Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 15h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • brexit
  • britannique
  • irlande
  • italie
  • nord
  • préfecture
  • royaume-uni
  • sortie
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

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La réunion

Source

Mercredi 20 novembre 2019

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 15 h 11.

I. Communication de Mme la Présidente Sabine Thillaye sur la réunion commune des commissions des affaires européennes de l'Assemblée nationale et de la Chambre des députés italienne du 13 novembre 2019

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Une délégation de la commission des affaires européennes s'est rendue à Rome le mercredi 13 novembre dernier, pour une réunion commune avec nos homologues de la Chambre des députés italienne et je souhaitais vous rendre compte brièvement de nos échanges.

Notre délégation, composée de six parlementaires issus des différents groupes politiques, a eu des entretiens à la Présidence du Conseil et avec le Président du groupe d'amitié Italie-France de la Chambre des députés, M. Pierre Fassino, ancien maire de Turin, membre du Parti démocrate. La réunion commune avec la commission des affaires européennes de la Chambre des députés, co-présidée par M. Sergio Battelli, du Mouvement Cinq étoiles, avait pour ordre du jour la politique migratoire de l'Union européenne et la conférence sur l'avenir de l'Union européenne.

Des prises de parole des députés italiens des différents groupes, il est apparu qu'une solution européenne sur la question migratoire était attendue avec force, notamment en vue de réviser la règle du pays de première entrée, qui pèse fortement sur la péninsule italienne. Dans l'attente de cette réforme, le renforcement des mécanismes de relocalisation, tant en termes de nombre de migrants concernés que de rapidité des procédures, a été défendu par la majorité en place. Si la nouvelle coalition n'entend plus fermer les ports italiens aux migrants, elle appelle en revanche tous les États membres à ouvrir leurs ports et à ne pas se défausser de leurs responsabilités au regard du droit de la mer et des conventions internationales régissant l'asile.

La question migratoire est clairement apparue comme un irritant dans les relations bilatérales, instrumentalisé par certaines formations politiques. La première question a été posée par une députée du groupe Fratelli d'Italia, qui a eu des propos assez forts. Elle a ainsi mis en avant les incursions des forces de l'ordre françaises en territoire italien pour s'indigner des violations de la souveraineté italienne par la France. Ces incidents sont exploités par les mouvements extrémistes. Les forces de police, de gendarmerie et de douanes doivent être extrêmement rigoureuses dans le respect des procédures, afin d'éviter d'alimenter de tels discours hostiles.

Sur l'avenir de l'Union européenne, les discussions ont principalement porté sur le prochain cadre financier pluriannuel et sur la question de l'élargissement.

Sur le premier point, la situation économique et budgétaire de l'Italie rendra difficile une augmentation significative de la contribution italienne au budget de l'Union européenne. Dans ce cadre, la tentation de réduire le budget de la PAC pour financer les nouvelles priorités pourrait trouver un certain écho parmi la coalition au pouvoir. Il ressort toutefois des échanges avec nos collègues italiens, que l'attachement à la qualité de l'alimentation et à l'importance du secteur agrico-alimentaire est largement partagé entre nos deux pays, et que l'Italie devrait être un allié pour défendre la PAC dans les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel.

Sur le second point, la partie italienne est soucieuse de donner une perspective européenne rapide aux pays des Balkans, qui sont dans leur voisinage immédiat. Le report de l'ouverture des négociations pour l'Albanie et la Macédoine du Nord n'a pas été très bien perçu par notre partenaire italien. En revanche, la proposition de refondre le processus d'adhésion, afin de le rendre plus lisible et de privilégier une lecture politique des progrès réalisés par les pays candidats, a reçu un écho favorable.

J'ai enfin proposé de créer un nouveau format de réunion entre les commissions parlementaires pour montrer notre souhait d'ouverture vers l'Italie et le caractère non exclusif de la relation franco-allemande, récemment rehaussée par le Traité d'Aix-la-Chapelle et la création de l'assemblée parlementaire franco-allemande. Il est vrai qu'on sentait une certaine forme d'inquiétude, voire d'irritation, liée au rapprochement de nos deux parlements. L'Italie, membre fondateur de l'Union, souhaite rester proche de nous.

Avec le départ du Royaume-Uni, l'Italie entrera dans le top 3 des États membres de l'Union européenne par la population et le PIB. J'ai donc proposé que nous tenions une fois par an des réunions des commissions des affaires européennes française, allemande et italienne, sur le modèle du triangle de Weimar, afin d'aborder régulièrement les grands sujets européens. Cette proposition a recueilli un large soutien chez nos collègues italiens et nos collègues allemands y souscrivent également. Nous avons proposé de baptiser ce nouveau format de réunion du nom du siège de la Chambre des députés italienne : triangle de Montecitorio. Nous pourrions accueillir en France la première réunion dans ce format dès le premier semestre de l'année 2020.

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J'étais allé en Italie avant les élections et pendant la crise migratoire ; on sentait venir le populisme. Aujourd'hui la situation semble stabilisée, mais il est vrai que le président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés italienne est très critique, sur son blog, quant à notre rapprochement avec l'Allemagne dans le cadre du traité d'Aix-la-Chapelle. Il ne faut pas oublier nos partenaires, dont l'Italie fait partie.

Il ne faut pas abandonner ce pays qui est en première ligne sur la crise migratoire. Je crois que la France et l'Union européenne font leur part. Puisque nous sommes dans le domaine des symboles, il me semble que ce déplacement a été utile pour rappeler l'attachement des Français aux relations avec l'Italie.

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Madame la Présidente, vous avez fait une bonne synthèse de cette journée. Il est en effet important de bien écouter nos collègues italiens, car il y avait beaucoup de nuances entre le Mouvement Cinq étoiles, la Ligue, le Parti démocrate. Toutefois, j'ai senti un peu d'apaisement dans les interventions, bien que les problématiques migratoires existent. Au demeurant, l'Italie attend de la considération. On peut parfois donner l'impression qu'il n'y a rien en dehors de la relation franco-allemande.

Je crois qu'il est important de renforcer ce lien, pour l'équilibre de l'Union européenne. L'Italie est un grand pays, et un pays méditerranéen de surcroît. Je pense qu'avec les pays latins en général, que sont la Portugal, l'Espagne et l'Italie, il faut renforcer les liens. Ce voyage était donc utile. Il était particulièrement intéressant de voir que la commission des affaires européennes de la Chambre des députés italienne était particulièrement rassemblée sur la question de la relation franco-italienne.

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En tant que députée de Savoie, je vous remercie pour cette initiative. Je souhaitais savoir si vous aviez pu aborder, au moins de manière informelle, la question de la liaison Lyon-Turin avec nos collègues italiens. La question de son financement avait causé des crispations et des doutes l'année dernière.

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Malheureusement, nous n'avons pas abordé cette question. Nous avons senti que ce sujet était délicat et que les représentants du Mouvement Cinq étoiles ne voulaient pas en parler en commission.

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Avant que notre collègue M. Holroyd ne nous en donne des nouvelles, avez-vous parlé du Brexit ? Comment les Italiens l'envisagent-ils ?

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Ils ne sont pas en première ligne a priori. Nous n'avons évoqué cette question qu'à la marge, dans les discussions sur le cadre financier pluriannuel.

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Je souhaitais savoir si, au-delà des questions d'actualité et migratoires, vous aviez senti que des thématiques pourraient avoir une résonance particulière entre la France et l'Italie.

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Un des sujets principaux était réellement la relation franco-allemande. Comme le disait M. Pueyo, la question de la considération que nous accordons à l'Italie est très importante. Plusieurs députés se sont exprimés sur l'État de droit, et ont même évoqué la conditionnalité.

Il y a aussi les questions de défense, sur lesquelles l'Italie est un partenaire de choix, en particulier dans l'industrie navale. Nous avons aussi passé beaucoup de temps sur le sujet de l'élargissement et de l'approfondissement de l'Union.

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Sur l'élargissement, nous connaissons la position de l'Italie, qui est géographiquement proche des Balkans. Il y a eu des observations sur la position de la France. Les dernières déclarations françaises ont été peu appréciées. Je suis, à titre personnel, pour l'élargissement, y compris vers la Macédoine. Ceci dit, cette question préoccupe beaucoup l'Italie. Sur le volet de la coopération en matière d'industrie de défense, je crois que les Italiens sont intéressés par le renforcement du Fonds européen de défense. Leur attitude était, en tout cas, très positive.

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Leur attitude était effectivement très positive, en dehors de Fratelli d'Italia, chez qui nous sentions beaucoup d'hostilité à l'égard de la France. Ils ont évoqué en particulier les sanctions américaines, pour souligner que l'Italie payait le rapprochement franco-allemand, dans la mesure où la contre-attaque américaine ferait suite aux subventions accordées à Airbus. Nous avons expliqué que nos viticulteurs aussi faisaient les frais de ces sanctions.

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Je n'étais pas présent lors de ce déplacement, mais le résumé exhaustif de la Présidente est très éclairant, et en effet, plusieurs sujets méritent d'être abordés. Le premier est l'incertitude quant à la mise en place de la prochaine Commission européenne, décalée au 1er décembre, qui induit aussi des incertitudes sur le financement et le budget à venir. Plusieurs pays pensent à un recentrage des fonds, ce qui ne manque pas de nous poser problème, car nous sommes parmi les premiers bénéficiaires de ces fonds. Sur ce sujet, les intérêts français et italiens convergent.

Mais de nombreux sujets demeurent, notamment le tunnel Lyon-Turin, auquel le Mouvement Cinq étoiles a toujours été fermement opposé. Aujourd'hui, on ignore la position qui sera celle du nouveau gouvernement, le sujet était pratiquement acté et déjà il va être remis sur la table.

Sur les enjeux de défense, nous avons de nombreuses coopérations, et là aussi des intérêts communs que nous devons promouvoir. C'est pourquoi l'idée de créer une sorte de triumvirat, à l'image de ce que nous faisons déjà avec l'Allemagne et la Pologne dans le triangle de Weimar, apparaît tout à fait pertinente. Nous soutenons donc pleinement votre initiative de proposer cette collaboration approfondie avec l'Italie. Il nous faut faire des efforts pour améliorer la qualité de nos relations avec ce pays limitrophe, ce pays fondateur de l'Union, qui en est aussi le troisième pour son produit intérieur brut et sa population avec le départ du Royaume-Uni.

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L'Italie est effectivement un État fondateur, et c'est pourquoi nous sommes heureux que notre proposition de renforcer le dialogue avec ces pays ait été soutenue par nos collègues allemands. Au niveau gouvernemental, la relance des négociations du traité du Quirinal est en cours pour marquer le renforcement de nos liens..

II. Communication de M. Alexandre Holroyd, rapporteur du groupe de travail sur le suivi de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne

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J'avais initialement convié l'ambassadeur du Royaume-Uni pour ce point d'étape relatif au Brexit, mais la campagne des élections législatives nous a contraints à différer son audition en raison du devoir de réserve qui incombe aux diplomates en période électorale. Nous entendrons M. Llewelyn au début de l'année 2020, ce qui nous permettra de nous informer sur le paysage politique britannique à la sortie des urnes et sur son impact sur le processus de sortie.

Compte tenu des enjeux que représente ce sujet pour les entreprises, les administrations, mais aussi pour nos concitoyens vivant outre-Manche et pour les Britanniques vivant en France, j'ai souhaité maintenir notre discussion sur le Brexit en demandant au rapporteur de notre groupe de travail de faire un point d'étape des travaux de ce groupe.

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Après le troisième report, le Brexit reste un sujet d'importance cruciale pour l'avenir de l'Union européenne. Le groupe de travail, dont je suis le rapporteur et qui est présidé par Pierre-Henri Dumont, est chargé du suivi des négociations de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne dans le cadre du futur accord de retrait.

Nous avons reçu des délégations parlementaires de la République d'Irlande et du Royaume-Uni, auditionné l'Ambassadeur d'Allemagne et nous nous sommes déplacés à Bruxelles le 10 octobre dernier. Nous avons notamment pu interroger Guy Verhofstadt, représentant du Parlement européen chargé de suivre les négociations et Michel Barnier, le négociateur en chef.

Pour vous faire un bilan de nos travaux, je voudrais concentrer cette communication sur la question centrale du droit des citoyens et sur la question de la frontière de l'Irlande. Mais avant cela, où en sommes-nous aujourd'hui du processus de sortie ? Le 17 octobre dernier, un nouvel accord de sortie a été trouvé entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Comme vous le savez, cet accord prévoit plusieurs points clé. D'abord, une période de transition jusqu'au 31 décembre 2020 pour régler les conditions définitives de sortie. Ensuite, de nouvelles dispositions concernant la relation future entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni, j'y reviendrai. Enfin, le Royaume-Uni s'engage à honorer sa contribution au budget européen 2014-2020. Ce dernier arrivant bientôt à échéance, ce sujet s'amoindrit avec le temps, avec une période d'extension s'étendant désormais presque jusqu'à la fin du cadre financier pluriannuel, même si des sujets engagent le Royaume-Uni à plus long terme.

Pour des raisons d'arithmétique parlementaire, cet accord n'a pas pu être approuvé à temps par le Parlement britannique. Le Premier ministre a été contraint de demander une extension au Conseil européen, ce qui a été accordé jusqu'au 31 janvier 2020. Des élections générales ont été convoquées pour le 12 décembre prochain. La situation reste donc soumise aux aléas de la vie politique britannique.

Je voudrais à présent revenir plus en détail sur les travaux du groupe de suivi qui ont été plus particulièrement axés sur la question cruciale des droits des citoyens dans un premier temps puis sur la question des deux Irlande.

Concernant d'abord les droits des citoyens, le Royaume-Uni a créé un nouveau statut, le statut de résident permanent (dit « settled status ») qui offre un droit de résidence aux Européens ayant vécu en continu au Royaume-Uni depuis au moins cinq ans. Ce statut doit être mis en place même en l'absence d'accord.

Un « pre-settled status » a été également créé pour les Européens qui résident au Royaume-Uni depuis moins de cinq ans à la date de la sortie du Royaume-Uni. Il permet de faire le pont en attendant que les conditions de résidence du settled status soient remplies.

La demande de statut de résident se fait en ligne : le demandeur doit prouver son identité sur une application mobile, puis justifier de ses années de résidence et déclarer son absence de conviction criminelle en ligne. Le dépôt de la demande peut prendre quelques minutes pour les personnes ayant un parcours de vie linéaire ; mais il peut s'avérer bien plus complexe pour beaucoup d'autres.

Nous sommes donc particulièrement attentifs à la communication effectuée autour du « settled status ». Beaucoup de citoyens européens n'entreprennent pas les démarches pour obtenir le statut de résident permanent. Plusieurs raisons à cela : certains, notamment ceux qui vivent au Royaume-Uni depuis plusieurs années, ne savent pas qu'ils sont tenus de déposer une demande de settled status. D'autres, habitant loin des grandes villes et moins intégrés dans leur communauté nationale d'origine, n'ont jamais entendu parler du settled-status et ne sont pas au courant des démarches à effectuer. D'autres enfin rencontrent des difficultés pour utiliser internet afin de déposer la demande, c'est le cas d'un public plus âgé par exemple.

Pour illustrer mes propos, je vais prendre le cas d'une citoyenne arrivée au Royaume-Uni en 1976. Installée dans le Yorkshire, où elle réside avec son époux britannique, qui décède en 2014. Ses enfants et petits-enfants sont britanniques et habitent à Liverpool. Elle n'a jamais pris la nationalité britannique car elle n'en a jamais eu besoin. Elle n'utilise pas ou peu internet. Si elle a eu la chance d'entendre parler du « settled status », elle est pourtant persuadée qu'elle n'a pas besoin de le demander. Mais si elle ne le fait pas, elle risque d'être soumise au futur régime migratoire britannique, qui sera déterminé après la sortie du Royaume-Uni de l'Union, et dont les conditions sont pour l'heure inconnues. Combien de personnes comme elle existent au Royaume-Uni, qui pourraient se voir refuser des soins ou des droits après des années de résidence sur le territoire ?

Je tiens ici à saluer les efforts considérables fournis par le Consulat Général de France à Londres pour faire connaître le settled status. Jusqu'à maintenant 91 900 Français et 2,3 millions d'Européens ont demandé le settled status, sur environ 3 millions d'Européens qui y vivent.

Certaines carences persistent : l'absence de titre de résidence physique ainsi que l'absence de cadre législatif inquiètent les associations de défense des droits des citoyens, et jusqu'aux parlementaires britanniques. Malgré une apparente simplicité, je tiens à souligner ici une vérité partagée par des millions d'Européens et de Français résidant au Royaume-Uni : tous les dispositifs en ligne du monde ne peuvent remédier à l'angoisse de devoir s'enregistrer pour continuer à vivre dans un pays auquel beaucoup ont tant donné.

La France a également pris des dispositions pour protéger les droits des Britanniques résidant en France : l'ordonnance du 6 février 2019, prise en application de la loi d'habilitation du 19 janvier dernier, porte sur l'entrée, le séjour, les droits sociaux et l'activité professionnelle des Britanniques en France. Nous avons questionné le Ministère de l'intérieur sur les difficultés potentielles d'application. Cette ordonnance prévoit plusieurs éléments majeurs. D'abord, une période dite de « grâce » qui garantit aux Britanniques le maintien de leurs droits au séjour et à l'activité professionnelle pendant un an à compter de la date de retrait. Toutefois, les Britanniques doivent déposer une demande de titre de séjour dans les six premiers mois. Ce délai doit permettre aux préfectures d'instruire toutes les demandes. Ce régime ne couvre pas le cas des Britanniques entrant en France après le retrait. Il y aura donc rapidement deux populations britanniques en France : ceux qui bénéficient de cette « grâce » et les autres qui relèveront du code du séjour des étrangers.

Ensuite, le Gouvernement s'est engagé à ce que le niveau minimal de ressources pour accéder à un titre de séjour soit fixé au niveau du RSA, calculé sans les aides sociales (prestations familiales et allocations d'assurance chômage). Nous serons très attentifs sur ce point pour bien comprendre quels Britanniques pourraient être exclus du système. Enfin, les Britanniques résidant en France depuis moins de cinq ans auront accès dans des conditions facilitées aux principaux titres de séjour.

Le Gouvernement a mis en place une procédure de dépôt des demandes en ligne. Nous avons encore peu de retours sur la performance du système en ligne, mais il doit permettre de déposer sa demande et le logiciel invite ensuite l'usager à se présenter en préfecture pour finaliser le dossier. Un renfort doit être proposé par le ministère de l'Intérieur aux préfectures les plus en difficulté, sachant qu'il existe des disparités importantes entre les préfectures en fonction du nombre de demandes sans lien avec l'importance démographique des départements, des préfectures de taille modeste étant en effet susceptibles d'être saisies d'un nombre de demandes élevé. Afin de pallier un éventuel engorgement des préfectures, un dispositif spécifique d'accueil doit être mis en place pour éviter la saturation, mais il tarde à être créé. Nous serons vigilants sur ce point. C'est pourquoi le groupe de suivi prévoit de se déplacer dans des préfectures en difficulté pour évaluer la situation sur place et l'effet de la plateforme de demandes en ligne.

Enfin, je voudrais m'attarder sur la nouvelle relation entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni telle que prévue par l'accord de retrait. Alors que l'accord de Theresa May prévoyait des mesures temporaires entre l'Irlande et le Royaume-Uni si la période de transition n'était pas suffisante pour trouver une solution pérenne entre les deux parties, l'accord de Boris Johnson et son nouveau protocole sur l'Irlande du Nord prévoient une solution définitive qui s'appliquera quelle que soit la relation future entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Il ne s'agit plus d'un « backstop » à proprement parler mais d'un nouvel état de fait. Le backstop prévoyait que, faute d'accord sur la relation future, l'entièreté du Royaume-Uni demeure dans l'Union douanière. Mais le nouvel accord prévoit que la totalité du Royaume-Uni sortira de l'union douanière après la période de transition. Néanmoins, en fonction de la destination finale de certains biens transitant par l'Irlande du Nord, ceux-ci pourront être soumis aux droits de douane européens. Sera également maintenu l'alignement de l'Irlande du Nord sur certaines règles du marché unique. Il s'agit en particulier de règles sanitaires, ainsi que celles relatives aux aides d'État ou à la TVA. Les contrôles réglementaires seront donc effectués en mer d'Irlande et non entre les deux Irlande, préservant ainsi l'accord du Vendredi saint.

L'accord de Boris Johnson introduit également un mécanisme de consentement démocratique. Quatre ans après le début du protocole (c'est-à-dire après la fin de la période de transition), l'Assemblée d'Irlande du Nord décidera par majorité simple si l'arrangement doit demeurer ou non. J'insiste sur ce point en raison du fonctionnement particulier de cette Assemblée qui réunit les deux communautés d'Irlande du Nord. La procédure - si tant est que cela fonctionne - est fondée sur l'obtention d'une double majorité c'est-à-dire que certaines lois, pour être votées, doivent réunir non seulement la majorité des suffrages de l'ensemble des députés, mais aussi la majorité des votes dans chaque groupe nationaliste et unioniste, de manière un peu similaire au cas du Liban. En réalité, cette Assemblée n'est pas parvenue à désigner un gouvernement depuis près de deux ans. Si l'Assemblée consent au maintien du protocole, ce dernier continuera à être appliqué pendant une durée de quatre ou huit ans, en fonction du type de majorité atteint, avant d'être soumis à une nouvelle décision. Si l'Assemblée convient de la fin du protocole, alors il prendra fin au terme d'une période transitoire de deux ans.

Cet accord permet ainsi de concilier les lignes rouges européennes, à savoir la protection du marché unique, la préservation de l'accord du Vendredi saint avec l'absence de frontière dure en Irlande et le maintien du marché britannique.

Je conclus cette communication, mes chers collègues, en soulignant que la question des droits des citoyens, qu'ils soient Français vivant au Royaume-Uni ou Britanniques vivant en France, a toujours été au coeur de nos préoccupations, tout au long des négociations. Leur défense est notre priorité. Ce doit être une obligation morale vis-à-vis de personnes qui se sont installées sous la protection de la citoyenneté européenne dans un pays comme dans l'autre. Nous ne pouvons admettre que leurs droits soient compromis à cause du Brexit. Je vous remercie.

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir si brillamment remplacé l'ambassadeur. Je souhaite vous poser deux questions.

Premièrement, s'agissant des citoyens britanniques résidant en France, vous avez indiqué que l'ordonnance du 6 février 2019 leur accordait un délai de six mois pour s'enregistrer. Les préfectures sont-elles prêtes ? Parviendront–elles à absorber dans des conditions satisfaisantes le flux des demandes ? Comment pouvons-nous apporter notre concours, notamment en matière d'information sur les droits résultant de cette ordonnance ?

Deuxièmement, concernant le nouvel accord en remplacement du backstop, s'il semble satisfaisant et équilibré sur le papier, l'on peut s'interroger sur la réalité du contrôle mis en oeuvre. Aurons-nous véritablement les moyens d'effectuer les contrôles sur la destination finale des produits ? Nous allons au-devant de grandes difficultés administratives.

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Ces deux questions appellent une vigilance toute particulière de notre part. En réponse à votre première question, les Britanniques ayant effectué un premier pas pour protéger les citoyens européens résidant dans leur pays, il nous revient d'en faire autant : la France a accompli une première partie du chemin en créant un régime particulier en faveur des citoyens britanniques qui résident dans notre pays et contribuent à son économie et à la vie de la communauté. Il convient de s'assurer que la mise en oeuvre du dispositif adopté par le Parlement intervient dans de bonnes conditions. Pour l'essentiel, deux aspects doivent retenir notre attention : cette mise en oeuvre est tributaire de la volonté d'une véritable simplification de la procédure. Si l'on applique les règles existantes pour la régularisation de personnes en situation irrégulière en France, cela sera peine perdue.

À l'heure actuelle, cinq déplacements en préfecture sont en effet nécessaires pour obtenir la régularisation de personnes en situation irrégulière. Appliqué à environ 150 000 à 200 000 Britanniques, dans de petites préfectures, cela ne peut pas fonctionner. D'où l'objectif partagé avec le ministre de l'Intérieur de parvenir à un seul déplacement en préfecture à l'issue du dépôt du dossier. Le succès du dispositif dépendra ensuite très concrètement des conditions d'ouverture et de la diligence des préfectures. C'est pourquoi je suis convaincu que nous avons collectivement un rôle considérable à jouer, à la fois en direction des préfectures et en matière d'information des personnes concernées. Chacun d'entre nous peut effectuer ce travail dans sa circonscription pour s'assurer que la procédure a bien été mise en oeuvre et que les citoyens britanniques obtiennent rapidement un rendez-vous, et ce, tout particulièrement dans les préfectures des départements du Sud-Ouest de la France où résident nombre de Britanniques. Il n'y aurait en effet aucun intérêt à engorger le dispositif dès lors que, dans 99,9 % des cas, les personnes concernées ont un droit de séjour garanti par le droit.

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Notre attention a été attirée sur le fait que l'enregistrement de la demande de titre de séjour sera payante en France à la différence du Royaume-Uni où celle du settled status serait gratuite. Pouvez-vous nous confirmer ce point ?

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En effet, mais la situation a évolué s'agissant du Royaume-Uni. Dans un premier temps, le Royaume-Uni entendait rendre cette démarche payante pour les citoyens européens. L'Assemblée nationale s'est mobilisée. En qualité de président du groupe d'amitié France-Royaume-Uni, j'ai emmené une délégation de l'Assemblée nationale à Londres pour rencontrer des représentants du Premier ministre au 10, Downing street. Nous avons assisté à la séance de Question time au cours de laquelle la Première ministre a annoncé en réponse à une question sur ce sujet la gratuité de la demande de settled status. La mobilisation de l'Assemblée nationale, en liaison avec le travail considérable mené sur le terrain par les associations, a donc permis de garantir que la procédure serait finalement exonérée de droits. En France, le montant de la taxe applicable au titre de séjour des Britanniques selon la procédure post Brexit a été fixé par le Gouvernement au niveau le plus bas possible parmi les coûts d'accès aux titres de séjour, à 100 euros. Dans le cadre du projet de loi de finances, ce montant pourrait néanmoins être révisé. Nous demeurons attentifs sur ce point. Si d'aventure, nous avions connaissance de cas de personnes dans l'impossibilité d'acquitter cette taxe et d'accéder par voie de conséquence à leur droit de détenir un titre de séjour, il conviendrait que l'Assemblée nationale se mobilise afin de garantir que chaque Britannique installé sur notre territoire avant le Brexit sous la protection du droit européen ait le droit de rester dans les mêmes conditions. Nous continuerons à travailler sur ce point avec le ministère de l'Intérieur.

En ce qui concerne le backstop, la question de la frontière en Irlande est très complexe. Au-delà de l'équilibre trouvé pour respecter les lignes rouges de chaque partie et les conditions politiques garantissant l'acceptation de l'accord de sortie, se profile une autre réalité : l'absence de frontière en Irlande est le résultat d'une guerre civile terrible de près de 80 ans, qui a traversé le siècle dernier. Aujourd'hui, il existe encore de très fortes tensions en Irlande du Nord et à la frontière de la République d'Irlande. Nous avons donc l'impératif moral de ne pas créer les conditions favorisant l'émergence d'un nouveau conflit tragique. Cela doit demeurer une priorité absolue.

Nous disposons des moyens de contrôler le respect de l'accord de sortie. L'accord prévoit tous les moyens de contrôle nécessaires pour garantir le respect de ses clauses, notamment en ce qui concerne la notion, peut-être un peu difficile à concevoir du point de vue intellectuel, de biens qui pourraient être exportés dans le marché commun. À mon sens, cette catégorie de biens doit être appréhendée de manière très large. Pour prouver qu'un bien qui transite par l'Irlande du Nord n'a aucunement vocation à être exporté ultérieurement vers le marché commun, il sera nécessaire de présenter de strictes justifications. Je n'ai donc aucun doute sur les contrôles. Cela dit, ils se dérouleront d'autant mieux que les relations avec le Royaume-Uni demeureront constructives et que les administrations poursuivront leur travail en commun après le Brexit, comme c'est du reste le cas aujourd'hui s'agissant en particulier des douanes. Comme tout accord international, au-delà des textes, il y a la mise en oeuvre concrète et le contrôle de cette mise en oeuvre. Du point de vue technique, s'agissant par exemple de la collecte de la TVA, cela appelle une collaboration permanente. À plus long terme, les relations entre administrations pourront sans doute être simplifiées par des solutions technologiques, mais cela n'interviendra pas dans les délais immédiatement impartis pour la mise en oeuvre du Brexit.

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Merci de nous apporter des précisions sur le sujet du Brexit qui nous inquiète. Vous avez tout à fait raison de souligner les conséquences du Brexit pour les citoyens européens qui résident au Royaume-Uni ainsi que pour les citoyens britanniques qui résident en France, car ce seront les premières personnes affectées par ce grand changement. S'agissant des Français résidant au Royaume-Uni, il semblerait qu'un quart d'entre eux seulement ait déposé une demande de settled status en septembre dernier. La communication sur ce point est donc essentielle pour permettre à ces personnes de demeurer au Royaume-Uni dans de bonnes conditions.

Je souhaite attirer votre attention sur la question particulière des retraites. Les travailleurs français résidant au Royaume-Uni, qui se constituent une épargne en investissant dans des fonds de pension britanniques, sont depuis 2017 imposés à un taux de 55 % par le Trésor britannique lorsqu'ils souhaitent rapatrier leurs pensions en France. Cela ne trouverait pas à s'appliquer s'ils demeuraient au Royaume-Uni au moment de leur retraite. Comment garantir aux Français ayant acquis des droits en travaillant au Royaume-Uni, qu'ils puissent les conserver et bénéficier d'un traitement équitable et compréhensible, dès lors qu'ils rentrent en France au moment de leur retraite ?

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Je crois qu'on a mal mesuré l'exaspération de nos amis Anglais. Je m'en suis rendu compte l'été dernier, quand j'étais moi-même à Londres. Notre inquiétude n'est rien à côté de leur exaspération.

Je voudrais insister sur le problème politique. Ce sont les élections du 12 décembre qui vont trancher. Autant Boris Johnson a dit clairement qu'il souhaitait quitter l'Union européenne et parvenir à un accord commercial avant la fin de la période de transition, le 31 décembre 2020, autant Jeremy Corbyn n'a jamais eu de position claire. En l'état actuel des sondages, une victoire de Boris Johnson semble probable. Avons-nous anticipé cette victoire ? Comment allons-nous réagir face à sa stratégie et à la façon dont il compte mener les négociations ?

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Bernard Deflesselles m'a coupé l'herbe sous le pied : je voulais poser exactement la même question. Jeremy Corbyn a en effet changé de stratégie : il voudrait que l'accord de sortie soit soumis à référendum et, dans le cas où l'accord serait rejeté, le Royaume-Uni se maintiendrait dans l'Union européenne. Le parti travailliste n'exclut donc pas un maintien dans l'Union européenne.

Quel est l'état de l'opinion en Écosse ? Les Écossais étant attachés à l'Union européenne, est-il probable qu'ils demandent un nouveau référendum d'indépendance en cas de Brexit effectif ?

Enfin, les Britanniques perdront leur droit de présenter des conseillers municipaux aux différentes élections municipales en Europe. En France, ces élections auront lieu en mars 2020. Les éventuels conseillers municipaux britanniques élus en mars 2020 pourront-ils conserver leur mandat si le Royaume-Uni quitte l'Union européenne après cette date ?

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L'accord négocié par Boris Johnson varie finalement peu de l'accord négocié par Theresa May, et heureusement, à part sur la question de l'Irlande du nord et sur le dispositif qui devra remplacer le « backstop ».

La fin de la période de transition est prévue pour le 31 décembre 2020, et ce sera en réalité la « vraie date » du Brexit. Même si M. Johnson gagne les élections, ce dont je doute encore en raison du mode de scrutin, il ne resterait que onze mois – contre vingt-deux mois prévus initialement – pour négocier le cadre des relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. À l'inverse, en cas de victoire – et ce n'est pas impossible – d'une coalition « Labour, LibDem, SNP et Plaid Cymru », alors tout serait remis en question. Auquel cas, ne sera-t-on pas obligé de reporter la date de la fin de la période de transition ?

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Le problème électoral peut être résumé ainsi : il y a quatre partis et un scrutin majoritaire à un tour dans lequel un des quatre partis doit avoir la majorité absolue à lui tout seul. J'ai néanmoins l'impression que les travaillistes n'ont pas le vent en poupe et que Boris Johnson, moyennant quelques concessions, parviendra à s'entendre avec Nigel Farage, ce qui devrait permettre au « camp du Brexit » d'obtenir une majorité confortable.

Des professionnels de la douane m'ont dit leur inquiétude sur la façon dont serait contrôlée la frontière dès lors que ce contrôle serait effectué par un États tiers. C'est la fragilité de l'accord négocié avec Boris Johnson. Il faudrait que l'Union européenne puisse contrôler les produits qui transitent entre l'Irlande et le reste de l'Union européenne ; or dans l'état actuel des traités c'est impossible. Ne doutons pas que certains opérateurs économiques malfaisants sauront très bien exploiter cette faille au détriment des intérêts de l'Union européenne. C'est comme un appartement dont on blinderait toutes les entrées, sauf la porte de service !

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En réponse à Joaquim Pueyo : les Britanniques qui seraient élus conseillers municipaux à l'issue des élections de mars 2020 pourront dans tous les cas exercer leur mandat jusqu'au bout, mais ils ne pourront pas se représenter une fois que le Brexit aura eu lieu.

Les Écossais ont majoritairement voté pour le remain, et il n'y a pas de raisons que les positions aient évolué. S'agissant d'un éventuel second référendum, il faut garder à l'esprit que la seule institution pouvant l'organiser est le parlement britannique. En outre, l'engagement a été pris, lors du premier référendum, qu'il n'y aurait qu'un seul référendum par génération, et qu'il n'y en aurait donc pas d'autre avant trente-trois ans. En tout état de cause, il faudrait une majorité en faveur d'un nouveau référendum au Parlement britannique, ce qui est très improbable.

S'agissant de l'élection du 12 décembre, les particularités du système politique britannique – scrutin uninominal et régime parlementaire – renforcent l'imprévisibilité du scrutin : les résultats des sondages doivent être relativisés, d'autant qu'ils ne sont pas ciblés sur les circonscriptions susceptibles de basculer d'un camp à un autre. En outre, le Brexit divise chaque parti, si bien qu'il est difficile de prédire si les électeurs se détermineront en fonction de la fidélité à un parti ou de leur position sur le Brexit : il y a un changement structurel de l'électorat. J'ajoute que le parti de Nigel Farage a retiré des candidats dans des circonscriptions où les conservateurs sont déjà très forts, ce qui atténue les conséquences de ces retraits de candidature. Quant à Jeremy Corbyn, il ne pourrait espérer gagner la majorité qu'en s'alliant avec les nationalistes écossais, alliance à laquelle il s'oppose.

De notre point de vue, la situation la plus claire et la plus prévisible reste néanmoins l'élection d'une majorité conservatrice dirigée par Boris Johnson, car l'accord qu'il a négocié sera certainement adopté par sa majorité. Le scénario alternatif est plus incertain : il est difficile de prévoir ce que déciderait une majorité composée d'une alliance de Jeremy Corbyn avec d'autres partis. Je précise qu'il n'y a pas d'alliance entre les partis du « remain » et le parti travailliste, qui reste divisé sur la question. En tout état de cause, la décision finale revient au peuple britannique.

De notre côté, l'une des certitudes est qu'il n'y aura pas de troisième accord. S'agissant de la période de transition, je précise qu'elle est renouvelable au bout d'un an. Le temps requis pour la négociation d'un accord de libre-échange dépendra de son ambition.

Concernant l'Irlande du Nord, il convient d'être très pragmatique. La frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord n'est pas une frontière comme les autres, pour des raisons historiques. Un ressortissant d'un pays qui ne fait pas partie de l'espace Schengen pouvait déjà entrer au Royaume-Uni en passant par l'Irlande du Nord sans être contrôlé, en vertu des Accords du Vendredi saint. En outre, il s'agit d'une petite frontière, avec un faible trafic. Nous sommes convaincus que ce compromis entre le rétablissement d'une frontière et l'absence de frontière fonctionnera, et que les contrôles seront possibles. J'ajoute que le protocole pourra être interrompu par la partie britannique ou européenne. Le succès du protocole en sera le meilleur garant.

Enfin, pour avoir travaillé au Royaume-Uni, je connais bien le problème des retraites, qui est en outre fréquemment soulevé par les ressortissants français au Royaume-Uni. Le problème n'est pas lié au Brexit, mais à une réforme de George Osborne, qui a fait évoluer les conditions de sortie du régime de retraite britannique en fin de carrière, ce qui a conduit à une divergence entre les systèmes européens et britanniques. Il y a donc une procédure particulière pour rapatrier en Europe les fonds détenus par les caisses de retraite britanniques. Une liste de fonds européens a été établie par le Royaume-Uni mais, pour l'heure, aucun fonds français n'a été accrédité. Il s'agit d'un problème bilatéral, auquel nous travaillons depuis longtemps. L'articulation des systèmes nationaux de retraite avec les autres systèmes européens devra d'ailleurs être prise en compte dans notre éventuelle réforme des retraites. Pour l'heure, un citoyen d'un État membre de l'Union européenne peut bénéficier de sa retraite dans un autre État que celui où il a acquis ses droits. Avec le Brexit, les citoyens européens ayant acquis des droits au Royaume-Uni ne pourront plus se prévaloir de cette disposition.

En tout état de cause, l'Assemblée nationale a prévu, en janvier dernier, le régime le plus protecteur en la matière pour les citoyens européens voulant revenir en France. Nous avons étendu cette garantie européenne au-delà du Brexit pour leur laisser le droit de bénéficier pendant six mois des droits accumulés aux Royaume-Uni. Au niveau national, les différents services et les caisses de retraites travaillent ensemble pour trouver une solution technique. Au niveau européen, l'équivalence des régimes de retraite mais, plus largement, toutes les questions relatives à la sécurité sociale sont des questions fondamentales qui devront être traitées dans le cadre de la définition de la relation future avec le Royaume-Uni.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

- Textes actés

Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø Budget de l'union européenne

- Projet de budget rectificatif n° 5 au budget général 2019 Adaptation des crédits administratifs des institutions de l'UE en fonction des informations les plus récentes disponibles et actualisation des recettes (ressources propres) (COM(2019) 594 final- E 13659-5).

Ø Espace de liberté de sécurité et de justice

- Proposition de décision d'exécution du conseil relative à un système d'indemnisation de l'État membre dont le membre national est élu président d'Eurojust (COM(2019) 471 final- E 14358).

- Proposition de Décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés lors de l'évaluation pour 2018 de l'application, par l'Estonie, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la gestion des frontières extérieures (COM(2019) 200 final LIMITE- E 14360).

- Proposition de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés lors de l'évaluation pour 2019 de l'application, par la République tchèque, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la gestion des frontières extérieures (COM(2019) 450 final LIMITE- E 14439).

Ø Fiscalité

- Proposition de décision d'exécution du Conseil modifiant la décision 2007884CE autorisant le Royaume-Uni à proroger l'application d'une mesure dérogeant à l'article 26, paragraphe 1, point a), et aux articles 168 et 169 de la directive 2006112CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (COM(2019) 547 final- E 14431).

Ø Services financiers

Règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (CE) n° 11262008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 16062002 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne la norme comptable internationale IAS 39 et les normes internationales d'information financière IFRS 7 et IFRS 9 (D06461801- E 14436).

- Textes actés de manière tacite

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø Commerce extérieur

- Proposition de décision du conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du comité mixte institué par la convention régionale sur les règles d'origine préférentielles paneuro-méditerranéennes, en ce qui concerne la modification de la convention (COM(2019) 482 final- E 14391).

- Proposition de décision du Conseil sur la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du Conseil général de l'Organisation mondiale du commerce (COM(2019) 563 final- E 14414).

Ø Politique étrangère et de sécurité commune(PESC

- Décision du Conseil modifiant la décision (PESC) 20161693 concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'EIIL (Daech) et d'Al- Qaida et de personnes, groupes, entreprises et entités associés (1367019 LIMITE- E 14437).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) 20161686 instituant des mesures restrictives supplémentaires à l'encontre de l'EIIL (Daech) et d'Al-Qaida ainsi que des personnes physiques et morales, des entités ou des organismes qui leur sont liés (1367219 LIMITE- E 14438).

La séance est levée à 16 h 27.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bernard Deflesselles, Mme Typhanie Degois, M. Alexandre Holroyd, Mme Caroline Janvier, M. Thierry Michels, M. Jean-Pierre Pont, M. Joaquim Pueyo, M. Éric Straumann, Mme Sabine Thillaye

Excusés. – Mme Aude Bono-Vandorme, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih

Assistait également à la réunion. – M. Jacques Marilossian