Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Réunion du lundi 29 novembre 2021 à 14h00

Résumé de la réunion

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Commission d'enquête Chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Lundi 29 novembre 2021

La séance est ouverte à quatorze heures dix

(Présidence de M. Meyer Habib, président)

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Nous recevons un policier de l'enquête judiciaire.

Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, commandant, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

.

(M. N. prête serment)

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Commandant, le 7 avril 2017, vous avez été mandaté par le magistrat de permanence pour poursuivre les investigations dans l'enquête de voisinage et établir une chronologie « aussi précise que possible » des faits ayant abouti à ce terrible drame et notamment quant à l'intervention des policiers.

Au cours de cette enquête, vous avez interrogé l'ami de Kobili Traoré, Abdelkader Rabhi, avec lequel il s'est rendu à la mosquée et qui l'a hébergé pendant la nuit du crime. Accessoirement, cet homme est très défavorablement connu des services de police. Lors de son audition, il a déclaré ignorer son propre numéro de téléphone et ne pas disposer de celui de Traoré. Il n'a été procédé à aucune investigation pour obtenir le numéro de téléphone de ce témoin qui semble pourtant essentiel. Comment l'expliquez-vous ? Peut-on réellement croire qu'il ne disposait pas du numéro de téléphone de Traoré alors qu'ils se connaissaient depuis plusieurs années et se fréquentaient régulièrement ?

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N

Il est malheureusement fréquent que nous ne puissions pas retrouver les numéros de téléphone des personnes que nous interrogeons lorsqu'elles refusent de les communiquer. Les délinquants utilisent des lignes téléphoniques sur des périodes très courtes et les recherches auprès des opérateurs téléphoniques n'apportent pas d'éléments probants relatifs à l'identité des utilisateurs des lignes téléphoniques.

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Avez-vous au moins procédé à cette recherche ?

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N

Cette enquête remontant à plusieurs années, je suis limité dans la précision de mes propos, car je n'ai pas pu obtenir une copie de l'intégralité de l'enquête réalisée à l'époque.

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Il s'agit d'un meurtre. Sans être policier, il me semble qu'une des priorités consiste à examiner les appels téléphoniques du suspect. Or l'enquête ne fait mention d'aucune recherche du téléphone de Traoré et des personnes que vous avez auditionnées, d'aucune géolocalisation des téléphones. La question de la téléphonie paraît importante dans le cadre de nos travaux pour tenter de faire la lumière quant à la préméditation du crime.

Préalablement à son geste, Traoré a dormi chez un ami. Lors de l'audition de cet ami, vous avez accepté ses propos sans chercher à obtenir son téléphone.

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N

Il a été procédé à des recherches de téléphonie, mais elles n'apparaissent peut-être pas de façon explicite dans le dossier. Une recherche de géolocalisation n'aurait apporté aucun élément probant puisque les personnes habitaient sur place.

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Les policiers auraient trouvé plusieurs téléphones portables chez la famille Traoré, sans parvenir à identifier leurs propriétaires. Ces téléphones n'ont pas été saisis.

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N

Les lignes téléphoniques de la famille ont été identifiées. En revanche, les policiers n'ont pas trouvé le téléphone de Kobili Traoré.

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Vous n'avez pas saisi plusieurs téléphones présents. Dans un tel contexte dramatique, celui d'une femme massacrée à coups de poing et défenestrée, ne peut-on pas imaginer le placement en garde à vue non seulement de la famille du suspect, mais également de la personne qui l'a hébergé la nuit du crime et ce, d'autant plus quand cette personne est très défavorablement connue des services de police ? Cela aurait permis de recueillir les auditions à chaud.

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N

Les auditions ont été réalisées immédiatement. Le Parquet était sur place et l'enquête a débuté sous l'égide du magistrat de permanence.

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Nous avons auditionné cette magistrate. Elle était extrêmement émue. Elle nous a expliqué qu'elle avait sollicité à plusieurs reprises l'intervention de la BRI, mais que sa demande était restée sans suite. Cette magistrate s'est rendue très rapidement sur les lieux et elle a été extrêmement touchée parce qu'elle a vu de ce drame.

L'assassin a dormi chez Abdelkader Rabhi. Ils ont regardé un film ensemble et il prétend que Traoré est reparti vers une heure du matin, heure à laquelle des témoins affirment avoir entendu les premiers « Allahou Akbar » monter de la cour de l'immeuble, cris qui ont cessé et repris deux heures plus tard, proférés par la même voix.

Interrogé sur sa connaissance des pratiques religieuses de Traoré, Abdelkader Rabhi affirme qu'il ne faisait pas vraiment la prière, ne pratiquait pas et n'observait plus le ramadan depuis plusieurs années. Or nous savons que Traoré s'était radicalisé récemment et qu'il fréquentait assidûment la mosquée Omar. En outre, une audition réalisée par les services de police indique qu'il refuse de tenir la porte aux femmes et ne les salue plus. Plusieurs témoins ont affirmé que, la nuit du drame, Traoré a crié « Allahou Akbar », ce que confirment les cinq minutes de l'enregistrement audio réalisé au moment de la défenestration que nous avons entendues. Pour quelles raisons n'avez-vous pas mené d'investigations à la mosquée Omar, connue de surcroît pour être une mosquée salafiste, afin d'obtenir des renseignements sur les pratiques religieuses de Traoré ?

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N

La police a évidemment effectué des recherches concernant Kobili Traoré. Nous avons procédé à un « criblage » avec l'ensemble des services de renseignements quant à la radicalisation de Kobili Traoré, y compris en prison. Il est possible qu'elles n'apparaissent pas de manière très complète dans le dossier.

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Les recherches relatives au passé de Traoré apparaissent dans le dossier, mais elles ne concernent pas le dernier mois qui a précédé son crime. Or vous saviez qu'il se rendait à la mosquée plusieurs fois par jour.

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N

Les recherches réalisées n'ont pas permis de prouver la radicalisation de Traoré. Il convient de prendre l'ensemble des témoignages en considération et plusieurs s'accordent sur le comportement particulier, voire « délirant », de M. Kobili Traoré dans les deux jours qui ont précédé les faits.

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Les premiers témoignages indiquent que Traoré était très calme après les faits. Plus tard, les témoins sont revenus sur leurs premières déclarations et affirmé qu'il était très agité.

Par ailleurs, lorsqu'il arrive sur les lieux, il explique à la famille Diarra qu'il ne leur en veut pas, il fait ses ablutions, il se lave, récite des sourates du Coran, etc. Ces éléments témoignent d'une certaine radicalisation.

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N

Par moments, il est très calme ; à d'autres, il est très agité. Il n'a pas un comportement normal. Il a poursuivi et menacé l'aide-soignante de sa sœur handicapée en affirmant être persécuté. L'audition de cette femme est explicite. Les éléments du dossier démontrent que Kobili Traoré a manifestement un problème avec les femmes.

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Avez-vous envisagé de placer Abdelkader Rabhi en garde à vue ? Avez-vous perquisitionné son domicile ?

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N

Je ne me souviens pas exactement du moment auquel il a été entendu.

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N

Ces investigations n'ayant pas été réalisées immédiatement, elles ne présentaient plus tellement d'intérêt ensuite.

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En perquisitionnant l'appartement des Diarra, la police a retrouvé dans le salon une paire des baskets blanches, des chaussettes blanches, un caleçon noir, une casquette noire, une veste grise et une serviette qui n'appartenaient pas à la famille et l'enquête a montré que ces affaires appartenaient à Kobili Traoré. Or nous savons que lorsqu'il est arrivé, il était pieds nus et portait ses chaussures à la main. Avez-vous mené des investigations sur la façon dont ces affaires ont été apportées chez les Diarra ?

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N

Comment imaginez-vous que nous puissions mener des investigations dans ce sens ? Les réponses seront apportées par les auditions.

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Cette commission d'enquête parlementaire tente d'identifier les dysfonctionnements.

Nous savons que Traoré s'est rendu chez les Diarra pour la première fois de sa vie la veille des faits afin de déposer les enfants de sa sœur, mais la famille ne se souvient pas qu'il ait déposé des affaires chez eux. Sa mère a affirmé à plusieurs reprises qu'il portait deux sacs, dont un blanc. La façon dont ses affaires ont été déposées chez les Diarra n'a pas été élucidée. Cette visite de la veille apparaît comme une coïncidence étonnante. Il a dormi dans le seul appartement à partir duquel il pouvait, au cours de la nuit, descendre directement chez les Diarra, voisins immédiats de Mme Halimi. Le matin du crime, il dit « Ce soir, ce sera terminé ». Nous tentons donc de savoir comment ses affaires se sont retrouvées chez les Diarra.

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N

Le travail de la police judiciaire consiste en premier lieu à être au service des victimes. Elle cherche la vérité pour éclairer le plus possible les circonstances d'un crime. Il va de soi qu'en l'occurrence elle a mené des investigations dans toutes les directions. Les constatations effectuées sur la scène de crime et dans l'appartement des Diarra sont très précises, notamment pour ce qui concerne les vêtements trouvés dans cet appartement.

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Nous savons que Traoré n'est pas arrivé sur les lieux avec ces vêtements.

Nous comprenons que dans des circonstances aussi dramatiques, chacun a fait de son mieux. Cependant, la commission s'interroge quant à une éventuelle préméditation du crime, rendue possible par le dépôt préalable de ses affaires par Traoré chez les Diarra. La question est importante.

Les psychiatres ont formellement confirmé les bouffées délirantes dont Traoré a été victime. Toutefois, le Dr Zagury, éminent psychiatre, a affirmé que l'état de Traoré n'excluait pas sa comparution devant une cour d'assises de la République.

J'ai la conviction, partagée par plusieurs commissaires, que ce crime était prémédité.

Traoré a déclaré à la juge que la fenêtre de Mme Halimi était ouverte. Or lorsque nous nous sommes rendus sur place, nous avons constaté que la porte-fenêtre avait été forcée. L'aviez-vous également constaté ?

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N

Les constatations faites ne montrent pas d'effraction de la porte-fenêtre.

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Nous avons pris des photographies qui le démontrent et les six parlementaires présents ont constaté la présence de traces d'effraction. En outre, certaines auditions ont confirmé que Mme Halimi avait peur et ne dormait jamais sans avoir fermé ses fenêtres. Vous êtes-vous rendu sur place ?

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Nous avons également constaté que la partie du balcon des Diarra mitoyenne était très encombrée, alors qu'il était dégagé de l'autre côté. Traoré savait manifestement comment atteindre l'appartement de Mme Halimi et il nous paraît évident que la porte-fenêtre a été forcée.

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N

Les constatations ont été réalisées immédiatement et menées avec des moyens techniques d'identité judiciaire, notamment des appareils photographiques qui fixent les lieux.

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L'enquête a démontré qu'un trousseau de clés a été envoyé aux premiers policiers arrivés sur les lieux. Pour quelle raison les premières auditions font-elles mention d'un vigik et non pas d'un trousseau de clés ? Est-ce que la personne qui a retranscrit la déposition a écrit « vigik » alors que le policier a dit « trousseau de clés » ?

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N

Nous n'avons aucune raison de travestir la vérité dans la transcription d'une audition et d'écrire « vigik » si « trousseau de clés » a été dit.

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Le policier a reconnu qu'il disposait d'un trousseau de clés. Or, à plusieurs reprises, la procédure fait mention d'un vigik au lieu de clés.

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N

Je suppose que le policier a mentionné le vigik comme le moyen dont il avait disposé pour pénétrer dans l'immeuble. Lui seul est capable de décrire les faits qu'il a vécus.

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Contrairement à ce que mentionne la procédure, la porte des Diarra n'a pas été fracassée.

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N

Les premières constatations montrent que la porte d'entrée des Diarra a été forcée.

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Les photos dont nous disposons prouvent le contraire. En outre, le brigadier-chef avait les clés.

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N

La police judiciaire intervient plus tard dans une procédure. Je ne peux donc pas évoquer les détails de la première intervention. Il est facile de réécrire l'histoire plusieurs années plus tard.

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Avez-vous compris pourquoi une heure s'est écoulée entre le moment où les policiers sont arrivés sur place et celui où ils sont entrés chez les Diarra ?

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N

L'enquête que nous avons menée visait également à comprendre les circonstances de cette intervention. Deux interventions distinctes ont été sollicitées de manière distincte pour des faits de séquestration, d'une part, et d'homicide, d'autre part. Nous avons tenté d'établir une chronologie très précise du déroulement des interventions.

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Vous avez constaté la présence sur place de vêtements qui n'appartenaient pas à la famille Diarra. Nous savons que Traoré s'est lavé les pieds dans un lavabo, qu'il a fait ses ablutions et récité des sourates du Coran. Ces éléments nous apparaissent comme des signes d'une adhésion religieuse radicale. Pour quelle raison ne les mentionnez-vous pas à la procureure, Mme Johanna Brousse, sur les lieux ?

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N

Je ne pense pas que les policiers aient manifesté une quelconque volonté de cacher des éléments à la procureure qui se transportait sur place. Cela ne me paraît même pas possible. Étant sur place, elle était obligatoirement en contact avec l'ensemble des intervenants, policiers et témoins. Un magistrat est systématiquement diligenté sur place pour voir le corps, constater la situation et donner les orientations de l'enquête. Il est évident que rien n'a pu lui être caché.

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La question de la téléphonie reste prégnante et elle nous interpelle. Vous avez diligenté une enquête judiciaire et mené des auditions à votre propre initiative. Par la suite, avez-vous été mandaté par le magistrat instructeur pour organiser des auditions complémentaires ?

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N

Dans toute instruction judiciaire, le juge d'instruction est en mesure de solliciter, oralement ou par écrit, des investigations particulières. Les parties et les avocats des parties sont également autorisés à produire des demandes d'actes. Elles sont transmises au juge d'instruction qui les réalise lui-même ou nous sollicite pour les réaliser.

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Les magistrats en charge de l'instruction ont-ils refusé certains des témoignages que vous aviez recueillis et qui vous semblaient utiles ?

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N

À ma connaissance, aucune investigation particulière ou demande d'actes n'a été refusée.

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L'absence de reconstitution des faits vous a-t-elle surpris ?

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N

La décision ne nous appartenait pas. En outre, la reconstitution n'est pas systématique. Cet acte est laissé à l'appréciation du juge d'instruction.

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Lorsque l'auteur d'un crime est suspecté de troubles psychiatriques, les enquêtes sont-elles menées différemment ?

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N

Non. Nous agissons sur commission rogatoire du juge d'instruction. L'instruction et l'enquête de police sur commission rogatoire constituent des modalités très distinctes. Lorsque l'enquête est terminée, l'instruction se poursuit dans le cabinet du juge d'instruction.

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Estimez-vous qu'une reconstitution aurait été utile ?

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N

La décision revient au juge. La police n'a pas connaissance de l'ensemble des éléments dont dispose le juge d'instruction. Je ne peux donc pas répondre à votre question. Je ne suis pas en mesure de dire si une reconstitution aurait été utile dans ce dossier. La reconstitution est souvent réalisée en matière d'homicide. Je suppose que le juge d'instruction disposait d'éléments qui lui permettaient de ne pas ordonner une reconstitution. Il n'est pas de mon ressort d'apprécier le bien-fondé de sa décision.

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Vous nous avez indiqué que votre enquête visait à déterminer le plus précisément possible la chronologie de l'intervention des forces de police. Plusieurs témoins ont appelé le 17 et certains ont affirmé avoir précisé qu'il était possible d'accéder au balcon de Mme Halimi de chez eux. La communication entre les policiers qui se trouvaient déjà sur place et ceux qui ont reçu les appels a-t-elle été conforme ?

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N

La conformité dépend de la configuration des lieux et des demandes qui concernaient a priori des évènements distincts qui se déroulaient à des adresses différentes, dont la proximité géographique n'était pas évidente sur le moment. Il est facile de remettre le déroulement des faits en question avec le recul et la connaissance dont nous disposons aujourd'hui.

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Un policier qui se trouvait derrière la porte des Diarra dit avoir entendu des cris de femme. Dans sa déposition, il dit : « mes collègues vous diront que ce sont des cris d'homme, mais ce sont des cris de femmes. ». Les fonctionnaires de la BAC descendent dans la cour. Il y a des hurlements. Cela a duré une dizaine de minutes. D'autres policiers se rendent dans la cour. Il s'est écoulé suffisamment de temps pour qu'ils puissent en conclure que les deux évènements n'en étaient finalement qu'un.

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N

Il m'est difficile de répondre à leur place. Ils sont arrivés rapidement sur les lieux. Ces fonctionnaires de police ont l'habitude de réagir très vite. Ils ont probablement jugé qu'ils n'avaient pas la possibilité d'agir vite. En revanche, il est avéré qu'ils n'ont pas immédiatement réalisé que les deux évènements étaient liés. La relation n'était pas aussi évidente qu'elle l'est désormais, avec le recul. On ne peut pas imaginer qu'ils ne soient pas intervenus s'ils avaient eu connaissance de l'horreur et de la violence des faits qui se déroulaient à l'encontre d'une femme.

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Les deux policiers qui se trouvaient sur place ont confirmé avoir entendu des cris de femme, s'être rendus dans la cour et être restés à couvert pour ne pas s'exposer. Nous comprenons qu'ils aient pu redouter un acte terroriste. Force est de constater qu'ils ont entendu les cris de Mme Halimi et qu'ils ne sont pas intervenus. Avez-vous été informés de ces faits lors de votre arrivée sur les lieux ?

Par ailleurs, le caractère antisémite du crime vous est-il apparu immédiatement comme une évidence ?

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N

Le sens de l'enquête consiste à établir les circonstances de faits dans toutes leurs dimensions. Le caractère antisémite est apparu au cours de l'enquête, en fonction de différents éléments mis en exergue, mais il était difficile de le caractériser d'emblée.

En revanche, il était évident que Traoré savait que Mme Lucie Attal était de confession juive. L'enquête a établi le lien entre différents éléments distincts.

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Sur le moment, quel fut votre propre sentiment à ce sujet ? Le caractère potentiellement antisémite vous a-t-il traversé l'esprit ?

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N

Une telle appréciation nécessite du temps. Lorsqu'on arrive sur les lieux, on ne dispose d'aucun élément. Ils apparaissent au fil de l'enquête : Kobili Traoré habite sur place, il connaît Mme Halimi…

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Notre commission a pour objectif d'identifier d'éventuels dysfonctionnements. Or il me semble, à titre personnel, que certaines affirmations ne sont pas confirmées par la procédure.

La question du vigik demeure problématique. Je rejoignais M. le Président lorsqu'il s'agissait d'une question posée, mais j'entends aujourd'hui dans cette commission une affirmation selon laquelle les clés auraient été envoyées aux policiers. Or la cote D 367, l'audition de Mme Hetan Diarra, fait état de la remise d'un vigik par les policiers intervenants dont elle prend acte de la restitution. Cette question est importante, mais il n'est pas acceptable, dans le cadre de cette commission, de procéder à des affirmations dès lors que des éléments concrets de la procédure les infirment.

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Lors de son audition devant cette commission, M. Diarra a affirmé à plusieurs reprises avoir envoyé des clés, ce que le primo-intervenant a confirmé.

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J'étais présente lorsque vous avez auditionné le policier qui vous a indiqué ne pas se souvenir que des clés lui aient été envoyées. Quoi qu'il en soit, c'est un vigik qui a été rendu à la famille Diarra et non pas des clés. En outre, de nombreuses pièces indiquent l'utilisation d'un door-raider.

Par ailleurs, plusieurs pièces de la procédure montrent que des investigations ont été menées sur la téléphonie, que les opérateurs ont été interrogés et qu'aucun téléphone n'a été retrouvé au nom de M. Traoré.

Je me permets cette intervention parce que je pense qu'il est de notre devoir d'être prudents lorsque nous posons les questions et que nous ne pouvons pas poser des affirmations lorsque les questions demeurent.

Commandant, pourriez-vous nous préciser le cadre dans lequel vous êtes intervenu ?

À quel moment la juge d'instruction vous a-t-elle réquisitionné pour l'enquête de voisinage ?

Dans quel délai avez-vous pu procéder aux auditions ?

Selon quelles modalités les personnes sont-elles convoquées à ces auditions ?

Quelle est la procédure applicable lorsqu'elles ne répondent pas à cette convocation ?

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N

Les investigations ont débuté immédiatement par les constatations, les perquisitions et les auditions des personnes présentes sur les lieux et du voisinage. L'enquête de voisinage a commencé le matin même des faits et elle a été prolongée par la suite, dans un périmètre élargi, pendant l'enquête de flagrance, sur une dizaine de jours, voire au-delà.

L'enquête de voisinage consiste à rencontrer les personnes qui se trouvaient sur les lieux au moment des faits. Si nous ne pouvons pas procéder immédiatement à ces entretiens, nous laissons des convocations afin d'entendre les personnes au cours des jours suivants, en fonction des éléments qu'ils peuvent apporter ou non. Nous avons procédé à des auditions tout au long de ces enquêtes de voisinage plurielles.

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Je tiens à rappeler que les membres de cette commission d'enquête ne cherchent absolument pas à incriminer les forces de l'ordre ni à leur donner des leçons. Ils ne souhaitent pas paraître exagérément et inutilement polémiques ou critiques à l'encontre des forces de l'ordre. Nous tenons à être extrêmement clairs et à affirmer et réaffirmer notre soutien aux forces de l'ordre pour lesquelles j'éprouve personnellement un très profond respect.

Cette commission d'enquête vise à éclairer les zones restées un peu obscures dans l'affaire Sarah Halimi, sans avoir la prétention de refaire l'instruction ou le procès, mais dans la plénitude des prérogatives attribuées à une commission d'enquête parlementaire.

S'agissant de la reconnaissance du caractère antisémite de ce crime, les policiers sont unanimes sur l'affirmation selon laquelle ils ont entendu un homme parler en arabe. Plusieurs d'entre eux évoquent des prières, sans être en capacité de comprendre les mots ou les formules entendues. En outre, la confession juive de Mme Halimi était connue.

N'ayant trouvé aucun téléphone portable, avez-vous procédé à des recherches sur les réseaux sociaux d'éventuelles traces qu'aurait pu laisser M. Traoré ?

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N

La formule « Allahou Akbar » ne traduit pas obligatoirement de l'antisémitisme. D'autres meurtriers ont prononcé ces mots sans lien avec l'antisémitisme et à l'encontre de victimes catholiques ou musulmanes. L'antisémitisme ne peut pas être apprécié uniquement sur cette formule.

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Certes, mais la confession juive de la victime était avérée et connue. Il est d'ailleurs rapidement apparu que M. Traoré savait que Mme Halimi était de confession juive. Ce constat a-t-il déclenché des recherches plus poussées sur les réseaux sociaux ?

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N

Nous avons procédé à des recherches sur les réseaux sociaux, sur les différents et multiples profils Facebook de Kobili Traoré. Nous avons mené une expertise sur la tablette utilisée par Kobili Traoré et une partie de sa famille.

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Ces recherches n'ont pas été effectuées immédiatement, mais au mois de novembre. Les policiers ont immédiatement saisi le portable de Mme Halimi. En revanche, ils ont trouvé de nombreux téléphones qu'ils n'ont pas placés sous scellés. Ce constat me semble regrettable.

Je confirme que nous éprouvons le plus grand respect pour la police qui nous est fort utile tout au long de notre vie. Chacun de nous en est conscient. Néanmoins, dans ce cas précis, il me semble que vous auriez dû placer ces téléphones portables sous scellés pour les investiguer et, ensuite, rendre ceux qui ne contenaient aucun élément utile à l'enquête.

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N

Nous n'avons pas trouvé le téléphone de Kobili Traoré. Nous connaissons les lignes téléphoniques des différents membres de sa famille et il est possible d'investiguer à partir de ces informations.

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N

Nous avons procédé à des recherches en téléphonie, mais nous n'avons pas trouvé le téléphone de Kobili Traoré et nous ne pouvions donc pas étudier ses fadettes.

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Cet homme avait des dizaines d'amis et il était très bavard. Honnêtement, il ne me paraît pas insurmontable de retrouver son numéro de téléphone. Il est probable que ce numéro figurait dans les nombreux téléphones que vous avez trouvés ce jour-là et que vous n'avez pas saisis.

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N

Nous avons recherché et trouvé une ligne que Traoré utilisait de manière très occasionnelle. Il n'est pas établi que Traoré disposait d'une ligne téléphonique et d'un téléphone au moment des faits.

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Selon vous, Traoré ne possédait pas de téléphone ?

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N

Ce n'est en effet pas du tout évident. Son comportement délinquant et anormal au cours des jours qui ont précédé les faits ne permet pas d'affirmer qu'il disposait d'un téléphone à cette période.

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L'audition du président du BNVCA nous a révélé qu'il s'est livré à un racket sur un garagiste. Bien qu'il n'ait eu aucun antécédent psychiatrique avant la bouffée délirante constatée et avérée au cours de l'enquête, il était connu comme un délinquant et il possédait probablement un téléphone. En 2017 déjà, la majorité de la population française disposait d'un téléphone portable.

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N

Certains délinquants ne possèdent pas de téléphone et n'en utilisent pas afin de ne pas être repérés. Kobili Traoré vivait dans son quartier et rencontrait des habitants de son quartier. Nous avons exploité la ligne que Traoré utilisait occasionnellement et pas du tout de façon continue.

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Nous essayons de comprendre pourquoi une femme a été massacrée pendant une douzaine de minutes sans que des policiers qui se trouvaient sur place n'interviennent et pourquoi le caractère terroriste islamiste n'a pas été retenu alors que le dossier contient de nombreux éléments de scènes confirmant la radicalisation de Traoré.

Je pense également que Traoré ne s'est pas rendu par hasard chez Mme Halimi et qu'il a prémédité son geste. D'ailleurs, quel est votre avis sur une éventuelle préméditation ?

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N

L'ensemble des investigations que nous avons menées a montré que Traoré avait un comportement qui n'était plus normal au cours des jours qui ont précédé les faits. Ce comportement n'allait pas dans le sens d'actes réfléchis permettant de déduire une éventuelle préméditation. Il ne nous appartenait pas de traduire cette anormalité en termes psychologiques et psychiatriques.

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Plusieurs membres de cette commission pensent que ce crime a pu être prémédité. Avez-vous investigué dans ce sens au-delà de la bouffée délirante ?

Le lendemain des faits, un expert psychiatrique a conclu que Traore n'était pas en état de subir une garde à vue, mais il s'est écoulé beaucoup de temps avant qu'il soit procédé à de nouvelles expertises médicales qui ont conclu à une altération, partielle, dans un premier temps, totale, dans un second temps, du discernement.

Nous nous sommes rendus sur place, nous avons vu la porte-fenêtre cassée. Vous avez été sur place.

Vous êtes-vous rendu au domicile des témoins voisins qui ont partiellement assisté à cet assassinat ? Ils ont suggéré aux forces de police de venir chez eux.

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N

Je ne me suis pas rendu au domicile des témoins que vous évoquez, qui apparaissent chez l'opérateur téléphonique du 17, mais ne sont pas en communication directe avec les policiers sur place. La difficulté réside dans la manière de retranscrire les éléments collectés par l'opérateur du 17 aux effectifs qui se trouvaient sur les lieux.

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Est-il possible d'améliorer cette communication ?

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N

Ce n'est pas de mon ressort et je ne me permettrais pas de suggérer des pistes d'amélioration puisque la police judiciaire n'est pas primo-intervenante et qu'elle intervient par la suite. En revanche, police secours dispose de moyens radio pour communiquer avec les effectifs sur les lieux.

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Je reconnais qu'il est plus facile de débattre lorsque l'histoire est passée et déjà écrite. Nous avons néanmoins souhaité cette commission d'enquête, importante pour que la représentation nationale comprenne ce qui s'est passé.

Est-il d'usage que vous interrogiez vos collègues primo-intervenants et avez-vous procédé à ces entretiens, de manière formelle ou non ?

Lors de l'enquête que vous avez menée sur la personnalité de Traoré, des témoins ont-ils évoqué son éventuelle radicalisation islamique ou son antisémitisme ?

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N

Un des objectifs de notre enquête a consisté à établir le plus précisément possible les circonstances de l'intervention de nos collègues afin de mieux comprendre le déroulement des faits. Dans ce cadre, nous avons procédé aux auditions de l'ensemble des intervenants successifs, primo-intervenants et BAC de nuit.

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Quelles conclusions avez-vous tirées de ces entretiens ?

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Ces auditions sont formelles dans le cadre d'une procédure judiciaire initiale liée à l'enquête de flagrance et, ensuite, dans le cadre de la commission rogatoire. L'audition est réalisée comme si elle l'était par les juges d'instruction eux-mêmes. L'ensemble des propos recueillis est consigné dans le rapport d'audition.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

N'aurait-il pas été souhaitable de placer Abdelkader Rabhi et certains membres de la famille Traoré en garde à vue ?

Par ailleurs, la mise sous scellés des téléphones trouvés sur place n'aurait-elle pas permis de savoir si Traoré avait communiqué avec leur propriétaire au moyen de lignes téléphoniques qui, de fait, n'ont pas été identifiées ?

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N

La mise en garde à vue impose la présence d'indices laissant penser que la personne a commis une infraction. En l'occurrence, Kobili Traoré était l'auteur des faits et nous n'avons établi aucune complicité d'action ou de coaction parmi les personnes présentes. Aucune d'entre elles n'a agi avec Kobili Traoré dans le crime.

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Abdelkader Rabhi indique que lorsqu'il s'est rendu compte, à une heure du matin, que Traoré était parti, il l'a cherché et ne l'a pas trouvé. Traoré a peut-être informé son ami, ses voisins, sa famille de ses intentions criminelles. Toute de suite la famille Diarra a appelé la police, tout de suite elle a envoyé le vigik et, je confirme, des clefs. Jusqu'à ce jour, Traoré n'avait tué personne.

Savez-vous si Traoré avait informé qui que ce soit de ses intentions ?

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Les auditions ont seulement montré que Kobili Traoré affichait un comportement anormal depuis au moins quarante-huit heures.

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Par les auditions réalisées, par l'agression de l'aide-soignante de sa sœur.

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Il a craché dans sa bouteille parce qu'elle n'était pas musulmane, ce qui dénote une radicalisation.

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Il a poursuivi cette femme dans la rue. Il l'a menacée. Ce sont les éléments qui sont ressortis des différentes auditions et des investigations réalisées à ce moment-là.

La réunion se termine à quinze heures vingt. Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Présents. – Mme Laetitia Avia, Mme Camille Galliard-Minier, M. Meyer Habib, Mme Constance Le Grip, M. Richard Lioger, Mme Florence Morlighem, M. François Pupponi, M. Julien Ravier

Excusés. – Mme Aude Bono-Vandorme, M. François Jolivet, M. Aurélien Taché