Vendredi 5 juillet 2019
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Présidence de M. Serge Letchimy, président de la commission d'enquête
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La commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat, procède à l'audition de M. Emmanuel Berthier, directeur général des Outre-mer, M. Arnaud Martrenchar, adjoint au sous-directeur des politiques publiques au sein de la direction générale des Outre-mer (DGOM) et M. Olivier Junot, adjoint au chef du bureau des politiques agricoles maritimes et rurales de la DGOM.
Mes chers collègues, nous accueillons ce matin M. Emmanuel Berthier, directeur général des Outre-mer (DGOM), M. Arnaud Martrenchar, adjoint au sous-directeur des politiques publiques et M. Olivier Junot, adjoint au chef du bureau des politiques agricoles maritimes et rurales.
Nos auditions sont ouvertes à la presse et diffusées en direct. Les vidéos seront consultables sur le site de l'Assemblée nationale, ainsi que le compte rendu des différentes réunions.
Avant de vous passer la parole, je dois, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Messieurs, veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure. »
MM. Emmanuel Berthier, Arnaud Martrenchar et Olivier Junot prêtent successivement serment.
Monsieur le président, je commencerai en rappelant le rôle et les missions du ministère des Outre-mer, de façon générale puis dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire du chlordécone.
La direction générale des Outre-mer est organisée sous sa forme actuelle depuis 2009. À l'issue de la révision générale des politiques publiques (RGPP), il a été décidé de transférer toutes les missions supports au secrétariat général commun du ministère de l'intérieur et des Outre-mer. Nous bénéficions aussi des directions métiers de ce ministère. Restent sous l'autorité du directeur général des Outre-mer, mis à la disposition de la ministre des Outre-mer, trois blocs, qui permettent de gérer la mission Outre-mer composée de deux programmes – le programme 123 relatif aux conditions de vie Outre-mer et le programme 138 dédié à l'emploi Outre-mer –, une sous-direction des affaires institutionnelles et juridiques, laquelle traite spécifiquement des questions d'institutions et de fonction publique ultramarines, et une sous-direction des politiques publiques, à laquelle appartiennent Arnaud Martrenchar et Olivier Junot, qui traite des conditions d'application des politiques publiques Outre-mer, en liaison étroite avec leurs partenaires, qui sont les différentes directions d'administration centrale.
Pour résumer, la direction générale des Outre-mer exerce des compétences d'attribution. L'une d'entre elles est connue : le logement. Nous disposons, dans le programme 123, d'une ligne budgétaire unique (LBU), qui nous permet de concevoir et de mettre en oeuvre la politique du logement en Outre-mer. Il n'en est pas du tout de même dans les secteurs de la santé et de l'environnement, où les crédits sont gérés par les directions compétentes.
La direction générale des Outre-mer participe depuis 2014, soit depuis le début du plan chlordécone III, aux côtés du directeur général de la santé, à la gouvernance du dispositif, en coprésidant le comité de pilotage national du Plan qui se réunit désormais deux fois par an, la dernière réunion ayant eu lieu le 28 juin dernier. Par ailleurs, la direction générale des Outre-mer, dans le cadre de ses contacts réguliers avec les autres directions de l'administration centrale, est capable de les mobiliser pour vérifier que les actions décidées par le Gouvernement dans le cadre du plan obtiennent des résultats, année après année. Lorsque cette mobilisation se passe de façon non spontanée, la direction générale des Outre-mer peut demander au cabinet du Premier ministre d'organiser des réunions interministérielles sur un certain nombre de thèmes. Le cabinet du Premier ministre s'est ainsi mobilisé une dizaine de fois sur la thématique du chlordécone en 2018.
Notre commission est en quête de la vérité, pour répondre aux questions de la population de Guadeloupe et de Martinique. Pour commencer, quel est le rôle exact de la DGOM dans la gestion de la crise sanitaire du chlordécone ?
Le comité de pilotage national du Plan se rencontre deux fois par an. Il réunit l'ensemble des directions d'administration centrale compétentes pour qu'elles apportent leur brique à la résolution de la crise. Cette multiplicité des concours est particulièrement utile. Par exemple, lors de la réunion du 28 juin, nous avons mobilisé la direction de l'eau et de la biodiversité, ainsi que la direction générale du travail, considérant qu'il était nécessaire qu'elles nous accompagnent formellement. Nous avons rendu compte de la réunion qui s'était tenue le 13 juin avec les parlementaires, présidée par la ministre des Outre-mer. Elle avait permis à la ministre de montrer comment les décisions annoncées par le Président de la République, lors de son déplacement aux Antilles en septembre 2018, avaient été mises en oeuvre. Le Président de la République nous avait demandé d'accélérer un certain nombre d'actions contenues dans le plan chlordécone III. Cela a pris la forme d'une feuille de route interministérielle 2019-2020, qui vient compléter les instructions arrêtées au début de l'année 2014, pour la période 2014-2020.
Ensuite, en liaison avec les préfets et leurs équipes, qui sont en visioconférence lors de ces comités de pilotage, nous avons fait le point sur un certain nombre d'actions conduites sur le plan national ou territorial. Un volet recherche a été développé, pour faire le point sur les travaux sur les cancers, une revue des sujets de recherche mis en oeuvre après le colloque scientifique qui s'est tenu en octobre 2018 aux Antilles et la nouvelle organisation proposée en matière de suivi scientifique de la problématique du chlordécone. Nous nous sommes ensuite intéressés, de façon précise, à la mise en oeuvre de la mission d'inspection générale lancée récemment, qui vise à évaluer le plan actuel et à préparer le plan 2021-2027.
Ces comités de pilotage tous les six mois permettent de vérifier la mobilisation réelle des administrations centrales, ainsi que de faire le point sur les conditions d'engagement des budgets. Ils ont permis de montrer, très précisément, que l'élan donné en 2018 s'est traduit par un renforcement de la mobilisation de l'ensemble des acteurs.
Je salue Raphaël Gérard, qui est très souvent avec nous, ainsi que Josette Manin, députée de la Martinique, arrivée hier à Paris.
Monsieur Berthier, allons droit au but : y a-t-il un pilote dans l'avion ? Répondez-nous franchement. Malgré les efforts déployés, malgré les initiatives prises, malgré la volonté voire la détermination de certains chercheurs et de certaines institutions, malgré la déclaration bienvenue du Président de la République, que j'ai entendu en personne à Fort-de-France parler de réparation, de responsabilité de l'État et d'un aveuglement collectif – une très belle expression – pendant quarante-cinq ans, nous avons le sentiment qu'une série de décisions ont été prises sur le rythme, les moyens et la dynamique sans la moindre cohérence. Les auditions que nous avons menées nous confortent dans cette idée, en nous montrant que sur certains points il y a des vides assez surprenants, pour ce qui est de la recherche, par exemple. On navigue de suspicions en suppositions. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait un vrai pilote, ayant autorité sur la recherche, l'agriculture et sur tous les domaines, pour que les décisions soient cohérentes et les prises en charge hiérarchisées ? Je me répète : y a-t-il un pilote dans l'avion ?
Oui, monsieur le président. Nous sommes confrontés à un phénomène complexe, multifactoriel. Il est traité à la fois sur le plan central et le plan territorial, en mobilisant les énergies interministérielles. Le pilote, c'est le Premier ministre, qui par le truchement de son cabinet est extrêmement mobilisé. Le Président de la République nous a donné une ligne globale. Il vérifie que les résultats, dans tous les compartiments, sont réels.
Peut-être m'interrogez-vous sur le pilote administratif ? Faut-il ou non un délégué interministériel pour traiter ce sujet ? C'est une hypothèse qui a été envisagée à une époque, sans être retenue. Le sujet ayant une dimension sanitaire importante, le pilote naturel, qui ne peut toutefois pas travailler seul, c'est le directeur général de la santé. Il a été décidé de renforcer les capacités juridiques et financières du préfet de la Martinique sur le plan territorial, en le dotant d'un certain nombre de capacités notamment budgétaires au début du troisième plan, dans le cadre du programme d'intervention territoriale de l'État (PITE), un dispositif de la LOLF à la disposition du Premier ministre, lié au ministre de l'intérieur.
Le dispositif actuel est plus efficace que celui que nous avons connu il y a quelques années. Il faut une détermination politique, qui est complète. Le Président de la République, comme vous l'avez souligné, est allé aux Antilles pour délivrer des messages forts. Le cabinet du Premier ministre est mobilisé de façon constante. Les directions d'administration centrale se réunissent très régulièrement, et des comptes leur sont demandés.
Vous avez fort justement pointé le sujet de la recherche, laquelle est également multifactorielle. Le colloque qui s'est tenu en octobre 2018 aux Antilles a vu les responsables de toutes les structures de la recherche en France représentés, en Martinique et en Guadeloupe, par leurs présidents ou leurs directeurs généraux. Cette mobilisation générale était inédite. Elle se poursuit. Il a été demandé à ces directeurs généraux de revenir régulièrement aux Antilles. Le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), qui sera entendu par votre commission d'enquête la semaine prochaine, était ainsi en Martinique et en Guadeloupe du 1er au 4 juillet. En conscience, je pense que jamais la mobilisation n'a été aussi générale.
Avec tout le respect que je vous dois, ma conclusion personnelle est qu'il n'y a pas de pilote. L'avion navigue à vue. Le Premier ministre est l'une des institutions les plus importantes du pays, symbolisant toutes les actions de l'État, que nous respectons. Mais vous ne pouvez pas demander à un Premier ministre de piloter quelque chose d'aussi compliqué et dense, même à supposer qu'il délègue quelqu'un. Les institutions de recherche que vous venez de mentionner, et qui ont également été auditionnées, disent très clairement que quelque chose n'est pas clair, parce qu'elles n'ont même pas les moyens financiers pour mener leurs travaux. Vous avez fait état de l'importance de la dimension sanitaire. Mais seuls 7 % de la superficie de la Martinique a fait l'objet d'une analyse cartographiée sur leur teneur en chlordécone ! 7 % seulement en quarante ans ! Je comprends que vous estimiez que les choses ont évolué. Mais cette évolution est sans commune mesure avec l'ampleur des dégâts ! J'ai franchement l'impression que, malgré l'implication d'hommes comme vous pour faire avancer la cause, nou ka chayé dlo en panyé – nous transportons de l'eau dans un panier, qui est percé, en plus.
J'ai entendu le cri de M. le Président. L'ensemble des populations de la Guadeloupe et de la Martinique, moi y compris, nous interrogeons et voulons des réponses claires. La commission d'enquête doit apporter ces éléments de réponse. Nous avons parlé du plan chlordécone III et de son avenant. Mais quelles mesures ont été prises par la DGOM à partir de 1990 ?
La réunion est suspendue de neuf heures cinquante à dix heures.
Nos terres sont polluées pour quatre à sept siècles : il est important de connaître la vérité.
Quelques jalons : en 1990, l'autorisation de mise sur le marché de la chlordécone est retirée ; en 1993, c'est la fin des dérogations pour l'écoulement des stocks. La prise de conscience de l'étendue de la pollution est progressive entre 1993 et 1998. Le basculement se fait en 1999, lorsque l'on constate une pollution massive des eaux, à la suite d'un changement de laboratoire, les analyses ayant été transmises à un laboratoire de la Drôme qui avait une capacité de recherche dix fois supérieure. Cela a conduit les pouvoirs publics à mettre en oeuvre plusieurs démarches interministérielles. En 1998, le ministère de l'agriculture et celui de l'environnement ont diligenté une mission de l'inspection générale, qui permet de construire un premier plan interministériel. Deux plans chlordécone ont été lancés, le plan I entre 2008 et 2010 et le plan II entre 2011 et 2013, qui s'inscrivaient également dans le cadre de la programmation 2007-2013 des fonds européens. Une évaluation a été menée en octobre 2011, par quatre inspections générales et conseils généraux, laquelle a permis de piloter la fin du plan chlordécone II et surtout de poser les fondements du plan chlordécone III. La DGOM a été associée à l'élaboration de ces plans à partir de 2008.
Êtes-vous informés de la disparition ou de la perte – je ne sais exactement comment la nommer – des archives du ministère de l'agriculture entre 1972 et 1989 ?
J'ai vu le rapport fait devant votre commission par le directeur général de l'alimentation. Ce point avait également été mentionné dans une mission d'information conduite par votre assemblée en 2005.
Cette disparition a-t-elle fait l'objet de procédures administratives au sein du ministère de l'agriculture ou du ministère des Outre-mer ?
En janvier, avec les membres du groupe Socialistes et apparentés, j'ai déposé une proposition de loi tendant à la création d'un fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat en Guadeloupe et en Martinique. Après le rejet du texte, nous avons décidé de demander l'ouverture d'une commission d'enquête. Je ne dis pas que rien n'a été fait, puisque des plans chlordécone ont été mis en place. Cette année, nous avons vu une accélération, à la suite de l'augmentation des limites maximales de résidus (LMR), laquelle a permis à tout le monde de ruer dans les brancards et de remettre en route la machine chlordécone. Nous avons déjà eu trois plans chlordécone : les deux premiers s'étalaient sur trois ans, avec pour le premier 33 millions d'euros et pour le deuxième 31 millions d'euros. Le troisième plan, qui se déploie sur six ans, est, quant à lui, doté d'un montant global de 30 millions d'euros. Comment expliquez-vous qu'un plan deux fois plus long soit doté d'un montant identique à un plan de trois ans ?
Par ailleurs, en tant que rapporteure pour avis de la mission Santé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, j'ai demandé l'état de la consommation des crédits alloués aux plans chlordécone. Sur les 33 millions d'euros du plan I, seuls 20 millions ont été consommés ; et seulement 8 millions sur les 31 millions prévus pour le plan II. Comment expliquez-vous cette sous-consommation, alors que sur le terrain nous avons un véritable besoin de financement, ne serait-ce que pour indemniser les agriculteurs ? Comme vous le savez, les analyses de sol des agriculteurs n'étant pas remboursées, ils doivent les payer eux-mêmes. Les pêcheurs non plus ne sont pas indemnisés comme il le faut. Comment les crédits non consommés sont-ils reportés ?
Monsieur le président, si vous êtes d'accord, je vais demander à Arnaud Martrenchar, qui est inspecteur général de santé publique vétérinaire, de répondre à la question de Mme la députée sur les LMR.
Madame la députée, les LMR n'ont jamais été augmentées. J'ai vu cette information circuler dans les médias ; mais ce n'est pas vrai. Les LMR ont été fixées par la réglementation communautaire en 2005. Depuis lors, elles n'ont jamais bougé. Elles n'ont pas baissé non plus. Ce que nous avons changé récemment, c'est la valeur de gestion. Une directive de 2002 précise que les analyses doivent être faites dans la graisse. Le seuil a été fixé à 100 microgrammes par kilogramme, afin de ne pas dépasser le seuil de 20 microgrammes dans la viande. Même après l'avis de l'ANSES en décembre 2017, qui a beaucoup fait parler, le seuil de 100 microgrammes a continué d'être utilisé par les services de l'État à l'abattoir. S'il y a eu une confusion en 2013 autour d'un point technique – fallait-il rapporter au poids vif ou à la graisse ? –, les LMR n'ont pas augmenté.
Mais il est vrai qu'en 2019, par deux fois, on a changé la valeur de gestion pour tenir compte des dernières études de l'ANSES. En effet, on a d'abord pensé que le seuil de 20 microgrammes dans la viande correspondait à 100 microgrammes dans la graisse, soit qu'il y avait cinq fois moins de chlordécone dans la viande que dans la graisse. Or l'étude « Triplet » de l'ANSES a montré qu'il y avait, en moyenne, plutôt deux fois moins de chlordécone dans la viande que dans la graisse, si bien que, pour avoir 20 microgrammes dans la viande, il ne fallait pas tabler sur 100 mais sur 40 dans la graisse. C'est pourquoi nous avons demandé à l'ANSES quel devait être le seuil à fixer pour la graisse, de sorte à être à 20 dans la viande. L'ANSES a défini un seuil à 27 microgrammes pour la viande bovine, à 21 microgrammes pour le porc et 20 microgrammes pour les petits ruminants et la volaille. La LMR dans la viande est restée à 20 microgrammes. À aucun moment, les LMR n'ont été augmentées.
Le nouvel arrêté qui est sorti a répondu globalement à la question, d'autant plus que le froid n'était pas ciblé auparavant, alors que la concentration dans le froid est beaucoup plus importante. Des mesures ont été prises pour que cette dimension soit prise en considération dans les LMR.
Pourriez-vous répondre à la deuxième partie de la question de Mme Vainqueur-Christophe ?
Madame la députée, vous avez posé une question fondamentale sur les aspects budgétaires du plan chlordécone. Nous vous ferons passer des documents détaillés que nous allons construire avec l'ensemble des ministères. Depuis 2014, le plan chlordécone est traité, pour partie, grâce à un programme d'intervention territoriale de l'État. Les crédits publics mobilisables pour financer des plans de ce type sont des crédits de l'État, des crédits communautaires ou des collectivités territoriales. Les crédits communautaires peuvent intervenir pour accompagner un certain nombre de mesures mises en oeuvre dans le cadre du plan, en particulier en matière d'analyses des sols ou d'accompagnement des professionnels. S'agissant du troisième plan, qui avait été annoncé par le Premier ministre de l'époque en juin 2013, pour la période 2014-2020, la maquette financière s'élevait, sur la période 2014-2017, à 30 millions d'euros, avec une participation prévisionnelle de l'État à hauteur de 17 millions d'euros. Ces participations peuvent intervenir dans le cadre ou en dehors du PITE, ce qui complique les choses, je l'admets.
Nous utilisons le PITE, parce que cela permet au préfet de la Martinique, en liaison avec son collègue de la Guadeloupe, de déterminer sur la base des priorités constatées dans les territoires des affectations de crédits, constitués d'une masse globale par les apports de chacun des ministères et confiés en gestion aux préfets. Les interventions des ministères peuvent aussi se faire hors PITE, par exemple en matière de recherche. Nous vous transmettrons des documents, afin de retracer les interventions dans le PITE et hors PITE, sachant que le Président de la République a demandé clairement que le PITE de 2020 soit de 40 % supérieur à celui de 2018.
Nous sommes à 2,1 millions d'euros en 2018. La hausse de 40 % permettra au PITE d'atteindre 3 millions en 2020.
Mais il s'agit de 40 % de 2 millions, et non de 30 ou 40 millions. C'est donc un peu moins d'un million d'euros ?
Mais vous n'avez pas répondu à la question de Mme Hélène Vainqueur-Christophe : d'où vient la sous-consommation ? Vous avez indiqué que 31 millions ont été affectés au plan chlordécone entre 2014 et 2017, mais quelle est la périodicité du dernier plan chlordécone ? J'ai cru entendre six ans.
Il s'étend de 2014 à 2020, alors que les précédents plans duraient deux ans. Or, sur 2014-2020, les montants sont les mêmes que ceux des premiers plans, moins longs.
Comment expliquer que ces derniers montants soient les mêmes si les périodes ne le sont pas ?
Les premiers plans étaient sur trois ans : 2008-2010 pour le premier plan, 2011-2013 pour le deuxième plan. Chaque plan était doté d'environ 30 millions d'euros, dont une moitié financée par l'État et l'autre par les fonds communautaires – fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et fonds européen de développement régional (FEDER). Le FEADER finance l'accompagnement technique des agriculteurs et le FEDER la recherche.
Le troisième plan s'étend de 2014 à 2020 – soit sept ans – car cela correspond à la période de programmation communautaire. 30 millions avaient été prévus pour le début du plan (entre 2014 et 2017), dont 17 millions d'euros de l'État. La sous-consommation des premiers plans que vous évoquez est-elle liée uniquement aux crédits de l'État ou inclut-elle les crédits communautaires ?
En effet, il faut procéder différemment pour pister les crédits de l'État et ceux de l'Union européenne : si les crédits de l'État sont consommés à hauteur de 20 millions, ce n'est pas une sous-consommation. De même, 30 millions sur quatre ans, ce n'est pas deux fois plus faible que 30 millions sur trois ans. Enfin, depuis 2014, l'autorité de gestion des fonds communautaires n'est plus l'État. Il ne pilote donc plus la mise en oeuvre de ces fonds.
Mais vous en avez quand même la responsabilité ? Je suis bien placé pour le savoir puisque c'est moi qui aie demandé que la collectivité territoriale puisse gérer les fonds européens. Vous êtes en train de dire qu'une collectivité peut décider unilatéralement de ne pas affecter des fonds européens au plan chlordécone, sans que l'État ne puisse intervenir ?
Si une collectivité fait cela, plus qu'une faute politique, c'est un drame ! Je connais bien la situation : cela signifie qu'une collectivité, martiniquaise par exemple, décide de ne pas affecter de moyens européens aux côtés de ceux de l'État pour traiter ce drame ? Quelles sont les collectivités concernées ? Est-ce la Guadeloupe qui n'a pas mis de moyens dans le dernier plan chlordécone ? Est-ce la Martinique où s'agit-il des deux collectivités ? Je vous rappelle que vous témoignez devant une commission d'enquête. Je vous demande de me répondre.
Je vais vous dire ce que je sais – et vous le savez aussi : en 2014 et 2015, les fonds communautaires ont été longs à mobiliser. Au cours de ces deux premières années, dans les deux collectivités antillaises, les fonds communautaires n'ont pas abondé le plan chlordécone III à même hauteur que lors des deux premiers plans.
Cela signifie-t-il que les fonds ont été abondés tardivement par la collectivité, ou qu'ils ne l'ont pas été ?
Aucune collectivité n'a pas abondé. Mais les fonds communautaires ont été mis en place tardivement. En conséquence, le bilan en 2017 de l'utilisation de ces fonds est faible. En outre, mais il est sans doute possible de le corriger – le plan ne s'achève qu'en 2020 –, nous avons entendu dire que les deux collectivités ne souhaitaient pas utiliser les fonds communautaires sur le dossier, considérant que la responsabilité de la pollution à la chlordécone relevait de l'État.
C'est exactement ce que j'ai entendu. On considère que c'est l'affaire de l'État et que ni le budget de la collectivité, ni les fonds européens qu'elle gère, ne doivent abonder le plan.
À quel moment ces fonds ont-ils été votés par rapport au début du troisième plan ? Quelle masse financière cela représente-t-il ?
Quels moyens budgétaires la collectivité elle-même a-t-elle mis en place ?
On peut toujours protester, dire que l'État n'a pas fait. Je ne vais pas faire de cadeau à l'État – je n'en ai jamais fait – mais je le respecte. Certes, 17 à 20 millions d'euros, ce n'est absolument rien en comparaison des 2 milliards que les Américains ont mobilisés pour traiter le problème en Virginie. Mais c'est un geste ; si les collectivités ne mettent rien et refusent d'utiliser les fonds qu'elles gèrent au nom de l'État et de l'Europe pour traiter un problème martiniquais et guadeloupéen, il faut que les Martiniquais et les Guadeloupéens le sachent. Il n'y a là ni rancune ni haine contre qui que ce soit, mais vous devez nous répondre très précisément sur la date de déblocage de ces fonds. À la demande de qui ont-ils été mis en oeuvre ? Sous la pression de qui ?
Nous allons préparer ces documents, monsieur le président, en liaison avec les autorités de gestion.
Depuis 2014, ce sont le conseil régional de Guadeloupe et la collectivité territoriale de Martinique.
Non, mais nous avons besoin du concours de ces autorités pour disposer des chiffres précis que vous attendez.
Si, mais pour répondre de façon précise à votre question, nous avons besoin de vérifier avec les autorités.
Pour votre information, c'est moi qui ai signé le transfert de la gestion des fonds européens à la collectivité territoriale de la Martinique, à la demande du Premier ministre de l'époque, M. Jean-Marc Ayrault. La Martinique a été la première à candidater pour gérer directement ces fonds. La Guadeloupe a suivi, ainsi que La Réunion. Ne soyez donc pas dépendants de l'avis de qui que ce soit pour nous donner ces informations.
Monsieur le président, je vous remercie d'insister. S'il faut éclaircir cette question des fonds européens sur 2014-2020, ce n'est pas le cas pour les deux premiers plans. Les chiffres ont été fournis par votre ministère dans le cadre du rapport pour avis sur la mission Santé du projet de loi de finances (PLF) de cette année : vous m'avez indiqué que 20 millions – sur les 30 – ont été consommés lors du plan I, et seulement 8 millions sur 31 lors du plan II, alors que l'État était alors autorité de gestion des fonds européens. Comment l'expliquez-vous ?
Nous allons vous apporter des éléments précis sur les plans I et II. Mais les 8 millions dont vous parlez concernent-ils les crédits de l'État et les fonds communautaires, ou uniquement les crédits de l'État ?
Ces chiffres m'ont été transmis par vos services. Il s'agit probablement du budget global. Je vous laisse le vérifier.
C'est ce qui a été prévu au début du plan : 30 millions, dont 17 millions d'euros de l'État. La consommation fin 2017 des crédits de l'État était de 14,5 millions.
Non, sur quatre ans – 2014-2017. Au début du plan, on n'avait pas estimé les montants pour 2018-2020.
En 2018, on est à 2,1 millions d'euros de PITE – auquel s'ajoute le hors PITE. En 2019, nous allons passer à 2,4 ou 2,5 millions pour atteindre 3 millions en 2020.
Nous prenons acte qu'entre 2014 et 2020, environ 30 millions d'euros sont garantis, dont 17 millions de l'État, auxquels s'ajoutent environ 3 millions de PITE. Il y a une grande incertitude sur les masses financières… En outre, ces 33 ou 34 millions d'euros divisés par six ne représentent pas le même montant que 30 millions divisés par quatre… Nous devons prendre conscience de ces dynamiques financières, et de la sous-consommation dont on n'a pas d'explications.
Il est toujours dramatique de parler chiffres lorsqu'il y a des victimes et une pollution présente pour quatre à sept siècles. Mais c'est le nerf de la guerre et beaucoup de chercheurs nous disent avoir besoin de cette manne financière pour aller plus loin dans leurs recherches.
Vous l'avez rappelé, la prise de conscience de la pollution massive des terres de Guadeloupe et de Martinique au chlordécone date de 1993-1998. Quelles mesures ont été mises en place de 1990 à 2008 ? Quelles étaient les insuffisances des plans chlordécone I et II ?
Un rapport d'inspection, sans fard, a été rendu en octobre 2011. Il souligne ces insuffisances. Les mêmes inspections générales vont évaluer le plan III, et nous aider à construire le plan IV.
Vous avez raison, les fonds doivent être sécurisés sur le moyen terme : dans le prochain plan, il sera fondamental de mobiliser massivement les fonds européens, les fonds de l'État et ceux des collectivités territoriales. Cela constituera un point de vigilance particulier pour les inspections générales, qui ont commencé leurs travaux.
Vous n'avez pas répondu à ma question sur les insuffisances des précédents plans, d'autant qu'un avenant au plan III a été signé. Les objectifs ont-ils été atteints ? Quels objectifs ne l'ont pas été ? Expliquent-ils les 5 millions de l'avenant ?
Pourriez-vous nous transmettre une note récapitulant les différents crédits, leur origine et leur consommation par année ? Cela nous permettrait peut-être de comprendre les sous-consommations des plans chlordécone I et II.
En 2011, les inspections générales ont constaté une implication insuffisante de la population locale. Elles ont considéré que le volet concernant l'accompagnement des socioprofessionnels était insuffisant. Cela nous a conduits à renforcer ces deux types d'actions dans le plan III. Les inspections générales vont désormais vérifier si ces engagements ont été tenus. Nous attendons beaucoup de leur expertise indépendante, qui nous permettra d'apporter les rectifications nécessaires dans le quatrième plan.
En tant que député hexagonal, je suis un peu moins au fait de la situation. SI j'ai bien cerné le cadre et les moyens – avec leurs limites –, je m'interroge sur l'évaluation des objectifs. Si le cadre est clair, la gouvernance n'est pas très lisible…
Vous nous parlez d'un rapport d'inspection qui a évalué le plan II : comment communique-t-on ? Que met-on dans les plans ? Comment s'assure-t-on que tout le monde va dans le même sens pour atteindre les objectifs ? Cela me semble un peu flou.
Je comprends. Dans le cadre de la préparation du colloque que nous avons collectivement organisé en octobre 2018 aux Antilles, un document a été produit. Il fait le point sur les analyses scientifiques qui ont été conduites. Avec la direction générale de la santé, nous y faisons également un bilan du plan III (2014-2017). Nous pouvons vous le communiquer. Il n'aura pas la même valeur qu'un rapport d'inspection, plus exhaustif, qui soulignera les progrès à réaliser – car nous avons encore des progrès à faire.
Nous allons auditionner les auteurs du rapport d'inspection jeudi prochain, le 11 juillet.
Les actions d'information mises en place dans le cadre des plans chlordécone ont-elles atteint leurs objectifs ? Les canaux d'information et de sensibilisation de ces plans sont-ils suffisamment adaptés au contexte local ?
Les plans ont-ils été élaborés en concertation avec les maires et les différentes associations ?
Le programme des jardins familiaux (JAFA) est-il adapté et efficace ?
S'agissant de la concertation avec les élus locaux ou les associations, les rapports d'inspection soulignent que l'élaboration du plan I a peu associé les acteurs locaux. Mais ces derniers ont été mobilisés lors de sa mise en oeuvre par le biais de comités de pilotage locaux, le groupe régional d'étude des pollutions par les produits phytosanitaires (GREPP) en Guadeloupe et le groupe régional phytosanitaire (GREPHY) en Martinique. Les acteurs locaux ont pu y formuler leurs observations.
Lors de l'élaboration du deuxième plan, des réunions de concertation locale ont permis de recueillir les avis et les propositions des acteurs locaux. Les inspections générales en ont fait état dans leur rapport d'octobre 2011 puisqu'ils ont rencontré ces acteurs, tout en considérant que cet axe pouvait être grandement amélioré dans le cadre de la préparation du plan III. Nous en avons tenu compte puisque nous avons mis en place des comités de pilotage territoriaux, présidés par les préfets de Martinique et de Guadeloupe, qui se réunissent très régulièrement.
La mobilisation a été beaucoup plus forte en 2018 qu'en 2016 ou 2017. Nous sommes engagés dans la dynamique de préparation du quatrième plan : en parallèle du cadre global que vont nous proposer les inspections générales, les préfets vont organiser une consultation locale au dernier semestre 2019. Le plan sera ensuite arrêté en juin 2020, puis fera l'objet d'une consultation publique formelle à l'automne 2020. Vous le constatez, les plans sont désormais construits de manière beaucoup plus structurée et s'appuient sur la méthodologie utilisée par le ministère de la santé dans d'autres domaines.
Vous avez raison, l'information est centrale pour que les plans soient efficaces. Protéger la santé des populations est notre principal objectif. Nous leur demandons de prendre certaines précautions, sans les affoler. Mais c'est un objectif très complexe à atteindre. Nous l'avons développé dans le plan III ; cela inclut un axe de travail sur les modalités du vivre-ensemble. Nous avons prévu la création de groupes locaux de discussion – cela avait été proposé par les inspections générales en 2011, va faire l'objet d'une évaluation de son efficacité et, vraisemblablement, de propositions d'adaptation.
Les jardins familiaux, également appelés JAFA, sont une mesure adaptée car ils ciblent les circuits informels, secteur que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a identifié comme vecteur majeur de la contamination de la population. JAFA a été mis en place dès l'origine des plans chlordécone ; le dispositif a été évalué positivement en 2011 et se poursuit dans le plan III. Il permet aux populations qui le souhaitent de prendre contact avec l'Agence régionale de santé (ARS) et de demander son expertise sur les modalités de culture familiale. Lorsque les agents de l'ARS détectent une contamination du sol – l'analyse est réalisée gratuitement par les services –, ils préconisent un suivi particulier et des mesures adaptées aux propriétaires de jardins familiaux – par exemple, une évolution de leurs pratiques culturales.
Mais les agriculteurs qui demandent cette assistance « gratuite » doivent faire réaliser des prélèvements de sol. Cela a un coût…
J'évoquais uniquement le programme des jardins familiaux, qui ne concerne pas les agriculteurs.
Dans le dispositif des jardins familiaux, les analyses de sols sont payées par l'État. Elles ne sont pas obligatoires : si des particuliers ou des agriculteurs non professionnels cultivant un jardin familial souhaitent une analyse de sol pour connaître l'état de la pollution, ils peuvent aller voir l'ARS, qui finance alors l'analyse. Ces personnes ne font qu'échanger des denrées entre elles ou avec leur famille.
De la même façon, pour les agriculteurs professionnels, les analyses ne sont pas obligatoires. On ne peut les leur imposer. L'État fait les analyses si l'agriculteur est d'accord – il est propriétaire de son terrain et ne peut donc y être contraint. Si l'État diligence l'analyse, il la paie. Si l'agriculteur veut analyser son sol, alors il doit payer mais peut solliciter une intervention du FEADER si la mesure est ouverte.
Dans le cadre de la feuille de route 2019-2020, nous avons saisi l'ANSES pour savoir s'il serait adapté de prendre des mesures réglementaires d'interdiction de certaines cultures agricoles sur les sols pollués et évaluer si cela peut inclure des mesures réglementaires d'analyses de sol obligatoires. Le coût doit également être calculé, afin de savoir comment le prendre en charge.
Aujourd'hui, il n'y a aucune obligation, c'est toute la difficulté : beaucoup d'agriculteurs refusent de faire ces analyses car ils ont peur de la perte de valeur de leur terrain qui pourrait en résulter. C'est pourquoi nous avons saisi l'ANSES sur ce point, très sensible.
Vous dites que le programme JAFA fonctionne bien, mais tous les acteurs locaux ne sont pas du même avis. Le secteur des jardins familiaux est un secteur informel, très mal connu et très mal régulé. D'après l'ANSES, c'est là que le risque de pollution est le plus grand, du fait de l'absence de contrôles structurés et organisés. L'État et les autorités ne contrôlent pas ce secteur informel. Il fait pourtant partie de notre culture sociale et familiale : la production des jardins familiaux représente 400 ans d'histoire et elle est aussi importante que celle que l'on tire de l'agriculture classique.
J'ai bien noté que tous les tests qui sont faits sur les jardins familiaux sont pris en charge par l'État. En revanche, l'État ne prend pas en charge le contrôle des parcelles agricoles. Il existe certes un mécanisme de financement par l'intermédiaire des structures chargées d'accompagner les agriculteurs, mais son fonctionnement est totalement incertain. Aujourd'hui, cette structure n'a pas les moyens de financer ces investissements et d'en répercuter le coût au bénéfice des agriculteurs. L'incertitude financière est extrêmement forte. Nous sommes bien d'accord là-dessus ?
Selon vous, faut-il rendre les prélèvements et les contrôles obligatoires ? À titre personnel, je le pense. Il faut seulement veiller à ce que l'information et la communication se passent bien. La question qui me semble essentielle, c'est de savoir comment on peut traiter globalement une question aussi grave sur un territoire de 1 400 km2…
Pour connaître l'origine du mal, il faut procéder à des prélèvements systématiques. C'est de cette manière que nous pourrons établir une cartographie précise et mener des politiques différenciées en fonction du degré de pollution des différents territoires. C'est ainsi que nous pourrons affiner nos choix en matière d'alimentation et réduire les importations massives qui visent à remplacer les produits qui sont aujourd'hui discrédités. Ces prélèvements obligatoires doivent être faits par l'État, et non par les particuliers. Pour moi, c'est à l'État de prendre en charge ce prélèvement obligatoire et généralisé. Il faut accélérer l'analyse du sol et déterminer son niveau d'imprégnation par le chlordécone.
Quelle est votre position à ce sujet ? Pensez-vous que la campagne qui permettra d'établir le niveau de pollution des sols doit être de la responsabilité directe de l'État, pour les jardins familiaux comme pour les petits et les gros agriculteurs ? Pour l'instant, les gros peuvent payer, mais pas les victimes, pas ceux qui se retrouvent dans cette situation alors qu'ils n'ont rien fait. La DGOM serait-elle favorable à un tel projet ?
Cette question va faire l'objet de débats dans le cadre de la construction du quatrième plan, car c'est un point essentiel. Je pense que les JAFA vont continuer de faire l'objet d'analyses gratuites. Vous avez distingué deux catégories d'agriculteurs, les gros et les petits, et vous demandez s'il faut leur appliquer des stratégies différentes.
Je pense qu'il faut généraliser les contrôles, pour les petits comme pour les gros. Mais je crois qu'il faut avoir une considération particulière pour les petits. En tout cas, c'est l'État qui doit assumer et payer ces prélèvements généralisés.
Un débat est un cours, et il n'est pas tranché, sur l'intérêt d'analyser des sols que l'on sait contaminés, mais sur lesquels il est possible de pratiquer des cultures qui, elles, ne sont pas contaminées. C'est toute la problématique du traitement de la sole bananière.
Vous pensez qu'on produira éternellement de la banane ? On pourrait très bien, à côté de la banane, développer une culture vivrière. Il me semble important que les grandes exploitations encouragent la production vivrière, avec les petits paysans, pour assurer la diversité de la production.
Je conçois que cela fasse débat mais, à titre personnel, j'identifie deux questions essentielles. Premièrement, qui prélève ? Deuxièmement, faut-il généraliser ces prélèvements ? Sur le cancer de la prostate, qui est un autre sujet essentiel, la Haute Autorité de santé a donné son point de vue. Sur la question de la pollution des sols, je crois qu'il faut généraliser les contrôles si l'on veut avoir une vraie connaissance du sujet. Quand le chlordécone entre dans le sol à Macouba, on le retrouve dans la nappe phréatique, puis dans la mer. Et cela pose des problèmes de gouvernance de la mer. C'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'il n'y avait pas de pilote dans l'avion. Il y a une segmentation incroyable des responsabilités, alors que c'est le même chlordécone qui se trouve dans le sol et qui arrive dans la mer, en passant par la nappe phréatique. Dans l'intervalle, on change de ministère ! Et comme le ministère de l'Outre-mer n'a pas grande autorité…
Il est vrai que la DGOM n'a pas de responsabilités particulières en la matière... Ces questions relèvent de certaines directions de l'administration centrale qui ont des capacités techniques et des moyens de financement.
Je vous remercie de vos propos. Je me sens parfois un peu seul quand je dis qu'il faudrait donner de vrais pouvoirs régaliens au ministère de l'Outre-mer, dans la mesure où il doit traiter des sujets extrêmement graves. Le ministère de l'Outre-mer est parfois considéré comme un sous-fifre, comme un ministère de seconde zone.
J'aimerais poursuivre sur ce thème. Vous avez annoncé que, dans le cadre du plan chlordécone IV, l'État était prêt à prendre en charge le diagnostic des sols. J'aimerais savoir sous quelle forme il pourrait le faire. J'aimerais également connaître le prix d'une analyse de sol et d'une analyse de l'eau. Enfin, pouvez-vous nous dire pourquoi, après l'étude Karuprostate, l'étude Madiprostate n'a pas été finalisée ?
La question relative à l'étude Madiprostate relève du directeur général de la santé, que vous auditionnerez la semaine prochaine. Ce que j'ai compris, en assistant aux comités de pilotage nationaux, c'est que cette étude avait été suspendue parce que les experts avaient considéré qu'elle présentait un certain nombre de biais, qui ne permettaient pas d'aboutir à des conclusions fiables. M. Jérôme Salomon vous apportera toutes les précisions scientifiques.
S'agissant de la prise en charge du diagnostic des sols par l'État, nous devrons déterminer, en élaborant le plan chlordécone IV, si ce diagnostic est réellement indispensable. Nous devrons poser la question de la généralisation de ces analyses et de leur prise en charge financière. Ce débat est en cours. S'agissant du coût des analyses, je passe la parole à mon voisin.
Je parlerai d'abord du coût de l'analyse des sols. En Martinique, un laboratoire local propose un tarif de 87 euros, alors que le laboratoire métropolitain CARSO, qui travaille avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), propose un tarif de 42 euros, à quoi s'ajoutent les frais d'envoi, qui sont compris entre 35 et 40 euros. Si les services amènent directement le prélèvement au laboratoire de Martinique, celui-ci peut donc être compétitif. Mais, dans tous les cas, il faut répondre à un appel d'offres, pour suivre le code des marchés publics.
En Guadeloupe, historiquement, la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAFF) travaillait avec le laboratoire GIRPA, qui facturait l'analyse 134 à 142 euros. Depuis l'année dernière, la DAFF a demandé plusieurs devis à différents laboratoires et c'est le laboratoire départemental de la Drôme qui a été retenu, avec un tarif à 96 euros. Vous le voyez, le prix facturé en Guadeloupe depuis la métropole est presque deux fois plus élevé que celui qui est pratiqué en Martinique. La Guadeloupe a passé un nouvel appel d'offres, auxquels ont répondu le laboratoire départemental d'analyse de la Drôme et le laboratoire CARSO. La Guadeloupe a demandé, dans son cahier des charges, que les laboratoires soient accrédités par le Comité français d'accréditation (COFRAC). Le dépouillement de ce nouvel appel d'offres est en cours.
Les analyses de l'eau relèvent de la compétence des ARS. Je les ai interrogées pour savoir quel était, au jour d'aujourd'hui, le coût d'une analyse de l'eau et je n'ai pas encore reçu leur réponse.
Pourriez-vous nous faire parvenir une petite note sur ces questions ? Les tarifs que vous venez de nous donner sont tout à fait incroyables. Il y a une disparité considérable entre la Martinique et la Guadeloupe, entre les prix pratiqués par le laboratoire de la Drôme et par celui de la Guadeloupe. Vous rendez-vous compte que, sans cette commission d'enquête, les populations n'auraient jamais su qu'il y avait de telles disparités ?
Madame la rapporteure, c'est parce que les DAFF, sur la question de l'analyse des sols, travaillent ensemble, en Martinique et en Guadeloupe, qu'on s'est aperçu, il y a quelque temps, de cette discordance. Elle est en voie de résolution et on espère bien que l'appel d'offres qui est en cours de dépouillement permettra d'aboutir à des coûts similaires en Martinique et en Guadeloupe.
Je souhaiterais avoir une précision. Vous avez dit qu'une analyse réalisée en Martinique coûtait 87 euros. Pouvez-vous nous dire s'il s'agit d'un laboratoire départemental, ou d'une unité privée ?
Vous dites également qu'une analyse réalisée par le laboratoire CARSO coûte 42 euros. Vous avez précisé que les frais d'envoi s'élèvent à 35 euros.
En effet, les frais d'envoi s'ajoutent au prix de l'analyse, ce qui fait un total de 80 euros environ – car les frais d'envoi peuvent atteindre 40 euros.
Ne pensez-vous pas qu'il serait intéressant, compte tenu du nombre important de prélèvements à venir, de structurer une domiciliation locale, en Guadeloupe et en Martinique, pour que l'on n'ait pas 8 000 kilomètres à faire avec de la terre dans son sac à dos ? Il serait sans doute préférable de faire les analyses localement, puis de faire profiter les pays voisins de notre expertise. Je sais que le laboratoire départemental de la Martinique a fait beaucoup d'efforts, pas seulement dans ce domaine, mais dans celui des prélèvements en général. Ne serait-il pas utile d'accompagner ces initiatives locales, plutôt que d'envoyer des échantillons dans la Drôme ?
Tout le monde conviendra que ce serait une très bonne chose de faire ces analyses localement. Il n'en reste pas moins que nous sommes tenus de respecter le code des marchés publics. On ne peut pas, sur un volume d'analyses aussi important, décider de tout confier au laboratoire local. On est obligé de passer un appel d'offres et de tenir compte de ses résultats.
Quand j'étais en poste en Guyane et que nous devions faire des analyses sur la vache folle, je me rappelle que l'Institut Pasteur faisait les analyses localement et qu'elles étaient plus chères que celles du laboratoire métropolitain, même en ajoutant les frais d'envoi. Nous avions besoin des résultats dans les quarante-huit heures et nous ne réalisions les analyses en Hexagone que parce que c'était moins cher.
Non. Si nous arrivons à des coûts équivalents, nous pourrons donner la préférence aux laboratoires locaux.
Il faut tout faire pour arriver à des prix équivalents. Avec ce type de raisonnement, on dépouille nos territoires, qui sont très éloignés de l'hexagone, de tout savoir scientifique. À ce raisonnement très libéral, nous pourrions opposer l'idée d'une régulation. À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels : en témoigne la loi que nous venons de voter au sujet de la cathédrale Notre-Dame. Nous pourrions très bien imaginer une loi sur le chlordécone qui fixerait quelques exceptions, afin de sécuriser tout le monde. Ce débat, en tout cas, me paraît important.
Les laboratoires de l'Institut Pasteur de Guadeloupe et de la Martinique ont-ils les mêmes compétences que le laboratoire départemental de la Drôme ? Ne me répondez pas en me parlant des marchés publics. Répondez d'abord à cette question et je vous en poserai une autre.
Vous avez parfaitement raison, madame la rapporteure. Les laboratoires sont agréés pour faire un certain nombre d'analyses, avec des qualifications particulières. Lorsqu'on a besoin de procéder à un type d'analyses particulier, on ne peut s'adresser qu'à une liste limitée de laboratoires. Mais, pour rebondir sur les propos du président, nous aurions effectivement intérêt à structurer les laboratoires d'analyse dans les Antilles pour optimiser les conditions de prise en charge collectives.
Y compris par une obligation de service public (OSP), car il s'agit bien d'un service public, et non d'un marché ! Nous parlons de la gestion d'un drame sanitaire : il y a là une vraie dimension de service public. Il me semble important d'aider les laboratoires départementaux à se structurer dans le cadre d'une obligation de service public, de façon à avoir des prix régulés. Voilà une réponse qui semblerait adaptée à la gravité de la situation.
Je suis d'accord avec le président. Monsieur Berthier, vous qui avez été préfet de la Guadeloupe, vous êtes bien informé de ce qui se passe sur nos territoires. Vous savez ce qu'il en est de la disparité des prix et de la vie chère. Je vous ai demandé si les différents plans avaient été faits en concertation avec les maires et les associations et en tenant compte des réalités locales. Il est important pour nous de pouvoir domicilier les analyses sur les territoires. C'est d'ailleurs une préconisation qui pourrait figurer dans le prochain plan chlordécone.
J'aimerais revenir sur la question de l'indemnisation, parce que le chlordécone a également eu des conséquences catastrophiques sur le plan économique. L'action 20 du plan chlordécone III recommande à l'État d'accompagner économiquement les agriculteurs et les éleveurs concernés par la contamination. Peut-on avoir un bilan de l'effectivité de ces mesures, connaître le nombre d'agriculteurs et d'éleveurs qui en sont bénéficiaires, le montant des aides accordées et le nombre de projets financés, en particulier dans l'aide à l'investissement ? J'aimerais également savoir pourquoi il y a une disparité des aides entre la Guadeloupe et la Martinique. J'imagine que cela relève de l'initiative des préfets, mais j'aimerais comprendre. Pour les éleveurs, quelles sont les modalités d'indemnisation ou de prise en charge par l'État des mesures de mise en quarantaine et d'abattage du bétail qui est diagnostiqué contaminé ? Sur le terrain, les éleveurs nous disent clairement qu'ils subissent un préjudice économique qui n'est pas compensé.
Je me pose les mêmes questions au sujet des pêcheurs. On n'a pas de chiffres exacts sur le nombre de pêcheurs ayant bénéficié d'un accompagnement. Combien de pêcheurs ont dû arrêter leur activité depuis la définition des zones d'exclusion, qui ont mis à mal la pêche traditionnelle ? Je sais que des mesures ont été prises concernant leur départ à la retraite : pouvez-vous nous faire un bilan détaillé des aides versées aux agriculteurs, aux éleveurs et aux pêcheurs ou l'adresser par écrit à la commission d'enquête, si vous ne pouvez pas nous répondre précisément aujourd'hui ?
Je ne peux pas répondre précisément à toutes vos questions, mais je vais vous donner quelques éléments, que je compléterai par écrit.
S'agissant de la pêche, vous savez que, suivant des avis de l'ANSES, des mesures d'interdiction de pêche ont été prises sur des zones côtières très importantes, qui représentent près de 30 % des zones côtières en Martinique et en Guadeloupe. Des mesures d'aides ont été décidées et mises en oeuvre en 2010 et en 2011 par la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) : 2,2 millions d'euros ont été accordés à 299 entreprises en Martinique et 460 000 euros à 58 dossiers en Guadeloupe : tout cela est précisé dans une circulaire du 2 décembre 2010, qui est publique.
Après que de nouvelles zones ont été interdites à la pêche à la fin de l'année 2012, les circulaires du 29 mai 2013, pour la Martinique, et du 18 juillet 2013, pour la Guadeloupe, ont décidé la mise en oeuvre d'une nouvelle aide d'urgence. Les enveloppes financières globales de l'État dédiées à ces aides se sont élevées à 2 millions d'euros en Martinique et 1,1 million d'euros en Guadeloupe. Elles ont été complétées par un soutien des collectivités locales, à hauteur de 1,5 million d'euros en Martinique et de 0,5 million d'euros en Guadeloupe. Ces aides se sont à nouveau inscrites dans les plafonds de minimis et ces éléments ont été communiqués à la Commission européenne. Dans le cadre du plan chlordécone III, l'État a accordé 3 millions d'euros supplémentaires aux pêcheurs. L'objectif était de leur apporter une aide structurelle pour les aider à s'adapter durablement à la situation de la pollution existante.
Le montant total des aides accordées s'élève à 10,8 millions d'euros, dont 7,2 millions en Martinique et 3,6 millions en Guadeloupe, dont 8,7 millions d'euros viennent de l'État. Dans le cadre de la feuille de route 2019-2020, il est prévu d'étendre le programme JAFA aux pêcheurs autoconsommateurs de produits de la mer, mais aussi aux pêcheurs de loisir, au travers d'un programme appelé JAFA-mer.
J'en viens aux éleveurs. Ceux qui sont pénalisés par cette pollution sont ceux qui mettent leurs animaux au sol, puisque les élevages hors-sol ne sont pas touchés par cette contamination. Il s'agit pour l'essentiel d'élevages familiaux, où les volailles et les porcs sont souvent au sol. Pour les éleveurs professionnels, il s'agit essentiellement de ruminants, qui se contaminent au pâturage. Les agriculteurs ont reçu 15 millions d'euros d'accompagnement technique depuis le plan chlordécone I. Cet accompagnement se fait au travers du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), avec des contreparties nationales.
En 2019, on a abaissé la valeur de gestion des LMR, si bien que des animaux qui, auparavant, n'étaient pas saisis à l'abattoir, le sont désormais. La valeur de gestion dans la graisse est passée de 100 à 27 microgrammes pour les bovins. Autrefois, une vache qui était à 40 microgrammes passait, mais ce n'est plus le cas. Il existe des moyens de décontaminer les bovins, mais ces mesures ont évidemment un coût. Il est prévu qu'une partie de l'enveloppe d'augmentation du PITE, qui a été annoncée par le Président de la République, serve de contrepartie nationale sur les crédits européens pour avoir un effet levier maximal. Elle permettra d'aider techniquement les éleveurs à mettre en oeuvre ces mesures, qui sont éligibles au programme de développement rural. Nous pourrons vous donner des informations plus détaillées si vous le souhaitez.
Selon vous, est-il justifié de maintenir des LMR différentes pour les produits importés et pour les productions locales ?
Sur les LMR, je ne peux que m'en remettre à l'avis de l'ANSES. L'ANSES est un outil qui a été créé pour évaluer le risque : son rôle est précisément d'évaluer les risques et de proposer des mesures de gestion.
Que dit l'ANSES ? L'ANSES dit qu'il est inutile de modifier les LMR, parce que l'imprégnation maximale concerne la population qui consomme des produits issus de circuits informels, où les LMR ne s'appliquent pas.
Elle a tort ! Vous dites que les LMR ne s'appliquent pas dans les zones de consommation informelle, mais on parle d'êtres humains ! Qu'ils soient dans des zones formelles ou informelles, ils restent des Martiniquais, des Guadeloupéens. Ils n'ont pas changé d'acabit entre-temps !
C'est bien ce qu'elle dit, puisqu'aucun contrôle clair et structuré n'est fait dans les zones informelles ! La frontière entre le formel et l'informel ne me convainc pas. Si quelqu'un apporte chez moi des ignames qui viennent du Gros-Morne, je ne vais pas refuser de les manger sous prétexte qu'ils seraient informels.
Je ne dis pas que la santé des populations qui utilisent ces circuits n'est pas un sujet important. Il faut évidemment tout faire pour maintenir ces circuits et il est hors de question, selon moi, de vivre uniquement de produits importés. Il faut absolument maintenir une production locale et tout faire pour maintenir ces circuits informels.
Absolument. Mais ce que dit l'ANSES, c'est que lorsqu'on fait des analyses sur ces circuits informels…
C'est pour cette raison que l'ANSES estime qu'il ne sert à rien de passer la LMR de 100 à 40 ou à 20 ! Puisque sur les oeufs, on est à 1 000 ! L'ANSES dit que les LMR actuelles sont suffisamment protectrices.
Nous sommes d'accord : à la limite, on devrait se passer de LMR et aller vers le zéro chlordécone dès demain. Pour quelle raison fixe-t-on des limites maximales résiduelles ? On ne devrait rien avoir dans le sang ! Et c'est vrai de toutes les victimes de produits sanitaires dans l'hexagone. Personne ne devrait subir cela !
On dit vouloir aller vers le zéro chlordécone et le zéro pesticide. Le problème, c'est que nous devons gérer un mal qui est chronique et qui va durer un certain temps. Hélas, il faut vivre avec ! Nous ne voudrions pas de LMR, mais il y en a. Or, il me semble que les LMR sont aujourd'hui fixées à 10 microgrammes sur les produits importés, alors que nous avons des productions locales à 20 microgrammes. Cet écart donne le sentiment qu'on baisse les bras d'avance : le fait que les produits informels ne soient pas contrôlés correctement crée une suspicion assez grave. On verra avec l'ANSES comment ajuster cela. Mais j'aimerais aussi savoir comme le ministère des Outre-mer envisage de mieux structurer la surveillance. Si l'État lui-même dit qu'il est impossible de contrôler le secteur informel, à quoi sert l'État ?
L'informel représente 50 % de notre consommation ! Vous ne voyez pas qu'il y a un problème ? Vous voulez nous obliger à ne manger que les produits des supermarchés et à abandonner notre culture ? Mais un peuple qui perd sa culture est un peuple égaré. Or notre culture est liée à nos pratiques culinaires, à nos légumes, à la manière dont nous les cultivons et dont nous les cuisinons. Nous prenons acte qu'il n'y a pas aujourd'hui de surveillance efficace du circuit dit informel, et que cela a des conséquences relativement graves. Dans les oeufs produits dans le secteur informel, la pollution est 1 000 fois supérieure à la pollution dans des oeufs dits formels. Vous vous rendez compte, on est en train de nous balader en Martinique entre les oeufs formels et les oeufs informels !
Excusez-moi de vous embarrasser, mais je ne peux pas faire autrement.
Monsieur le président, nous ne savons rien de ces niveaux de LMR qui seraient différents selon que les produits sont importés ou locaux.
Nous ne sommes pas les techniciens chargés de mettre en oeuvre ces mesures…
Je ne sais pas si je suis autorisée à poser une question, dans la mesure où je ne suis pas membre de cette commission d'enquête.
Vous êtes invitée au sein de cette commission. Vous ne pourrez pas voter, mais vous êtes libre de poser toutes les questions que vous souhaitez.
Étant donné la gravité de la situation, il semble important d'inclure dans le plan chlordécone IV un volet relatif à l'information des populations. Il ne faut pas être alarmiste, c'est certain, et il ne s'agit pas de cesser de consommer nos produits locaux, mais il faut que la population dispose d'informations précises. J'entends aujourd'hui, et cela m'inquiète, que les analyses de sol sont faites gratuitement sur les JAFA, qui ne concernent qu'un petit cercle familial, et qu'elles ne sont pas obligatoires sur les terres agricoles qui produisent des fruits et des légumes pour l'ensemble de la population. Cela signifie qu'un agriculteur peut nourrir toute la population sans être contrôlé !
Il y a quelque temps, certains avaient annoncé un sol zéro chlordécone. Comment peut-on envisager d'atteindre un tel objectif si on ne rend pas les contrôles obligatoires ? Mon sentiment, c'est que nous sommes encore très loin de cet objectif, parce que nous n'avons pas procédé comme il fallait et que nous n'avons pas suffisamment informé la population. Il me semble que le plan chlordécone IV envisage de lancer une campagne d'information en lien avec l'éducation nationale, en direction des enfants. Cela fait plusieurs années que nous réclamons le lancement de cette campagne. Qui, mieux que les enfants, peuvent relayer ce genre d'information à travers la population ? Je répète qu'il ne s'agit pas de diffuser des informations alarmistes, mais réalistes. Nous n'avons pas suffisamment été informés, depuis des années, sur les conséquences de la chlordécone.
Je voudrais ajouter que le laboratoire, autrefois départemental et désormais territorial, effectue depuis des années des analyses de sol. Peut-être son activité n'était-elle pas considérable, mais je crois qu'il faisait, à l'époque, à la fois l'analyse des sols et de l'eau. Il a été reconstruit et inauguré il y a quelques mois.
Je donnerai trois éléments de réponse.
Comme le rappelait le président Letchimy, il faudra beaucoup de temps pour arriver au zéro chlordécone dans les sols. Le Président de la République nous a demandé de structurer le plan chlordécone IV autour d'un objectif zéro chlordécone dans l'alimentation.
Vous avez dit que les agriculteurs n'étaient pas contrôlés. Ils le sont, dans le cadre de plans de contrôle annuels fixés par la Direction générale de l'alimentation, qui publie ses instructions et qui fixe le nombre de prélèvements à réaliser. Quand on compare la circulaire de 2017 et de 2019, on mesure concrètement l'effort de contrôle qui est fait.
S'agissant de l'information véhiculée grâce aux enfants, cette demande a été entendue et le programme va se déployer à partir de la rentrée prochaine.
La réunion s'achève à onze heures quinze.
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Membres présents ou excusés
Réunion du vendredi 5 juillet 2019 à 9 h 30
Présents. – Mme Justine Benin, M. Raphaël Gérard, M. Serge Letchimy, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Assistait également à la réunion. – Mme Josette Manin