ce plan se trouve dans son approche chronologique, en fonction des âges de la vie, et populationnelle, mais aussi dans son approche transversale des actions de prévention, pour leur financement et la mobilisation des moyens nécessaires à leur mise en œuvre, qui relève de multiples financeurs – l'assurance maladie, le ministère, les agences sanitaires, les agences régionales de santé (ARS).
Le plan national de santé publique 2020, qui devait être dévoilé en mars 2020, à l'occasion d'un comité interministériel, n'a pas vu le jour, en raison de l'impact de la gestion de l'épidémie. La priorité devait être donnée à la prévention de la perte d'autonomie – thématique qui m'est chère en raison de mes attributions ministérielles – et aux enjeux de santé environnementale, en lien avec le quatrième plan national santé-environnement. Présenté la semaine dernière aux parties prenantes et intitulé « Mon environnement, ma santé », il est soumis, depuis lundi dernier, et jusqu'au 9 décembre prochain, à la consultation publique, sur la plateforme mise en ligne par le ministère de la transition écologique. Ce plan doit permettre à chacun, citoyen, élu, professionnel de santé, chercheur, d'agir pour un environnement favorable à notre santé.
L'année 2021 sera par ailleurs une année riche dans le domaine de la santé publique, car nous aurons l'occasion de traduire les engagements du Gouvernement en faveur de la lutte contre le cancer, à l'occasion de la présentation de la stratégie décennale, mais également, et plus largement, de renforcer les actions de santé publique, dans le cadre de la mise en œuvre du Ségur de la santé.
Une attention particulière sera également prêtée aux spécificités des outre‑mer, notamment pour améliorer la performance de l'offre de soins et adapter les outils aux besoins de la population ultramarine.
Dans ce contexte, le Ségur de la santé offre de nouvelles perspectives au travers du développement de l'attractivité de l'exercice médical à l'hôpital et du soutien à l'investissement.
Enfin, la mission Santé permet d'assurer l'indemnisation à l'amiable des victimes du Mediator et de la Dépakine. S'agissant des victimes de la Dépakine, la simplification du dispositif prévu par la loi de finances pour 2020 est désormais effective et permettra d'accélérer le traitement des demandes au bénéfice des victimes.
Vous m'avez chargée d'examiner les crédits de la mission Santé du projet de loi de finances pour 2021 ; je commencerai par vous en préciser le périmètre car l'intitulé peut laisser planer le doute. En effet, on pourrait s'attendre à ce que les politiques de santé publique soient massivement financées par cette mission, étant donné qu'il s'agit de politiques régaliennes qui ne relèvent pas d'une logique assurantielle. Mais notre pays a choisi, depuis plusieurs années, de rapprocher la prévention et la promotion de la santé de l'offre de soins. Le Gouvernement invoque, à l'appui de ce choix, la nécessaire continuité entre ces missions et le fait que les acteurs soient souvent les mêmes. De ce fait, la santé publique est désormais largement financée par la sécurité sociale, à commencer par l'agence que nous connaissons tous et qui joue un rôle de premier plan dans la crise sanitaire que nous traversons : Santé publique France.
Pour vous en donner une idée, l'annexe 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) estime le montant global des dépenses annuelles de santé publique à 9 milliards d'euros alors que le budget de la mission que nous examinons ce soir s'élève à 1,3 milliard et seulement 260 millions d'euros si l'on retire l'AME.
Je ne reviendrai pas sur l'AME, qui représente une dépense indispensable dans une perspective humanitaire et sanitaire. En dehors de l'AME, les politiques financées par la mission Santé sont d'une ampleur réduite, parfois trop au regard des enjeux de santé publique.
Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit de reconduire le financement d'une étude sur la maladie de Lyme pour des montants dérisoires : pourriez-vous préciser le contenu et le budget pluriannuel de cette étude ? En février 2020, le comité de pilotage du plan national de lutte contre les maladies vectorielles à tiques recensait un effort de recherche pluriannuel global de 6 millions d'euros, saupoudré entre quarante-six projets différents. Dans ces conditions, il est légitime de douter de la vision d'ensemble et des effets de ces 6 millions d'euros, au demeurant très insuffisants. Comment comptez-vous, à l'avenir, madame la ministre, piloter, concentrer, renforcer l'effort en faveur des maladies vectorielles à tiques ? C'est, pour beaucoup d'entre nous, une priorité de santé publique. La commission des affaires sociales l'a constaté à l'occasion de tables rondes organisées le mois dernier : le moins que l'on puisse dire, c'est que le besoin de connaissances scientifiques dans ce domaine est criant. C'est le seul moyen de dépasser les politiques stériles dans lesquelles nous nous trouvons aujourd'hui. Je présenterai donc un amendement pour financer un programme de recherche digne de ce nom.
Signalons au passage que, contrairement à ce que l'on pourrait penser, le financement de crise sanitaire ne repose pas sur la mission Santé, mais sur la sécurité sociale. Néanmoins, en 2020, la direction générale de la santé est intervenue en soutien à Santé publique France pour financer l'achat de matériels médicaux. Ainsi, 700 millions d'euros ont été transférés à cette fin sur le programme 204 de la mission Santé. Madame la ministre, que reste-t-il aujourd'hui de ces 700 millions ? Quels seront les besoins de votre ministère pour financer les matériels médicaux, médicaments, vaccins, en 2021 ? Les budgets nécessaires ont-ils été sanctuarisés ?
Venons-en au cœur de mon rapport, un sujet que l'on ne découvre qu'en se penchant sur cette mission alors qu'il s'agit d'une dépense structurante pour un territoire de la République française certes bien éloignée : l'agence de santé de Wallis-et-Futuna.
J'aurai une pensée pour mon collègue Sylvain Brial à qui je souhaite beaucoup de courage pour mener son travail de rééducation.
Cette agence de santé intervient depuis 2001 comme acteur unique de la santé dans le territoire de cette collectivité d'outre-mer. Elle est intégralement financée par la solidarité nationale, pour des raisons historiques et pour d'autres, liées aux caractéristiques très particulières de ce territoire, à la fois petit, peu peuplé et perdu au milieu du Pacifique, dont la population a des ressources très modestes.
Lorsque j'ai choisi de m'intéresser à cette agence, j'ai buté sur le manque d'informations. J'ai donc demandé au ministre de la santé que l'on me communique un rapport de mission réalisé en 2019 par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Contrôle général économique et financier (CGEF). L'obtenir ne fut pas chose facile et ce fut finalement par l'intermédiaire de la rapporteure spéciale de la commission des finances, Mme Louwagie, que j'ai pu y accéder. Je l'en remercie.
Ce document dresse un constat pour le moins sévère de l'état de santé de la population de Wallis-et-Futuna et les moyens mis en œuvre par l'État. En résumé, les habitants sont massivement affectés par les maladies non transmissibles – diabète, hypertension, pathologies cardiaques associées, cancers – qui résultent principalement d'un mode de vie inadapté et d'une alimentation bien trop riche, grasse et sucrée. Ce fléau, qui frappe toutes les populations du Pacifique, atteint Wallis-et-Futuna dans des proportions inquiétantes : 70 % des habitants sont obèses et 90 % en surpoids. Surtout, de plus en plus d'enfants sont obèses. D'autres problèmes s'ajoutent à cette situation : addictions, problèmes de santé mentale, problèmes d'assainissement et d'accès à l'eau potable.
Pour faire face, l'agence de Wallis-et-Futuna a longtemps eu des moyens inadaptés. Il faut dire qu'il existe dans ce territoire isolé un problème structurel de développement de l'offre de soins. Il n'y a toujours pas de cardiologue alors que la prévalence des maladies cardiaques y est très élevée. Il n'y a pas non plus de pédiatre, ni de psychiatre, ni d'ophtalmologue.
Pour cette raison, l'agence doit très souvent recourir aux évacuations sanitaires, qui représentent plus du tiers des dépenses de santé dans les îles – environ 15 millions d'euros. Les patients sont évacués en priorité à Nouméa, qui se trouve tout de même à 2 000 kilomètres de distance. Et lorsque le plateau technique de la Nouvelle-Calédonie ne suffit pas, ils sont évacués vers la métropole ou vers Sydney, en cas d'urgence vitale.
Le budget de l'agence de santé a été progressivement rehaussé depuis plusieurs années pour prendre en compte les besoins en santé du territoire. En 2020, pour la première fois, ce budget a fait l'objet d'une estimation sincère mais il faut à présent compenser les conséquences négatives de toutes ces années de sous-financement.
Pour ce qui est des investissements, la situation est aujourd'hui difficilement concevable pour un territoire de la République. Les bâtiments de l'agence sont vétustes et amiantés, aucune norme de sécurité n'est appliquée. Il n'y a dans les chambres ni système d'appel malade ni fluides médicaux. Le bloc opératoire ne répond à aucune norme ISO.
Par ailleurs, l'agence n'a jamais exercé sa mission en matière de santé publique, faute de moyens. Quand on voit l'état de santé de la population, on mesure à quel point cette abstention a été dommageable et même coupable.
Le constat est sévère et l'État est directement en cause puisque la santé relève de sa compétence, en application de la loi de 1961 qui fonde la collectivité d'outre-mer.
La bonne nouvelle, c'est que l'État se décide enfin à réagir. Il faut signaler le réel effort de votre ministère, madame la ministre, depuis 2013, pour rebaser la dotation de l'agence. Pour 2021, cette dotation doit être portée à 46,5 millions d'euros, en hausse de 4 millions par rapport à 2020. Qui plus est, et c'est une bonne surprise, vous avez réservé à l'agence une dotation d'investissement de 45 millions d'euros au titre du Ségur de la santé.
Ces nouveaux moyens étaient indispensables et attendus. Ils permettront de développer l'offre médicale dans le territoire, de mener un projet de télémédecine, de conduire de véritables programmes de santé publique, de reconstruire, humaniser, rénover, étendre les bâtiments de l'agence – signalons que l'hôpital dépend de l'agence.
En somme, ils permettront de faire face à une urgence de santé publique dans ce territoire. Fort heureusement, les Wallisiens et Futuniens ont été, jusqu'ici, préservés de la covid-19, au prix de mesures sanitaires drastiques aux frontières. Vous imaginez sans peine les dégâts que pourrait y causer une telle pandémie, étant donné l'état de santé de la population et les capacités limitées du système de soins.
Je salue le réengagement de l'État en faveur des Wallisiens et Futuniens, qui constitue le fait marquant du budget de la mission Santé pour 2021. Pour cette raison, je vous encourage à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Le champ de la mission Santé du PLF 2021 est naturellement plus limité que celui des lois de financement de la sécurité sociale, mais celle-ci comprend des actions importantes, qui sont bien prises en compte : premièrement, les crédits l'AME dont les crédits représentent 80 % des budgets de cette mission, soit 1,61 milliard d'euros, ce qui est essentiel pour la santé de populations très précaires ; deuxièmement, le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, évidemment marqué par la gestion de la crise de la covid-19.
Je souhaite m'arrêter plus particulièrement sur l'action n° 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades », dotée d'une enveloppe de 50,6 millions d'euros, qui permet notamment de coordonner des actions comme la lutte contre le cancer à travers l'Institut national du cancer et de soutenir l'important travail des acteurs de la prévention des maladies chroniques.
La crise sanitaire bouleverse profondément les protocoles de soins des cancéreux et des autres malades souffrant d'affections chroniques : retards de diagnostic, prises en charge différées, traitements suspendus. Des actions spécifiques sont-elles envisagées pour corriger et compenser le mieux possible ces retards de soins ?
Un second point, toujours dans l'action n° 14, concerne la légère baisse des budgets dévolus à la santé sexuelle. Sera-t-il possible, ultérieurement, de la compenser pour ce secteur qui se révèle fragile ? Nous connaissons tous les difficultés que rencontrent aujourd'hui les acteurs de la lutte contre les infections sexuellement transmissibles. Ainsi, la délivrance du traitement prophylactique PrEP, qui permet de réduire la contamination par le VIH, a baissé de 36 % depuis le début de la crise sanitaire ; il faut impérativement revenir au niveau antérieur.
Globalement, le groupe La République en Marche exprime un avis très favorable sur les crédits de cette mission et les votera sans hésitation.
La mission Santé du projet de loi de finances revêt cette année une dimension particulière et inédite en raison de la terrible crise sanitaire qui frappe notre pays et des mesures d'urgence qui ont été prises.
Elle se démarque des deux textes essentiels relatifs à la santé, les lois dites « santé » et le PLFSS, puisqu'elle est exclusivement financée par le budget de l'État et non par celui de la sécurité sociale.
Son objet est triple : le financement de certains opérateurs de la prévention, l'indemnisation des victimes de l'amiante et l'AME.
Cette année, les crédits au titre de la mission Santé s'établissent à 1,32 milliard d'euros, soit une hausse de 200 millions par rapport à 2020.
Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins rassemble 18 % des crédits de la mission. Sa dotation s'établit à 260 millions d'euros, ce qui représente une progression d'environ 60 millions, cette hausse n'étant due qu'au plan d'investissement pour l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna. Ce poste budgétaire, largement méconnu en France métropolitaine, bénéficie cette année d'une augmentation sans précédent de ses moyens, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir compte tenu du contexte. Le rapport de l'IGAS et du CGEF d'avril 2019 faisait en effet état de difficultés particulières rencontrées par la population wallisienne et futunienne. Cette augmentation de crédits permettra de moderniser l'offre de soins et de la mettre en adéquation avec les besoins de la population tout en recherchant une plus grande efficience.
La question de la taille critique nécessaire pour permettre à l'État de disposer d'une réelle capacité de pilotage de la politique de santé publique se pose toujours car les crédits restants sur ce programme sont toujours très réduits : entre 2013 et 2017, les crédits du programme 204 ont baissé de 38,2 %.
L'année dernière, une réforme du dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine demandée par ma collègue rapporteure spéciale Véronique Louwagie a été adoptée. Elle permettait notamment de réduire de trois à un mois le délai d'indemnisation des victimes par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux. Toutefois, l'application de la réforme a été retardée en raison de la crise sanitaire et il est donc difficile d'en établir un bilan complet. La trajectoire du dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine demeure toujours très éloignée des objectifs initiaux.
Enfin, le programme 204 ne comporte qu'une dépense minime de 7 millions d'euros liée à la crise sanitaire et consacrée aux systèmes d'information. Il aurait été pourtant pertinent de budgéter dès à présent certaines dépenses, notamment en prévision d'éventuelles procédures judiciaires mettant en cause la responsabilité de l'État ou de ses opérateurs dans la crise sanitaire.
Les crédits du programme 183 Protection maladie s'établissent à 1,07 milliard d'euros, en hausse d'environ 140 millions par rapport à 2020. Ils financent quasi‑exclusivement l'AME, c'est-à-dire, l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, et représentent 85 % des crédits de la mission.
Les dépenses restantes couvrent la participation de l'État au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), essentiellement financé par une contribution du régime général de la sécurité sociale.
L'année dernière, lors du vote du budget, le Gouvernement anticipait une stabilisation de la dépense d'AME dès 2020 grâce à une gestion plus efficiente des dispositifs et à un renforcement des contrôles de la dépense. Force est de constater qu'« à défaut d'être un échec, cela n'a pas marché », pour reprendre la formule du Président de la République. Si la stagnation du nombre de moyens et de bénéficiaires entre 2016 et 2018 pouvait plaider en ce sens, le regain de 5 % observé en 2019, puis de 4,5 % en 2020, ainsi que le dynamisme du coût moyen par bénéficiaire doivent inciter à la plus grande prudence. Surtout, l'évolution de la dépense, en hausse de 46 % entre 2011 et 2020, conduit à s'interroger sur la soutenabilité du dispositif.
Le groupe Les Républicains considère que le débat de fond concerne principalement l'efficacité de la politique migratoire du Gouvernement, l'AME n'étant que le corollaire de la gestion des flux d'entrées illégales sur le territoire.
Des propositions sont formulées depuis près de dix ans en termes de centralisation des demandes ou de renforcement des contrôles des dossiers a priori et a posteriori. Le problème de l'explosion des coûts semble donc plus s'expliquer par l'augmentation du nombre de bénéficiaires, qui usent de l'ensemble de leurs droits dans des conditions légales, que par la fraude, la surconsommation de soins n'étant pas répréhensible en tant que telle.
Nous disposons en fait de très peu de données. Par exemple, la donnée relative aux pays d'origine des bénéficiaires de l'AME n'est pas conservée par l'assurance maladie alors qu'elle permettrait d'en savoir plus sur le lien entre flux migratoires et évolution du nombre de bénéficiaires. Avez-vous envisagé qu'une étude complète soit menée sur l'ensemble des dispositifs prenant en charge des personnes en situation irrégulière ?
Le financement de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna était attendu depuis de longues années. Comme Jeanine Dubié, j'ai une pensée particulière pour notre collègue Sylvain Brial, député de Wallis-et-Futuna, qui se remet avec courage d'un grave accident. Son combat laisse espérer une issue heureuse.
Les années 2020 et 2021 seront en effet particulières. Le Président de la République vient d'annoncer un nouveau confinement suite aux conséquences de l'explosion virale. Je pense, comme d'autres, que cette mission Santé devrait avoir un rôle de pilotage stratégique. Toutefois, une dichotomie s'est installée au fil du temps : une direction suppose que lui soit adossée une stratégie de financement ; or le financement direct par l'État à travers les missions, sur lesquelles nous, parlementaires, exerçons notre contrôle, est toujours plus faible que ce que finance l'assurance maladie. Un problème de cohérence se pose donc et je gage que cette question vous intéresse particulièrement, madame la ministre, vous qui avez présidé cette commission.
Présidente de la mission d'information parlementaire sur l'impact, la gestion et les conséquences de l'épidémie de covid-19, vous savez également que l'assurance maladie a dû répondre aux demandes formulées par la direction générale de la santé afin de suppléer les carences de Santé publique France. Je ne porte pas un jugement de valeur : c'est ainsi que les choses se sont passées au printemps. Avec la terrible pandémie que nous connaissons, le Parlement s'honorerait de se saisir de ces problèmes.
Depuis les années 1990, de nombreuses agences ont été créées ou se sont regroupées : l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est arrivée, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est là, les ARS sont montées en puissance. Là encore, un problème d'articulation, le mot n'est pas trop faible, se pose entre les décisions stratégiques nationales prises sur le plan ministériel – je songe aux fameuses réunions du lundi en présence, normalement, de tous les opérateurs – et leurs déclinaisons sur le terrain.
Il en est de même en matière de prévention, qui est au cœur de tout, où un peu plus de 50 % des financements sont assurés par l'État ou l'assurance maladie et le reste par les conseils départementaux et les organismes privés.
Des enseignements doivent être tirés, car la terminologie même de cette mission exige un résultat plus affirmé que celui que nous connaissons.
Il est vrai que la croissance de l'AME est exponentielle depuis de longues années. Certes, une obligation de résidence ininterrompue de plus de trois mois sur le territoire a été instaurée mais lorsque plus des deux tiers des enveloppes sont consommés par des personnes hospitalisées, il n'y a pas lieu de l'imputer à surconsommation particulière, Josiane Corneloup l'a très bien dit, mais au plus grand nombre de consommateurs.
Jeanine Dubié, avec beaucoup d'autres, se bat contre la maladie de Lyme et les désastres qu'elle provoque, combat qui dépasse les considérations partisanes. Nous auditionnions voilà quelques semaines encore différentes personnalités, mais quel spectacle offrons-nous à ceux qui en sont atteints ? Les avis des scientifiques et des écoles de pensée sont souvent divergents et leurs querelles peu constructives ; j'espère que cette mission tant attendue arrivera dans les meilleurs délais. Ce serait un apport précieux de l'Assemblée nationale et du Parlement pour faire en sorte que cette maladie soit éradiquée. Il n'y a pas de raison que l'on n'y arrive pas.
L'examen des crédits de la mission Santé pour 2021, répartis entre le programme 204, consacré à la prévention, et le programme 183, consacré à l'AME, se voit bousculé par le contexte sanitaire, même si nous partageons l'avis de la rapporteure quant au rétrécissement du périmètre de la mission au fil du temps et au caractère hétéroclite des actions qui y sont rattachées.
Je commencerai par le programme 183, dont la hausse de 15,41 % résulte en grande partie de la prise en compte des mesures de restriction d'accès à la protection universelle maladie (PUMA), qui induiront un report sur l'AME.
Pour rappel, l'an dernier, la majorité avait déjà voté la diminution de 15 millions du budget de l'AME et l'exclusion, sauf dérogation, de certains soins non urgents. Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, dans son avis du 28 septembre, demande que les délais de carence introduits en 2019 pour l'accès à l'AME et à l'assurance maladie soient supprimés, en particulier pour les actes de prévention et les actes médicaux liés à l'épidémie de covid-19. Dans son récent rapport, Médecins du monde dresse un constat bien sombre de l'accès inconditionnel aux soins et au droit universel à la santé, qui n'ont fait que s'amenuiser ces dernières années pour la population migrante.
La fusion de l'AME avec la PUMA serait une réponse pragmatique qui permettrait un accès précoce aux soins et, comme le note Médecins du monde, aurait des conséquences moins coûteuses pour notre système de santé. Avez-vous évalué les coûts positifs ou négatifs d'une telle mesure, que vous refusez de prendre malgré les nombreux amendements qui ont été déposés les années précédentes ?
L'augmentation de 16 % du programme 204 est essentiellement due aux 45 millions affectés à l'agence de santé de Wallis-et-Futuna, ce que nous saluons compte tenu des enjeux qui se posent sur ce territoire. Nous nous interrogeons néanmoins sur le saupoudrage du reste du programme. Manque en effet, comme au PLFSS, le financement d'une politique volontariste en matière de prévention et de promotion de la santé, alors que le plan national de santé publique 2020 a été finalement abandonné en raison de la crise du covid-19.
Ainsi, nous regrettons par exemple la faible augmentation de 2,66 % des crédits de prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation, qui financent notamment l'application du programme national nutrition santé et le fonctionnement de l'ANSES. Nous devrions en effet investir massivement pour améliorer les dispositifs d'information et de sensibilisation aux questions d'alimentation, notamment à destination des enfants, et renforcer considérablement les moyens de l'ANSES, dont le rôle est essentiel dans l'élaboration des politiques publiques environnementales – la réautorisation de l'usage des néonicotinoïdes, qui doit faire l'objet d'une étude de sa part, en est un exemple.
De même, nous pouvons être surpris que l'action n° 16 relatives aux crédits de veille et de sécurité sanitaires, incluant notamment l'anticipation des crises sanitaires ou la prévention des risques infections émergents, demeure identique alors que la situation sanitaire aurait pu justifier à tout le moins une augmentation.
Enfin, lors des travaux de suivi dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire au printemps dernier, ma collègue Audrey Dufeu et moi-même avions établi que la quasi‑absence de dépistage pendant cette période pouvait faire craindre des retards délétères de diagnostics qui auraient des répercussions dans les mois et les années à venir. Ces retards de prise en charge ou l'absence de soins ont été particulièrement inquiétants en ce qui concerne les cancers, ou s'agissant du risque de réactivation de certaines pathologies comme les accidents vasculaires cérébraux et les diabètes. Nous avions établi que le diagnostic et le dépistage des maladies devraient faire l'objet de tous nos efforts dans les semaines et les mois suivants le déconfinement. En ce sens, les crédits de l'action n° 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » nous semblent insuffisants et contre-productifs. La baisse des crédits consacrés à la santé mentale est quant à elle inopportune face aux risques de fragilisation psychologique de la population pendant la crise sanitaire. Quelles mesures le Gouvernement a-t-il pris pour relancer les politiques de dépistage, alors qu'un reconfinement a été annoncé ?
Nous partageons les objectifs du Gouvernement concernant l'amélioration de l'état de santé de la population et la réduction des inégalités sanitaires territoriales et sociales.
Le texte prévoit d'augmenter les crédits de la mission Santé de 18 % pour atteindre 1,3 milliard d'euros. Il faut noter toutefois que cette mission ne contient qu'une partie des dépenses publiques consacrées à la santé car les questions budgétaires liées aux politiques de santé publique, à l'offre de soins et à l'assurance maladie relèvent du PLFSS, examiné la semaine dernière.
Cette mission s'inscrit cependant dans un contexte très particulier cette année. Même si, a priori, elle n'est que peu concernée par la pandémie, il ne faut pas négliger le rôle des mesures de prévention sur les conséquences sanitaires en termes de nombre de malades et de décès. Ainsi, une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques a croisé données sociales et épidémiologiques et a montré que les premières personnes touchées par le virus sont les populations les plus fragiles.
Au-delà du facteur lié à l'âge, certaines pathologies aggravent les symptômes liés au covid-19 – obésité, hypertension artérielle ou diabète – et sont inégalement réparties sur le territoire. Vous le savez, le département du Nord n'est pas épargné par leur cumul et la situation sanitaire actuelle en est un nouveau révélateur.
Mon prédécesseur, Francis Vercamer, ne cessait de le répéter : les moyens déployés pour compenser ces inégalités sont insuffisants, alors que le « bleu » budgétaire consacré à cette mission affiche l'ambitieux objectif de réduire les inégalités sanitaires territoriales et sociales.
À cet effet, un « jaune » budgétaire consacré à la prévention et à la promotion de la santé annexée à la mission Santé a été ajouté l'année dernière. Si complet qu'il puisse être, ce document ne contient pas d'informations quant à la répartition territoriale des mesures ou aux indicateurs locaux concernant leur efficience. Dans ces conditions, comment pouvons-nous être éclairés sur la lutte réelle contre les inégalités territoriales en matière de santé ? Comment les départements qui en ont le plus besoin pourraient-ils être prioritaires ?
Par ailleurs, les débats sur le projet de loi relatif à la bioéthique et sur la proposition de loi visant à allonger le délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse ont révélé l'importance de développer des campagnes d'informations sur l'infertilité et la contraception : 10 % à 15 % des couples, en France, rencontrent des difficultés à concevoir un enfant et consultent pour infertilité. Chaque année, 20 000 enfants naissent grâce aux techniques d'assistance médicale à la procréation : 70 % par fécondation in vitro, 30 % par insémination. Si la procréation médicalement assistée donne un véritable espoir aux couples stériles, le parcours est néanmoins contraignant et de nombreux échecs sont à déplorer.
Au-delà des efforts à faire pour soutenir la recherche, la prévention sur ces questions ne doit pas se réduire à l'éducation à la sexualité dans les écoles. Quelles actions seront-elles engagées ?
Enfin, les sommes affectées à l'AME représentent 80 % des crédits de la mission. Ces crédits poursuivent une dynamique d'augmentation, soit, une hausse de 15 % par rapport à l'exercice précédent, et dépassent pour la première fois le milliard d'euros. Nous ne sommes pas favorables à la restriction du périmètre de l'AME, ni à la suppression pure et simple d'un dispositif répondant à un devoir d'humanité, ce qui reviendrait à transférer la prise en charge des personnes en situation irrégulière aux services d'urgence, donc, aux hôpitaux.
C'est contre les détournements qu'il faut lutter ! Nous notons le renforcement des contrôles et le projet de centralisation de l'instruction des dossiers en métropole, novation indispensable pour lutter contre le dévoiement du dispositif dans le cadre du tourisme médical. Toutefois, l'objectif affiché d'une augmentation des contrôles des dossiers de 11,4 % en 2019 à 12 % en 2021 nous semble bien insuffisant.
À la lumière du rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales, d'autres moyens de contrôle peuvent être encore développés et le groupe UDI et Indépendants a des propositions à formuler. Ainsi, par quel biais pensez‑vous pouvoir faire progresser l'efficience et la qualité des contrôles susceptibles d'être opérés sur le dispositif de l'AME ?
L'épidémie de coronavirus n'est pas terminée. Elle est même de grande ampleur, ce qui nous oblige à consentir de gros efforts, des sacrifices, et à prendre des mesures que nous ne pensions pas devoir appliquer un jour. Elle nous rappelle aussi combien la santé est un bien précieux, ce que nous avons parfois oublié, nous laissant aller à une foi en la science et à une confiance aveugle dans les progrès de la médecine. Nous ramenant à notre statut de mortels, elle nous fait prendre conscience que c'est un bien précieux et fragile et que les efforts de la nation pour accompagner les progrès médicaux doivent être poursuivis.
Cela, bien sûr, a un coût et c'est l'objet du texte que nous examinons aujourd'hui, même si le périmètre de la mission Santé est limité, puisque l'essentiel des actions sanitaires relève du PLFSS.
Pour 2021, ses crédits augmentent de 17,81 %, passant de 1,12 milliard d'euros en 2020 à 1,32 milliard, principalement en raison de la hausse des crédits de l'AME, qui représentent 80 % des crédits de la mission – environ 990 millions.
Cette mission est divisée en deux programmes, l'un sur la prévention, le 204, l'autre sur l'effort de solidarité nationale envers les plus démunis, le 183. Ce dernier concerne l'AME ainsi que le remboursement des frais induits par pathologies liées à l'amiante.
Les crédits du programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, marqués par la crise sanitaire, augmentent de 29 % entre 2020 et 2021 pour atteindre 260,2 millions d'euros, principalement en raison d'une hausse de 45 millions de crédits en raison de la modernisation de l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna, financée par une dotation du Ségur de la santé.
Face à la crise sanitaire que nous traversons, les politiques de prévention doivent plus que jamais être soutenues. Ainsi, l'amélioration des taux de couverture vaccinale est une priorité, tout comme l'augmentation du taux de participation au dépistage du cancer colorectal pour les personnes de 50 ans et plus.
Cependant, la rupture prématurée des stocks de vaccins antigrippaux dans les pharmacies doit nous alerter sur l'anticipation de l'organisation de la prochaine campagne vaccinale. Pour ce qui est du taux de couverture vaccinal de la grippe, nous avons bien conscience que la crise actuelle met en évidence une anticipation difficile mais indispensable. Les tensions actuelles devront nous amener à réfléchir à une organisation différente.
Les crédits du programme 183 Protection maladie augmentent de 15 %, à hauteur de 1 milliard d'euros, contre 927 millions prévus en 2020. La hausse est due essentiellement aux crédits fléchés vers l'AME, qui augmentent de 15 %. Nous sommes favorables à une approche mesurée de ce sujet sensible et propice aux caricatures.
J'en viens aux dotations du FIVA. Au-delà des 8 millions d'euros figurant dans la mission Santé, le PLFSS 2021 fixe la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général au FIVA à 220 millions d'euros alors que le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale préconisait un maintien de la dotation au même niveau qu'en 2020, c'est-à-dire 260 millions. La crise sanitaire a eu des conséquences importantes sur le fonctionnement du Fonds. Il est urgent de réduire les délais de traitement des dossiers en instance.
Au-delà de ces points de vigilance, le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission Santé.
Je ne reviendrai pas sur les points qui ont été déjà évoqués, sur les crédits pour les actions de prévention et de promotion de la santé et de soutien au développement de la démocratie en santé : beaucoup a été dit.
Je souhaite en revanche revenir sur la santé des populations en difficulté. Ses crédits augmentent mais je m'interroge sur votre choix de ramener les crédits consacrés à la santé de la mère et de l'enfant à l'action n° 12, à un montant inférieur à celui de l'année dernière. Quelle en est la raison, alors que nous avons examiné il y a quelques jours ici même le rapport de la commission dite des « 1 000 premiers jours » et que nous nous attendions à des engagements plus importants ?
Il en est de même à propos des crédits de l'action n° 16 « Veille et sécurité sanitaire » du programme 204 : pourquoi n'ont-ils pas augmenté alors que la période que nous traversons impliquerait des moyens supplémentaires, ne serait-ce que pour budgéter dès à présent certaines dépenses en prévision d'éventuelles procédures qui pourraient mettre en cause la responsabilité de l'État ou de ses opérateurs dans la crise sanitaire ?
Enfin, je m'intéresse beaucoup à la lutte contre la maladie de Lyme, financée par cette action n° 16 conjointement avec la surveillance des moustiques vecteurs de maladies infectieuses. Le budget prévu de 570 000 euros est très loin de ce qui serait nécessaire pour apporter une réponse aux milliers de patients en errance médicale. Nous avons organisé des tables rondes au sein même de cette commission et nous sommes tous d'accord pour souligner l'importance de cette question, tant les malades ont besoin d'une aide qui nécessite des moyens en conséquence. Notre système de santé n'est pas en mesure de leur proposer une prise en charge adaptée en raison de l'insuffisance des connaissances scientifiques sur ces maladies. Il est temps de pallier ces lacunes. Que proposez-vous, madame la ministre, et que pensez-vous de la proposition de notre collègue rapporteure visant à augmenter de 10 millions d'euros l'enveloppe consacrée aux études sur ces maladies vectorielles à tiques, en écho aux propositions faites lors de l'examen des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur ?
J'ai bien écouté votre intervention, madame la ministre, à propos de la prévention et des efforts nécessaires à accomplir dans le dépistage des cancers. Avec la crise du covid-19, nous avons perdu beaucoup de temps pour dépister les plus courants d'entre eux, ce qui renforce en la matière une stagnation et même un recul que nous constatons depuis plusieurs années. En ce mois d'« octobre rose », je pense à la baisse du taux de participation au dépistage organisé du cancer du sein, qui stagne autour de 50 %, et à celui du cancer colorectal, qui est de 30 %, loin du repère acceptable recommandé par l'Union européenne, qui est de 45 %. Quelles approches novatrices pourraient-elles voir le jour pour convaincre et motiver nos concitoyens, sachant que le dépistage anticipé, pour ces cancers, est la meilleure garantie de guérison ?
Dans le même ordre d'idée, pourriez-vous dire un mot sur les actions prévues pour la prévention de l'obésité, qui touche 17 % de nos concitoyens ? C'est un des maux du siècle, avec sa cohorte de maladies chroniques, de handicaps et de cancers.
Ce programme 183 Protection maladie, qui finance quasi‑exclusivement l'AME, c'est-à-dire l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, augmente de 15 %, soit 141,5 millions d'euros. De 2013 à 2021, son augmentation, continue, atteint 90 %, avec un nombre de bénéficiaires équivalent à la population de la ville de Nice...
Avec mes collègues Les Républicains, nous avons des propositions.
Le Gouvernement doit engager une étude complète de l'ensemble des dispositifs, avec un état des lieux complet du coût de chacun d'eux.
Deuxièmement, il convient de renforcer le contrôle des bénéficiaires et des facturations afin d'obtenir des informations claires sur les soins prodigués.
Troisièmement, il convient d'instaurer des mesures permettant de limiter l'explosion des dépenses, par exemple en s'adjoignant les services d'interprètes bénévoles ou professionnels, assermentés par le tribunal de grande instance ou la préfecture, afin de limiter le tourisme médical et l'absence de facturations de certains patients.
Quatrièmement, il convient de réduire le panier de soins et d'instaurer une procédure d'agrément pour les soins non urgents dépassant un certain montant.
Il faut bien entendu prendre en charge les soins à caractère vital et urgent, en cas de souffrance physique, les soins destinés aux femmes enceintes et relatifs à l'accouchement, les soins contre les infections, les soins aux victimes d'accidents du travail ou d'une agression physique – ce que permet d'ailleurs la visite gratuite de prévention. Mais il faut également faire en sorte que l'accès aux soins ni urgents ni prioritaires soit soumis au paiement d'un droit de timbre, modulé en fonction des revenus du foyer, et à une procédure d'agrément.
Enfin, il faut se rendre à l'évidence : une limitation substantielle des dépenses relatives à l'AME ne sera possible qu'en luttant vraiment contre l'immigration illégale.
Madame la ministre, allez-vous enfin reprendre nos propositions ?
Madame la rapporteure, vous voudrez bien saluer de notre part Sylvain Brial, pour qui j'ai également une pensée.
L'agence de santé de Wallis-et-Futuna va effectivement bénéficier d'une dotation de 46,5 millions d'euros, en hausse de 4 millions par rapport à 2020, dans le cadre d'une dynamique de rebasage et de renforcement de la prévention. La progression de 9,41 % de cette dotation atteste la volonté des pouvoirs publics de conforter l'action et les moyens de l'agence : c'était une nécessité vitale pour ce territoire français, le plus éloigné de la métropole. Nous y avons été attentifs, comme vous l'avez rappelé.
Pour ce qui concerne la maladie de Lyme, sujet qui vous est cher, des moyens lui ont été consacrés dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique et des dotations de recherche des établissements. La question qui se pose est avant tout celle de la mise en place d'un programme efficace, assorti d'un suivi pertinent. Je rappelle qu'il existe une nouvelle organisation des soins – du médecin généraliste jusqu'au centre de référence, pour une expertise de haut niveau – et que toutes les équipes peuvent demander la prise en charge de leurs recherches. Nous avons besoin d'une approche globale : la recherche est un élément de la réponse, mais celle-ci est intrinsèquement liée à l'amélioration de la prise en charge globale – ce à quoi nous œuvrons depuis 2017.
La problématique du renoncement aux soins, évoquée par plusieurs d'entre vous, resurgit avec le confinement et la déprogrammation de soins ou d'interventions qui va de nouveau se produire. Le dépistage des cancers a été maintenu, pendant le précédent confinement, pour les personnes symptomatiques, mais les invitations au dépistage des personnes asymptomatiques ont été suspendues pendant quelques semaines. Le ministère a fait de la reprise des invitations et des activités de dépistage des cancers colorectal, du sein et du col de l'utérus une priorité dès l'annonce du déconfinement. Les forces restent mobilisées, bien sûr, pour atteindre un double objectif : éviter un renoncement d'ampleur aux soins et identifier les profils concernés. Forts de notre expérience, nous serons très vigilants sur ce sujet, qui fait partie des préoccupations remontées du terrain. Nous savons les conséquences auxquelles nous pourrions être exposés ultérieurement.
S'agissant de l'AME, les questions qui m'ont été posées, notamment par Mme Corneloup, portaient non sur les dispositifs d'accès aux soins mais sur l'ampleur des flux d'immigration irrégulière, question qui ne relève pas de la mission Santé. Notre objectif est de garantir l'accès aux soins pour tous, pour des raisons d'humanité mais aussi de santé publique, notamment face à la pandémie actuelle. Vous pourrez en parler avec le ministre de l'intérieur, si vous le souhaitez, au besoin dans le cadre d'un débat sur l'immigration, mais pas dans celui de cette mission. J'ajoute que nous avons ajusté les moyens de régulation et de contrôle au cours des dernières années. En tout état de cause, évitons de mélanger les débats, surtout lorsqu'on traverse une telle crise.
La mission Santé ne concerne qu'une très faible partie des dépenses de soins, monsieur Vigier. Elles sont principalement financées par l'assurance maladie et donc discutées dans le cadre du PLFSS. Les dépenses figurant dans la présente mission sont liées à la prévention. Il ne m'appartient pas de changer les règles du jeu.
M. Perrut a évoqué la ligne budgétaire consacrée à la santé de la mère et de l'enfant. Parmi les mesures annoncées à la suite du rapport de Boris Cyrulnik figure la création d'un parcours pendant les 1 000 premiers jours de l'enfant. Ce parcours aura trois points d'ancrage pour toutes les femmes, en dehors des soins nécessaires : l'entretien prénatal précoce, le passage à la maternité et un accompagnement postnatal, à domicile, renforcé. C'est la feuille de route que s'est fixée le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Il n'est pas du tout question de mettre de côté cette politique, mais au contraire de l'intensifier dans le cadre des mille premiers jours, au moyen d'un suivi précoce, d'éventuels diagnostics et surtout d'un accompagnement, afin d'éviter des situations plus délicates par la suite.
M. Bazin m'a interrogée sur le panier de soins applicable dans le cadre de l'AME. La loi de finances pour 2008 a subordonné la délivrance des médicaments à l'acceptation d'un générique et la loi de finances pour 2011 a exclu de la prise en charge les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu n'a pas été qualifié de moyen ou d'important, lorsqu'ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention de maladies. En 2015, les médicaments à faible service médical rendu, remboursés à 15 %, ont été exclus de la prise en charge. Par ailleurs, la loi de finances pour 2020 a prévu un délai d'ancienneté du bénéfice de l'AME, de neuf mois, pour certains soins programmés, sauf en cas d'urgence ou d'entente préalable. Le décret fixant la liste des soins concernés est en cours de publication. On doit éviter de faire preuve de démagogie sur cette question, tout en veillant à l'efficience de nos dispositifs, qui ne doivent pas être dévoyés. Ce qui, du même coup, répond à la question de Mme Biémouret.
S'agissant du non-recours aux soins, du dépistage des cancers et du suivi, je répète, monsieur Michels, ce que j'ai dit au sujet de notre préoccupation et de notre vigilance en la matière. Beaucoup d'interventions ont été déprogrammées ou reportées : on ne doit pas le faire trop longtemps. Il est question d'une déprogrammation provisoire, d'une durée plus courte, mais le contexte reste spécial. Nous sommes conscients de ce qu'il en coûterait – pour la santé de nos concitoyens s'entend : je ne parle pas d'économie. Le report est parfois venu des patients eux-mêmes, qui n'ont pas souhaité se faire suivre : il faut les y inciter dans la mesure du possible. Nous comptons beaucoup nous appuyer pour ce faire sur la médecine de ville, qui s'est trop souvent sentie écartée ou mise de côté. Le Président de la République en a parlé dans son allocution. Nous avons besoin d'une symbiose entre la médecine de ville et les hôpitaux, qui seront surchargés, afin que les diagnostics et les suivis ne soient pas mis de côté – c'est vital.
Mme Six a évoqué la question de la prévention en matière de santé sexuelle. Un amendement adopté dans le cadre du PLFSS, à l'initiative du groupe La République en Marche, prévoit une expérimentation de consultations longues pour tout ce qui touche aux infections sexuellement transmissibles et à la contraception pour les jeunes filles de 15 à 18 ans, réalisées par des médecins généralistes, des gynécologues ou des sages-femmes. La préservation de la santé sexuelle des plus jeunes est une nécessité vitale. Cette question fait partie des priorités mises en avant dans la stratégie nationale de santé 2018-2022.
La lutte contre les inégalités sociales en matière d'accès aux soins est également une priorité. Il faut notamment veiller à la bonne information des publics. La covid frappant plus durement les personnes les plus précaires et les plus vulnérables, un des piliers du Ségur de la santé est consacré aux inégalités dans l'accès aux soins. Au total, 100 millions d'euros seront consacrés à cette question, notamment dans le cadre des permanences d'accès aux soins, l'action « aller-vers », grâce à des équipes mobiles, et la création de centres de santé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Il ne me reste plus qu'à vous remercier, madame la ministre déléguée – notamment d'avoir accepté de bousculer votre agenda. Nous avons toujours beaucoup de plaisir à vous retrouver.
La commission en vient à l'examen des crédits de la mission Santé.
Article 33 et état B : Crédits du budget général
La commission examine l'amendement II-AS30 de la rapporteure.
Cet amendement, qui ne devrait pas vous étonner, propose de consacrer 10 millions d'euros supplémentaires à la recherche sur la maladie de Lyme.
Vous savez que 67 000 cas nouveaux ont été recensés en 2018 par Santé publique France et que la communauté scientifique est profondément divisée quant aux méthodes de diagnostic, à la prise en charge et au traitement de la forme persistante de cette maladie – nous avons pu le constater lors des auditions. Les malades restent donc dans une situation d'errance thérapeutique.
Jusqu'à présent, aucun programme de recherche d'ampleur n'a été lancé pour améliorer les connaissances scientifiques sur cette maladie ni, plus généralement, sur les maladies vectorielles à tiques. Il existe une multitude de programmes, mais sans aucune coordination. Le professeur Yazdanpanah, directeur de l'institut thématique Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, a souligné en février 2020, lors d'une réunion du comité de pilotage du plan national de prévention et de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques, qu'il n'y avait que des projets disparates et hétérogènes, sans aucune ligne directrice, et que le niveau de financement était très faible – il est d'environ 500 000 euros cette année.
L'action 16 du programme 204 finance une étude, mais pour un montant très faible. Le présent amendement vise à abonder les crédits disponibles pour permettre un véritable programme de recherche sur les maladies vectorielles à tiques. Afin de tenir compte de l'article 40 de la Constitution et de la loi organique relative aux lois de finances, ces 10 millions d'euros seraient prélevés sur le budget de l'AME, mais il n'est pas dans mes intentions de réduire ces crédits : j'appellerai le Gouvernement à lever le « gage » et à apporter un financement pérenne à la recherche sur la maladie de Lyme et les maladies vectorielles à tiques.
Il s'agit à l'évidence d'un amendement d'appel, adressé au Gouvernement. Du reste, la ministre déléguée a apporté tout à l'heure des éléments de réponse sur ce qui est entrepris, ou va l'être, dans le cadre d'une prise en charge totale de la maladie de Lyme, au-delà de la recherche. Il serait plus logique d'en débattre en séance publique. Je suggère donc à notre rapporteure de le retirer pour le redéposer en séance, d'autant que, tout comme elle, je trouve qu'il serait dommageable de diminuer les crédits du programme 183 : il faut trouver un autre moyen de favoriser la recherche et la prise en charge. Le Gouvernement pourra le faire sans qu'il y ait d'effet collatéral, ce qui nous satisferait tous.
Je ne partage pas l'analyse de M. Touraine. Lui-même avait d'ailleurs déposé, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, des amendements qui ne visaient pas seulement à engager des débats. La proposition de la rapporteure pour avis tend à apporter une réponse au sujet de cette pathologie, sur laquelle nous travaillons depuis des années, d'une façon transpartisane. La ministre, qui vient de faire une ouverture, ne pourra aller que dans le sens de cet amendement. Tout le monde le réclame, notamment les personnes que nous avons auditionnées : elles nous ont demandé de les accompagner et de les aider, pour mettre un terme aux errements que nous connaissons. C'est notre travail : il appartient au Parlement d'être force de proposition, d'initiative, d'inventivité, de créativité. Sinon, de quoi aurons-nous l'air ? Ce ne serait pas rendre service aux patients et aux acteurs que nous avons entendus. Ayons au moins une pensée pour eux.
Nous avons débattu de cette question lundi dans l'hémicycle, lors de l'examen de la mission Recherche et enseignement supérieur. J'avais déposé des amendements avec M. Descoeur et Mme Trisse prévoyant des crédits en matière de recherche fondamentale. Nous avons eu la même réponse que l'année dernière : cela ne concerne pas seulement la recherche fondamentale, et il faut donc agir aussi en matière de recherche clinique... C'est précisément la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement dans le cadre de la mission Santé – et je le redéposerai en séance.
Je crois que nous sommes tous convaincus que des efforts importants restent à faire dans ce domaine. Tout comme vous, je pense, je suis persuadée que c'est seulement par des travaux de recherche, fondamentale ou clinique, que nous arriverons à dépasser la controverse qui existe au sein de la communauté médicale – cela ressort très nettement de nos auditions. Il existe des perceptions et des conceptions différentes, à tel point qu'on a l'impression que diverses écoles s'affrontent. On ne pourra sortir de cette situation que s'il y a des avancées en ce qui concerne les connaissances, le diagnostic et l'utilisation des tests sérologiques, un accord sur les traitements à prodiguer et une reconnaissance de ce qu'on appelle le syndrome persistant polymorphe après une possible piqûre de tique.
Il est important d'insister sur cette question, et je tiens à remercier la présidente de la commission, qui a été très attentive aux conclusions que nous avons tirées, Stéphane Viry et moi-même, de nos trois tables rondes. Il me semble que l'ensemble de nos collègues ont pris conscience de la nécessité d'aller plus loin en la matière.
Je soutiens l'idée qu'il faut sans doute augmenter le montant consacré aux études à réaliser dans ce domaine. Néanmoins, le montant que vous proposez me paraît vraiment très élevé par rapport à d'autres priorités du programme : en ce qui concerne la santé mentale, par exemple, 900 000 euros sont prévus pour des actions de promotion et de prévention, dont la formation aux premiers secours, le repérage et la prise en charge de la souffrance psychique chez les jeunes – de 11 à 21 ans – et un ensemble d'actions de prévention du suicide. J'attends le débat que nous aurons en séance, avec le Gouvernement, pour savoir quel montant il faudrait retenir.
Peut-être faut-il revoir le calibrage ; je n'y suis pas du tout opposée. En tout cas, cela fait des années que la question se pose : il faut vraiment que le ministère de la santé la prenne en considération très sérieusement. Nous en reparlerons en séance.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Santé sans modification.
La réunion s'achève à vingt-deux heures quinze.